Le 106e Régiment d'Infanterie de Ligne
1796-1815
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/ Organisation de la 106e Demi-brigade de Ligne
La 106e Demi-brigade de deuxième formation a été formée en 1796 (Arrêté du 18 Nivôse an 4) des unités suivantes :
- 35e Demi-brigade de première formation
La 35e demi-brigade de première formation avait été formée des unités suivantes :
- 1er Bataillon du 18e Régiment d’infanterie (ci-devant Royal Auvergne)
Royal-Auvergne (18e), ci-devant Gatinois, formé du dédoublement d'Auvergne en 1776; 18e Régiment en 1789; 18e régiment en 1791.
Il a fait les campagnes de 1792 et 1793 à l'armée du Nord ; 1794 en Italie.
Lors du premier amalgame, son 1er Bataillon entre dans la composition de la 35e Demi-brigade de première formation ; son 2e Bataillon entre dans la composition de la 36e Demi-brigade de première formation.
- 3e bataillon de la Meurthe
Formé le 18 août 1791; son Chef est Tricotel.
- 5e bataillon de la Meurthe.
Formé le 1er octobre 1791; son Chef est Desprès.
Cognet, futur Abbé et futur Chanoine de la Cathédrale de Soissons, a laissé des souvenirs concernant ses débuts en tant que Volontaire (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881). Il ne précise pas dans quelle unité il s'est enrôlé, mais seulement que son Bataillon a été incorporé dans le 5e de la Meurthe.
Le 9 Vendémiaire an 2 (30 septembre 1793), Cognet écrit, su camp de Bohéries, dans l'Aisne, écrit à sa famille : "Nous n'avons pas eu beaucoup de chemin à faire pour arriver en face de l'ennemi ! Grâce à la défection de Dumouriez et aux revers de notre armée du Nord, il occupe en force une assez notable partie de notre département, d'où il ne sera peut-être pas facile de le déloger ... Dans tous les cas, je m'empresserai de vous tenir au courant de ce qui se passera d'intéressant sous mes yeux ...
Nous avions le coeur bien gros en quittant nos parents, nos amis mais peu à peu la marche au bruit des tambours fit diversion à notre chagrin, enhardit les plus timides. Nous cheminions depuis une heure à peine, quand un incident burlesque nous fit oublier momentanément l'amertume de la séparation, l'incertitude menaçante de l'avenir.
Après avoir assez rapidement franchi quelques collines, nous passions le long d'une vigne, auprès de laquelle se tenait en faction un paysan armé, d'une perche qu'il portait gravement sur l'épaule comme un fusil. Sa fière attitude mit en gaieté bon nombre de mes jeunes camarades; ils commencérent aussitôt à décrocher, chemin faisant, quelques grappes. Il fallait voir alors le malencontreux gardien se porter, en criant, en jurant, sur les divers points attaqués, y faire de sérieuses démonstrations de défense, et provoquer ainsi un assaut général dans lequel il eût infailliblement succombé, sans l'intervention de nos chefs et des plus sages d'entre nous. Ce petit incident suffit pour nous tenir en joie pendant le reste de la marche.
En arrivant à X... nous commençâmes à prendre une allure guerrière, et bientôt les auberges et les cafés furent combles. Il fallait bien se délasser un peu des fatigues de cette première journée, écarter ces tristes pensées qui reviennent si naturellement à l'esprit du jeune soldat, quand au sortir des bruyants ébats du bataillon, il tombe dans l'isolement d'un gîte étranger, où il ne retrouve rien des habitudes de la famille ! ...
Après deux autres journées de marche, nous arrivâmes à Guise tout décidés. Je ne veux pas dire tout aguerris; il faut réserver cette expression pour une autre époque qui, par le temps qui court, arrivera probablement assez vite.
Depuis hier matin, nous occupons, non loin de là, le camp de Bohéries avec un certain nombre de nouveaux bataillons et quelques vieilles troupes. Nous entendons de temps à autre des coups de
fusil, mais de très loin. Jusqu'à nouvel ordre, l'ennemi a respecté notre inexpérience" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 1).
Le 22 octobre 1793 (1er Brumaire an 2), Cognet écrit, depuis Avesne, à sa famille : "Nous étions bien tranquilles dans notre camp de Bohéries, quand un incident aussi fâcheux qu'inattendu vint, au bout de quelques jours, y mettre tout en émoi. A la tombée de la nuit, quelques-uns de nos jeunes soldats ayant cru apercevoir une colonne ennemie, qui aurait pénétré jusqu'à nos lignes en se glissant à travers les avant-postes ! crièrent aux armes ! Il en résulta, parmi les nouveaux bataillons, une panique qui heureusement fut bientôt dissipée, grâce à la bonne contenance des vieilles troupes.
Les auteurs de cette alerte avaient pris des têtes de saules élagués pour des Autrichiens surprenant notre camp !
J'étais honteux et indigné de cette échauffourée qui avait commencé dans notre bataillon, sans qu'il fût possible de l'empêcher. Il est vrai que le seul des chefs qui eût déjà servi était le commandant, dont tous les efforts furent inutiles. Les autres étaient, comme moi-même, des jeunes gens nommés à l'élection, sans expérience et sans autorité réelle. Quand le calme commença enfin à se rétablir, je me dirigeai avec un de mes intimes vers un bataillon d'anciens, déjà rentrés dans leurs tentes. J'y trouvai un homme de sens et plein de l'esprit du métier, qui me démontra combien cette panique était absurde; qu'il était impossible qu'un camp bien couvert comme était le nôtre, fut attaqué de jour sans engagement préalable.
Nous n'avons pas séjourné longtemps à Bohéries. L'armée anglaise venait d'être complétement battue à Hondschoote. Pour contre-balancer cet échec, les Autrichiens et leurs alliés passèrent la Sambre, refoulèrent nos troupes, investirent Maubeuge et son camp retranché. Ce mouvement avait coupé toute communication entre Avesnes et Landrecies. Avesnes pouvait être attaqué d'un jour à l'autre. On s'est hâté d'y envoyer plusieurs bataillons; le mien est du nombre.
Nous y arrivâmes le soir même (5 octobre). La place étant déjà encombrée, on nous fit rétrograder jusqu'à Etroeungt où nous restâmes deux jours. Cependant une forte avant-garde alla occuper le bois dit la Haye d'Avesnes, du côté le plus exposé, et nous fûmes rappelés en ville. Tout y était en émoi ; l'arrivée de l'ennemi semblait imminente, et la plupart des renforts espérés n'arrivaient pas. "Serons-nous attaqués ? et, si nous le sommes, serons-nous secourus à temps ?" Tel fut, pendant plusieurs jours, le sujet constant de nos préoccupations et de nos entretiens.
Elle parut enfin, l'armée libératrice. Le 12 octobre, un premier corps de 12 à 15,000 hommes arriva et campa sous le canon de la place. Dès le lendemain matin, cette avant-garde se portait au delà du bois déjà occupé parl'avant-garde, et se trouvait en présence des Autrichiens, campés et retranchés près de Wattignies, entre Avesnes et Maubeuge. Pendant ce temps, le gros de l'armée du Nord débouchait et prenait à son tour position sous Avesnes.
Le lendemain 14, l'avant-garde ayant enlevé les postes avancés de l'ennemi, l'armée entière s'ébranla et fit ses dispositions pour engager une affaire générale. Mon bataillon était resté en arrière pour le service de la place. Nous ne prîmes donc aucune part à la bataille du 15. La fusillade et la canonnade ne discontinuèrent pas de la journée ; aussi il nous arriva le soir une énorme quantité de blessés. L'ennemi avait perdu du terrain. Il manoeuvra toute la nuit pour se mettre en mesure de le regagner, et obtint en effet quelques avantages dans la matinée du 16. Mais il dut céder enfin à l'énergie des attaques dirigées simultanément sur tous les points de sa ligne. Il battit précipitamment en retraite la nuit suivante, et nos troupes ont repris aussitôt la ligne de la Sambre.
Il paraît que nous resterons ici cet hiver ..." (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 4).
Cognet note par ailleurs : "Cet hiver fut plus meurtrier pour nous que n'eût été la bataille. Les premières fatigues de la guerre, et la mauvaise qualité des aliments, avaient déjà produit de larges vides dans nos rangs. Une cruelle épidémie de dyssenterie se déclara bientôt parmi nous ; j'en fus moi-même atteint, et obligé d'entrer à l'hôpital. Comme on était encombré de malades, j'obtins facilement la permission d'aller me faire soigner chez mes parents. Je n'y restai que le temps strictement nécessaire à mon rétablissement,et je ralliai mon bataillon dès les premiers jours de janvier l794" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 7).
Le 15 janvier 1794 (26 Nivôse an II), Cognet écrit, depuis Prisches, à sa famille : "Je n'ai pas retrouvé mon bataillon à Avesnes. On l'avait, depuis peu, dirigé sur Prisches (Presches) près Landrecies. C'est là que j'ai rejoint mes camarades. dont l'organisation venait d'être complétement modifiée par suite d'une mesure qui s'étend à toute l'armée.
Deux considérations graves ont déterminé ce changement. D'une part, la dernière campagne avait notablement affaibli les cadres de l'autre, les bataillons de réquisition manquaient tout à la fois d'instruction et d'expérience. On a donc fait sagement de les répartir entre les divers régiments ou bataillons ayant fait campagne. Ce qui a rendu cette incorporation un peu dure, c'est la perte des grades conférés, par les compagnies elles-mêmes, lors du départ, aux jeunes gens de leur choix, grades que les titulaires espéraient bien conserver ...
Notre bataillon ayant été incorporé au troisième de la Meurtbe, nous nous trouvons, à Prisches, amalgamés avec des Lorrains, sans être pourtant séparés de nos camarades, car chacune de nos compagnies est entrée toute entière dans celle du susdit bataillon, portant le numéro correspondant. J'étais bien un peu vexé de perdre, mon grade, mais il a bien fallu en prendre mon parti comme les autres.
Jusque-là, il faut bien l'avouer, nous avions connu la vie commune, mais pas du tout la vie militaire. Nous y voici maintenant tout à fait initiés. Exercices, revues, service, tout se fait avec l'ordre le plus sévère. Les anciens sont contents de nos progrès, et affirment que d'ici à très peu de temps, nous serons en état de les seconder.
Prisches, où nous sommes cantonnés avec un corps de cavalerie, est un grand village situé au-dessus et en arrière de Landrecies, à une lieue environ de la Haute-Sambre, dont l'ennemi tient
la rive gauche par les villages d'Ars et de Catillon. Il n'y a eu jusqu'ici, de ce côté, que de petites escarmouches, bonnes seulement à tenir la troupe en haleine. Selon toute apparence, les affaires vont prendre, d'ici à peu, une tournure autrement sérieuse" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 9).
Le 11 mars 1794 (21 Ventôse an II), Cognet écrit, depuis Le Sart, à sa famille : "Je ne suis resté qu'une vingtaine de jours à Prisches. Depuis, ma compagnie et deux autres ont été envoyées au poste d'où je vous écris, qui est à une lieue environ sur la gauche de Prisches, et plus rapproché de l'ennemi. Nous faisons là de rapides progrès, sous le double rapport de la tenue et des habitudes militaires. D'abord, nous avons deux exercices par jour; puis, nous faisons un service actif et extérieur, ce qui nous conduit souvent dans le voisinage de l'ennemi, et nous donne l'occasion d'entendre d'assez près le bruit des petits combats sur la Sambre. Aussi nous sommes constamment sur le qui-vive, et le service est rigoureusement surveillé" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 13).
Le 31 mars 1794 (11 Germinal an II), Cognet écrit, depuis Saint-Remy-en-Chaussée, à sa famille : "Depuis quelques jours, il s'opère un mouvement général de concentration sur les points les plus susceptibles de défense ou d'attaque; c'est la conséquence naturelle du retour de la belle saison. Ce mouvement s'est borné jusqu'ici, pour nous, à un changement de cantonnement. Nous avons quitté le Sart, le 22 de ce mois, pour nous rendre à Saint-Remy-en-Cbaussée, après avoir rallié le reste du bataillon, que nous avions laissé à Prisches.
Nous sommes ici à une lieue et demie de la Sambre, entre Maubeuge, Avesnes et Landrecies. Devant nous, sur la rive gauche et au pied de la forêt de Mormal, se trouve le bourg de Berlaimont, dont l'ennemi s'est fait un point d'appui. C'est une position très forte, dont nous ne saurions le déloger présentement, et d'où il pourrait venir insulter nos cantonnements et fourrager dans le plat pays.
Notre éloignement de Berlaimont rend la surveillance de ce point extrêmement pénible. Voici comment nous procédons. Les baraques et maisonnettes d'Aulnoye, qui est comme le faubourg de Berlaimont sur la rive droite, sont occupées par la moitié de notre bataillon qui relève tous les cinq jours l'autre moitié. De plus, tous les jours à deux heures du matin, le demi-bataillon qui n'est pas de garde se porte en avant de Saint-Remy, et n'y rentre qu'après avoir recueilli les rapports sur ce qui s'est passé dans la nuit à Aulnoye et aux alentours.
J'ai déjà fait une station à Aulnoye c'est un poste des plus incommodes. D'un côté, ce bourg de Berlaimont, couronné de sa belle forêt, domine au loin les deux rives. De l'autre, ces pauvres chaumières d'Aulnoye, où sont entassés quelques centaines de soldats, n'osant presque se montrer à un ennemi de beaucoup supérieur en nombre, et toujours prêt à faire le coup de fusil, tant il est agacéde nous voir si près de lui.
Il faut pourtant bien avoir des postes. Le jour, on tient de part et d'autre les factionnaires à distance. Mais la nuit, en raison du peu de largeur de la rivière, les sentinelles autrichiennes et les nôtres sont, pour ainsi dire, les unes sur les autres. Aussi elles échangent fréquemment des coups de feu, et n'ont pas une minute de tranquillité.
Pour ma part, je n'oublierai de longtemps ma faction nocturne sur les bords de la Sambre. Comme il fallait arriver en faisant le moins de bruit possible, on me donna ma consigne en route. Puis le caporal m'indiqua approximativement l'endroit où devait être posté, ou plutôt enfoui le factionnaire que nous allions relever. Je trouvai mon homme accroupi dans un trou profond d'environ deux pieds il me céda la place sans dire un mot. Après être resté quelque temps immobile, la curiosité l'emporte. Je me soulève, je regarde, et à la lueur d'un petit feu de bivouac ennemi, je reconnais que, sur l'autre rive, un trou semblable au mien renferme un Autrichien. Il s'établit alors une véntable pantomime entre lui et moi. Tout accroupis que nous étions, nos têtes dépassaient le niveau du sol. A diverses reprises, j'entendis dans l'eau, non loin de nous, un bruit qui me semblait incompréhensible. Par moments je me relevais pour tâcher. de découvrir ce qui remuait ainsi. J'apercevais alors l'Autrichien, qui se repliait dans son trou. Au bout de quelques minutes, le bruit recommençait, mon voisin, intrigué, surgissait de sa cachette, et moi je refaisais le plongeon dans la mienne. Monter la garde dans de pareilles conditions, n'est rien moins qu'une partie de plaisir. Il est vrai que nous ne sommes pas ici pour nous amuser.
Je venais à peine de terminer ma faction et de rentrer au poste, quand le bruit de plusieurs coups de fusil nous fit sortir précipitamment de la baraque qui nous servait de corps de garde. On tirailla pendant quelques minutes, et finalement nous vîmes sortir de la rivière deux soldats hollandais déserteurs. C'étaient les évolutions aquatiques de ces drôles, qui avaient tant tourmenté le pauvre factionnaire autrichien et moi.
Nos cinq jours de station à Aulnoye terminés, je ne fus pas fâché de revenir prendre à Saint-Remy un peu de repos; si toutefois on peut appeler repos les quelques heures que nous passons
sur la paille, en attendant que le tambour nous invite à nous réunir derechef, pour aller tous ensemble respirer le bon air de la campagne, deux ou trois heures avant le jour.
Mais il paraît que cela n'est que le commencement, et que bientôt j'aurai des choses plus graves à vous raconter, si ..." (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 13).
Le 2 mai 1794 (17 Floréal an II), Cognet écrit, depuis Maroilles, à sa famille : "Landrecies n'est plus ! Nous avons été les témoins impuissants de ce désastre. Je vous écris en présence et, pour ainsi dire, à la lueur de l'incendie qui vient de faire de cette ville un monceau de ruines et, pour comble de malheur, ces ruines restent au pouvoir de l'étranger ! A l'effroyable bruit d'un bombardement de cinq jours, a succédé un silence de stupeur. N'ayant plus rien à faire ici, nous allons sans doute être reportés sur un autre point. Mais, malgré l'échec qui signale malheureusement notre entrée en campagne, rien n'est désespéré. Nous avons fait notre devoir, et ce cruel incident, loin de décourager les Français, a plutôt stimulé leur ardeur.
Voici ce qui s'est passé.
Les mouvements de l'ennemi sur la Sambre, commençaient à nous inquiéter sérieusement. Déjà, plusieurs fois, il avait franchi cette rivière, forcé nos lignes sur différents points, et intercepté les communications entre Guise et Landrecies.
Notre tour étant revenu de stationner à Aulnoye, nous n'y occupâmes plus les baraques où l'on était si mal à l'aise. Nous nous établîmes en plein air, sur les hauteurs parallèles à Berlaimont, hauteurs où l'on construisait alors quelques ouvrages de campagne. Bientôt il nous arriva du canon, et l'on commença à montrer les dents à MM. les Autrichiens. Nous fûmes cependant remplacés de nouveau à Aulnoye, mais une violente offensive de l'ennemi nous y ramena bientôt.
En effet, le 24 avril, les Autrichiens passèrent en force la Haute-Sambre, refoulèrent nos troupes dans toutes les directions, et investirent complétement Landrecies par les deux rives. On put craindre alors qu'un autre corps ennemi ne fît par Berlaimont une fausse attaque, ou même une attaque véritable pour distraire une partie de nos forces,et nous empêcher de secourir la place assiégée. On nous reporta donc sur Aulnoye dans la nuit du 24 au 25, avec d'autres troupes, de manière que l'ennemi y trouvât à qui parler. Le 25 au matin, nous eûmes en effet sur ce point un engagement meurtrier et indécis.
Mais les événements se précipitaient; la ville menacée réclamait un prompt secours. Laissant donc à Aulnoye une force suffisante pour s'y maintenir, on dirigea le reste des troupes sur Landrecies. Vers minuit nous arrivions à Maroilles; tout semblait présager pour le lendemain une affaire générale.
Le feu commença en effet le 26, dès la pointe du jour. L'ennemi avait tout l'avantage des positions. Par la forêt de Mormal, il dominait et menaçait la basse ville. Par les hauteurs de la rive droite dont il s'était emparé la veille, hauteurs que j'appellerai le plateau de Landrecies, il pouvait à la fois répondre aux sorties de la garnison par la haute ville, aux attaques d'une colonne de secours venant de Guise, et à celles que nous tentions inutilement de Maroilles. Pour obtenir un résultat décisif, il nous eût fallu enlever ce plateau, dont tous les abords étaient garnis d'artillerie.
Pour soutenir cette malencontreuse attaque, nous avions placé des canons le long du coteau qui domine la basse Maroëlle. Nous en avions même hissé jusque dans les corridors du premier étage de l'abbaye. Tous nos efforts furent inutiles. Les sorties de la garnison, et les attaques des troupes venant de Guise furent constamment repoussées et notre colonne, arrêtée par les obstacles qu'elle rencontrait à chaque pas sur la route et aux alentours, éprouva des pertes qui la forcèrent de battre en retraite. Nous regagnâmes nos bivouacs, péniblement affectés de;ce sanglant échec. Notre division avait perdu,en hommes tués et blessés, un quart de son effectif.
Pendant la dernière partie de cette journée, je fus témoin d'un de ces faits vraiment prodigieux, qui trop souvent passent inaperçus dans les péripéties des grandes guerres.
Pour couvrir la retraite de nos troupes, deux pièces de canon avaient été placées dans le cimetière de Maroilles, sous la protection d'un fort détachement dont je faisais partie. Je me trouvais précisément dans la partie inférieure du cimetière, en face d'une prairie étroite bordée de quelques chétives habitations. Deux petits enfants jouaient tranquillement dans l'herbe, insoucieux du danger. Un obus tombe, roule et s'arrête tout près d'eux. Aussitôt une vieille femme, leur grand'mère sans doute, survient épouvantée, crie, s'agite, pousse vivement les enfants vers l'une des chaumières et s'y précipite après eux. Comme elle franchissait le seuil, l'obus éclate et semble 1a couvrir de ses débris, sans lui faire aucun mal ! ...
Cependant l'ennemi s'apprêtait à réduire la place au moyen d'un double bombardement, dirigé des coteaux de Mormal sur la ville basse, et du plateau sur la ville haute. Le 27, notre bataillon descendit de Maroilles dans les prairies, et borda la Sambre, en se rapprochantle plus possible de Landrecies. Pendant tout le temps que dura ce mouvement, nous fûmes canonnés et mitraillés sans relâche par les batteries de la forêt. Ce mêmejour, le bombardement commença. Nous vîmes les flammes s'élever, se rejoindre de toutes parts, et finalement se fondre en un seul et immense incendie. Les cris des habitants, qui arrivaient distinctement jusqu'à nous augmentaient encore l'horreur de ce spectacle. On parlait vaguement de nouvelles tentatives contre les positions des assiégeants. Elles n'eussent abouti qu'à une nouvelle et inutile effusion de sang; aussi l'on y renonça. Il fallut donc rester l'arme au bras jusqu'à la fin de ce bombardement, qui dura cinq mortels jours.
Un silence court, mais trop significatif, auquel succédèrent bientôtles insultantes vociférations de l'ennemi vainqueur et l'explosion de ses fanfares, nous apprit enfin hier dans l'après-midi, que Landrecies avait succombé ! ... Mais la campagne n'est pas finie ! Nos soldats n'aspirent qu'à combattre, et quelque chose me dit que cette malheureuse ville sera bientôt vengée" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 18).
Le 13 mai 1794 (24 Floréal an II), Cognet écrit, depuis Solre-sur-Sambre, à sa famille : "La prise de Landrecies ouvre, il est vrai, nos provinces du Nord à l'étranger. Mais, appuyées sur les places qui nous restent, nos armées peuvent manoeuvrer sur ses flancs et lui donner des inquiétudes sérieuses, en l'attaquant à la fois sur l'Escaut et la basse Sambre. On assure que tel est, en effet, le plan adopté, et que déjà le général Pichegru se trouve avec des forces considérables entre la Lys et l'Escaut.
C'est sans doute pour concourir à ce plan que nous recommençons à nous battre par ici avec acharnement ; c'est aussi dans le même but, sans doute, que l'organisation de nos principaux corps d'armée vient de subir un changement considérable. Ainsi, d'aile droite de l'armée du Nord, nous devenons l'aile gauche d'une nouvelle armée dite de Sambre et Meuse, dont la majeure partie se concentre, en ce moment, entre Givet et Philippeville, sous les ordres du général Jourdan. Le général Charbonnier continue à commander les troupes qui manoeuvrent sur la Sambre ...
Nous avions quitté Maroilles le 3 mai, pour rentrer à Saint-Remy-en-Chaussée. Mais je ne veux pas omettre un incident caractéristique de la vie intime des camps qui se rapporte à cette marche, et qui m'a profondément ému.
Dans la nuit du 26 au 27 avril, au moment où nous commençions à peine à prendre quelque repos à la suite de la longue et désastreuse journée de Maroilles, nous avions été réveillés en sursaut par les cris de notre cantinière, prise, au bivouac même, des douleurs de l'enfantement. On l'avait transportée aussitôt dans une maison du village. Naturellement, nous ne pensions plus à cet épisode nocturne au milieu des graves préoccupations du moment. Six jours après, en partant de Maroilles, je reconnus, en avant du bataillon, la malheureuse accouchée, à demi vêtue et marchant nu-pieds. Elle s'était dépouillée d'une partie de ses vêtements pour envelopper son enfant, qu'elle portait dans son tablier. C'était un navrant spectacle, mais aussi un grand exemple de résignation et de courage.
Nous repartîmes de Saint-Remy dans la nuit du 8 au 9; sans trop savoir où l'on nous conduisait, marchant tantôt par d'étroits sentiers, tantôt à travers champs. Nous arrivâmes enfin en vue de Maubeuge, d'où l'on nous dirigea de suite sur Consolre.
Ce fut là que nous eûmes le divertissant spectacle de l'embarras et de l'adresse étonnante d'un pauvre lièvre, qui s'était étourdiment introduit, dans notre camp; il le parcourut longtemps dans tous les sens, traqué sans relâche, à grands cris, n'évitant un péril que pour tomber dans un autre. Eh bien ! malgré cette poursuite générale, grâce à ses évolutions, à ses crochets multipliés, ce lièvre parvint à s'échapper, au grand ébahissement des soldats. Il est vrai que, voulant le prendre vivant, ils ne l'avaient assailli qu'à coups de bonnets de police.
Après avoir successivement campé à Consolre et à Montigny, nous reçûmes, le 12 au matin, l'ordre de nous porter en toute hâte sur notre droite, vers la Buissières où une affaire sérieuse était engagée. Nous commençions à faire la soupe quand cet ordre nous parvint ; il fallut renverser les marmites et emporter notre viande à moitié crue.
Le débutde cette journée fut heureux. L'ennemi, forcé au pont de la Buissières, et pris en flanc par une colonne venant de Lobes, abandonna précipitamment sa position, et fut poursuivi avec vigueur par notre cavalerie. Toutes les troupes se portèrent aussitôt sur la rive gauche de la Sambre, et notre brigade s'avança jusqu'au bourg de Merbes (Hainaut).
Elle n'était pas engagée d'abord, mais on se battait vivement à quelques portées de fusil de nous, vers le village de Grand-Reing. Aussi nous reçûmes presqu'aussitôt l'ordre de nous porter au secours du centre, qui commençait à fléchir. Un violent orage n'interrompit pas un instant le combat. Mais cette journée si bien commencée devait finir moins heureusement. Bientôt le corps d'armée, assailli par des forces supérieures, commença à rétrograder; ce fut notre brigade qui eut à soutenir la retraite. Elle se fit en bon ordre, de notre côté du moins; mais, serrés de près par l'ennemi, nous avons été obligés de venir repasser la Sambre à la hauteur du village de Solre, à une lieue environ en amont de la Buissières. Telle a été l'issue malheureuse de cette première entreprise contre le flanc gauche de l'ennemi, et sur son territoire. Mais à bientôt !a revanche !" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 24).
Le 22 mai 1794 (3 Prairial an II), Cognet écrit, depuis le Camp sous Grand-Reing, à sa famille : "Nous voici donc de nouveau au delà de la Sambre, mais c'est à la suite d'un avantage que nous ne pouvons regarder comme bien décisif.
Vous savez que l'échec du 12 nous avait ramenés sur la rive droite. Par suite d'un mouvement rétrograde général, nous fûmes renvoyés dans une position que nous avions déjà occupée, aux environs de Consolre. C'est là qu'avant-hier 20 mai, l'ordre nous est enfin venu de reprendre l'offensive.
Il était encore de bonne heure, quand notre brigade se trouva réunie, avec douze pièces de canon au-dessus de Solre, dont l'ennemi avait rompu le pont. Des hauteurs que nous occupions, la vue s'étendait sur celles de l'autre rive et, à notre droite, sur la basse Sambre. Nous avions immédiatement devant nous, de l'autre côté du pont, ou plutôt de ses débris :
1° Une sentinelle, appartenant à un poste d'une quinzaine d'hommes, installé dans une chaumière à une cinquantaine de pas de la rivière ;
2° Environ 200 hommes, avec une pièce, de campagne, postés sur la route de Mons ;
3° Une force d'à peu près 4000 hommes, postée sur les hauteurs, entre cette route et Merbes.
Tout ce monde se tenait fort tranquille, tandis qu'à notre droite une violente canonnade, qui dura jusqu'à la nuit, était engagée d'une rive à l'autre, vers Thuin et Lobes.
Un peu avant la chute du jour, on nous fit faire, bien en vue de l'ennemi, un mouvement rétrograde du côté de Beaumont. Cette retraite simulée se prolongea jusqu'à la nuit close puis une rapide contre-marche nous ramena vers la Sambre. Pendant ce retour, l'artillerie et les voitures cheminaient sur les côtés de la route, couverts de gazon épais qui amortissait le bruit des roues ; la troupe observait le plus rigoureux silence. Revenus ainsi dans les positions que nous venions de quitter, nous y passâmes la nuit sans feux, et, pour ainsi dire, sans mouvement.
Au jour, nous vîmes que ce stratagème avait pleinement réussi. L'ennemi avait pris notre retraite au sérieux, et croyait que nous avions été renforcer l'aile droite française. En conséquence, les 4000 hommes qui auraient pu nous disputer le passage à Solre, avaient évacué précipitamment leur position pour aller renforcer les troupes qui gardaient l'abbaye de Lobes, en face de Thuin dont les chefs autrichiens s'imaginaient que nous avions pris la route. Nous n'avions donc plus devant nous que le poste soutenu par les 200 hommes et la petite pièce de canon.
La canonnade recommença de grand matin le lendemain 21, sur la basse Sambre. Nous vîmes de loin l'ennemi, forcé à Lobes et vivement poursuivi par les nôtres, traverser la route de Mons, et s'en aller prendre position entre Grand-Reing et Marpont, sur la route de Jeumont.
Pendant ce temps, un équipage de pont nous arrivait, et l'arche coupée fut bientôt rétablie. La sentinelle autrichienne regardait travailler nos pontonniers. Elle ne tira qu'au moment où ils passèrent sur l'autre rive, pour consolider le pont, et se replia sur son poste, que nos tirailleurs eurent bientôt fait déguerpir, ainsi que les 200 hommes de soutien.
Nous passâmes enfin, pour aller prendre la gauche de l'armée. Mais il ne nous fut possible d'entrer en ligne que vers midi. Notre marche avait été retardée par des chemins si mauvais, que trois bataillons furent obligés de traverser, homme par homme, la chaumière et le jardinet d'un pauvre paysan qui était là, tapi dans un coin de son foyer avec sa femme et ses enfants, tous à demi morts de frayeur !
Les deux armées, rangées parallèlement en ligne, à une distance moyenne de 200 à 400 toises, présentaient un aspect imposant, mais sinistre. Décimés par la canonnade qui sillonnait nos rangs sans relâche, nous attendions avec impatience le signal d'un mouvement offensif sur le front ou sur les flancs de l'ennemi. Pour des raisons que j'ignore, nous fûmes condamnés à rester immobiles, l'arme au bras, pendant presque toute la journée. Je dis presque car il y eut, de part et d'autre, vers quatre ou cinq heures, plusieurs charges de cavalerie; et, par suite, divers changements de front parmi les corps d'infanterie menacés. Nous fûmes même obligés de former des carrés, dans un moment où la cavalerie autrichienne, ayant débordé nos lignes, arrivait pour nous prendre à revers. Mais la mitraille et les feux de peloton arrêtèrent l'élan des Manteaux Blancs, et nos escadrons, revenant à !a charge, les obligèrent enfin à se retirer. La nuit mit fin à cette lutte indécise et meurtrière.
Le résultat de cette journée a donc été le passage de la Sambre sur divers points : l'occupation de la route de Mons, le refoulement de l'ennemi. Mais sa ligne a ployé sans se rompre; aucun résultat décisif n'a été obtenu. C'est à recommencer !" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 29).
Le 25 mai 1794 (6 Prairial an II), Cognet écrit, depuis le Camp sous Solre-sur-Sambre, à sa famille : "Vous voyez, par le lieu d'où je vous écris aujourd'hui, que depuis ma dernière lettre il y a du nouveau, et malheureusement pas à notre avantage.
Nous étions donc établis en face de l'ennemi, au-dessous et à gauche de Grand-Reing. On était resté absolument immobile de part et d'autre, le 22 et le 23. Je ne comprenais rien à l'inaction des Autrichiens, qui avaient tant d'intérêt à nous rejeter au delà de la Sambre, et je ne m'expliquais la nôtre que par la nécessité d'attendre des renforts.
Mais hier 24, entre deux ou trois heures de l'après-midi, par un temps affreux qui durait depuis la veille, l'ennemi attaqua vigoureusement et rompit notre centre. Nous (l'aile gauche), nous avions couru aux armes mais nous trouvant en l'air par suite de la retraite plus que précipitée des troupes du centre, nous ne pûmes tenir longtemps. La plupart de nos tirailleurs furent sabrés, et notre ligne, criblée par la mitraille, allait être gravement compromise par des charges de cavalerie, quand on nous donna le signal de la retraite.
Ce mouvement rétrograde se fit en assez bon ordre, jusqu'au moment où nous vîmes notre cavalerie se porter rapidement sur les ponts pour y devancer l'ennemi. La retraite se changea alors en déroute, et notre brigade arriva au pont de Jeumont dans le désordre le plus complet.
Retardé par un malheureux camarade que je voulais sauver et qui avait peine à me suivre, bien qu'il eût jeté tout ce qu'il portait, et jusqu'à ses armes, je fus longtemps poursuivi par deux cavaliers que j'eus la chance de tenir en respect, rien qu'avec mes amorces ! Mon fusil, ou plutôt celui que j'avais saisi au faisceau lors de l'attaque, ne pouvait faire feu, tant il avait été abîmé par la pluie torrentielle qui nous inondait depuis près de vingt quatre heures. Il faut dire que la plaine était couverte de tirailleurs au milieu de la fumée et du bruit des détonations, mes deux ennemis ne s'apercevaient pas de la nullité de mes moyens de défense. Je profitai de leur erreur, et rejoignis mes camarades un peu avant le pont.
C'est là qu'a eu lieu le plus triste épisode de la défaite. Mourir en combattant, c'est accomplir sa tâche; mais le comble de l'infortune, c'est de succomber sans honneur, misérablement étouffé aux abords d'un pont, ou noyé en tâchant de s'échapper à la nage. Tel a été le sort d'un trop grand nombre de mes camarades.
La poursuite de l'ennemi avait été si vive, que des soldats de toutes armes, fantassins, cavaliers, artilleurs, confondus dans la déroute, s'entassaient et se bousculaient sur ce malheureux pont, étroit et dépourvu de parapets. Je pénétrai un moment dans cette cohue ; on s'y étouffait ; je fus forcé de reculer. Quoique sachant à peine nager, j'eus un instant l'idée de mejeter à la rivière : j'y renonçai en voyant que parmi ceux qui prenaient ce parti, bien peu réussissaient à gagner l'autre bord. Je descendis sur la berge, songeant à escalader uue des piles du pont ; je manquai d'être écrasé par deux cavaliers avec leurs chevaux qui, poussés par la foule, tombèrent presque sur moi. Enfin, de guerre lasse, je retournai à l'entrée du pont, et parvins à le traverser sans accident.
Dès que nous eûmes atteint l'autre rive, on garnit de tirailleurs toutes les berges pour arrêter la poursuite, et les bataillons gagnèrent le large pour se réorganiser. Pendant ce temps, l'ennemi brûlait avec ses obus les maisons qui servaient d'abri à nos tirailleurs. On parvint à installer à bonne portée quelques pièces d'artillerie qui l'obligèrent enfin à s'éloigner. Mais hélas ! que de monde manquait à l'appel ! Tous les corps de la brigade avaient plus ou moins souffert. Notre bataillon avait perdu prés d'un quart; ma compagnie, en particulier, un tiers de son effectif, tués, blessés ou prisonniers, et l'action n'avait pas duré une heure !
Pendant ce temps, les débris du centre s'étaient retirés vers Solre-sur-Sambre, et notre droite, moins maltraitée, avait pu effectuer sa retraite dans la direction de Lobes et de Thuin.
Dès que nous fûmes ralliés, nous nous reportâmes vers Jeumont. Il était à peine cinq heures du matin. L'ennemi ne paraissant pas avoir envie de tenter le passage, on laissa, sur les hauteurs qui commandent le pont, quelques bataillons avec de l'artillerie. Le reste de la brigade vint prendre position entre Jeumont et Solre, en face du château d'Erquelines. Ce poste était alors occupé par un petit corps de Hollandais que j'eus occasion de voir de très près, pendant une faction que je fis ce jour-là même sur le bord de la Sambre. Ces gens, qui n'avaient peut-être pas tiré un coup de fusil la veille, prenaient des airs vainqueurs qui nous agaçaient singulièrement.
Aujourd'hui tout paraît assez calme sur les
deux rives. Nous n'en sommes pas moins prêts à tout événement" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 34).
Le 4 juin 1794 (16 Prairial an II), Cognet écrit, depuis le Camp de la Buissières, à sa famille : "Depuis une dizaine de jours que nous sommes ici, il n'y a eu de ce côté que de légères escarmouches. On dirait que les deux armées éprouvent le besoin d'un peu de repos, après tant de manoeuvres et de combats meurtriers, livrés coup sur coup. Mais je crois qu'il faut surtout attribuer cette immobilité momentanée aux immenses préparatifs qui se font sur notre frontière, et aux inquiétudes sérieuses de l'ennemi qui, malgré quelques succès partiels, pourrait bien se trouver prochainement fort embarrassé. Il est certain que des forces considérables se massent sur notre droite et menacent Charleroi occupé par les Autrichiens. Si le général Jourdan parvenait à se rendre maître de cette place, les affaires prendraient bien vite une autre tournure.
En attendant, on vient de terminer ici, et sans doute dans toute l'armée, cette opération dont je vous ai déjà parlé, et qui me paraît devoir contribuer puissamment au succès de nos armes. On a donné à notre infanterie l'organisation qui lui manquait. Elle se composait, jusqu'ici, de troupes de ligne disséminées çà et là, et de nombreux bataillons de volontaires. On avait successivement accumulé dans les divers corps, et les contingents, et la réquisition et tout ce qu'on avait pu ramasser d'hommes. Mais il n'y avait d'homogénéité, ni dans le commandement des subdivisions de troupes, ni dans leur force relative. On se contentait de réunir, suivant les circonstances et les besoins, régiments et bataillons isolés, pour improviser des brigades et des divisions, dont les parties n'offraient ni ensemble, ni cohésion. On vient de tout régulariser par une refonte de ces éléments divers. On a dissous, ou plutôt disloqué les anciens régiments, pour les faire concourir à cette réorganisation générale.
Ainsi, deux bataillons de volontaires ont été réunis à chaque bataillon de ligne, avec amalgame de compagnies, pour former un seul et même corps qu'on appelle demi-brigade. De cette façon, le chef ou colonel de la demi-brigade a sous ses ordres immédiats les autres officiers supérieurs qui, dans la précédente organisation, étaient à peu près indépendants de tous autres chefs que des officiers généraux, ce qui était un principe permanent d'anarchie.
Les nouveaux corps sont donc organisés et classés de la manière suivante.
La première demi-brigade se compose du premier bataillon de l'ancien régiment n°1, et des deux bataillons de volontaires qu'on lui a accolés; la deuxième, du second bataillon de ce même régiment et de deux autres bataillons de volontaires; la troisième, du premier bataillon du régiment n°2, et ainsi de suite. Ainsi, notre bataillon a été réuni avec un autre au premier de l'ancien dix-huitième régiment, et nous nous trouvons faire partie de la trente-cinquième demi-brigade de ligne ou de bataille.
L'infanterie légère a dû recevoir une organisation analogue. On peut, sans être militaire, comprendre toute l'utilité et la portée de cette mesure générale.
Maintenant, parlons un peu de notre position actuelle. Elle n'a rien d'agréable, tant s'en faut. Aulnoye était un paradis terrestre, en comparaison de la Buissières.
D'abord, nous respirons ici un air pestilentiel. L'affaire du 12 mai, engagée précisément dans cet endroit, avait été trés-meurtricre. Les jardins de la rive droite de la Sambre sont encombrés de cadavres à peine enterrés. Ajoutez qu'il pleut presque tous les jours en abondance, et que nous pataugeons constamment dans la boue. Les vivres que nous recevonssont presque toujours de la plus mauvaise qualité, et nous n'avons nul moyen d'y suppléer, le pays étant complétement dévasté. Les premiers jours, l'eau même nous faisait défaut, parce que l'ennemi était maître de la rivière et tirait sur tous ceux qui en approchaient; mais, en ripostant avec usure, nous l'avons à son tour contraint de s'en éloigner.
Notre service est on ne peut plus pénible, voire même périlleux. De la rive droite que nous occupons, on n'entre à la Buissières, qui est sur la rive gauche, que par le pont-levis d'une écluse dont la herse, il est vrai, se trouve de notre côté. Mais, comme le pont a été enlevé, nous ne pouvons pénétrer chaque fois dans le village, qu'en passant à travers la herse une planche qu'on tâche de mettre en équilibre sur les piles. Après quoi on se hasarde sur cette passerelle improvisée, au risque de faire la bascule dans l'eau, ou de recevoir un coup de fusil.
Voici du reste comment se maintient, de part et d'autre, l'occupation de ce village. Nous ne pourrions pas le garder la nuit, parce que l'ennemi nous jetterait dans la rivière. En revanche, lui ne peut pas s'y tenir le jour, parce que nous sommes en force de l'autre côté, et à portée de pistolet. Nous l'occupons donc le jour, et l'ennemi la nuit. Ainsi, vers neuf heures du soir, quand nous nous sommes repliés sur l'autre rive, les Autrichiens descendent de la redoute qu'ils ont construite au-dessus du village, et viennent se poster au bord de l'eau, en face de la herse. A leur tour, ils se retirent quand le jour approche. Nous repassons alors, au moyen de notre planche. Nos patrouilles explorent soigneusement le village et ses abords, et placent en face de la redoute autrichienne des sentinelles qu'on relève de deux en deux heures, et qui ont pour consigne d'aller et venir sans relâche, pour ne pas servir de point de mire aux tirailleurs ennemis. J'ai déjà fait plusieurs fois cette agréable faction" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 39 - Note : Cette correspondance subit ici une brusque et longue interreption,dont les causes sont expliquées dans la lettre suivante).
- 1795, opérations de la 35e Demi-brigade
Le 15 avril 1795, Cognet écrit à sa famille : "Depuis quelque temps ma santé était de nouveau gravement affectée. Mais j'étais si convaincu que la forte organisation donnée à notre infanterie finirait par assurer le succès de nos armes, si désireux de prendre part à cette revanche, que je ne voulais pas entendre parler d'hôpital. J'espérais toujours reprendre le dessus je pensais aussi qu'une victoire décisive amènerait la conclusion de la paix et qu'alors, n'ayant pas quitté les drapeaux, j'aurais un droit plus assuré aux premiers congés ou permissions qui pourraient être accordés.
Déjà, en effet, nous avions repris l'offensive et pénétré dans les Pays-Bas autrichiens, lorsque, vaincu par le mal, je fus obligé d'accepter un billet d'hôpital. Je fus envoyé d'abord à Maubeuge; mais on y manquait de place pour moi, comme pour bien d'autres. Je fus donc compris dans un nombreux convoi de blessés et de malades qu'on dirigeait sur Avesnes. Nous y passâmes une nuit des plus tristes dans l'église paroissiale, et repartîmes le lendemain pour Etréaupont, où l'on avait
organisé une sorte d'hôpital ou de gîte de passage pour les malades, A l'arrivée, j'étais tellement exténué, anéanti, que n'ayant pas eu la force de descendre de charrette ni même de donner signe de vie, je restai enfoui dans la paille, inaperçu, oublié. Après un temps assez long, le sentiment de la conservation me rendit quelque force ; je commençai à gémir, puis à crier au secours. On m'entendit heureusement, car dans l'état où j'étais, je n'aurais peut-être pas survécu à une nuit passée en plein air.
Il fallut repartir dès le lendemain matin. On nous conduisit à Marie, où nous fûmes, comme à Avesnes, installés dans l'église Nous y souffrîmes horriblement du bruit de la musique et des
tambours, et surtout des cris populaires.
De Marle, nous vînmes prendre gîte à l'Hôtel- Dieu de X... Mon état ne faisait qu'empirer, et l'encombrement était tel, qu'on assurait que notre convoi allait être évacué sur Versailles ou même sur Orléans. Je serais certainement mort pendant ce trajet. Heureusement mes parents, instruits de ma triste situation, obtinrent, comme l'année précédente, la faveur de me prendre chez eux
" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 45 - Notes : La lettre précédente est du 4 juin 1794. L'auteur a donc dû quitter l'armée dans le courant de ce mois, peu de jours
avant la bataille de Fleurus, qui eut lieu le 26. La maladie de Cognet était une fièvre putride maligne (typhoïde); elle fut suivie d'une rechute qui le mit à deux doigts de la mort. On lui obtint alors un congé pour cause d'infirmité temporaire, conçu dans les termes les plus honorables. Ce oongé fut prolongé d'année en année jusqu'en 1798. A l'époque où cette correspondance, interrompue pendant trois ans, reprit son cours, l'auteur était précepteur dans une famille du département de l'Aisne).
- 201e Demi-brigade de première formation.
La 201e Demi-brigade de première formation avait été formée des unités suivantes :
- 1er Bataillon des Ardennes
Formé le 20 septembre 1791; son Chef est René Moreaux.
- 1er Bataillon de Paris de première formation
Formé le 18 novembre 1791; son Chef est Perrin.
- 5e Bataillon de la Drôme (du District de l'Ouvèze)
Formé le 5 août 1792.
- 12e Bataillon de la Gironde.
Formé le 1er juillet 1793; son Chef est Lacourt.
- Partie du 8e Bataillon de l'Ain
Formé le 4 septembre 1792; son Chef est Rouville. Partie incorporé dans la 201e Demi-brigade de bataille, le reste dans la 203e.
/ 1798, Armée d'Helvétie
Le 12 juillet 1798 (24 messidor an 6), le Général Schauenburg écrit au Citoyen Perrin, chef de la 106e Demi-brigade : "Il a été présenté à ma signature, Citoyen chef, un congé délivré en vertu d'une lettre du Ministre de la guerre au citoyen Aubry, sergent, dont la démission a été acceptée. Vous savez que l'arrêté du 19 Fructidor n'était applicable qu'aux sous officiers des divisions de l'intérieur, et il faut que la religion du Ministre ait été surprise pour qu'il ait expédié l'ordre et délivré un congé absolu à un sous officier de la 106e qui fait partie de l'armée active.
Je vais lui écrire à ce sujet, et j'ai lieu de croire qu'il révoquera l'ordre qu'il a donné, sans doute parce qu'il ignorait que vous eussiez rejoint l'armée d'Helvétie" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/720).
Le même 12 juillet 1798 (24 messidor an 6), le Général Schauenburg écrit au Citoyen Schérer, Ministre de la guerre : "Le conseil d'administration de la 106e 1/2 brigade à présenté à ma signature un congé absolu qu'il a délivré au citoyen Aubry, sergent, d'après votre lettre en date du 8 Messidor [26 juin 1798]. L’arrêté du 19 Fructidor [5 septembre 1797 ?] n'étant applicable qu'aux divisions de l'intérieur, vous avez sans doute cru que la 106e 1/2 brigade était encore dans ce cas. Mais comme elle fait aujourd'hui partie de l'armée de Suisse, j'ai cru devoir différer d'approuver le congé du citoyen Aubry et vous en rendre compte des motifs qui m'y engageaient, et j'écris en conséquence au conseil de cette demi-brigade" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/719).
Toujours le 12 juillet 1798 (24 messidor an 6), le Général Schauenburg écrit encore au Chef de la 106e Demi-brigade : "D'après les nouveaux renseignements que vous m'avez communiqués, Citoyen chef, sur la réclamation des musiciens Laucher, Musier et Colombet, je la regarde comme non avenue et vous voudrez bien, s'ils se permettaient de quitter le corps, les faire juger comme déserteurs.
P.S. Votre quartier mtre gral m'a présenté une demande de buffleterie, que j'ai renvoyée au commissaire des guerres Dufour, avec ordre de délivrer en proportion de ce qui reste dans le magasin" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/721).
Le 13 juillet 1798 (25 Messidor an 6), le Général Schauenburg écrit : "Aux commandants des 44e 1/2 brigade, 103e 1/2 brigade et 106e 1/2 brigade et au chef de brigade du 7e régiment de chasseurs à cheval.
Vous ferez passer, Citoyen chef, à votre capitaine d'habillement à Berne une quittance signée de vous pour la somme de 2'400 # (pour chaque 1/2 brigade de ligne ci-contre et celle de 1'500# pour le régiment de chasseurs à cheval). Cet officier recevra des instructions sur 1'emploi qui doit en être fait" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/728).
Le 20 juillet 1798 (2 Thermidor an 6), le Général Schauenburg écrit au Chef de la 106e : "Je vous renvoie onze congés et quatre certificats signés de moi. Je vous renvoie également toutes les pièces auxquelles il manque les formalités suivantes :
1) Les états doivent être faits triples, savoir deux pour le ministre et un pour moi ;
2) Les mémoires de proposition doivent être doubles, notamment ceux des hommes proposés aux invalides, qu'il est urgent d'expédier au Ministre de la guerre pour faciliter leur admission ;
3) Les certificats des officiers de santé doivent être inscrits au dos des congés et certifiés par le conseil d'administration. Vous voudrez bien ne pas les délivrer avant d'avoir fait faire cette inscription.
Après ces formalités remplies, vous me renverrez toutes les pièces le plus promptement possible.
Quant aux congés de réforme, je les ai également signés, quoique les certificats ne soient pas doubles et qu'ils ne soient pas inscrits en dos des congés. Vous voudrez bien réparer cette omission et m'envoyer aussi les certificats des camarades qui constatent les infirmités de Lambert, Thibie, Simon et Berger" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 453/4).
Le 23 juillet 1798 (5 Thermidor an 6), le Général Schauenburg écrit au Citoyen Perrin, Chef de la 106e Demi-brigade, à Fribourg : "J'ai pris en considération, Citoyen chef, le repentir que témoigne le militaire Vitu [?] grenadier traduit devant le Conseil de guerre pour avoir manqué à son corps. Je donne ordre au commandant de la place de le mettre en liberté. Vous redemanderez en conséquence la plainte qui a dû être envoyée au rapporteur du Conseil de guerre.
Si cependant la détention qu'il a déjà subie n'est pas proportionnée à la faute, vous lui infligerez telle punition de discipline que vous jugerez convenable.
J'ai remis à votre capitaine d'habillement les congés présentés à ma signature" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/786).
Le lendemain 24 juillet 1798 (6 Thermidor an 6), le Général Schauenburg écrit au commandant de la place de Berne : "Vous ferez mettre en liberté, Citoyen commandant, le nommé Vitu [?], grenadier de la 106e détenu au Conseil de guerre. J'ai eu égard au repentir qu'a témoigné ce militaire et l'ai renvoyé à la [mot illisible, suite ?] du corps" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/792).
Le 29 juillet 1798 (11 Thermidor an 6), le Général Schauenburg écrit au Citoyen Schérer, Ministre de la guerre : "Citoyen Ministre, j'ai reçu votre lettre du 5 de ce mois [23 juillet 1798], par laquelle vous m'informez que la 44e, 76e et la 106e ½ brigade de ligne, 5e et 20e légère n'ont point encore procédé à la nouvelle vérification des registres de matricule qui leur avait été ordonnée. J'avais cependant donné les ordres les plus précis pour l'exécution des dispositions prescrites par votre circulaire du 25 Ventôse dernier [15 mars 1798) mais je vous observe que de ces 5 corps, la 76e seule avait à cette époque deux bataillons à l'armée d'Helvétie. Les 44e et 106e n'y sont arrivées que dans le courant de messidor.
La 20e légère venue dans le même temps de l'armée de Mayence, est partie depuis un mois pour les dépts du Midi. Enfin la 5e légère n'est en Suisse que depuis un mois. Je vais néanmoins écrire de nouveau aux chefs de ces différents corps en leur ordonnant de procéder sans délai à une vérification qui intéresse aussi essentiellement la gloire et l'honneur de nos armées. Je leur prescrirai également de vous en adresser de suite le résultat" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/813).
Le 30 juillet 1798 (12 Thermidor an 6), le Général Schauenburg adresse une "Circulaire aux chefs de la 44e, 76e et 106e ½ brigade et à celui de la 5e légère.
Le Ministre de la guerre vient de m'envoyer l'état des corps sous mes ordres qui n'ont pas encore satisfait à l'ordre qui leur a été donné de procéder à une nouvelle vérification des registres de matricule. J'ai vu avec surprise que la vôtre était de ce nombre. Je vous prie, Citoyen chef, de ne pas perdre de vue un objet aussi important puisqu'il a pour but de rechercher ceux de ces lâches émigrés, qui à l'aide de fausses inscriptions sur des registres de contrôle auraient pu obtenir leur rentrée sur le sol d'une patrie qu'ils ont si indignement trahie.
Vous voudrez bien, en m'accusant la réception de cette lettre, m'informer des dispositions que vous avez dû prendre pour remplir à cet égard les instructions du Gouvernement et me faire passer un double du compte que vous rendrez dans le plus court délai au Ministre de la guerre" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/817).
Le 3 août 1798 (16 Thermidor an 6), le Général Schauenburg fait paraitre, depuis son Quartier-général à Berne, l'Ordre du jour suivant : "Le premier conseil de guerre de l'armée, séant à Zurich a dans sa séance du 9 thermidor [27 juillet 1798] condamné par contumace à la peine de mort le nommé Bertrand Berni, maréchal de logis en chef au 1er régiment d'artillerie légère, convaincu d'avoir frappé à coups de sabre ses officiers et en outre de désertion.
Même séance a condamné à la peine de cinq ans de fers le nommé Jean-Baptiste Birauet, tambour à la 106e convaincu de voies de fait envers ses supérieurs et d'avoir tenu des propos contre-révolutionnaires ...
L’adjudant-général, chef de l'état-major général Signé : Rheinwald" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482 p. 117-119).
Les 5-7 août 1798 (18-20 Thermidor an 6), le Général Schauenburg établit un "Règlement pour les services du camp
Service journalier
La division d'infanterie campée en avant de Berne sera partagée en deux brigades. Le plus ancien chef de bataillon des 14e et 44e demi-brigades sera chargé du service de la brigade de droite. Le plus ancien des 106e et 109e sera chargé du service de la brigade de gauche. Ces chefs de bataillon tiendront par conséquent un contrôle pour commander le service, conformément au titre 7 du règlement de campagne de 1792. Il leur sera fourni une table et les frais de bureau nécessaires et chacun d'eux est autorisé à prendre deux écrivains de leurs corps …" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482 p. 120-128 / 129-137).
Le 25 septembre 1798 4 Vendémiaire an 7), Cognet écrit, depuis B... sur Marne (sans doute Brasle, près Château-Thierry) à sa famille : "Le 5 août dernier, l'agent de la commune, accompagné de quelques gardes nationaux, vint me demander si je n'étais pas tenu du service militaire. Je lui répondis par l'exhibition de mon congé, et cet homme se retira en me faisant d'humbles excuses. Mais évidemment il n'était pas venu de lui-même, et je prévis tout de suite que je n'en serais pas quitte à si bon marché.
Bientôt, en effet, je reçus l'ordre de me rendre à Laon pour y justifier de mes titres à l'exemption. Là, on me dit que mon congé n'était pas suffisamment motivé, qu'il fallait rejoindre mon corps, ou m'en aller à Saint-Denis, soumettre mes moyens de défense. Reçu à Saint-Denis on ne peut plus mal, j'en appelai au conseil médical de Paris. Là, on me demanda, fort gracieusement d'ailleurs, mes papiers pour les soumettre à la délibération du conseil, dont on m'envoya attendre la décision dans un bureau voisin. Après deux heures de faction dans ce bureau, un employé vint m'apporter, pour toute réponse, un bon à prendre une feuille de route au commissariat de la guerre ...
Il fallait bien se résigner. J'insistai pour rentrer dans mon ancienne demi-brigade, ci-devant 35e, présentement 106e, où j'étais sûr de retrouver des chefs bienveillants et des amis, ayant rempli en toute occasion mon devoir. Elle se trouvait pour lors à Berne, faisant partie de l'armée qui occupait la Suisse sous les ordres du général Schauenbourg. J'obtins, non sans peine, de passer en rejoignant par le département de l'Aisne, pour faire mes adieux à ma famille, à mes chers élèves, et prendre les objets nécessaires à mon voyage.
Je forçai mon itinéraire, pour avoir au moins ici un jour plein ... Demain, le sac au dos, je pars pour Dormans. Mon père, qui est venu avec moi jusqu'ici, ne me quittera qu'après-demain matin, après m'avoir mis sur la route d'Epernay" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 49).
Le 28 septembre 1798 (7 Vendémiaire an 7), Cognet écrit, depuis Châlons, à sa famille : "Je venais à peine de quitter mon pauvre père, qui m'avait fait la conduite un peu au delà de Dormans, quand je rejoignis des soldats qui allaient dans le même sens que moi, mais dont la mine et la tenue m'inspirèrent tout de suite le désir de n'avoir rien de commun avec eux. Je ne pus éviter cependant d'être accosté par quelques-uns de ces citoyens. Ils me racontèrent, en riant aux éclats, qu'un peu auparavant six ou sept des leurs avaient voulu arrêter une voiture publique pour s'y installer de force, et que le conducteur avait dû mettre le pistolet à la main pour leur faire lâcher prise.
La plaisanterie me parut des plus mauvaises. Je doublai le pas, pour me débarrasser de ces dangereux compagnons, et j'arrivai vers deux heures à Epernay. J'étais loin de soupçonner la réception qui m'y attendait.
Je ne fus pas plutôt entré à l'Hôtel-de-Ville, qu'on me conduisit devant le maire, qui me fit subir un interrogatoire en règle. - "D'où venez-vous ? ... N'êtes-vous pas un de ces militaires qui se sont permis d'arrêter une voiture publique ? ... Voyons vos mains. Ah ! vous avez vos deux pouces. Ainsi, du moins, vous n'êtes pas celui qui a saisi la bride du premier cheval ...".
J'avais peine à garder mon sang-froid ... J'aurais cependant dû prévoir que le conducteur porterait plainte en arrivant, et la conduite du maire était après tout assez naturelle. Je ne me déconcertai pas, et finis par le convaincre que je n'étais pas un brigand. Il me plaignit beaucoup alors de m'être rencontré avec de pareilles gens, et causa longtemps avec moi. Mais, craignant pour sa responsabilité, il s'obstina à me garder en état d'arrestation, jusqu'à ce que les coupables fussent pris.
En attendant, j'étais trempé, car j'avais reçu de la pluie pendant toute la route, et je mourais de faim. Je finis par lui proposer de me loger dans une maison en face de l'Hôtel-de-Ville, en lui donnant ma parole de n'en pas sortir de la journée. Il y consentit, après avoir hésité longtemps, et j'eus le bonheur de rencontrer la plus cordiale hospitalité.
Les coupables ayant été arrêtés dans la soirée, je redevins libre, et partis le lendemain de très-bonne heure, pour éviter de me retrouver en pareille compagnie" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 51).
Le 4 octobre 1798 (13 Vendémiaire an 7), Cognet écrit, depuis Langres, à sa famille : "Pour peu que cela continue, mon cher ami, j'aurai besoin de toute votre confiance pour être cru sur parole, mon aventure d'Epernay n'était rien auprès de celle que j'ai à vous raconter aujourd'hui. Celle-là du moins sera-t-elle la dernière ? Dieu seul le sait, mais jusqu'ici je ne chemine pas sur des roses.
J'avais fait mes deux journées de Vitry et de Saint-Dizier sans mauvaise rencontre. Dans la seconde de ces deux villes, je trouvai un détachement de la 21e demi-brigade qui venait d'y séjourner. J'avais dîné à Saint-Dizier dans une auberge où se trouvaient plusieurs hommes de ce
détachement. Je ne fis alors aucune attention à cette circonstance, mais le langage et la figure de plusieurs de ces militaires ne me revenaient nullement, et je ne me souciais pas de me lier avec eux. Je partis donc le lendemain avant l'aube, pour me trouver logé à Joinville avant leur arrivée. Je fis la même chose, le jour suivant, pour la route et le logement de Vignory. Je n'avais donc aucun rapport avec ces Messieurs de la 21e.
Je quittai Vignory, hier de très-bonne heure, pour le même motif qui depuis Saint-Dizier me
faisait devancer l'aurore. J'étais à peine à un quart de lieue de la ville, quand j'entendis crier
derrière moi : Arrête ! Arrête ! Je me retourne fort surpris, et j'aperçois deux gendarmes à pied, s'essouflant à courir après moi. Je leur criai à mon tour de ne pas tant se presser, et les attendis de pied ferme. Ces pauvres gendarmes avaient été me chercher à mon logement, et, comme mon hôte leur avait dit que je ne pouvais pas encore être bien loin, ils avaient cru inutile d'aller prendre leurs chevaux, et s'étaient lancés à ma poursuite avec leurs grosses bottes.
N'imaginant pas qu'ils pussent avoir à réclamer autre chose de moi que l'exhibition de ma feuille de route, je l'avais préparée en les attendant. - Bah ! me dit l'un d'eux en arrivant, c'est bien de feuille de route qu'il s'agit ! suivez-nous ! - Mais de quoi donc s'agit-i! ? Vous le savez aussi bien que nous. Allons marchez ! - Stupéfait et consterné, j'obéis, cherchant en vain pourquoi on mettait la gendarmerie à mes trousses.
Mes conducteurs, ne me trouvant sans doute pas la figure d'un scélérat, s'humanisèrent enfin. Ils m'apprirent qu'un militaire de la 21e, ou supposé tel, avait émis une assez grande quantité de fausse monnaie pendant son séjour à Saint-Dizier. Le fait étant bien constaté, on avait transmis à Vignory, cette nuit même, le signalement de ce militaire, et l'ordre d'arrestation. On s'était adressé au capitaine commandant le détachement, mais celui-ci avait cru reconnaître que le signalement qu'on lui présentait pouvait très-bien s'appliquer aussi à un militaire isolé qui avait été vu à Saint-Dizier, et suivait la même route que le détachement. Il avait donc exigé, en livrant son homme, pour être écroué, que le militaire isolé, moi-même, fût arrêté aussi ! ... Bientôt en effet, nous croisâmes le détachement qui partait pour Chaumont. J'en fus injurié pendant tout le défilé; le capitaine lui-même eut la lâcheté de faire chorus avec ses hommes. Et je rentrai à Vignory comme un criminel, entre mes deux gendarmes !
Conduit à la prison au milieu des huées, je comparus aussitôt devant une espèce de conseil, où se trouvaient entre autres, un officier de gendarmerie et le brigadier du lieu.
– "Votre feuille de route, me dit l'officier ... Votre portefeuille ! ... Votre bourse ... Étalez
votre sac ! ... Gendarmes, fouillez cet homme !" Puis, après les plus minutieuses recherches, je l'entendis dire aux autres, à demi-voix : "Cet homme est de tout point en règle; et d'ailleurs le signalement ne lui va pas du tout. Il faut monter à cheval, et conduire de suite à Saint-Dizier le soldat de la 21e ..." Puis, s'adressant à moi : "Reprenez vos effets, et continuez votre route. - Et c'est là toute la réparation ! - Que voulez-vous ? le capitaine s'est trompé; c'est très-fâcheux. Nous ne pouvons que proclamer votre innocence".
Je les saluai assez lestement; et, me remettant en route, je doublai le pas, pour rattraper le maudit détachement, et lui apprendre, au moins par ma présence, l'issue de l'affaire. Je le rejoignis en effet dans un village où il avait fait halte. Je m'informai du lieu où déjeunaient les officiers. Je me donnai le plaisir d'y entrer et de me faire servir en face de ces Messieurs, qui bientôt s'éclipsèrent, après avoir échangé avec moi quelques paroles embarrassées ...
Je viens d'apprendre, en arrivant à Langres, que ce détachement se dirige sur Lyon. M'en voità donc quitte, Dieu merci ! Mais je n'oublierai de longtemps la matinée du 3 octobre, et les avanies de Vignory !" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 55).
Le 14 octobre 1798 (23 Vendémiaire an 7), Cognet écrit, depuis Berne, à sa famille : "Je croyais trouver ici ma demi-brigade. Mais déjà le premier et le second bataillon avaient quitté cette ville pour se rendre à Lucerne, et le troisième attendait l'ordre de les suivre. Appartenant dès l'origine au premier bataillon, je me serais trouvé fort embarrassé à Berne, si je n'y avais rencontré mon ancien lieutenant, passé capitaine au troisième. Il fut bien surpris de mon apparition, me croyant fort tranquille en France. Je lui racontai toute mon affaire, et il me fit viser ma feuille pour Lucerne, mais il a voulu me retenir un jour à Berne. J'en ai profité pour voir un peu cette ville et ses environs.
Demain 15, je partirai pour Lucerne. Mais d'après ce que j'apprends ici, qu'on se dispose à occuper le Saint-Gothard et les autres passages des Alpes, il est possible que je ne trouve plus personne à Lucerne, et que je sois forcé d'aller plus loin" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 60).
Le 28 octobre 1798 (7 Brumaire an 7), Cognet écrit, depuis Dongio, à sa famille : "Le départ du général Bonaparte pour l'Egypte, et l'occupation de la Suisse par les troupes françaises, rendaient de plus en plus probable une rupture avec l'Autriche. On a donc jugé à propos, pour se mettre en mesure, de pousser promptement cette occupation jusqu'au delà des Alpes, dans le double but d'observer de plus près les gorges du Tyrol, et de renforcer nos positions dans la haute Italie. Tel a été sans doute le motif des mouvements de troupes précipités qui m'ont si longtemps empêché de rejoindre ma demi-brigade.
Parti de Berne le 15, j'arrivai le 18 à Lucerne. Ne sachant pas un mot d'allemand, je m'étais trouvé plus d'une fois incertain de la direction à suivre dans ces chemins peu fréquentés. Je fus, du reste, parfaitement reçu partout.
J'appris, à Lucerne, que nos bataillons en étaient récemment partis pour le Saint-Gothard. Il fallait donc continuer ma poursuite. N'ayant pu trouver de barque pour traverser le lac des Quatre Cantons, je dus me résigner à le tourner à pied. Pendant quelques heures passées à Lucerne, je visitai avec le plus grand intérêt le pont couvert par lequel une partie de la ville communique avec l'autre, et qui est orné de tableaux représentant des scènes de la vie des Saints patrons de Lucerne, et de la guerre de l'indépendance helvétique; l'église, dont les tours sont fort belles
; et ce célèbre plan en relief de la Suisse du général Pfyffer, représentant une grande partie de ce pays à l'échelle d'un dix-millième, dans un cadre de 22 pieds de long sur 10 à 12 de large. Je n'ai pas regretté ma soirée de Lucerne.
Je me mis en route pour Schwitz, le 19, en côtoyant le lac. Un brouillard épais me fit faire tout d'abord fausse route, et fut cause que je me trouvai le soir à Zug au lieu de Schwitz, ayant marché toute la journée en sens inverse de mon but. Un peu vexé de ma bévue, je repartis le 20 en longeant la rive est du lac de Zug, que j'avais confondu la veille avec l'autre. Cette fois, ce fut bien à Schwitz que j'arrivai le soir, et le 21 au matin j'allai prendre passage à Brunnen pour Altorf. La traversée entre ces deux points, par la partie sud du lac des Quatre Cantons, est de trois lieues environ.
Les bords de ce lac offrent un aspect bien étrange ! Tantôt large, tantôt resserré, toujours tortueux, il ne laisse voir, entre ses eaux et le ciel, que d'affreux rochers, entrecoupés de gorges, au fond et au-dessus desquelles on aperçoit quelques pauvres villages. Les pentes plus ou moins rapides de ces montagnes et de ces vallons, couvertes de châlets et de troupeaux, s'inclinent toutes vers le lac, mais en sont séparées, au moins à certaines places, par d'effroyables escarpements. Cette région sauvage m'inspirait une sorte de terreur; j'avais hâte d'arriver à Altorf.
Cette petite ville est fort jolie. J'y fus témoin d'une procession solennelle, et profondément
édifié de la beauté des chants religieux, et de l'attitude recueillie de la population.
Je repartis le 22 de grand matin, et me dirigeai vers le Saint-Gothard par la vallée de la Reuss. Jamais je n'avais vu pareille solitude, pays d'un aspect si sombre et si terrible, que celui dans lequel je cheminai pendant sept ou huit heures. C'est une gorge étroite, sinueuse, d'une pente rapide. On y rencontre, de temps à autre, tantôt de pauvres villages qui semblent des agglomérations de ruines, tantôt des chapelles et des habitations isolées parmi d'affreux rochers. On entend mugir sans relâche la Reuss et les nombreux torrents qui viennent s'y précipiter du haut des montagnes.
J'arrivai enfin au pied de la rampe escarpée qui mène au Pont du Diable, le mieux nommé qui fut jamais ! Là, l'horreur redouble encore s'il est possible. Au-dessus de la gorge profonde dans laquelle la Reuss bondit et se débat furieuse, deux contre-forts de rochers se dressent à pic en face l'un de l'autre. Ils sont reliés, à une élévation prodigieuse au-dessus du torrent, par un pont d'une seule arche, qui, dominant le gouffre, dominé à son tour, et de plus haut encore, par des rochers gigantesques, parait suspendu entre l'enfer et le ciel. Quand, du bas de la rampe, j'aperçus des hommes, des mulets chargés, franchissant ce pont d'apparence si frêle au milieu de ces montagnes colossales qui semblent prêtes à l'écraser, je pouvais à peine en croire mes yeux !
Vint ensuite la Roche Percée (Unerloch) passage souterrain, long de 200 toises environ, à l'issue duquel s'offre tout à coup la riante vallée d'Urseren. Là, le regard, fatigué de tant d'horreurs, se repose avec délices sur de fraîches prairies qu'arrosent les eaux de la Reuss, calmes et limpides à cette hauteur.
Je couchai à Urseren, et le lendemain 23 je remontai la vallée jusqu'au village de l'Hôpital, où commence la longue rampe du Saint-Gothard. Je m'arrêtai à l'hospice établi au sommet du passage. Après avoir pris quelques rafraîchissements et fait ma petite visite aux religieux, je m'engageai dans la descente, qui me parut des plus rapides. Je m'arrêtai parfois pour admirer la majesté terrible des montagnes voisines, et les profondes vallées qui s'ouvrent et semblent se précipiter au loin dans diverses directions, mais principalement vers les plaines de la Lombardie.
A Airolo,premier village de la Suisse italienne, je trouvai un général qui voulut bien me donner non-seulement des nouvelles de ma demi-brigade, mais un excellent dîner auquel je m'empressai de faire honneur, en soldat obéissant et affamé. D'après ses indications, je m'engageai dans la vallée du Tessin, déjà moins sauvage que la région précédente, et dans l'après-midi du 24, j'aperçus, avec une satisfaction inexprimable, les tours et les créneaux de Bellinzone, où je savais retrouver enfin ma tant désirée demi-brigade. Après avoir embrassé mes vieux camarades, j'allai me présenter au colonel, qui donna l'ordre de me réintégrer dans mon ancienne compagnie.
Dès le lendemain 25, nous fûmes relevés à Bellinzone par la 44e. Nous descendîmes jusqu'à Diasca près Polleggio, et le lendemain nous occupâmes la vallée transversale du Brenno, ou l'on nous a disséminés dans différents villages et hameaux. Notre compagnie coucha le 26 à Malvaglia; hier enfin, elle est venue s'installer à Dongio, centre et chef-lieu de la vallée" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 62).
Le 28 novembre 1798 (8 Frimaire an 7), Cognet écrit, depuis Dongio, à sa famille : "Aussitôt après mon arrivée, j'avais fait les démarches nécessaires pour obtenir la revalidation de mon congé. Ces démarches n'ayant pas réussi, à cause des circonstances, j'en ai bravement pris mon parti et, pour ne rien perdre de mes droits, j'ai réclamé mon rang d'ancienneté, qui m'a été rendu sans difBculté. Me voilà donc lancé de nouveau dans la carrière militaire, jusqu'à ce que ... Mais n'anticipons pas sur un avenir que Dieu seul
connaît.
Je crois vous avoir promis la description de notre vallée. J'y joindrai tous les détails propres à vous donner une idée de la vie que nous y menons, et que, vraisemblablement, nous y mènerons longtemps encore, car nous voici bloqués par la neige, et séparés en quelque sorte du reste des vivants.
La vallée du Brenno peut bien avoir sept à huit lieues de long. Mais elle est si étroitement resserrée entre les montagnes, qu'on n'y trouve pour ainsi dire point de cultures; et tellement ombragée par les forêts de sapins et les énormes masses de rochers qui les couronnent, que le soleil y pénètre à peine, par de rares échappées, en automne et en hiver. On y trouve pourtant un certain nombre de villages et de hameaux, dont les habitants sont misérables au delà de toute expression. Ils cultivent un peu de seigle, dont on fabrique, une seule fois l'an, un pain grossier qu'ils font durcir au feu et gardent en réserve pour le temps des plus grands travaux, qui est aussi celui où toutes les autres ressources d'alimentation se trouvent épuisées. En effet, on s'y nourrit d'abord, aussi longtemps que possible, de châtaignes, puis de navets, qu'on assaisonne avec du lait de chèvre. On y récolte aussi un peu de vin, qui n'est pas des meilleurs, mais dont nous savons bien nous accommoder, à défaut d'autre. Ces pauvres gens n'ayant ni prairies, ni pâturages, ne peuvent élever d'autre bétail que des chèvres, qui trouvent partout leur vie. Mais ils ont quelques mulets, dont ils se servent pour transporter en Italie, et même jusqu'en France quand la saison le permet, le surplus de leurs châtaignes, qui sont excellentes et aussi grosses que nos marrons. Ce petit commerce d'exportation occupe les hommes hors de leur vallée pendant tout l'hiver. Le peu d'argent qu'ils rapportent leur sert à vivre, et parfois à acheter quelques parcelles de terre.
Les bois qui couvrent les pentes de cette vallée sont d'une étendue considérable, et appartiennent en commun aux habitants, mais on ne peut y arriver qu'à l'aide de crochets et de griffes dont on se garnit les pieds et les mains. Il faut, de plus, être bien armé, car les ours sont fort nombreux dans cette région. Les habitants font une rude guerre à ces voisins incommodes, et prennent souvent des oursons.
Dongio, que nous occupons, est un bourg dont les maisons sont dispersées autour d'un vaste terrain, encombré de roches éboulées, à travers lesquelles on a bien de la peine à circuler. Cette disposition bizarre, s'explique par une catastrophe qui remonte à trente ans. Auparavant, le bourg tout entier était adossé à des rochers à pic. En 1758, l'église fut écrasée, ainsi qu'une partie des maisons et bon nombre d'habitants, par l'écroulement d'une partie de cette falaise, dont les débris couvrirent une superficie d'au moins seize arpents. On aperçoit encore, dans ce chaos, des débris d'habitations détruites. La plus grande partie du bourg a été reconstruite, ainsi que l'église, à distance respectueuse de cette crête, d'où pourrait bien se détacher encore, quelque jour, une autre avalanche de pierres. Le fronton du portail de cette nouvelle église porte cette inscription tirée de la prière de Jérémie, et parfaitement appropriée à la circonstance.
Memento, Domine, quid acciderit nobis.
Tout est propre, simple et décent dans cette nouvelle église, que je visite fréquemment. J'ai été surtout vivement ému et charmé des chants à plusieurs parties, exécutés par la population entière
avec beaucoup d'ensemble et un profond sentiment religieux. J'ai bon espoir que la prière de ces braves gens sera exaucée, et que Dieu leur épargnera de nouvelles catastrophes.
L'occupation de cette vallée se rattache à celle de la vallée principale du Tessin, dont celle-ci n'est qu'un embranchement. Tout ce canton est gardé par une brigade qui se compose de notre demi-brigade, la 106e, et de la 44e. Cette dernière est établie dans la partie inférieure de la vallée du Tessin, de Bellinzone à la frontière de la république cisalpine; la 106e, dans la partie supérieure, depuis le Saint-Gotbard jusqu'à Polleggio. C'est le troisième bataillon, auquel j'appartiens, qui occupe ce dernier point, et aussi la vallée adjacente du Brenno, jusqu'au dernier village en amont, Olivona, qui confine au pays des Grisons. Ma compagnie est évidemment la plus mal placée, attendu que Dongio est dans la partie la plus étroite de cette vallée, et que nous sommes obligés d'aller chercher nos rations à Polleggio, c'est-à-dire à trois grandes lieues, et par d'affreux chemins. Du reste, les vivres sont abondants, de bonne qualité, et nous y ajoutons souvent, pour le dessert, un supplément d'excellentes châtaignes rôties.
En somme, cet hivernage en pleine montagne n'est pas aussi désagréable qu'on pourrait le croire. D'abord, en face de notre petite caserne, nous avons une prairie assez grande pour faire un peu d'exercice ; c'est là que nous passons nos inspections. C'est là aussi que je vais faire un tour de promenade, toutes les fois que je suis libre, et que le temps le permet. J'y lis un peu, car j'ai quelques livres; plus souvent encore, je subis le charme de cette sévère et grandiose nature, et m'absorbe dans la contemplation de ce qu'on peut réellement appeler les beautés du pays. Ici, ce sont des chèvres qui voltigent avec une sûreté et une légèreté incroyables sur les pentes les plus abruptes, s'arrêtent parfois sur des pointes de rochers qui leur servent de piédestal, et paraissent comme suspendues au-dessus de nos têtes. Ailleurs, ce sont d'intrépides bûcherons escaladant les roches presque perpendiculaires que couronnent les forêts de sapins, dans lesquelles le bruit de la coignée fait bientôt retentir les échos. Un peu plus tard, je vois ces grands arbres, abattus et précipités sur les pentes, rebondir de roc en roc jusqu'aux premières maisons du bourg, où l'on vient les débiter pour notre usage et celui des habitants. Je ne me lasse pas non plus d'admirer deux belles cascades parallèles et presque contiguës qui se précipitent bruyamment de plus de 200 pieds de haut dans un vaste bassin, où leurs eaux rejaillissent en poussière diamantée. (Torrent du val Soja). C'est ici que j'ai compris pour la première fois, que les sites les plus sauvages, les plus austères, ont leurs beautés qui en valent bien d'autres.
Il vient de nous arriver 1500 recrues ou conscrits de l'an VII. On les a fait presqu'aussitôt repartir pour la Suisse, avec un cadre d'officiers et de sous-officiers instructeurs. Quant à nous, nous passerons probablement l'hiver ici. Le froid commence à se faire vivement sentir, ce qui n'est pas toujours commode pour les exercices, corvées et autres gentillesses du métier. Mais une fois rentrés, nous faisons bon feu; puis nous nous arrangeons pour charmer la longueur des soirées, en nous occupant ou nous amusant chacun selon ses goûts" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 70).
/ 1799, Hélvétie puis Italie
Le 18 janvier 1799 (29 Nivôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Général de Brigade Suchet, Chef de l’Etat-major général de l’Armée : "Je vous préviens, mon cher Général, que la 106e demi-brigade d’infanterie de ligne est arrivée à Chiari au lieu de la 44e ; l’officier de l’état-major qui a été chargé de l’établir dans ses cantonnements m’a rapporté que cette demi-brigade avait commis beaucoup d’excès en route, et que généralement, elle paraissait animée d’un mauvais esprit. Je vais la surveiller, et ferai connaitre au général en chef ce que j’aurai remarqué. Je vous préviens aussi que le payeur de la division vient de me communiquer une lettre à lui adressée par le payeur général de l’armée portant que la solde qui devait être payée du 20 au 25 de ce mois, conformément à l’ordre du jour du 19 courant, ne pourra l’être que du 10 au 15 Pluviôse prochain, parce que le citoyen Amelot lui mande que les fonds destinés au payement de la solde ne sont pas faits ; veuillez en prévenir le général en chef, afin qu’il avise aux moyens de les faire procurer.
N’oubliez pas de me faire parvenir le plus tôt possible les états de frais de table et de dépenses secrètes que je vous ai envoyé par le dernier courrier. Le bataillon de garnison de la 106e aura-t-il la même destination que devait avoir celui de la 44e ?" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 86 page 190).
Le même jour, 18 janvier 1799 (29 Nivôse an 7), le Général de Division Grenier écrit également au Général en chef Joubert : "… La 106e demi-brigade d’infanterie de ligne est arrivée au lieu de la 44e à Chiari ; Cette demi-brigade ne jouit pas de la meilleure réputation. Je vais charger l’adjudant général Gareau de la surveiller. Je la rapprocherai sous peu de jours de Brescia et vous ferai connaitre ce qu’elle aura de défectueux.
Les bataillons de la garnison de la division que je commande sont organisés ; sous quelques jours, je vous enverrai le résultat de ce travail. J’y joindrai celui de la 106e qui, étant en marche, n’a pas encore été commencé" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 86 page 190).
Le 20 janvier 1799 (1er Pluviôse an 7), Cognet écrit, depuis Coccaglio, à sa famille : "Nous avons quitté la vallée de la Brenna plus tôt que je ne pensait, à cause de l'extrême rigueur de la saison et de la difficulté des communications. Nous sommes présentement descendus en Lombardie : le froid, bien qu'assez vif en ce moment, l'est bien moins que dans les Alpes. C'est surtout à partir des premiers jours de décembre que notre situation était devenue pénible. Nous étions littéralement ensevelis dans la neige.
Il m'arriva, à cette époque, une aventure burlesque qui fallit tourner au tragique. J'étais sorti, vers quatre heures de l'après-midi, pour aller faire une visite à nos officiers. J'arrivai à un cours d'eau que j'avais traversé plusieurs fois sur la glace, suffisamment épaisse et par delà pour supporter mon humble personne. Comme le jour commençait à baisser, je ne m'aperçus pas qu'on
avait récemment cassé et déblayé la glace ancienne, et que cette eau très-profonde n'était couverte que d'une nouvelle couche des plus minces. Je n'y eus pas plutôt mis le pied qu'elle se rompit, et je fis un beau plongeon dans quelques six pieds d'eau. Le danger était d'autant plus grande que je ne sais pas nager, mais Dieu permit que je conservasse ma présence d'esprit. Un fort coup de talon me ramena à la surface; je parvins à saisir quelques racines de la berge, et y demeurai suspendu, criant comme un damné, avec cette différence que je gelais, au lieu de rôtir ! Des femmes qui travaillaient non loin de là accoururent au bruit, et m'aidèrent à sortir de cette eau glaciale en me tendant des perches. Je retournai bien vite à la caserne, mais j'eus beau faire diligence : Il faisait si froid que l'eau dont j'étais imbibé gelait sur mes habits, si bien que j'apparus aux camarades, tout couvert de lames cristallisées qui scintillaient à la lumière : j'avais l'air d'un lustre ambulant ! Mon aspect excita un rire général, auquel je finis par prendre part moi-même, quand j'eus changé de vêtements, et pris place auprès d'un bon feu.
Nous avions quitte Dongio le 10 janvier, pour nous diriger, par Bellinzone et Lugano sur Côme, où toute la demi-brigade se trouva réunie le 12. Cette ville fait de loin fort bonne figure, grâce à ses nombreux clochers, et aux magnifiques habitations qui bordent le lac. Mais on est bien désenchanté, dès qu'on pénètre dans ses rues sales et mal bâties.
Le 14, nous partîmes de Côme pour nous rendre d'une seule traite à Milan, où l'on nous donna séjour. Mais quel séjour, si nous n'avions pas eu la promenade en ville ! Nous couchâmes sur la paille, entassés dans de vieux bâtiments à peine couverts et nullement fermés, où la place même nous manquait, mais non les courants d'air. Nous eussions été moins mal à la belle étoile. Et voilà comment nous ont habituellement traités nos bons amis les Cisalpins, depuis que nous sommes sur leur territoire.
J'ai employé la meilleure partie du jour passé à Milan, à visiter son immense et magnifique
cathédrale ...
Le 16, nous allâmes à Caravaggio, petite ville qui nous parut d'autant moins intéressante, que nous ne pûmes y obtenir ni pain, ni lits. Le 17, la demi-brigade, arrivée à Chiari, se fractionna pour aller occuper ses nouveaux cantonnements. Notre bataillon est présentement établi à Coccaglio sur la route de Brescia. Nous y sommes assez mal, un peu moins cependant que dans les précédents gîtes depuis Dongio. Nous vivons dans une ignorance complète des événements politiques; mais les mouvements de troupes vers la frontière autrichienne donnent beaucoup à penser. Une rupture avec cette puissance semble probable, sinon certaine" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 70).
Le 27 janvier 1799 (8 pluviôse an 7), le Général de Division Grenier écrit à l’Adjudant général Gareau : "Les circonstances exigeant de nouvelles dispositions dans la répartition des troupes composant la division que je commande, je vous charge, citoyen général du commandement de la 1ère brigade, composée : de la 29e légère, 106e de bataille, bataillon de garnison de la 63e (uniquement destiné pour la garnison de Peschiera), une compagnie d’artillerie légère, un escadron du 9e régiment de chasseurs.
Cette brigade comprend dans son arrondissement les villages en avant de Peschiera jusqu’à la ligne autrichienne ; à sa droite les postes de la division Delmas et à sa gauche le lac de Garda, Peschiera pour son centre ; Castiglione, Montechiaro et autres villages sur la Chiese comme réserve.
J’écris au général Guillaume afin qu’ils vous fasse remettre les différentes instructions qu’il a reçu et donné, tant pour la défense de Peschiera que pour la surveillance des avant-postes et du lac de Garda ; vous y ferez en me les soumettant les changements que vous croirez nécessaires ; le but de la surveillance aux avant-postes en avant de Peschiera est d’être exactement informé des dessins et des mouvements de l’ennemi ; ces avant-postes occupent les villages de Saint-Georges, Castelnuovo, Sandra, Passengo et Lazise, ainsi que Cavalcaselle ; ces troupes sont trop disséminées pour exiger qu’elles combattent de pied ferme sur cette ligne en cas d’une attaque subite et imprévue ; elles ne doivent combattre partiellement qu’autant de temps qu’il leur sera nécessaire pour faire leur retraite avec sûreté sur Peschiera, si les forces de l’ennemi les empêchaient de s’arrêter à Castelnuovo et Cavalcaselle, quoi que ce premier village sous couvert d’une ligne de retranchements. Ces avant-postes continueront d’être commandés sous vos ordres et votre surveillance par le citoyen Balleydier, chef de la 29e demi-brigade l’infanterie légère ; la flottille du lac de Garda commandée par le citoyen Pons faisant partie de la défense de Peschiera et de votre commandement. Cet officier ainsi que le commandant de la place, les officiers d’artillerie et du génie qui y sont employés recevront ordre de correspondre avec vous. Ils continueront néanmoins ainsi que les chefs des corps à correspondre pour tous les détails avec le chef de l’état-major de la division et lui enverront directement leurs états de situation.
Vous établirez la 106e demi-brigade en seconde ligne sur la Chiese de manière à pouvoir rassembler en moins de deux heures ; cette réserve ayant pour but de soutenir et de renforcer aux avant-postes en cas d’attaque. Vous indiquerez comme premier point de rassemblement les hauteurs de Castiglione ; vous ferez à cet effet occuper cette commune par quelques compagnies d’infanterie, ce point intermédiaire entre vos avant-postes et votre réserve me paraît aussi très convenable pour l’établissement de votre artillerie et cavalerie, vous établirez de vos avant-postes à Peschiera et de là jusqu’à Montechiaro des signaux d’alarme qui puissent être vus ou entendus de tous vos cantonnements. A ces signaux toutes les troupes de la réserve doivent se mettre en marche pour se rendre au rassemblement indiqué, d’où vous les dirigeriez d’après les ordres que je donnerai étant nécessaire que vous me préveniez en moins de deux heures des mouvements hostiles de l’ennemi.
Dans le cas où vous seriez prévenu de la marche des ennemis avant qu’ils n’attaquent vos avant-postes et que vous le soyez assez à temps pour réunir toutes vos troupes, et pour m’en donner avis, vous vous porteriez alors à Castelnuovo et Cavalcaselle où je m’empresserai de venir pour rejoindre avec toutes les troupes disponibles. Cette position est assez avantageuse pour s’opposer pendant quelque temps aux efforts de l’ennemi s’il nous laisse le temps de la réunion.
Si l’armée française commençait les hostilités, vous recevriez des ordres en conséquence des dispositions du général en chef.
Vous aurez attention de correspondre journellement avec moi et d’avoir aussi des relations avec l’officier commandant les avant-postes de la division Delmas.
Les déboursés que vous serez dans le cas de faire pour dépenses secrètes vous seront remboursés par moi à votre première demande ; je vous invite à vous rendre sans délai à Peschiera, et de voir avant votre départ le commissaire des guerres Leorat pour vous assurer si les subsistances sont assurées sur la Chiese pour votre seconde ligne" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 89 page 196).
Le 30 janvier 1799 (11 pluviôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Général en Chef de l’Armée : "J’ai reçu, mon général, votre lettre du 8 de ce mois, il ne me reste plus qu’un bataillon de paix fort d’environ 200 hommes, celui de la 24e étant parti le 6 de ce mois pour se rendre à Novare, et celui de la 106e ayant été dirigé sur Pavie ; à moins d’abandonner entièrement la rivière de Salo, les vallées et le château de Brescia, il m’est impossible de réunir plus de six bataillons, mais vous pouvez compter sur cette réunion dans le temps présent et sur un point quelconque de la division que je commande. En cas d’attaque imprévue de la part de l’ennemi et avant d’avoir reçu un ordre je porterai tout ce que j’ai de disponible sur les hauteurs entre Lonato et Castiglione ; si au contraire nous sommes prévenus par une déclaration de guerre, ou seulement 24 heures à l’avance je porterai ces six bataillons dans le camp de Castelnuovo où je compte bien pouvoir tenir jusqu’au moment où vous me ferez connaître vos ordres et la direction que vous voudrez donner à cette division ; dans le cas où cette marche n’entrerait pas dans vos dispositions veuillez me faire connaître vous intention afin que je puisse m’y conformer. Rien de nouveau dans cette partie ; toutes les dispositions des ennemis sont encore très défensives" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 90 page 199).
Le 5 février 1799 (17 pluviôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Chef de l’Etat-major général de l’Armée : "Ci-joint, vous trouverez, citoyen général, une lettre du chef de la 106e demi-brigade relative à plusieurs réclamations qui me paraissent fondées ; je vous invite à s’en prendre connaissance et à demander au ministre de la guerre la rentrée des différents détachements de cette demi-brigades restés l’armée d’Helvétie.
J’ai déjà donné les ordres nécessaires pour faire entrer aux bataillons de guerre les 48 hommes désignés par le dernier paragraphe de sa lettre" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 202).
Le même 5 février 1799 (17 pluviôse an 7), le Général de Division Grenier écrit également au Chef de la 106e Demi-brigade : "Vous êtes autorisé, citoyen, à faire rentrer au bataillon de guerre les 48 fusiliers destinés à former le noyau du bataillon de conscrits, la réunion de ce corps devant se faire avec le bataillon de garnison où il se trouve un nombre suffisant d’officiers, sous-officiers et soldats pour surveiller l’instruction.
J’adresse dans le jour au chef de l’état-major général de l’armée les différentes réclamations que vous me faites avec invitation d’y faire droit" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 202).
Le 9 février 1799 (21 pluviôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Chef de l’Etat-major général de l’Armée : "Par lettre ci-jointe, le chef de la 106e demi-brigade me rend compte, citoyen général, que le bataillon de garnison de cette demi-brigade est resté en Suisse, et que le général en chef de cette armée n’est pas disposé à le laisser partir.
Je vous invite en conséquence à demander ce bataillon au ministre afin de le rapprocher des deux bataillons de guerre" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 202).
Le 11 février 1799 (23 pluviôse an 7), le Général de Division Grenier écrit à l’Adjudant général Garreau : "… il m’est parvenu des plaintes sur la conduite de la 106e demi-brigade dans ses cantonnements. Les officiers se sont permis de frapper des habitants à Montechiaro ; dites-leur que je j’en ferai des exemples qui sûrement rétabliront l’ordre, si ces plaintes se renouvelaient" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 204).
Le 18 février 1799 (30 Pluviôse an 7), Cognet écrit, depuis Monte-Chiaro, à sa famille : "Nous avons quitté brusquement Coccaglio, ayant reçu l'ordre de nous rapprocher de Mantoue. Le 1er février, notre demi-brigade arriva ici, où l'état-major s'installa avec un bataillon. Le nôtre avait été envoyé à Carpendolo, mais je n'y suis resté que quelques jours, ayant été désigné par presque toutes les compagnies de la demi-brigade pour faire partie du conseil d'administration. Je suis donc de retour ici depuis le 8, et n'ai à m'occuper que des affaires soumises au conseil, qui se réunit tous les deux ou trois jours. J'ai à ma disposition une bonne bibliothèque, où je passe mes matinées, l'après-midi je me promène. Monte-Chiaro est une petite ville assez laide, mais dont les environs sont charmants. Il y a surtout un monticule qui touche à la ville, d'où l'on jouit d'un superbe panorama sur la chaîne lointaine des Alpes et les plaines de la Lombardie. Celles-ci n-ont pas encore leur riche parure printanière, mais on n'en distingue que mieux, à travers les arbres encore dépourvus de feuilles, une foule de beaux villages, avec leurs dômes et leurs tours. On aperçoit même, à une énorme distance, Saint-André de Mantoue, la tour de Crémone et le château de Brescia.
Notre organisation militaire vient de subir une importante modification. On a refondu nos trois bataillons en deux, et envoyé à notre grand dépôt ce qui composera, désormais, le troisième bataillon. Cette mesure vient d'être appliquée à tous les corps de l'armée, dont les bataillons actifs se trouveront ainsi au grand complet de guerre. Ceci donne plus que jamais lieu de croire que les hostilités vont reprendre prochainement" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 81).
Le 21 février 1799 (3 Ventôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Chef de l’Etat-major général de l’Armée : "Avant de connaître citoyen général que la 106e demi-brigade enclavée dans l’armée d’Italie faisait encore partie de l’armée helvétique, j’ai envoyé le noyau de son bataillon de garnison à Pavie, pour y attendre ce qui était resté en Suisse ; aujourd’hui, le chef de l’état-major de l’armée d’Helvétie demande, comme vous le verrez par les copies ci-jointes, que cette partie du bataillon de garnison rentre en Suisse ; veuillez à cet égard prendre les dispositions que vous croirez convenables et me les faire connaître avant que je puisse en faire au chef de ce corps" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 95 page 208).
Le même 21 février 1799 (3 Ventôse an 7), le Général de Division Grenier écrit également au Chef de la 106e Demi-brigade : "J’ai envoyé au chef de l’état-major général de l’armée, citoyen, copies de l’ordre que vous avez reçu du général Mainoni et l’ai invité à prendre les dispositions qu’il croira convenables, aussitôt qu’il me les aura fait connaître je vous en ferai part" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 95 page 208).
Le 1er mars 1799 (11 Ventôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Chef de la 106e : "Je vous préviens, citoyen, que le chef de l’état-major de l’armée a donné l’ordre à la portion du bataillon de garnison de votre demi-brigade de partir le 12 du courant de Pavie pour se rendre en Helvétie" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 97 page 213).
Le 8 mars 1799 (18 Ventôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Général Gauthier, Inspecteur de l’Infanterie de l’Armée : "Je vous renvoie ci-joint, citoyen général, la délibération du conseil d’administration de la 106e demi-brigade, son exposé est aussi méchant que faux. Voici les faits. Lorsque le général en chef autorisa les généraux de division à organiser les bataillons de garnison, j’en ordonnai la formation, et pour remplir les dispositions du général en chef qui voulaient que les officiers les plus instruits fassent partie des bataillons de guerre et soient portés au complet, il fallait nécessairement les prendre sur les trois bataillons de la demi-brigade. Il résulte dans cette nouvelle organisation que l’ancien conseil d’administration se trouve dissous de fait sans que la dissolution en ait été ordonnée. Cependant, la loi du 25 Fructidor an 5, sur la formation des conseils d’administration, n’a pas été violée par cette disposition puisque j’ai invité les corps à choisir les nouveaux membres du conseil d’administration parmi les individus qui se trouvent au bataillon de garnison, tant dans la proportion des grades que dans le nombre.
Les différents corps de la division que je commande ont adopté cette disposition sans réclamation et le service y gagne ; les seuls capitaines de la 106e demi-brigade membres du conseil d’administration ont trouvé qu’il serait sans doute plus avantageux pour eux de se promener au bataillon de garnison que de faire la guerre, voilà ce qui les contrarie (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 100 page 219).
Le 16 mars 1799 (26 Ventôse an 7), le Général de Division Grenier écrit au Chef de l’Etat-major général de l’Armée d’Italie : "Par votre courrier du 24, vous m’adressez, citoyen général, la nouvelle organisation de la division que je dois commander, et vous me faites connaître les mutations qu’a ordonné le général en chef. Il en résulte que cette division sera formée de : deux bataillons de guerre de la 17e Demi-brigade légère, deux bataillons de la 24e de bataille, deux bataillons de la 106e, 2e légion helvétique, et du 2e bataillon de polonais, du 24e régiment de chasseurs, de deux compagnies d’artillerie légère, et d’une réserve de 6 bouches à feu ...
Je vous avoue que ces changements me peinent, et qu’il m’est désagréable de voir dissoudre cette division au moment d’entrer en campagne, d’autant plus que je crois avoir contribué à son organisation et à sa discipline ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 104 page 227).
Le 16 mars 1799 (26 Ventôse an 7), le Général de Division Grenier écrit à l’Adjudant général Garreau : "Une nouvelle division s’organise, mon cher général, sous le nom de division du Tyrol ; elle sera commandée par le général Serrurier et occupera les avant-postes en avant de Peschiera, Montechiaro, Castiglione, Lonato et Desenzano ; ainsi vous serez relevé dans ces fameux postes ; ayez soin surtout qu’il ne nous arrive rien de désagréable dans ces derniers jours à Lazise et environs.
Par suite de cette nouvelle organisation, la 29e légère et la 63e quittent ma division ; pour relever la 29e dans la vallée de Sabbia, je suis obligé d’y envoyer la 106e, cette demi-brigade recevra donc aujourd’hui l’ordre de se rendre demain à Brescia pour se rendre le 28 dans la vallée de Sabbia ; si cependant vous étiez attaqué demain dans la matinée, vous arrêteriez son mouvement et disposeriez d’elle ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 105 page 229).
Le 21 mars 1799 (1er Germinal an 7), Cognet écrit, depuis Vestone, à sa famille : "Je pressentais que nous ne resterions plus longtemps à Monte-Chiaro. Dès le 10 mars, nous avons reçu l'ordre de nous rapprocher de la frontière autrichienne. Nous nous portâmes le lendemain sur Castiglione delle Stiviere, où nous devions recevoir de nouvelles instructions qui n'arrivèrent que le 17. Nous avons été envoyés dans la vallée de la Sabia. Je vous écris de Vestone, où je suis arrivé avant-hier avec l'état-major. Nous y sommes logés aussi bien qu'on peut l'être dans un pays très-pauvre, et qui, d'ailleurs, a été complètement ruiné pendant les dernières campagnes.
Selon toute apparence, l'ennemi n'est pas loin de nous, et l'on va bientôt se battre, car il nous
arrive beaucoup de déserteurs ... Nous sommes ici dans un véritable entonnoir, au nord-ouest du lac de Garde. Nous couvrons Brescia, et faisons tête aux gorges du Tyrol, par lesquelles l'ennemi pourrait déboucher pour prendre l'armée française à revers.
Si nous restons encore ici quelques jours, ce qui me semble douteux, j'irai visiter les bords du lac et les principales positions de la vallée, dont on ne peut rien soupçonner d'ici. Mais il faut d'abord être assuré que, pendant ces petites excursions, le feu ne prendra pas à la maison" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 83).
Le 24 mars 1799 (4 Germinal an 7), le Général de Division Grenier écrit au Général en chef de l’Armée : "Je vous rends compte, Citoyen général, que la division que je commande a pris poste aujourd’hui à Saint-Georges. Les bataillons de guerre de la 106e n’ont encore pu rentrer de la vallée de Sabbia. Je vous réponds cependant que le 1er bataillon arrivera demain 5 au camp et le 2e le 6 au matin. J’ai des vivres assurés pour six jours, et mon parc d’artillerie et de réserve est en mesure, vous pouvez donc compter sur l’entier rassemblement dans la journée du 6" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 107 page 232).
Concernant le combat du 26 mars 1799, le Général de Division Grenier adresse le 27 mars 1799 (7 Germinal an 7) au Général en chef de l’Armée un premier rapport : "Vous voulez, Citoyen général, un rapport circonstancié des événements qui ont eu lieu dans la journée d’hier et des résultats des opérations de la division que je commande sur les différents points où la division a été portée ; il m’est difficile de remplir aux intentions, la première demande n’ayant pu recueillir encore tous les faits qui mériteraient d’être commis ; je me bornerais donc à vous faire connaître le résultat de la marche de la division et le détail des actions qui me sont connus.
Conformément aux ordres que vous m’avez donné, la division à mes ordres est partie de Saint-Georges le 6 germinal à deux heures du matin, afin d’arriver à Bussolengo de meilleure heure, et pour faciliter avec avantage l’attaque de ce point, je divisai ma division en deux colonnes, la première formant l’avant-garde aux ordres du général Kister ...
La 2e brigade composée d’un escadron du 24e régiment de chasseurs, de la 24e demi brigade bataille, de la 2e légion helvétique, du bataillon de la 106e demi brigade, de la 6e compagnie du 4e régiment d’artillerie légère, et de l’artillerie de position.
Cette seconde brigade était aux ordres de l’adjudant général Partouneaux.
Je dirigeai la 1ère brigade aux ordres du général Kister de Saint-Georges sur Zona pour se porter par la route de Vérone sur la gauche de Bussolengo, les avant-postes ennemis furent enveloppés à Zona et faits prisonniers ; le premier poste fut passé à la baïonnette par les éclaireurs commandés par le citoyen Rochefort, sous-lieutenant de la 3e compagnie de carabiniers, cet officier égorgea lui-même la première sentinelle afin d’empêcher qu’elle n’avertit de la marche.
Je dirigeai moi-même la 2e brigade aux ordres de l’adjudant général Partouneaux de Saint-Georges sur Palazzolo, évitant autant que possible les postes avancés des Autrichiens afin de leur dérober notre marche ; arrivé à Palazzolo la colonne du général Kister se joignit à nous, n’ayant pu, faute de chemin, continuer la route qu’il lui était indiquée ; la division réunie marcha donc sur une seule colonne et déboucha sur Bussolengo, une heure avant le jour ; là nous rencontrâmes l’ennemi ; six bataillons de Varadins avec 10 pièces de canon défendaient ce bourg ; malgré l’obscurité et avant l’arrivée de la 2e brigade, j’ordonnais au général Kister d’attaquer. Le 1er bataillon de la 17e légère commandé par le Citoyen Croisier entra à la course par la droite et le 2e bataillon aux ordres du citoyen Lévêque par la gauche ; je dirigeai en même temps le 2e bataillon de la légion polonaise sur la grande route entre Pastrengo et Bussolengo afin de couper toute retraite à l’ennemi pendant que ma seconde ligne avançait pour protéger l’attaque, mais l’ennemi ne nous attendit pas et fut forcé de nous abandonner environ 300 prisonniers en se repliant en désordre sur l’Adige qu’il remonta. Ces dispositions arrêtèrent environ une heure les troupes de cette division et en continuant à poursuivre l’ennemi arrivèrent à 7 heures à Pastrengo ; déjà la division aux ordres du général Delmas avait attaqué la droite de l’ennemi, qui par sa gauche débordait aussi la droite de la division Delmas ; j’ordonnai en conséquence au général Kister de diriger la 17e légère sur les bords de l’Adige afin de tourner la gauche de l’ennemi pendant que le 2e bataillon de la légion polonaise, la 2e légion helvétique et le bataillon de grenadiers de la 2e ligne soutenus de la 1ère et de la 6e compagnie du 4e régiment d’artillerie légère et du 24e régiment de chasseurs attaquaient l’ennemi en front sur son centre ; ce mouvement facilita l’attaque du général Delmas qui força avec tant d’impétuosité la droite de l’ennemi qu’il se décida à la retraite et nous abandonna plusieurs pièces de canon ; résistance opiniâtre de l’ennemi nous a fait perdre un nombre assez considérable de braves gens et d’excellents officiers ...
Je vous ferai connaître les détails et les faits héroïques qui sont en grand nombre aussitôt que je les aurai recueillis. La division a fait au-delà de 1200 prisonniers" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 108 page 234).
Le 27 mars 1799 (7 Germinal an 7), Cognet écrit, depuis le camp de Pastrengo, à sa famille : "Vous voyez, mon cher ami, que les événements se précipitent. Un choc général a eu lieu hier; il a été, sinon décisif, du moins glorieux pour nos armes.
Le lendemain du jour où je vous écrivais, nous recevions l'ordre de quitter la vallée de la Sabia. Je partis de suite pour m'avancer le 23, j'étais de bonne heure à Brescia, où j'attendis les bataillons. Tout était sans dessus dessous dans cette ville, dont les magasins n'avaient pas assez de vivres, ni les arsenaux assez de munitions pour les circonstances. Nous partîmes de Brescia le soir même, pour faire place à d'autres troupes. Je couchai dans un village sur la route de Peschiera, où j'eus, pour la dernière fois, mon logement d'état-major comme membre du conseil. Le lendemain 24 ..., j'allai droit au camp de Saint-Georges, où ma compagnie était bivouaquée, et je repris place dans ma compagnie.
Le 25, nous aperçûmes la partie de l'armée autrichienne qui nous était opposée. C'était l'aile droite, occupant principalement Bussolengo, sur la rive gauche de l'Adige, et Pastrengo sur la rive droite. Cette armée avait son centre, que nous ne pouvions voir, en avant de Vérone, sa gauche vers Legnago. Nous fûmes passés en revue dans la journée, et les troupes décampèrent sans bruit dans la nuit, pour aller prendre les positions assignées à chaque corps.
L'obscurité, le mauvais état des chemins et l'encombrement rendaient notre marche assez pénible, et finirent par l'interrompre tout à fait. Pendant cette halte forcée, qui dura plus d'une heure, notre chef de brigade me dit qu'il était inquiet de ses deux caissons de cartouches qui n'arrivaient pas, et me chargea d'aller à leur rencontre avec une escouade. Je les trouvai au milieu d'une prairie, renversés dans un fossé d'où les soldats de l'escorte s'efforçaient en vain de les retirer. Nous allâmes chercher du secours dans une ferme voisine, dont j'eus bien de la peine à me faire ouvrir la porte, tant ces pauvres gens craignaient d'être pillés et maltraités. Je parvins à les rassurer, mais, malgré leur aide, il nous fut impossible de relever nos caissons dans ce terrain marécageux. Il fallut les déchargers, déposer les cartouches sur nos capotes étendues par terre, dételer les chevaux. Alors on put soulever les caissons, et les porter à bras jusque dans le chemin où ils furent rechargés. Tout cela avait pris du temps : le jour commençait
à luire et le combat était déjà engagé, quand je rejoignis ma demi-brigade avec les munitions.
L'action, qui a duré toute la journée, a été générale et cbaudement disputée sur tous les points. Notre droite, vers Legnago, a été repoussée avec perte. Notre centre fit d'abord de rapides progrès, et refoula l'ennemi sur Vérone, mais ne put aller plus loin. C'est seulement à notre gauche, où se trouvait ma demi-brigade, que notre succès a été complet. La belle position de Pastrengo, que défendaient vingt-deux redoutes disposées sur trois lignes en amphithéâtre, a été enlevée après une vive résistance, et l'ennemi rejeté au delà de l'Adige. La perte des autrichiens a été de 9 à 10,000 hommes, dont 4500 prisonniers; on a pris aussi des drapeaux et plusieurs canons.
Notre demi-brigade, ayant été tenue en réserve pendant la plus grande partie de la journée, a très peu souffert. Nous avons couché à Pastrengo. Aujourd'hui 27, tout paraît fort calme autour de nous. Ce soir, nous ferons un mouvement sur Bussolengo, où nous coucherons vraisemblablement" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 85).
Le 11 avril 1799 (21 Germinal an 7), Cognet écrit, depuis Mantoue, à sa famille : "Malgré moi, j'étais inquiet des suites de cette prétendue victoire. Je n'avais que trop raison !
Le 27, nous passâmes la nuit, non à Bussolengo comme nous l'espérions, mais sur la rive droite en face de ce village. On nous y laissa fort tranquilles le 28. Le lendemain, un détachement dont je faisais partie, fut envoyé vers Peschiera.
Le 30, le général Sérurier passa l'Adige au-dessus de Pastrengo, et fit une pointe dans la direction de Roveredo, pour couvrir un mouvement général qu'on faisait faire à notre armée de gauche à droite, pour rétablir entre Mantoue d'une part, Vérone et Legnago de l'autre. Ce mouvement eut lieu, et le général Sérurier rejoignit, le lendemain 31, le gros de l'armée. Le détachement dont je faisais partie alla s'établir le même jour dans un village entre Villafranca et Roverbella, sur la route de Mantoue.
M'ennuyant fort de ne rien voir et de ne rien faire, et m'imaginant avoir trouvé une occasion que je n'aurais pas voulu manquer pour tout l'or du monde, j'obtins de mon chef l'autorisation de faire une petite excursion à Mantoue, promettant d'être de retour le lendemain. Je mourais d'envie de voir le monument élevé par le général Bonaparte à Virgile, à l'endroit même où naquit ce grand poète; l'ancienne Andès, appelée aujourd'hui Pietola, à un peu plus d'une demi-lieue de Mantoue.
Après avoir fait ma visite au commandant de place qui me reçut à merveille, et passé la nuit en ville, je sortis le lendemain matin de Mantoue par la porte de Cérèsi, passai le Payolo, qui est un bras du Mincio, sur le pont dit de Virgile, et arrivai à Pietola, en face du monument. C'est une pyramide d'environ vingt-cinq pieds de haut, entourée de charmilles, d'arbustes, et de plantes de toutes espèces; de celles surtout qui sont mentionnées le plus souvent dans les Bucoliques. On lit sur une des faces de la pyramide l'inscription suivante : Natali P. Virgilii sacrum anno VI Rep. Fr.; et sur les trois autres, des passages des Georgiques où il est question de Mantoue et du Mincio.
Après avoir examiné le monument en détail et copié les inscriptions, je revins gaiement déjeuner à Mantoue, et repris le chemin de ma station, où je n'arrivai qu'à la chute du jour. J'étais enchanté de cette excursion, mais ce que j'appris à mon retour refroidit singuliérement mon enthousiasme. Virgile est toujours un bien grand poète, mais si j'avais su ce qui se passait, j'aurais assurément différé ce pèlerinage.
En arrivant au village, j'appris que dans la journée, le détachement avait été rappelé en toute hâte sur Villafranca. La presque totalité était partie; il ne restait plus là que des bagages, avec une faible arrière-garde. Je partageai le souper et le lit du fourrier, et nous comptions bien filer le lendemain matin. Mais voici qu'au point du jour, nous sommes sérieusement attaqués dans le village même, par un ennemi très supérieur, venant précisément du côté de Villafranca. Il fallut d'abord nous défendre, puis nous replier en tirailleurs dans la seule direction encore libre, c'est-à-dire sur Roverbella, puis sur Mantoue, où nous arrivâmes le soir. Je ne m'attendais guère à y revenir sitôt, et dans de telles circonstances. Me voici donc, par suite de cette mésaventure, bloqué à Mantoue, avec de graves motifs de craindre d'y rester beaucoup plus longtemps que je ne voudrais.
Voici, en effet, ce qui s'est passé depuis.
Le 5 avril, nous vîmes arriver les parcs de l'armée, beaucoup de fuyards, et des blessés en si grand nombre que les hôpitaux et plusieurs églises purent à peine les contenir. On connut le lendemain, les détails de la malheureuse affaire de Magnano. La ville fut aussitôt pourvue d'une garnison, et déclarée le 9 en état de siège.
Le 10, toutes les troupes avaient repassé le Mincio sur divers points, et c'est ce matin seulement
que l'ordre nous est parvenu de rejoindre notre demi-brigade sur la route de Crémone. Mais nous avons trouvé cette route déjà interceptée, et il a bien fallu revenir ici.
Mantoue est une place très forte, située dans une île entourée par le bras principal du Mincio, le
canal ou embranchement dit Payolo, et les lagunes d'eaux stagnantes qu'on est convenu d'appeler lac. La ville proprement dite occupe la partie nord-est, qui forme un peu moins de la moitié de la superficie totale de l'île. Le reste qu'on pourrait nommer spécialement île de Cérèse, est séparé de la ville par une plate-forme oblongue également environnée d'eau, et reliée à la ville proprement dite et à Cérèse par des ponts et des ouvrages de défense. On a donné à cette plate-forme le nom de T, parce que le palais des anciens ducs, situé dans ce lieu, avait, dit-on, autrefois, la forme exacte de cette lettre.
Quoiqu'il en soit, l'ensemble de ces diverses fractions de l'île est complétement entouré d'eaux, soit courantes, soit stagnantes. Le Mincio proprement dit, avec les lagunes adjacentes, couvre Mantoue au nord et à l'est. On appelle Lago di Sopra, lac supérieur, la portion des eaux qui s'étend entre la porte de Pradelles et la citadelle; Lago di Mezzo, ou lac du milieu, celles qui séparent la citadelle pont Saint-Georges ; enfinLago di Sotto, d'en dessous ou inférieur, toutes celles qui baignent la ville proprement dite et l'île Cérèse, entre le fort Saint-Georges et Pietola à l'endroit où le Payolo, qui se détache du Mincie ou bras principal au-dessus de Mantoue, le rejoint, après avoir arrosé de ses eaux courantes ou dormantes les parties ouest et sud de la ville et de Cérèse.
Mantoue est principalement défendue au nord-est par sa citadelle, située au delà du lac, à environ
300 toises de la villes On appelle Molina la porte qui y conduit, à cause des moulins établis le long du pont couvert par lequel la ville et la citadelle communiquent. Elle est couverte à l'est par le fort Saint-Georges, reliée à elle par un pont dont la longueur est de 500 toises pour le moins. Entre ce fort et la citadelle, à 1000 toises environ de la ville, se trouve l'ancien palais de la Favorite, magnifique position, mais non susceptible d'être occupée par la garnison. Au S.-S.-O., Mantoue est protégée par un camp retranché qui occupe Cérése et le T, et avec lequel on communique par deux ponts.
L'endroit le plus faible est la porte de Pradelles, à l'O.-N.-O. Elle n'est couverte que par un ouvrage à cornes, établi à 200 toises en avant. Cet ouvrage est commandé par les hauteurs voisines, et n'est relié à la ville que par une chaussée étroite, dont un ennemi maître du lac peut facilement intercepter le passage avec ces canonnières. En ce moment, la garnison française dispose de douze barques canonnières pour la défense des lacs.
Cette garnison, commandée par le général Foissac-Latour, se compose de vingt bataillons ou débris de bataillons français, polonais, italiens et suisses, de quatre compagnies de canonniers françaises et quatre italiennes, de quelques centaines de dragons, etc., en tout 1000 hommes à peine.
Je ne sais si cette lettre vous parviendra. Je la confie à un dragon qui attend des dépêches, et
qui va tâcher d'arriver jusqu'à l'armée française, à travers les postes ennemis" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 89).
- 8 juin 1799, combat d'Albis-Rieden
Le Général Soult raconte : "Le 8 juin, le lendemain de notre arrivée sur l'Albis, nous étions occupés à nous fortifier, lorsqu'une forte colonne autrichienne engagea le combat contre ma division. J'éprouvai d'abord du désavantage; je fus repoussé d'Albis-Rieden, du bois qui est en arrière et des abatis que nous y avions faits. Je n'avais, pour reprendre ma position, que huit cents conscrits, formant le 3e bataillon de la 106e, arrivés de la veille; ils paraissaient au feu, pour la première fois. Je craignais de m'en servir, et je les avais tenus en réserve; mais ils montraient une grande ardeur, ils avaient de bons officiers, el j'espérai qu'ils suppléeraient par leur courage à l'instruction qui leur manquait. Je leur ordonnai de charger à la baïonnette, sans tirer un coup de fusil. Ils s’ébranlèrent eu silence, marchèrent avec calme, se pressèrent entre eux, pour ne point se désunir, joignirent les ennemis et les enfoncèrent; tout plia devant eux, les canonniers furent enlevés sur leurs pièces. Ce succès détermina un retour offensif du restant de la division; à 10 heures du soit, on se battait encore, et tous nos postes étaient repris. Nous gagnâmes à cette action beaucoup de prisonniers et Je temps de rendre désormais notre ligne inexpugnable ..." (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 2, p. 188)
Le 6 août 1799 (9 Thermidor an 7), Cognet écrit, depuis Lodi, à sa famille : "La fortune des armes persistant à nous être contraire en Italie, nous n'avons pas vu paraître l'armée libératrice qu'on nous promettait sans cesse et, comme "toute ville assiégée qui n'est pas secourue est une ville prise", nous avons dû capituler après une longue défense ...
Je vous ai parlé des eaux courantes, et aussi des eaux mortes ou stagnantes qui environnent la place. Ces dernières, toujours malsaines, le deviennent bien davantage l'été, surtout pour une
garnison assiégée. Aussi les maladies nous avaient enlevé un cinquième au moins de notre effectif; et c'est peu, quand~n se rappelle qu'il y a deux ans, dans des circonstances semblables, la garnison autrichienne assiégée dans Mantoue y a presque entièrement péri.
Nous avions un approvisionnement assez considérable de grains, mais peu de farines. Aussi, quand les crues vinrent empêcher les moulins de marcher, il fallut recourir au biscuit, bon et abondant d'abord, mais ensuite très mauvais. Bientôt même il n'y en eut plus guère, et nous fûmes réduits finalement au sixième de ration.
Nous n'avions de viande fraîche que tous les cinq jours, et la viande salée qu'on nous donnait le reste du temps, était détestable. De plus, le sel nous faisait presque complétement défaut. Pour assaisonner notre viande fraîche et les autres aliments, nous n'avions que le résidu des tonneaux de salaisons, qui donnait à notre soupe une teinte verdâtre des moins ragoûtantes. On n'accordait pour la cuisson que quinze onces de bois par homme.
Les liquides ne manquaient pas. On nous faisait régulièrement des distributions de vin, d'eau-de-
vie et de vinaigre. On donnait aussi du tabac.
Les caisses militaires étaient mal garnies. Aussi l'on eut bien de la peine à payer un tiers de la
solde, pendant la durée du siège. A la fin, on eut l'idée de battre monnaie, mais la place ayant capitulé peu de temps après, les balanciers eurent à peine le temps de fonctionner.
Aussitôt que la ville fut investie le gouvernement devint exclusivement militaire. Ordre fut donné à tout habitant insuffisamment approvisionné, de sortir sous trois jours. Défense fut faite aux boulangers et bouchers de vendre à ceux qui avaient les vivres militaires, et réciproquement défense à ceux-ci de vendre leurs rations aux habitants. On fit divers autres règlements, ayant pour objet le maintien du bon ordre, et la santé du soldat.
Pendant les premiers jours qui suivirent l'investissement, l'ennemi se tint à une assez grande distance de la ville ; les habitants des campagnes voisines pouvaient encore apporter leurs denrées au marché.
Les 16 et 17 avril, l'ennemi tenta inutilement de s'emparer de la tour de Cérèse. Le 18, une nouvelle et plus vigoureuse attaque sur ce point échoua pareillement.
Le 19, il fit, avec 2,000 hommes, une démonstration inutile contre le fort Saint-Georges. Le 20, il coupa tous les chemins qui y conduisent, et le lendemain, dirigea une nouvelle attaque contre le fort, qui ne réussit pas mieux que la précédente.
Le 8 mai, à deux heures du matin, la garnison fit une sortie générale, pour reconnaître les forces, positions et travaux de l'ennemi. Cette reconnaissance eut un plein succès vers dix heures, nos troupes rentrèrent avec 300 prisonniers, qui furent échangés dès le lendemain.
Ce fut pendant ce mois que la crue des eaux, naturelle ou forcée, vint empêcher nos moulins de travailler, et qu'il fallut substituer le biscuit au pain; les moulins à bras pouvant à peine suffire aux besoins des hôpitaux. Quand, plus tard, les eaux vinrent à décroître, on eut le chagrin de voir que les ouvrages extérieurs qu'elles avaient recouverts, étaient absolument dégradés, et hors d'état de servir à la défense.
Le 10, l'ennemi commença à se retrancher sous la citadelle.
Le 14, il coupa le chemin de Cérèse.
Le 17, il essaya en vain d'établir une batterie sur la rive droite du Payolo.
Dans la soirée du 19, il délogea les postes avancés de Saint-Georges, et s'avança jusqu'aux barrières, d'où il fut vivement repoussé, et refoulé jusque dans ses lignes.
Le 21, la garnison de Saint-Georges ayant fait sortir un détachement pour couper des bois qui gênaient la défense, il s'en suivit un engagement, pendant lequel l'ennemi parvint à lui enlever
quelques voitures.
Le 27, de grand matin, la garnison de la citadelle se porta sur la Favorite où l'ennemi s'était
établi, et parvint à l'en débusquer.
Le même jour, l'ennemi se montra sur le lac inférieur avec de grosses canonnières, qui donnèrent
la chasse aux nôtres. Le feu croisé des batteries de la place et de Saint-Georges les força de s'éloigner.
Le 3 juin, l'ennemi parut aussi, avec de grosses canonnières, sur le lac supérieur. Le 5, elles
poursuivirent trois des nôtres, qui ne leur échappèrent qu'en s'abritant sous nos batteries. A partir de ce jour, le service de nos canonnières sur les lacs fut entièrement paralysé.
Du 8 au 13, l'ennemi construisit d'importants ouvrages entre Saint-Georges et Pietole, malgré
le feu de nos batteries.
De grands renforts étaient arrivés à l'armée assiégeante. Notre général craignait une surprise à
cause des hautes eaux qui avait envahi les ponts de la citadelle et de Saint-Georges, et rendu la place abordable sur un grand nombre de points. En conséquence il avait fait établir partout des bivouacs ; mesure qui vint augmenter la fatigue déjà excessive d'une garnison réduite, depuis plusieurs jours, à quelques onces de mauvais biscuit. Mais, les eaux ayant commencé à décroître, on put alléger le service du soldat à partir du 19, et rajouter six onces de pain à la ration de biscuit.
Une vive canonnade ayant été entendue au loin, les jours suivants, dans la direction du Pô, on battit la générale le 23, et les troupes se préparèrent pour une sortie générale. Mais le bruit du
canon, au lieu de se rapprocher comme nous l'espérions, cesssa tout à fait, et chaque corps alla tristement reprendre sa position.
Le 28, il y eut une suspension d'armes, pendant laquelle l'ennemi célèbra, par des salves d'artillerie et de mousqueterie, les victoires de ses armées. Une prétendue lettre du général Macdonald, publiée le lendemain à Mantoue, annonçant l'approche de son armée victorieuse, ne produisit qu'une impression pénible, vu le silence absolu du canon dans cette direction, et l'attitude triomphante de l'ennemi.
Le 6 juillet, celui-ci ouvrit la tranchée sur la rive droite du Payolo. A partir de ce jour, nos batteries ne cessèrent plus de tirer.
Le 9, les grandes eaux étant entièrement écoulées, et les moulins ayant repris leur complet exercice, on nous rendit intégralement nos rations de pain.
Le 10, à trois heures et demie du matin, l'ennemi, par un prompt et vigoureux coup de main, s'empara de la tour et du moulin de Cérèse.
Le 13, la garnison fut sommée de se rendre. Le général Foissac-Latour fit une réponse convenable,
puis il demanda et obtint une suspension d'armes de vingt-quatre heures, pour célébrer la fête commémorative du 14 juillet.
Dans la nuit du 14 au 15, l'ennemi ouvrit la tranchée à Belfiore et devant la citadelle. Au point du jour, il attaqua les avant-postes de l'ouvrage à cornes de Pradelles, et les refoula jusqu'aux palissades. Les tranchées malgré le feu continu de la place, furent poussées en peu de jours jusqu'aux glacis des points attaqués.
Le 19, nous commençâmes à dépaver la ville, et à prendre toutes les précautions nécessaires pour neutraliser l'effet du prochain bombardement.
Il commença le 24 à trois heures du matin, et fut dirigé principalement contre Pradelles et la citadelle. Dès dix heures, le feu du ravelin de la porte de Pradelles était éteint et, avant le soir, la belle et vaste rue de ce nom, où je me trouvais, était encombrée de débris.
J'étais précisément ce jour-là de garde au meilleur endroit, à la porte de Pradelles. Là j'eus le loisir de suivre les évolutions des bombes qui nous arrivaient à toute minute. L'ennemi y allait de si bon coeur, que nous voyions constamment dans l'air un grand nombre de ces projectiles, les uns en train de monter, les autres de descendre. C'était un spectacle magnifiquement terrible ; un
feu d'artifice sur une grande échelle. Il y avait tant de bombes à guetter en même temps, que nous ne parvenions pas à nous garer de toutes les explosions. L'une d'elles me fît la galanterie de m'envoyer un éclat qui me passa à quelques pouces de la figure.
Je n'ai garde d'oublier un épisode vraiment étrange de ce bombardement. Il y avait près de la porte de Pradelles et adossé à la paroi intérieure du rempart, une maisonnette en bois et pierrailles de chétive apparence, dans laquelle une cinquantaine d'habitants des maisons voisines s'étaient réfugiés, comptant sur l'abri de la muraille. Une bombe vient pourtant tomber sur cette maisonnette. Elle éclate, crève la toiture et y met le feu. Ne voyant personne sortir, malgré cette catastrophe et l'incendie qui s'étend, nous courons, pensant trouver tout le monde broyé ou asphyxié. Cette construction était divisée en deux pièces, ce que nous ignorions. La bombe ayant pénétré dans l'une, tous ceux qui s'y trouvaient avaient eu le temps de se jeter dans l'autre avant l'explosion. Nous trouvâmes ces pauvres gens, entassés les uns sur les autres, et plus qu'à demi morts de peur, mais sans une égratignure !
Dans la nuit du 24 au 25, l'ennemi passa le Payolo, et s'empara d'une partie du camp retranché (dans l'île de Cérése). On se hâta de diriger sur ce point toutes les forces disponibles. Les assiégeants furent rejetés au-delà du Payolo, et nous laissèrent 200 prisonniers.
Le 25, à onze heures du soir, nos troupes évacuèrent le fort Saint-Georges, et le lendemain, à neuf heures du soir, l'ouvrage à cornes de Pradelles. Sur ce point, le plus compromis du corps de la place, on coupa la chaussée de communication avec l'ouvrage délaissé, pour y faire passer un courant d'eau, derrière lequel on se retrancha le moins mal possible. Le ravelin était à peu près détruit, l'artillerie hors de service; l'ennemi occupait déjà une partie des glacis.
La nuit du 26 et la matinée du 27 furent employées à des préparatifs d'attaque et de défense de la courtine de droite. Nous nous efforcions de remplacer par des sacs à terre, les terrasses et la maçonnerie, en grande partie écroulées dans le fossé.
Sur une nouvelle sommation, faite le 27 à midi, le conseil de défense se réunit, et présenta un projet de capitulation qui fut rejeté par l'ennemi : il exigeaitd'abord que la garnison fut prisonnière de guerre. Néanmoins on continua de négocier, et, le 28 au soir, il fut convenu que la garnison sortirait avec les honneurs de la guerre ; qu'elle mettrait ensuite bas les armes, serait reconduite en France et ne pourrait servir avant échange, et que les officiers seraient internés en Autriche pendant trois mois, pour y servir d'otages.
Le 30 juillet, dès le matin, nos postes furent relevés par les Autrichiens, et la garnison entière vint se mettre en bataille sur la place d'armes. A dix heures, précédée de dix pièces de canon, elle commença à défiler par la porte Molina.
En même temps une colonne autrichienne, venue par la porte de Pradelles, débouchait sur la place et venait former ses lignes de bataille en face des nôtres. Le bruit des cloches sonnant à toute volée, et les acclamations joyeuses des habitants, saluaient l'entrée de nos ennemis. Alors la populace, se croyant tout permis, se mit à nous accabler d'injures et d'ignobles projectiles. Déjà ces misérabless'avançaient entre les deux troupes, pour abattre les armes et les insignes français encore debout au centre de la place, et qui ne devaient être enlevés qu'aprés notre départ. Comme les Autrichiens nous semblaient ménager trop cette canaille, nous la repoussâmes nous-mêmes à bons coups de crosse et de plat de sabre, et la tînmes ainsi en respect jusqu'au départ de nos derniers pelotons, qui ne put s'effectuer qu'avec l'aide d'une forte escorte.
En sortant de Mantoue, nous passâmes tambour battant entre deux lignes autrichiennes. Le défilé terminé, on déposa les armes les officiers prirent la route d'Autriche et nous celle de France. Les soldats italiens se débandèrent en criant E morta la republica cisalpina ! Quant aux Polonais qui marchaient les derniers dans le défilé, nous eûmes la douloureuse surprise de voir les Autrichiens leur fermer le passage et les contraindre de rentrer en ville, après les avoir désarmés. Ils étaient exclus inopinément de la capitulation, comme sujets rebelles (!) de la Russie. Que d'humiliations essuyées coup sur coup dans cette fatale journée ! Insultes d'une vile populace; séparation forcée d'avec nos chefs ; lâche abandon d'une demi-brigade italienne toute entière; violence inique faite aux Polonais, nos vaillants et fidèles auxiliaires !
On nous conduisit le même jour à Goïto, petite ville entre Mantoue et Peschiera. Nous y fûmes logés économiquement dans les fossés des remparts. Aucune distribution ne nous ayant été faite ce jour-là, il fallut bien se coucher sans souper. Le lendemain, on commença à nous donner le pain; mais il paraît que nous ne recevrons aucune solde jusqu'à notre retour en France, attendu que
nous ne sommes pas considérés comme prisonniers de guerre. Il en résulte que je ne roulerai pas sur l'or pendant le voyage car au départ de Mantoue, mon pécule se montait tout juste à la somme totale de deux francs. J'ai bien aussi quelques petites pièces de monnaie frappées dans les derniers jours du siège, mais je les conserve religieusement comme souvenir.
On nous répartit à Goïto en plusieurs colonnes de marche ; celle dans laquelle je fus compris ne
partit que le 2 août. Sa première station fut ce même Montechiaro où j'avais séjourné l'hiver précédent, dans des circonstances bien différentes. J'y revis mon ancien hôte, qui me fit l'accueil le plus amical, et aurait bien voulu me garder à coucher. Mais il fallut regagner le dortoir commun, qui n'était autre chose que la place publique. Jusqu'ici nous avons toujours couché ainsi à la belle étoile.
Le 3 août, nous longeâmes les remparts de Brescia pour aller passer la nuit dans un village assez éloigné. Le 4, nous passâmes sous les glacis d'Arci-Novi, et couchâmes derechef dans un village. Enfin, le 5, on nous a encore fait contourner, sans y entrer,une autre place forte, Crème, et pousser jusqu'à Lodi, où nous stationnons jusque nouvel ordre.
En finissant cette longue épitre, je m'aperçois que je ne vous ai rien dit de la ville même de Mantoue ; je n'ai pourtant eu que trop le temps de la voir en détail ! Comme l'emploi des cloches avait été interdit pendant toute la durée du siège, je n'ai pu entendre la célèbre sonnerie de la cathédrale qu'une seule fois, au moment de notre départ. Cette harmonie vibrante, qui m'eût charmé dans toute autre circonstance, en ce moment me brisait le coeur ! Les églises, que j'ai toutes visitées, sont généralement petites,. mais richement décorées. La cathédrale, et Saint-André, ont fixé particulièrement mon attention. La cathédrale a peu d'apparence au dehors, et sa tour construite en briques, fait assez triste figure. Mais cette église est très remarquable à l'intérieur par ses quatre rangées de colonnes cannelées, ses voûtes dorées, ses magnifiques peintures, parmi lesquelles on ne se lasse pas d'admirer une Résurrection de Paul Véronèse. Saint-André est un vaste édifice surmonté d'un fort beau dôme, celui-là même que j'apercevais de si loin, il y a quelques mois, de mon esplanade de Montechiaro. L'intérieur de Saint-André est orné de belles fresques du même Véronèse, qui a beaucoup travaillé à Mantoue.
Je suis entré aussi dans les synagogues, et j'y ai remarqué que les juifs n'observent pas toujours le précepte de la sanctification du sabbat aussi scrupuleusement qu'on veut bien le dire.
Mantoue n'offre de remarquable, outre ses deux principales églises, que sa vaste place d'armes, ses deux belles rues de Pradelles et de Cérèse ou Pusterla, et quelques anciens palais, dont la plupart ont beaucoup souffert dans les guerres civiles qui ont longtemps désolé ce pays"
Le 20 août 1799 (3 Fructidor an 7), le Général de Division Grenier écrit au Général …lle ( ?) : "Ci-joint vous trouverez mon cher général l’état des situations des troupes qui composent cette division. Vous y verrez que la première brigade est composée d’un bataillon de la 17e légère, d’un bataillon de la 106e et de la 26e demi brigade de bataille ; la 2e est composée de la 104e et d’un bataillon de la 5e, ayant à Annecy en réserve le restant de la 17e légère.
La 1ère brigade a pour but de se lier par sa droite par la vallée de Bardonnèche avec la division de Briançon, elle coupe le Mont Charnu ( ?), le Grand et Petit Moûtiers ( ?) et est chargé de leur défense, elle longe sa gauche dans la vallée de Bessans et vient communiquer avec la 2e brigade par le Mont Iseran.
Cette 2e brigade est chargée de la défense du col du Mont du Petit-Saint-Bernard, du Fort Valaisan, du col de l’Allée Blanche, du col du Bonhomme et de tous le Faucigny, elle communique par le Mont Iseran à la brigade de droite et par sa gauche aux troupes qui défendent le Valais en Helvétie.
Le système de défense pour ces deux postes est celui indiqué par la nature du terrain, et les idées des généraux qui sont chargés de leur défense doivent toujours se rapprocher si ce n’est pour les dispositions au moins pour l’ensemble.
Le général Kister commandait sous mes ordres la brigade de droite et est encore à Saint-Jean-de-Maurienne.
Vous connaissez les besoins du soldat et ils sont partout les mêmes, on s’occupe cependant ici de l’habillement et l’équipement ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 118 page 254).
Le 28 août 1799 (11 Fructidor an 7), Cognet écrit, depuis le bivouac du Mont-Cenis, à sa famille : "Que voilà bien les péripéties de l'existence du soldat ! Après avoir pendant de longs jours, promené ma misère à travers tout le Piémont, sans trouver où reposer ma tête ; me voici au sommet du Mont-Cenis, respirant avec délices l'air, même le très grand air de la liberté, et attendant des ordres qui n'arrivent pas !
Je reprends la suite de mon itinéraire. Arrivés à Lodi dans la soirée du 5 de ce mois, nous n'en sommes repartis que le 9. J'aurais donc eu du temps de reste pour explorer cette ville en détail. Mais la chaleur et la fatigue, le chagrin et la misère, nous avaient tous plongés dans une morne apathie. J'en sortis néanmoins un moment, pour me procurer quelques renseignements sur le mémorable combat du pont sur l'Adda, l'un des premiers et des plus beaux exploits de Bonaparte, il y a trois ans (10 mai 1796). J'ai pu juger sur place, et en connaissance de cause, du mérite d'un pareil coup de main.
Je vis, d'une part, un peu au delà du pont, les vestiges encore reconnaissables du camp retranché circulaire des Autrichiens de l'autre, ce pont si élevé, si long, si étroite aboutissant directement au centre de la formidable position de l'ennemi ; et battu presqu'à bout portant par les feux convergents de son artillerie. Puis la rue transversal où le général français, tout en échangeant des coups de canon avec l'Autrichien, massa sa colonne de 10,000 hommes, et sut lui donner une telle impulsion, qu'elle franchit le pont à la course, renversa tout devant elle, enleva en quelques instants cette position jugée inexpugnable, et défendue par un ennemi supérieur en nombre. Je crois qu'il faut être Bonaparte et commander à des Français, pour surmonter ainsi tous les obstacles de la nature et de l'art, réunis à la force. Dans notre situation présente, on éprouve quelque consolation en évoquant de tels souvenirs !
Le 9 août, on nous mena de Lodi coucher à St-Angelo, le 10 à Pavie, ville antique et célèbre, mais qui nous parut bien sale et bien triste, avec ses vieux remparts et ses nombreuses tours de briques. Le 11, nous passâmes le Pô, et allâmes coucher dans un village dont j'ignore le nom. Le lendemain 12, notre étape fut Voghera, où l'un de mes camarades, dont la bourse était mieux garnie que la mienne, me fit faire un bon diner que j'ai eu tout le temps de digérer, comme vous allez voir.
On nous fit décamper de Voghera dès trois heures après minuit. Nous étions pourtant bien joyeux de ce départ si matinal, car nous espérions être remis le soir même aux avant-postes français, stationnés, disait-on, aux environs de Pozzuolo, au pied des premières collines de l'Apennin, non loin de Novi ! ...
Arrivés en vue de Tortone, dont les Autrichiens assiégeaient alors la citadelle, il fallut attendre qu'une suspension d'armes nous permît de traverser la ville, sans risquer d'être atteints par des projectiles français.
Sortis de Tortone, nous cheminions allègrement vers Pozzuolo, et nous devions en être tout proches, quand l'ordre arriva de nous faire changer de route et filer sur la droite. Il était déjà cinq heures du soir, nous étions encore absolument à jeun depuis la veille, et toutes mes ressources étaient épuisées. Je parvins, contre toute espérance, à négocier chemin faisant un petit emprunt qui me permit, en arrivant à Bosco, de me procurer un pain, et de faire avec quelques intimes non moins affamés que moi, une petite-collation d'anachorètes.
Bosco n'était qu'une halte. On nous y fit entrer dans une sorte d'enclos où l'on nous tint parqués comme des moutons jusqu'à dix heures du soir, pour laisser libre passage à une masse de troupes russes et autrichiennes qui se dirigeaient vers ce village de Pozzuolo, où nous avions espéré retrouver nos compatriotes Quand ce torrent se fut écoulé, nous fûmes remis en mouvement, mais dans une autre direction. On nous conduisit, je ne sais par où, à Alexandrie, où nous n'arrivâmes que vers trois heures du matin. Exténué de fatigue et de faim, je m'étendis par terre, la tête appuyée sur une des bornes du parvis de la cathédrale, et m'endormis si profondément qu'on m'escamota, sans que j'en eusse le moindre soupçon, la cravate que j'avais au cou. Au bout de deux heures on nous réveilla pour nous diriger sur Valenza où notre logement fut bientôt prêt. On nous fit descendre dans les fossés de la ville; ce fut là qu'il fallut attendre l'ordre d'aller chercher nos rations, lequel n'arriva qu'à trois heures de l'après-midi, quarante-huit heures après le dîner de Voghera !
Le 14, on nous fit repasser le Pô, pour aller prendre gîte dans un endroit dont j'ai oublié le nom. Pendant toute cette journée, nous avions entendu sans relâche gronder le canon, c'était celui de Novi ! Ce nouveau désastre avait ramené nos troupes à la ligne des Alpes, de sorte qu'il nous fallut encore huit jours de marche pour les rejoindre ... Enfin, le 25 au matin, nous passâmes sous les remparts de Suze, pour gagner la Novalèse et le Mont-Cenis. Les avant-postes autrichiens étaient derrière la Novalése. On nous fit faire halte au delà de ce village, au pied même de la montagne. Ce fat là que le chef du détachement qui nous avait escortés pendant cette longue promenade (pas d'agrément !), termina sa mission en nous remettant à un officier français, descendu du Mont-Cenis pour nous recevoir.
Nous étions libres dès lors, et il ne dépendait que de nous de rallier immédiatement les avant-postes français qui occupaient le plateau de la montagne. Mais nous préférâmes faire passer d'abord nos malades, puis ce que nous avions de bagage, pour qu'il ne restât pas à la merci des rôdeurs de l'ennemi. Ce transport retarda notre ascension jusqu'au 28. Pendant ces trois jours, nous restâmes dans une position assez critique, alternativement visités par les patrouilles françaises et autrichiennes. Si elles s'étaient rencontrées et que les nôtres eussent eu le dessous, nous aurions pu fort bien être repris cette fois comme prisonniers de guerre, sans autre forme de procès. Vous jugez avec quelle impatience le signal du départ était attendu. Jamais montagne ne fut escaladée d'un si vif élan, et, si pénible que soit cette rampe, il n'y eut pas un seul traînard" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 97).
Un extrait d'une lettre d'un des divers Généraux employés dans l’aile gauche, adressée au Général Grenier raconte : "Suse le 1er Vendémiaire an 8 (23 septembre 1799)
Le corps aux ordres du général Kister a été attaqué très vigoureusement à 6 heures du matin, mais quelque supérieur que fut l’ennemi qui avait 7 pièces de très gros calibre, et 7 mille hommes, sans compter une nuée de paysans qui débordaient le corps ennemi dont il venait d’être porté, la retraite s’est faite en ordre et n’a pu être entamées. Cette affaire qui a été chaude et qui a duré jusqu’à dix heures du soir, nous a couté quelques prisonniers, 60 à 80 blessés et des morts dont il ignore le nombre. La 106e a fait des prodiges de valeur, l’aide de camp Boyer et le général Kister ont habilement manœuvré. Quelques conscrits n’ont pas aussi bien fait leur devoir" (Papiers du général Paul Grenier. III Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 190 pages 392 et suivantes).
Le 26 septembre 1799 (4 Vendémiaire an 8), Cognet écrit, depuis Lanslebourg, à sa famille : "Je m'étais borné, dans ma dernière lettre, à vous annoncer notre arrivée sur le Mont-Cenis. Une nouvelle déception m'y attendait, ainsi que mes camarades de la 106e qui avaient fait, comme moi, partie bien involontairement de la garnison de Mantoue. Sur le plateau, nous n'avons trouvé personne, ni postes, ni agent du gouvernement, ni traces de nos compagnons de voyage appartenant aux autres demi-brigades. Tous étaient partis pour l'intérieur. Pour nous, notre corps ne figurant pas dans la capitulation, notre situation était tout à fait exceptionnelle. Il fallait prendre patience, en attendant l'ordre de rentrer en France, ou de rejoindre notre demi-brigade par le Piémont.
Nous nous étions d'abord établis sur la partie du plateau la plus rapprochée de la vallée de Suze, où nous eûmes beaucoup à souffrir du froid et de la neige, dès la première nuit. Le lendemain, on trouva un endroit un peu plus abrité mais nous étions encore fort mal sous le rapport de la nourriture, ayant pour toute ressource les rations qu'il fallait aller chercher tous les jours à Thermignon, village à une grande lieue au delà de Lanslebourg. Elles n'y arrivaient même qu'assez irrégulièrement, et nos hommes de corvée firent plusieurs fois pour rien cette course pénible ...
Pour moi, suivant mon habitude, je m'étais mis à explorer notre sauvage résidence. Ce plateau supérieur du Mont-Cenis, de forme très irrégulière, peut avoir deux lieues de long sur une en moyenne de largeur. On y arrive de différents côtés par des gorges serpentant à travers des crêtes rocheuses qui limitent l'horizon presque de toutes parts, en dérobant l'aspect des pentes inférieures et des vallées lointaines. Dans cette région aride, désolée, rien ne m'a rappelé ni le panorama grandiose et charmant de Montechiaro, ni l'austère beauté du val de Brenno.
On trouve surle Mont-Cenis un hospice aujourd'hui abandonné une poste-auberge où l'on pouvait, avant la guerre, se procurer des mulets et des traîneaux, et quelques pauvres cabarets qui "pleuraient leur solitude". Il n'y a plus de cultures à cette hauteur, mais seulement des prairies où l'on amène les bestiaux l'été, et un certain nombre de chalets épars, qu'habitent alors les bergers, et où ils s'occupent de la fabrication des fromages. Mais à l'approche de l'hiver, qui dans ces parages s'annonce dès la fin d'août, ils redescendent dans les vallées inférieures. Lors de notre arrivée, le plateau était déjà entièrement désert.
Dans de telles conditions, ce séjour n'était pas tenable. Après nous y avoir laissés dix longs jours, on nous a fait descendre à Lanslebourg, où nous sommes assez misérablement logés chez les habitants. Mais c'est déjà quelque chose que d'être à couvert; nous avons de plus l'avantage de pouvoir correspondre d'ici avec nos parents et amis, et d'être plus rapprochés du bourg où nous allons chercher nos rations, et où nous les trouvons ... de temps en temps.
On nous fait toujours espérer que, d'un jour à l'autre, l'ordre va arriver de nous diriger sur Gênes par la France, car la voie du Piémont est absolument fermée aujourd'hui. En attendant, nous venons d'être réarmés. Ainsi, nous rejoindrons notre demi-brigade, équipés à peu près comme nous l'étions lors de notre brusque et involontaire séparation, il y a six mois" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 113).
Le 27 septembre 1799 (5 Vendémiaire an 8), le Général de Division Grenier écrit au Général en Chef Championnet : "Depuis l’affaire de Savigliano, je pressentais, mon cher général, que la division du général Duhesme serait attaquée du 4e au 5e jour complémentaire tant sur Pignerolle qu’à Savigliano entre Rivoli et Bussolin.
Comme l’ennemi pouvait se porter en deux parties, marcher de sa gauche à sa droite, et qu’il m’en fallait cinq pour suivre son mouvement, il m’était impossible d’envoyer des renforts au général Duhesme ; je lui écrivis en conséquence d’être sur ses gardes et de ne point recevoir le combat si l’ennemi se présentait avec des forces supérieures. L’ennemi retarda son attaque jusqu’au 1er vendémiaire ; Pignerolle, Giaveno et Aviglinico (Avigliana ?) furent attaqués à la pointe-du-jour avec des forces considérables et une artillerie nombreuse. Les généraux et les troupes prévenus étaient en mesure, les équipages avaient filé et rien ne gênait la marche des troupes, aussi ont-elles longtemps combattu avec avantage. Mais débordées sur les flancs par des nuées de paysans, la retraite fut ordonnée. Elle s’exécuta sous tous les points par échelons et dans le plus grand ordre. L’ennemi ne nous a pas fait 20 prisonniers et doit avoir perdu beaucoup de monde ; nous avons à regretter 60 ou 80 blessés ; toutes les colonnes, surtout celle de gauche, se sont parfaitement conduites en rétrogradant ; toutes les positions ont été défendues et la retraite de deux heures de chemins ne s’est faite quand douze heures. Cette colonne s’étant maintenue la nuit du 1er au 2 à Bussolin, d’où le général Duhesme, conformément aux ordres que je lui avait donnés, s’est retiré au col de l’Assiette et à Exiles, occupant en outre par sa droite le col de Fenestre pour rester en communication avec Fenestrelle et ayant fait retirer le général Kister avec sa brigade sur le Mont-Cenis ; le général Duhesme qui était de sa personne à cette colonne se loue beaucoup de la troupe, surtout du 3e bataillon de la 106e et du chef de bataillon Dunesme qui le commande ; il rend le compte le plus avantageux du général Kister, du citoyen Boyer aide de camp chef de bataillon, du citoyen Planta qui protégeait la retraite de la brigade, du général Lesuire et du citoyen Vivalda officier piémontais employé à mon état-major ; le général Duhesme demande le grade de chef de brigade pour son aide de camp le citoyen Boyer, je vous le recommande et vous prie de vous intéresser à lui, cet officier depuis 15 jours commandait l’avant-garde du général Kister.
Par suite de ses différents mouvements, l’aile gauche de l’armée se trouve toujours aux pieds des monts et reste maître des débouchés de la plaine ; je crois avoir rempli vos intentions en attirant sur ce corps d’armée les forces et l’attention de l’ennemi, sans recevoir d’engagement qui put nous compromettre. Aujourd’hui nous tâchons de deviner les intentions de l’ennemi. Et nous agirons en conséquence aussitôt que je serai sûr que l’ennemi n’a pas en vue d’attaquer nos frontières. Le général Duhesme restera sur l’entière défensive et je renforcerai la division de droite de la brigade du général Lesuire, afin de faire craindre à l’ennemi une opération sur le Piémont et dans ce cas je porterai mon quartier général dans les environs de Coni.
Je ne peux mieux vous faire connaître les rapports de Savigliano qu’en vous adressant copie du rapport du général Compans. Vous jugerez que cet officier général mérite d’être distingué, veuillez je vous prie renouveler au ministre de la guerre la demande de la confirmation de sa nomination au grade de général de brigade (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 157 page 335).
Le 1er octobre 1799 (9 Vendémiaire an 8), le Général de Division Grenier écrit, depuis Guillestre, au Général Duhesme : "J’ai reçu cette nuit, mon cher général, votre lettre du 7 de ce mois. Je prévoyais bien les difficultés que vous n’auriez pas manqué d’éprouver dans l’opération que vous projetiez sur Pignerol. Aussi vous en ai-je dissuadé par la lettre que le citoyen Vivalda doit vous avoir remise ...
Je quitterai Guillestre le 12 et mon quartier général sera le 14 à Demont ...
Votre division après ce mouvement se trouvera composé : d’un bataillon de la 28e légère, deux bataillons de la 26e de bataille, deux bataillons de la 74e, deux bataillons de la 88e, deux bataillons de la 92e, deux bataillons de la 99e, trois bataillons de la 104e, un bataillon de la 105e, un de la 106e, un de la 107e, et deux escadrons de hussards non compris quelques détachements isolés qui sont à Fenestrelle et les dépôts qui tiennent garnison Mont-Lion.
J’ai donné les ordres les plus pressants, mon cher général, pour faire arriver des subsistances à Briançon. J’écris également pour avoir de l’argent ; consolez et dites que cet état malheureux cessera bientôt, que tous les moyens sont employés pour obtenir quelques chefs.
Faites-moi connaître au juste ce que vous avez besoin en artillerie tant pour être en position que pour mouvoir au besoin, afin qu’elle soit mise à votre disposition avec les attelages nécessaires" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 161 page 343).
Le 18 octobre 1799 (26 Vendémiaire an 8), le Général de Division Grenier écrit, depuis son Quartier général de Borgo San Dalmazzo, au Général de Division Duhesme : "Le général en chef désire, mon cher général, que vous réunissiez sur le champ toutes vos troupes disponibles entre Suze et Peyrouse à l’effet de former deux colonnes que vous mettrez de suite en marche, l’une sur Bussolin, et l’autre composée de la majeure partie de vos forces sur Pignerolle. Je pense donc, mon cher général, que cette dernière colonne pourra être composée de l’escadron du 10e hussards, de la 26e de bataille, du bataillon de la 106e, du bataillon de la 74e et de celui de la 107e.
La première pour attaquer Bussolin serait de la 104e 3e bataillon, et un bataillon de la 105e, et de ce que vous avez du 7e de chasseurs.
Le bataillon de la 88e formant par suite de ces dispositions la garnison de Fenestrelle qu’il ne faut pas dégarnir, si dans la marche de ces colonnes, nous n’éprouvez pas trop de résistance, vous tâcherez de vous emparer de Bussolin et de Pignerolle, cette dernière colonne passant dans ce cas jusqu’à Revel sous l’aile gauche du Pô où elle prendra position ; vous observeriez qu’il sera impossible à cette colonne de se faire suivre par de l’artillerie puisque si elle obligée de se retirer, elle ne pourrait le faire que par la vallée du Pô ; du côté de Bussolin, vous ferez des démonstrations, si vous ne rencontrerez trop de résistance, vous pousseriez cette colonne jusqu’à Rivoli où au moins le plus qu’il vous sera possible.
Vous pourrez faire garder le petit Saint-Bernard par le bataillon de conscrits qui est à Moutiers, et le Montcenis par celui qui est à Saint-Jean de Maurienne.
Vous observerez, mon cher général, que je ne vous parle pas de la 28e légère, de la 92e et 99e qui doivent être en route pour vous rejoindre" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 176 page 375).
Le 25 octobre 1799, le Général Duhesme adresse, depuis Oulx, au Général Grenier, pour la 2e Division de l'aile gauche de l'Armée d’Italie, un Etat certifié et signé à Oulx le 3 Brumaire an 8 (25 octobre 1799) : "Etat des recettes et dépenses faites, d’après les ordres du Général de Division Duhesme, par le préposé à la recette des contributions de cette Division ...
10 vendémiaire an 8 106e demi-brigade d’infanterie de bataille pour avance à titre de prêt 1200 livres ..." (Papiers du général Paul Grenier. II Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 144 pages 301-302 (suite de la lettre du 25 octobre).
Le Général Soult raconte : "Le même jour que se livrait la bataille de Fossano, le général Kray, ayant reçu un renfort considérable, avait passé la Bormida, et s'était dirigé, par Marengo, sur Pozzolo, pour attaquer le général Saint-Cyr, autour de Novi. Le général Saint-Cyr s'établit sur deux lignes, la première à Novi, la seconde sur les hauteurs en arrière, où le terrain, d'un accès difficile, obligeait les Autrichiens à se diviser pour aller à lui; il y mit toute son artillerie, qui ne consistait qu'en quatre pièces de canon. L'ennemi était du double plus fort en infanterie que le général Saint-Cyr ; il avait en outre deux mille hommes de cavalerie et seize bouches à fen. Une si grande supériorité lui donnait la facilité d'attaquer de front la première ligne des Français et de la déborder. Mais cette ligne n'était placée que pour attirer les Autrichiens sur la seconde, et aux premières menaces de l'ennemi, elle fit sa retraite en hon ordre. Tout à coup les Autrichiens, qui la poursuivaient sans précaution, se trouvent en présence du général Saint-Cyr et de la réserve du général Dombrowsky. La petite batterie française est démasquée; l'ennemi, étonné de cette résistance inattendue, hésite, chancelle; il est à son tour chargé par l'infanterie française, la 106e en tête, et poursuivi jusqu'au delà de Novi, laissant le champ de bataille couvert de morts, et dix-huit cents prisonniers, avec quatre pièces de canon, entre les mains du général Saint-Cyr. Cette action remarquable eut pour théâtre le lieu même où le général Joubert avait été tué, moins de trois mois auparavant; ainsi, sa mort fut vengée" (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 2, p. 360).
Le 5 novembre 1799 (14 Brumaire an 8), le Général de Division Duhesme écrit, depuis Venasca, au Général Grenier, commandant l’aile gauche de l’Armée : "Je vous préviens, mon cher général, que mon avant-garde est à Dronero et mon corps de bataille en avant de Venasca ; c’est tout ce que j’ai pu faire, les troupes sont éreintées.
... je vous croyais encore à Genola et rien ne m’étonna plus que de voir arriver par ce chemin une forte colonne qui commença une attaque très vigoureuse, en peu de temps les troupes que nous y avions porté furent mises en déroute.
Ce ne fut qu’en faisant des efforts incroyables et en me mettant à leur tête que je parvins à les rallier et à les décider à une charge qui éloigna l’ennemi du pont par lequel nous avions notre retraite et de plus l’ennemi avait pénétré sur la place avec de la cavalerie et de l’infanterie qu’il avait rangée en bataille et coupait la retraite à la 106e et partie de la 26e.
Mollard qui les commandait fait une charge, culbute l’ennemi et se fait un passage jusqu’à nous, alors nous rétablîmes le combat et primes une position qui nous couvrait la seule retraite que nous avions sur Lagnasco, route de Saluces, car l’ennemi étant à Votignasco nous avait aussi attaqué par cette route ; comme cela, nous avions toujours un pied dans Savigliano.
Nous tînmes jusqu’à la nuit, espérant toujours que nous serions secondés ; on vint alors me rapporter que l’ennemi avait envoyé un parti dans Saluces et un corps de troupes considérable à Villafalleto, je fis une fausse attaque sur cette route, et comme elle commençait à attirer l’attention de l’ennemi, je me retirais à la nuit close sur Lagnasco où je me reposais cinq heures et d’où j’ai marché par une marche de flanc sur Costigliole, j’y ai trouvé deux compagnie de la 63e que j’envoie à Dronero. Le général Kister a eu un cheval sous lui et mérite les plus grands éloges, je vous demanderai le grade de lieutenant pour son aide de camp qui a été blessé à l’affaire, on ne peut être mieux secondé que par un tel officier général. Je suis abimé de fatigue. Demain de grand matin je serai à Dronero. J’enverrai mon rapport.
Veuillez faire part de ma lettre au général en chef Championnet.
Tous les rapports s’accordent à dire que la colonne qui nous a attaqués était composé de sept régiments d’infanterie et quatre de cavalerie" (Papiers du général Paul Grenier. III Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 24 page 60).
Le 8 novembre 1799 (17 Brumaire an 8), le Général de Division Duhesme, de l'Armée des Alpes, écrit depuis le Quartier général, à Demont au Général de Division Grenier : "Rapport de la journée du 13
Je partis de Saluces à la pointe du jour ; ma principale colonne composée de trois bataillons, une pièce et cinq à six hussards commandés par le général Kister se dirigeait sur Savigliano occupé dès la veille par le général Clément. Ma colonne de flanqueurs composée de quatre compagnies de la 28e demi-brigade, trois compagnies de grenadiers et 15 hussards commandés par mon aide de camp chef d’escadron Ordonneau devait tenir le Po en passant par Cardée et Moretta, tandis que mon aide de camp Boyer chef de bataillon, avec le bataillon de la 74e devez tenir l’intermédiaire passant par Monasterolo ; ces deux colonnes de flanqueurs devaient rejoindre la principale à Savigliano. Le canon que nous y entendions, nous faisait hâter notre marche, lorsqu’un détachement de dragons qui n’avait pu entrer dans Savigliano nous apprit que l’ennemi s’en était emparé de vie force. J’arrêtais sur-le-champ la colonne et envoyais dire à celles de flanqueurs de nous rejoindre. Je me portais ensuite de ma personne du côté du champ de bataille et jugeant que nous perdions du terrain, j’ordonnais au général Kister de faire une marche de flanc pour tâcher de gagner Votignasco.
Arrivé près du général Grenier je reçus de lui l’ordre de marcher sur Savigliano pour dégager, s’il était possible, le général Clément, que l’on croyait enveloppé. L’adjoint Deschamps me précéda et remis la colonne en marche sur Savigliano. J’arrivais de ma personne quand l’attaque a commencé, l’ennemi avait pris position avec six bataillons d’infanterie, 400 chevaux et six pièces, en avant de cette place derrière la Meyra. Mon aide de camp Boyer avec le bataillon de la 74e tenter de faire jonction, après avoir battu un corps assez considérable qui s’y opposait. Notre position devenait délicate, il fallait vaincre du côté de notre faiblesse.
Le général Kister s’avance donc avec audace, charge l’ennemi avec impétuosité, s’empare du pont, passe la Meyra, pénètre dans la ville ; et tandis que l’aide de camp Boyer allait couper la route de Cavallermaggiore, le chef de brigade Mollard à la tête de la 26e le poursuit avec vigueur sur la route de Bra ; cette colonne ennemie fut tellement mise en désordre qu’elle nous laissa 2 pièces de canons, 3 à 400 prisonniers et 4 ou 5 caissons.
J’espérais encore que l’armée se soutenait encore à Genova, les officiers que j’envoyais au général Grenier retournèrent en m’annonçant la rencontre d’une colonne ennemie ; à peine avais-je fait porter un bataillon qu’il revint en désordre auprès du pont de la Meyra, accablé par l’ennemi qui pénétrait avec rapidité de tous les côtés. Le point de notre retraite allait être emporté et s’en était fait de tout ce corps, mais ralliant moi-même ce bataillon je le reconduisis en avant et décidé à une charge qui fut assez heureuse pour repousser la colonne qui longeait entre les deux rivières ce qui donna le temps au général Kister d’accourir avec quelques compagnies de la 74e demi-brigade est de rétablir le combat. L’ennemi s’était réuni en force sur la place de Savigliano et avait coupé le bataillon de la 106e et partie de celui de la 26e ; leurs chefs Dunime ( ?) et Mollard que l’on sommait de se rendre, y répondent par une charge à la baïonnette qui leur ouvre un honorable passage jusqu’à nous, alors je prends position en arrière de la Meyra, tenant toujours cependant les faubourgs de la ville, l’ennemi arrêté déploie en vain une artillerie nombreuses, il ne peut nous empêcher de nous maintenir jusqu’à la nuit tombante.
Nous nous retirâmes presque sans être inquiétés sur Lagnasco. Je n’avais point de nouvelles de mon aide de camp Ordonneau ; mes ordonnances n’avaient pu pénétrer jusqu'à lui, il avait combattu et avait trompé dans ses marches plusieurs partis détachées pour couper nos derrières ; il était rentré sur les 4 heures du soir dans Saluces d’où il avait chassé quelques hussards autrichiens.
J’appris par des rapports certains que l’ennemi avait une forte colonne à Villafalette et ses avant-postes à Pomerolo, je fit reposer la troupe 4h00 à Vaniasco et je me diriger sur Castilione où j’arrivais le 14 à la pointe du jour, j’y restais quatre à cinq heures espérant recevoir des nouvelles de l’armée ; ayant appris là que nous n’étions plus à Busca et que mon aide de camp Ordonneau s’était rendu à Dronero, je pris le parti de me porter à Venasco parce que absolument dépourvu de cartouches, je devais éviter tout combat. Les troupes épuisées de faim et de fatigue et reposèrent à Venasco. Le lendemain on se mit en marche pour se rendre à Dronero, je précédais la colonne à peu près d’une heure, vous connaissez l’événement qui m’en a séparé, j’espère que le général Kister aura pu se retirer par le val de Vraceta à Château Dauphin et de là à Queyras" (Papiers du général Paul Grenier. III Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 37 page 86).
Le 13 novembre 1799 (22 Brumaire an 8), le Général de Division Duhesme écrit, depuis le Quartier général de Briançon, au Général de Division Grenier, commandant l’aile gauche de l’armée d’Italie à l’Arche : "Je vous prie, mon cher Général, de me dire quels seront les moyens de parvenir auprès du Général Championnet, ayant plusieurs demandes pressées à lui faire notamment un ordre pour pouvoir obtenir mes arriérés et mes frais de poste.
J’y enverrai mon aide de camp Boyer pour lequel je demande le grade de chef de brigade et le commandement d’une brigade.
Veuillez aussi m’autoriser et me donner les pouvoirs suffisants pour tirer des provisions de siège ; les malades désespèrent et je ferai donner à l’hôpital quelques pintes de vin. Rien ne fait pitié comme le dénuement de nos hôpitaux, le vin, l’huile et le riz y manquent absolument. Veuillez à cet égard presser le commissaire ordonnateur. Je verrai ce que la mesure de prendre sur les approvisionnements des habitants de Fenestrelle produira, et c’est d’après ce, que je réglerai ce qu’il faudra y envoyer de Briançon.
Vous savez que dans la mauvaise saison, la communication avec la vallée d’Oulx et Exilles est souvent interceptée pour les hommes, et toujours pour les chevaux et un corps conséquent y périrait de faim ; en moindre il serait enlevé sans qu’on pût y porter secours. Il faudra à cet égard bientôt décider la ligne que l’on tiendra l’hiver. L’ennemi a 1500 hommes à Aviliano, et 8 bouches à feu, sa garnison est de 6 mille hommes à Turin. On prétend qu’il a quatre mille hommes dans la vallée d’Aoste et vous savez qu’il n’y a que 200 hommes au Petit Saint-Bernard plus 200 conscrits du bataillon auxiliaire. Ce faible corps ne pourrait même s’opposer à un part. Que ferez vous du général Raoul qui est dans cette partie, il demande une autre destination.
J’ai recommandé au général Valette qui tient près de Suse que dans le cas où il serait forcé, un bataillon se retirerait sur Exilles avec lui qui est destiné au commandement de Briançon. Les 2 autres bataillons et les compagnies de la 105e demi-brigade sur Mont Cenis où sera Kister en ne faisant retirer qu’un bataillon par la vallée d’Oulx. Je compte sur les renforts qu’il serait facile de leur envoyer, et sur la réserve de 2 bataillons de la 106e demi-brigade. Au lieu que si on n’avait pas suffisamment de troupes au Mont Cenis, et on ne pourrait le secourir à temps puisque le Galibier est fermé et qu’il faut passer par Grenoble ..." (Papiers du général Paul Grenier. III Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 55 page 122).
Le 14 novembre 1799 (23 Brumaire an 8), le Général de Division Duhesme écrit, depuis le Quartier général de Briançon, au Général de Division Grenier, commandant l’aile gauche de l’Armée d’Italie : "Je vous adresse ci-joint, mon cher général, copie de la lettre du général Valette, sur ses observations que la Tarentaise n’est pas assez gardée. J’ai pris sur moi d’y envoyer deux bataillons de la 105e et de faire venir ici le bataillon de la 106e. Je pense que vous approuverez mes dispositions.
Je vous demanderai aussi celui de la 26e que je vous prierai de m’envoyer, ces deux bataillons seront destinés à garder Exilles et le Briançonnais. Veuillez bien me mander vos intentions à cet égard" (Papiers du général Paul Grenier. III Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 67 page 150).
Le 15 novembre 1799 (24 Brumaire an 8), le Général de Division Grenier écrit, depuis Guillestre, au général de Division Duhesme : "Les bataillons de la 26e et 106e demi-brigades sont partis ce matin de Guillestre, mon cher général, pour aller rejoindre à Briançon ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 208 page 445).
Le 20 novembre 1799 (29 Brumaire an 8), le Général de Division Grenier écrit, depuis Embrun, au Général de Division Duhesme : "J’ai reçu, mon cher général, votre lettre du 28. Je sens comme vous la difficulté qu’il y aura pour correspondre avec les troupes de la Maurienne et de la Tarentaise. Mais le général en chef ne pense pas comme nous, et il dit voir avec peine notre éloignement. Aussitôt que vous serez un peu rétabli et que vous pourrez (sic) au quartier général, je vous montrerai la lettre que j’ai reçu cette nuit et ma réponse.
En attendant, je crois que vous devez provisoirement établir l’organisation suivante. Deux bataillons de la 104e pour la Maurienne et Mont-Cenis, un autre bataillon de la 104e et celui de la 105e pour la Tarentaise, Petit Saint-Bernard, et Fort Valaisan. Avoir un tiers de ces troupes en première ligne, les deux autres cantonnés à proximité pour relever la première ligne toutes les décades, s’assurer de l’approvisionnement des monts et le faire compléter, s’occuper de l’organisation et de l’instruction des bataillons de conscrits qui sont dans cette partie, donner le commandement de chacune des vallées à des chefs de corps, telles que les citoyens Cluzel et Eyrische, et donner le commandement du tout au général Kister qui aurait avec lui l’adjudant général Garin chargé du détail. Les bataillons de la 26e et 106e resteraient dans le Briançonnais, gardant la vallée d’Oulx, celle de Queyras et la communication avec Fenestrelle. L’organisation des vallées de L’Arche et de Barcelonnette resterait telle qu’elle est aujourd’hui sous les ordres du général Brenier. Vous pourriez laisser le général Valette dans le Briançonnais, replacer Carpentier à Mont-Lion et vous établir à Embrun, chargé du commandement de toute cette partie en attendant que le général en chef vous permette d’aller dans vos foyers. Voilà ce que je vous propose, mon cher général, voyez si cela entre dans vos arrangements. Je pourrai alors m’établir à Grenoble pour être au centre des communications. Car je présume que votre intention n’est pas de vous éloigner avant d’avoir reçu l’autorisation que vous avez demandée au général en chef.
J’écris aujourd’hui encore au payeur pour qu’il envoie de l’argent à Chambéry. J’ai lieu de croire que cet envoi a été fait. Je vais rappeler encore à Viriville la demande que je lui ai faite de faire remplacer sans délai l’approvisionnement de Briançon ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 218 page 465).
Le 21 novembre 1799 (30 Brumaire an 8), Cognet écrit, depuis Nice, à sa famille : "L'ordre de départ pour Gênes ne nous est arrivé qu'après un mois entier de résidence à Lanslebourg. Le 6 octobre dernier, nous quittâmes ce séjour peu attrayant, nous dirigeant sur Grenoble.
Je n'avais jamais vu la Savoie, et n'en avais entendu parler que comme d'un pays très misérable. Je ne sais si c'est parce que j'ai été et suis encore passablement malheureux moi-même, mais cette appréciation m'a paru exagérée. En traversant la Maurienne, j'ai vu partout, dans les vallées comme dans les montagnes, une culture active et intelligente, et j'estime que les habitants peuvent subvenir par eux-mêmes à la plus grande partie de leurs besoins. Les routes et les ponts y sont mieux entretenus que dans certains départements français, notamment dans ceux que je viens de parcourir.
A Grenoble, où nous arrivâmes le 12, tout était en fête; on venait d'y apprendre le retour du général Bonaparte.
Ce que nous avons éprouvé pendant cette traversée du territoire français ; - je veux dire les conséquences si fâcheuses en général, maissi sensiblement pratiques pour nous en particulier, du
désordre des administrations militaires et civiles de la pénurie des caisses et magasins, etc., – me porte à croire que ce retour ne peut avoir que d'heureux résultats pour le pays, sous tous les
rapports ; surtout si Bonaparte est loyalement secondé par les hommes de coeur et d'expérience.
De Grenoble, nous nous dirigeâmes par Vizille, la Mure, Corps et Saint-Bonnet, sur Gap où le défaut de moyens de transport nous força de rester deux jours; nous n'en repartîmes que le 20. Le lendemain nous étions à Sisteron de bonne heure, mais le même motif qui nous avait arrêtés à Gap, nous retint à Sisteron pendant six mortelles journées. Nous n'en étions pas quittes ! Sur ce
qu'on appelle par politesse la route de Sisteron à Péyruys, dans un des nombreux passages en corniche sans garde-fou, nous fûmes assaillis par un orage; les mulets d'une des voitures, effrayés d'un violent coup de tonnerre, prirent le mors aux dents et dégringolèrent dans un précipice. Heureusement personne ne périt dans cette culbute, mais les torrents, grossis par l'orage avaient débordé et intercepté tous les chemins. Il fallut s'arrêter pour attendre la baisse des eaux, et nous n'arrivâmes à Peyruys que le 28 au soir, dans l'état le plus pitoyable.
Le lendemain, nous ne pûmes nous y procurer que des mulets pour gagner Manosque; et il fallut se disputer avee les muletiers, qui refusaient absolument de marcher. Ils devinrent même si insolents, que nous fûmes obligés de les coucher en joue pour nous faire obéir. Nous fimes étape le 31 à Peyrolles, le 1er novembre à Aix, le 2 à Crest, où nous eûmes, un de mes camarades et moi, une aventure des plus désagréables. Nous rentrions pour coucher, à huit heures du soir, chez les gens auxquels nous avions présenté, à l'arrivée, nos billets de logement. Nous trouvâmes la porte fermée et barricadée. Après avoir longtemps frappé et parlementé en vain, nous nous mîmes en devoir de l'enfoncer. Nos hôtes malveillants crièrent à la garde; une patrouille de garde nationale survint et sans écouter nos explications, nous ramassa comme tapageurs nocturnes. Nous restâmes toute la nuit en fourrière, et la liberté ne nous fut rendue que le lendemain.
En traversant la Provence, nous eûmes à essuyer presque tous les jours de semblables avanies, qui
témoignaient assez de l'anarchie générale, et de l'irritation des esprits. Il était bien temps que Bonaparte revînt, pour la nation entière, pour l'armée surtout ! De pauvres soldats, qui venaient d'endurer de longues et cruelles souffrances, et retournaient se battre encore pour la défense du territoire français, étaient traités comme on n'eût pas osé traiter des ennemis ! La scène la plus pénible eut lieu le 8 novembre au Muy. Là il ne s'agissait pas d'insultes isolées ; on nous refusait à tous le logement et des moyens de transport. Exaspérés de tant de mauvais vouloir, nous eûmes le tort de recourir à la force; il s'en suivit une collision avec les habitants qui dura deux jours, et dans laquelle plusieurs personnes furent blessées de part et d'autre. Dans la nuit du 9 au 10, nous fùmes obligés de nous garder militairement. Enfin, pour se débarrasser de nous, on consentit à nous fournir des véhicules qui nous portèrent à Fréjus dans la journée du 10. Le soir même nous descendîmes à Saint-Raphaël, espérant embarquer dès le lendemain matin pour Nice, mais nous ne pûmes obtenir passage que pour le 13, sur un petit bâtiment de commerce. Nous croyions déjà tous nos maux finis, mais c'était une nouvelle illusion.
Nous partions de Saint-Raphaël par un temps magnifique, et comptant bien arriver de bonne heure à Nice. Mais nous avions à peine fait deux lieues en mer, qu'une violente bourrasque vint assaillir notre navire, qui n'était pas des plus solides, ni des mieux manoeuvrés. En quelques instants il fut jeté hors de sa route, complétement dégréé ; ce n'était plus qu'une épave à demi submergée
par les lames, flottant ça et là au gré de la tempête. Je me rappelai alors ce passage du premier livre de l'Enéide, que j'avais lu souvent, sans avoir l'idée qu'il pût jamais s'appliquer à moi :
His summo in fluctu pendent; his unda dehiscens
Terram inter fluctus aperit.
Mais nous ne semblions pas devoir en être quittes à si bon marché que le héros troyen. Le bâtiment, complétement couché sur le côté par suite du déplacement de la cargaison, ne gouvernait plus; les hommes de l'équipage poussaient des cris lamentables ; la plupart des passagers, consternés, gardaient un morne silence ; quelques uns juraient comme des païens. Moi, profondément ému de l'horreur sublime de ce spectacle si nouveau pour moi, j'étais recueilli et résigné à la
volonté de Dieu.
Dieu nous protégea. Alors qu'on s'attendait à sombrer d'un instant à l'autre, il survint tout à coup une accalmie, et à peu de distance nous aperçûmes la terre. Nous nous trouvions alors à la hauteur de la baie ou anse d'Agay. Après avoir vainement essayé de relever le bâtiment, l'équipage et les passagers, réunissant leurs efforts, parvinrent mais non sans peine, à le pousser en relâche dans cette anse. Tout le reste du jour fut employé à ce travail, et quand enfin nous débarquâmes, il était déjà nuit.
On commença aussitôt à décharger le bâtiment; il ne put être renfloué que le surlendemain. J'allai avec quelques hommes à Fréjus pour réclamer des vivres, et j'eus toutes les peines du monde à obtenir seulement du pain.
Nous reprîmes la mer le 16 de grand matin. Cette fois elle était calme; elle l'était même trop, car le vent nous faisait complétement défaut, et nous ne pûmes arriver que très-tard à Cannes, après avoir ramé toute la journée. Nous avions stationné malgré nous pendant plusieurs heures, en vue des îles Sainte-Marguerite.
Décidément la mer ne nous était pas propice, et nous préférâmes reprendre la voie de terre. Ayant réussi cette fois à obtenir des voitures, nous nous dirigeâmes vers Nice, où nous sommes arrivés avant-hier, après avoir couché à la belle étoile sur le pont duvar. Les Niçois n'ont pas fait de grands frais de réception en notre honneur. On nous a tout bonnement installés sous les arcades de la grande place. Selon toute apparence, nous occuperons ce logement économique jusquà notre départ pour Gênes" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 123).
Le 5 décembre 1799 (14 Frimaire an 8), le Général de Division Grenier écrit, depuis Embrun, au Ministre de la Guerre : "J’ai reçu votre dépêche de 8 de ce mois par laquelle vous me prescrivez de rassembler les troupes formant la gauche de l’armée d’Italie au camp de Tournoux, si la position de Demont se trouve abandonnée ; lors de la réception de votre lettre, je pense que depuis le départ de votre courrier vous avez été prévenu par le général en chef de l’armée que l’aile gauche et dissoute ; et que la division du général Richepanse en ayant été détachée le 19 brumaire dernier pour se porter à Borgo San Dalmazzo afin de couvrir le col de Tende et les Alpes-Maritimes, les seules troupes aux ordres du général Duhesme couvrent aujourd’hui la frontière depuis les vallées de L’Arche et de Barcelonnette jusqu’au Petit Bernard inclusivement. Je joins sous ce pli le tableau de ces troupes et vous jugerez sans doute aux premier aperçu que les dispositions que vous me prescrivez ne peuvent recevoir leur entière exécution, en ce que les 7000 hommes qui composent cette division sont disséminés sur une étendue de plus de 30 lieues de terrain en ligne droite et que la majeure partie de ces troupes est essentiellement nécessaire à la défense des points qu’elles occupent ; que d’ailleurs la petite route de communication de la Tarentaise en Maurienne par le Mont Iseran et le col des Encombrés et de la Maurienne dans le Briançonnais par le Galibier sont fermés par les neiges et qu’il faut 15 jours pour faire arriver des troupes de cette partie jusqu’au camp de Tournoux après qu’elles auront été relevées par la demi-brigade venant d’Helvétie et que vous m’annoncez devoir arriver dans le Mont-Blanc.
Afin d’obvier à ce premier inconvénient et de remplir autant qu’il dépendra de moi les dispositions que vous m’avez présentées, je donne ordre au général Duhesme de diriger de suite la demi-brigade venant d’Helvétie sur Gap. Au moment où elle arrivera sur ce point, je tirerai de la vallée d’Oulx le bataillon de la 106e et je placerai ces quatre bataillons au camp de Tournoux, qui joints aux quatre qui occupent les vallées de L’Arche et de Barcelonnette formeront environ 4000 hommes.
Je ne crois pas, citoyen ministre, qu’il soit possible de faire un rassemblement plus considérable avec aussi peu de moyens et certes un pareil détachement ne peut sans danger s’avancer dans la vallée de Sture, encore moins entreprendre sur le blocus de Coni, si la division qui occupe le col de Tende n’arrive en même temps sur Borgo San Dalmazzo ; il m’est impossible encore de prévoir l’époque de ce rassemblement avant que je ne connaisse le jour auquel la demi-brigade venant du Mont-Blanc pourra arriver à Gap.
La marche et la réunion de ces troupes au camp de Tournoux n’éprouvera donc aucun obstacle ; il n’en est pas de même pour le transport et l’artillerie ; jusqu’à ce jour, nous avons à force de peine et de travaux conservé la communication du col de Vars libre pour les bêtes de somme, ce qui n’est arrivé en aucun temps, cette communication ayant toujours été fermée année commune au 20 novembre, mais qui peut répondre que d’un moment à l’autre elle ne devienne entièrement impraticable ? Dans cet état de choses, comment suffire à l’approvisionnement des munitions que je n’ai dû porter dans les vallées de L’Arche et de Barcelonnette qu’en proportion du nombre d’hommes qui devaient y stationner cet hiver. Si le moyen de transport existait, si toutes les parties du service n’étaient entièrement désorganisées, je pourrais peut-être encore parvenir à porter cet approvisionnement de munitions au double de ce qui existe en magasin à Tournoux. Je ferai tout ce qui dépendra de moi, mais je ne réponds pas de réussir ; en supposant que j’y parvienne et que cet obstacle soit entièrement levé, comment réunir au camp de Tournoux les subsistances et fourrages nécessaires pour ce rassemblement, lorsqu’en ce moment toutes les distributions manquent, que le soldat est en partie nourri chez l’habitant, et que les approvisionnements de siège de Briançon et de Mont-Lion sont pour ainsi dire épuisés, tant par ce qui se verse de la première place dans les magasins de Fenestrelle que par les consommations journalières des garnisons.
Une autre observation non moins importante est celle que je dois vous faire sur le passage des cols de la Madeleine et de Largentière. Ces cols ne sont jamais praticables dans cette saison, et lors du dernier séjour de l’armée dans les environs de Coni, toutes les munitions et subsistances arrivaient par le col de Tende, les premiers n’étaient déjà plus praticables et il a fallu 8 jours pour ramener l’artillerie depuis les Barricades jusqu’à Tournoux. Comment seront-ils dans 15 jours ?
Que tout réussisse au gré de mes désirs, que les troupes, les munitions, les subsistances, les moyens de transport soient réunis au camp de Tournoux, que ce petit corps passe les cols et arrive à la position de Gaiola ; qu’il pénètre même au débouché de la plaine, quel en sera le résultat ? Sans doute il livrera des combats, les munitions seront consommées sans espoir et sans moyen de pouvoir les remplacer puisque depuis Tournoux à Gaiola, il y a une distance de 12 lieues de Piémont et qu’il faut dans cette saison cinq et six jours aux convois d’artillerie pour en faire le trajet n’ayant pas les chevaux ou mulets nécessaires aux établissements des échelons. Si donc la majeure partie de l’armée ne débouche pas au même moment tant par la vallée du Tanaro, que par le col de Tende, cette opération manquera et l’armée ne lèvera pas le blocus de Coni.
Vous dissimuler tous ces obstacles, citoyen ministre, serait manquer à mon devoir. Je vous devais ces observations, et j’ai dû entrer dans tous les détails pour répondre à la confiance dont veulent bien m’honorer les Consuls de la République. Veuillez me faire connaître vos dispositions ultérieures. En les attendant, mes soins se porteront à faire arriver à Gap les trois bataillons venant du Mont-Blanc, d’où ils pourront être facilement dirigés sur le centre de l’armée, si vos premières dispositions sont changées, à faire augmenter l’approvisionnement des munitions à Tournoux, et à renouveler mes sollicitations pour réunir quelques subsistances. Jusqu’à présent, mes demandes pour cet objet essentiel ont été sans effet" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 230 page 490).
Le 12 décembre 1799 (21 Frimaire an 8), le Général de Division Grenier écrit au Général de Brigade Valette : "… J’ai lieu de croire que les nouvelles qui se répandent à Briançon relativement à Coni, ne sont pas dénuées de fondements ; quelques autres circonstances que je rapproche me le font craindre ; je vous engage donc, citoyen général, à prendre les plus grandes précautions et à augmenter la garnison de Fenestrelle ; je ne regardais l’occupation de la vallée de l’Oulx utile que parce que cela nous facilitait, et couvrait votre communication avec Fenestrelle, je pense donc que vous en devez en retirer les troupes et les resserrer dans les environs du Mont Genève entre Ferrils, et Cézanne afin de maintenir notre communication avec Fenestrelle le plus longtemps que vous pourrez ; la retraite de ces troupes serait en dernier lieu sur le Mont Genève où vous devez établir quelques pièces d’artillerie. Vous n’avez pas de temps à perdre pour augmenter la garnison de Fenestrelle, vous devez porter cette garnison de 11 à 1200 hommes et y envoyer des bonnes troupes ; le bataillon de la 106e ou celui de la 26e peuvent fournir ce renfort, qu’il faut y faire marcher dès cette nuit ; ces troupes seront remplacées sous peu de jours par une demi-brigade que j’attends, je vous engage même d’y envoyer le bataillon de la 106e tout entier, de porter la garnison de Fenestrelle au nombre voulu ci-dessus et de retirer ensuite le restant de la 88e. Vous ferez sortir de cette place tous les officiers piémontais et les ferez remplacer par des français ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 239 page 510).
Le 29 décembre 1799 (8 Nivôse an 8), Cognet écrit, depuis Sestri du Ponent, à sa famille : "Le voici donc enfin terminé, ce voyage qu'un enchainement de circonstances fatales a fait durer cinq mois, quand il aurait dû être terminé en moins de quinze jours ! It a fallu pour cela, d'abord qu'après la capitulation de Mantoue, les manoeuvres de l'ennemi pour concentrer ses forces retardassent notre retour dans les lignes françaises; puis qu'un nouveau désastre de nos armes fit reculer nos avant-postes jusqu'au sommet des Alpes ; qu'on nous oubliât si longtemps dans cette région glacée, sans instructions et presque sans secours; enfin, que nous eussions à traverser une partie de la France dans le moment de la plus complète désorganisation des pouvoirs publics, au milieu de populations indifférentes ou malveillantes. Pendant ce douloureux pèlerinage, nous avons passé par tous les genres d'épreuves. Il a fallu endurer la faim et la soif, le froid et le chaud, les ouragans sur terre et sur mer, les privations de tout genre, la fatigue, la misère dans toute son horreur ! Combien j'étais impatient, combien je suis heureux de pouvoir enfin vous annoncer ma réunion à mes chers camarades de la 106e !
Nous avions passé un mois à Nice, sans qu'aucun allègement fût apporté encore à notre sort, malgré le retour de Bonaparte et son avènement au Consulat. L'effet de ce grand et heureux changement ne pouvait pas arriver si vite jusqu'à nous. Nous étions encore journellement témoins des derniers résultatsdu système déplorable de gouvernement qui a trop longtemps pesé sur la France.
Ainsi, nous avions vu arriver un soir les débris de plusieurs régiments de cavaterie qu'on renvoyait dans l'intérieur faute de subsistances, et dont les malheureux chevaux, couchés sur le pavé, ne trouvèrent à Nice d'autre pâture que la poussière de la grande place. Peu de jours après, une révolte éclatait parmi les troupes stationnées dans l'Apennin, et qui n'étaient plus ni nourries, ni payées. Une partie de ces troupes, mourant littéralement de faim, abandonna ses lignes pour rentrer en France. Il y eut dans cette circonstance de déplorables collisions, et tout ce côté de nos frontières eût couru de grands dangers, sans le dévouement héroïque des chefs militaires, et l'admirable constance d'un certain nombre de soldats. Tout finit par rentrer dans l'ordre, mais combien il nous faudra souffrir encore, avant de ressentir l'action réparatrice du gouvernement consulaire !
Au milieu de ces tristes circonstances, nous étions plus impatients que jamais d'aller rejoindre à Gênes nos chers camarades. Après bien des démarches, nous parvînmes enfin à obtenir passage à bord d'un bâtiment espagnol, sur lequel nous nous embarquâmes le 15 de ce mois, mais qui ne prit la mer que le 17 au soir. Le vent n'étant rien moins que favorable, nous n'étions encore, le lendemain à la pointe du jour, qu'à la hauteur du cap Noir. Nous eûmes là quelques moments de sérieuse inquiétude, car il fallait passer entre un convoi anglais et les bâtiments de guerre qui l'escortaient. Déjà nos Espagnols avaient pris leurs dispositions de défense, nous avaient assigné nos postes et fait charger les armes. Par bonheur, il s'éleva une petite brise qui vint nous aider à doubler le cap, et nous étions hors de vue de l'ennemi avant le lever du soleil.
Tout allait au mieux; et, vers midi, nous étions sur le point d'entrer à Gènes, quand survint une
violente tempête, qui nous rejeta dans les parages de Savone, où il fallut relâcher. Décidément, la mer nous gardait rancune !
Le lendemain 19, nous repartîmes de Savone pour gagner enfin Gênes, mais les vents et la grosse mer ne nous permirent d'entrer dans le port qu'à une heure fort avancée de la soirée. De plus, on nous retint trois jours entiers à bord, je ne sais pourquoi ; si bien que nous ne fûmes mis à terre que le 22, après une nuit affreuse, pendant laquelle nous avions failli littéralement faire naufrage au port. Nous avions cependant bien des motifs pressants d'en finir avec ce triste et fastidieux voyage; un notamment qui pouvait dispenser de tous les autres, c'est que nous mourions littéralement de faim. Depuis notre embarquement, c'est-à-dire depuis le 15, nous avions eu pour tout régal les quatre mauvaises rations, délivrées au moment du départ; et les Espagnols, qui étaient abondamment pourvus, ne nous avaient jamais offert que l'odeur de leur cuisine. Je pus alors, rapprochant le passé du présent, dire en toute vérité qu'alliés Italiens et Espagnols c'est tout un ; mais qu'alliés et amis, ce n'est pas la même chose.
Je n'oublierai jamais cette nuit du 21 au 22 décembre. Nous étions descendus à fond de cale, pour passer la soirée et tâcher de dormir. J'avais eu la chance de trouver à bord quelques livres; et je lisais à mes camarades une scène de Molière, quand nous commençâmes à ressentir de violentes
secousses. Bientôt on vint nous annoncer que nos amarres et celles d'autres navires venaient d'être rompues par suite d'un coup de vent, et qu'il y avait du danger. Nous grimpâmes de suite sur le pont ponr aider les matelots, mais tous les efforts ne nous empêchèrent pas d'aborder plusieurs navires auxquels nous faisions du mal et qui nous le rendaient bien. Dans les intervalles, nous entendions craquer comme des noisettes les barques qui se trouvaient prises entre de gros bâtiments. Les cris de détresse qui s'élevaient de ces frêles embarcations me déchiraient le coeur, mais nous ne pouvions rien pour ces malheureux.
Toute la nuit se passa dans ces angoisses, et la mer ne se calma un peu que dans la matinée. Ce dernier épisode eut du moins l'avantage de hâter notre débarquement. Quelques heures après, nous étions installés dans un palais de superbe apparence, mais ouvert à tous les vents, et où nous n'avions pour lit que des dalles de marbre, couche somptueuse, mais bien dure et bien froide. Dès le lendemain, nous nous mîmes en quête de moyens de transport pour nous rendre à Voltri, où se trouvait alors le gros de notre demi-brigade. C'est une petite ville à quatre lieues de Gènes, du côté de Savone. Ce n'est qu'après quatre dernières journées de souffrances, qu'il nous a été donné, avant-hier 26, d'atteindre ce but si désiré. Nous avons été accueillis comme des frères qu'on croyait perdus. Le chef de brigade me fit l'accueil le plus bienveillant, et s'entretint longtemps avec moi. Dès le lendemain, chacun de nous rejoignit la compagnie à laquelle il appartenait.
Pendant cette longue absence, j'avais été provisoirement remplacé au conseil d'administration. Le temps de mon exercice était, d'ailleurs, près de finir. Je jugeai inutile de rentrer en fonctions pour si peu de temps, et partis aussitôt pour Sestri du Ponent, entre Gênes et Voltri, où notre premier bataillon est présentement cantonné.
Le même jour je repris ma place dans ma compagnie. J'embrassai avec grande joie ceux de mes anciens camarades qui avaient survécu, comme nous, à la meurtrière campagne de l'an VII. Je les trouvai fatigués, mal vêtus, singulièrement maigris. Ils pouvaient, il est vrai, me faire le même compliment. J'allai voir ensuite nos officiers, qui parurent fort satisfaits de me revoir.
Sestri du Ponent est un beau grand bourg ou petite ville, à deux petites lieues de Gênes. Nous y sommes logés à couvert, mais sans lits. Il paraît que l'on y touche assez régulièrement les rations de vivres, grande merveille par le temps qui court ! Mais on ne touche pas autre chose ; là, comme ailleurs, le numéraire brille par son absence. On m'a remis cependant une partie de l'arriéré, parvenu au corps dans le courant de cette année ; puis j'ai reçu les petites sommes qui m'avaient été adressées de chez moi pendant mon absence. J'ai ainsi par devers moi, aujourd'hui, quelques ressources pour me remonter et vivoter, en attendant mieux" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 131).
/ 1801, Italie
Le 4 mars 1800 (13 Ventôse an 8), Cognet écrit, depuis Sestri du Ponent, à sa famille : "Nous avons eu, jusqu'ici, un hiver pénible sous tous les rapports n'ayant pour couche qu'un peu de paille, manquant presqu'absolument de combustible, ne recevant que fort irrégulièrement nos rations de vivres, celles de pain surtout, parce que les Anglais interceptent la plupart de nos convois. Toutes les douceurs de la vie nous font ici défaut, sauf le vin.
D'un autre côté, on nous a, il est vrai, payé une faible partie de notre solde, mais quand nous mettra-t-on au courant ? Et combien ne reste,t-il pas à faire pour réorganiser l'armement, approvisionner les magasins, habiller les troupes ? Dans quel affreux état ce Directoire avait plongé la France !
Après un premier séjour d'une quinzaine ici, nous avions été appelés à Gênes, où nous n'étions pas beaucoup mieux. Notre bataillon occupait un vaste bâtiment transformé en caserne, dans le faubourg Saint-Pierre d'Arena ; le second était installé en ville, dans une église où il n'y avait pas même de paille. Les distributions ayant été momentanément interrompues, ce pauvre second bataillon se mutina, et faillit entraîner le nôtre. Nous eûmes bien de la peine à empêcher un soulèvement général. Je dis nous, car bien que simple soldat, j'intervins dans cette triste occasion pour rétablir l'ordre. Pour ma part, je réussis, avec le sergent-major de ma compagnie, à maintenir une quarantaine d'hommes dans le devoir, pendant cette sédition qui dura plus de deux heures. On nous renvoya ensuite à Sestri, où nous reprîmes notre pénible et monotone hivernage.
J'avais, cependant, de fréquents rapports avec mes chefs. Un jour, mon capitaine me dit qu'il avait l'intention de me faire nommer fourrier. Être fourrier pour devenir bientôt sergent-major, cela me convenait assez, mais il fallait commencer par être caporal, ce qui ne m'allait guère. Je
cédai néanmoins aux instances- bienveillantes de mon capitaine ; il me promit que j'aurais la première place de fourrier qui viendrait à vaquer au bataillon, et qu'on verrait ensuite. Je me laissai donc faire, et me voici caporal depuis le 5 février dernier.
Le surlendemain 7, notre bataillon reçut l'ordre de se rendre à Campo-Freddo, un nom de fâcheux augure dans cette saison glaciale. C'est une bourgade enfouie dans les gorges de l'Apennin, qui ne nous promettait guère de ressources. Et, vu l'état de pénurie de nos magasins, il fallut partir avec une seule ration de pain. Nous étions encore à deux lieues de notre destination, quand on détacha deux compagnies pour occuper une colline sur notre gauche. Au sommet de cette colline, très haute et exposée à tous les vents, nous ne trouvâmes que trois cabanes habitées par de pauvres paysans. Nous nous installâmes tant bien que mal dans ces cabanes et les enclos adjacents, puis on s'occupa d'établir une ligne de postes d'observation, car l'ennemi n'était pas loin. Je fus envoyé, avec une douzaine d'hommes, à une assez grande distance du principal campement. Il voltigeait alors quelques flocons de neige. Elle augmenta peu à peu, et finit par devenir tellement épaisse, qu'au bout de quelques heures l'ordre nous vint de nous replier sur le gros du détachement, l'ennemi ayant de son côté retiré ses avant-postes. On ne se le fit pas dire deux fois, et nous retournâmes partager avec nos camarades l'hospitalité des bons paysans. Mais la neige ayant continué de tomber toute la nuit, les communications se trouvèrent interrompues le lendemain, et nos hommes de corvée ne purent descendre à Campo-Freddo pour prendre nos vivres. Nous étions absolument bloqués, et sans savoir quand notre réclusion finirait. Dès le troisième jour nous avions consommé toutes les provisions de nos hôtes. Pour comble d'agrément, le vent soufflait d'une telle rage qu'il était impossible d'entretenir les feux de bivouacs. La plupart d'entre nous s'entassèrent dans les greniers à foin, en attendant qu'on vint à notre secours. Trois autres jours s'écoulèrent ainsi, pendant lesquels nous vécûmes avec la moitié de la ration de pain que nous avions reçue au départ, réservant le reste comme ressource suprême.
Enfin, dans l'après-midi du sixième jour, on aperçut dans la montagne des hommes qui travaillaient
à déblayer les chemins. Peu de temps après ils parvinrent jusqu'à nous, et nous transmirent l'ordre de descendre de suite à Campo-Freddo. Nous y arrivâmes à demi morts de faim et de froid. On nous y donna une demi-ration de pain et une ration de vin, et l'on nous installa dans un local ouvert et à peine couvert, où la neige fondue faisait irruption de toutes parts.
Le lendemain matin, un autre détachement vint nous relever, et nous reprîmes le chemin de Sestri, au milieu de tourbillons de neige qui ne nous permettaient pas de voir à quatre pas. Il y a dans ces gorges des passages en corniche fort dangereux, par un temps pareil: un faux pas eut suffi pour nous précipiter dans un abîme de neige. Je me rappelle surtout un endroit où la pente était si escarpée, si glissante, que nous avions bien de la peine à la gravir en nous soutenant réciproquement. Nous perdîmes là une partie de nos bagages. Mais ce fut bien pis encore quand nous atteignîmes le haut de la montée, où l'ouragan et la neige sévissaient avec un redoublement de furie. Là, le bataillon fut mis en complet désarroi à diverses reprises, des soldats furent enlevés et lancés au loin, culbutés les uns sur les autres. Beaucoup d'hommes eurent des membres gelés, ou furent grièvement blessés. J'en ai été quitte pour deux ou trois chutes assez rudes, et un doigt fortement contusionné.
Nous commençâmes enfin à descendre sur Sestri, et à ressentir, d'une certaine manière, l'adoucissement graduel de la température, c'est-à-dire que la neige fondait d'abord en tombant, et qu'elle fut remplacée, plus bas, par une pluie battante qui nous tint fidèle compagnie jusqu'à Sestri, où nous n'arrivâmes qu'à sept heures du soir.
Mes camarades rentrèrent dans leurs casernes, à jeun et trempés comme les soupes que nous n'avions pas. Pour moi, il m'était réservé un petit supplément de faveur. Je fus envoyé en qualité de planton chez le commandant qui dormait bien tranquillement dans un bon lit, et je passai une nuit blanche, couché sur le carrelage de marbre d'une antichambre, sans autre feu que celui d'une lampe à la lueur de laquelle je dévorai le morceau de pain que j'avais reçu la veille. Il est vrai que le lendemain matin, quand j'entrai chez le commandant, il parut affecté d'apprendre que j'avais passé la nuit à me morfondre à sa porte. S'il avait su, me dit-il, qu'il y avait là un planton, il se serait empressé de le renvoyer ou de le faire entrer et approcher du feu, quand même ce n'eût pas été moi. Mais il ne l'avait pas su ! De retour près de mes camarades, dont la nuit n'avait pas été beaucoup meilleure que la mienne, je profitai comme eux, pour me sécher, du feu d'un four à chaux qu'on venait d'allumer dans le voisinage. J'eus la chance de ne pas même attraper un rhume à la suite de cette nuit, qui venait de couronner dignement sept journées de rudes épreuves.
Nous avions grand besoin de repos après cette promenade d'agrément. On nous laissa en effet tranquilles quelque temps, mais sans mieux nous nourrir, au contraire. A partir du 20 février, nous n'eûmes plus que demi-ration ; on avait promis d'y joindre des légumes secs que nous ne vîmes presque jamais. Le 24, la ration fut réduite au quart le 27, il fallut nous contenter d'une poignée de pois. Quelques barques chargées de farine ayant échappé aux croiseurs, le quart de ration reparut le 26, et la demi-ration a été rétabli depuis le 27. Nous souffrons, mais notre confiance persiste dans le gouvernement réparateur issu du 18 brumaire. Puisse cette confiance n'être pas l'illusion du malheureux, qui retrouve toujours et partout la misère" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 139).
Le 10 mars 1800 (19 Ventôse an 8), Cognet écrit, depuis Bogliasco, à sa famille : "Nous venons de faire une nouvelle expédition. Cette fois nous avons eu affaire, non-seulement aux éléments, mais à des adversaires vivants, et très-vivants, aux Autrichiens et à leurs auxiliaires les montagnards de la rivière du Levant, dits de Fontana-Buona, contre lesquels nous étions spécialement envoyés.
Depuis assez longtemps, on parlait de troubles occasionnés de ce côté par des réquisitions de subsistances, malheureusement indispensables pour nous empêcher de mourir tout à fait de faim. A la suite de pourparlers inutiles, notre général en chef Masséna avait fait occuper militairement le pays.
Cependant les habitants, soutenus par l'ennemi qui leur fournissait des munitions, se levèrent un jour en masse, et chassèrent nos troupes de leurs cantonnements. Après les avoir vainement sommés de livrer leurs armes et les principaux moteurs du soulèvement, Masséna résolut d'agir par la force, et notre demi-brigade fut de la partie.
Nous quittâmes Sestri du Ponent le 3 mars.
Après avoir rallié à Gênes notre premier bataillon, la demi-brigade se porta sur Nervi et Bogliasco, où elle séjourna le 4, pour faire ses derniers préparatifs.
Le 5, on marcha sur Recco, petite ville du littoral, à cinq ou six lieues de Gènes, où se trouvait déjà la 8e demi-brigade légère; elle nous attendait pour marcher en avant. D'autres troupes devaient opérer par les montagnes, à une certaine distance sur notre gauche.
Nous commençâmes aussitôt à monter à travers les bois par un chemin étroit et escarpé. La 8e tiraillait en tête et sur les flancs, pour débusquer l'ennemi du fourré. Les insurgés défendirent le terrain pied à pied, et nous firent éprouver quelques pertes au débouché sur le plateau de Rapallo; mais dès que nous eûmes dépassé la région boisée, nos adversaires s'enfuirent avec une telle précipitation, qu'en peu d'instants la plaine fut entièrement dégagée. Nous continuâmes alors librement notre marche sur Rapallo; la 8e éclairant le littoral, que nous laissions sur la droite.
Après une courte halte dans cette petite ville, nous avancions vers les montagnes, quand une décharge qui nous enleva quelques hommes, nous révéla la présence d'un petit détachement autrichien, embusqué au milieu des rochers. Ce poste, d'un accès difficile de toutes parts, aurait donné de l'embarras s'il avait été fortement occupé. Heureusement ces messieurs n'étaient pas plus d'une cinquantaine. On nous détacha en tirailleurs pour répondre à leur feu et les débusquer, sans interrompre la marche du gros de la colonne. L'affaire fut bientôt finie, et nous ne vîmes plus d'Autrichiens de la journée. En arrivant sur le terrain dont ceux-là venaient de déguerpir, nous trouvâmes leurs marmites pleines de soupe toute chaude qu'ils n'avaient pas eu le temps d'avaler, ce dont nous nous acquittâmes à leur place avec un merveilleux entrain.
A peu de distance de là, le bataillon, engagé dans un chemin tortueux en contre-bas, arriva dans un endroit où ce chemin, bordé d'un côté de falaises presque perpendiculaires, longe de l'autre un précipice dont il n'est séparé que par le parapet. Au moment où la tête du bataillon arrivait à la partie la plus étroite de ce passage, les insurgés qui tenaient le haut de la falaise, firent rouler sur nous deux énormes pierres. L'une passa par-dessus nos têtes, brisa une partie du parapet et l'entraîna dans l'abîme. L'autre, mieux dirigée, tomba juste sur le chemin. Par bonheur, la tête de la colonne, avertie par la chute du premier bloc, avait poussé précipitamment en avant, tandis que le reste rétrogradait non moins vite, si bien que personne ne fut atteint. Des tirailleurs escaladèrent les rochers, mais n'y trouvèrent plus personne.
Le jour tombait quand la colonne atteignit Cbiavori à trois bonnes lieues au-delà de Rapallo. On nous fit traverser la ville, et on nous établit aussitôt de l'autre côté, dans une grande prairie, confinant à un torrent dont nous nous empressâmes d'occuper le pont. Les Autrichiens se montrèrent immédiatement pour nous en disputer la possession, et il s'établit une vive fusillade pendant laquelle le pont fut rompu, et chacun garda sa rive. Une chaîne de postes fut installée de suite le long du torrent, et les soldats auxquels on venait, pour la première fois depuis bien des jours, de distribuer ration entière ! s'occupèrent du grand oeuvre de la soupe. Il était alors huit heures du soir.
Pendant ce temps; un détachement envoyé en reconnaissance, avait découvert que des troupes quelconques étaient campées sur notre gauche. On espérait que c'était le corps français destiné à opérer conjointement avec nous, mais on n'en avait nullement la certitude. Vers dix heures, on vint m'appeler pour faire partie d'une nouvelle reconnaissance de trente hommes commandée par un officier, avec un sergent et deux caporaux. L'officier était porteur d'un message pour le commandant de ces troupes, présumées françaises. Nous filâmes en grand silence, côtoyant le torrent et par conséquent les postes autrichiens de la rive opposée, auxquels nous réussîmes à dérober notre marche puis, nous nous avançâmes, sous la conduite d'un guide, dans la direction où l'on avait aperçu les feux de ce camp problématique. L'officier m'avait lancé en éclaireur, avec deux soldats, à cinquante pas en avant, mais lui-même s'arrêtait au moindre bruit, ce qui me forçait de m'arrêter aussi. Arrivés à un petit hameau, le guide refusait d'aller plus loin ; il fallut le menacer de lui brûler la cervelle pour le faire avancer.
Parvenus fort prés du camp, nous entendîmes distinctement parler français. Mais ces Français pouvaient bien encore être des ennemis, car nous n'ignorions pas que la légion des émigrés de Bussy était dans ces parages. Il fallut donc tenter l'aventure. J'avançai de nouveau, et bientôt je fus arrêté par une sentinelle qui appela la garde ! Il arriva aussitôt un sergent et deux soldats, on croisa de part et d'autre la baïonnette. J'approchai la mienne de la poitrine du sergent. De son côté celui-ci, me présentant la pointe de son sabre, me demanda les mots d'ordre et de ralliement. Jamais, pendant tout le temps que j'ai porté les armes, je n'ai ressenti une si cruelle émotion. Ces Français, dont l'obscurité ne nous permettait pas de distinguer l'uniforme, étaient-ils des nôtres ? ou des autres ?
Dieu merci, ils étaient des nôtres ; ce campement était celui de la 74e demi-brigade. Dès qu'on se fut reconnu de part et d'autre, notre détachement avança à l'ordre et pénétra dans le camp. L'officier qui le commandait s'acquitta de son message auprès du chef de la demi-brigade, et nous repartîmes après avoir pris quelques instants de repos. Nous étions de retour à nos bivouacs vers deux heures du matin.
Les Autrichiens ayant vu nos feux établis sur tant de points, craignirent d'être tournés et se retirèrent avant le jour.
Le 6, on se porta d'abord sur Lavagna, à trois lieues de Chiavari, puis on poussa jusqu'à Sestri du Levant qui est encore à trois lieues plus loin. Les insurgés s'étant retirés fort avant dans la montagne, on s'établit à Sestri, on y fit de nombreuses réquisitions, et tout alla bien jusqu'au lendemain matin.
Mais les insurgés ne s'endormaient pas. Ils étaient d'ailleurs appuyés par les Autrichiens, qui tenaient à regagner le terrain perdu la veille. Nous fûmes avertis avant le jour que tout était en mouvement dans la montagne, et que déjà nos communications étaient gravement compromises. Presqu'aussitôt nous reçûmes l'ordre de battre en retraite immédiatement. On fit six lieues d'une traite, de Sestri du Levant à Rapallo, par Lavagna et Chiavari.
Mais nous ne devions pas en être quittes à si bon marché. Comme nous entrions à Rappallo, tambours battants et enseignes déployées, on commença à faire sur nous un feu nourri, du faubourg que nous venions de traverser. Il fallut faire volte face pour répondre à cette politesse, et prendre des mesures énergiques pour sortir de ce guêpier. Toutes les dispositions étaient déjà faites pour intercepter notre retraite ; l'autre faubourg était fortement occupé et barricadé. Quand on voulut poursuivre le mouvement, on rencontra une résistance tellement vive, que la tête de la colonne fut plusieurs fois obligée de se replier. Nos soldats montrèrent beaucoup de solidité, et parvinrent à se faire jour, mais non sans pertes.
Dès que nous fûmes sur un terrain découvert, la plus grande partie de la troupe se déploya en tirailleurs et repoussa les insurgésjusque dans les hameaux voisins où l'on mit le feu. Ils se battaient avec une opiniâtreté remarquable; j'ai vu des paysans bloqués dans un moulin qui brûlait déjà, tirer encore sur nous du milieu des flammes, et périr sans demander quartier. Dès que nous faisions mine de nous éloigner, ces enragés revenaient à la charge. Ils nous harcelèrent ainsi jusqu'au-dessus de Recco. Tout était en désarroi dans cette ville, où nous avions espéré passer la nuit. Nous y trouvâmes l'ordre de regagner nos cantonnements respectifs. Il était minuit quand le bataillon rentra coucher dans notre masure de Bogliasco; coucher sans souper, comme d'habitude, et sur des dalles peu moëlleuses.
Vous voyez que notre expédition n'a pas été longue. Deux jours de marche triomphale, un de retraite précipitée, dans lequel nous avons reperdu tout le terrain conquis. Nous avons fait huit lieues le premier jour, six le second; donc quatorze le troisième, avec le surcroît de fatigue de l'échauffourée de Rapallo, et du combat soutenu chemin faisant depuis cette ville jusqu'à la descente de Recco. Nous avons fort maltraité les montagnards, mais ils nous l'ont bien rendu.
Nous avons eu ce matin nos rations de pain. Mais, selon toute apparence, nous jeûnerons plus d'une fois encore dans cette région pauvre, dévastée, et bloquée par terre et par mer" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 146).
Un extrait du Rapport du Général Soult au Général en Chef daté du 30 mars (10 Germinal – incohérence dans la conversion de date) indique : "Les maladies font toujours les plus grands ravages, mon cher général. La 24e demi-brigade ne peut plus soutenir le service; il ne lui reste que huit cents hommes presque tous convalescents ; le 3e de ligne et la 3e légère sont à peu près dans le même cas ; enfin, tous les corps employés à l'aile droite perdent considérablement de monde ; je reçois à cet égard et de tous côtés, les rapports les plus alarmants. Ajoutez à cela, que la désertion continue toujours. Les privations continuelles que le soldat éprouve, en sont la seule cause. Les comptes qu'on vous rend à Gênes sont inexacts. Quel tableau ! il me déchire l'âme. J'écris au général Miollis de faire relever la 24e par la 106e ; au général Gazan de faire relever la 3e de ligne par la 2e; je n'ai pas le moyen de faire relever la 78e de ligne ; pourtant elle en aurait grand besoin, ainsi que la garnison de Gavi qui, depuis onze mois, est enfermée dans le fort' où l'on m'annonce que le scorbut commence à se manifester" (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 3, p. 28).
Le 4 avril 1800 (14 Germinal an 8), Cognet écrit, depuis Recco, à sa famille : "Il est plus que probable que nous serons prochainement attaqués. L'ennemi ne connaît que trop bien nos embarras. Il sait que nous ne recevons de France aucun secours, que nous sommes décimés par la misère et les maladies. Il voudra sans doute profiter de sa grande supériorité numérique pour nous enlever l'honneur de l'offensive. La réapparition des avant-postes autrichiens à proximité des nôtres, le blocus plus étroit que jamais du littoral par la flotte anglaise, nous présagent de sérieux événements. Nous sommes prêts à la lutte, résignés à tous les sacrifices, même à celui de la vie.
Nous étions postés à Bogliasco depuis le 7 mars, pour appuyer au besoin la 8e légère, échelonnée de Recco au débouché de la plaine de Rapallo. Nous étions on ne peut plus mal dans cet endroit, réduits pour toute nourriture à une demi-ration de pain, qui souvent ne venait que très irrégulièrement, ou même pas du tout. Combien de fois ne m'est-il pas arrivé, mourant de faim, de dévorer des olives vertes, ou de mâcher des écorces de citrons desséchés sur l'arbre !
Cependant les montagnards avaient reparu plus menaçants que jamais, et serraient de près les positions de la 8e. Nous reçumes donc, le 25 mars, l'ordre d'avancer sur Recco, pour être à portée de renforcer cette demi-brigade au premier signal. La précaution n'était pas inutile, car, ce jour-là même, les insurgés attaquèrent vivement. Ils furent repoussés avec perte, et reconduits assez loin, la baïonnette dans les reins. Ils n'en revinrent pas moins à la charge dans la matinée du lendemain, et obtinrent d'abord quelques succès. La 8e fut refoulée à son tour sur le versant boisé qui domine Recco. Dans ce moment, j'étais posté avec quatre hommes au milieu du bois, dans le défilé tortueux et encaissé qui conduit de cette ville au débouché du plateau. Ce poste ne me semblait nullement compromis, bien que j'entendisse des coups de feu tout autour de nous. Débordé ou même pris à revers, je pouvais toujours, à la faveur des accidents de terrain, rejoindre notre grand'garde.
Dans cette situation, nous eûmes à essuyer une panique, occasionnée par des poltrons, des vivandières et autres fléaux d'armée, dégringolant à travers le bois, et criant comme si tout eût été perdu. Je faillis être abandonné par mes quatre hommes, et ne parvins à les retenir qu'en leur barrant le passage, la baïonnette au bout du fusil. Pendant que je me débattais ainsi, nos troupes reprenaient le dessus ; les insurgés cédèrent de nouveau le terrain. Lorsque je fus relevé de ce poste, on me félicita de n'avoir pas cédé à la panique. Je ne pus m'empêcher de répondre, en montrant mes quatre hommes : "Ce n'est pas la faute de ces Messieurs !".
Le soir même, un retour offensif de ces montagnards nous fournit l'occasion de leur donner une telle chasse, que depuis ils n'ont plus rien entrepris de sérieux. Mais nous n'en sommes pas beaucoup plus tranquilles. Ils viennent sans cesse rôder autour de nos positions. Pour les contenir, nous sommes obligés de nous montrer souvent sur les hauteurs, d'entretenir un grand nombre de postes, d'être sans cesse sur le qui-vive métier bien pénible pour des gens aussi sommairement nourris que nous le sommes.
C'est ainsi que nous nous reposons, en attendant l'ouverture imminente de la campagne. Tout ceci est évidemment calculé par l'ennemi il veut nous épuiser d'avance pour nous accabler plus sûrement. Il en sera ce que Dieu voudra, mais les Autrichiens nous croient plus malades que nous ne le sommes" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 156).
Dans sa lettre datée du 10 avril 1800 (20 Germinal an 8), Cognet écrit, depuis Recco, à sa famille : "Le 3 de ce mois, un peu avant le jour, j'étais couché tranquillement, ainsi que mes camarades, dans notre caserne de Recco, au delà du pont jeté sur te torrent du même nom, quand je crus entendre le bruit lointain d'une fusillade. Je regardai par une lucarne, et j'aperçus comme une série de feux follets, courant ]e long des hauteurs occupées par nos avant-postes. J'éveillai mes hommes, et presqu~aussitôt, les trois coups de tambour d'alerte mirent tout le monde sur pied. Déjà nos postes étaient en pleine retraite, et leurs baraques incendiées. Tandis que nous nous formions en toute hâte sur la place, notre adjudant-major, braquant sa lunette sur la montagne, me dit : "Ce ne sont que quelques centaines de paysans dont nous aurons bon marché". - "Dieu le veuille , mon major !" répondis-je, mais j'aurais été bien surpris qu'il eût raison.
Trois compagnies, dont la mienne, furent détachées immédiatement au secours des avant-postes. Notre présence leur rendit quelque courage. Mais de ces hauteurs, d'où l'on embrassait l'ensemble des positions, nous vîmes que l'attaque s'étendait sur toute notre ligne, que sur notre droite la 8e faiblissait, et que notre gauche perdait sensiblement du terrain. Nous étions à environ trois quarts de lieue en amont de Recco. Mon capitaine, qui avait le commandement supérieur des trois compagnes, me chargea d'aller annoncer au chef du bataillon que nous allions être coupés, et que la position devenait insoutenable à moins d'un prompt secours.
Je ne fis qu'un saut jusqu'à Recco. Le commandant ne pouvait plus disposer que de quelques compagnies, et il était accablé de demandes semblables à la mienne.
Retournez vite, me répondit-il, et dites au capitaine que je ne puis pas lui envoyer un seul homme, mais qu'il tienne jusqu'à extinction ... Et je repris ma course vers la montagne.
J'étais au plus à vingt minutes de Recco, et je venais de quitter la rive du torrent pour grimper parmi les rochers. Soudain j'entends siffler les balles autour de moi; je vois plusieurs de nos soldats dégringolant sur la pente, puis le capitaine lui-même ramenant, au pas de course, sa troupe fort en désordre. Mon rapport fut bientôt fait. Le capitaine s'écria : "qu'il y vienne lui-même, il verra ...", et poursuivit sa marche rétrograde. En trois minutes, nous arrivons au torrent ; nous tournions à gauche pour redescendre par la berge jusqu'à Recco, que nous voyions distinctement à nos pieds. Mais le bruit d'une autre fusillade nous arrive aussi de ce côté dans la ville, visible de l'endroit où nous étions comme sur un plan en relief, nous distinguons des uniformes blancs ; nous apercevons aussi notre chef de bataillon et sa petite troupe, repoussés au delà du pont dont ils s'efforcent de disputer le passage. Un instant de plus, et nous allions nous trouver pris entre les ennemis qui nous poursuivaient et ceux déjà maîtres de la ville. "A l'eau !" s'écrie notre capitaine, en joignant l'exemple au précepte. Et nous voilà tous, jusqu'au cou dans cette eau rapide et glaciale. Nous la traversâmes sans accident, pour aller nous jeter dans un bois situé en face, mais à une distance qui nous parut bien grande, car l'ennemi, qui déjà bordait la rive que nous venions de quitter, nous fusilla pendant tout
ce trajet. Nous réussîmes pourtant à gagner cet abri, où personne ne vint nous relancer et, peu de temps après, nous ralliâmes le bataillon qui se repliait sur Sori avec la 8e légère. Sori est à une
lieue de Recco, entre cette ville et Bogliasco.
Mais nous n'y restâmes que jusqu'à deux heures de l'après-midi sur l'avis que l'ennemi ne paraissait pas être en grande force à Recco, et qu'il s'y gardait assez mal, nous croyant plus battus et abattus que nous n'étions. On retourna de suite à la charge. Une brusque attaque nous redonna le pont; l'ennemi, assailli à la fois sur tous les points accessibles qu'un long séjour à Recco nous avait fait connaître, s'enfuit en désordre, laissant dans cette ville bon nombre de morts, de blessés et de prisonniers. A la suite de cette prompte et brillante revanche, nous avions réoccupé plusieurs des positions avancées qui avaient été surprises le matin. Mais, dans la nuit, nous reçûmes l'ordre de retourner à Sori. Ce retour n'était qu'un épisode d'une manoeuvre de concentration, rendue indispensable par la grande supériorité de l'ennemi.
Dans la matinée du lendemain 4 avril, l'ennemi enleva la position du Monte-Cornua, sur notre gauche. On nous fit suivre le mouvement général de retraite par le littoral jusqu'auprès de Nervi, position parallèle au Monte-Facio, où une grande partie de notre brigade se trouvait réunie à la 74e. Pour nous, postés au-dessous de la batterie de côte, nous eûmes bientôt à faire face à une démonstration de plusieurs navires de guerre anglais, qui paraissaient nous menacer d'une descente. Après une canonnade à laquelle riposta vigoureusement la batterie de côte, cette division prit le large.
Cependant les Autrichiens, continuant de manoeuvrer contre nos troupes, leur enlevèrent dans l'après-midi le Monte-Facio, et les obligèrent de se retirer à mi-côte, au-dessus de Quinto, où elles passèrent la nuit. L'ennemi avait allumé sur le Monte-Facio de grands feux qu'on devait facilement apercevoir de Gênes, qui n'est qu'à trois lieues de là. Ces feux étaient à la fois une bravade et un signal. Mais les Autrichiens étaient loin de s'attendre au réveil du lendemain.
Pendant cette même nuit, un vigoureux retour offensif s'organisait. Une colonne venant de Gênes sous les ordres du général Miollis, s'avançait pour prendre à revers la droite des Autrichiens, tandis que le général Darnaud, avec la 74e demi-brigade et la nôtre (renforcée de son troisième bataillon qui arrivait de Suisse), se préparait à les assaillir de front. Cette double attaque, exécutée avec beaucoup d'ensemble et de vigueur, obtint un succès complet. Malgré l'avantage de la position et la supériorité du nombre, l'ennemi fut délogé et mis en pleine déroute. Sa fuite fut tellement précipitée, qu'un bataillon tout entier, attardé dans un ravin, fut enveloppé et fait prisonsier. Il se rendit sans combattre, à la condition de conserver ses sacs.
Nous le rencontrâmes défilant piteusement du côté de Gênes, tandis que nous nous portions en avant. Au moment où les deux troupes se croisaient, je vis un de ces pillards indignes du nom de Français, colleter un ennemi sans défense, le renverser dans le fossé et lui prendre son sac. Indigné de cet acte de lâche brigandage, je sautai aussi dans le fossé j'y culbutai à son tour le voleur, lui arrachai le sac et le restituai à l'Autrichien. Celui-ci s'était laissé faire et m'avait regardé faire d'un air ahuri, et s'éloigna sans avoir seulement l'idée de me remercier.
Cette reprise énergique du Monte-Facio avait produit une telle impression sur l'ennemi, qu'il nous abandonna le Monte-Cornua sans résistance, perdant ainsi tout le fruit de ses premiers avantages. Nous nous installâmes donc sur ce vaste plateau, où nous passâmes la nuit. Le lendemain, en parcourant la montagne, je trouvai derrière un rocher, un vieux grenadier français grièvement blessé dans la rencontre de l'avant-veille, quand nous avions évacué cette position. Il était resté là caché pendant quarante-huit heures, sans avoir été aperçu par l'ennemi. Nous nous empressâmes de relever ce brave homme, qui n'avait plus qu'un souffle de vie, et de le transporter à notre bivouac, où il reçut les premiers secours. II fut expédié ensuite sur l'ambulance de Nervi, et j'ai su qu'on avait réussi à le sauver.
Le lendemain 9 avril, nous avions poursuivi notre retour offensif, et repris Bogliasco sans coup férir. Mais, le 7, un ordre pressant nous rappela sur Gênes, et nous occupons présentement diverses positions dans le voisinage de la ville. Notre bataillon est au fort de l'Éperon ; il y est même assez mal, mais je doute que nous y restions longtemps. Nous savons que l'ennemi compte sur une prochaine revanche, et qu'il réunit de grandes forces dans le Ponent, au-dessus de Savone. Nous l'attendons de pied ferme. Dans le Ponent comme dans le Levant, il nous trouvera toujours prêts à défendre l'honneur de la France" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 160).
Dans son "Rapport général des opérations de l’aile droite de l’armée d'Italie, depuis le 15 jusqu'au 30 Germinal an 8 (du 5 au 20 avril 1800)", daté du Quartier général à Gênes, le 16 Floréal an 8 (6 mai 1800), le Général Soult raconte : "… Par suite des succès qu'il avait obtenus sur la deuxième division , dans la journée du 16, l'ennemi avait poussé des troupes, jusque près de Gênes. Le général en chef ordonna qu'il fût attaqué, le 17 au matin; à cet effet, il fit avancer la 25e demi-brigade d'infanterie légère; trois colonnes furent dirigées sur le Monte-Fascio. Le général de division Miollis commandait celle du centre, le général de brigade d'Arnaud celle de droite, et l'adjudant général Hector celle de gauche; la position fut emportée, au pas de course ; on reprit aussi le Monte-Cornua et Scofera. La nuit fit cesser le combat et la poursuite; le colonel baron d'Aspre, qui dirigeait les insurrections, et quinze cents hommes, restèrent en notre pouvoir. La 25e légère et la 106e de ligne se distinguèrent particulièrement dans cette journée ..." (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 3, p. 35).
Le 21 Germinal an 8 (11 avril 1800), la 97e fléchit face aux Autrichiens, et se rallie avec difficulté ; le Général Soult dit que "Cette demi-brigade fut renvoyée à Gênes, comme punition, et remplacée par des bataillons des 73e et 106e de ligne, qui, réunis au bataillon de grenadiers, formèrent ensemble près de deux mille sept cents hommes" (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 3, p. 72).
Le 25 Germinal an 8 (15 avril 1800), "… Les Autrichiens s'étaient rassemblés sur les hauteurs de Montenotte, vers Savone, derrière le torrent de Stella, et dans leurs camps de la Moglia et de la Galera, comme je l'ai dit dans mon rapport. Ils manœuvrèrent pour me reprendre Sassello, tandis que, le 25, je me préparais de mon côté à les attaquer dans leurs positions, et que le général en chef se disposait à tenter un dernier effort, pour dégager Savone.
Le combat allait s'engager, lorsqu'on aperçut une colonne ennemie, partie des hauteurs de Savone et se dirigeant sur Stella, de manière à faire supposer qu'elle avait l'intention de tourner ma gauche ou de déborder la droite du général Masséna. Celui-ci envoya aussitôt des partis, pour reconnaitre cette troupe et retarder sa marche, en tiraillant avec elle. Il disposa ensuite son attaque, mit le général Oudinot à la tête de la 73e demi-brigade, et le dirigea sur un couvent situé entre Albissola et Savone, où les ennemis étaient en position. L'adjudant général Gauthier eut ordre de seconder ce mouvement avec le bataillon de grenadiers, en appuyant à gauche, pour gagner le haut de la montagne. Le général en chef garda en réserve, en avant d'Albissola, le bataillon de la 106e de ligne. Le général Oudinot aborda les ennemis avec son intrépidité accoutumée; il les trouva très-supérieurs à ses forces, formés en échelons, et bien préparés à le recevoir. Il eut d'abord quelques succès, ainsi que l'adjudant général Gauthier; mais les grenadiers de ce dernier, s'étant éparpillés en gravissant la montagne, furent ramenés vertement, et le général Oudinot dut aussi faire sa retraite. Le général en chef s'avança avec sa réserve, pour les soutenir et empêcher que les Autrichiens ne passassent le torrent. C'est tout ce qu'il fut possible d'obtenir après un combat de trois heures, qui finit avec le jour. A la nuit, le général Masséna, instruit que les ennemis filaient sur sa droite, ordonna à l'adjudant général Gauthier de ramener les troupes à Varaggio.
Cette attaque échouait, à l'heure même où celle que j'avais dirigée sur les camps de la Moglia, de la Galera, et des hauteurs de Ponte-Invrea était également repoussée. De part et d'autre, nous devions revenir sur nos pas. Dès lors, il fut bien démontré qu'il n'était pas en notre pouvoir de sauver Savone, ni de rétablir les communications avec le corps du centre, aux ordres du lieutenant général Suchet ..." (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 3, p. 74).
Dans sa lettre datée du 20 avril 1800 (30 Germinal an 8), Cognet écrit, depuis le Mont des Deux-Frères, à sa famille : "Il faut que Gênes ait pour nous bien de l'attrait; car, vainqueurs ou vaincus, nous y revenons toujours. Nous y étions rentrés il y a dix jours, après un fait d'armes des plus brillants, la reprise du Monte-Facio. Nous y voilà encore de retour, depuis hier, à la suite d'une série de combats dans lesquels nous avons lutté avec courage, et souvent avec succès contre des forces quintuples des nôtres, qui nous ont plus d'une fois cédé le terrain, et finalement n'ont pas osé inquiéter notre retraite.
II a fallu des motifs bien graves, pour nous forcer d'abandonner ces formidables positions du Levant, si glorieusement reconquises. Mais l'ennemi voulait, à tout prix, nous resserrer dans Gênes, ce qu'il ne pouvait faire qu'en s'emparant de Savone et de nos positions du Ponent. Aussi avait-il concentré sur ce point presque toutes ses forces. Il fallait bien nous porter nous-mêmes dans cette direction pour contre-carrer ses plans, pour essayer même de forcer ses lignes, et de rétablir nos communications avec le général Suchet, qui de son côté, manoeuvrait dans le même but. Enfin, au pis-aller, il fallait défendre le terrain pied à pied, et ne nous retirer dans Gênes qu'à la dernière extrémité !
Le général en chef prit toutes ses dispositions en conséquence. Il ne laissa à Gênes que les troupes nécessaires pour la garde des forts et le maintien de l'ordre. Il envoya le général Soult dans les montagnes du Ponent, avec la majeure partie des forces disponibles, et le général Gardanne sur Savone pour appuyer la gauche de Soult, et opérer de concert avec lui. Enfin, pour compléter l'expédition, et renforcer, au besoin son intrépide lieutenant, il réunit à Sestri du Ponent une petite réserve, placée sous sa direction immédiate.
Désignés pour faire partie de cette réserve, nous nous rendîmes le 10 à Sestri où se trouvait déjà la 73e demi-brigade, qui se porta avec nous sur Voltri.
Déjà, depuis quatre jours, le général Soult opérait dans les montagnes ; il y avait obtenu de prodigieux succès. Arrivés à l'entrée de Voltri, nous eûmes l'agréable surprise de voir défiler vers Gênes une colonne de 3000 prisonniers avec sept drapeaux, et une escorte qui nous parut bien faible ! On nous apprit plus tard que ces prisonniers, lors de leur passage à Voltri, apercevant plusieurs navires de guerre anglais en vue de cette ville où il ne se trouvait alors aucune troupe française, avaient eu l'idée de tomber sur l'escorte, et de rejoindre leur armée par des chemins détournés. C'était notre apparition qui les avait fait renoncer à ce projet.
En sortant de Voltri, nous commençâmes à être inquiétés par le canon des Anglais, qui nous fit éprouver quelques pertes. L'endroit où nous nous arrêtâmes pour passer la nuit était une sorte de terre-plein assez étroit, entouré de rochers qui nous garantissaient des boulets du côté de la mer.
Après quelques heures de repos, nous reçûmes l'ordre de partir avant le jour, pour éviter le feu des Anglais. En allant réveiller mon monde et presser la confection de la soupe, j'eus la maladresse de me laisser tomber sur une pointe de rocher qui m'écorcha cruellement un genou, et me
fit éprouver à la rotule une douleur si vive que je restai plusieurs minutes sans pouvoir faire un
mouvement. Il n'en fallut pas moins, une heure après, suivre cahin-caha les camarades. Heureusement nous fîmes peu de chemin ce jour-là ainsi que le lendemain.
Nous nous rapprochions de Savone. Le 13, au matin, nous fûmes placés en réserve, par bataillons, sur une ligne de petits mamelons. Nous avions à notre gauche, vers la mer, le beau village d'Albissola dont les maisons descendentjusqu'au bord de la mer en face, les hauteurs qui le séparent de Savone; à notre droite, les contre-forts de l'Apennin, d'où nous arrivait le bruit lointain de la fusillade et du canon. C'était le général Soult qui s'efforçait de débloquer Savone, tandis que les troupes de Gardanne étaient engagées sur les hauteurs en face de nous. Mais elles avaient affaire à trop forte partie, et furent bientôt rejetées en désordre sur Albissola. Alors le général Masséna vint en personne se mettre à la tête de notre bataillon, le fit former en colonne par section, et dirigea lui-même une charge vigoureuse tout le long du village jusqu'à la mer. Ce mouvement arrêta la poursuite de l'ennemi, et permit aux soldats de Gardanne de se rallier. Nos autres bataillons nous suivirent de près, et le combat se rétablit au delà d'Albissola, mais on ne put reprendre les hauteurs. Après un engagement de six heures, pendant lequel nous avions beaucoup souffert du feu des navires anglais qui nous prenaient d'écharpe, il fallut céder la place. Albissola fut évacué dans la soirée, et l'on prit position à une lieue en arrière pour la nuit.
Le général Soult continuait à faire beaucoup de mal aux Autrichiens. Mais ses troupes étaient épuisées de fatigue et de faim, et de plus fortement compromises sur la droite, par les manoeuvres de flanc des réserves ennemies.
Masséna, voyant qu'il ne pouvait rien pour la délivrance de Savone, ni pour le rétablissement des communications avec Suchet, ordonna à Soult de se retirer sur Voltri. Nous manoeuvrâmes,le 14, dans la même direction, et le lendemain toute l'armée réunie prit position à une lieue en avant de cette ville. Masséna remit alors à Soult le commandement en chef, et s'en retourna à Gênes. Nous passâmes la nuit du l5 et une grande partie de la journée du 16 dans ce campement de Voltri. On nous fit là quelques distributions de vivres; pour !a première fois depuis bien longtemps, la troupe mit sérieusement le pot-au-feu.
L'ennemi, cependant, manoeuvrait pour nous couper complétement de Gênes. Vers quatre heures du soir, il parut en force sur notre flanc droit, prolongeant son mouvement sur Voltri, où il arriva avant nous. Cette ville était notre unique débouché pour la retraite : à tout prix il fallait la
reprendre. Les trois compagnies de grenadiers de notre demi-brigade s'élancèrent à l'attaque du pont, s'en saisirent et s'y maintinrent pendant toute la durée de l'action, assurant ainsi le passage de l'armée. L'ennemi fut chargé, traqué, délogé de rue en rue, et l'on perça ainsi, jusqu'à la porte de Gènes, au delà delaquelle nos troupes se rallièrent. Mais les Autrichiens, qui recevaient à chaque instant des renforts, semblaient vouloir nous suivre de trop près. Soult jugea nécessaire, avant tout, de les refouler dans la ville, et ce nouveau combat, non moins acharné que l'autre, leur fit décidément passer l'envie d'inquiéter notre retraite. Cette double affaire de Voltri fut très meurtrière.
Il était presque nuit, quand les troupes françaises se mirent en marche dans la direction de Gênes. Nous étions déjà à peu près à moitié chemin, quand le général Soult donna ordre à mon bataillon, qui formait l'extrême arrière-garde, de retourner sur ses pas, pour observer les mouvements de l'ennemi, et recueillir bon nombre d'hommes égarés, à la suite de l'épouvantable mêlée de ce jour. Notre bataillon fit dont volte-face, et rebroussa chemin jusqu'à peu de distance de Voltri. L'ennemi bivouaquait en avant de la ville. Nous prîmes position en face de ses postes, derrière un mur transversal que la route traverse sous une arcade cintrée. Nous nous barricadâmes de notre mieux derrière cette espèce de rempart, qui se prolonge assez loin des deux côtés de la route, à gauche, il finit à un ravin ; sur la droite, il se continue en quelque sorte par une suite de haies formant des enclos, où l'on plaça aussitôt plusieurs postes. J'eus l'honneur d'en commander un de douze hommes, avec lesquels je restai pendant plus de deux heures, couché ventre à terre, au débouché d'une mauvaise haie sèche, par les ouvertures de laquelle nous recueillîmes un certain nombre d'hommes égarés.
Vers deux heures du matin, toujours dans le plus profond silence, le bataillon se reforma par sections et reprit définitivement la route de Gènes, ramassant et poussant devant lui, chemin faisant, quantité de traînards qui autrement eussent été perdus. Aussi l'on mit beaucoup de temps pour atteindre Sestri, où, avec un peu plus d'activité, les éclaireurs ennemis auraient pu facilement nous devancer. Nous passâmes enfin la Polcevera sur le pont de Cornegliano, et rentrâmes à Gênes hier 17 avril, vers cinq heures du matin. Toute la demi-brigade réunie occupe présentement le mont des Deux-Frères, superbe position qui domine, en grande partie le théâtre probable de futurs événements.
Dieu seul sait, mon cher ami, ce que nous allons devenir. N'ayant pu nous mettre en communication avec les autres corps aujourd'hui refoulés vers la France, si toutefois ils existent encore; pris comme dans un étau, entre l'escadre anglaise maîtresse de de la mer, et des montagnes pleines de troupes ennemies nous ne pouvons, à moins d'une puissante et victorieuse diversion, éviter un siège que nous sommes d'ailleurs disposés à soutenir vigoureusement.
La ville de Gênes forme avec son port un cercle à peu près complet, entouré par l'Apennin. Elle a une première et ancienne enceinte bastionnée qui aujourd'hui ne pourrait plus la défendre, à cause des hauteurs qui la commandent immédiatement. Mais elle en a une seconde, dite le Grand-Mur; également bastionnée et soutenue par quelques forts qui font corps avec elle. Les ouvrages de cette deuxième enceinte se relient aux défenses du port, et s'élèvent du côté de terre, à la hauteur des positions et plateaux qui dominentla ville. Ces deux extrémités du Grand-Mur se rattachent aux, deux môles qui défendent l'entrée du port; le môle neuf à l'ouest, et l'ancien à l'est.
De l'extrémité ouest, où se trouve aussi le fort de la Lanterne, jusqu'au fort Tenailles, le Grand-Mur présente un développement de 12 à 1500 toises. Cette partie des fortifications commande et bat la route de la Bochetta et du Piémont, et la vallée de la Polcevera, depuis Saint Pierre d'Arena jusqu'au village de Rivarolo.
Du fort Tenailles au fort l'Eperon établi, comme son nom l'indique, au sommet de l'angle nord du Grand-Mur, il peut y avoir de 1800 à 2000 toises.
Du fort l'Éperon, le Grand-Mur redescend à l'est, puis au sud-ouest jusqu'à la mer, sur une longueur totale d'environ 3500 toises, y compris la section située le long du littoral jusqu'au vieux môle, section dans laquelle il se confond avec l'enceinte primitive. En y comprenant les deux môles, les fortifications de Gênes présentent un un développement total d'au moins 9000 toises.
Les approches du Grand-Mur sont suffisamment protégées, du côté de l'ouest, par les escarpements sur lesquels il est assis, par les forts Tenailles et de la Lanterne. Elles le sont, au nord et à l'est, indépendamment du fort l'Éperon, par des forts détachés et par des accidents de terrain très favorables à la défense.
Parmi ces accidents de terrain, il faut citer d'abord l'endroit où nous sommes, le mont des Deux-Frères, dont le point culminant est à environ 1200 toises au nord du fort l'Éperon. Cette belle position est indispensable à la défense de ce fort, et du grand mur lui-même.
A égale distance des Deux-Frères, et presque dans la même direction, se dresse, sur un rocher isolé, le fort Diamant, qui complète la ligne nord de défense du Grand-Mur.
Du côté de l'Est, l'enceinte est principalement couverte par les forts et ouvrages avancés du Monte-Rati, plateau dont la partie supérieure commande le Grand-Mur, et dont la partie inférieure le côtoie jusqu'au-dessus d'Albaro. De ce côté, le Monte-Rati n'est plus séparé de l'enceinte que par un cours d'eau, le Bisagno, qui, à partir d'Albaro, continue à la couvrir comme un fossé naturel prolongé jusqu'à la mer. L'occupation du Monte-Rati est d'une importance capitale. Un ennemi, maître de ce plateau, pourrait paralyser la défense de l'enceinte et battre la ville elle-même.
Il y a sur le Monte-Rati quatre forts ou positions principales. 1° Le fort Richelieu, construit sur le versant nord-est du plateau, en défend les approches contre les attaques dirigées des positions du haut Bisagno et de la Sturla. 2° Le fort Sainte-Thécle, établi sur le versant sud-est, concourt à repousser ces mêmes attaques. En même temps, il bat les positions et débouchés d'Albaro entre le Bisagno et la Sturla, assure les communications de la place avec le fort Richelieu, et protège fortement la Madona del Monte. 3° Celle-ci est une position avancée sur le versant sud du plateau. On peut dire que sa conservation est pour la défense une question de vie ou de mort, car de ce point, qui domine la ville, l'ennemi pourrait la détruire par le bombardement. De plus, la Madona commande aussi l'accès d'AIbaro. 4° Enfin le fort Querzi est dans la partie ouest du Monte-Rati, entre le fort Richelieu et le Grand-Mur. Cet ouvrage, bien qu'à peine ébauché, est d'une extrême importance pour la défense du plateau tout entier.
Malgré le blocus, quelques communications ont encore lieu, la nuit, par le littoral. J'espère donc
que cette longue épitre pourra vous parvenir encore" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 168).
Concernant la bataille du 10 Floréal an 8 (30 avril 1800), le Général Soult raconte : "J'étais avec le général Masséna, faisant des dispositions de défense, à la Madona del Monte, pour empêcher les Autrichiens de s'établir dans le faubourg d'Albaro, d'où ils auraient pu bombarder Gênes, quand nous apprîmes que les Autrichiens venaient d'enlever les Deux-Frères. Il fallut, dès lors, prendre des mesures plus efficaces et nous préparer à vaincre l'ennemi, à tout prix. Nous convînmes que le général en chef se chargerait de diriger en personne la première division, pour chasser les ennemis des positions qu'ils nous avaient prises, entre le Bisagno et la Sturla, et qu'aussitôt l'engagement commencé, j'irais, avec une brigade de la 2e division, reprendre la position des Deux-Frères, et débloquer le fort du Diamant.
Avant de prononcer son mouvement, le général Masséna, pour relever sa droite, dirigea le général d'Arnaud sur la Sturla, en suivant le bord de la mer et en masquant sa marche par une ligne de tirailleurs placés devant Saint-Martin d'Albaro ; le général Ottavi eut ordre de le protéger avec un bataillon. Tous les deux réussirent ; les Autrichiens, menacés d'avoir leur retraite coupée s'ils restaient dans le faubourg, voulurent gagner la Sturla ; mais, atteints au passage, ils furent écharpés, et on leur fit quatre cents prisonniers. Déjà l'adjudant général Hector suivait la crête qui lie la Madona del Monte au fort Richelieu, pour tourner le Monte Ratti, tandis que le général Poinsot, à la tête de deux bataillons de la 3e demi-brigade de ligne, commandés par le digne colonel Mouton, allait reprendre le fort de Quezzi.
De l'emplacement du fort on domine les hauteurs voisines. Les ennemis en avaient apprécié l'importance, comme nous; ils s'y étaient concentrés, et, résolus de s'y maintenir, ils travaillaient aux fortifications et attendaient nos troupes, de pied ferme. Notre première attaque fut vivement repoussée; à la seconde, le général Masséna s'y porta lui-même avec quatre compagnies de réserve, et, l'épée à la main, il renouvela le combat. En même temps, le général Miollis chercha à déborder la gauche des retranchements, et le commandant du fort Richelieu exécuta avec sa garnison une vigoureuse sortie. L'action fut des plus rudes; trois fois, de part et d'autre, on en vint à se battre à coups de crosses et à coups de pierres. A la fin, le général Masséna l'emporta, et le fort de Quezzi lui resta avec trois cents prisonniers. Le général Miollis, secondé par le général Poinsot et par les adjudants généraux Thiebauld, Hector et Andrieux, en prit trois cents autres, au moment où il fit sa jonction en arrière de Quezzi; il enleva encore un bataillon dans 1es deux dernières redoutes du Monte Ratti, et il y trouva huit cents échelles destinées à l'escalade de Gênes. Ces divers mouvements étaient protégés, sur la gauche, par l'adjudant général Gauthier, qui contenait dans la vallée du Bisagno une colonne autrichienne, et qui lui fit aussi des prisonniers.
Il ne fallait rien moins que la présence du général en chef pour vaincre les ennemis à Quezzi; ils y avaient l'avantage de la position, et une supériorité de nombre hors de proportion avec nous; leurs troupes étaient dans le meilleur état, les nôtres étaient exténuées. En· pareille circonstance, d'autres chefs auraient pu trouver qu'ils avaient déjà bien assez fait pour 1'honneur de nos armes; Masséna ne pouvait s'en tenir là, son âme de feu demandait la victoire; il l'exigea, et elle lui fut fidèle. En allant à la charge, i1 s'aperçut que les soldats étaient intimidés, et qu'ils doutaient du succès. « Nous avons juré de vaincre, leur dit- il, et de ne rentrer dans Gênes qu'en triomphe ». L'énergie de cette apostrophe assura le succès.
Pour mon compte, le serment que j'avais fait de reprendre les Deux-Frères, n'était pas non plus bien facile à tenir ; les difficultés étaient telles, qu'on pouvait sans honte les regarder comme insurmontables, avec les faibles moyens dont je disposais. Ils consistaient en quinze cents hommes des 106e, 97e et 63e de ligne, fort bonne troupe, mais par trop inférieure en force à celle que j'allais combattre. J'opérais sur un terrain élevé; hérissé d'aspérités, où six mille hommes, que le général de Hohenzollern y avait établis, avec du canon, perfectionnaient les retranchements que nous y avions commencés, et les tournaient contre nous. Cependant il fallait tout surmonter et réussir; l'honneur, le salut de l'armée, et l'exemple de ce qui se passait au-delà du Bisagno, nous l'imposaient également. C'était le cas d'une noble rivalité, qui porte les hommes à se surpasser eux-mêmes ; mes soldats le comprirent en voyant les progrès de la droite. Quand le général Masséna arriva devant Quezzi, je jugeai qu'il était assez avancé pour que je pusse engager le combat, de mon côté. Il était cinq heures du soir; ma troupe, impatiente, n'attendait que le signal de charger à la baïonnette ; je le donnai, et je défendis, sous peine de déshonneur, de tirer un seul coup de fusil, avant qu'on eut forcé les retranchements et que les ennemis fussent en déroute. On me répondit par le cri de : En avant ! J'avais formé trois colonnes d'attaque; j'étais, l'épée à la main, à la tête de la principale, composée de huit cents hommes de la 106e demi-brigade; un bataillon de la 97e appuyait ma droite, et le général Spital conduisait, à ma gauche, un fort détachement de la 63e de ligne, destiné à prendre à revers les ouvrages des Autrichiens, que j'abordais de front. En approchant des Deux-Frères, nous fûmes accueillis par un feu terrible de mousqueterie et de mitraille. Sans y répondre, nous continuâmes à gravir. Le général Spital pénètre le premier dans les retranchements; les ennemis, étonnés de son audace, tourbillonnent et font effort pour le repousser. J'arrive, avec l'intrépide 106e ; la 97e nous suit, et la mêlée commence. Les Autrichiens sont abattus à coups de baïonnettes, pris aux cheveux, corps à corps, ou terrassés à coups de crosses; ils cèdent enfin, et se rejettent dans la Polcevera, vers Teggia, et sur Terrazza, au-delà du fort du Diamant, qui se trouva ainsi débloqué.
Nous restâmes maîtres de l'indispensable position des Deux-Frères ; nous la trouvâmes mieux fortifiée que nous ne l'avions laissée, et couverte d'un nombre considérable de blessés abandonnés par les Autrichiens. Le beau régiment de Joseph Colloredo y fut presque entièrement détruit et son colonel tué ; nous y prîmes aussi une immense quantité d'échelles, destinées à l'escalade du fort de l'Éperon, et trois pièces de canon. Ces avantages, joints à ceux que la droite avait obtenus, élevèrent la perte des ennemis, pendant cette journée, à plus de quatre mille hommes, sur lesquels seize cents prisonniers de guerre entrèrent dans Gênes. Comparativement à celles des Autrichiens, nos pertes furent, grâce à la rapidité de nos mouvements, très-légères quant au nombre; mais une perte cruelle pour l'armée fut celle du chef de brigade Mouton, de la 3e de ligne, qui eut le corps traversé par une balle, à la prise du fort de Quezzi; il fut regardé comme blessé mortellement ; cependant, à force de soins, on parvint à sauver cet officier du plus haut mérite, et à le rendre à l'armée dont il est devenu un des chefs les plus éminents. J'ai déjà cité ceux qui se firent le plus remarquer à l'attaque dirigée par le général en chef. A la mienne, j'eus à faire l'éloge de toute la troupe et je désignai, comme s'étant plus particulièrement distingués, le général Spital, l'adjudant général Gauthrin, mon chef d'état-major, et le chef d'escadron Soult, mon frère" (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 3, p. 95).
Le 23 Floréal (13 mai 1800), le Général Soult ordonne au Général Gazan : "Aujourd'hui, vers cinq heures du matin, je partirai avec quatre demi-brigades, pour me porter sur le Monte-Creto, où j'attaquerai l'ennemi par son flanc gauche et ses derrières, afin de l'obliger à abandonner ses positions et les retranchements qu'il occupe dans cette partie. Pendant que j'exécuterai ce mouvement, et aussitôt que vous me verrez engagé, ou que mon feu vous annoncera que je suis aux prises avec l'ennemi, vous l'attaquerez avec vigueur, en avant du fort du Diamant; vous ferez en sorte de le culbuter, et dans sa retraite, de lui enlever le plus de monde possible. Il est vraisemblable que l'ennemi, en se retirant, se rejettera en partie sur Buzzala, et en partie sur Campo-Marone ; vous surveillerez ceux qui prendront cette dernière direction ; je me chargerai des autres. Notre jonction devra s'opérer sur les hauteurs du Monte-Creto et vers les retranchements des Autrichiens. Faites en sorte qu'elle soit prompte ; elle doit décider de nos suocès ultérieurs.
Je me réfère à l'instruction que je vous ai envoyée, hier au soir, pour ce qui concerne le front de Bigato et de Saint-Pierre d'Arena. Pour votre mouvement, vous pouvez disposer de toute la 106e demi-brigade, de la 92e et 97e de ligne. Le général en chef se rendra près de vous, dans la journée" (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 3, p. 123).
Dans sa lettre datée du 21 mai 1800 (1er Prairial an 8), Cognet écrit, depuis le Briançon, à sa famille : "Cette lettre va sans doute bien vous étonner. Il y a six semaines, je vous annonçais le commencement du siège de Gênes, comptant bien concourir jusqu'au bout, dans la mesure de mes moyens, à la défense de cette place. Aujourd'hui Gênes se défend encore, et m'en voici bien loin, hélas ! Je vais vous donner le mot de cette énigme, en vous contant la suite de mes aventures.
Envoyée sur le mont des Deux Frères immédiatement après la dernière expédition, notre demi-brigade
y resta immobile jusqu'au 22 avril. Ce repos de quelques jours nous eût parfaitement remis de nos fatigues, si l'on avait pu y joindre des vivres en quantité suffisante. Mais il n'y fallait pas compter, dans l'état de dénuement où se trouvait déjà la place, encombrée d'une population de 160,000 âmes, y compris les habitants des faubourgs et de Saint-Martin d'Albaro, plus des réfugiés en assez grand nombre. On dut donc nous régler, tout d'abord, à une demi-ration de pain un pain bizarre, dans lequel on prétendait qu'il n'entrait pas un grain de blé ! On y joignait du vin, quelques légumes secs et un peu d'huile. Ces largesses nous firent même défaut plus d'une fois, principalement le pain, qu'on remplaçait alors par quelques onces de mauvais biscuit et un peu de farine de maïs. Les soldats qui occupaient les ouvrages extérieurs parvenaient souvent à se procurer des herbes qu'ils mettaient cuire avec leurs légumes secs; luxe gastronomique qu'enviaient leurs camarades de l'intérieur !
Comme le combustible nous faisait absolument défaut, on était réduit à des expédients souvent très périlleux, pour faire cuire les aliments. J'ai vu, en peu de jours, démolir pièce à pièce un hameau presqu'entier. Voici comment s'y prenaient les soldats. Un certain nombre d'hommes, dont une partie seulement était armée, descendaient au hameau. Ceux qui avaient leurs fusils expulsaientles vedettes ennemies et les tenaient à distance. Pendant ce temps, les autres découvraient à la hâte une ou deux maisons, et rapportaient tout ce qu'ils avaient eu le temps et la force d'enlever de bon à brûler; charpente, mobilier ou lambris, avant le retour offensif de l'ennemi. Leurs camarades armés couvraient, en tiraillant, l'opération et le transport.
Le 17 avril, jour de notre rentrée à Gênes, on mit les garnisons des forts au complet, et l'on assigna à chaque corps les positions qu'il aurait à garder.
Le 18, le général en chef, accompagné des généraux et principaux officiers de l'artillerie et du génie, visita tous les ouvrages du corps de la place, et toutes les positions environnantes. Il s'occupa aussi de la sûreté intérieure organisa et arma la garde nationale. Il forma aussi dans le même but une légion étrangère, composée de réfugiés italiens, et de prisonniers de guerre appartenant aux anciennes provinces polonaises, et qui naturellement ne demandaient pas mieux que de prendre parti pour nous. L'emploi de cette légion et de la garde nationale dans la ville, lui permit de disposer de la presque totalité des troupes françaises pour la défense de l'extérieur.
La garnison se composait de seize demi-brigades ou régiments. Mais toutes avaient fait dans la campagne précédente des pertes qui n'avaient pas été réparées et, de plus, elles avaient plus ou moins souffert dsns les nouveaux combats. Je ne pense pas qu'au début du siège, nous fussions plus de douze mille combattants.
De leur côté, les Autrichiens ne s'endormaient pas.
Le 21 avril, au point du jour, ils attaquèrent brusquement Saint-Pierre d'Arena, et y causèrent d'abord quelque désordre. Mais des renforts arrivèrent à temps pour rétablir le combat, et finalement l'ennemi fut repoussé avec perte. Il y eut aussi, ce même jour, des engagements assez sérieux sur le haut Bisagno, où le général Miollis avait poussé de fortes reconnaissances.
Le 22, nous fûmes relevés du poste des Deux-Frères, et l'on nous envoya occuper la partie du Grand-Mur située entre les forts Tenailles et de l'Éperon.
Le 25, quelques mouvements de troupes autrichiennes ayant donné lieu de croire à une diversion
de l'armée des Alpes en notre faveur, Masséna fit tâter par quelques bataillons les positions occidentales au delà de la Polcevera. Ils revinrent, ayant rencontré une résistance qui montrait bien que l'ennemi était en force de ce côté, et nullement inquiété sur ses derrières.
A cette date se rattachent quelques circonstances qui vous donneront une idée de la détresse à laquelle nous étions déjà réduits. Ce même jour 25 avril, le soldat de notre compagnie qui était de corvée pour le pain et les légumes, vendit clandestinement les rations de deux jours qu'il avait touchées pour nous puis, à la faveur des mouvements de troupes qui s'opéraient, il passa à l'ennemi avec le produit de son vol. Grâce à ce misérable, nous restâmes à jeun pendant toute la journée du 25 avec l'agréable perspective de ne manger que le surlendemain.
Cependant, comme le 26 tout paraissait tranquille, je demandai et j'obtins la permission de descendre en ville, chercher quelques aliments. Comme je n'avais plus le sou, j'emportai mon
meilleur linge pour le vendre ou en faire des échanges. Arrivé dans une des rues les plus populeuses, je commence à exhiber ma marchandise. On s'assemble autour de moi ; je déploie un beau mouchoir neuf ou à peu près, j'en fais ressortir le mérite et demande ce qu'on veut en donner. Quelques voix repondent : "Une parpagnolle !" Or, une parpagnolle vaut un peu moins de deux sous ; à ce prix là, tout le linge de la compagnie aurait à peine suffi pour avoir trois livres de pain. Fort désappointé, je remets le mouchoir dans ma poche et j'entre un peu plus loin dans la boutique d'un brocanteur, auquel je propose la plus belle pièce de ma pacotille, des boucles d'oreilles d'argent, en échange d'un pain de munition, ou de l'équivalent en nourriture quelconque. "Un pain de munition ou l'équivalent ! mais tout ce que vous avez n'y suffîrait pas. Voulez-vous quatre onces de biscuit et dix parpagnolles pour vos boucles ? C'est à prendre ou à laisser". J'eus beau batailler, il fallut en passer par là, et livrer mes belles boucles d'oreilles.
Je tombais de besoin, et tenais pourtant à conserver mon biscuit. Au prix de la meilleure partie de mes nippes, je parvins enfin à me procurer six onces de prétendu sang de boeuf cuit à l'eau que je dévorai sur place, avec deux cuillerées à bouche de haricots également cuits à l'eau, le tout sans sel. J'échangeai le reste de mes effets contre une petite salade que je rapportai triomphalement, avec le précieux biscuit. Jugez de la joie du camarade auquel j'offris de partager mon festin !
Le 27, l'ennemi continua de se tenir tranquille, mais c'était un de ces calmes précurseurs des tempêtes. Le 28, en effet, dès quatre heures du matin, toute notre ligne du Ponent fut brusquement attaquée par terre et par mer. Nos troupes furent obligées de se replier sur Rivarolo et Saint-Pierre d'Arena.
Vers six heures, les Autrichiens se portèrent en force contre notre ligne du Levant, envahirent le Monte-Rati, cernèrent le fort Richelieu, enlevèrent Quezzi, mais échouèrent contre la Madona del Monte.
A neuf heures, une attaque très vive les rendit maîtres des Deux-Frères; le fort Diamant fut bloqué et sommé de se rendre. Pendant ce temps, une lutte acharnée avait lieu le long du littoral et à Saint-Martin d'Albaro, entre les troupes que notre général en chef dirigeait vers le Monte Rati, et les Autrichiens qui voulaient leur barrer le passage. Vers trois heures de l'après-midi, les nôtres, vainqueurs dans ce premier engagement, se portèrent sur le Monte-Rati. Le général Poinsot, chargé de reprendre le fort Quezzi avec la 3e demi-brigade de ligne, s'avança le long du Bisagno, tandis que l'adjudant-général Hector, à la tête de l'autre colonne, tournait le plateau pour prendre à revers les ennemis qui bloquaient le fort Richelieu.
Quezzi fut vigoureusement défendu par les Autrichiens, qui avaient l'avantage du nombre et de la position. Repoussés plusieurs fois, les bataillons de la troisième revenaient aussitôt à la charge. Néanmoins ils commençaient à faiblir, quand il leur survint des renforts. Le général Miollis arrivait avec la 2e; il fit attaquer l'ennemi par les deux flancs à la fois. La 3e se rallia de nouveau, et le combat reprit avec une nouvelle fureur. Dans ce moment décisif, Masséna en personne parut avec son état-major. Aucun des deux partis ne voulant céder, on en vint à se prendre corp s à corps. Nous apercevions distinctement toutes les péripéties de cette mêlée, de la position que nous occupions alors sur le Grand-Mur, juste en face de ce fort Quezzi. L'ennemi plia enfin, et abandonna cette position, où nous lui avions tué beaucoup de monde, et fait plusieurs centaines de prisonniers.
Au même instant, l'adjudant-génëral Hector ayant terminé son mouvement tournant, arrivait sur le fort Richelieu. Admirablement secondé par une sortie de la garnison de ce fort, et par l'attaque combinée des troupes qui venaient de reprendre l'autre, il eut bon marché des Autrichiens, qui, assaillis de tous les côtés à la fois, s'enfuirent précipitamment, nous laissant bon nombre de prisonniers, dont un bataillon tout entier avec son drapeau. Ils nous abandonnèrent aussi un matériel considérable, notamment des échelles, qu'ils destinaient sans doute à l'escalade du Grand-Mur.
Tout n'était pas Sni. Pour compléter et assurer le succès de cette mémorable journée, il fallait reconquérir sans désemparer le mont des Deux-Frères, où l'ennemi avait concentré des forces considérables, et d'où il pouvait toujours menacer la place.
Le général en chef fit de suite ses dispositions en conséquence. Notre bataillon alla rejoindre les deux autres de la 106e, déjà postés entre le fort de l'Éperon et le mont des Deux-Frères, couvert de troupes ennemies attendant notre choc. D'autres corps vinrent également se former sur ce terrain, et vers sept heures du soir, un nouveau combat s'engagea.
Il n'y avait pas de temps à perdre. On commença par déployer en tirailleurs tout un bataillon, pour masquer par son feu la marche de la colonne d'attaque. Après avoir longé le front de la position sous un ouragan de bâties et de mitraille, cette colonne fit rapidement quart de conversion à gauche sur le centre de la ligne autrichienne. Celle-ci, après une vigoureuse, mais courte résistance, fut enfoncée et précipitée en déroute dans la Polcevera. J'avais l'honneur d'être au nombre des invités de cette petite fête ; tous mes voisins y furent plus ou moins grièvement blessés.
En arrivant sur le plateau, nous y trouvâmes l'artillerie amenée par l'ennemi, et qu'il venait d'abandonner dans sa fuite. Il laissait le terrain jonché de ses morts, parmii lesquels on reconnut le colonel de Colloredo. La reprise de cette position détermina la levée du btocus du fort Diamant. Ainsi la garnison de Gênès avait reconquis partout le terrain perdu elle se retrouvait maitresse de toutes ses positions.
Dans cette journée glorieuse pour nos armes, l'armée ennemie avait perdu plus de 4000 hommes; elle eût été obligée de lever le siège, si nous avions été assez nombreux pour suivre nos avantages.
La ville fut illuminée aussitôt après la reprise des Deux-Frères. Elle venait d'échapper au danger imminent d'un assaut générât. On nous distribua, pendant la nuit suivante, trois onces de farine de maïs par homme. C'était assez, sinon pour mourir d'indigestion, au moins pour ne pas mourir de faim.
Nous restâmes en position sur les Deux-Frères pendant toute la journée du 29. L'ennemi était assez fatigué pour avoir besoin, comme nous, d'un peu de repos; mais ce repos ne fut pas long. Vers dix heures du soir, notre bataillon reçut l'ordre de descendre en ville. Nous traversâmes Gênes entre minuit et une heure. Avant l'aube, nous sortions de Saint-Pierre d'Arena pour aller passer la Polcevera au-dessous de Rivarolo.
Le jour commençait à poindre, quand nous arrivâmes au bord de cette rivière; et déjà l'action était engagée sur les deux rives. Nous la franchîmes sans beaucoup de perte, quoique sous le feu d'une batterie ennemie, et nous avançâmes vers le camp retranché de la Coronata, but de cette expédition.
Nous arrivâmes ainsi jusqu'au pied du camp. Là, l'ordre vint de suspendre notre marche, ce qui nous surprit, car dans ce moment même on se battait vivement sur les deux flancs de la position. Nous ignorions que déjà l'affaire était manquée, et nos troupes en pleine retraite.
Le feu cessa bientôt après. L'aile droite, où se trouvaient les deux autres bataillons de la 106e se replia sur Rivarolo. Nous nous retirions à la suite, quand commença à défiler, sur notre gauche, la malheureuse 5e légère, toute désorganisée, et suffisant à peine au transport de ses blessés. Cette circonstance ralentissant beaucoup une retraite devenue nécessaire, était des plus fâcheuses, mais il fallait bien suivre le mouvement général. Notre bataillon se replia donc à son tour, mais je restai des derniers, faisant partie d'un détachement d'une soixantaine d'hommes, chargés de défendre la queue du convoi de blessés, jusqu'à ce qu'il fut à l'abri de toute poursuite. Nous nous acquittâmes de notre mieux de cette mission périlleuse, suivis de
près et fusillés presqu'à bout portant par les tirailleurs autrichiens. Plusieurs de mes compagnons furent tués ou blessés, et je reçus moi-même une balle dans l'épaule gauche, au moment où nous rejoignions enfin notre bataillon.
Notre retraite était d'autant plus difficile, que nous nous trouvions pris entre deux feux. Une partie des troupes ennemies nous avait devancés sur la Polcevera, et nous en disputait le passage. Notre réserve, dirigée par le général Soult en personne, les chargea vigoureusement plusieurs fois avec succès. Il parvint à dégager la majeure partie des troupes qui revenaient de la Coronata, mais non mon bataillon qui se trouvait dans une position exceptionnelle, ayant à franchir !a rivière en amont,au-dessus du confluent de ses deux branches supérieures. Nous étions arrêtés par ceux des ennemis qui occupaient cette bifurcation, et se trouvaient conséquemment à l'abri des attaques de notre réserve. Il en résulta du désordre dans les derniers rangs de notre bataillon, pris en tête et en queue chacun s'échappa comme il put. Je suivais, malgré ma blessure, ceux qui se tenaient encore ensemble, cherchant à faire une trouée, mais l'ennemi étant partout, ils furent bientôt dispersés. Je tombai entre les mains de soldats hongrois qui me maltraitèrent et me dévalisèrent complétement. Tous mes papiers me furent arrachés et jetés au vent. Ils m'avaient pris aussi le nouveau Testament en latin que je portais sut moi ce jour-là comme toujours. Mais ayant reconnu quel livre c'était, ils me le rendirent aussitôt.
Conduit au premier poste, je suppliai vainement le jeune officier qui le commandait, de me permettre d'aller ramasser mes papiers qui n'étaient pas à deux cents pas de là. Je perdis ainsi les lettres de ma famille et mon journal militaire. Il me restait deux cartes géographiques que j'offris à l'officier, en lui demandant un morceau de pain dont j'avais le plus pressant besoin. Il commença par prendre mes cartes, puis me dit froidement qu'il n'avait pas de pain. Un vieux soldat hongrois dont je n'oublierai jamais la bonne figure, partagea le sien avec moi. Puisse Dieu lui tenir compte au centuple de ce mouvement de pitié généreuse, qui m'a peut-être sauvé la vie !
Quelques moments après, je fus dirigé sur Sestri du Ponent, où l'on devait réunir les prisonniers. Après avoir traversé ce camp de la Coronata que nous n'avions pu prendre, j'arrivai au pied d'un
monticule sur lequel se tenaient plusieurs officiers regardant l'horizon, du côté où l'on entendait encore le bruit du combat. Au moment où je passais près d'eux, on leur apportait une bouteille d'eau-de-vie. Celui auquel on la remit, le plus élevé en grade, se tourna vers les autres, et leur dit en excellent français : "A ce pauvre caporal blessé le premier verre !" Tous s'inclinèrent en signe d'assentiment. Il m'appela et me présenta un petit verre de cette eau-de-vie, qui me parut excellente. Alors ces messieurs qui étaient pour la plupart, sinon tous, des émigrés français appartenant à la légion de Bussy, me firent mille questions sur nos forces, sur nos desseins, sur nos subsistances, sur l'administration intérieure de la ville, l'état moral de la population, etc., etc. Cet interrogatoire m'était infiniment pénible, et pour plus d'un motif. Je répondis nettement, quoiqu'avec discrétion, sur certains points, m'excusant de ne pas répondre sur ceux qu'ils savaient bien n'être pas de la compétence d'un modeste caporal. L'un de ces officiers, l'homme au petit verre, essaya de me prendre par des compliments. 11 me dit qu'évidemment je n'étais pas un soldat ordinaire, mais un homme instruit et bien élevé, et une foule d'autres choses encore. Il me demanda par exemple si l'on s'entretenait à Gênes de l'histoire fabuleuse du premier Consul organisant à Dijon, dans le plus grand secret, une armée de 70 000 hommes pour descendre en Italie. Il parut fort étonné qu'on n'eût pas cherché à accréditer parmi nous ce sot bruit (textuel). Puis, apprenant que j'étais picard, il s'écria, presque les larmes aux yeux : et moi aussi ! ; et la conversation n'aurait pas fini de sitôt, si dans ce moment tout le groupe n'eût quitté la place, sans doute pour aller déjeuner. Il me sembla que mon interlocuteur et plusieurs autres de ces Français éprouvaient quelqu'émotion en causant avec moi.
En continuant ma route vers Sestri, sous la conduite d'un soldat, j'eus encore une aventure qui faillit tourner au tragique. Deux paysans armés, que je rencontrai, m'injurièrent lâchement et allèrent jusqu'à me coucher en joue. Mon soldat allemand regardait cette scène d'un air impassible qui ne m'allait pas du tout pourtant, sur mes instances énergiques, il finit par intervenir.
A Sestri, je fus mené à l'hôpital, déjà encombré de blessés. Comme je pressais les chirurgiens de visiter ma plaie : - Un instant donc, me dit brutalement l'un d'eux; nous commençons par les nôtres. Je dois dire cependant qu'ils ne tardèrent pas à s'occuper de moi. Ils firent deux incisions pour chercher la balle qu'ils ne trouvèrent pas. Quand ils m'eurent pansé tant bien que mal, j'allai me réunir à mes compagnons d'infortune. Il n'y en avait plus dans cet endroit qu'une trentaine, plus six officiers. Tous les autres étaient déjà partis, et nous ne devions les rejoindre qu'après trois étapes.
La première, ce fut Voltri. Cette ville, où nous avions si bien étrillé les Autrichiens quinze jours auparavant, nous y reparaissions comme prisonniers, tels sont les caprices de la fortune ! Il y avait pourtant un détail qni ne variait pas. Vainqueurs ou vaincus, nous mourions toujours de faim. Cependant à Voltri, les Autrichiens commencèrent à nous donner du pain.
Le 1er mai, nous quittions Voltri avec une escorte de trente soldats conduits par un officier. A peu de distance de cette ville, je fus témoin d'un épisode qui m'affecta profondément. Nous traversions un petit bois où travaillaient un homme et une femme. Ils avaient près d'eux une petite fille de trois ou quatre ans, qui jouait avec un agneau attaché à un arbre, par une corde assez longue pour lui permettre de brouter à son aise. Parmi tant de scènes tristes ou terribles, les ébats de ces deux innocentes créatures sous la feuillée, par une fraîche matinée de printemps, produisaient un ravissant contraste ; on eût dit une échappée du paradis aperçue de l'enfer, ou tout au moins du purgatoire. Aussi, ce fut avec un douloureux serrement de coeur que je vis tout à coup deux de nos gardes mettre le sabre à la main, couper la corde, enlever l'agneau malgré les supplications des parents et les cris de la pauvre enfant, égorger l'animal devant elle et l'emporter, sans que l'officier parût seulement s'en apercevoir !
Quelques heures après, nous fîmes halte dans un village, et je dois dire que ce même officier se conduisit humainement avec nous. Il commanda un déjeuner pour sept officiers, c'est-à-dire pour lui et les six officiers français prisonniers, puis du pain et du vin pour soixante hommes. Le chef du village, auquel s'adressaient ces injonctions, fit timidement observer qu'il n'y avait que trente soldats : - Et les Français, dit en jurant l'officier, les prends-tu pour des chiens ? - C'était un beau trait, et pourtant je n'en fus pas touché autant qu'aurait dû l'être un prisonnier affamé comme j'étais. D'abord, cette générosité s'exerçait aux dépens des pauvres paysans, et puis j'avais encore sur le coeur la scène de l'agneau égorgé.
Ce ne fut que le troisième jour, comme je vous l'ai dit, que nous rejoignîmes les camarades pris comme nous dans cette malencontreuse journée de la Coronata. Nous nous trouvâmes alors au nombre d'environ 300, dont trente-quatre de ma demi-brigade. Triste spectacle que celui de ces braves soldats, naguère triomphants et qui n'avaient succombé que sous le nombre, se traînant pâles, exténués, réduits à un état complet de dénuement !
Le 3 mai, nous arrivâmes à Alexandrie, où l'on nous garda jusqu'au 8. Là, nous touchâmes non seulement la ration de pain, mais la demi-solde allouée aux prisonniers, c'est-à-dire trois sous pour les soldats, quatre sous et demi pour les caporaux, et ainsi de suite. Cet incident financier nous fut d'autant plus agréable, que depuis longtemps nous ne recevions rien de la République. Ainsi, il m'a fallu être prisonnier de guerre, pour commencer à recevoir la solde de mon grade !
A cela près, nous étions fort mal à Alexandrie. On nous avait entassés au nombre de 300, plus nos trente gardiens, dans un local des plus exigus. Le réduit où je couchais avec six autres n'avait que sept pieds de large sur cinq et demi de long. Nous avions donc tout juste chacun un pied, en largeur, dans ce lit de vraie douleur, où nos têtes et nos pieds touchaient la muraille ; des pierres plus ou moins raboteuses faisaient office d'oreillers. D'infâmes gargottiers nous apportaient je ne sais quelles ratatouilles dont l'odeur et la vue soulevaient le coeur, et il fallait bien s'en contenter. On ne sortait que sous escorte, et les permissions ne s'obtenaient que très difficilement. Sous le rapport des sorties, j'étais le plus favorisé, grâce à ma blessure on me conduisait tous les jours à l'hôpital pour le pansement. Comme les chairs seules étaient atteintes, la plaie fut bientôt en voie de guérison. Après notre départ d'Alexandrie, je pus me panser moi-même, grâce à la petite pharmacie dont m'avait gratifié un jeune chirurgien, Français d'origine et de sentiments.
Primitivement, nous devions être acheminés de suite dans les provinces autrichiennes, et ne pas séjourner à Alexandrie. Heureusement nos ennemis étaient plus que jamais pressés d'opérer sur une vaste échelle l'échange des prisonniers, avant l'arrivée de la nouvelle armée française, dont l'existence n'était plus du tout problématique. Ils attendaient d'un jour à l'autre, un premier convoi de mille prisonniers, lequel devait être suivi de dix-neuf autres semblables, destinés à être échangés, l'un après l'antre, contre un nombre égal de captifs autrichiens, en route aussi vers la frontière. On avait prévu que ces convois successifs laisseraient, comme il est arrive toujours, un certain nombre d'hommes en arrière, et l'on nous gardait à Alexandrie pour combler le premier déficit. Le premier convoi qui arriva le 7 mai dans cette place ne comptait plus justement que 700 hommes. On nous y incorpora aussitôt, et le 8, nous prîmes la route de France, enchantés d'un arrangement qui accélérait notre retour dans la patrie.
Je ne me souviens plus du nom de notre premier gîte, mais jamais je n'oublierai le colloque fort inattendu que j'eus, à la halte suivante, avec un prisonnier appartenant à cette 21e demi-brigade, dont le nom me rappelait l'aventure la plus désagréable de ma vie.
Nous faisions cette halte sur la route même. Les plus ingambes d'entre nous allaient et venaient, les autres étaient couchés par terre, ou assis dans les fossés je figurais parmi les promeneurs. J'avise, dans un fossé, un homme aussi déguenillé que moi. En le regardant machinalement, j'aperçois d'abord, sur son reste d'habit, de vieilles attaches d'épaulettes, plus deux ou trois boutons encore fidèles au poste, sur lesquels je distingue le chiffre XXI. Je m'approche alors tout à fait, et reconnais mon homme.
"- Permettez, lui dis-je, vous êtes un officier de la 21e ? - Oui. N'étes-vous pas capitaine ? - Oui. N'est-ce pas vous qui commandiez, il y a bientôt deux ans, un détachement de cinquante hommes traversant la Champagne ? - Oui. - Alors, vous devez vous rappeler qu'en passant à Saint-Dizier, un de vos soldats émit de la fausse monnaie et que, deux jours après, quand la justice vint réclamer le coupable, vous avez jugé à propos de faire arrêter, de laisser injurier par vos hommes et d'injurier vous-même un militaire qui voyageait isolément, et auquel vous n'aviez nul motif d'infliger une pareille avanie ! - Je ne me rappelle pas cette circonstance. - Eh bien ! moi, je me la rappelle ! - Après tout, c'est possible. - Oui, très possible, et très certain même ; car ce militaire, c'est moi. Je ne m'attendais pas plus que vous à cette rencontre. Mais, puisqu'elle se présente, j'use du droit qu'elle me donne, de vous dire en face, que votre conduite, à Vignory, a été celte d'un homme indigne d'être officier". Et je lui tournai le dos.
Nous restâmes plusieurs jours à la Vénerie, château de plaisance des rois de Sardaigne, où j'avais déjà stationné en revenant de Mantoue. Le 13 mai, nous étions à Saint-Ambroise dans la vallée de Suze; le 16 à Bussolino.
Déjà l'armée de réserve française commençait son mouvement dans les Alpes. A peine arrivés à Bussolino, nous entendîmes une fusillade dans la montagne, et les Autrichiens s'empressèrent de nous faire retourner en arrière, à notre grand regret. Ils craignaient quelque tentative d'évasion. Heureusement pour nous, ce n'était qu'une rencontre de patrouilles, et bientôt ou nous ramena sur Bussolino, où nous passâmes la nuit. Le 17, nous avançâmesjusqu'à Salbertrand, dans la vallée d'Oulx. Nous touchions aux termes de nos maux, mais aussi nous étions à bout de forces. Je n'oublierai jamais qu'au moment où nous passions au pied du fort d'Exiles, la faim nous torturait à tel point, que nous nous précipitâmes, moi et beaucoup d'autres, dans une source où nous avions de l'eau jusqu'à la ceinture, pour y dévorer du cresson. Plus loin, l'un de nous, tourmenté par la soif, s'était couchéà plat ventre près d'un des aqueducs de la route pour boire à son aise. Comme il restait bien longtemps immobile ainsi, je lui parlai, j'essayai inutilement de le relever. Il retomba comme une masse inerte ; tout était fini ! Cruelle chose que d'expirer ainsi de fatigue et de faim, au seuil de la patrie ! Mieux eût valu sans doute succomber en la défendant sur un champ de bataille ! En réalité pourtant, c'est presque la même chose, et ces épreuves obscures ont bien leur mérite. Ce pauvre soldat n'était-il pas, lui aussi, un martyr du devoir ?
Ce fut à Salbertrand qu'eut lieu, le lendemain 18, l'échange de ce premier millier de prisonniers français contre pareil nombre d Autrichiens. Nous filâmes aussitôt vers le mont Genèvre et Briançon. Il était temps, car, à quelques portées de fusil de Salbertrand, nous rencontrânles les premières troupes françaises qui descendaient dans les vallées du Piémont. Ce mouvement a même retardé la délivrance des pauvres prisonniers qui nous suivaient, et qu'on a fait rétrograder en toute hâte, quand ils touchaient comme nous au port.
Les Autrichiens savent aujourd'hui que notre armée de réserve n'est pas une chimère, comme le croyaient ou feignaient de le croire ces officiers (français, hélas !) de la Coronata !" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 180).
Dans sa lettre datée du 16 juin 1800 (27 Prairial an 8), Cognet écrit, depuis Mende, à sa famille : "Me voici donc au terme d'un nouveau voyage assez long, et qui, malgré la belle saison et le beau temps, n'a pas laissé d'être pénible sous plus d'un rapport. Ma santé, par bonheur, a résisté à ces épreuves multipliées. J'étais arrivé ici sous la livrée d'une misère dont vous vous feriez difficilement l'idée. Mais cette misère a déjà disparu en partie bientôt il n'en restera plus que l'honorable souvenir.
Rentrés en France dans le dénuement le plus complet, nous espérions recevoir quelques effets d'habillement en arrivant à Briançon, mais le peu qui s'en trouvait dans les magasins à l'avénement du Consulat avait été absorbé par l'équipement de la nouvelle armée d'Italie. Il fallut faire à la patrie ce dernier sacrifice traverser notre propre pays sans linge ni chaussures. Voilà l'état de détresse inconcevable, auquel les dilapidations du Directoire avaient réduit nos armées.
Les prisonniers rentrés ayant reçu l'ordre de se diriger sur leurs dépôts respectifs, nous partîmes de Briançon le 21 mai pour Avignon, sous la conduite du plus ancien caporal. Notre officier avait sans doute obtenu la permission d'aller se reposer dans sa famille. Dans la triste situation où nous étions, cet abandon nous fut fort sensible, et aggrava les ennuis du voyage. J'étais chargé temporairement des fonctions de fourrier, assez difficiles à remplir en pareille conjoncture, à cause du mauvais vouloir d'un grand nombre d'habitants fatigués de la charge des logements militaires, et aussi de la dureté des agents du gouvernement, avec lesquels j'eus parfois d'assez sérieux démêlés. Abîmés comme nous l'étions, de souffrance et de misère, nos hôtes, souvent, croyaient nous faire encore beaucoup d'honneur en nous concédant quelque coin de leur logis avec un peu de paille. D'autre part, les employés de l'administration militaire, nous voyant sans chef et sans défense, nous traitaient comme des nègres.
Vous ne serez peut-être pas fàché d'avoir le détail de mon costume de voyage. Le voici dans
toute sa splendeur :
Un vieux chapeau, très imparfaitement recouvert de quelques débris de toile cirée. Une mauvaise capote verte, percée de deux trous de balle à l'épaule gauche, et encore imprégnée du sang qui avait coulé le long de la manche; cette manche pendante, attendu que j'avais encore le bras en écharpe. Un reste de gilet à raies, au-dessus duquel apparaissait le haut d'un fragment de chemise crasseuse. Absence totale de cravate, toutes celles que j'avais ayant passé en acquisitions de denrées pendant le siège de Gênes. Un pantalon bleu râpé à outrance, sans doublure, et sous lequel je n'avais aucun autre vêtement, toute la partie inférieure de la chemise manquant à l'appel. Enfin, des souliers troués, dont l'un n'avait plus que la semelle, que j'assujettisais de mon mieux à l'aide d'une corde rattachée sur le cou-de-pied, appareil qui me gênait et me fatiguait horriblement dans la marche.
Partis de Briançon le 21 mai, nous n'atteignîmes que le ler juin Avignon, où nous espérions trouver la fin de nos misères. Nous eûmes la douleur d'apprendre, en arrivant, que notre dépôt était parti de cette ville pour Aix. Il fallait se remettre immédiatement en route ! Cependant, pensant que nous avions bien quelques titres à la bienveillance de l'autorité militaire, sinon à sa justice, je ne voulus pas partir sans avoir fait une démarche afin d'obtenir pour mes malheureux camarades et pour moi, quelques vêtements, linges et chaussures. J'adressai ma requête par écrit au général commandant la division, que je connaissais un peu, en lui avouant que je n'osais aller la lui présenter en personne, à cause du délabrement par trop excessif de mon costume. J'aime à croire que ma lettre ne lui aura pas été remise en temps utile; elle n'obtint pas l'honneur d'une réponse.
Nous quittâmes bien tristement Avignon le même jour. Le 4 nous étions à Aix et nous y apprenions que l'insaisissable dépôt de la 106e venait de repartir, pour aller tenir garnison à Mende. Je réclamai encore à Aix quelques effets, mais sans plus de succès. Il était écrit que nous viderions la coupe de la misère jusqu'à la lie.
Nous recevions régulièrement nos vivres, mais c'était trop peu pour des hommes qui avaient tant souffert de la faim, et dépourvus de toutes ressources pécuniaires. Je crus donc pouvoir profiter des règlements militaires pour augmenter nos moyens d'existence, en maintenant sur mon bordereau, pendant trois jours, les hommes que nous laissions malades en route. Cela nous valait quelques rations et billets de logement en plus, dont bénéficiaient les autres. Néanmoins, nous avions un tel arriéré à combler en fait de nourriture, qu'on restait toujours sur son appétit.
Le 9 juin, nous entrions dans Nîmes par une très forte chaleur. Je laissai mes camarades couchés sur le pavé, et courus au bureau du commissaire des guerres, pour m'y mettre en règle et toucher nos rations. Midi sonnait à une horloge voisine, au moment où j'ouvrais la porte du bureau, et me heurtais contre le commissaire sortant pour retourner chez lui. - Un instant, je vous prie. - Il est midi, revenez à trois heures. - Mais l'horloge sonne encore ! - A trois heures ! - Mais mes pauvres camarades meurent de faim ! - Retirez-vous ! - Quoi ! des gens exténués de fatigue et de misère ! ce n'est pas possible. - Retirez-vous, ou je vous fais coffrer ! et il s'en alla. Mes camarades étaient au désespoir, et maudissaient énergiquement le commissaire de !a République, et la République elle-même. J'allai à la mairie, où j'obtins les logements, ce qui nous aida à passer les trois mortelles heures. Puis je retournai voir mon commissaire, qui me reçut un peu moins mal que la première fois. - "Oh ! si vous aviez su d'où nous venions, lui dis-je alors, et ce que nous avons souffert, et dans quel état nous sommes !" J'ajoutai que la plupart de mes hommes ne pouvaient plus marcher, et réclamai deux voitures à trois colliers jusqu'à Mende, ce qu'il m'accorda sans difficulté.
Comme nous pouvions, à la rigueur, nous contenter d'une seule voiture, je traitai avec le fournisseur pour une voiture en nature, et l'équivalent de l'autre en argent. Mes hommes goûtèrent
fort cet arrangement. Pendant les derniers quatre jours de route, les plus fatigués montaient à tour de rôle dans la charrette fournie; et, à chaque étape, je distribuais entre tous l'argent de l'autre voiture. C'est ainsi que nous arrivâmes enfin à Mende, au nombre de dix-sept seulement, de trente-quatre que nous étions au départ d'Alexandrie.
Nous sommes ici l'objet des soins les plus empressés de nos excellents camarades, enchantés de revoir des frères longtemps absents, et victimes de ce qu'il y a de plus affreux dans les calamités de la guerre; la captivité, la misère et la faim" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 205).
Le 4 Messidor an 8 (23 juin 1800), à Milan, Bonaparte, Premier Consul de la République, arrête : "ART. 1er. – L'armée d'Italie sera composée des demi-brigades et régiments ci-après, savoir :
... Infanterie de ligne. – 1re, 2e, 3e, 10e, 11e, 22e, 24e, 26e, 28e, 29e, 30e, 34e, 40e, 41e, 43e, 44e, 58e, 59e, 60e, 67e, 68e, 70e, 71e, 72e, 74e, 78e, 91e, 96e, 97e, 99e, 101e, 105e, 106e, 107e, 102e ...
ART. 3. – Les dépôts des demi-brigades d'infanterie légère et de ligne, ainsi que des régiments des troupes à cheval et autres troupes qui restent à l'armée d'Italie, auront ordre de rejoindre l'armée.
ART. 4. – L'ordonnateur en chef et tous les agents des administrations qui ne seront pas jugés nécessaires pour le service de l'armée d'Italie retourneront à l'armée de réserve à Dijon.
ART. 5. – Le Ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent arrêté" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 521).
Dans sa lettre datée du 10 août 1800 (22 Thermidor an 8), Cognet écrit, depuis Mende, à sa famille : "Peu de jours après mon arrivée ici je reçus enfin des nouvelles de ma famille, dont j'étais absolument privé depuis Gênes. On avait été longtemps et cruellement inquiet de mon sort ; le siège, ma captivité, puis l'incertitude de notre marche avaient mis pendant six mois tous les moyens de correspondance en défaut.
Pendant les premiers temps, j'ai dû m'occuper sérieusement de ma santé. Il ne s'agissait pas de
ma blessure, parfaitement cicatrisée, mais d'un ennemi que je portais sur moi, et qui avait trouvé le moyen de dissimuler sa présence, parmi ceux dont j'étais simultanément accablé. Celui-là tenait encore, après que tous les autres eurent disparu battu ; sur un point, il reparaissait sur un autre. II fallut l'assiéger dans toutes les règles, lui livrer des assauts vigoureux et multipliés. Il céda enfin, et je pus procéder en toute sécurité à la restauration, ou plutôt à la rénovation complète de mon modeste équipement.
Il y a longtemps que je ne vous ai rien dit des localités où je vivais, si cela peut s'appeler vivre. C'est qu'à vrai dire, je n'ai eu guère le temps de rien voir depuis six mois. Ainsi je ne connais bien de Gênes que ses fortifications, et non l'intérieur de la ville, dont j'ai seulement parcouru à la hâte quelques quartiers où m'appelaient des affaires de service. C'est à peine si j'ai eu le temps d'entrer dans quelques églises, seulement pour y faire un bout de prière.
Depuis ma captivité, je n'ai fait qu'entrevoir, en Italie, les cimes stériles de l'Apennin, et les plaines fertiles du Piémont. Dans les villes et les bourgades, nous n'avions d'autres perspectives que les murs des galetas où l'on nous enfermait pour la nuit.
L'aspect de Briançon, à notre extrême frontière, est on ne peut plus pittoresque. On dirait une cascade de fortifications, échelonnées les unes au-dessus des autres. Mont-Dauphin est un rocher admirablement fortifié, au-dessus du débouché de la Guillestre, dans la vallée de la Durance; Embrun une petite ville assez triste, dont les maisons semblent collées contre des rochers. Gap est heureusement situé au point de jonction de plusieurs vallées, sur un sol fort accidenté; l'intérieur de cette ville est assez animé. Sisteron, que je ne connaissais que trop déjà pour y avoir été retenu pendant huit jours l'année dernière, est une infâme bicoque au fond d'un entonnoir. C'est là que nous avons été le plus mal accueillis, pendant notre triste pèlerinage. Forcalquier, qui projette dans une gorge étroite ses rues sales et mal pavées, offre pourtant un ensemble assez imposant, grâce aux ruines de son châteaufort. Préoccupé des souffrances de mes camarades, j'ai traversé Avignon et Aix sans presque les regarder, et n'ai aperçu que de loin, à Nîmes, les fameuses Arènes. De Nîmes à Mende, le pays est pauvre et très accidenté, mais ces montagnes n'offrent pas le caractère grandiose des hautes Alpes.
Mende n'offre de remarquable que sa cathédrale, dont les magnifiques clochers se voient de très loin. Cette ville n'a pas d'autre garnison que notre dépôt, fort de 300 hommes. Il se compose des blessés, des malades, et des prisonniers de guerre rentrés, qu'il fallait bien envoyer là, puisque les communications avec la demi-brigade étaient interceptées. C'est ici que nous avons appris les grandes nouvelles; l'honorable capitulation de Gènes et la victoire de Marengo, suivie d'une suspension d'hostilités qui pourrait bien conduire à la paix.
La plupart des soldats du dépôt seraient présentement en état de rejoindre leur corps. Mais, outre que plusieurs attendent leur congé, notre petite garnison ne pourrait être diminuée sans inconvénient dans les circonstances actuelles. Son service, en effet, ne se borne pas à la ville il s'étend à tout le département, dont certaines parties sont encore infestées de brigands, contre lesquels il faut tenir incessamment en campagne une ou plusieurs colonnes mobiles. Ce brigandage trop longtemps impuni est un des fruits du triste régime sous lequel la France a si longtemps gémi. La ville elle-même a besoin d'une surveillance active; nos patrouilles et nos postes de nuit ont leurs armes chargées.
Commeje ne sais pas rester inoccupé, j'emploie les loisirs que me laisse mon service à lire, à écrire, et à donner des leçons de grammaire et de calcul aux camarades qui m'en demandent. J'ai même l'honneur de compter parmi mes élèves un de nos Chefs de bataillon, blessé, convalescent.
P. S. Depuis quelques jours, on parle du prochain départ d'un détachement de notre dépôt pour l'armée. Le caporal, mon ancien compagnon de captivité, demande à partir, et je me décide à suivre son exemple. J'ai réfléchi que je n'avais rien à gagner ici, tandis qu'en retournant en Italie, je puis obtenir soit de l'avancement dans mon corps, soit un emploi qui améliorerait encore plus radicalement ma position. Je sais qu'un officier-général, présentement employé dans l'armée d'Italie, me porte un vif intérêt. Si je parviens à le joindre, nul doute qu'il ne fasse tout ce qui dépendra de lui pour m'être utile" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 205).
Par Arrêté des Consuls du 9 Fructidor an 8 (27 août 1800), la 106e Demi-brigade est réduite à deux Bataillons.
Le 29 septembre 1800, Bonaparte écrit, depuis Paris, à Carnot, Ministre de la Guerre : "… Vous donnerez l'ordre au général Saint-Hilaire, commandant la 8e division militaire, de faire rejoindre à l'armée d'Italie les détachements des 10e et 106e de ligne …, aussitôt que la garnison de Malte sera arrivée et dans le cas de faire du service ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1195 ; Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 5669).
Dans sa lettre datée du 30 septembre 1800 (8 Vendémaire an 9), Cognet écrit, depuis Crémone, à sa famille : "Après tant de vicissitudes et de souffrances, supportées, j'ose le dire, avec quelque courage, mon existence à Monde était relativement heureuse, mais précaire et sans avenir. Il était absolument nécessaire pour moi de retourner en Italie, soit pour avancer en grade, si la guerre continuait, soit pour aviser aux moyens de me retirer du service, si eiïe venait à finir. Je demandai donc, et j'obtins de faire partie du détachement qui allait rejoindre le corps.
Le 23 août donc, nous partîmes de Mende pour Turin, où de nouveaux ordres devaient régler notre direction ultérieure.
Quand je comparais ce voyage aux deux précédents; notre allure presque triomphale aux épreuves passées, je bénissais la divine Providence de ce revirement de fortune, qui semblait présager un avenir encore plus heureux. Cette fois nous étions bien vêtus, bien équipés, accompagnés d'une voiture plus que suffisante pour les gros bagages. Nous pouvions y mettre nos sacs, et cheminer allègrement avec nos seuls fusils, fardeau insignifiant pour des soldats rompus comme nous l'étions à la fatigue des charges de campagne. Enfin, nous eûmes constamment un temps magnifique. Il n'en fallait pas tant pour égayer ce voyage, qui d'ailleurs n'offrit aucun incident fâcheux.
Le deuxième jour, entre Langogne et le Puy, nous franchîmes un ruisseau auquel je n'aurais fait aucune attention, si un paysan ne nous avait appris que ce filet d'eau que nous enjambions était la Loire. Après avoir traversé les départements de la Haute-Loire et de l'Ardèche, nous passâmes le Rhône en barque, le 29 août, pour venir à Saint-Vallier. Le lendemain, nous suivîmes la grande route de Lyon à Marseille, toujours en vue du fleuve, jusqu'à la hauteur de Tain ou de Tournon. Laissant à droite ces deux villes riveraines, dont l'ensemble présente un coup d'oeil fort agréable, nous prîmes à gauche le chemin de Romans, qui nous conduisit à travers les vignobles fameux de l'Hermitage. Cette fois nous ne fûmes pas accueillis à coups de perche, comme nous l'avions été en 1793 en traversant des vignes, lors de mon premier départ pour l'armée. Loin de là, les paysans nous invitaient gracieusement à goûter le raisin de leur magnifique coteau. De Romans, petite ville entourée de charmants paysages, nous nous dirigeâmes par Saint-Marcellin et Moirans sur Grenoble où nous eûmes séjour, et de là sur Briançon par le Haut-Dauphiné. A partir de Gap, nous nous retrouvions sur la route que nous avions parcourue, trois mois auparavant, dans des conditions bien différentes, ce qui me rappela le mot célèbre de Bossuet : "Quel état ! et quel état !"
De Briançon, nous allâmes, le 13 septembre, coucher à Oulx, après avoir franchi le mont Genèvre, où j'avais naguère passé sans le voir, à demi-mort que j'étais de fatigue et de besoin, mais dont j'admirai cette fois les rampes majestueuses. En traversant la vallée, je donnai un souvenir à mon pauvre camarade de captivité, tombé là pour ne plus se relever. Le 14, nous étions à Suze, que je n'ai pas vu beaucoup plus cette fois que les précédentes; le 15 à Avigliana, petit ville enfouie si profondément dans les montagnes, que l'on a peine à la découvrir. Le lendemain 17 septembre, nous traversâmes Rivoli de Piémont, d'où une avenue grandiose conduit en droite ligne à Turin, qu'on aperçoit de trois lieues, au milieu d'un amphithéâtre de collines verdoyantes. Cette fois; j'ai pu visiter assez en détail cette ville, l'une des plus belles de l'Italie. Elle est surtout remarquable par la régularité et l'aspect majestueux de ses rues. Le palais du roi n'a rien de remarquable à l'extérieur, mais il renferme de magnifiques appartements. Les jardins sont charmants, mais trop resserrés par les fortifications.
De Turin, où nous reçûmes notre ordre définitif pour Bozzolo près Mantoue, nous nous dirigeâmes sur Milan, par Verceil, Novarre, place forte entourée de rivières qui en rendent le séjour fort malsain, et Magenta, petite bicoque assez désagréable. Le 23 septembre, en arrivant à Milan, j'appris que l'officier-général que je désirais rencontrer était précisément sur notre route, à Crémone où nous fîmes étape trois jours après. J'allai aussitôt le voir et j'en reçus le meilleur accueil, 11 n'ignorait pas combien j'avais souffert, et désirait beaucoup m'être utile. Il avait été chargé de l'échange des prisonniers après l'armistice de Marengo, et aurait pu m'employer alors; mais cette mission était terminée. En attendant mieux, il me proposa de rester près de lui comme secrétaire, ce que je m'empressai naturellement d'accepter. Il me dicta alors séance tenante une lettre adressée au lieutenant commandant le détachement dont je faisais partie, pour le prévenir qu'il me gardait, prenait sur lui la responsabilité de mon absence momentanée, et se réservait d'en écrire directement au chef de la 106e demi-brigade.
On me donna un logement de sergent-major, où je m'installai de suite. J'allai le soir même faire la remise de mon armement, faire mes adieux et offrir quelques rafraîchissements à mes camarades. Je leur souhaitai un reste de bon voyage, et leur promis d'aller visiter, aussitôt que je le pourrais, notre chère demi-brigade. Elle est présentement cantonnée à Bozzolo, entre Crémone et Mantoue.
Je me suis présenté ce matin chez le général. Il m'a dit que ses états étaient clos, et que pour le moment il n'avait d'autre ordre à me donner que d'aller me reposer et de me tenir prêt à le suivre. Il doit aller en effet, sous peu de jours, prendre le commandement d'une brigade destinée à prendre une part active aux opérations, si elles recommençent prochainement, ce qui est, dit-on, assez probable" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 205).
Dans sa lettre datée du 7 novembre 1800 (16 Brumaire an 9), Cognet écrit, depuis Guastalla, à sa famille : "Je ne suis resté à Crémone que cinq jours, tout juste le temps de pourvoir à l'augmentation obligée de mon modeste équipement. Crémone est une ville déchue, bien trop vaste pour le nombre actuel de ses habitants. Aussi ses rues "pleurent leur solitude" suivant la belle expression de Jérémie ; dans plusieurs quartiers, on peut cheminer longtemps sans rencontrer une âme.
Nous avons qmtté, le 2 du mois dernier, cette morose cité pour nous rendre à Guastalla d'où je vous écris. Le premier jour, nous allâmes coucher à Casal-Maggiore, ville à laquelle sa belle position sur le Pô donne de loin un certain air d'importance, mais qui en réalité est peu de chose. Devenu une espèce de personnage, j'avais une bonne voiture à ma disposition. Mais, attendu que, Dieu merci, les grandeurs ne me montent pas à la tête, que le temps était beau, et que je tiens à ne pas perdre l'habitude de la marche, j'ai préféré faire la route à pied. J'ai pu mieux voir ainsi les belles et riches campagnes qui s'étendent de Crémone à Parme et au delà. Ces terres n'ont rien perdu de leur fertilité, depuis l'époque où elles étaient distribuées comme récompense aux vétérans des armées romaines.
Plus nous avancions du côté de Parme, plus je m'applaudissais d'avoir voulu faire à pied cette promenade. Les environs immédiats de cette ville sont surtout délicieux ; ce n'est, pour ainsi dire, qu'un seul et vaste jardin parsemé de vergers et de bosquets, rafraîchi par une multitude de ruisseaux, et borné à l'horizon par des croupes boisées, gracieusement ondulées. La ville, où nous passâmes la nuit, est grande et belle, mais un peu triste là aussi, on sent la décadence. Moins heureux que je n'avais été à Turin, je ne pus obtenir d'entrer dans le palais ducal.
Nous arrivâmes le 4 d'assez bonne heure à Reggio de Modène. J'eus l'agréable surprise d'y trouver ma demi-brigade, que je croyais encore à Bozzolo. J'allai aussitôt saluer les officiers dont j'étais plus particulièrement connu, à commencer par le chef. Celui-ci me reprocha, mais avec un sourire bienveillant, la préférence que j'avais donnée au général; ajoutant qu'il ne me tenait pas quitte, et se réservait de pourvoir quelque jour à mon avancement. De son côté, le général me dit le soir même, qu'il avait eu de la peine, en effet, à obtenir mon détachement en service extraordinaire; mais que je pouvais être tranquille à cet égard; que ce qu'il tenait, il le tenait bien, et qu'il ferait en sorte d'arranger finalement mes affaires à mon entière satisfaction.
J'avais été voir aussi mes anciens camarades. Mes grandes affaires étant ainsi terminées, ou du moins en bon train, j'allai avec mes amis les plus intimes prendre un modeste repas dans une Osteria. Cette fantaisie assurément bien innocente, faillit avoir pour nous, et pour moi en particulier, les plus fàcheuses conséquences.
Nous nous trouvions dans la même salle que sept ou huit militaires de la 40e, tous sous-officiers comme nous, qui y étaient déjà attablés depuis assez longtemps. Nous ne les connaissions pas, et n'avions eu d'autre rapport avec eux, que le salut que nous avions échangé en entrant. Nous causions en famille, dans notre coin, des derniers événements de la guerre, particulièrement de la défense de Gênes et de la bataille de Marengo. Nous disions que, par notre défense opiniâtre, qui avait retenu longtemps devant Gênes plus de 50000 ennemis, nous avions facilité les manoeuvres de l'armée consulaire, et contribué au succès de la mémorable journée du 14 juin. C'était apparemment en trop dire, en présence d'hommes appartenant à un corps dont la conduite sur le champ de bataille de Marengo avait été véritablement on ne peut plus honorable, et que de copieuses libations rendaient sans doute plus susceptibles. - "Et nous, n'avons nous donc rien fait ? s'écrièrent-ils d'une commune voix en dégainant. Il ne fallut rien moins que tout le sang-froid, dont nous avions heureusement l'avantage sur eux, pour apaiser cet orage. - Oh non ! répondit l'un de nous; nous n'avons nullement prétendu déprécier votre gloire ! Nous savons tous qu'à Marengo la 40e a rendu un éminent service par sa résistance héroïque à plusieurs charges de cavalerie. Nous eussions été les premiers à proclamer, à l'occasion, la bravoure de la 40e. Mais pouvions-nous, retrouvant des camarades dont nous avions été longtemps séparés par les chances de la guerre, ne pas nous entretenir de ce qui s'est passé aussi sous le canon de nos fusils ? Oui certes, la 40e a fait brillamment son devoir, mais la 106e a aussi-fait le sien ! Eh bien ! puisque nous sommes tous des braves, vivons en frères, et conservons nos armes et notre sang pour la patrie !" Messieurs de la 40e parurent se calmer un peu, et l'on but ensemble à la santé des deux corps. Mais je vis bien que les têtes s'exaltaient de plus en plus, et que l'harmonie, momentanément rétablie, pourrait bien être troublée de nouveau par quelques propos indiscrets, relevés trop vivement. Je conseillai donc tout bas, à mes camarades de payer notre carte, de proposer un dernier toast à ces Messieurs, et de nous retirer de suite. C'était, je crois, ce qu'il y avait de mieux à faire ; en agissant ainsi, nous avons évité un conflit qui, semblant toucher à l'honneur des deux corps, eût sans doute donné lieu à plusieurs duels, et compromis gravement ceux qui y figuraient au début. Telles peuvent être les déplorables conséquences des récréations les plus inoffensives, quand on va les prendre dans des lieux publics.
Nous nous remîmes en route le 5 pour Guastalla, où mon patron a présentement son quartier général. J'y suis logé chez un chanoine, avec le titre et les rations d'officier. Mais je n'ai pas à m'occuper de mon ordinaire, car mon hôte m'a déclaré, dès le premier jour, qu'il se chargerait volontiers de faire prendre mes rations, dont je pourrais disposer à mon gré, mais que je n'aurais pas d'autre table que la sienne. Naturellement, je laisse mes vivres à la disposition de ce digne ecclésiastique, qui ne peut en faire qu'un excellent usage. Il a chez lui, par suite des événements de la guerre, une famille assez nombreuse, dont je n'ai qu'à me louer à tous les points de vue.
Mon grade de caporal n'étant en rapport ni avec ma nouvelle position, ni avec les relations qu'elle peut me créer, le général m'a conseillé de prendre l'habit bourgeois. Au reste, dans l'état de paix provisoire où nous sommes, le quartier général me donne peu de besogne. Quelques lettres que le général me dicte ou me donne à faire en m'en indiquant le sujet, puis des extraits de mémoires stratégiques sur les anciennes guerres d'Italie : telle est, pour le moment, ma seule occupation, qui me prend tout au plus cinq ou six heures par jour. Le reste est consacré à la lecture et à la promenade. Quant aux soirées, je les passe presque toutes chez mon chanoine, à l'exception de celles des dimanches, où le général reçoit les officiers de sa brigade et les notables de la ville.
Guastalla est une petite ville bien bâtie, et sur un plan régulier. Elle n'a pas de promenades proprement dites ; il faut aller fort loin pour trouver quelque prairie ou quelque bouquet de bois. Je me borne le plus souvent à me promener autour des fortifications, passablement délabrées, ou même dans l'intérieur dela ville, notamment sur la principale place. On y vend toute espèce de comestibles en plein air, suivant la coutume italienne, ce qui donne lieu à quelques singularités assez plaisantes, ou du moins qui nous semblent telles, à nous autres Français. Ainsi, tous les vendredis matin, j'y vois bon nombre d'ecclésiastiques à figure vraiment vénérable, qui viennent faire leur marché, et se font peser divers comestibles maigres, du fromage surtout, qu'ils emportent enveloppé de papier dans leurs larges poches. Tout cela se fait, de la part des vendeurs aussi bien que des acheteurs, comme la chose du monde la plus naturelle.
La cathédrale, dont le portail donne sur cette même place, n'est ni grande, ni bien décorée. Je ne vois du reste ici que de toutes petites églises, d'ailleurs fort proprement tenues.
Maintenant, resterons-nous encore longtemps à Guastalla ? Je ne le pense pas; car, malgré ses derniers revers, le cabinet de Vienne semble affecter encore des prétentions tout à fait incompatibles avec les indemnités auxquelles nos sacrifices et la victoire nous donnent droit. De là, sans doute, ces concentrations de troupes, qui s'opèrent presque sous nos yeux; cette réserve de langage qui nous est sévèrement recommandée à propos des mouvements militaires, et des taquineries d'avant-postes dont nous avons eu déjà fréquemment à nous plaindre. Je ne serais pas surpris qu'il fallût encore une leçon à Messieurs les Autrichiens, pour les mettre tout à fait à la raison. Je désire me tromper mais, s'il le faut, nous ferons encore la guerre" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 205).
Dans sa lettre datée du 2 décembre 1800 (11 Frimaire an 9), Cognet écrit, depuis Guastalla, à sa famille : "Ce que je craignais, mon cher ami, est déjà en pleine voie d'accomplissement. Bien qu'abandonnée par la Russie, l'Autriche se refuse à de nouvelles concessions. Elle compte pour rien nos immenses succès de la dernière campagne, les pertes énormes qu'elle y a éprouvées. Elle veut tenter un dernier effort pour nous arracher l'Italie, ou du moins y restreindre notre domination, de manière à compromettre notre ligne du Rhin au Tyrol, évidemment impossible à garder sans l'occupation des versants est et sud de la Suisse, et la possession du cours de l'Adige. Il faut donc encore en découdre.
Chaque jour, les Autrichiens devenaient plus exigeants, plus insolents et violaient sans scrupule l'armistice, Des vexations de tout genre étaient exercées sur les habitants inoSensifs des territoires occupés par nos troupes. Tout récemment encore, le commandant de Mantoue avait refusé de faire justice d'un guet-apens commis par un poste de ses troupes, sur un pauvre batelier, employé à nos approvisionnements. C'était, de tout point, un état violent qui ne pouvait pas durer. Nous apprîmes bientôt que l'armistice allait être rompu, et, le 16 du mois dernier, nous avons reçu l'ordre de nous porter en avant.
C'était précisément un dimanche, jour de réception à la brigade. Vers cinq heures le général me fit appeler et me dit : "Nous avons du nouveau. L'armistice est rompu ; nous n'avons que demain pour faire nos dispositions; il faut être en route Mardi matin. Je ne veux pourtant pas contremander ma soirée, et empêcher nos officiers de s'amuser une dernière fois. Prenez cette dépêche, mettez-la dans votre bureau, puis venez comme de coutume à la soirée. Vers onze heures, vous sortirez, et me rapporterez aussitôt la dépêche, comme si elle arrivait".
L'apparition du pli mystérieux mit l'assemblée en émoi; tous les officiers se précipitèrent pour savoir de quoi il s'agissait. "Rien ne presse, dit tranquillement le général, vous pouvez continuer". On termina donc la contre-danse interrompue mais, comme vous pensez bien, ce fut la dernière. Puis on fit cercle autour du généra!, qui lut tout haut la dépêche. "Tant mieux !" fut le cri unanime, et chacun prit aussitôt congé.
Nous partîmes de Guastalla le 18, bien avant l'aube, pour Casal-Maggiore. Le 19, nous allâmes à Rivarola ou nous fimes séjour, le général attendant des ordres qui n'arrivèrent que le 23. Il fut appelé à Brescia où se trouvait alors le général Brune, commandant en chef de l'armée. Mon patron était nommé chef d'état-major du corps d'armée d'avant-garde, dont le quartier général était installé à Lonato. Il est dans cette ville, et moi aussi par conséquent, depuis le 25.
Mon premier soin, en arrivant, a été d'organiser les bureaux. On a pris, à cet effet, le nombre nécessaire de sous-ofEciers dans les différents corps de l'avant-garde, et le général m'a confié la direction des travaux, et la surveillance du personnel. Nous sommes assez mal à Lonato, qui n'est qu'une bicoque, désormais célèbre par un des coups de maître du général Bonaparte dans la
campagne de 1796. Nous y sommes entassés les uns sur les autres; mais j'aurais mauvaise grâce
à me plaindre, quand je vois mes pauvres camarades de la 106e mal vêtus, mal nourris, bivouaquant par un temps pluvieux et glacial, tandis que rien ne me manque, et que je passe les journées près du feu, et la nuit dans un bon lit !
J'ignore combien de temps nous resterons ici, mais je crois savoir que l'armée prendra l'offensive aussitôt que ses moyens seront prêts. En attendant, il y a de fréquentes escarmouches, et nous sommes toujours sur le qui-vive.
Notre corps ou lieutenance d'avant-garde se compose de deux divisions d'infanterie et d'une brigade de dragons, avec l'artillerie à pied nécessaire, et une compagnie d'artillerie à cheval; l'effectif total est d'environ 15,000 hommes. Nous observons le lac de Garde et le Haut Mincio" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 231).
Au 10 Frimaire an 9 (1er décembre 1800), l'Armée d'Italie sous le commandement de Brune, a la composition suivante :
- Centre, Lieutenant général Suchet, commandant.
- Division Loison : Sapeurs — Artillerie légère —1ère Légère Piémont — 106e de Ligne — 43e de Ligne — 30e de Ligne — 13e Légère — du 3e Chasseurs (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 138).
Dans son rapport, daté que Quartier Général de Volta, le 5 Nivôse an 9, Dupont, Lieutenant Général Commandant l'aile droite, écrit au Général en chef Brune : "Le passage du Mincio, citoyen général, a donné lieu à la bataille de Pozzolo dont j'ai à vous rendre compte. D'après vos ordres on a jeté hier matin sur cette rivière un pont de bateaux entre le village de Pozzolo et le moulin de Volta. Le chef de brigade Bardenet a mis dans cette opération une activité bien précieuse pour l'armée. Aussitôt que ce pont a été construit, le général de brigade Musnier s'est emparé de l'autre rive du Mincio et y a établi la 6e légère et une partie de la 28e de ligne. Un corps ennemi d'environ douze cents bommes, qui est accouru pour s'y opposer, n'a pu parvenir à conserver la possession du rivage et il s'est replié dans le village de Pozzolo, disputant pied à pied le terrain qui se trouve en cet endroit très propre à une longue défensive.
Le général de division Watrin poursuivait ce premier avantage, qui est entièrement dû à sa division, et continuait à faire filer ses troupes, lorsque j'ai reçu l'ordre de différer mon passage de 24 heures, attendu que celui qui devait s'opérer en même temps à Monzambano, n'avait pu s'effectuer. Le succès de l'opération, qui était déjà assuré, cl la difficulté de retirer d'une rive à l'autre les troupes, au milieu du combat qu'elles soutenaient depuis longtemps, m'ont fait penser que je devais poursuivre l'exécution de cette entreprise, au lieu de l'interrompre. J'ai considéré que les premiers succès de ma tentative ne vous étant pas connus lorsque votre second ordre a été donné, je devais prendre le parti que vous auriez pris vous-même étant sur le terrain, et votre approbation l'a justifié.
Les troupes, qui avaient déjà été prévenues du contre-ordre, ont poussé des cris de joie lorsqu'elles ont appris ma détermination. Le lieutenant général Suchet, qui arrivait de Monzambano, a été frappé, comme moi. des avantages que la fortune offrait à l'armée et de la nécessité de conserver un pont déjà établi sur une rivière dont le passage de vive force est regardé comme l'opération la plus délicate de la guerre d'Italie. Il a senti en même temps que le secours de son corps d'armée m'était indispensable afin que l'aile droite sortit glorieusement de son entreprise. J'éprouve une douce satisfaction à reconnaître le service signalé qu'il a rendu à la République dans cette occasion non moins importante qu'imprévue ; la 28e de ligne avait achevé de passer ; la 40e faisant également partie de la division Watrin, passe lestement et marche sur le village de Pozzolo dont elle s'empare avec rapidité.
La 24e légère et la 58e formant la division Monnier, parties du camp de Santa Maria, arrivent au pont après une marche pénible et prennent leur rang de bataille.
L'ennemi averti du passage et des progrès de notre établissement, lève le camp de Marengo et de Villafranca, et toute l'armée autrichienne se trouve réunie devant nous à une heure. Elle était forte de quarante-cinq bataillons et de douze régiments de cavalerie, et commandée par le général en chef Bellegarde en personne, avec le général Zach, son chef d'état-major. Ses premières attaques se sont portées sur la gauche de notre position, occupée par la division Watrin : la violence du feu a été égale de part et d'autre, et il a duré deux heures dans le même état. L'ennemi, étonné de l'impuissance de ses meilleures troupes contre une seule de nos divisions, a dirigé alors sur elle par son flanc droit une charge impétueuse de cavalerie ; ce choc terrible a été lui-même sans effet. Deux escadrons du 11e de hussards, commandés par le chef d'escadron Martigue, ont fait des prodiges d'audace dans cette occasion. — L'artillerie placée sur la hauteur qui règne circulairement sur la rive droite de la rivière, soutenait la division Watrin par des feux qui portaient le ravage dans les rangs ennemis. L'effet meurtrier de ces batteries, joint à la fermeté inébranlable des 6e légère, 28e et 40e de ligne, et l'habileté des manœuvres du général Watrin, a obligé M. de Bellegarde à changer son plan de bataille. Il s'est en conséquence porté avec ses principales forces sur notre droite, à l'attaque de Pozzolo, occupé par la division Monnier. Ce général, qui se maintenait avec avantage dans cette position, a eu tout à coup à combattre une si grande supériorité de nombre que, malgré la bravoure renommée de la 24e légère et la vigueur de la 58e, il n'a pu conserver son établissement à Pozzolo sur lequel toute la colonne des grenadiers hongrois était, dirigée. Ce village était destiné à subir toutes les vicissitudes du sort des armes. Il a été perdu et repris trois fois.
Au moment où l'ennemi, fort de près de quarante mille hommes, redoublait d'efforts pour profiter de sa supériorité sur l'aile droite de l'armée qui n'avait alors que sept mille hommes présents au combat, le lieutenant général Suchet m'a fait passer ses premiers renforts. Le général de division Gazan est entré en ligne avec les brigades des généraux Lesuire et Clausel. La 72e a marché sur Pozzolo pour appuyer la droite, et dans un instant cette redoutable demi-brigade a pénétré dans le village et a enlevé du canon à l'ennemi. La 8e légère et la 96e, placées au centre, ont à leur tour influé puissamment sur le combat et ramené plusieurs fois la fortune incertaine.
Cependant M. de Bellegarde qui frémissait de voir l'honneur de son armée compromis par la résistance inattendue d'un corps aussi intérieur en nombre, renouvelle ses efforts et parvient encore à se saisir du village dont l'occupation devait décider du sort de la bataille. Mais une brigade de la division Loison franchit le pont et se précipite vers les points les plus en danger. Les 43e et 106e s'avancent au pas de charge et toute la ligne fait un mouvement qui achève de culbuter l'ennemi. Le 11e régiment de hussards, attaché à l'aile droite, a, pendant cette glorieuse journée, fait de fréquentes et audacieuses charges et pris des pièces de canon. Le 4e de chasseurs s'est aussi bien montré, ainsi que le 3e qui fait partie du corps du général Suchet. Le général de division Davout, commandant la cavalerie, est arrivé à cinq heures, amenant avec lui plusieurs régiments de cette arme, et il s'est porté avec l'adjudant commandant Lavallette et avec 40 sapeurs du 6e régiment de dragons, sur le village dont le général Monnier, soutenu par les troupes du centre, s'emparait pour la troisième fois. La nuit ne met pas elle-même de terme à cette longue et sanglante lutte. Nous étions maîtres du champ de bataille, l'ennemi était en pleine retraite et la victoire était entièrement décidée en notre faveur, lorsqu'un corps de grenadiers de douze bataillons parti du camp de réserve de Valeggio, et qui n'avait pu arriver plus tôt, attaque la division Watrin. Il était alors six heures du soir. L'intrépide 6e légère soutient avec la 28e cette attaque que l'obscurité rendait plus terrible. On se battait à vingt pas de distance. Le brave chef de brigade Macon s'est conduit avec la plus haute distinction. L'ennemi, repoussé sur la gauche, a tourné ses efforts contre le village et y a dirigé un feu d'artillerie très vif. Notre ligne était trop avancée pour que le canon de nos batteries du Mincio pût répondre à celui de l'ennemi. Le feu cesse enfin à neuf heures et nos troupes ramassent encore quelques prisonniers. Il est vraisemblable que cette attaque n'a eu lieu que pour couvrir la retraite de M. de Bellegarde, et elle rend notre victoire plus brillante. Ce général a fait marcher toutes ses troupes, jusqu'à sa garde, pour s'opposer à mon passage.
Le général Watrin m'apprend que dans le mouvement qu'il a fait aujourd'hui pour remonter le Mincio par la rive gauche et opérer s'il était possible la jonction de l'aile droite avec l'armée, il a trouvé à deux milles du pont le champ de bataille encore couvert de blessés et d'armes abandonnés par les Autrichiens. Il a fait transporter les blessés aux ambulances françaises.
Nous avons fait environ deux mille prisonniers dont plusieurs officiers supérieurs, enlevé un drapeau et plusieurs pièces de canon avec leurs caissons. Le lieutenant général autrichien Kaim a été grièvement blessé. La perte des ennemis est en outre d'environ quatre mille hommes tués ou blessés. Nous avons eu huit ou neuf cents hommes tués ou blessés ; le général de brigade Calvin est au nombre de ces derniers. Les généraux Monnier, Saint-Cyr et Petitot ont eu leur cheval tué sous eux. Le chef de brigade Valhubert, commandant la 28e officier très distingué, a été blessé, ainsi que le citoyen Lusignan, commandant la 58e, qui a eu deux chevaux tués sous lui. Le chef de bataillon Sarret a été tué ; sa perte est très sensible à la 6e légère. Le chef de bataillon Vivenot de la 28e a été blessé. Le chef de brigade Legendre, commandant la 40e, s'est trouvé, quoique malade, à la bataille ; il y a été très utile. Presque tous les officiers du 11e de hussards ont été blessés ou ont eu des chevaux tués sous eux, ainsi que plusieurs aides de camp et officiers d'état-major.
Les généraux de division Watrin et Monnier, les généraux de brigade Musnier, Petitot, Calvin et Gobert, chef de l'état-major de l'aile droite, ont rivalisé d'amour pour la gloire et ont déployé des talents précieux. Les adjudants commandants Sacqueleu et Girard se sont fait remarquer par leur bravoure et leur activité.
Les généraux de division Gazan et Loison, les généraux de brigade Lesuire, Colli et Clausel, employés dans le corps du centre, méritent les plus grands éloges.
L'artillerie du centre et l'artillerie légère attachée à la cavalerie ont parfaitement secondé l'artillerie de l'aile droite. Tous les corps de toutes les armes, fiers de se secourir mutuellement, se sont surpassés eux-mêmes dans cette circonstance décisive. Le général Salva, commandant l'artillerie de l'aile droite, m'a rendu un compte avantageux de tous les officiers employés sous ses ordres.
Je dois citer le citoyen Pierron, maréchal des logis en chef au 11e régiment de hussards, qui a enlevé un drapeau et qui a été blessé au moment d'en prendre un second. Le citoyen Godefroy, caporal de la 6e légère, est passé à la nage pour attacher la 1re barque. Le maréchal des logis Moreau, le brigadier Lagrenade du 11e de hussards, ont enlevé chacun une pièce de canon.
Il est peu de batailles dont le gain ait été disputé avec autant d'acharnement et une aussi grande inégalité de forces. Quatorze mille hommes ont triomphé de quarante mille, dans la position la plus délicate et n'ayant qu'un pont pour retraite. L'héroïque valeur des troupes de la République, ne s'est jamais manifestée avec plus d'éclat" (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 152).
Le Rapport du Général de Division Oudinot, Chef de l'État-Major Général, adressé au Ministre de la Guerre, et daté du Quartier Général de Villafranca, le 9 Nivôse an 9, est ainsi conçu : "Citoyen Ministre, "Dans mon rapport sommaire daté de Monzambano le 5 de ce mois, à 5 heures du matin, j'ai eu l'honneur de vous donner un précis de la journée du 4. Je vous ai annoncé le compte détaillé que vous trouverez ci-bas.
Bulletin de la journée du 4 nivôse.
Le général en chef ayant décidé de passer le Mincio, ordonna qu'il serait jeté deux ponts devant Monzambano et un troisième entre les moulins de la Volta et le village de Pozzolo. L'aile droite de l'armée, aux ordres du lieutenant général Dupont, devait passer sur ce dernier point pour attirer et fixer l'attention de l'ennemi et faciliter par cette forte diversion le passage du reste de l'armée dans le même temps devant Monzambano. Le pont de la Volta fut jeté le 4. La lieutenance Dupont devait y attirer l'ennemi pour faire une diversion favorable à l'attaque par Monzambano qui était la véritable.
Pour soutenir l'établissement du pont protégé par l'artillerie disposée avec beaucoup de talent par le chef de brigade Bardenet, le général de brigade Musnier se porta sur la rive gauche et y établit la 6e légère et une partie de la 28e de ligne. Un corps ennemi, fort d'environ 2200 hommes, était en vain accouru pour culbuter nos troupes ; il avait été lui-même contraint de se replier sur Pozzolo, disputant pied à pied le terrain. Le général de division Watrin poursuivait ses avantages et continuait de faire filer ses troupes.
Tel était l'état des choses lorsque le lieutenant général Dupont reçut les ordres du général en chef de ne plus agir : le succès de l'opération, la difficulté de ramener sur l'autre rive des troupes engagées dans un combat qu'elles soutenaient depuis plusieurs heures avec avantage, déterminèrent le lieutenant général Dupont à poursuivre ses avantages en rendant compte de sa position.
Le général en chef persista dans le projet qu'il avait adopté d'une forte diversion, laissant à sa prudence de ne pas compromettre ses troupes ; cette nouvelle fut accueillie par des cris de joie.
La 40e, faisant également partie de la division Watrin, suivit la 28e et s'empara du village de Pozzolo.
La 24e légère et la 58e, formant la division Monnier, arrivèrent au pont après une marche pénible et prirent leur rang de bataille sur la rive gauche du Mincio.
L'ennemi, averti du passage et des progrès de nos troupes, rassembla bientôt les siennes, et à une heure après midi, suivant les rapports, le lieutenant général Dupont avait en tête 45 bataillons et 12 régiments de cavalerie commandés par le général en chef Bellegarde en personne, accompagné de son chef d'état-major le général Zach.
Le général Watrin, qui tenait la gauche de notre ligne, eut à soutenir les premières attaques ; après deux heures d'efforts inutiles contre cette division, il dirigea sur elle, par son flanc droit, une charge impétueuse de cavalerie qui devint elle-même sans effet. Deux escadrons du 11e d'hussards, commandés par le chef d'escadron Martigues, en soutinrent le choc et firent des prodiges d'audace.
M. de Bellegarde voyant ses troupes foudroyées par l'artillerie placée sur la rive droite, vaincu d'ailleurs par L'inébranlable fermeté des 6e légère, 28e et 40e de ligne, habilement conduites par le général Watrin, abandonna cette partie et dirigea ses forces sur Pozzolo, occupé par la division Monnier.
Une forte colonne vint mettre un terme à l'avantage qu'avait conservé jusqu'alors la division Monnier : elle fut contrainte de céder momentanément au grand nombre.
Ce fut à cette heure que le lieutenant général Suchet rentrant avec son corps d'armée dans ses anciennes positions pour attendre le passage de Monzambano, remis au lendemain, apercevant des hauteurs de la rive droite la lutte aussi disproportionnée de 20000 hommes contre 7000, témoin des succès qu'allait obtenir l'ennemi, n'hésita point à détacher contre lui une de ses divisions.
Le général de division Gazan passa le Mincio avec les brigades Lesuire et Clausel. La 72e, envoyée pour appuyer l'aile droite, rétablit en un instant le combat, pénétra dans Pozzolo et enleva du canon à l'ennemi. La 8e légère et la 96e produisirent le même effet au centre.
Cependant l'ennemi trouve un nouvel avantage dans son grand nombre. Pozzolo est encore une fois emporté.
Le lieutenant général Suchet détacha aussitôt une des brigades de la division Loison, composée des 43e et 106e commandées par le général Colli. Ces deux corps s'avancent au pas de charge, toute la ligne suit l'impulsion et l'ennemi est partout culbuté.
Le 11e régiment de hussards se couvrit de gloire dans cette journée par ses charges fréquentes et audacieuses. On doit des éloges au 4e de chasseurs ainsi qu'au 3e.
A cinq heures, arme le général de division Davout, commandant la cavalerie, qui, s'apercevant que l'ennemi, dans sa 3e charge, s'emparait du village de Pozzolo, passa le Mincio à la tête des sapeurs et d'une quarantaine de dragons du 6e régiment, et accompagné du général de cavalerie Rivaud, de l'adjudant commandant Lavalette et des chefs de brigade Baron, Rigaud et Becker ; sans consulter l'inégalité de ses forces, le général Davout s'élance sur la colonne ennemie, culbutant tout ce qui se trouvait devant lui, traversa Pozzolo et poursuivit l'ennemi une demi-lieue au delà.
Il ne fallut rien moins qu'un pareil concours de bravoure, de générosité et de dévouement de la part des troupes et de leurs chefs, pour arracher la victoire si longtemps disputée.
Le général Monnier rentra dans Pozzolo: nos troupes, maîtresses du champ de bataille, avaient lieu de penser que la nuit avait mis un terme à cette lutte sanglante.
Il était six heures du soir lorsqu'un corps de grenadiers, arrivant du camp de réserve de Valeggio, vint fondre sur la division Watrin. L'intrépide 6e légère, ayant à sa tête son brave chef, le citoyen Macon, soutint seule cette attaque et la repoussa. L'ennemi tourna aussi infructueusement ses efforts sur Pozzolo: le feu cessa enfin entre neuf et dix heures du soir. Il fut fait à l'ennemi environ 2000 prisonniers dont plusieurs officiers supérieurs, enlevé un drapeau et plusieurs pièces de canon.
Le lieutenant général autrichien Kaim a été grièvement blessé ; la perte de l'ennemi en tués et blessés est au moins de 3 à 4 mille hommes. La nôtre s'élève à environ 900 hommes tant tués que blessés. Le général de brigade Calvin est du nombre des derniers, ainsi que le citoyen Valhubert, chef de la 28e de ligne, officier distingué; et le citoyen Lusignan, chef de la 58e, qui a eu deux chevaux tués sous lui ; presque tous les officiers du 11e de hussards ont été atteints, eux ou leurs chevaux : le chef de bataillon Sarret, de la 6e légère, est du nombre des morts ; ce brave et estimable officier est vivement regretté par son corps.
Le général Dupont se plait à payer un juste tribut d'éloges aux généraux Watrin, Monnier, Carra-Saint-Cyr, Musnier, Gobert, chef de l'état-major de l'aile droite, ainsi qu'aux adjudants commandants Saqueleu et Girard. Il rend le même hommage aux généraux Gazan, Lesuire et Colli, qui, employés dans le corps du général Suchet, ont si puissamment contribué aux succès de cette brillante journée.
L'artillerie, placée sur la rive droite, a rendu les plus importants services ; dirigée par le chef de brigade Bardenet, plus d'une fois elle garantit nos braves d'une perte inévitable.
Le général Dupont se loue encore beaucoup de l'activité et du talent qu'ont montrés le chef de bataillon du génie Morio et les officiers de cette arme employés sous lui à la construction d'un second pont. Les braves sapeurs occupés au travail se servaient alternativement de leurs outils et de leurs armes.
Le citoyen Pierron, maréchal des logis au 11e de hussards, enleva un drapeau et fut blessé au moment où il allait en saisir un second.
Le capitaine Godefroi, de la 6e légère, passa le Mincio à la nage pour attacher la première barque.
Le maréchal des logis Moreau et le brigadier Lagrenade, du 11e de hussards, prirent chacun une pièce de canon.
Tels sont, citoyen Ministre, les principaux événements de la journée du 4 nivôse ; pour rendre à chacun la justice qui lui est due, il faudrait dénommer tous ceux qui ont combattu : dans l'impossibilité de satisfaire à ce devoir, je me propose néanmoins de recueillir les actions d'éclat qui ont eu lieu dans les corps et de vous les présenter" (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 175).
Dans son Rapport au Général en chef Brune, daté du Quartier Général de Salionze, le 7 Nivôse an 9, le Lieutenant Général Suchet, commandant la Lieutenance du centre de l'Armée d'Italie, écrit : "Je m'empresse, mon cher général, de vous rendre compte des opérations militaires auxquelles les divisions du centre ont pris part dans les journées des 4, 5 et 6 nivôse.
Dès les premiers jours de ce mois, tous les préparatifs nécessaires à un passage du Mincio, près Pozzolo, avaient été faits ; nos moyens, réunis à l'équipage de pont envoyé par le général Marmont, assuraient la célérité de l'exécution. Le 4. à deux heures du matin, vous ordonnâtes que l'aile droite fût chargée d'opérer le passage sur ce point, tandis que le Centre, appuyant à gauche et remontant le fleuve, viendrait se réunir à l'avant-garde, à la division Boudet et à la Réserve à Monzambano, pour y effectuer un autre passage. En partant de la Volta, je laissais à la disposition du Lieutenant Général Dupont les commandants d'artillerie et du génie et les sapeurs de ma Lieutenance.
D'après vos dispositions, une division du Centre devait rejeter l'ennemi dans Borghetto et venir ensuite, à la pointe du même jour, passer le Mincio à Monzambano. Je chargeai le Général de division Loison de cette attaque et lui laissai douze bouches à feu pour la soutenir.
Je me rendis à votre quartier général pour recevoir vos dernières instructions. Vous m'apprîtes que, décidé à suspendre le passage, il importait de prévenir l'attaque de Borghetto, d'arrêter celle de l'aile droite et de reprendre les anciennes positions.
J'envoyai de suite un de mes aides de camp au moulin de la Volta pour prévenir le général Dupont.
Je me portai près du général Loison qui déjà s'était engagé avec vigueur et qui, avec la brigade du général Compans, poussait l'ennemi dans ses retranchements, en même temps qu'il pénétrait avec quelques chasseurs de la 13e légère jusque dans les maison crénelées de Borghetto. Le feu se ralentit successivement ; dix pièces que le général Loison avait établies à demi-portée du village furent retirées et le feu cessa.
La 13e légère perdit près de soixante hommes. Le général Compans montra l'intelligence et le courage d'un excellent officier.
Je continuai ma course sur l'aile droite et je joignis au moulin de Volta les généraux Dupont et Watrin auxquels je communiquai l'ordre que vous m'aviez chargé de leur transmettre. Déjà un de mes aides de camp était arrivé, mais trop tard pour prévenir une affaire fort engagée. Le pont avait été jeté avec une telle célérité par les soins des commandants d'artillerie et du génie, Bardenet et Rouziès, du Centre, et du Commandant du génie de la droite, Morio, qu'il n'était plus permis de se retirer sans s'exposer à une perte considérable. Le Lieutenant Général Dupont me fit part de sa position. Aussi désireux d'exécuter vos ordres que d'assurer le salut de son corps d'armée, il crut ne rien devoir décider avant de vous avoir fait connaître l'état des choses. Il pensa qu'instruit de cet incident, il pourrait entrer dans vos intentions de conserver la facilité d'un passage aussi heureusement effectué.
C'est dans ce moment que, de concert avec lui, je dépêchai près de vous l'adjudant commandant Ricard vers 9 heures du matin, afin de vous informer de ce qui se passait à l'aile droite et de recevoir vos ordres.
L'ennemi réunissait ses forces, se formait dans la plaine en avant de Villafranca, et tandis que la division Watrin s'établissait en chassant tout ce qui l'insultait, la division Monnier passait le pont pour s'établir à sa tête.
La division Gazan revenait alors de Monzambano ainsi qu'une réserve. La division Loison était encore devant Borghetto. Je n'hésitai pas, sachant que vos ordres étaient de faire reprendre les anciennes positions, de faire avancer toute l'artillerie du centre sur le plateau de la rive droite. Par cette disposition j'étais en mesure de protéger l'établissement du corps du général Dupont et même autant que possible sa retraite si votre réponse était négative.
Cependant les colonnes autrichiennes venaient attaquer avec impétuosité. Le Lieutenant Général Dupont vous donnera les détails des brillantes actions qui ont immortalisé les braves divisions Watrin et Monnier. Je dois vous retracer les motifs qui m'ont déterminé à prendre part à celle bataille, et vous fournir l'occasion de faire connaître an Premier Consul les traits de bravoure qui ont honoré les troupes du Centre dans celle mémorable journée.
Les engagements étaient successifs et les forces de l'ennemi grossissaient sans cesse. M. de Bellegarde et le Quartier Mtre Gal Zach marchaient en personne. L'armée autrichienne se déployait et offrait un tel développement qu'il n'était plus permis de douter que l'ennemi jugeait le passage de l'armée déterminé sur ce point et voulait l'empêcher à tout prix.
Le moment était critique. La droite se trouvait extrêmement pressée. Je donnai ordre à la division Gazan de se présenter en bataille sur l'escarpement de la rive droite dans le but d'encourager les nulles et d'inquiéter l'ennemi, mais les efforts de l'aile droite devenaient insuffisants. Il était une heure après midi. Je fis passer la brigade Clausel pour former une réserve au général Dupont ; à peine était-elle établie à quelques toises en avant du pont, que ce général fut obligé de la porter sur la ligne pour résister au choc terrible de l'ennemi.
Ce fut alors que M. de Bellegarde, par une charge impétueuse, força de nouveau nos troupes avec une telle précipitation, que la situation de l'aile droite et de la brigade Clausel parut entièrement désespérée. Le feu ordonné à l'infanterie placée sur la rive droite du Mincio et à vingt bouches à feu qui vomissaient la mitraille, arrêta l'ennemi, couvrit la terre de ses morts et donna le temps aux généraux de rallier leurs troupes et de les enlever encore une fois à une charge si brillante qu'en peu d'instants l'ennemi perdit le terrain qu'il venait de gagner. Les généraux placés sur la rive droite pointaient eux-mêmes les pièces, encourageaient les canonniers. Les deux rives furent alors en quelque sorte dans la mêlée ; nous précipitâmes en avant du plateau tous les grenadiers, toutes nos réserves pour soutenir le feu de l'artillerie par une fusillade des plus vives. Davout, Loison et moi saisîmes cet instant pour les animer davantage et les électriser. Les commandants d'artillerie Bardenet, Vaudré et Berthier donnaient partout l'exemple de l'ardeur et de l'activité.
Dans le moment de la charge, toutes nos troupes avaient été entraînées de manière qu'il ne restait plus aucune réserve pour couvrir le pont. Je jugeai urgent de faire passer le Mincio au reste de la division Gazan. Ce fut sur ces entrefaites que j'appris, par l'adjudant commandant Ricard et par une lettre de votre chef d'état-major au général Dupont, que votre intention était de conserver pour l'aile droite une communication sur l'autre rive. Vous recommandiez au général Dupont de ne pas se compromettre, mais depuis longtemps il n'était plus en son pouvoir de maîtriser ses opérations ; les dangers avaient éclaté avec trop de force.
Je vous expédiai de nouveau un de mes aides de camp.
A peine le général Gazan avait réuni sa division sur la rive gauche, que celles des généraux Watrin et Monnier, déjà épuisées de fatigue, essuyèrent une nouvelle attaque sur le village de Pozzolo dont elles s'étaient emparées le matin, et furent obligées de l'évacuer. Un bataillon de la 8e légère, aux ordres du chef Margeril, de concert avec celui de la 24e légère (division Monnier) se porta rapidement pour le reprendre. L'ennemi ne put résister à la bravoure de nos soldats et nous en restâmes maîtres. Une demi-heure après, les Autrichiens, avec une réserve de six bataillons, s'avancèrent sur deux colonnes pour tenter une nouvelle attaque, l'une dirigée sur la gauche et l'autre sur le village dont ils s'emparèrent après une résistance opiniâtre. Ces troupes se repliaient, lorsque le général Gazan se détermina à faire une charge vigoureuse. Il ordonna au général Lesuire de réattaquer le village avec la 72e et un bataillon de la 97e, tandis qu'un autre de la 96e s'y portait sur la gauche. Ces mouvements, qui furent dirigés sur trois colonnes, s'opérèrent avec tant d'ensemble qu'ils curent le plus heureux résultat. Sur la droite, le Gal Lesuire et le chef de brigade Ficatier, à la tête de la brave 72e, reprirent le village, et les Autrichiens en déroute laissèrent au pouvoir du chef de bataillon Saunier deux pièces de canon et celles que les divisions de droite avaient été obligées d'abandonner par la perte de leurs chevaux.
Le capitaine Mathieu, de la 8e légère, s'est enfermé, avec 30 chasseurs, dans une maison du village de Pozzolo. Il s'y est maintenu intrépidement jusqu'à l'instant où nous avons repris le village. Les chefs de bataillon Jannin et Berthezène, de la 72e, ont été blessés : le premier a eu un cheval tué sous lui. Le chef Ficatier n'est point encore confirmé ; sa bravoure lui a mérité la justice de l'être. Le brigadier du 3e régiment de chasseurs, en chargeant à côté du brave maréchal des logis du 11e Régt d'hussards (Division Watrin), qui a enlevé un drapeau à l'ennemi, a fait 30 prisonniers. Le général Gazan m'a prié de vous demander de l'avancement pour lui : « Récompenser, dit-il, une action d'éclat, c'est en créer de nouvelles. » Sur la gauche, le bataillon de la 96e, à la tête duquel marchait le capitaine Tripont, aide de camp du général Gazan, poussa l'ennemi jusque dans la plaine et ramena 300 prisonniers, parmi lesquels un major. Cet officier s'est particulièrement distingué et mérite un sabre d'honneur.
Le général Loison, arrivé de Borghetto, avait remplacé le général Gazan sur la rive droite. Dès son arrivée, ce général, pour renforcer un bataillon de la 99e, que j'avais placé dans un petit bois sur la rive droite, y avait établi un bataillon de la 43e. Il fit un si grand effet qu'il concourut puissamment à arrêter l'ennemi ; en moins d'une heure ce bataillon éprouva une perte de plus de 80 hommes.
Les chocs se multipliaient avec tant de vivacité que je chargeai le général Loison d'envoyer la brigade Colli au delà du Mincio. Il s'agissait de reprendre encore une fois le village que nous venions de perdre. En débouchant du pont, le général Colli forma la 43e en colonne d'attaque, fit marcher le 2e Baton, sous les ordres du Chef de Baton Sémélé pour prendre le village par la droite, tandis qu'il marchait de front avec le 3e Baton, soutenu par un autre de la 106e. La charge fut battue, l'ennemi encore une fois chassé et poursuivi jusqu'au pied de la hauteur. L'artillerie légère de la cavalerie, placée sur le plateau à droite, favorisa cette attaque par un feu aussi vif que bien dirigé.
Le général de cavalerie Davout, présent à la bataille et convaincu de la nécessité de renforcer notre cavalerie sur la rive gauche, avait fait passer le pont à des dragons. Il a dû vous faire connaître par son rapport l'heureux résultat de la charge qu'ils firent très à propos et qui concourut à raffermir le moral de nos troupes.
Pozzolo, si souvent pris et repris, fut de nouveau attaqué à 8 heures du soir, mais défendu avec intrépidité par la 43e, réunie à la division Monnier, les entreprises de l'ennemi devinrent infructueuses.
Le général Loison me rend compte que le Gal Colli, toujours jaloux de témoigner sa reconnaissance au gouvernement français, s'est conduit avec la plus grande distinction et la plus calme bravoure. Le chef de brigade Sémelé a justifié la confiance que vous lui avez accordée. Le Chef de Baton Dupelin de la 106e s'est battu comme à son ordinaire. Le Chef de Baton Aratois, de la 43e, pour lequel le Gul Loison demande un sabre d'honneur, et l'adjudant major Garnier, méritent d'être distingués. Ils ont marché le drapeau à la main à la tête des bataillons. Le lieutenant Brossier a fait des prodiges de valeur et mérite de l'avancement. Les chefs de Baton Boyer de la 43e, Magnard de la 106e, le brave Brossier ont été mis hors de combat. Les carabiniers piémontais se sont bien conduits. L'aide de camp du Gal Colli, le citoyen Caquereau, a eu un cheval tué sous lui.
Les trois brigades du Centre passées sur la rive gauche ont fait 8 à 9 cents prisonniers et ont laissé le champ de bataille jonché de morts. Cinq porte-drapeau de la 72e ont été tués. Notre perte s'élève à plus de six cents hommes ; 12 officiers dans la 43e et 20 dans la 72e ont été tués ou blessés.
Les 8e légère, 72e, 96e, 99e, 43e, 106e, et le 3e régiment de chasseurs ont rivalisé de gloire et à leur tête Clausel, Lesuire et Colli. Le Général Gazan a parfaitement bien conduit sa division. Les officiers d'état-major ont servi avec distinction.
L'aile droite et le centre sont restés maîtres du champ de bataille et du village tant disputé.
La perte de l'ennemi s'élève à plus de 4000 hommes. Le Gal Kaim et plusieurs officiers supérieurs ont été blessés.
Tel est, mon cher général, le récit des événements qui ont donné à la bataille de Pozzolo un caractère si important. Je vous observe que M. de Bellegarde avait porté toute son armée sur ce point, que l'extrême ténacité de ses attaques a nécessité de ma part un grand ménagement dans l'emploi de mes forces. Aussi ai-je constamment conservé en réserve près de moi, le Gal Loison, la brigade Compans, deux bataillons de grenadiers commandés par le Gal Bron, et laissé deux bataillons de chasseurs en observation devant Goïto sons les ordres du Gal Quesnel.
Le corps d'armée du Centre, digne soutien et digne émule de l'aile droite, reçut ordre de se porter à Monzambano, où vos nouvelles dispositions réunissaient l'armée à l'exception des troupes du Lieutenant Général Dupont. Le 5, à 2 heures du matin, il a repassé le Mincio, pour exécuter votre ordre; mon artillerie resta en position sur le plateau du moulin de la Volta. Je dirigeai sur Monzambano les divisions Loison et Gazan, laissant en observation devant Borghetto la brigade Lesuire.
A deux heures après midi, en suite de votre ordre de bataille, j'ai passé le Mincio et me suis établi en observation en face des redoutes de Salionze. La 1re brigade de la division Loison a été détachée suivant vos ordres pour soutenir l'avant-garde.
Vous m'avez ordonné de faire attaquer Borghetto en même temps que Valeggio le serait ; cette disposition a été ponctuellement exécutée.
Au premier coup de canon tiré sur Valeggio, le général Lesuire, à la tâte de la vaillante 72e, attaque la redoute palissadée de Borghetto, son impétuosité ne peut vaincre les obstacles de l'art, ces braves se font tuer au pied des palissades et dans les retranchements. Bientôt ralliée, cette troupe qui connut toujours le chemin de la victoire, gravit de nouveau la redoute, mais alors le commandant autrichien demande à capituler. Le résultat a été de 1037 prisonniers, dont 29 officiers, 5 pièces de canon, 2 obusiers et les caissons, 900 fusils et 80 chevaux.
Le Gal Lesuire a la modestie de ne parler avantageusement que des troupes qui ont combattu sous lui, mais il est positif qu'il a déployé beaucoup de valeur à leur tête. Son aide de camp Courtin mérite d'être particulièrement cité. Il a de grands droits à être confirmé dans son grade de capitaine ; il est lieutenant depuis sept ans. Le capitaine Martineau qui a commandé la 72e dans cette action et qui a eu un cheval tué sous lui à la bataille de Pozzolo, a montré tant de bravoure que tous les officiers se sont réunis pour demander en sa faveur le grade de chef de bataillon, vacant à son corps. Je me joins au général Gazan pour vous demander sa nomination sur le champ de bataille à dater du 4 nivôse.
Je désire, mon cher général, que vous fassiez accorder des fusils d'honneur à la 72e, pour être distribués aux braves qui se sont signalés par leur vaillance. J'en demande 8 pour la 43e, 6 pour la 106e, 4 pour la 8e légère. Je désire aussi faire obtenir des baguettes d'honneur à un jeune tambour de la 72e, qui, blessé à la main, exprimait sa douleur en s'écriant : « Ne suis-je pas bien malheureux d'être blessé avant d'avoir pu battre la charge ! »
Le 6, les éclaireurs de la brigade Clausel, en poussant des reconnaissances sur Salionze, sont entrés dans la dernière redoute au moment où les Autrichiens l'abandonnaient. Ils se sont emparés de 5 pièces de canon ainsi que de 23 hommes de la queue de leur colonne.
Ainsi la division Loison a fait 4oo prisonniers, tué ou blessé à l'ennemi plus de 600 hommes et a pris 3 pièces de canon. La division Gazan a fait à Pozzolo et à Borghetto 1694 prisonniers, tué ou blessé près de 1800 hommes et pris 12 pièces de canon. Le Centre a, dans ces deux journées, passé deux fois le Mincio, sur deux points différents.
Aujourd'hui, conformément à vos ordres, je forme provisoirement la gauche de larmée, appuyant ma droite à l'avant-garde et ma gauche à Salionze, en avant des redoutes.
Le Gal Quesnel, que vous m'aviez ordonné de laisser en observation devant Goïto, m'apprend que l'ennemi a évacué la place en laissant en très bon état un ouvrage qui la défendait. Ce général y est entré, a fait de suite réparer le pont de pierre et poussé ses postes jusqu'à Marmirolo" (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 152 – Archives Dupont).
Dans sa lettre datée du 31 décembre 1800 (10 Nivôse an 9), Cognet écrit, depuis Sandria, à sa famille : "Le temps a été presque constamment pluvieux, pendant notre assez long séjour à Lonato. On s'y attendait, de jour en jour, à la reprise des hostilités. Mais le mauvais état des chemins, peut-être aussi d'autres motifs, ont retardé l'entrée en campagne, qui n'a eu lieu qu'après que les gelées ont eu raffermi le terrain.
L'ennemi, cependant, continuait ses bravades, tantôt sur les bords du lac de Garde, où il venait avec ses barques insulter nos avant-postes, tantôt sur d'autres points de notre ligne, où il était toujours vivement rabroué. Enfin, à la suite d'une sérieuse démonstration faite par lui, dans l'après-midi du 20 de ce mois, sur tout le front de notre avant-garde, elle a pris décidément l'offensive.
Le 21, elle s'empara de Desenzano, petite ville sur les bords du lac, à deux lieues au delà de Lonato. Ce premier succès fut suivi, le lendemain, d'une attaque générale contre l'avant-garde autrichienne, qui fut forcée sur tous les points, et rejetée au delà du Mincio. Il ne conserva, sur la rive droite, que la presqu'île de Sermione, en deçà de Peschiera, et il est complètement tenu en échec sur ce point par quelques bataillons français. Notre corps d'avant-garde alla le même jour s'établir tout près du Mincio, à Pozzolengo. J'y rejoignis le quartier général, dans la nuit du 23 au 24.
Le 25, notre aile droite franchit le Mincio au moulin de la Volta, entre Valleggio et Goito. L'ennemi eut beau porter une partie notable de ses forces sur ce point, il ne put expulser nos troupes de la rive gauche.
Pendant cette action, qui fut opiniâtre et meurtrière, presque tout le reste de l'armée française vint s'établir derrière Monzambano et franchit le Mincio, le lendemain 26, sur deux ponts de bateaux, au-dessus et au-dessous de ce village. Ce passage s'effectua sans beaucoup de résistance, attendu que la vigoureuse attaque de la veille avait entraîné l'ennemi à dégarnir son pont pour renforcer sa gauche, fort maltraitée dans cet engagement. Il croyait, d'ailleurs, que notre armée s'attacherait à la poursuite de ce premier avantage, qu'elle ne voudrait pas ou n'oserait pas tenter sérieusement le passage à Monzambano en face de ses lignes retranchées, qui s'étendaient depuis Salionza jusqu'au delà de Valleggio. Cette erreur fut en grande partie la cause de sa défaite.
Dès que l'ennemi fut informé du passage de notre armée à Monzambano, il hâta de rappeler l'élite de ses forces sur Valleggio, pour paralyser notre mouvement contre ses lignes par une attaque sur notre flanc droit. Alors quelques divisions françaises se déployèrent en face de Salionza, tandis que la plus grande partie de l'armée marcha sur Valleggio, pour faire tête aux assaillants. Le choc fut terrible, et le succès longtemps douteux. Plusieurs charges eurent lieu dans la ville même, qui fut plusieurs fois prise et reprise. Les Autrichiens cédèrent enfin à l'opiniâtreté de nos troupes et furent si vivement poursuivis, qu'il leur fut impossible de se rallier. Les châteaux de Valleggio et de Borghetto, se trouvant complétement isolés par suite de cette déroute, furent aussitôt attaqués et forcés de capituler. D'autre part, les troupes autrichiennes qui défendaient les lignes de Salionza, se voyant totalement abandonnées et cernées, se rendirent à discrétion le lendemain 27, au point du jour.
Tel a été le brillant début de cette campagne d'hiver, et le succès prodigieux de ce passage du Mincio, effectué par 60,000 Français en présence de 80,000 Autrichiens couverts par ce fleuve, occupant une position magnifique et fortement retranchée. La perte de l'ennemi est évaluée à 6,000 hommes tués et blessés et 8,500 prisonniers, c'est-à-dtre au quart de cette armée. Il nous a laissé, en outre, trente pièces de canon, beaucoup de matériel et plusieurs drapeaux. Notre perte, bien que considérable, est bien inférieure à la sienne.
L'armée autrichienne n'ayant pu nous arrêter nulle part, s'enfuit en désordre au delà de l'Adige. La nôtre manoeuvra, en conséquence, pour prendre position sur ce fleuve, après avoir fait les détachements nécessaires pour l'investissement simultané de Mantoue et de Peschiera.
Nos bureaux, pendant le passage du Mincio, étaient installés entre les deux ponts de bateaux, dans une maison voisine du fleuve, si bien que nous entendions siffler les boulets tout autour de nous, sans relâche et de très prés. J'avoue que cela nous occasionnait de fortes distractions et malgré le souvenir du calme imperturbable de Charles XII en pareille occurrence, nous n'avons à peu près rien fait de toute la journée. Dans l'après-midi du 27, nous quittâmes Mozambano pour Valleggio. Tout était encore en désarroi dans cette malheureuse ville, où l'on venait de se battre avec acharnement pendant plusieurs heures. Ne pouvant rien nous y procurer, nous poussâmes jusqu'à un hameau où je ne retrouvai pas, tant s'en faut, l'hospitalité du bon chanoine de Guastalla. Après un souper des plus vagues, nous fûmes heureux de découvrir quelques bottes de paille, sur lesquelles nous nous jetâmes tout habillés.
Le lendemain 28, nous allâmes rejoindre notre corps d'armée établi, ce jour-là, à Castelnuovo et Sandria. Le même jour, la cavalerie et les troupes légères se portaient sur l'Adige, en avant de Pastrengo, et sur les hauteurs voisines. Depuis ce temps, nous sommes campés à Sandria. Campés est ici le mot propre. Nous travaillons où et comme nous pouvons, et nous couchons à terre, ou sur des chaises renversées.
Aujourd'hui, je suis allé revoir cette position fameuse de Pastrengo, où nous avions débuté il y a deux ans, par un succès partiel assez brillant, ce qui ne nous empêcha pas d'être ensuite complètement battus et chassés de l'Italie. Il n'en sera pas de même cette fois, je l'espère ! Le succès a été trop décisif, et la déroute de l'ennemi trop complète, pour qu'il lui soit possible d'en rappeler. Toutes nos troupes sont aujourd'hui en mouvement, et pressent vivement l'ennemi sur tous les points. Il est probable que nous ne resterons pas longtemps ici" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 235).
Dans sa lettre datée du 19 janvier 1801 (29 Nivôse an 9), Cognet écrit, depuis Trévise, à sa famille : "Je reprends la suite des glorieuses opérations qui viennent de déterminer la conclusion d'un nouvel armistice. Le relevé sommaire que je vous envoie a été rédigé sur les rapports adressés à l'état~major. J'y joins quelques détails particuliers dont j'ai eu personnellement connaissance.
Nous étions arrivés à Sandria le 28 décembre dernier, et nos troupes avaient poussé jusqu'à l'Adige,mais le gros de l'armée était encore concentré entre et villafranca, Castelnovo.
Le 19, l'armée autrichienne parut en bataille en avant de Vérone. Cette démonstration n'eut aucun résultat, nos troupes étant alors occupées à manoeuvrer sur différents points.
Le 30, une brigade de l'avant-garde se porta sur Rivoli, que l'ennemi évacua, après une courte et faible résistance.
Le 31, on fit les dispositions nécessaires pour le passage de l'Adige à Bussolengo. L'armée se rapprocha de Vérone.
Le 1 er janvier, l'avant-garde, soutenue par un autre corps, effectua son passage à Bussolengo, presque sans opposition.
Le 2, les divisions passées sur la rive gauche s'avancèrent jusque sous les châteaux de Vérone. L'armée ennemie évacua la ville, et continua son mouvement de retraite.
Le 3, notre avant-garde alla s'établir au delà de Vérone, et le lendemain, elle occupa sans combat le camp de Saint-Martin, évacué par l'ennemi. Toute la rive gauche de l'Adige se trouvant ainsi dégagée, et les forteresses bloquées, les autres corps de notre armée vinrent à leur tour effectuer le passage à Vérone.
D'après l'ordre qui me parvint le 3, je me rendis le lendemain de Sandria à Vérone, avec ma petite chancellerie et tout mon personnel, composé d'un maréchal des logis de dragons, vaguemestre; de trois autres sous-officiers écrivains, et d'une escorte de six grenadiers, commandée par un caporal, en tout douze personnes. Nous ne restâmes que quelques heures à Vérone, ayant hâte de rejoindre le quartier général établi à Saint-Martin.
Le 5, les Autrichiens, sans doute pour mieux couvrir leur retraite, firent une démonstration de grand matin contre notre extrême avant-garde. Ils furent repouseés et poursuivis.
Le 6, le mauvais temps empêcha de rien entreprendre dans la matinée. Dans l'après-midi, l'ennemi fut vivement attaqué, et expulsé successivement de Villanuova et de Monteforte, où il avait fait mine de tenir. J'allai le soir rejoindre l'avant-garde à Villanuova.
Le 7, il y eut plusieurs engagements aux environs de Montebello Partout les Français eurent le dessus. L'ennemi, voyant sa ligne de retraite menacée, évacua la vif le, mais on eut quelque peine à le déloger, dans la soirée, d'un petit bois où il paraissait vouloir passer la nuit.
Je courus personnellement un assez grand danger ce jour-la. Ayant voulu suivre une charge, exécutée par notre brigade de dragons, je fus retardé dans quelques passages difficiles pour un piéton, et perdis de vue nos cavaliers. J'étais d'ailleurs séparé de mes employés et de mon escorte, qui avaient suivi directement la route de Montebello. Le jour commençait à baisser, quand je m'aperçus que jetais suivi, à demi-portée de fusil, par trois maraudeurs; des maraudeurs français, car nous en avons malheureusement aussi dans nos armées. Comme j'étais en bourgeois, ces honnêtes gens me prenaient pour un habitant du pays, et croyaient pouvoir l'assassiner impunément pour avoir sa dépouille. J'entendis fort distinctement l'un d'eux qui disait à un autre : à toi le pékin ! Je fis aussitôt volte-face, et leur criai à haute et intelligible voix : je vous en défie ! Ils parurent tout décontenancés de m'entendre parler si bien français, et je continuai mon chemin, en évitant de trop hâter le pas, ce qui eût été une grande imprudence. Mais j'avoue qu'il me tardait d'atteindre un poste ou une habitation quelconque. Heureusement je touchais presqu'à Montebello. Quand j'y arrivai, mes dangereux acolytes avaient disparu.
Cette ville, à la suite du passage des deux armées, se trouvait dans une confusion épouvantable. Je parvins cependant à rattraper mes employés au milieu de la bagarre, et me fis loger avec eux dans une maison où nous fûmes fort contents de nos hôtes, et ceux-ci non moins contents de nous avoir pour sauve garde. On tenta à diverses reprises d'enfoncer la porte, et il fallut plusieurs fois nous montrer, et montrer les dents pour faire reculer les maraudeurs. Nous nous en croyions quittes, quand les cris de détresse de diverses volailles nous signalèrent un nouvel assaut du côté de la basse-cour. Je fis une sortie vigoureuse dans cette direction, et j'y surpris en flagrant délit de vol, une paire de chapons dans chaque main, un individu que je reconnus parfaitement. C'était un de ces employés aux vivres et fourrages que les soldats nomment riz-pain-sel, gens auxquels toutes les façons de voler sont familières. J'aurais pu, j'aurais du peut-être arrêter celui-là, et le faire attacher à la queue de mon fourgon. Je me contentai de lui arracher son butin, et de lui faire un bout de conduite à grands coups de pieds dans le ... dos.
Le 8, l'ennemi, attaqué sous Vicence, évacua cette ville, et alla prendre position à Armeola, sur la Brenta. J'arrivai à Vicence dans la nuit, et j'y restai jusqu'au 11.
Le 9, l'armée autrichienne avait été rejetée au delà de la Brenta. On ne voulait pas franchir cette rivière, sans s'être assuré de la coopération du corps d'armée dit des Grisons, qui avait dû se porter de Trentevers Bassano. Une reconnaissance dirigée le 10 sur cette ville, ayant pu se mettre en communication avec le corps attendu, une partie de l'armée passa la Brenta le 11.
Le 12, l'ennemi fut débusqué de Citadella et de Castelfranco. Il avait résisté faiblement dans la première de ces deux villes, mais on le trouva fortement retranché dans la seconde ; il fallut le charger à plusieurs reprises pour l'en chasser. Il perdit dans cette affaire 600 hommes tués ou hors de combat, sans compter les prisonniers, et se replia en désordre sur Valdelago. Le lendemain, il fit mine un instant d'offrir la bataille, entre Valdelago et Sola, mais dés qu'il vit qu'on se mettait en mesure de l'accepter, il poursuivit sa retraite dans la direction de Trévise.
Ce même jour, je faillis avoir, un peu par ma faute, une aventure fort désagréable.
J'étais fort pressé de voir le général, pour prendre ses ordres. Je partis donc précipitamment de Castelfranco où j'étais arrivé le matin, voulant rejoindre avant la nuit le quartier général de l'avant-garde, que je pensais trouver à Valdelago. Mais il avait déjà quitté cette position pour faire place à d'autres troupes que je trouvai établies en avant du village, et je ne pus obtenir aucun renseignement sur la direction qu'il avait suivie.
Il commençait à faire nuit, et j'apercevais au loin, devant nous,une ligne de feux assez étendue. Convaincu que ces feux n'étaient et ne pouvaient être que ceux de l'avant-garde, je m'acheminai aussitôt de ce côté avec mon personnel du bureau et l'escorte. Un peu plus loin, nous trouvâmes un convoi qui obstruait la route. Il appartenait aussi au corps d'avant-garde, et s'était arrêté, ignorant aussi quelle route il fallait prendre, et craignant de trouver ce qu'il ne cherchait pas. Je dis à mon monde de suivre ce convoi quand il repartirait, et accompagné d'un seul sous-officier, je poussai droit vers ces feux, que je persistais à prendre pour ceux de l'avant'garde.
Apres avoir ainsi marché bon train pendant plus d'une heure sur la route de Trévise, nous croisâmes quelques dragons qui revenaient au trot, et qui me dirent que l'ennemi était dans le prochain village. Mon sous-officier proposait de rétrograder, mais je traitai ce rapport de vision, et poussai ma pointe en toute confiance.
Bientôt nous aperçûmes les premières maisons du village. Il me semblait bien, à part moi, un peu extraordinaire que deux corps d'une même armée stationnassent si près l'un de l'autre, et que nous ne rencontrions ni poste intermédiaire, ni ordonnances, ni traînards, ni vivandières et autres suivants ordinaires des troupes. Mais cette réflexion ne m'arrêta pas, tant j'étais préoccupé de la nécessité de rejoindre promptement le général.
Nous voici donc dans le village. Bientôt, à la lueur d'un feu dans une cour ouverte nous apercevons, en train de se chauffer tranquillement, ... un soldat autrichien. Cette circonstance, au lieu de m'alarmer, me rassura complètement. Cet homme sans fusil, n'ayant l'air de faire attention à rien, pouvait-il être un factionnaire, et surtout un factionnaire d'avant-postes ? cela ne tombait pas sous les sens. Je dis donc a mon sous-officier : - C'est un prisonnier ! passons.
Je ne pouvais néanmoins m'empêcher d'être un peu surpris du silence absolu qui régnait dans le village. Mais j'étais lancé ; rien ne pouvait m'arrêter ! Nous traversons donc ce village sans rencontrer une âme, et nous arrivons à la sortie de l'autre côté. Dans cet endroit la route se bifurquait, et nous nous trouvâmes dans un sérieux embarras. De cette place on ne voyait plus les feux, qui étaient probablement sur les hauteurs voisines. Lequel des deux chemins fallait-il prendre pour y arriver ? Une ferme était là, juste à la bifurcation. - Entrons dans cette ferme, dis-je à mon compagnon. - Mais ... j'entends du bruit, j'aperçois du feu dans la cour, à travers les fentes de la grande porte ! - Nous regardons plus attentivement, et nous distinguons des ombres autour d'un foyer. Nous écoutons, ce langage n'est ni de l'italien, ni du français ! Je commençais à croire que les dragonsde tout à l'heure avaient raison. - "Entrons, dis-je pourtant, et nous verrons, car s'il y a du danger à entrer ici, il y en aurait peut-être encore plus à avancer, sans savoir où nous irions. Voici à gauche une petite porte ouverte; entrons, mon cher ami, il faut en finir !
Nous nous trouvâmes sous-une espèce de porche couvert, où quatre soldats autrichiens se chauffaient, l'arme au pied; plus loin, dans la cour, on en apercevait d'autres, groupés autour d'un plus grand feu. A cet aspect, le sous-officier, qui me précédait, fit un mouvement en arrière mais ce n'était plus le moment de reculer ! Je le pousse devant moi, et franchis rapidement le porche à sa suite, en adressant aux quatre Autrichiens un gute nacht (bonne nuit) qu'ils me rendirent, croyant sans doute rêver. Me voilà donc dans la cour; il s'agit de réparer, à force d'audace, l'aveugle imprudence qui m'a conduit dans ce guêpier. - Nous sommes perdus ! me dit à demi-voix mon pauvre compagnon. - C'est possible mais prenez un air d'assurance et laissez-moi faire, ou plutôt, faites comme vous me verrez faire, et nous pourrons encore nous en tirer".
Nous eûmes bientôt franchi les trente ou quarante pas qui nous séparaient du grand foyer, autour duquel se trouvaient une vingtaine d'Autrichiens, dont quelques-uns s'occupaient à rôtir un énorme dindon.
En arrivant, je saluai la compagnie d'un Gute Nacht ! sonore ; puis je pris et serrai cordialement
la main du sergent, chef du poste. Celui-là, trouvant sans doute que ce n'était pas assez de tendresse, me sauta au cou en m'adressant quelques mots que naturellement je ne compris pas. Je suis sûr que dans le premier moment il me prit pour un déserteur.
Cependant, plusieurs de ses hommes avaient entouré mon sous-officier, qui savait un peu l'allemand. Ne voulant pas le laisser s'engager dans une conversation qui aurait pu nous compromettre, je me hâtai de demander, en mauvais italien, si on me comprendrait dans cette langue ; on me répondit affirmativement. J'ajoutai que je m'exprimerais encore plus facilement en latin. Aussitôt il se présenta un soldat, hongrois probablement, qui me servit d'interprète avec le sergent. Je crois que cette espèce de colloque, compris des uns et tenant les autres comme en
suspens, ne contribua pas peu à nous sauver. Pour le moment, je me contentai de dire que j'étais bien surpris de trouver là ces messieurs, mais que je n'étais pas trop fâché de cette rencontre. Puis, un dindon se trouvant justement cuit à point, on nous proposa d'en prendre notre part. - "Tâchons donc de nous échapper, me dit mon sous-officier. - Mangeons et buvons, répondis-je, et nous verrons après ..." On nous servit d'assez beaux morceaux de dindon sur des tranches de pain ; on but à la ronde quelques verres de vin, après quoi je repris la parole, toujours dans un latin plus ou moins correct.
- Je vous disais tout à l'heure que j'étais surpris de vous trouver ici. Vous ignorez donc que vous êtes tout environnés de nos postes, et que d'un moment à l'autre vous pouvez être enlevés. Franchement vous feriez bien de vous en aller. - Nous n'en avons pas reçu l'ordre. – C'est qu'il aura été intercepté, car il est impossible qu'on ne vous l'ait pas adressé, dans la situation où vous êtes. - Que voulez-vous ? - Vous voulez donc rester ? - Oui. - Comme il vous plaira ! Mais savez-vous maintenant que, nous qui vous parlons, nous allons courir un double danger ? - Comment
cela ? - Comment ? Ne peut-il pas arriver qu'une patrouille de vos troupes ou des nôtres se présente ici. Une patrouille française nous prendrait pour des déserteurs, une patrouille autrichienne pour des embaucheurs, et pourtant nous ne sommes ni l'un ni l'autre. Voudriez-vous que nous fussions victimes d'une de ces deux méprises ? Aussi nous ne pourrions reposer tranquillement ici, et pourtant nous tombons de sommeil. Nous allons donc nous retirer dans quelque maison voisine". A ces mots, le chef de poste, tout en émoi, me saisit fortement au collet. Il pouvait craindre, en effet, que nous ne fissions enlever son poste. - Eh bien ! repris-je, si vous vous méfiez de nous, faites-nous suivre et surveiller dans l'endroit où nous irons passer la nuit. - Non ! - En ce cas, dis-je en affectant de me résigner, il faut bien qu'à tout hasard nous restions ici, dans quelque coin". Le sergent autrichien, qui me tenait encore par le collet, hésita encore quelques instants, puis finit par me lâcher. Je lui serrai de nouveau la main, ainsi qu'aux soldats qui nous environnaient ; mon camarade en fit autant. Je lui dis vivement tout bas : "A la porte, mais sans courir !" Et nous nous éloignâmes du foyer tout doucement, à pas comptés, ayant l'air de chercher tout près un endroit pour nous étendre à terre, tandis que les Autrichiens, évidemment très-préoccupés de ce que j'avais dit du danger de leur situation, causaient vivement entre eux. Pendant ce temps nous gagnions insensiblement du terrain. Arrivés à la fameuse porte, je la franchis sans me presser, en saluant les hommes du petit poste, qui nous avaient vus partager le souper de leurs camarades et n'avaient rien entendu de l'entretien, d'un nouveau "Gute Nacht", auquel ils répondirent comme à l'arrivée ... Mais, à peine dans la rue, nous prîmes, comme on dit, nos jambes à notre cou, et ne nous arrêtâmes, pour reprendre baleine, qu'à une grande distance de l'autre côté du village. Je prêtai l'oreille. Tout était calme autour de nous; évidemment nous n'étions pas, ou nous n'étions plus poursuivis ! Je continuai alors un peu plus posément ma marche rétrograde jusqu'à Valdelago. On put cette fois m'y indiquer l'emplacement véritable du quartier général, que j'avais été chercher si mal, à propos sur la route directe de Trévise. Il était installé à Sala, où je n'arrivai qu'à minuit. J'y racontai mon aventure, qui trouva beaucoup d'incrédules dans l'état-major, mais le général, qui me connaît bien, se porta garant de ma sincérité, que justifia bientôt l'événement. il s'en était fallu de bien peu que je subisse l'humiliation de rester prisonnier d'un ennemi en déroute. Je ne m'étais tiré d'affaire que grâce à la protection de Dieu, qui avait permis que je conservasse quelque présence d'esprit, et au trouble profond des Autrichiens, inquiets non sans raison de leurs propres affaires.
Le lendemain 14, au moment où nous nous préparions à quitter Sala pour marcher en avant, je vis entrer dans la cour du quartier général, encombrée d'officiers de tout grade, une petite troupe
de prisonniers dont je fus aussitôt reconnu. C'étaient mes pauvres hôtes de la veille, auxquels
j'avais bien dit qu ils risquaient d'être enlevés d'un moment à l'autre. Je sollicitai et j'obtins pour eux une distribution de vin ; je leur devais bien cela !
Le mouvement de l'avant-garde partant de Sala menaçait le flanc droit des Autrichiens, en même temps serrés de près par les autres corps. Ils se replièrent sur la Piave, après avoir tenu à Visnadella, et surtout à Lovadina, où leur arrière-garde résista énergiquement pendant toute la soirée, pour couvrir le passage du gros de l'armée. On se battait encore dans ce bourg le 14 au soir, quand j'y arrivai avec mon personnel.
Le 15 au matin, il n'y avait plus un Autrichien sur la rive droite de la Piave. On conclut alors une suspension d'armes de vingt-quatre heures, et le lendemain 16, un armistice fut signé à Trévise. Les Autrichiens s'engagent à nous remettre les places qu'ils occupaient encore sur le territoire qu'ils viennent de reperdre c'est-à-dire Ancône, Ferrare, Porto-Legnago, Peschiera et Mantoue. De plus, il est convenu que, pendant les négociations qui vont suivre, l'armée autrichienne stationnera sur la rive gauche du Tagliamento, et que la nôtre occupera la ligne de la Piave, avec des postes entre les deux rivières" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 241).
Dans sa lettre datée du 6 mars 1801 (18 Ventôse an 9), Cognet écrit, depuis Trévise, à sa famille : "Vous savez que, grâce aux succès récents des armées d'Italie et d'AMemagne, la paix a été signée le 5 février dernier. Aussi j'espère revoir bientôt notre belle France.
Pendant ces dernières opérations, si pénibles mais dont le résultat est si glorieux, j'ai presque constamment mené la vie de bivouac. Sauf que je n'étais plus en ligne, j'ai eu tous les agréments d'une campagne active. Je serais bien fâché aujourd'hui qu'il en eût été autrement.
En arrivant ici, le 17 janvier, mon premier soin avait été d'établir mes bureaux, de pourvoir à mon logement et à celui de mon modeste personnel, déduction faite de l'escorte, qui rejoignit immédiatement sa demi-brigade. Je pris ensuite les ordres du général pour l'organisation et la répartition de mes travaux, et tout prit dès lors une marche régulière.
Je travaille avec le général tous les matins puis je distribue à chacun sa tâche ...; et, comme j'ai de plus à surveiller et activer le travail, on me voit rarement en ville.
J'y ai fait pourtant une rencontre fort heureuse, celle du digne ecclésiastique, ancien préfet du collège où nous avons fait nos études, le général et moi. Je lui parlai du général, il me témoigna combien il serait heureux de le revoir, si son ancien élève ne l'avait pas oublié, et ne trouvait pas une telle visite indiscrète.
Le général, auquel je m'empressai de raconter ma bonne fortune, me chargea aussitôt de l'engager à venir, et je l'amenai moi-même. L'entrevue a été des plus cordiales, et aura, je l'espère, d'heureuses conséquences pour notre ancien maître.
La ville de Trévise et les contrées voisines sont encombrées de troupes, et accablées de charges militaires. Représentez-vous, en effet, un pays grand tout au plus comme deux ou trois de nos départements ; pays déjà épuisé par les allées et venues de deux grandes armées, et maintenant occupé d'une façon permanente, depuis l'armistice, par cent mille hommes et vingt mille chevaux; écrasé par conséquent de logements militaires, frappé d'énormes contributions ; obligé, en outre, de pourvoir à tous les besoins d'habillement et d'entretien des troupes, ainsi qu'aux innombrables charrois, indispensables à l'approvisionnement et au service des garnisons et cantonnements ! Je ne sais vraiment pas comment ces pauvres gens peuvent y suffire ; aussi je pense qu'ils se consoleront aisément de notre départ, qui, malheureusementpour eux, n'aura pas encore lieu de sitôt. En attendant, on désarme et on démantelle les places fortes, de telle façon que les Autrichiens, en reprenant possession du pays jusqu'à l'Adige, s'y trouveront absolument à découvert.
Tout le monde veut aller voir Venise, qui n'est qu'à sept lieues d'ici. Mais comme on ne peut y aller qu'avec des permis délivrés à l'état-major, et qu'on ne veut pas trop multiplier, les officiers généraux et supérieurs ont pu seuls, jusqu'ici, obtenir cette faveur. Je laisse passer les plus pressés, mais dés que j'aurai obtenu un congé définitif ou temporaire, je m'arrangerai pour avoir mon tour" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 257 - Note : Cognet était le secrétaire du Général Charpentier).
Dans sa lettre datée du 26 avril 1801 (6 Floréal an 9), Cognet écrit à sa famille : "Grâce à Dieu, me voici donc, après tant d'épreuves, rentré sain et sauf dans mes foyers, après avoir, j'ose le dire, fait toujours mon devoir dans cette carrière militaire, où m'avaient jeté des circonstances impérieuses et terribles.
Le général, sans vouloir précisément contrarier mes vues, a fait les plus vives instances pour me retenir. Mais voyant que mon parti était pris, il a fini par acquiescer à mes désirs. En attendant que je puisse recevoir mon congé définitif, il m'a donné une permission d'aller passer trois mois pleins en France, voyages non compris, permission qu'il m'a promis de renouveler au besoin, jusqu'à ma complète libération.
Avant mon départ, je fus autorisé à visiter Venise. J'y passai trois jours, errant, pour ainsi dire, de merveilles en merveilles. La place Saint-Marc, l'intérieur de l'église du même nom et le palais du doge m'ont surtout frappé. Dans ce dernier édifice, je remarquai plusieurs cadres vides de leurs toiles. – "C'est votre Bonaparte qui les a prises", me dit avec humeur mon cicerone. J'aurais voulu aussi visiter les îlots, celui surtout dans lequel s'élève la belle église de San-Giorgio Maggiore, où s'est faite, il y aura bientôt deux ans, l'élection de N. S. P. le pape Pie VII, et qui n'est qu'à une portée de fusil de la place Saint-Marc. Mais tous ces îlots ont été transformés en forteresses, et les Autrichiens en interdisent sévèrement l'accès.
C'est le 22 mars que j'ai quitté Trévise. Si heureux que je fusse d'aller revoir la France et ma famille, il m'en coûta beaucoup de me séparer du général, auquel, après Dieu, je suis redevable de mon bonheur. Je partis vers midi, et m'en fus coucher à Castel-Franco, après avoir visité en chemin cette fameuse cour de Poëse, où je m'étais si étourdiment fourvoyé dans un poste autrichien. J'arrivai à Vicence le 23 ; quarante-neuf journées de marches militaires me séparaient encore de ma famille ; je résolus de doubler mes marches. Ce ne fut pourtant pas sans hésitation que, dans le trajet de Vérone à Brescia, je renonçai à m'écarter de la route directe pour revoir deux localités dont le souvenir me restera toujours cher, Montechiaro et Guastalla. Je me rappelais mon bon hôte de Montechiaro, qui m'avait si bien accueilli à mon retour de Mantoue, alors que j'étais si misérable; et l'excellent chanoine de Guastalla, qui aurait eu tant de plaisir à me revoir Mais j'étais comme emporté malgré moi, et je passai outre, non sans un cruel serrement de coeur. Je leur écrirai, je m'excuserai de mon mieux, et ils me pardonneront, je l'espère, d'avoir sacrifié le bonheur de les embrasser une dernière fois, à celui de revoir plus
tôt ma patrie et ma famille.
Mais j'avais trop présumé de mes forces physiques, et bientôt je m'en aperçus. Le 27 mars, à Cassano, je me trouvai absolument hors d'état de poursuivre ma route à pied, et dus m'embarquer pour Milan, où j''arrivai à dix heures du soir. J'y passai la nuit, souffrant des douleurs intolérables dans la jambe et surtout dans le pied gauche. Cependant je ne voulais pas encore m'arrêter à Milan; je me traînai le 28 jusqu'au canal qui conduit de cette ville à Buffatora, pour y prendre une barque. La seule que je trouvai ne partait que 1e soir ; je passai ainsi sur l'eau une grande partie de la nuit, ce qui n'était nullement propre à me guérir. A Buffalora, je me trouvai tout à fait hors d'état de marcher, et je dus rester couché pendant toute la journée du 29 et une partie de celle du 30, et faire des applications continuelles de cataplasmes sur mon pied malade. Le 30, me sentant un peu mieux, et voulant absolument continuer mon voyage, j'eus la chance de trouver un vetturino qui retournait à vide à Turin, et qui m'y conduisit à petites journées, pour un prix des plus modiques.
J'y arrivai le 1er avril. Ces quelques jours de soins et de repos relatif avaient fait disparaître à peu près l'inflammation, et je pus me remettre en route dès le 2, clopin-clopant, forcé de ralentir ma marche pour éviter une rechute. Le 4, je gravis le mont Ceni et me donnai le plaisir de le descendre en traîneau. Le 8, j'atteignis Bourgoin; mais le temps était si mauvais, et je me sentais si fatigué, que je me décidai à faire en patache le reste du trajet jusqu'à Lyon.
J'arrivai dans cette ville le 9, d'assez bonne heure pour pouvoir y faire un tour de promenade. La pluie continuant de tomber en abondance, j'empruntai un parapluie pour faire mon excursion. Il y avait bien longtemps que je ne m'étais permis un pareil raffinement ! Je visitai quelques églises, mais j'eus le regret de me présenter trop tard à la plus intéressante, celle de Saint-Jean. Toutes les portes étaient déjà closes.
La persistance du mauvais temps me détermina à me rendre par eau, le 10, à Mâcon, où j'eus le chagrin de ne trouver que l'emplacement de la cathédrale, rasée de fond en comble pendant les mauvais jours de la Révolution. Je ne repris terre que le 12, pour aller à Arnay-le-Duc, où j'arrivai par une tempête de neige qui se prolongea pendant deux jours, et rendit ma marche très-lente et pénible. Le 14, je n'étais encore qu'à Lucy-le-Bois, un peu au delà d'Avallon. Mais alors le temps se mit au beau ; il me semblait d'ailleurs que mes forces augmentaient, comme mon impatience, à mesure que j'approchais du but si désiré. Le 16, dans la belle cathédrale de Sens, qu'heureusement nos modernes Vandales ont épargnée, j'adressai à Dieu une fervente prière d'actions de grâces pour tant de périls surmontés, tant de bonheur au retour ! J'étais le 17 à Melun, le 18 à Meaux, le 19 à ..., et le 20 ... Le 20, après avoir rencontré dans la matinée mon père, mes jeunes frères qui avaient fait trois lieues au-devant de moi, je tombais dans les bras de ma mère !!
Je m'arrête. J'ai retrouvé ma famille, mon pays, ma chambre, mes livres. Dieu me fera retrouver le reste !" (Cognet (Abbé) : "Souvenirs militaires d'un jeune abbé, soldat de la République (1793-1801)", publiés par le Baron Ernouf, Paris, 1881, p. 261).
Par Arrêté du 12 Floréal an 11 (2 mai 1803) "relatif à l’organisation de plusieurs demi-brigades dans les colonies", la 106e Demi-brigade est portée à trois Bataillons par adjonction du 2e Bataillon de la 82e Demi-brigade de ligne.
Le 2 mai 1803 (12 Floréal an 11 - note : La minute conservée aux Archives nationales (AF IV 865, Floréal an 11, no 15) est datée du 1er mai), le Premier Consul écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, en conséquence de l'arrêté du 10 floréal, de donner ordre ... Au 2e bataillon de se rendre à Gênes pour être incorporé dans la 106e et porter cette·demi-brigade à 3 bataillons ...
Vous donnerez ordre que tous les chefs de bataillons, capitaines et autres officiers incorporés par l'arrêté du 10 floréal, continuent à être attachés aux demi-brigades. Quant aux chefs de brigade, quartiers maîtres et adjudants-majors, vous me ferez un rapport pour les employer le plus tôt possible, pour qu'il n'y ait personne de réformé par ce travail.
P.S. Ils attendront leur destination à la suite des corps où leurs 1ers bataillons seront incorporés" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 565 ; Correspondance générale de Napoléon, t.4, lettre 7618).
/ 1803, Italie
Le 11 juillet 1803 (22 Messidor an 11), Murat écrit, depuis Gênes, au Ministre de la Guerre : "… Je vous demande l'autorisation, citoyen ministre, de faire remplacer dans la Ligurie par une des demi-brigades de l'Armée d'Italie la 106e qui se trouve dans les environs de Gênes depuis environ quatre ans, et qui, disséminée depuis cette époque, n'a pu nullement s'occuper de son instruction, de sorte que ce corps qui a reçu ses conscrits a absolument besoin d’être réuni pour pouvoir se mettre en état d'entrer en campagne ; en second lieu, j'ai besoin de l'avoir près de moi.
J'ai ordonné de faire habiller sur-le-champ tous les conscrits de ce corps, pas un seul ne l'était encore ! Le Gouvernement ligurien va faire payer 226,000 francs qui lui étaient dus de l'an 10 pour son habillement et 5,000 francs pour l'an 11. Par ce moyen, ce corps pourra faire face à tous ses besoins et je vous le répète, citoyen ministre, il faut absolument qu'il soit tiré de la Ligurie, je vous en demande bien instamment l'autorisation ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 446, lettre 1126).
Le 12 juillet 1803 (23 Messidor an 11), Murat écrit, depuis Milan, à Bonaparte : "Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le marquer, mon général, je me suis rendu à Gênes pour y passer la revue des trouppes et m'assurer par moi-même de l'état de deffense de cette place. Les trouppes sont d'un esprit excellent ...
La 106e a absolument besoin d'être réunie pour pouvoir travailler à son instruction, elle est en Ligurie depuis la paix et vous sçavez, mon général, qu'il n'y a pas un pouce de terrain pour manœuvrer, aussi vais-je la faire remplacer par une demi-brigade de l'Armée ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 448, lettre 1129).
Le 16 août 1803 (28 Thermidor an 11), Murat écrit, depuis Milan, au Ministre de la Guerre : "Toutes les dispositions que vous m'avez ordonnées, citoyen ministre, par votre lettre du 16 courant vont être exécutées ; déjà des détachements de cavalerie qui doivent composer les colonnes mobiles sont en mouvement pour se rendre à leur destination.
L'artillerie arrivera plus tard, n'ayant pas un seul cheval pour l'atteler. Cependant le vice-président m'a promis qu'il espérait pouvoir nous en procurer sous peu.
Conformément aux intentions du Premier Consul que vous me manifestez dans la même lettre, je viens d'ordonner les mouvements suivants.
La 106e et la 101e partent de Bologne, la première pour Vérone et l'autre pour Bergame où il existe un très bel établissement. Ces deux corps seront remplacés à Bologne par la 2e demi-brigade helvétique ...
Je désire, citoyen ministre, recevoir votre approbation à toutes ces mesures ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 468, lettre 1149).
Par l'Arrêté du 1er Vendémiaire an 12 (24 septembre 1803), la 106e prend le nom de 106e Régiment d'infanterie de ligne.
Le 28 avril 1804 (8 Floréal an 12), le Premier Consul écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Berthier : "Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire faire une revue extraordinaire pour constater la situation, au 1er germinal, des 10e, 19e, 28e, 45e, 47e, 56e, 58e et 106e de ligne, et des 3e, 12e, 21e et 24e légers. On aura soin de mettre le nombre d'hommes de ces corps présents dans chaque ville où ils se trouvent, les malades aux hôpitaux, les absents et depuis quel temps, ceux inhabiles à porter les armes, le nombre de conscrits qu'ils ont reçus et qu'ils ont à recevoir sur l'an xi et l'an XII. Ces régiments sont les plus faibles de l'armée. Je désire savoir positivement dans quelle situation ils sont, afin de les faire recruter" (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7728 ; Correspondance générale de Napoléon, t.4, lettre 8848).
Le 15 septembre 1804 (28 fructidor an 12), Bonaparte écrit depuis Cologne au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des camps : "Mon Cousin, je désire avoir des renseignements sur M. Chartrand ancien capitaine du 4e régiment de ligne actuellement dans le 106e : connaître l'état de ses services, quelle habileté il a et s'il est propre à faire un chef de bataillon" (Correspondance générale, t.4, lettre 9217).
Le 27 mars 1805 (6 germinal an XIII), l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin ... Je passerai en revue dans les dix premiers jours de prairial, dans la plaine de Lonato, les 22e et 23e légers, les 1er, 10e, 106e, 52e, 62e, 101e, 53e de ligne, et les trois régiments italiens. Le général Jourdan formera quatre divisions, chacune de trois régiments ; on les cantonnera sur la Chiese et le Mincio ...
Vous me ferez connaître également ce qu'il sera nécessaire de donner aux troupes pendant le temps qu'elles seront cantonnées
Vous recommanderez bien au maréchal Jourdan que ces mouvements n'aient point l'air de mouvements de guerre. Il ne dégarnira Vérone, Peschiera et Mantoue qu'au moment de la revue. Il donnera seulement l'ordre de se mettre en marche au 62e qui est à Livourne, au 53e qui est à Rimini, au 22e qui est à Novare, au 23e qui est à Parme, et aux autres corps qui ont besoin de se rapprocher ..." (Correspondance de Napoléon, t.10, lettre 8491 ; Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 9739).
Le 5 Prairial an 13 (25 mai 1805), le Colonel Boutrouë écrit, depuis Asti, à Son Excellence le Maréchal Berthier : "Le nommé Cédoz, conscrit désigné pour le 106e régiment, se trouve être le neveu d'un capitaine du régiment que je commande. Comme ce dernier m'a manifesté le désir d'avoir son neveu auprès de lui, j'ai écrit au colonel du 106e pour avoir, avec votre agrément, une lettre de passe qui permette à ce jeune homme de venir nous rejoindre ici. La lettre que m'écrit à ce sujet son colonel vous convaincra qu'il consent à me l'envoyer, sous réserve de votre approbation et de vos ordres.
En accueillant favorablement ma demande, vous ajouterez aux sentiments de reconnaissance et de respect avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monseigneur, etc." (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 143, lettre 38).
D'après la situation des "Troupes dans le royaume d'Italie à l'époque du 1er thermidor au XIII" (20 juillet 1805), il y a, dans la 2e Division à Bergame, le 106e de Ligne, fort de 2073 hommes à l'effectif, et 1934 hommes présents à Como (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 117 et suivantes).
Le Tableau des Forces de l'Empire au 16 thermidor an XIII (4 août 1805) indique que le 106e de Ligne a ses 1er, 2e et 3e Bataillon dans le Royaume d'Italie, 2e Division militaire, pour 1934 hommes présents, 24 détachés ou en recrutement, 115 aux hôpitaux, total 2073 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 3 et suivantes).
A l'ouverture des hostilités, vers le milieu du mois d'octobre, l'Armée d'Italie a été portée à 65000 hommes, sous le commandement du Maréchal Massena, commandant en chef. L'aile gauche de cette armée comprend la Division d'infanterie Duhesme, Brigades Goulus et Camus, treize Bataillons des 14e d'infanterie légère, 20e, 1er, 102e de ligne, trois escadrons du 25e de chasseurs à cheval, 7000 combattants et six bouches à feu ; la Division d'infanterie Serras, Brigades Gilli, Guillet, Mallet et Schild, seize bataillons des Carabiniers corses, 8e d'infanterie légère, 53e, 81e, 106e, 13e et 9e de ligne, quatre escadrons des Dragons de la Reine, 8000 combattants, six bouches à feu (Mémoires du Prince Eugène, t.1, page 277).
A la fin de décembre, et après sa formation, le 8e corps, ayant pour Général en chef Masséna comprend la Division Séras (6000 hommes des 8e d'infanterie légère, 13e, 53e, 106e de ligne et Bataillon de Pontonniers noirs), une Brigade à Laybach, une Brigade à Trieste (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 2).
Le 5 février 1806, on soumet à l'Empereur une "Avance demandée par le 106e régiment d’infanterie"; ce dernier répond : "Attendre les revues" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 283).
Le 21 février 1806, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène : "Dans votre état de situation, il n'est pas dit où est le 106e ... Il restera au général Miollis les 9e, 53e et 106e de ligne …" (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 78 ; Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 9865 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11517).
Le 12 mars 1806, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Dejan, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, mon intention est que les trois mille hommes formant la réserve des départements ci-dessous nommés marchent comme les autres et soient dirigés, savoir ceux du département : ... Du Lot … 106e de ligne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 329 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11656).
Le 30 mars 1806, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, voici une liste d'hommes du régiment de la garde de Paris qui ne peuvent pas rester à Paris. Donnez des ordres pour qu'ils en partent tous dans la semaine prochaine. Vous ferez faire le travail successivement et par corps. Ils partiront sous les ordres d'un officier, les uns pour joindre le 5e régiment de ligne, les autres le 56e, les autres le 106e. Vous aurez soin de faire envoyer leur signalement à la gendarmerie, pour qu'il n'en revienne aucun. Ils seront envoyés aux corps ci-dessus, sous prétexte que le service de Paris nuit à leur discipline. On aura soin qu'ils ne désertent pas en route et surtout que sous quelque prétexte que ce soit ils ne rentrent pas dans la capitale" (Brotonne (L. de) : « Dernières Lettres inédites de Napoléon 1er, collationnées sur les textes et publiées » ; Paris, 1903, t. 1, lettre 391 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11795).
Au 1er mai 1806, d'après les états de situation envoyés par le Prince Éugène, commandant en chef, la composition et la force des divers corps composant l'Armée dite d'Italie, dont le quartier général est à Milan, est la suivante :
Troupes DANS LES ÉTATS VÉNITIENS. Général de Division Miollis; Général de Brigade Herbin ; 106e de Ligne, Colonel Roussel (3 Bataillons, 1er et 2e à Venise, 3e à Vicence, 2,389 hommes, 24 chevaux) - Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 268.
Le 27 mai 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Prince Eugène : "Mon Fils, j'ai lu avec attention vos états de revues. Se peut-il qu'il y ait encore dans les 53e, 106e, 13e et 60e, des hommes qui ne soient pas habillés ? J'imagine que les conscrits, s'ils n'ont pas des habits, ont au moins des culottes et des vestes d'ordonnance. Je vois que, dans l'armement, il manque beaucoup de fusils. Est-ce que les régiments qui sont en Istrie auraient des hommes sans fusils ? Si cela était, j'imagine que vous ne dormiriez pas que mes troupes d'Istrie ne soient parfaitement armées. Vous dites qu'il est dû aux 53e, 13e, 106e et 60e, pour la solde ; mais vous ne dites pas quels mois il est dû, non plus que pour la masse d'habillement. Du reste, les états me paraissent faits avec soin ; je les parcourrai avec plaisir. Mais il faut que dans l'état de juin on me donne des explications sur le nombre d'hommes qui sont, à chaque dépôt, à l'école de bataillon, sur le nombre d'hommes qui sont en habits de paysans, et sur le nombre d'hommes qui ne sont pas armés. Je me persuade que vous ne dormiriez pas si vous aviez en Istrie, en Dalmatie, même en Italie, des hommes qui ne fussent pas armés ou qui fussent encore en sarraux de toile. Il est de votre honneur que, vingt-quatre heures après leur arrivée, les conscrits aient la veste, la culotte, le chapeau. Il n'y a point d'excuse, les corps doivent y pourvoir ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 408 ; Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10284 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12184).
Dans la première quinzaine de juin, l'armée du Vice-roi comprend la Division de Venise, Général Miollis (Quartier général à Venise), Généraux de Brigade Fririon et Herbin, 4,500 hommes présents des 53e et 106e de ligne (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 285).
Le 28 juin 1806, Murat écrit au Maréchal Berthier : "Monsieur le Prince, ministre de la Guerre, le 9 avril dernier, monsieur le général Noguez, d'après l'ordre du Prince Louis, aujourd'hui Roi de Hollande, eut l'honneur de vous écrire pour vous prier de vouloir bien accorder à MM. Delon et Desgoutes, capitaines adjoints à l 'état-major de la 1re division militaire, et Caron, capitaine adjudant de la place de Paris, une gratification proportionnée aux soins qu'ils ont pris, aux peines qu'ils se sont données, ainsi qu'aux dépenses extraordinaires qu'ils ont été obligés de faire pour bien remplir la mission qui leur était confiée de conduire dans le royaume d'Italie, trois détachements des 1er et 2e régiments de la garde municipale de Paris, destinés à être incorporés dans les 5e, 56e, et 106e régiments de ligne.
Ces officiers étant de retour après avoir remis à leur destination les détachements dont ils étaient chargés, je les recommande à votre bienveillance, persuadé que vous trouverez juste de leur accorder l'indemnité demandée pour eux par le général Noguez, au nom du Prince Louis, demande que je vous renouvelle moi-même. Recevez, etc." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 4, p. 249, lettre 2383).
Le 29 juillet 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "... Donnez ordre à celui des 106e ou 53e régiments qui vous paraîtra le plus en état de former ces deux premiers bataillons à 1 000 hommes chacun, et envoyez-les dans le Frioul rejoindre le second corps d'armée ...
Ces six régiments formeront deux divisions, chacune de trois régiments, savoir : le 35e, le 106e ou le 53e qui remplacera le 11e qui est en Dalmatie, et le 13e qui remplacera le 18e d’infanterie légère, ce qui complétera la division Boudet ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 98 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12599).
Le 1er août 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "... Vous continuerez à laisser sur l'Isonzo les deux divisions du 2e corps de la Grande Armée, l'une composée des 9e de ligne, 84e et 92e, l'autre des 106e, 53e et 13e.
Vous donnerez ordre que le 3e bataillon du 13e rentre également du côté de Trévise ou de Padoue, de manière que vous aurez au second corps de la Grande Armée trois bataillons du 9e, autant du 84e, autant du 92e ; deux bataillons du 106e, deux du 53e ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 105 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10580 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12629).
Le 18 septembre 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Prince Eugène : "… Vous commanderez en chef mon armée d'Italie, qui ne sera qu'une armée d'observation, vu que je suis bien avec l'Autriche ; mais il n'en faudra pas moins exercer une grande surveillance et user d'une grande prudence. Vous aurez sous vos ordres le corps du Frioul composé de 16,000 hommes d'infanterie ayant trente pièces de canon attelées ...
… La place de Mantoue, dans laquelle vous mettriez également 6 ou 7,000 hommes des dépôts, serait promptement approvisionnée. Tout votre corps du Frioul deviendrait ainsi disponible. Le 106e, le 3e d'infanterie légère et sept régiments que j'ai en Piémont, vous formeraient trois nouvelles divisions qui porteraient votre corps d'armée à 36,000 hommes d'infanterie ; ce qui, avec la cavalerie légère, les cuirassiers et les dépôts de cavalerie de l'armée de Naples, vous formerait une armée de près de 40,000 hommes, force imposante qui, vu les opérations ultérieures de l'Allemagne, contiendrait l'ennemi …" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 150 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10809 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12972).
Le 23 septembre 1806, Napoléon adresse, depuis Saint-Cloud, ses "Instructions pour le vice-roi.
ORGANISATION DE L'ARMÉE D'ITALIE
Général en chef, le vice-roi;
Chef d'état-major général, le général Charpentier ; commandant en chef l'artillerie, le général Sorbier ; commandant en chef le génie, le général Lery; ordonnateur en chef, le sieur Joubert.
L'armée d'Italie sera composée de cinq divisions actives.
Ce corps, qui continuera à porter le nom de 2e corps de la Grande Armée, donnera ainsi une force de plus de 16,000 hommes ...
Pour l'administration et le commandement, ce corps doit faire en tout partie de l'armée d'Italie et sera sous les ordres du vice-roi ...
La 3e division sera composée du 3e régiment d'infanterie légère, du 106e régiment de ligne et du 37e régiment de ligne ...
Il est nécessaire que les généraux de division et de brigade qui doivent commander ces divisions le sachent, et qu'il y en ait un pour cet objet à Parme et un à Alexandrie ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 165 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10871).
Le 4 novembre 1806, l'Empereur écrit, depuis Berlin, au Maréchal Berthier, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, envoyez par un courrier extraordinaire l'ordre au vice-roi d'Italie ... Vous donnerez l'ordre au 106e qui est à Venise de se rendre dans le Frioul où il sera attaché à une des deux divisions du corps du Frioul ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 765 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 13442).
Le même jour, le Maréchal Berthier écrit au Prince Eugène : "L'Empereur, Monseigneur, me charge d'expédier à Votre·Altesse un officier de mon état-major pour lui porter les ordres suivants :
... L'intention de Sa Majesté est que vous ordonniez au 106e régiment d'infanterie, qui est à Venise, de se rendre dans le Frioul, où il sera attaché à une des deux divisions du corps du Frioul ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 189).
A cette époque, l'armée sous les ordres du Prince Eugène, modifiée depuis la création de l'Armée de Dalmatie de Marmont, et depuis la reconstitution du 2e Corps, est formée de la manière suivante :
... Corps d’armée du Frioul. Le général Baraguay d’Hilliers, commandant.
1re DIVISION, Séras, général de division. 2e DIVISION, Broussier, général de division ; Schiller, Herbin, Dessaix, Lacroix, généraux de brigade ; Blondeau et Cerise, adjudants commandants, chefs d'état major.
3 Bataillons du 35e de ligne, 2,200 hommes ; 2 Bataillons des 13e (1,500), 53e (1,800), 106e de ligne (1,900 hommes) ; 80 hommes d'Artillerie, et 80 du Génie. Total de la 1ère Division, 7,560 hommes (Mémoires du Prince Eugène, t.3, p.47).
/ 1807
Le 16 janvier 1807, l'Empereur écrit, depuis Varsovie, au Prince Eugène : "Mon fils, je reçois votre lettre du 1er janvier et les états de situation de l’armée du 15 décembre ...
J'ai lu avec attention le rapport que vous me faites sur les corps. Je ne suis pas étonné que le 106e n'aille pas mieux, c'est la faute du colonel, il y a longtemps qu'il donne lieu à des plaintes, je vais m'en occuper ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 257 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 14084).
Le 24 janvier 1807 à minuit, le Prince Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "... je prendrai la respectueuse liberté de représenter à Votre Majesté que la ville de Venise est la plus détestable garnison pour refaire un corps. J'en ai fait, l'année dernière, la cruelle épreuve par le 53e et le 106e. Ces deux corps sont à peine remis depuis trois mois qu’ils sont cantonnés ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 262).
Le 12 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Prince Eugène : "Mon Fils, voici le printemps qui approche ; il est nécessaire de faire des changements dans vos garnisons, sans quoi toute votre armée tombera malade. Mantoue, Ferrare, Porto-Legnago, Palmanova sont des lieux malsains. Il ne faut mettre dans ces garnisons que des Italiens plus accoutumés au pays. Je vois que les dépôts des 106e, 13e, 53e et 35e sont à Palmanova ...
En suivant l'état du 1er février ... On ne voit que le 106e, le 86e et le 53e qui aient à peu près reçu ce complet ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 273 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12013 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14581).
Le 25 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Prince Eugène : "Mon Fils ... Le 53e et le 106e sont forts. Je crois que vous pourrez appeler les 3es bataillons à la division Seras, en ne composant ces bataillons que de huit compagnies et laissant au dépôt une compagnie par bataillon ; cela augmenterait la division Seras de près de 800 hommes ...
De tous ces arrangements, la division Duhesme souffrira beaucoup. Voici, je pense, comme vous pouvez la former : le 8e d'infanterie légère peut former un bataillon de six compagnies, les trois autres compagnies au dépôt ; le 18e peut en former autant, le 81e autant, le 102e autant ; ce qui ferait quatre beaux bataillons ; et, en place des compagnies d'élite que vous lui ôtez, vous prendriez dans les compagnies d'élite des régiments qui ont des dépôts en Piémont. Le 56e et le 2e d'infanterie légère, le 67e et le 93e, le 37e pourraient offrir huit belles compagnies en remplacement de celles du 81e, du 53e, du 86e, du 92e, du 106e. Cette division se trouverait encore forte de 6,000 hommes ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 285 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12174 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14892).
Le 30 mars 1807, l'Empereur écrit depuis Osterode, au Maréchal Berthier : "… En faisant part de ces dispositions au conseiller d'état Lacuée, pour lui seul, vous lui ferez connaître qu'il faut qu'il envoie assez de conscrits en Italie pour que les régiments qui y restent, savoir : les 13e, 35e, 53e, 106e, 9e, 84e et 92e de ligne, soient à leur effectif du grand complet de 140 hommes par compagnie, de sorte que ces régiments fassent 23 bataillons et aient à l'effectif 27 à 28,000 hommes et plus de 25,000 présents sous les armes ; pour que le 18e léger et les 5e, 11e, 23e, 60e, 79e, et 81e de ligne, formant 13 bataillons, aient leur grand complet de 140 hommes par compagnie, de sorte que, indépendamment de ce qui est en Dalmatie et en Allemagne, ces 13 bataillons puissent former une division à l'effectif de 20,000 hommes; qu'enfin les quatorze dépôts de l'armée de Naples qui sont en Italie puissent former une division à l'effectif de 17 à 18,000 hommes, c'est-à-dire 140 hommes par compagnie ..." (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12232 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14992).
Le 19 octobre 1807, l'Empereur écrit depuis Fontainebleau, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie : "Mon Fils, le 2e corps de la Grande Armée, stationné dans le Frioul, doit être complété, chaque compagnie à un effectif de 140 hommes, ou à 1,260 hommes par bataillon. Le 13e de ligne a un effectif de 1,700 hommes ; il lui manque donc 700 hommes. Le 35e a un effectif de 2,500 hommes ; il lui manque donc 1,100 hommes. Le 53e a un effectif de 2,100 hommes ; il lui manque donc 300 hommes. Le 106e est au complet. La plupart des 3es bataillons de ces régiments peuvent offrir de quoi les compléter, de sorte que l'effectif de la division Seras, qui n'est que de 9,700 hommes, serait de 11,800 hommes. La division Broussier, qui est de 7,500 hommes, doit être de 10,800; les dépôts de ces régiments peuvent offrir à peu près ce complet …" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 431 ; Correspondance de Napoléon, t.16, lettre 13273 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 16569).
/ 1808
Le 30 janvier 1808, le Général Chabot écrit, depuis Alexandrie, au Général Despinoy, Commandant d’armes : "Vous voudrez bien donner des ordres pour que demain à 10 heures du matin, le 112e régiment prenne les armes et soit réuni dans la plus grande tenue sur la place d’armes pour y recevoir et reconnaitre son colonel, M. Penne, ci-devant major au 106e régiment, nommé par S. M. colonel du 112e régiment" (Papiers du Général Chabot, « Registre de Correspondance, novembre 1807-Avril 1808 », Cote 8 F. 19, Archives des Deux-Sèvres).
Le 31 janvier 1808, le Général Chabot écrit, depuis Alexandrie, au Général Menou, Gouverneur général : "J’ai l’honneur de vous rendre compte de l’arrivée de M. le colonel Penne, ci-devant major du 106e régiment, nommé par S. M. colonel du 112e régiment ; il a été reconnu aujourd’hui à la tête du régiment et en a pris le commandement ..." (Papiers du Général Chabot, « Registre de Correspondance, novembre 1807-Avril 1808 », Cote 8 F. 19, Archives des Deux-Sèvres).
Le 19 mars 1808, à Paris, à la question : "Sur le tableau d'organisation de l'infanterie de l'armée d'Italie l'Empereur a indiqué les destinations suivantes :
... Le 4e bataillon du 106e sera formé à Serravalle.
Camps ...", l'Empereur répond que ce sera à Verrue (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 751).
Le 20 mai 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois votre lettre du 13 mai relative aux anciens et nouveaux dépôts. Je conçois que les conscrits ont été dirigés sur les nouveaux dépôts ...
Aucun de ces mouvements n'est bien considérable et moyennant cette mesure les conseils d’admistration et les magasins seront établis à demeure. Les 4 compagnies qui formeront le dépôt recevront les conscrits de leur corps, et au fur et à mesure qu'ils auront 60 hommes armés, habillés, sachant tenir leurs fusils, prêts à partir, vous m'en rendrez compte dans des états particuliers pour que je les envoie à celui des 4 bataillons de guerre qui en a besoin ...
Quant aux 9e, 13e, 25e, 42e, 53e, 84e, 92e et 106e de ligne et 1er d'infanterie légère, on peut laisser le vice-roi y pourvoir. Tous les anciens dépôts sont dans les pays vénitiens, les nouveaux sont dans le Milanais. La distance est donc petite. Le vice-roi pourvoira à cela ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1908 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18000).
Le Vice-Roi ayant reçut de l’Empereur le 29 mars 1808 l’ordre de présenter un projet complet d'organisation de ses troupes par Divisions, lui adresse le 6 avril 1808 un mémoire qui est approuvé dans toutes ses parties. D'après ce projet, suivi presque de point en point, l'armée du Vice-Roi en Italie se trouve composée de 9 Divisions d'infanterie et de 4 de Cavalerie.
Infanterie ...
3e division (Seras), généraux de brigade Jalras et Dessaix, 12 bataillons des 35e, 53e et 106e de ligne, au camp d'Udine ...
Total pour l'infanterie : 100 bataillons à 800 hommes, dont 92 français et 8 italiens ; environ 80,000 hommes ... (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 8).
Le 25 juin 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Prince Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Vous devez avoir reçu les instructions du ministre de la Guerre pour la nouvelle organisation de l’armée.
1re division :
Le 35e :
Il me tarde que le le 35e ait ses quatre bataillons à la division du Frioul, formant, à un effectif de 140 hommes chacun, 3 360 hommes. Ce régiment en a aujourd'hui : présents à la division 2847 hommes ; il en a à Rome 240 et au dépôt 526, ce qui fait 3 613 hommes ; ainsi, vous aurez donc de quoi compléter les 4 bataillons ; il restera encore 253 hommes au dépôt.
… Le 106e :
Je raisonne de la même manière pour le 106e. Ce régiment a 3 300 hommes. En ôtant 150 hommes pour le dépôt, il restera pour les 4 bataillons 3 150 hommes, c'est-à-dire près de 800 hommes par bataillon.
Ainsi, cette division sera composée d'un effectif de 9 400 hommes, c'est-à-dire près de 9000 hommes présents sous les armes ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 162 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18406). La 2e Division est commandée par le Général Clauzel (Armée de Dalmatie); la 3e Division par le Général Grenier (il commandait précédemment la 4e).
"Milan le 14 juillet 1808, ordre de l’armée n°19 :
... Le général de brigade Quelord (Quelard, Queland ?) étant passé dans la division aux ordres du général Souham à Trévise, S. A. I. voulant donner un nouveau témoignage de confiance à l’adjudant-commandant Bastié (Barlié ?), sous-chef de son état-major général, vient de lui confier le commandement de la division des dépôts d’infanterie de l’armée d’Italie, tenant garnison à Milan, Come et Novare, et se composant des bataillons de dépôt des 9e, 13e, 35e, 42e, 53e, 84e, 92e et 106e de ligne et 1er d’infanterie légère, l’adjudant commandant Barlier résidera à Milan où, d’après les intentions du prince, général en chef, il continuera à exercer les fonctions de sous-chef d’état-major général de l’armée ; il passera ces troupes en revue au moins une fois par mois.
Le général de division chef de l’état-major général de l’armée d’Italie, signé charpentier.
Certifié conforme l’adjudant commandant Barlié ( ?)" (Papiers du Général Paul Grenier. XVI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 63 page 141).
Le 17 juillet 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, je reçois votre lettre du 10, avec le projet de l'organisation de l’armée d’Italie qui me paraît bien ... Je remarque dans l’état que vous m’avez envoyé que le 4e bataillon du 53e est bien faible. Je vois que le 4e bataillon du 35e est à Cranglio, et celui du 106e à Serravalle, tout cela doint joindre le camp"(Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 201 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18599).
"Milan le 30 juillet 1808, ordre de l’armée n°22 :
Il est venu à la connaissance de S. A. I. le prince vice-roi, général en chef de l’armée d’Italie, que des militaires des corps français, italiens et napolitains, qui composent l’armée, se sont permis d’introduire en contrebande, des objets de privilège national ; trois soldats du 106e ont été arrêtés et remis à leur colonel le 3 juillet courant, avec 50 paquets de tabac, et trois mesures de sel étranger ...
L’adjudant commandant sous-chef de l’état-major général de l’armée d’Italie Barlié ( ?)" (Papiers du Général Paul Grenier. XVI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 65 page 145).
Le 13 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, ... Donnez ordre au dépôt du 1er régiment de ligne qui est à Marseille, ... au dépôt du 106e idem qui est à Novare, de faire partir tout ce qu’ils ont de disponible pour renforcer leurs 4es bataillons en Italie. Ces détachements se mettront également en marche au 1er octobre. Vous me ferez connaître l'augmentation qu’éprouvera l'armée d'Italie par ce renfort" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2288 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18898).
Le 15 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, faites partir du dépôt napolitain une centaine d'hommes pour recruter ce corps. Faites -moi connaître pourquoi les 4es bataillons des 35e, 53e, 106e, 9e et 84e n'ont pas des chefs de bataillon" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18926).
Le 17 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "Je vous renvoie votre travail ... Je vois que les corps des armées d'Italie, de Dalmatie, de Naples et de la Grande Armée, ayant leurs dépôts au-delà des Alpes, cela doit former 36 régiments et je n'en trouve que 24 ; il en manque donc 12. J'en ignore la raison.
Il manque ... dans l'infanterie de ligne, il manque le 13e, le 112e, le 42e, le 35e, le 84e, le 92e, le 9e, le 106e, le 53e ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18948).
Le 21 octobre 1808, l'Empereur, depuis Saint-Cloud, écrit à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, vous ne m'envoyez jamais les états de mon armée italienne. Je vous ai dit bien des fois qu'il me faut ces états tous les dix jours. Envoyez-m'en un sans délai. Mon armée d’Italie doit être prête à entrer en campagne au mois de mars. Sa composition sera la suivante :
1re division
35e de ligne 4 bataillons
53e idem 4 bataillons
106e idem 4 bataillons
12 bataillons ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 163 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19097).
1809
- Formation d'un Corps de Réserve
Le 3 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, je vous envoie le projet de formation d’une réserve de régiments provisoires, sur lequel je désire que vous me fassiez un rapport. Faites-moi connaître si je n'ai rien oublié et s'il y a des changements qu'il soit convenable de faire pour épargner des marches aux troupes. Enfin présentez-moi des états qui m'apprennent si les 5es bataillons pourront fournir ces quatre, trois ou deux compagnies pour concourir à ladite formation. Les 10,000 hommes de réserve que forme ma Garde sont destinés à compléter les 5es bataillons et à les mettre à même de fournir les hommes nécessaires. Il faut donc qu'une colonne des états que vous ferez dresser indique le nombre d'hommes qui leur manquera, après avoir épuisé tout leur monde ; cette colonne sera la colonne de distribution des 10,000 hommes de la Garde. Il ne vous échappera pas que, par ce moyen, j'aurai 6,000 hommes à la Rochelle, 3,000 en Bretagne, 9,000 à Paris, 5,000 au camp de Boulogne, 2,500 pour la défense de l'Escaut, 2,500 pour garder Wesel, 5,000 à Strasbourg, 2,500 à Metz et 10,000 Français en Italie; total, 45,500 hommes.
NAPOLÉON
Annexe
PROJET DE FORMATION D'UN CORPS DE RÉSERVE
1
Il sera formé une réserve de seize régiments provisoires composée des compagnies des cinquièmes bataillons qui seront complétés avec les conscrits de 1810;
2
... 13e régiment provisoire :
Le 13e régiment sera composé de 3 bataillons formés de la manière suivante :
1er bataillon : 2 compagnies du 5e bataillon du 35e, 2 compagnies du 5e bataillon du 53e, 2 compagnies du 5e bataillon du 106e.
2e bataillon : 2 compagnies du 5e bataillon du 9e, 2 compagnies du 5e bataillon du 84e, 2 compagnies du 5e bataillon du 92e.
3e bataillon : 2 compagnies du 5e bataillon du 1er léger, 2 compagnies du 5e bataillon du 13e de ligne, 2 compagnies du 5e bataillon du 42e de ligne.
Chaque compagnie sera de 140 hommes, chaque bataillon de 840 hommes, et le régiment de 2 500 hommes. Ce régiment se réunira à Milan ...
Ces 4 derniers régiments (13e, l4e, 15e, et 16e) formeront la réserve de notre armée d'Italie, et seront réunis 3 à Alexandrie et un à Milan.
Les 9 régiments de l'armée italienne formeront un régiment composé de même, lequel sera fort de 2 500 hommes et se réunira à Milan.
Ainsi la réserve de l'armée d'Italie sera composée de 2 brigades, l'une de deux régiments qui se réunira à Milan, l'autre de 3 régiments qui se réunira à Alexandrie, l'une et l'autre commandées par un général de brigade, et qui seront prêtes à se porter partout où les circonstances l'exigeront" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14838 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20195).
Le 7 janvier 1809, l'Empereur écrit, depuis Valladolid, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon Fils, je reçois votre état de situation du 15 décembre. Je vois qu'il manque un chef de bataillon du 35e ; faites-moi connaître d'où cela vient. Je vois que les quatre bataillons du 35e forment un effectif de 3,000 hommes, mais qu'il y a 500 hommes au dépôt. Aussitôt qu'il sera possible d'envoyer 300 de ces hommes du dépôt aux bataillons de guerre, ne manquez pas de le faire. Le 53e n'est également que de 3,000 hommes, il n'a que 200 hommes au dépôt. Le 106e n'a que 3,000 hommes, mais il a encore 200 hommes à recevoir. Ainsi je compte qu'au 1er février cette division aura 9,500 hommes présents sous les armes, sans compter les conscrits de 1810 qu'elle va recevoir, c'est à-dire qu'elle sera de 10,800 hommes présents sous les armes, parce que, les 5es bataillons de chaque régiment devant être au complet de 560 hommes, on pourra prendre dans ces 5es bataillons la différence du présent sous les armes à l'effectif, et, de cette manière, réunir au 1er mars un présent sous les armes de 1,000 hommes .." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14661 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19714).
Le 17 mars 1809, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Prince Eugène : "… Je vous ai donné deux généraux de brigade de plus, le colonel Roussel, du 106e, que j'ai nommé général de brigade, et le général Valentin, qui arrive de Rome …" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 386).
Le 26 mars 1809, le Général de Division Charpentier, Chef de l’Etat-major général, écrit, depuis Milan, au Général de Division Grenier à Sacile : "Voici, mon cher général, la composition et l’emplacement de l’armée au 1er avril prochain :
1ère division : Général de Seras à Udine ; Généraux de brigade Garreau, Schilt ; Adjudant commandant Lecat ; Capitaine du génie Poussin.
35e de ligne, 53e idem, 106e idem, 4e compagnie du 1er bataillon de sapeurs, 6e compagnie du 4e régiment d’artillerie à pied, 5e compagnie du 1er régiment d’artillerie à cheval, à Udine, sur l’Isonzo ..." (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 34. Page 78).
Le Général Séras évacue Campo-Formio le 12 au matin, et s'établit sur la rive droite de la rivière, ayant le 106e de Ligne à la tête de pont en avant de Valvasone, ouvrage à peine ébauché (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 12).
Le 16, à huit heures du matin, le Général Séras commence son mouvement. La Brigade Garreau à droite, la Division Sévéroli à gauche, avec le 106e de Ligne en réserve, marchent à l'ennemi (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 18).
Le 22 avril 1809, au Quartier général à Vicence est établi l'ordre de l’Armée : "A compter de ce jour, l’armée d’Italie divisée en trois corps d’armée organisés de la manière suivante par S. A. I. le prince Eugène, général en chef ...
Centre :
Le corps du centre aux ordres du général Grenier, se compose des :
... 35e, 53e, 106e, 79e idem ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 125 page 265).
Le 106e Régiment de ligne, à partir du 24, continue seul à occuper Vicence (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 35).
Le 28 avril, toutes les forces dont le Prince Vice-Roi a le commandement en chef se trouvent concentrées sur l'Adige; le Général Macdonald est arrivé la veille. Eugène met alors à exécution le projet d'organisation en trois Corps et une réserve, projet adopté déjà en principe depuis le 23 avril et que nous donnons ci-dessous :
2° - Centre, général Grenier commandant. Division Abbée, les Bataillons des 1er, 52e, 102e de Ligne et 8e Léger ; Division Séras, 10 Bataillons des 35e, 53e, 106e, 79e de Ligne, 4 Escadrons du 6e de Hussards (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 45).
Cette armée, reconstituée et prête ou à tenir tête à l'ennemi sur l'Adige ou à reprendre l'offensive, occupe le 28 avril les positions suivantes :
Centre : le 6e de Hussards et la Division Séras, à Caldiero, ayant un Régiment sous le général Bonfanti à Illasi ; la Division Abbée, un Régiment en avant de Caldiero, un autre en arrière et un troisième à Saint-Martin (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 45).
Le 28 mai toujours, à dix-heures du matin, Napoléon écrit depuis Ebersdorf, à Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Bruck : "Mon Fils, je vous renvoie votre aide de camp. Je désirerais avoir l'état de situation de votre corps d'armée.
Je suppose que la division Durutte est composée de deux bataillons du 22e, de quatre bataillons du 23e, et de quatre bataillons du 62e. Je suppose que ces dix bataillons forment au moins 6,000 hommes présents sous les armes. Je suppose que la division Seras est composée d'un bataillon du 35e, de trois bataillons du 53e, de quatre bataillons du 106e et de deux bataillons du 79e; je la suppose également de 6,000 hommes. Je ne sais ce que c'est que la 3e division; je suppose que c'est une division italienne qui est avec le 112e, et qu'elle est également de 6,000 hommes. Je suppose que la division Pacthod vous a rejoint avec la division Grouchy. La division Pacthod doit être composée de deux bataillons du 8e léger, de quatre bataillons du 52e, de quatre bataillons du 102e et de quatre bataillons du 1er de ligne, que je suppose former 6,000 hommes. Sans comprendre le corps détaché du général Macdonald, vous devriez avoir aujourd'hui à Bruck 24,000 hommes d'infanterie, 4,000 hommes de cavalerie et 2,000 hommes de la garde; ce qui ferait 80,000 hommes et soixante pièces de canon. Le général Macdonald, que je suppose sur le point d'arriver à Graz, vous renforcera de 15,000 hommes. Ainsi votre arrivée me renforce de 45,000 hommes, non compris le corps du général Marmont" (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 240 ; Correspondance de Napoléon, t.19, lettre 15266 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21083).
Le 106e prend part à la bataille de Raab. La ferme de Kismegyer est environnée d'une double enceinte de murailles crénelées, et le terrain coupé qu'elle a en avant d'elle en rend l'approche difficile. Le Général de Brigade Roussel doit l'attaquer de front pendant que le Général Séras, qui l'a débordé, l'attaquera sur la droite. Les efforts des deux Généraux sont sans effet; en vain ; 36 Officiers et 649 soldats prodiguent leur sang et sont mis hors de combat. Le Général, ralliant alors sur la droite les troupes du Général Roussel, rassemble toutes les troupes disponibles de sa Division et les lance comme un torrent sur la ferme. Les portes sont enfoncées à coups de hache, et on y pénètre enfin, passant au fil de l’épée tout ce qui ose encore résister ; puis les Grenadiers du 106e y mettent le feu, et tout ce qui n'est pas tué devient la proie des flammes (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 274).
Le 10 juin 1809, l'Empereur, qui vient de décider d'une importante levée de Conscrits, sur la classe 1810, mais aussi sur les classes 1806 à 1809, afin de compenser les pertes du début de la campagne, et renforcer l'Armée, écrit depuis Schönbrunn au Général Clarke pour lui donner le détail de cette opération particulièrement complexe; lettre accompagnée de 3 Etats différents très détaillés. Par ailleurs, une annexe intitulée "Répartition des 40 000 conscrits de l'appel supplémentaire de 1810" donne la composition de la 14e Demi-brigade provisoire : 35e de ligne qui reçoit 40 hommes; 53e id.; 106e id. qui reçoit 110 hommes; 9e id.; 84e id. qui reçoit 80 homems; 92e id. qui en reçoit 60; 1er léger; 13e de ligne qui reçoit 150 hommes; 42e id.; au total donc, 440 hommes. Il est par ailleurs précisé que l'on doit porter "les 18 compagnies à 2520 hommes" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21182).
Le 20 juin 1809, Eugène écrit, depuis Gonyo, à Napoléon : "Sire, Votre Majesté aura sans doute remarqué dans le dernier état de situation de son armée d'ltalie, la faiblesse de quelques régiments. Je lui demanderais de réduire à 2 bataillons le 23e léger, le 1er de ligne, 53e, 106e et 42e, et de réduire les 3e et 4e bataillons du 60e de ligne en un seul bataillon. Je demande la même autorisation pour les 1er et 3e italiens, et, si Votre Majesté l'approuvait, j'enverrais à Klagenfurth par Capuvar, OEdenburg et le Simmering, tous les cadres des bataillons fondus pour y attendre et recevoir tous les détachements, et tous les sortis d'hôpitaux venant d'Italie …" (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 421).
La "Situation des troupes composant le corps du centre au 1er juillet 1809" indique : "1ère division M. le général Séras ...
2e brigade M. le général Roussel
... 106e de ligne en arrière de Batsgha : 45 officiers et 1354 hommes présents, 15 chevaux d’officiers ; 13 officiers et 54 hommes détachés à Cividale ; 17 officiers et 1235 hommes aux hôpitaux ; 1 officier et 103 hommes prisonniers de guerre, 1 officier et 2 hommes en congé ; total : 2825 hommes et 15 chevaux ..." (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 177. Page 364).
Le 14 juillet 1809, l'Empereur écrit, depuis Schoenbrunn, à Alexandre, Prince de Neuchâtel, Major général de l'Armée d'Allemagne, à Schönbrunn: "Mon Cousin, l'armée d'Italie sera organisée de la manière suivante :
1re division, commandée par le général Broussier, les 9e, 84e et 92e.
2e division, commandée par le général Lamarque, les 13e, 29e, 32e et 53e.
3e division, commandée par le général Durutte, les 23e léger, 62e et 102e.
4e division, commandée par le général Pacthod, les 1er de ligne, 52e, 106e et 112e ;
Division Severoli, tous les Italiens.
Les 4es bataillons du 1er léger et du 42e, avec le parc, au quartier général.
Deux brigades de cavalerie légère, composées chacune de deux régiments ; un des cinq régiments continuera à rester avec la brigade Thiry.
Enfin, les deux divisions de dragons des généraux Grouchy et Pully.
Les 3es et 4es bataillons des régiments de l'armée de Dalmatie rejoindront le maréchal Marmont.
Vous donnerez ordre que le maréchal Macdonald, avec deux divisions et une brigade de cavalerie légère, se porte sur Graetz ; que la division Severoli se porte sur Klagenfurt. Vous donnerez ordre que les deux autres divisions, une brigade de cavalerie légère et les deux divisions de dragons restent jusqu'à nouvel ordre sur la March" (Correspondance de Napoléon, t.19, lettre 15522 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21494).
Le 16 juillet 1809, au Quartier général à Presbourg, "Son Altesse Impériale le prince vice-roi d’Italie, général en chef, donne l’ordre du jour de l’organisation de l’armée d’Italie, arrêtée par S. M. l’Empereur le 15 courant, savoir.
... 4e division, général Pacthod, 1er, 52e, 106e, 112e de ligne ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 137 page 290).
Le 25 septembre 1809, le Général de Division Grenier écrit au Général Pacthod à Bruck : "Le général Vignolles m’annonce, mon cher général, par lettre du 23 de ce mois, qu’en suite de la réquisition autorisée par S. A. I. le comité de Visselbourg doit fournir une quantité de 3810 aunes de drap qui sont destinées pour votre division, et qu’en conséquence vous devez activer la rentrée par tous les moyens possibles ; veuillez je vous prie vous en occuper et me faire connaitre le résultat de vos démarches ; ces réquisitions ayant eu lieu avant mon arrivée au corps d’armée, je ne connais ni la répartition faite ni la quantité et couleurs demandées ... Envoyez-moi votre rapport sur la plainte que je vous laissais hier contre les individus du 106e d’une part, et du 112e de l’autre. Joignez-y cette plainte et la lettre par laquelle le général Vignolle m’en a fait l’envoi" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 66 page 145).
Le 27 septembre 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Oedembourg, au Général Vignolle à Eisenstadt : "Au reçu de votre lettre du 26, mon cher général, relative aux boulangeries existant dans les corps des divisions Durutte et Pacthod, j’en ai demandé l’état aux généraux de division ; je m’empresserai de vous le transmettre aussitôt qu’il me sera parvenu. J’ai reçu l’avis de votre circulaire aux colonels, relativement au mauvais état dans lequel se trouve l’habillement des corps ; malheureusement, les 1er, 52e, 106e, 102e régiments et le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère sont dans le nombre de ceux qui n’ont que des pantalons de toiles et ils n’auront de culottes ou pantalons de drap que sur les fournitures que leur fera faire S. A. I., attendu que l’éloignement des dépôts renvoie ce qu’ils en attendent à des termes très éloignés" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 67 page 148).
Le 29 septembre 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Oedembourg, au Général Vignolles, à Eisenstadt : "… Vous trouverez aussi sous ce plis, le rapport du général Pacthod et les lettres des colonels des 106e et 112e régiments sur la plainte portée par le comitat de Visselbourg ; vous verrez combien peu on doit ajouter de foi à de pareilles insinuations. J’ai vu moi-même l’officier du 112e ; il n’a pu obtenir les grains qu’il était chargé de faire transporter à Bruck pour la subsistance de la division, qu’en faisant arrêter le bourgmestre qui, se voyant au milieu des soldat, a eu peur et s’est alors déterminé à fournir. Au reste, l’observation du général Pacthod est juste ; ces faits ont eu lieu le 26 juillet ; comment se fait il qu’on s’en plaint que 2 mois après" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 68 page 150).
Le 30 septembre 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Oedembourg, à S. A. I. le Prince Vice-Roi, Général en chef à Vienne : "Monseigneur, j’ai l’honneur d’adresser à V. A. I. les lettres cachetées de MM. les colonels et officier supérieurs des divisions sous mes ordres, pour la présentation des militaires jugés dignes d’obtenir les décorations de la Toison d’or, comme commandants et chevaliers des régiments.
Ces lettres sont au nombre de
Division Pacthod : 4 pour le 1er de ligne ; 1 pour le 52e, 1 pour le 106e, 3 pour le 112e, ces lettre renferment sans doute celles de M. les officiers supérieurs ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 70 page 154).
Suite à une réquisition de draps ordonnée le 17 septembre 1809 par le Prince Eugène, Vice-Roi d’Italie, Général en chef, l’Adjudant commandant chef de l’état-major, le Baron Forestier, en adresse le 21 octobre 1809, depuis Adembourg, au Général de Division Comte Grenier le procès verbal suivant : "Moi soussigné adjudant commandant, baron de l’empire, chef de l’état-major du corps d’armée commandé par M. le général de division comte Grenier, certifie que le comitat d’Adembourg a fait verser entre les mains de M. Frank capitaine du 62e régiment d’infanterie, chargé par le général Grenier de la surveillance du magasin, à compte de la réquisition de 7160 aunes de drap, faite par le général comte Vignolle, chef de l’état-major général de l’armée d’Italie, en vertu des ordres de son altesse impériale le prince vice-roi général en chef, la quantité de 5191 aunes de drap de diverses couleurs, pour laquelle quantité le présent servira de décharge, et annule par suite tous les récépissés provisoires du capitaine Frank qui devront m’être remis.
Le comitat demeurant néanmoins chargé de remplir la réquisition entière des 7160 aunes, il fera verser de suite dans les magasins de l’intendance générale à Oedenbourg le complément de cette réquisition, montant à 1969 aunes ; laquelle quantité servira de remplacement d’une autre pareille quantité prise en vertu des ordres du général comte Vignolle, chef de l’état-major général de l’armée d’Italie, dans les magasins de l’intendant général, savoir : 1431 aunes de drap de capotes pour le 102e régiment et 538 de drap blanc pour le 52e régiment" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 198. Page 405).
Quatre jours plus tard, le 25 octobre 1809, l’Adjudant commandant Baron Forestier, chef d’état-major du Corps du Général Grenier, adresse depuis Oedembourg un "Etat pour servir à constater la recette des draps de réquisition du 17 septembre 1809, faite par Son Altesse Impériale le prince Eugène Napoléon de France, Vice-Roi d’Italie, général en chef, et l’emploi des dits draps.
Recettes.
Du comitat d’Oedembourg 5191 aunes
De Wisselbourg 3710
De Günz 1600
Total 10501
La copie du récépissé de 5191 aunes que j’ai faite au comitat d’Oedembourg et que j’ai envoyée au chef de l’état-major général indique que ce comitat reste chargé de verser 1969 aunes dans le magasin de l’intendance générale.
Distributions
... Au 106e régiment d’infanterie de ligne 1450, 2 pièces justificatives ... Total égal 10501 aunes, 22 pièces justificatives
Certifié le présent état de distribution des draps conforme aux pièces justificatives qui m’ont été remises par M. Frank officier au 62e et M. Bernard chef de l’état-major de la division Pacthod, lesquelles pièces justificatives au nombre de 22 ont été envoyées à M. le général comte Vignolle chef de l’état-major général" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 199. Page 407).
1810
Le 14 janvier 1810, le Général Comte Vignolle écrit, depuis Milan, au Général Grenier : "J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’amitié de m’écrire le 7 de ce mois, en m’adressant l’état d’emplacement que vous avez arrêté pour la division Pacthod, et je l’avais déjà transmis au prince vice-roi lorsque j’ai reçu de Son Altesse une disposition générale du placement des troupes qui rentrent dans l’intérieur du royaume d’Italie, et d’après laquelle le 1er régiment de ligne et le 106e régiment doivent se rendre l’un à Padoue et l’autre à Vicence ; quant au 52e et au 112e régiments, leur destination est pour Bologne, Forli et Faenza. Le 62e régiment doit se rendre à Udine et les deux autres régiments de la division Durutte sont destinés à rester dans le cercle de Villach jusqu’à ce que le cercle et la frontière du Tyrol qu’il contrôle, soient tranquilles ; alors on n’y laissera qu’un régiment réparti en cantonnement par bataillon, un à Villach, un à Lientz et un à Sachsenbourg, avec un général de brigade qui commandera le tout ...
Je transmets à M. le maréchal Macdonald les dispositions prescrites à cet égard par Son Altesse Impériale en exécution des ordres de l’Empereur. Car c’est un travail que le prince a fait avec Sa Majesté et d’après tous les mouvements, j’invite de la part de Son Altesse Impériale, M. le maréchal à se rendre à Milan où Son Altesse compte elle-même être de retour vers la fin de ce mois.
De vous à moi, je crois aussi que le maréchal Macdonald aura obtenu la destination qu’il a demandée, celle d’être employé à l’armée d’Espagne, je n’en ai cependant pas de certitudes et Son Altesse ne m’en a pas écrit un mot. Quant à ce qui vous concerne particulièrement, général, le prince dit dans la dépêche qu’il m’adressée et qui contient tous ses ordres : « le général Grenier irait prendre le commandement de la division militaire d’Ancône et je vous charge de lui écrire une lettre particulière pour le prévenir que j’y affecterais un traitement particulier ».
Quel que soit votre détermination à cet égard, mon cher général, j’espère que nous aurons l’avantage de vous posséder quelques jours à Milan et en m’en félicitant d’avance particulièrement, je vous prie d’agréer l’expression réitérée de mes sentiments de haute considération et de mon entier dévouement" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 222. Page 453).
Le 18 janvier 1810, le Maréchal Duc de Tarente Macdonald établit, depuis Goritz, la "Marche de la division d’infanterie du général baron Pacthod ...
106e de ligne à Padoue : 31 Udine, 1er février Codroipo, 2 Pordenone, 3 Conegliano, 4 séjour, 5 Trévise, 6 Mestre, 7 Padoue" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 224. Page 457).
Le même 18 janvier 1810, le Maréchal Macdonald écrit, depuis Goritz, au Général Grenier : "Mon cher général, d’après les ordres de S. A. I. que me transmet le général Vignolle, vous ferez exécuter le mouvement suivant à une partie de votre corps, savoir :
Division Pacthod
La 1ère brigade composée du 1er et du 106e de ligne l’un Padoue l’autre Vicence, la 2e brigade 52e de ligne et 112e à Bologne, Forli et Faenza, le quartier général du général Pacthod a Padou, le personnel d’artillerie (légère ou de position) à Vérone et le matériel à Palmanova s’ils n’y sont déjà rendus ...
Pour vous personnellement, mon cher général, vous devez vous rendre à Ancône pour y prendre le commandement de la division militaire, je désire que cette destination vous convienne, autrement passant par Milan où S. A. I. doit être rendue du 25 au 30 de ce mois, vous y arrangerez vos affaires. J’y suis appelé sans savoir si c’est à poste fixe. Je dirige mes équipages jusqu’à Brescia, j’espère toujours recevoir l’ordre que j’ai sollicité de passer en Espagne.
Je joins ici les itinéraires de chaque corps, le mouvement ne pouvant commencer qu’après le passage de la cavalerie à Codroipo, autrement les troupes s’encombreraient. D’un autre côté, il faut prévenir à tous les gîtes d’étape et envoyer de suite à Milan copie des itinéraires. Voilà mon cher général, le motif qui me fait empiéter sur vos droits, j’aurais voulu pouvoir m’en dispenser, étant très surchargé d’écritures. Ne voulant pas quitter ces parages sans voir Trieste, je m’y rends demain. Je serai de retour à Palmanova le 21, où je coucherai, et j’espère y trouver votre réponse, et la détermination que vous aurez prise. Je me flatte de vous voir à Milan.
Mille amitiés, mon cher général, je présente mes hommages respectueux à madame Grenier" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 225. Page 459).
Le 6 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Ministre de la Guerre, à Milan : "Le préfet du département de Crostolo, par sa dépêche du 3 de ce mois, m’annonce que pour remplir les dispositions qui lui ont été présentées par S. E. le ministre de l’intérieur de licencier et dissoudre les compagnies soldées de la garde nationale, il a du rappeler les différents détachements de ces compagnies qui étaient cantonnés dans les montagnes du département, et qu’en conséquence, il a chargé les capitaines commandant de la gendarmerie à veiller à la tranquillité et à la sureté des toutes sur les points d’où il retirait la garde nationale ; mais que le commandant lui a fait connaitre les dangers auxquels se trouvaient exposés les gendarmes isolés, et l’a prévenu qu’il allait au contraire les concentrer par brigade, afin de ne pas les laisser à la merci des assassins, ne pouvant nullement se fier à la garde nationale sédentaire des communes par différentes causes qu’il … le préfet me demande par suite de pourvoir à la sureté et à la tranquillité de ce département en envoyant à Reggio un fort détachement de troupes de ligne. V. E. aura sans doute déjà été prévenue par mon prédécesseur qu’il n’existait dans ce moment dans la 4e division qu’un seul régiment d’infanterie, le 106e régiment, qui est déjà trop disséminé dans le département du Reno pour pouvoir même en détacher une faible partie ; deux régiments de dragons, dont un à Modène, l’autre à Reggio, peu propres aux services des colonnes mobiles par la nature des … et que l’on exposerait indubitablement, si l’on voulait les disséminer par petits cantonnements ; il m’est donc impossible de déférer à la demande du préfet du département du Crostolo, et j’en rends compte par courrier à S. A. I. le Prince Vice-Roi, afin que si elle le jugeait elle destine un régiment d’infanterie qui pourrait être placé avantageusement par bataillons à Reggio, la Mirandola et Cento" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 91 page 196).
Le même 6 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au 106e Régiment : "Envoyez à Milan huit mémoires de proposition pour des emplois vaquant dans le 106e régiment" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 197).
Le 8 mars 1810, le Général de Division Grenier ordonne, depuis Bologne : "Demain 9 mars à midi, il sera établi des postes par le 106e régiment dans les lieux ci-après :
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 25 fusiliers à San Lazzaro.
Détachement du 106e régiment non compris ceux qui existaient avant le 8. Pour Imola, 3 officiers, 4 sergents, 6 caporaux, 1 tambour et 112 fusiliers.
A Vergato, 1 sergent, 2 caporaux et 18 fusiliers" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 95 page 204).
Le même 8 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au 106e Régiment : "J’ai ordonné à 1 sergent, 2 caporaux et 18 fusiliers du 106e régiment de partir aujourd’hui 8 mars pour Vergato, où le commandant du détachement, à son arrivée, se présentera à M. le vice-préfet qui lui fera connaitre la destination du détachement ; le sergent commandant déferrera en conséquence à ses demandes ; chaque homme sera muni de 50 cartouches. Les individus du détachement recevront ½ de viande et une ration de vin en gratification. Il sera donné des bons en règle et M. le vice-préfet indiquera les communes qui devront fournir cette fourniture au moyen de cette disposition. La plus grande discipline sera observée par le détachement, et toutes vexations envers les habitants sera punie avec la dernière vigueur" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 96 page 206).
Toujours le 8 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit également, depuis Bologne, au Vice-préfet de Vergato : "Je vous envois, M. le vice-préfet, un détachement de 18 hommes commandé par un sergent et deux caporaux. Je ne puis vous envoyer un plus grand nombre d’hommes dans ce moment, attendu que le 10 de ce mois, je me propose de détenir les bandes de brigands qui se trouvent dans la plaine du département ; aussitôt que le but sera rempli, je prendrai d’autres mesures pour votre district, en attendant il conviendra que dans les journées du 10, 11, 12, 13, 14 et 15, vous fassiez faire par la garde nationale la mieux composée et le peu de soldats que je vous envoie, des perquisitions pour arrêter les brigands qui pourraient s’échapper dans la plaine et se diriger vers les montagnes, comme aussi d’arrêter tous les étrangers qui n’appartiennent pas aux communes de vos cantons, les conscrits déserteurs et autres. Les soldats employés à ces différentes courses devront recevoir par jour une demie livre de viande et une ration de vin en gratification afin d’éviter qu’ils ne commettent des désordres et des vexations envers les habitants, les distributions seront faites sur des bons en règle et j’espère obtenir que le gouvernement tiendra compte de ces fournitures" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 97 page 207).
Le Général de Division Grenier écrit ensuite, encore le 8 mars 1810, depuis Bologne, au Vice-préfet d’Imola : "Par l’instruction que je donne au capitaine commandant le détachement que j’envoie à Imola, qui doit décacheter devant vous et vous communiquer, vous verrez M. le Vice-préfet combien j’ai à cœur de détruire et de déraciner entièrement le brigandage dans le département. C’est à vous à présent de seconder mes intentions par tous vos moyens savoir : 1° d’augmenter la troupe de ligne de ce que vous aurez de braves gens parmi la garde nationale et les possédants ; 2° d’engager les syndics et les curés à donner de bons renseignements et à découvrir la retraite des brigands ; 3° d’indiquer aux commandants des détachements la meilleure direction en leur donnant des guides surs ; 4° de faire garder et visiter toutes les barques qui sont sur les rivières et les canaux afin que les brigands ne puissent s’échapper. 5° de faire mettre en mouvement la garde nationale dans les cantons des montagnes et faire arrêter tout ce qui serait reconnu être étrangers aux communes de ces cantons.
Le commandant ayant ordre de faire conduire à Imola tous les individus qui seront arrêtés, vous aurez M. le Vice-préfet, à les faire connaitre et ceux qui seront reconnus dans leur commune comme d’honnêtes gens pourront être par vous mis en liberté, sous votre responsabilité.
Je dois vous prévenir que la force armée du Rubicon surveillera ce … dans tout le cours du Senio, et que j’ai chargé le commandant militaire d’envoyer à Imola toutes les personnes qui seraient arrêtées en voulant passer dans ce département. Vous aurez les mêmes mesures à prendre envers les … que pour ceux indiqués ci-dessus par l’instruction qui vous a été communiquée, vous verrez que les troupes doivent recevoir demi-livre de viande et une ration de vin en gratification et délivrés sur des bons en règle dans les communes que vous indiquerez.
J’espère obtenir que le gouvernement en tiendra compte, vous devez donner vos ordres en conséquence ; sans cette mesure le soldat ne pourrait soutenir la fatigue à laquelle il va se mettre et il en résulterait nécessairement des désordres et des vexations pour les habitants, que je veux éviter, et que j’ai défendu très expressément. Comme les troupes resteront plusieurs jours en campagne, profitez de leur présence pour rétablir l’ordre, s’assurer si les communes ont des armes, qui leur ont été données, arrêter les conscrits déserteurs qui pourrait être cachés, et s’assurer de tous les individus étrangers qui seront dans les communes.
Dans le cas où des brigands seraient tués, dans les combats et dans la chasse qu’on va leur donner, il sera bon de les faire connaître de suite, en donner avis avec le nom, dans toutes les communes, afin de faire voir que le crime ne reste pas impuni, et forcer par ce moyen les malintentionnés à rentrer dans le … et le devoir, c’est le moment où les propriétaires, les syndicats, les curés et enfin tous les fonctionnaires doivent reprendre leur autorité pour ne plus la laisser échapper.
Persuadé M. le vice-préfet que vous concourrez de toute vos moyens à l’exécution des dispositions que je vous prescris, je vous prie encore de ne négliger aucun des moyens qui pourraient faire arriver au but que je me propose, et de les faire connaître au capitaine commandant qui agira en tout de concert avec vous" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 97 page 207).
S'en suit un ordre du Général de Division Grenier daté de Bologne le 8 mars 1810, adressé au 106e de Ligne : "Il est ordonné à un capitaine, 2 lieutenants ou sous-lieutenants, 4 sergents, 6 caporaux, 1 tambour et 112 fusiliers de partir aujourd’hui 8 mars pour se rendre à Imola. Chaque homme de ce détachement sera muni de 50 cartouches. Arrivé à Castel San Pietro, le capitaine commandant le détachement laissera un sergent, 1 caporal et 13 hommes pour renforcer le poste qui y est déjà établi dès ce moment. Le poste de Castel San Pietro se trouvera sous ses ordres. Les instructions du capitaine commandant sur la mission qui doit remplir réunies au présent ordre ne seront ouvertes qu’à Imola, chez le vice-préfet de ce district et en sa présence elles lui seront communiquées" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 97 page 208).
En parallèle, le Général de Division Grenier écrit, toujours le 8 mars 1810, depuis Bologne, au Colonel du 29e Régiment de Dragon à Modène : "Instructions.
L’objet de la mission du capitaine commandant le détachement du 106e régiment envoyé à Imola étant à la recherche des brigands qui ravagent la plaine de ce district, cet officier prendra près de M. le vice-préfet tous les renseignements qui pourront lui indiquer la marche des brigands, leurs habitudes et les lieux où ils se tiennent, il se concertera avec le vice-préfet sur les meilleures mesures à prendre pour arrêter et détruire le brigandage dans cette partie, en commençant ses opérations dès demain, afin de les faire commencer avec celle prises à Bologne et qui commenceront le 10 ; il serait à désirer que les détachements soient renforcée par la garde nationale ; le 9 au matin tous les ponts sur la grande route entre Castel San Pietro et Imola, et tous les passages qui conduisent vers la plaine et vers la montagne devront être soigneusement gardés et conformément battus par des patrouilles de nuit et du jour afin d’empêcher que les brigands poursuivis dans la plaine ne puissent gagner la montagne. L’officier et 25 hommes, avec 40 ou 50 hommes de la garde nationale doivent suffire pour ce débouché ; les postes correspondront continuellement avec Imola et Castel San Pietro dont le détachement établira deux postes sur Le Sillaro, l’un sur la route qui de ce ruisseau fuit la … de la Sanlarra ( ?) et l’autre à l’embouchure de la Sellustra dans le Sillaro sur la route de Dozza ; les postes pourront être de 12 à 15 hommes dont moitié garde nationale ; aussitôt que les différents postes seront établies, ils recevront pour consigne d’arrêter tout individu venant des vallées et des directions du Pô, les vagabonds, gens suspects et homme déguisés en prêtre, femmes, juifs, ou bouchers, marchands de volaille ou supposés tels pécheurs et autres ; ils seront poursuivis et feront feu sur ceux qui chercheront à fuir, jusqu’à ce qu’ils les aient atteints ; tous ceux qui seront arrêtés seront conduits et gardés avec soin dans les communes les plus voisines et quand ils seront au nombre de 10 à 12, ils seront transférés à Imola chez M. le vice-préfet où ils pourront se faire réclamer par leurs communes et de leur autorités respectives, et après avoir été reconnus par M. le vice-préfet comme non suspects de brigandage ou d’autres délits, ils pourront être mis en liberté mais sur responsabilité.
Le 9 un officier et 20 hommes avec autant de plus de garde nationale se dirigera sur Bagnara en même temps que le capitaine se portera sur Modène avec le gros de sa troupe, faisant marcher sur sa gauche et dans la direction de Centa Luppo ( ?) un sous-officier intelligent avec 10 hommes et au moins 15 de la garde nationale, laissant à Imola son tambour et les hommes les plus faibles ; en partant d’Imola dans les différentes directions, tous les chemins, sentiers, canaux, enfin toutes les communication devront être balayés, toutes les maisons et cassines isolées visitées et fouillé, les propriétaires et les bons citoyens à s’armer pour poursuivre les brigands, et si on les rencontre les attaquer avec vigueur et à la baïonnette sans s’amuser à la fusillade qui fait perdre trop de temps et blesse des braves soldats inutilement. Les détachements suivront d’ailleurs pour les hommes non armés qu’ils rencontreront les dispositions ordonnées pour les postes fixes établis entre Castel San Pietro et Imola, d’autant plus que l’usage des brigands et de jeter leurs armes quand ils sont poursuivis et de joindre des travailleurs à la campagne ; les guides que donnera M. le vice-préfet et la guerre nationale qui marchera avec les détachements doivent connaître les brigands et leur allure et par suite contribuer à les faire prendre ou à les détruire.
Les détachements en marchant dans les différentes directions se tiendront militairement et seront toujours à même de se secourir ; toutes les fois qu’ils entendront des coups de fusil, ils enverront de petits pelotons dans la direction des feux, tâcheront d’arriver sur les derrière des brigands et de les envelopper, si les brigands se retirent dans une maison, elle devra être cernée avec soin et attaquée de manière à ce qu’ils ne puissent s’en échapper personne ; à la nuit, les détachement feront établir des postes et se garderont de toute surprise en faisant de fréquentes patrouilles de l’un à l’autre et en gardant tous les chemins et sentiers ; le détachement qui sera sur Centaluppo ( ?) duquel ce rapprochement envers un petit du Gne ( ?) du capitaine après s’être bien assuré qu’il n’a pas laissé de brigands derrière lui s’établir à l’embranchement des chemins qui viennent de Castel Gaitto ( ?) et observera le passage du Sillaro.
Le lendemain 10, l’officiers envoyé par Bagnara, continuera sa marche en descendant le Sanlerno ( ?), prendra des renseignements à Sainte-Agathe et toutes les précautions indiquées pour le 9 afin d’atteindre les brigands et de les détruire ; il laissera un bon poste à Sainte-Agathe, continuera de défendre le Senterno ( ?) et le Sisco, il passera le premier ruisseau et viendra s’établir à La Vervola vis-à-vis Bassia ( ?) à l’embouchure du Zaniolo ( ?) dans le Ca de Princaro ( ?).
Le capitaine se portera en même temps sur Massa Lombarda, faisant éclairer par sa droite la rive gauche du Santevao ( ?) afin de rester en communication avec le parti de Bagnana ; il se portera ensuite par le chemin du Navlo ( ?) su la Corvalno ( ?) et se trouvera ainsi à hauteur de Lavervola ( ?).
Pendant cette marche, le détachement de gauche battra le pays entre le Sillaro et le Corvalia ( ?), et sur le soir prendra poste à La Dello ( ?), gardant le pont des s’emparant des barques qui se trouvent sur le Sillaro dans les environs.
Il est possible que la marche des brigands et les moyens qu’ils ont de se cacher nécessitent d’autres dispositions ; le capitaine prendra à cet égard avec le vice-préfet, son objet étant de détruire les brigands dans la plaine de ces districts et d’empêcher que des brigands se jettent dans les montagnes, et de ce moment elles recevront l’ordre d’arrêter tout individu qui se présenteront sans passeport, les vagabonds, gens suspects, hommes déguisés en femmes ou en prêtres, juifs, bouchers, marchands de volailles ou supposés tels, pêcheurs et les individus arrêtés seront conduits et escortés avec soin dans les communes les plus voisines jusqu’à ce qu’ils aient été réclamés et reconnus par les autorités de leur commune respective ; ceux qui se diront appartenir au département du Reno seront conduits sous bonne garde à M. le vice-préfet du Cento pour la partie basse du Panaro et Funo, la partie supérieure aux podestats ou aux syndics de Castel Franco qui après les avoir reconnus ou fait connaître par l’autorité de droit pourront les faire remettre en liberté sous leur responsabilité.
La colonne mobile ne devant rentrer qu’après avoir arrêté et détruit les brigandages, les postes et patrouilles qui seront établis sur les confins du département du Panaro devront être maintenus de jours et de nuit dans la plus grande surveillance jusqu’au moment où je vous préviendrai que je fais rentrer la colonne mobile.
Outre ces dispositions pour les confins du département du Panaro, vous garderez soigneusement encore tous les lieux sur la grande route de Modène jusqu’à Castel Franco et faire des patrouilles fréquentes pour arrêter les brigands ou gens sans aveux qui chercheraient à gagner les montagnes ; je pense que 50 hommes des dragons suffiront encore pour ce service, n’ayant pas affecté de troupes dans le département du Reno et ayant comme de points important le village de Crevalcone, Nonantola et Panzano, vous enverrez le 9 après-midi et afin qu’ils rejoignent que le soir dans chacun de ces endroits un détachement de 30 dragons dont 10 à cheval et 20 à pied, chaque détachement commandé par un officier, un maréchal des logis et deux brigadiers. Les commandants des détachements en arrière prendront des renseignements précis sur les lieux, où se tiennent les brigands, iront sur leur trace et occuperont tous les passages qui conduisent aux Panaro d’une part, vers Canto et Fiscate d’une autre et enfin vers San Gionetta et Castel Franco ; ils feront des patrouilles continuelles et communiqueront avec les troupes d’infanterie qui se trouvent sur ces différents points ; si les patrouilles entendent des coups de fusil, elles feront parvenir de suite le gros du détachement où se tiendra l’officier et se dirigeront vers le point où ils auront entendu des coups de fusil, arrêteront les individus qui paraîtraient vouloir fuir et combattre ceux qui seraient armés et qui opposeraient quelque défense au lieu de se laisser arrêter ; les détachements devront en conséquence avoir leurs armes en état et être munis de cartouches ainsi que toute les troupes qui forment la ….
Lorsque les colonnes mobiles rentreront, les détachements recevront également l’ordre de rentrer.
Je désire que les troupes en détachement et … le colonne ( ?) reçoivent chaque jour dans les villages demi-livre de viande et une ration de vin en gratification sur des bons en règle que je ferai valoir près du gouvernement et dont le montant sera remboursé ; au moyen de ce, les troupes vivront dans la plus grande discipline et je punirai sévèrement celles qui molesteront les habitants paisibles ; communiquez ce paragraphe au préfet, n’en ayant pas parler dans la lettre que j’eue l’honneur de lui écrire.
Par suite de ces dispositions, vous aurez M. le colonel, environ 200 hommes en campagne pendant 7 ou 8 jours, mais il vaut mieux fatiguer pendant 8 jours que de l’être continuellement.
Il est bon aussi que dans les communes, les citoyens honnêtes soient invités à concourir à cette opération qui tend à leur profit.
Qu’ils accuseront à ce que déterminera le préfet, je me charge de ceux du Reno" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 98 page 209).
Encore le 8 mars 1810, le Général de Division Grenier ordonne aussi, depuis Bologne : "Demain 9 mars à midi précis, il partira de Bologne des détachements pour être établis dans la journée aux postes ci-après.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à San Lazaro par la porte Maggiore.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Castenaso par la porte St Vitale.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Quarto Inferiore par la porte St Donato.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Cadriano par là-même porte.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Molici Novi ( ?) par la porte Galliera.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Castagnolo Minore même porte.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Trebbo par la porte Lame.
1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 fusiliers à Macunas ( ?) par même porte.
Total 8 officiers, 16 sergents, 24 caporaux et 160 fusiliers.
Les commandants de détachements, en arrivant à leur destination, feront occuper et garder soigneusement tous les débouchés qui conduisent à leur poste respectif, reconnaîtront toute les … et communications qui conduisent aux postes voisins établis des patrouilles et entre chaque et seront continuellement en relation entre eux de manière à ce que dès le 9 au soir, tout individu sans passeport, homme suspecté venant des vallées et de directions du Pô, les vagabonds, gens déguisés en prêtres ou en juifs, bouchers, marchands de volailles, ou supposés tels, pêcheurs et autres qui voudraient passer à leur poste ou entre leurs postes soient arrêtés ; ils poursuivront et feront feu sur ceux qui chercheraient à fuir jusqu’à ce qu’ils les aient atteints ; tout ceux qui seront arrêtés seront conduits dans les communes les plus voisines et transférés, lorsqu’ils seront au nombre de 10 ou 12, à la préfecture à Bologne où ils pourront être réclamés de leur commune et de leurs autorités respectives.
Comme il est probable que dans le nombre de ceux qui seront arrêtés, il se trouve des brigands qui auraient cherché à se soustraire aux poursuites dirigées contre eux sur d’autres points, il faudra les conduire avec précaution afin qu’ils ne s’échappent, particulièrement ceux qui au moment de se voir arrêtés, ont cherché à fuir auprès de marais et sentiers détournés, il conviendra même de les faire lier avec des cordes pour plus de sûreté.
Les postes de San … étant sur la grande route d’Imola s’établira en relation avec celui de San Nicolò qui sera renforcé, ces deux postes feront de fréquentes patrouilles entre eux et s’assureront que personne ne passe la grande route pour se jeter dans la montagne. Le poste de San Nicolò établira en conséquence un poste intermédiaire qui poussera des patrouilles sur la Centona à la Chiesa Paderna, en même temps le poste de San Nicolò établira encore un poste intermédiaire entre lui et celui de Castel San Pietro qui doit être renforcé par les détachements d’Imola, les postes entre eux devront être en communication permanente et éclairer fréquemment les rives du … et tous les chemins qui viennent aboutir à la grande route entre San Nicolò et Castel San Pietro, et enfin d’obtenir un résultat, les renforts de ces postes partiront de Bologne demain à la pointe du jour dans le nombre et la force qui sera indiquée, de Castel dei Britti recevront des communications de San Lazzaro et San Nicolò et de Castel San Pietro. Il y sera également établi un poste qui fera des patrouilles fréquentes dans les différentes directions et dans celle de Dozza pour arrêter toute personne qui viendrait de la grande route malgré la surveillance des postes qui seront établis ; les commandants des postes inviteront les syndics des communes voisines à mettre sous les armes la garde nationale sur laquelle on pourra compter et doubleront ainsi le nombre d’hommes de chaque poste ; il leur demanderont aussi les renseignements les plus précis sur la communication et la nature des passages, afin de pouvoir exercer la plus grande surveillance.
Chaque commandant de poste recevra une instruction de tout ce qui est détaillé dans la présente par les soins d’un chef de patrouille du 106e régiment qui sera désigné par le colonel, qui aura la surveillance supérieure de tous les postes depuis Castel San Pietro exclusivement. Si cette distance était trop forte, le colonel désignerait un capitaine pour la surveillance des trois derniers postes de gauche.
Les instructions qui seront données aux officiers commandants les postes seront cachetées et ne seront ouvertes que lorsqu’ils seront arrivés à leur destination. On fera observer aux commandants des postes de Trebbo et de Malcossa ( ?) qu’ils ont à surveiller le passage du Reno, d’autant plus qu’il existe entre les deux points plusieurs gens que les brigands ont l’habitude de fréquenter ; pour aller à Anzola et San Giovanni ou pour en revenir entre les postes, il est nécessaire encore d’en établir sur la grande route de Modène et de renforcer ceux qui y sont déjà ; en conséquence un officier et 30 hommes seront envoyés à Castel Franco, un officier et 20 hommes à Sanggina à la …, un officier et 25 hommes à Anzola pour garder le pont du Lavano ( ?) sur la grande route, un officier et 50 hommes à Moliero ( ?) sur le pont du Reno, ces postes feront par sa droite une relation immédiate avec celui de Musuppa ( ?) et détacher à sa gauche un poste de 25 hommes à Zaloga ( ?) sur le pont de Lavico ( ?), chemin qui conduit à Bazzano, ayant 10 hommes à ses Cezdole ( ?) pour la garde du pont sur Reno ; sur la même route tous les postes correspondront entre eux de manière à ce que personne ne puisse venir des directions de Cento, de San Giovanni, de Sala, de Lonzuza ( ?), Sanvozo ( ?) et enfin toutes les directions du Pô pour traverser la grande route et se diriger vers les montagnes.
Les instructions pour les postes seront les mêmes que pour ceux aux environs de Bologne et sur la route d’Imola. La seule différence est que les patrouilles et reconnaissances se dirigent de différents postes vers Sala, Saverna ( ?) et Caldevan ( ?) pour les postes de Reno et d’Anzola, pour ceux de Sanggia ( ?), Castelonlo ( ?) et enfin ceux de Castel Franco vers Manzolino et San Giovanni, le canal dit Mazuza ( ?) et vers Pasano ( ?) où on trouvera un poste de Zoloya ( ?) sur la gauche avec un poste qui doit être à Spilamberto sur le Panaro, il détachera un poste à Piumazzo pour être en relation avec Castel Franco et observer la route entre la Samoggia et le Panaro de Bazzano ; il fera parcourir tous les chemins qui viennent de la grande route se trouvant entre la Samoggia et le Reno.
Les hommes qui seront arrêtés entre Castel Franco et Samoggia seront conduits à Castel Franco au podestat et ceux entre Samoggia et Bologne à la préfecture ; on agira à leur égard comme il est dit d’autre part pour les postes sur la route d’Imola et en avant de Bologne" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 100 page 215).
Le 9 mars 1810, le Général de Division Grenier adresse, depuis Bologne, ses instructions pour le commandant de la Gendarmerie chargé de la direction des colonnes mobiles : "La nuit du 9 au 10 de ce mois, il sera formé quatre colonnes mobiles, chacune composée de 10 gendarmes dont 4 à cheval, 2 ou 3 gardes … quelques employés des finances s’il y en a, et de 3 sergents, 6 caporaux, et 40 hommes d’élite du 106e régiment. Chaque colonne sera commandée par un officier de gendarmerie qui sera secondé par un officier de grenadiers ou de voltigeurs du 106e régiment.
Le 10 à 2 heures du matin, les colonnes sortiront de la ville, la première commandée par M. … se dirigera par San Lazaro sur Castel Guelfo, elle observera de marcher immédiatement, s’éclairant à droite et à gauche, fouilleront toutes les cassines, les maisons isolées et prenant des renseignements chez le syndic, propriétaires et le curé sur les repères des brigands et les lieux où il serait possible de les rencontrer. Le commandant de cette colonne agira suivant la nature des renseignements qui lui auront été donnés, si dans cette direction ou dans le voisinage, il y avait des brigands, il ferait toutes les dispositions et les attaquerait de suite vivement, son objet étant de les détruire, il continuera sa route sur Castel Guelfo et détachera au passage de la Ventola une petite colonne de 25 ou 20 hommes sur les Medicina ; les deux colonnes continueront les marches avec les précautions indiquées afin de ne pas laisser passer de brigands en arrière des colonnes.
La colonne mobile arrivé à Castel Guelfo, le commandant ira aux renseignements et laissera reposer les troupes quelques heures ; il marchera ensuite sur plusieurs colonnes et …, conservant néanmoins au centre la moitié de ses forces pour se porter où besoin sera ; il fera éclairer le Villano et s’informera ainsi des détachements venant d’Imola dirigés sur le ruisseau et sur le Carrachio … il tâchera de faire aux commandants de ces détachements qu’il est en marche afin que ceux-ci poussent vigoureusement les brigands qui pourraient être entre ce … et San Carrichio, et suivant sa marche après s’être assuré qu’il ne reste plus de brigands dans les lieux de Castel San Pietro.
Il se dirigera toujours avec les mêmes précautions vers la vallée de San Nicolò d’Argenta faisant porter par sa droite la partie du canton de Lago qui se trouve entre le Salero et le Zamok.
Il est encore prévenu qu’un détachement du 106e régiment envoyé à Imola doit arriver dans la journée de demain 10 à Larussala ; il s’assurera de son arrivée dans la journée de demain et se mettra en communication avec lui et gardera les passages de la Goverena et de Saponino qui conduisent à San Giacomo d’Argenta et Pô et au pont du Pô du Primone dont il s’emparera et fera garder les barques si déjà elle ne le sont pas de détachements de la force armée du Bas Pô, cette colonne s’arrêtera dans les maisons de San Nicolò d’Argenta, à moins qu’elle ne soit engagée avec les brigands et que dans ce cas on ne devra pas perdre de vue et toujours poursuivre. Le commandant de cette colonne devra faire garder encore le passage de la Gardena aux chemins qui vont de Lenazzo à Porto-Nova.
La seconde colonne commandée par M. … se mettra en mouvement immédiatement après la première et se dirigera sur Budrio suivant les mêmes précautions indiquées pour la marche de la première colonne, … de Castel … le commandant détachera une colonne de 12 à 15 hommes qui fera suivre la route qui conduit à Medicina ; arrivée au pont de Guiana, cette petite colonne descendra le ruisseau en suivant le chemin de la … après avoir fait halte une … d’heures à Santa Maria Ingarda à hauteur de Budrio, de manière être en marche en même temps que la première colonne arrivée au pont de Villa Fontana sur la que ordonna, il sera alpes et se mettra en relation avec le poste de la première colonne qui fera place au chemin qui vient de Porto-Nova au passage de la Quaderna.
Le commandant de la seconde colonne arrêtera le gros de ses troupes Vedrana après s’être assuré de n’avoir pas laissé de brigands derrière lui.
La troisième colonne commandée par M. … partira de Bologne immédiatement après la seconde colonne, marchera avec les précautions indiquées pour la première afin de ne pas laisser de brigands derrière lui, il s’arrêtera à Cupo d’Argine et se mettra en relation avec la seconde colonne et enverra des reconnaissances le long de la digue et du côté de Ventivollio qui devra se trouver gardé par un détachement de San Giorgio.
Les brigands qui seront tués dans les combats devront être de suite reconnus par les autorités les plus voisines" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 102 page 218).
Le 9 mars 1810 encore, le Général de Division Grenier ordonne au 106e Régiment, depuis Bologne : "Il est ordonné à un détachement du 106e régiment composé d’un capitaine, 3 lieutenants ou sous-lieutenant, 6 sergents, 10 caporaux et 120 fusiliers de partir aujourd’hui 9 mars de Bologne pour aller tenir garnison à Budrio, Medicina, Minerbio et Malalbergo dans les proportions ci-après. Le capitaine commandant avec 4 sergents, 2 caporaux et 30 fusiliers à Budrio. A Medicina, 1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 30 fusiliers. A Minerbio, 1 officier, 1 sergent, 3 caporaux et 30 fusiliers. A Malalbergo 1 officier, 2 sergents, 2 caporaux et 30 fusiliers. Chaque homme de ce détachement sera muni de 50 cartouches. Le capitaine commandant décachettera les instructions ci-jointes à son arrivée à Budrio en présence du délégué du préfet au du podestat en lui donnant communication ; il enverra de suite à tous ses postes les instructions, basées sur celles qu’il a reçu pour lui, afin que dès cette nuit, les dispositions en soient rigoureusement suivies.
Il est ordonné à un détachement du 106e régiment composé de 2 capitaines, 7 lieutenants ou sous-lieutenants, 16 sergents, 25 caporaux et 293 fusiliers de partir aujourd’hui 9 mars pour aller tenir garnison à Cento et San Giovanni. Le capitaine commandant de ce détachement s’établira à Cento et le moins entier à San Giovanni et pour éviter une seconde colonne, on dirigera en partant de Bologne de suite les troupes qui doivent rester à San Giovanni et environ dans les proportions ci-après.
A Vitale 1 officier, 1 sergent, 1 caporal et 16 fusiliers.
Longana 1 officier, 2 caporaux, et 20 fusiliers.
A Convento, 1 sergent, 1 caporal et 12 fusiliers. Ces trois postes pour la surveillance de l’affaire
A Martigna ( ?) et Sanono ( ?) 1 officier, 2 serent, 3 caporaux et 35 fusiliers.
A Bartola ( ?) et Caslayola ( ?), 1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 30 fusiliers.
A San Gionai ( ?) et Rela ( ?) 1 officier, 1 sergent, 3 caporaux et 30 fusiliers.
L’officier capitaine à Saint Giovanni ayant la surveillance de tous les postes rendant compte au capitaine de Cento ; les autres postes feront occuper la rive au restant du détachement, à Cento où le chef du bataillon commande détachera les instructions jointes au présent ordre en présence du M. le vice-préfet de Cento, à 9 heures en donnera communication après quoi le dit capitaine enverra une instruction basée sur celle qu’il a reçu à chaque commandant de poste et qui devra parvenir à tous les postes dans la nuit.
Chaque soldat et sous-officier sera muni de 50 cartouches.
L’instruction pour le chef de bataillon du 106e régiment commandant les détachements du Cento et de San Giovanni, décachettera en présence de M. le vice-préfet du Cento, l’objet de la mission du chef de bataillon commandant de Cento et de Gioani étant établi sur le point de la ligne qui va lui être déterminé, une chaine de postes et de patrouilles qui se mettent en même d’arrêter les brigands poursuivis par les colonnes mobiles chercheront à s’enfuir dans la direction du Pô d’une part, et dans celle du Panaro route de Bologne à Modène dont ils pourraient facilement gagner les montagne, faire venir des détachements dans les lieux ci-après à San Vitale, Langona et Bonlovento. Trois postes d’officiers à Longona : 1 officier, 2 sergents, 4 caporaux et 48 soldats à Martignone et Saverno, l’officier à Savorno ; 1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 35 fusiliers à San Barlato et Castagnola, l’officier à Castagnola ; 1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 30 soldats à San Gionni et Sala, l’officier à San Giovanni ; 1 officier, 1 sergent, 3 caporaux et 30 fusiliers à Prial de Cento, Angile et San Giorgio. L’officier à San Giovae détachera un poste de 12 hommes à Benticoglio. 1 officier, 3 sergents, 4 caporaux et 50 soldats à Massemalie et Sant Pietre in Casale. 1 officier, 2 sergents, 2 caporaux et 30 soldats à la … de Galiza et sur le pont du Reno qui conduit à San Augastino et dans la direction de Terrarre à Casa San Vescazo, à Casa San Proffero et à San Vincenzo, 2 officiers, 4 sergents, 6 caporaux et 70 soldats.
8 officiers, 16 sergents, 25 caporaux et 293 soldats.
Le commandant du détachement gardera près de lui 1 sergent, 2 caporaux et 12 hommes, une ordonnance de chaque poste destinée pour être envoyé où besoin sera, aussitôt que les postes seront établis toutes les communications seront reconnus, les chemins, sentiers, canaux, ponts et barques gardés afin que personne ne puisse passer.
Il est ordonné à un détachement du 106e régiment composé d’un officier, 2 sergents, 3 caporaux, 1 tambour et 20 fusiliers de partir sur le champ pour se rendre à Guiglia Ce… di Montetortore, passant par Bassana … il s’établira dans la commune de Guiglia et la protègera de concert avec la garde nationale contre les attaques des brigands qu’il poursuivra et détruira s’ils se présentant, chaque homme aura 50 cartouches" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 105 page 224).
Toujours le 9 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Commandant de la Gendarmerie : "Je fais partir à l’instant 1 officier et 25 hommes pour Guglio" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 105 page 226).
Le 9 mars 1810, le Général de Division Grenier adresse, depuis Bologne, ses instructions pour le Capitaine commandant le détachement de Budrio : "La mission du Capitaine commandant le détachement de Budrio ayant pour but d’empêcher au moyen d’une chaine de poste qui sera établie depuis Castel Guelfo passant à Medicina et Budrio jusqu’à la grande route de Malalbergo à Bologne que les brigands qui pourraient se trouver dans les vallées du Pô et … ce fleuve et Budrio et Medicina, ne remontent les torrent et … pour traverser la grande route d’Imola à Bologne et ensuite gagner les cantons des montagnes.
Il établira en conséquence et comme le porte son ordre 1 officier, 2 sergents, 3 caporaux et 30 fusiliers à Medicina dont l’officier détachera 1 sergent et 11 hommes à Castel Guelfo, de concert avec le délégué politique de Budrio ; il augmentera ce poste d’un pareil nombre d’hommes choisi de la garde nationale et de plus, s’il est possible il en fera autant à Minerbio, Budrio et environs de Malalbergo, en faisant connaitre aux propriétaires et syndics et aux curés, à tous les gens bien intentionnés, que le brigandage doit cesser, que le général a ordonné que les troupes ne rentreront que lorsque tous les brigands seraient détruits ou arrêtés, et l’ordre rétabli, qu’il est de leur intérêt de donner des renseignements exacts sur les repaires des brigands, leur nombre, leurs chefs, et leurs habitudes, en suite faire connaitre que dès cette nuit, des colonnes mobiles composées de troupes d’élite, se mettront en mouvement pour poursuivre les brigands, les attaquer, les détruire partout où elles les rencontreront et que la … de bon détachement, est pour ainsi dire à poste fixe, pour arrêter les brigands qui chercheraient à s’enfuir ou à se soustraire aux poursuites dirigées contre eux, devant aussi au besoin renforcer les colonnes mobiles dans le cas où elles rencontreraient les brigands dans les environs de ces postes.
Le commandant du détachement est prévenu qu’il y a un poste du même régiment d’un officier et 20 hommes à Malalbergo, un autre à Sant Martino in Argine 1 officier 24 fusiliers, et un 3e à Capo d’Argine sur la route de Malalbergo, que ces différents postes se trouvent sous ses ordres, il en fera prévenir les commandant afin qu’ils se mettent en relation avec lui et lui adressent les rapports. Le poste de Malalbergo, par la réunion des deux détachements, se trouvant fort de 55 hommes ont pour objet de garder le pont de Malalbergo et le passage, il sera prévenu qu’il y a un fort poste à San Vincenzo avec lequel il devra communiquer par des patrouilles, et surveillera également tous le cours du Reno en descendant ; et enverra un fort poste occuper les deux ponts qui se trouvent sur le Reno, en y allant de Minerbio vers Maddalena et Stroggetto ( ?) ; le poste de Minerbio communiquera sur ce point par de fréquentes patrouilles et se mettra aussi en relation avec le poste de San Martin in Argine afin de connaitre tous les mouvements que pourraient faire les brigands dans cette partie, et en donner avis aux colonnes mobiles afin qu’ils soient attaqués et détruits, le poste de Minerbio se mettra en relation également avec celui de Budrio d’une part, et Malalbergo de l’autre. Comme il devra surveiller la digue qui couvre le chemin qui traverse cette route pour aller à Bentivoglio, les postes de Budrio et de Capo d’Argine devront aussi être envoyés dans cette partie, et dans la même direction, d’autant plus que le chemin et très fréquenté des brigands, les postes en patrouilles, auront pour ordre général d’arrêter tout individu sans passeport, vagabonds, gens suspects, hommes déguisés en femmes, prêtres, bouchers marchands de volailles, juifs, pécheurs et autres, ils poursuivront et feront feu sur ceux qui chercheront à fuir, jusqu’à ce qu’ils les aient atteint, feront conduire ceux qui seront arrêtés dans les communes les plus voisines, soit à Minerbio, ou à Budrio, au délégué politique de la préfecture qui les fera reconnaitre par les communes et les autorités dont ils se réclament, et pourra les mettre en liberté, sous sa responsabilité. Comme les brigands ont l’habitude de jeter leurs armes lorsqu’ils sont poursuivis, il est probable qu’il s’en trouvera parmi les individus qui seront arrêtés, ils devront en conséquence toujours être conduits, sous bonne garde, et même liés, lorsqu’ils auront cherché à fuir, au moment de se voir arrêtés ; les postes ont encore pour règle général, s’ils entendent des coups de fusils, d’envoyer des patrouilles dans la direction des feux si ceux qui les commandent sont à portée ; ils doivent chercher à envelopper les brigands ou les attirer dans leur poste ; on évitera avec eux toute longue fusillade, pour ne pas perdre du temps, les troupes doivent courir sur les brigands à coup de baïonnette.
Les troupes seront prévenues qu’elles ne rentreront en garnison que lorsque les brigands seront détruits ; que pour éviter de plus longues fatigues, chacun doit y apporter le zèle qu’attend le général et servir avec autant de bienveillance que de force et d’énergie.
Les troupes auront en gratification une ½ de viande et une ration de vin par jour dans les communes que le délégué de la préfecture désignera, les distributions se feront sur des bons en règle au moyen de ce, la plus sévère discipline sera observée avec les habitants tranquilles ; le général punirait très sévèrement celui qui contreviendrait à cet ordre. Le commandant rendra compte tous les jours au général de ce qu’il apprendra d’intéressant" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 105 page 226).
Le 9 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel du 106e Régiment, à Bologne : "Je vous préviens, M. le colonel, que les colonnes mobiles, composées chacune de 1 officier, 3 sergents, 6 caporaux et 40 fusiliers de votre régiment, sortiront de la ville en suivant plusieurs directions, à 2 heures du matin. Les 3 premières colonnes, commandées par des officiers de gendarmes que les votre devront seconder de tout leurs moyens, la 4e colonne devra avoir deux officiers de votre régiment dont l’un commandera la colonne, le maréchal des logis de gendarmerie qui sera attaché à cette colonne est, dit-on, très intelligent et connait parfaitement le pays.
Faites, je vous prie, connaitre mes intentions à vos officiers, dites que j’attends la destruction des brigands de leur zèle et de leur énergie que je les prie de communiquer aux braves gens qu’ils commandent" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 108 page 229).
Le 10 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit au Colonel du 106e Régiment, à Bologne : "Ci-joint, vous trouverez M. le colonel, l’instruction pour le chef de bataillon commandant les détachements de Cento et de San Giovanni, avec une lettre pour M. le vice-préfet de …
Je ferai encore l’instruction pour le capitaine commandant les détachements de Budrio, Minerbio, Medicina, et Malalbergo. Les ordres de mouvement ont été déjà remis.
Cette nuit à une heure partiront les colonnes mobiles ; vous en recevrez l’ordre dans la journée" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 115 page 244).
Le 12 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit aussi, depuis Bologne, au Chef d’Escadron Bortolli, commandant la Gendarmerie, à Bologne : "D’après différents rapports qui me sont parvenus, et l’augmentation que vous avez reçue, M. le commandant, d’un assez grand nombre de gendarmes, il sera nécessaire de poursuivre par des nouvelles colonnes mobiles les brigands qui paraissent s’être retirés dans la montagne pour rejoindre ceux qui y existaient déjà. Je pense donc qu’il conviendra de doubler les 4 colonnes qui dans ce moment parcourent la plaine, et d’en former 9 ainsi composées : 1 officier de gendarmerie (ou à défaut 1 officier de ligne), de huit gendarmes, y compris 1 maréchal-des-logis ou brigadier, 1 sergent, 3caporaux. Quelques colonnes se trouveront avec 2 sergents, d’autres avec 4 caporaux et 16 grenadiers ou voltigeurs. Ce qui composera chaque colonne de 30 hommes, non compris l’officier et les guides ; de ses 9 colonnes, 4 devront rester dans la plaine et tenir la même direction que les 4 premières en battant constamment toute la partie du département du Reno qui se trouve entre le Senio et le Panaro d’une part, et de l’autre depuis le Reno et le Pô di Primaro jusqu’à la grande route depuis Imola à Bologne, et de Bologne à Modène. Il importe que le doublement des colonnes se fasse de manière à ce que les habitants de la plaine de s’en aperçoivent pas, et que les colonnes qui seront dirigées vers la montagne, ne quittent la plaine que de nuit, afin que les brigands ne puissent être prévenus de leur marche.
Je pense qu’une colonne devrait être dirigée de Castel San Pietro par la rive droite du Sillaro, en remontant cette rivière et marchant sur Sassoleone, Castel del Rio, pour attaquer les brigands qui se trouvent dans cette partie, et qui ont assailli les douanes de Brancasdoli et de Doccia. Deux autres colonnes seront dirigées vers le Monte Armato, l’une par la route de Castel de Britti, l’autre par les routes qui conduisent de San Nicolò sur Vedriano, direction que paraît avoir tenu Baschieri et sa bande, la 4e colonne sera dirigée par Pianoro ensuite le chemin de Monterenzio, et enveloppera de cette manière les brigands qui se trouveraient dans les cantons de Castel San Pietro, Loyano ( ?), Fontana, attendu qu’il importe de ne pas laisser pénétrer les brigands dans les cantons du Sasso, Vergato, Castiglione, d’où ils pourront se réunir à ceux qui sont dans les cantons de Montetortore et de la Porretta. La cinquième colonne devra arriver par les chemins les plus courts, dans les cantons de Montetortore, y poursuivre les brigands dans toute la direction, et partout où ils se retireront ; cette colonne se mettra en communication avec Vergato où il y a un poste du 106e régiment. Les colonnes devront avoir pour but essentiel de ne pas quitter les brigands une fois qu’ils les auront atteints et de les poursuivre toujours avec la plus grande vigueur. Elles se conformeront du reste à tout ce qui a été prescrit par les instructions données aux premières colonnes de la plaine. Ils ne rentreront que lorsqu’ils auront arrêté ou détruit les brigands. Vous voudrez bien M. le commandant, donner les instructions en conséquence et me tenir informé, deux fois par jour, des résultats de toutes les colonnes.
Je désire que les colonnes mobiles dépassent la grande route de Bologne à Imola, et entrent dans les montagnes la nuit du 13 au 14 du courant. Je vous préviens encore que je ferai partir d’Imola une compagnie d’élite de 50 hommes du 53e régiment, qui entrera dans le canton de Fontana, en prenant la direction de Riolo, et Grosignano, et continuera de mettre à cette colonne des guides ou au moins 2 gendarmes. Par l’ordre que j’ai donné que les troupes des colonnes mobiles recevront la gratification, une demi-livre de viande et une ration de vin pendant que pendant que l’on comprenne la gendarmerie et les guides puisque ce service entraine des fatigues extraordinaires" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 109 page 231).
Le 13 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Capitaine Grossetête, du 106e Régiment : "M. le capitaine Grossetête réunira son détachement au reçu du présent ordre et se dirigera sur castel san Pietro, où il recevra de nouvelles instructions de M. le chef de bataillon Maurie.
Il préviendra les communes par où il passera qu’il est remplacé dans le canton de Lugo par un détachement du 53ee régiment qui arrivera le 15 à Massa Lombarda ; il engagera les syndics et propriétaires de donner aux différents détachements des troupes de ligne à Imola, Castel San Pietro, les renseignements les plus prompts lorsqu’ils auront quelques avis de la marche des brigands" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 233).
Le 13 mars 1810, le Général de Division Grenier adresse, depuis Bologne, ses instructions au Commandant du Bataillon du 53e Régiment, à Imola : "Le chef de bataillon du 53e régiment, qui avec le 2e bataillon, doit tenir garnison à Imola, a pour objet de maintenir la tranquillité dans ce district et de purger les brigands et de les détruire partout où ils pourront se trouver. Il se concertera à cet effet avec le vice-préfet, afin de ne pas faire faire de marches inutiles à la troupe.
A son arrivée à Imola, il enverra le 15 à la pointe du jour une compagnie de fusiliers à Massa Lombarda dans le canton de Lugo. Le commandant de cette compagnie aura pour objet, de concert avec la garde nationale et la gendarmerie, de faire de fréquentes patrouilles dans le canton dans la direction de Conselice, de la Vezzola, et sur le Pô de Primaro.
Une autre compagnie ou détachement de fusiliers sera placé dans les environs du pont de la Silustra sur la grande route de Bologne à Imola, pour la garde de ce pont et des chemins environnants, qui conduisent d’une part à Cantalupo et de l’autre à Dozza. Le vice-préfet indiquera le village, où la compagnie qui ne devra pas être moins de 60 hommes sera établie. Il est probable que ce sera à l’une ou l’autre maison près du pont. Cette compagnie fera des patrouilles sur Cantalupo d’une part, et de l’autre sur Dozza, et se tiendra en relation avec le poste du 106e régiment établi à Castel Sans Pietro. Les deux autres compagnies de fusiliers et les compagnies de grenadiers tiendront garnison à Imola pour porter des détachements où besoin sera.
La compagnie de voltigeurs partira d’Imola le 15 avant le jour et marchera dans deux directions. La 1ère par Torrano, Croare, et Casale en remontant le Santerno par la rive gauche, et la 2e par Bergullo, Mazzolana et Riolo entre le Santerno et le Senio, sur Trossignano. Ces deux détachements ont pour but de poursuivre, attaquer et détruire les brigands dans le canton de Fontana, dans toutes les directions et partout où ils pourront se trouver ; dans les communes où il y aura de la garde nationale, elle sera invitée à marcher avec les détachements, et à indiquer les repères des brigands.
Les maisons et Cassines isolées seront fouillées et les armes prises et déposées sur reçu chez les syndics des communes, ainsi que les hommes qui seront arrêtés. L’établissement de cette compagnie sera à Fontana, chef-lieu du canton, ayant un officier avec 30 fusiliers au moins à Trosignano. Si cette compagnie rencontre des brigands, elle restera sur leur trace, les attaquera et poursuivra par tout le … la compagnie, sera prévenu que des troupes du 106e régiment seront le 15 vers Monteranzio. Il tâchera de se mettre en relation avec elle ; toutes les fois que deux détachements marcheront à la poursuite des brigands, ils ne devront pas être moins de 50 hommes afin d’être toujours supérieurs ou au moins égales aux brigands.
Les compagnies établies dans les lieux indiqués vivront de leur solde, de la masse d’ordinaire toutes les fois qu’elles ne marcheront pas contre les brigands, les hommes recevront dans les communes qui seront indiquées par le vice-préfet une demi-livre de viande et une ration de vin en gratification. Cette fourniture sera faite sur des bons en règle, au moyen de ce, les troupes observeront la plus grande discipline. Les commandants des détachements en seront personnellement responsables. Chaque homme sera fourni de 40 ou 50 cartouches. Le chef de bataillon devra recevoir tous les soirs les rapports de ses détachements pour me les faire parvenir de suite" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 233).
Le 14 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, à S. A. I. le Prince Eugène Napoléon, Vice-Roi d’Italie : "... Dans les différents petits combats qui ont eu lieu avec les brigands, le 106e régiment a eu plusieurs hommes tués, 1 officier et quelques hommes blessé. J’ai à me louer tout particulièrement de la garde nationale de Budrio et des détachement du 106e régiment qui, le 13, ont enveloppé Baschieri et sa bande" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 234).
Le même 14 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Chef d’état-major Vignolle, à Milan : "Ci-joint, mon cher général, un rapport à S. A. I. Veuillez, je vous prie, le mettre sous ses yeux et lui faire parvenir à Paris, si S. A. I. était déjà partie de Milan, comme on me l’annonce ici. Vous verrez par le rapport que j’ai gardé ici le 53e régiment en en détachant un bataillon à Imola. Cette disposition est nécessaire pour rendre la tranquilité à ce payx et il faudrait, comme je le mande à S. A. I. un autre régiment pour Reggio, Modène, La Mirandole et Cento, attendu que n’ayant pas de troupes sur ce point, les brigands poursuivis d’un département se réfugient dans un autre et exercent ainsi impunément leurs ravages. Je prie S. A. I. de prendre mes observations en très grande considération, attendu qu’après le 15 avril, lorsque la campagne sera couverte, il sera impossible de donner la chasse à ces coquins qui auront mille moyens de se cacher et tiendront encore la terreur dans le pays jusqu’à l’hiver prochain.
Je désire conserver le 53e régiment au moins jusqu’au 15 avril. Je vais envoyer un bataillon du 106e à Modène, en attendant que S. A. I. défère à ma demande en envoyant encore un régiment qui serait destiné pour Reggio, Modène, Cento et La Mirandola.
La prise et la mort du fameux Baschieri est assez intéressante pour avoir cru devoir faire connaitre à S. A. I. par le moyen d’une estafette extraordinaire" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 111 page 235).
S'en suit la lettre, suivante, datée de Bologne le 14 mars 1810, écrite par le Général de Division Grenier écrit : "Je m’empresse d’annoncer à Votre Excellence par estafette que l’assassin Baschieri a terminé le 13 au soir sa carrière, ainsi que ses fameux complices Zarri dit Baciulla et Patello, enveloppés par des détachements du 106e régiment et de la brave garde nationale de Budrio, ils ont vendu chèrement leurs vies. Le commandant du détachement a été blessé grièvement. Un sergent et un soldat mortellement blessés ; 1 capitaine de la garde nationale a été tué, un officier et plusieurs ont été blessés. J’espère, si je continue à être bien seconde, mettre bientôt fin aux brigandages" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 111 page 235).
Encore le 14 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, aux habitants du Reno : "Le crime ne reste jamais impuni. L’assassin Baschieri et ses fameux compagnons n’ont pu se soustraire aux poursuites dirigées contre eux. Ils n’existent plus. La brave garde nationale de Budrio et des détachements du 106e régiment en ont fait hier justice.
Bientôt quelques autres scélérats qui infectent encore ces contrées, éprouveront le même sort. Les colonnes mobiles ne rentreront qu’après leur entière destruction. Il appartient aux curés, aux syndics et aux habitants des communes d’y contribuer efficacement, tant en ne souffrant pas qu’il leur soit donné asile, qu’en indiquant leurs repaires aux colonnes mobiles qui les poursuivent. Je me ferai un devoir de faire connaitre à S. A. I. le Prince Vice-Roi du royaume ceux de ses fonctionnaires ou habitants qui auront rendu des services et bien mérité de leurs concitoyens ; mais je poursuivrai aussi avec la dernière vigueur et traduirai devant une commission militaire comme complice des brigands, ceux qui les aideront, qui leur donneront des moyens de subsistance, ou qui n’indiqueraient pas leurs retraites, lorsqu’ils en auront connaissance" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 239).
Le 15 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Préfet Bologne : "Désirant monsieur le préfet, que les prix accordés par le gouvernement par chaque tête de brigands, soient payés dans le plus court délai possible, afin d’encourager les troupes à poursuivre les autres bandits avec plus de vigueur encore, je vous prie d’ordonner que la somme des 6000 francs qui, comme vous m’avez fait l’honneur de me le dire, forment le montant des prix accordés pour les trois brigands, soient payés à la garde nationale de Budrio et l’autre moitiés … 3000 francs entre les mains du colonel du 106e régiment, monsieur Bertrand, pour être répartis par lui aux détachements de troupes de ligne qui y ont droit, je pense que c’est le seul moyen de contenter les uns et les autres" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 111 page 236).
Le 16 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Commandant Maurier (Maury ?) du 106e Régiment : "Votre rapport de ce jour, monsieur le commandant, qui devait m’être apporté par un paysan de Cristoforo, avec le paquet de cartouches en fer blanc et les 3 chapeaux, m’a été remis par un postillon de San Nicolò sans les objets ni les renseignements que le paysan aurait pu me donner. Tâchez de savoir si le poste de Castel Britti a vu les brigands cessant de diriger des colonnes contre eux. Il serait essentiel d’être bien informé de la direction qu’ils ont tenue, afin de ne pas faire courir trop inutilement ; tenez moi exactement informé de tout ce qui parviendra à votre connaissance" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 109 page 232).
Le même 16 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Commandant Vernai (Vernant ?), du 106e Régiment, à Cento : "D’après vos différents rapports, M. le commandant, ceux du vice-préfet, et du capitaine Gauthier, je juge que la bande de Gozza se trouve toujours les environs de Massumatico. Il convient de la débusquer et de la détruire s’il est possible. Pour cela, il vous faut réunir une partie de vos troupes de San Giovanni, Bonconvento, Longara et San Vitule, les diriger de manière à ce que vous formiez une chaine assez forte autour des repaires des brigands pour qu’ils ne puissent s’en échapper, et ensuite de les traquer comme des loups. J’ose croire que vous serez mieux secondé dans ce moment que dans le commencement, la mort de Baschieri et de plusieurs de ses compagnons doit donner du courage aux bons soldats et imprimer la terreur chez les méchants. Vous inviterez M. Gauthier à vous seconder de tous ses moyens" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 112 page 238).
Puis, encore le 16 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel du 106e Régiment : "Je vous préviens, M. le colonel, que de concert avec M. le préfet, j’ai déterminé que le prix accordé pour les brigands serait partagé entre la garde nationale et les détachements de votre régiment qui ont concouru à l’expédition du Budrio le 13 de ce mois. Le montant du prix pour les trois brigands étant de 6000 francs, M. le préfet vous fera payer 3000 francs que je vous prie de faire distribuer aux détachements de votre régiment qui ont pris part à l’affaire en en faisant connaitre la répartition par l’ordre du jour de votre régiment.
Les autres 3000 francs seront payés par ordre du préfet à la garde nationale de Budrio.
Ci-joint l’état de service de M. le chef de bataillon Vernier" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 112 page 238).
Le 17 mars 1810 également, l’Adjudant commandant Chef d’Etat-major de la 4e Division, le Baron Forestier, écrit, depuis Bologne, au Colonel du 53e Régiment : "D’après les dispositions arrêtées par M. le général de division comte Grenier, il est ordonné au colonel du 53e régiment de faire partir un de ses bataillons demain 18 mars, de Bologne, pour aller occuper les postes ci-après.
L’état-major à Budrio, avec la compagnie de grenadiers qui formera une colonne mobile d’un sergent, deux caporaux et 20 grenadiers, à la disposition d’un officier de gendarmerie.
La compagnie de voltigeurs à Castel Guelfo, ayant un poste d’un sergent, un caporal, et 12 hommes à Medicina et fournissant une colonne mobile d’un sergent, 2 caporaux et 20 voltigeurs à la disposition d’un officier de gendarmerie.
La 1ère compagnie de fusiliers à Minerbio, ayant un poste d’un sergent, 1 caporal et 12 hommes à Baricella.
La 2e compagnie à Mezzolara, avec un poste d’un sergent, 1 caporal, et 14 fusiliers à San Martino in Argine.
La 3e compagnie à Castenaso, ayant un poste d’un sergent et 8 hommes à Cadriano, et un caporal et 8 hommes à Quarto Inferiore.
La 4e compagnie à Castel de Britti, ayant un officier et 18 hommes à San Lazaro.
Ces différents détachements ont pour objet de maintenir la tranquillité dans les arrondissements qu’ils occupent, de donner la chasse aux brigands partout où ils pourront les rencontrer, les détruire ou les arrêter, ils recevront d’ailleurs et se feront remettre par les commandants des détachements du 106e qu’ils rencontreront, copie des instructions qui leur ont été données et qui serviront de consigne générale.
Chaque homme devra être pourvu de 40 à 50 cartouches.
Le chef de bataillon détaché à Budrio est prévenu que les officiers de gendarmerie enverront chercher les colonnes mobiles à Budrio et Castel Guelfo.
Le colonel du 53e régiment donnera également ordre au chef de bataillon qui est à Imola, d’envoyer une compagnie de fusiliers de son bataillon à Castel San Pietro. Cette compagnie correspondra avec lui à Imola, et aura un officier et 20 hommes à San Nicolò, les détachements recevront également copie des instructions données aux détachements du 106e et s’y conformeront. Il résulte de ces dispositions que le chef de bataillon qui est à Imola, à la surveillance des postes sur la grande route, depuis Imola jusqu’à San Nicolò inclusivement.
Outre toutes ces dispositions, il sera encore formé trois colonnes mobiles, composées de grenadiers et de voltigeurs du 53e régiment pris sur les compagnies qui restent à Bologne, chacune d’un sergent, 2 caporaux, 20 grenadiers ou voltigeurs, qui seront mis à la disposition de la gendarmerie dans les points ci-après.
La 1ère colonne à Loiano.
La 2e colonne à Monte Armato.
La 3e colonne à Vedriano ; s’il faut des officiers à ces colonnes mobiles, le commandant de la gendarmerie les demandera.
Il sera de plus envoyé par le 53e régiment du bataillon qui est à Bologne, 1 officier, 1 sous-officier, 2 caporaux et 16 fusiliers à Capo d’Argine.
1 lieutenant, 1 sergent, 2 caporaux et 18 hommes à poste fixe à Loiano.
1 sergent, 1 caporal et 13 hommes à Pianoro, sous les ordres du liueutenant qui va à Loinao.
1 sergent, 1 caporal et 12 hommes à Molini Nuovi.
1 sergent, 1 caporal et 15 hommes à Castagnolo Minore.
1 lieutenant ou sous-lieutenant, 1 sergent, 2 caporaux et 20 hommes à Trebbo.
Les 3 derniers détachements seront sous les ordres de l’officier qui sera à Trebbo ; les instructions sur leur service seront consignées par les détachements du 106e régiment qui sont sur les différents points.
Les colonnes mobiles et les différents détachements devront également partir de Bologne le 18 mars" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 229. Page 467; Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 240).
Le 17 mars 1810, l’Adjudant commandant Chef d’Etat-major de la 4e Division militaire, le Baron Forestier, écrit, depuis Bologne au Colonel du 106e de Ligne : "D’après les dispositions arrêtées par M. le général de division comte Grenier ;
Le colonel du 106e régiment est prévenu que le 53e régiment relèvera tous ses détachements de Budrio, Minerbio, San Martino in Argine et Medicina, Castel Guelfo, Castel San Pietro, San Nicolò, San Lazaro, Castel Britti, Castenaso, Quarto Inferiore, Molini Nuovi, dans la journée du 18 ; il leur donnera en conséquence l’ordre de rentrer à Bologne 19.
Le colonel du 106e fera partir de Bologne le 20, un de ses bataillons, pour occuper les cantons de Cento, et de San Giovanni, de la manière suivante, et comprenant le poste de Malalbergo.
L’état-major du bataillon sera à San Giorgio, avec la compagnie de grenadiers qui aura un poste à Bentivoglio de 12 à 15 hommes, et fournira une colonne mobile composée d’un officier, un sergent, deux caporaux et 20 grenadiers, avec un nombre de gendarmes qui sera déterminé par le colonel de la gendarmerie.
Les voltigeurs seront à Cento, fourniront un détachement à Pieve, et une colonne mobile égale à celle des grenadiers, ayant aussi avec elle des gendarmes qui iront chercher les colonnes a Cento et San Giorgio en renvoyant les hommes qui sont dans le moment avec eux.
La 1ère compagnie de fusiliers sera à Massumatico, et aura un poste d’un officier et 20 hommes à Galliera.
La 2e compagnie à San Vincenzo, et aura un poste d’un officier et un homme à Malalbergo.
La 3e compagnie sera à Funo et Casadio, et la 4e à San Giovanni et environs.
Tous les détachements recevront l’instruction déjà donnée pour la sûreté de leur arrondissement, la destruction, où l’arrestation des brigands.
Outre ces dispositions, le 106e régiment fournira trois colonnes mobiles, composées de grenadiers et voltigeurs, prises sur les compagnies qui restent à Bologne, composées chacune d’un sergent, deux caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs, qui seront mises à la disposition de la gendarmerie.
Ces colonnes mobiles partiront le 20, pour se rendre :
La 1ère colonne dans le canton del Sasso, à Sasso.
La 2e à Vergato, et la troisième à Guiglia, dans le canton de Monte Tortore ; c’est dans ces lieux que les commandants de gendarmerie iront les chercher.
Il enverra également le 20, à poste fixé, sur ce qui reste de garnison du bataillon à Bologne, un détachement d’un officier et 30 hommes à Bazzano, envoyant un sergent et 12 hommes a Guiglia.
Un officier et 20 hommes à Vergato.
Un officier et 30 hommes à Castelfranco.
Un officier et 20 hommes à Samoggia.
Un sergent et 15 hommes à Anzola, au pont du Lavigno.
Un caporal et huit hommes au pont de San Felice sur le Reno (ce dernier poste peut être relevé toutes les 24 heures si le colonel le juge à propos).
Ces différents postes ont pour objet de maintenir la tranquillité dans les arrondissements qu’ils occupent, de donner la chasse aux brigands, partout où ils pourront les rencontrer, les détruire ou les arrêter ; ils recevront en conséquence des instructions qui ont déjà été données à cet égard ; ils seront sous les ordres du capitaine qui sera à Castelfranco, et pourront être relevés à la volonté du colonel.
Les colonnes mobiles seront prévenues qu’elles recevront leurs ordres et instructions du commandant de la gendarmerie à Bologne, et que les commandants lui adresseront les rapports ; néanmoins si les chefs de bataillon apprenaient quelques mouvements de brigands dans leur arrondissement et s’ils en prévenaient les commandants des colonnes et leur indiquaient un point de réunion pour une opération, les commandants des colonnes devront déférer à leur demande.
Chaque homme devra être pourvu de 40 à 50 cartouches.
S’il fallait des officiers aux colonnes mobiles, le colonel de gendarmerie les demandera.
Le 22 du courant, le colonel du 106e fera partira un bataillon pour aller tenir garnison à Modène ; ce bataillon recevra du général commandant le département des instructions pour la formation des colonnes mobiles destinées à chasser et détruire les brigands, dans le département.
Ce bataillon devra être réuni le 21 et le 22 à Castelfranco de manière qu’il arrive le même jour à Modène" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 231. Page 471).
Le même 17 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Lieutenant-colonel Borfollan ( ?), commandant la 2e Légion de Gendarmerie royale, à Bologne : "J’ai l’honneur de vous prévenir M. que pour régulariser le service et y établir une marche invariable, je viens d’ordonner à un bataillon du 53e régiment de partir demain 18 de Bologne pour aller occuper la plaine en avant de Bologne, entre la route qui conduit à Malalbergo et le Corvalue ( ?) ; il doit relever tous les détachements du 106e qui sont dans cette direction et mettre à la disposition des commandants des colonnes mobiles qui s’y trouvent cinq autres colonnes composées chacune d’un sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs, l’une de ces colonnes attendra qu’elle soit appelée par la gendarmerie à Budrio, l’autre à Castel Guelfo. Vous donnerez en conséquence l’ordre aux commandant des colonnes de les envoyer chercher et de renvoyer à Bologne tous les hommes qui sont dans ce moment du 106e.
Il partira également demain 18 trois autres colonnes mobiles du 53e régiment pour les montagnes ; elles seront dirigées, la 1ère à Loiano, la 2e au Monte Armato, la 3e à Vedriano ; veuillez en donner aussi avis aux commandants des colonnes que vous avez dans ces directions afin qu’ils les envoient chercher et renvoyer de suite à Bologne les hommes qu’ils ont du 106e régiment qui reçoivent une autre destination ; ces colonnes seront de la même force que celles ci-dessus.
J’ai cru devoir organiser en même temps tous les services de Cento et de San Giovanni, et j’ai disposé un bataillon du 106e. L’état-major sera à Saint Georges.
Ce bataillon tiendra aussi à votre disposition pour le 20 de ce mois à San Giorgio une colonne mobile d’1 sergent, 2 caporaux, et 20 hommes, grenadiers ou voltigeurs, une autre à Cento d’égal nombre, afin de pouvoir parcourir cette plaine en tous sens.
Outre cette disposition, le 106e régiment enverra le 20 trois colonnes mobiles dans les montagnes en arrière de la grande route.
L’une à Guiglia ; l’autre à Sasso, et la 3e à Vergato.
Ces colonnes sont de la même force que les autres, et les commandants que vous désignerez les enverront chercher dans les points indiqués en observant de renvoyer les hommes qui se trouvent à la colonne mobile qui a marché vers le Monte Tortone il y a quelques jours ; si vous n’avez pas assez d’officiers pour en mettre un à chaque colonne, vous demanderez des officiers aux colonnes au chef de bataillon du régiment dont les colonnes sont parties.
Par suite de ces dispositions, vous aurez 4 colonnes mobiles dans la plaine et 6 dans la montagne, non compris le détachement que j’ai envoyé Mirola dans le canton de la Fontana. Pour plus d’intelligence, ci-après, le tableau des colonnes mobiles.
Du 53e régiment, dans la plaine de Bologne, colonnes mobiles composées de 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Castel Guelfo ; 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Budrio ; 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Vedriano. Dans les montagnes en arrière de la route d’Imola, 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Monte Armato ; 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Loiano.
Du 106e dans les plaines à la gauche de Bologne, 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à San Giorgio ; 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Cento. Dans les montagnes en arrière de la grande route de Modène, 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Sasso ; 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Vergato ; 1 sergent, 2 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs à Guiglia au Monte Tortone.
Je répète que les détachements du 53e régiment partiront demain 18 pour les différents points et ceux du 106e le 20 ; il faut donc qu’aux lieux indiqués, les commandants de gendarmerie les envoient chercher et renvoient de suite tous les hommes du 106e qui sont avec eux dans ce moment. Cette exactitude est nécessaire pour que chaque régiment soit à son poste, et que le 106e puisse organiser un bataillon pour Modène qui devra y arriver le 22.
Je pense qu’en mettant 6 gendarmes à chaque colonne, non compris le commandant, les colonnes seront d’une force suffisante pour attaquer et détruire les brigands partout où elles les rencontreront ; il conviendra de nommer des officiers qui devront prendre le commandement de 3 colonnes dans chaque partie de montagnes, afin qu’ils puissent donner des directions et faire agir les colonnes de concert si les circonstances exigent, c’est vous vous donnerez les instructions que vous les aurez reçues du 8 au 9 et vous préviendrez toutes les colonnes que je ne veux pas que le 30 de ce mois, il y ait un brigand dans le département du Reno ; dans le cas contraire, elles n’auraient pas fait leur devoir.
En en mettant que 6 gendarmes à chaque colonne, je vous réserve les moyens d’en envoyer 11, 12 ou 15 à Modène où ils devront être arrivés le 23. Mon intention de faire partir le même jour ou au plus tard le 24 de cette ville, deux colonnes mobiles très fortes pour détruire les brigands qui sont des les montagnes de ce département.
P.S. Les commandants des colonnes de la plaine recevront de vous, comme ceux de la montagne, tous les ordres, mais ils devront aussi correspondre avec les chefs de bataillon qui seront à Budrio et Cento, afin que ces derniers sachent où les trouver s’ils avaient des ordres à leur faire partir" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 117 page 248).
Le 18 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Chef de l’Etat-major du Royaume d’Italie, Comte Vignolle : "Le 53e régiment attendait son dépôt il y a quelques jours ; il parait qu’ensuite de nouvelles dispositions, son arrivée est retardée ; le bien du service exige cette réunion qui peut être ne pourra pas avoir lieu dans deux mois ; je vous demande, mon cher général, la même faveur pour le 106e régiment. Vous rendrez bien service à ces corps" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 119 page 251).
Le même 18 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit encore, depuis Bologne, au Chef de l’Etat-major du Royaume d’Italie, Comte Vignolle : "Je vous donne avis, mon cher général, que j’envoie le 22 de ce mois, un bataillon du 106e régiment à Modène pour donner la chasse aux brigands qui sont dans le département. J’espère que là, comme dans le Reno, il n’en existera plus au premier avril, mais il faudrait, pour assurer la tranquillité de ces départements, pouvoir pendant un mois ou 6 semaines occuper ces pays par de gros cantonnements ; sans cette mesure, les brigands dispersés aujourd’hui se réuniront 15 jours après et recommenceront leurs brigandages avec toute sécurité parce que les troupes ne pourront pas continuer le métier que je leur fait faire, attendu qu’elles font journellement 15 à 20 milles dans toutes les directions, il faudrait donc environ 4 bataillons à Reggio, 1 à Modène, 1 à Cento, 1 dans le canton de Vergato et de la Poretta, 1 dans le canton de Loiano et de Castiglione, 1 à Imola, 1 autre à Budrio, 1 à Minerbio et deux à Bologne, fournissant le service extraordinaire dans ce moment. Je considère le brigandage comme détruit, mais il se relèvera, aussitôt que les troupes rentreront ; et alors, les coquins tiendront encore la campagne toute l’année, ce que l’on empêchera au moyen des gros cantonnements ; les brigands divisés et n’ayant plus de moyens de vivre, il se livreront aux travaux de la campagne et rentreront peu à peu dans l’ordre. Il faut être sur les lieux pour juger de ce qui se passe, il est plus que temps de mettre un terme aux désordres qui règnent dans ce pays" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 119 page 251).
Toujours le 18 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit également, depuis Bologne, au Ministre de la Guerre du Royaume d’Italie : "J’ai l’honneur d’adresser à Votre Excellence l’état nominatif des hommes de la garde nationale de Budrio qui, avec les détachements du 106e régiment de ligne, ont tué Baschieri et ses compagnons.
Je prie Votre Excellence de demander pour la femme et les enfants du nommé Cattoli Luigi, la pension que le souverain accorde ; cet acte de justice sera un grand encouragement pour la garde nationale" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 119 page 252).
Le 20 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel du 29e Régiment de Dragons, à Modène : "Votre lettre du 17 relative au service du théâtre monsieur le colonel, ne m’est pas parvenue que le 18. Par conséquent, 24 heures après que le service a été fourni. En effet, monsieur le préfet du Panaro m’a écrit à ce sujet. Je lui ai répondu que l’autorité civile étant chargée de la police du théâtre, elle requerrait du commandement militaire la garde qu’elle jugerait nécessaire, que la garde se fournissait ordinairement par l’infanterie de ligne et à son défaut, par de la cavalerie, à moins qu’il n’existe dans la place une garde nationale soldée mise à la disposition du commandant de la place pour tout service militaire qui, dans ce cas, ferait le service du théâtre avant la cavalerie. Je supposais que monsieur le préfet vous communiquant cette lettre, tout s’arrangerait sans difficultés ; aujourd’hui le préfet me mande que malgré cette communication qui vous a été faire, vous avez fait établir un poste au théâtre sans réquisitions avant l’ouverture, je suis fâché de cette démarche qui est entièrement arbitraire et … nécessairement improuvée par S. A. à … connaissance de la quelle cette affaire à déjà a été portée ( ???), vous ne devez … avoir tord envers l’autorité civile et pour avoir le droit pour vous il faut suivre strictement les règlements qui déterminent les démarcations entre elles et l’autorité militaire.
Je désire que ces altercations cessent, vous en trouverez le moyen dans l’arrivée du bataillon du 106e régiment" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 121 page 256).
Le même 20 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit aussi, depuis Bologne, au Général Chef de l’Etat-major général du Royaume d’Italie : "Ci-joint, vous trouverez, mon cher général, une demande de 300 sabres pour le 106e régiment ; veuillez, je vous prie, en ordonner la fourniture.
Je doute que cette demande soit dans les formes voulues ; je vous la transmets telle que je l’ai reçue" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 121 page 256).
Toujours le 20 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit encore, depuis Bologne, au Général Roize, commandant le département du Crostolo, à Reggio : "Je vous préviens, monsieur le général, que j’envoie le 22 de ce mois un bataillon du 106e régiment à Modène qui, dès le 24, formera deux colonnes mobiles pour aller à la poursuite des brigands qui infestent les cantons montueux de ce département ; il conviendra donc de garder soigneusement tous les passages qui, dans cette direction, existent, du département du Panaro, dans celui du Crostolo, afin d’empêcher que ces coquins ne puissent s’y jeter ; entendez-vous à cet égard avec monsieur le préfet et le commandant de la gendarmerie et employez pour ce service qui doit au plus durer 10 jours, une soixantaine de dragons à pied, n’ayant pas les moyens de vous envoyer de l’infanterie dans ce moment" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 122 page 257).
Le 22 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel Avice, commandant le département du Panaro : "L’arrivée d’un bataillon du 106e régiment à Modène, donnant à M. le commandant du département la facilité d’y exciter ici les brigandages, il fera, d’après les dispositions suivantes, mettre les troupes en mouvement et commenceront les opérations, le 24 courant vers les 8 heures du soir. Une compagnie de fusiliers sera placée à Sassuolo fournissant un poste mêlé de garde nationale du lieu sur la Secchia dans la direction de San Michele et autre dans la direction de Maranello, ces postes feront des fréquentes patrouilles sur ces différents points. Une autre compagnie de fusilier établie à Gazzano communiquant par des patrouilles avec celles dirigées de Sassuolo vers Maranello, cette compagnie aura un poste à San Venanzio qui fera des patrouilles sur Levizzano. Une troisième compagnie sera placée à Vignola, ayant un poste à Levizzano qui communiquera par des patrouilles avec celui de Venzano ( ?) et aura un autre poste dans la direction de Muzano ( ?).
Les postes que les compagnies détacheront, devont être au moins de 15 à 20 hommes et les plus importants seront commandés par des officiers, chacun de ces postes devant être renforcé de 7 à 8 hommes de la garde nationale. Ces compagnies se mettront en route immédiatement après le départ des colonnes mobiles dont il sera parlé ci -après.
La 4e compagnie de fusiliers restera en garnison à Modène, ainsi que les compagnies d’élite après qu’il aura été pris sur ces dernières, trois colonnes mobiles ainsi qu’il suit.
La première d’un officier, 2 sergents, 3 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs. La 2e un officier, 1 sergent, 3 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs. La 3e un officier, 1 sergent, 3 caporaux et 20 grenadiers ou voltigeurs. Total 3 officiers, 4 sergents, 9 caporaux, 60 grenadiers ou voltigeurs.
Il sera ajouté à chacune de ces colonnes mobiles six ou 8 gendarmes, quatre au sous-préposé des finances et trois ou quatre guides bien armés, et connaissant parfaitement le pays, de sorte que chaque colonne sera d’environ 35 hommes et par conséquent plus forte qu’aucune des bandes des brigands. Monsieur le colonel Avice s’entendra pour cette opération avec M. le préfet et le commandant de la gendarmerie ; il pourra joindre à chacune des colonnes deux ou trois dragons à cheval pour donner la nouvelle de l’une ou l’autre.
La première colonne devra partir le 24 au soir et à la nuit de manière à arriver à Sassuolo, de là à San Michele et jusqu’à Marento de Monferrato ( ?) avant le jour, afin de tenir tous les débouchés avant que les brigands ne soient prévenus de la marche.
La marche de la 2e colonne devra être exécutée de manière à ce qu’elle arrive à Gorzano au moment où la première arrivera à Monferrato et la troisième devra arriver à la même heure à Castelnuovo ; les colonnes mobiles se reposeront en attendant que les compagnies soit arrivées aux postes fixes qui leur sont assignés (ce que l’on peut encore déterminer par l’heure du départ et les chemins qu’elles auront à parcourir) ; alors les colonnes mobiles se mettront en mouvement, la première se divisera, laissant une petite colonne de 15 à 16 hommes à Monferrato et dans les environs pour poursuivre et arrêter les brigands qui seront poursuivis par la deuxième colonne partant de Gorzano dans la direction de Montebaranzone, Monferrato ( ?), Montordone ( ?), Pigneto, Vorca, San Mania ( ?), Montagnana, Campo d’Alloglio et Gambola qui devront être fortifiés.
L’autre partie de la première colonne se portera rapidement par Liyannano ( ?), Panzano, et San Dalmazio pour arrêter ce qui pourrait fuir de ce côté, soit venant de Montagnana, soit de Levizzano ou de Castelvetro.
La troisième colonne commencera à fouiller dès Castelnuovo, suivra la trace des brigands qui sont dans les environs, les poussera vivement et si elle ne peut les atteindre et les tuer, tâchera de les jeter sur Levizzano, Vignola pour les combattre de concert avec les postes qui seront placés sur ces points et qui devront y être arrivés, ne rencontrant par les traces des brigands, il continuera sa marche sur Denzano et Vilatello ( ?) d’où elle se trouvera en communication avec la partie de la première colonne qui sera dans les environs de San Dalmazio.
Les commandants des colonnes seront prévenus qu’une colonne mobile passera le 25 à la pointe du jour du département du Reno dans celui du Panaro pour tomber sur les brigands qui pourraient être du côté de Sassuolo, Gardano ( ?), Genialo ( ?), Rescoro ( ?), Semese ( ?), Castagnello ( ?) et de manière à les envelopper et occuper ensuite Montorse ( ?) et Parvallo ( ?) pour couper toute retraite à ceux poursuivis par la 3e colonne, jusqu’à ce que cette dernière soit elle-même arrivée dans cette partie. Cette colonne concourra avec les autres à la destruction des brigands et empêchera qu’ils ne gagnent les hautes montagnes, jusqu’au 28 inclusivement, elle recevra jusqu’à ce jour des ordres du chef de bataillon Maurie et rentrera le 29 dans le département du Reno.
M. le chef de bataillon Maurie aura le commandement de toutes les troupes qui seront dans les montagnes du Panaro, recevra des instructions de M. le commandant du département et lui rendra compte de ses opérations en même temps qu’il m’informera directement de ce qui se passera de plus important, il enverra les mêmes aussi à M. le préfet du Panaro.
L’objet des colonnes mobiles étant de détruire les brigands partout où elles les rencontreront, elles les poursuivront avec la dernière vigueur et ne devront plus les perdre de vue ; une fois qu’elles les auront atteints, elles devront empêcher que les brigands ne gagnent les hautes montagnes et pour cela, elles chercheront à les pousser dans les directions de Vignola, Gazzano et Sassuolo pour les faire tomber dans les postes qui y sont établis. Les colonnes mobiles ne devront pas s’amuser à la fusillade ; elles doivent courir sur les brigands à la baïonnette pour ne pas leur laisser le temps de recharger leurs armes. Elles arrêteront aussi, ainsi que les postes fixes, tous les gens suspects, vagabonds et déguisés ; on s’attachera particulièrement à ceux qui chercheront à fuir ou à éviter les postes et on les conduira dans les principales communes pour être reconnus et traduits devant l’autorité que désignera M. le préfet.
Les colonnes marcheront et s’éclaireront militairement, et éviteront toute surprise ; chaque homme sera muni de 40 à 50 cartouches. Chaque homme aura en gratification dans les communes que désignera M. le préfet une demi-livre de viande de six onces et une ration de vin d’une demi-bouteille par jour. Ces fournitures seront faites sur des bons en règle ; au moyen de cette gratification, les troupes ayant suffisamment de quoi vivre, les commandants des détachements feront observer la plus sévère discipline et seront personnellement responsables de tout désordre.
La présente instruction sera communiquée à M. le préfet et au commandant de la gendarmerie pour que les meilleures mesures soient prises pour conduire au but qu’on se propose, mais le plus grand secret doit être observé, et la marche des troupes doit être connue que lorsqu’elles seront déjà à leur destination.
Il est entendu que les officiers de gendarmerie, s’il en a autres marchant de … employés dans les colonnes feront leurs rapports journaliers aux autorités compétentes et au lieutenant-colonel de la gendarmerie à Bologne.
Les postes établis du côté de Finale et sur le Panaro devront être maintenus jusqu’au premier du mois et la gendarmerie avec la garde nationale doit suffire pour arrêter les déserteurs et réguler ceux qu’ils trouveront dans cette partie et du côté de Mirandola" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 123 page 260).
Le 24 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel du 29e Dragons, à Modène : "J’ai reçu hier soir, M. le colonel, votre lettre du même jour sur l’affaire qui a eu lieu près Denzano et San Dalmazio entre une colonne mobile composée de gendarmerie et de garde nationale, et les brigands. Je désire beaucoup que la compagnie de voltigeurs que vous avez fait partir hier n’ai pas dépassé Sassuolo ; sans cela, les brigands gagneront les hautes montagnes et c’est ce que je voulais éviter, comme vous avez pu le voir par mes instructions et par la marche que je fais faire à une colonne mobile qui doit arriver demain à la pointe du jour du département du Reno dans celui du Panaro dans la partie supérieure. Dites bien à M. le chef de bataillon Maurie qui est un bon officier que j’attends de lui qu’il détruira ces brigands, qu’il leur donnera une chasse tellement forte et continuelle que ceux qui pourraient lui échapper n’aient pas envie de revenir.
Tous ceux qui seront pris combattant seront traduits à une commission militaire ; vous m’en enverrez de suite les noms avec le rapport de la prise, et en même temps, une indication des officiers qui pourront composer cette commission. Je vous renverrai le tout de suite avec l’ordre de les faire juger dans les 24 heures ; j’écrirai à M. le préfet pour les autres afin que la justice se fasse de suite" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 128 page 270).
Le 24 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Chef de Bataillon (Maurie) du 106e, à Modène : "J’ai reçu, monsieur, les différents rapports que vous m’avez adressés et par lesquels je voie que les troupes sous vos ordres servent avec autant de zèle que d’activité ; je vous prie d’en témoigner particulièrement ma satisfaction à la compagnie stationnée à Massa Lombarde. Je vous renvoie ci-joint les pièces qui étaient avec votre lettre du 23 ; c’est en effet au vice-préfet à déterminer sous la responsabilité si tel ou tel individu doit être envoyé à Bologne ; il est probable que par la lecture de ce rapport, il jugera qu’il a été trompé et qu’il prendra envers les prévenus toutes les précautions qui par suite restent à sa charge.
Le syndic de la commune de Dozza m’informe que la bande de Ravanelli et celle de Bernayonzi ( ?) se trouvent souvent dans les près à 2 ou 3 milles de Dozza et qu’il est peut être possible de les surprendre ; tâchez d’avoir des informations exactes à cet égard et placer en attendant demain au soir 1 officier intelligent et 20 hommes à Dozza.
Si vous recevez quelque avis, faites arriver des détachements de Trassignano ( ?), Fontanelice ( ?), Monte Armato, Castel de Britti, Settefonti, et Vedriano, pays que parcourent les colonnes mobiles de votre régiment, ainsi que des postes de San Nicolò, et de Paratello ( ?) ; dans toutes les directions, pour marcher contre ces coquins et les tuer partout où on les rencontrera, prenez vos mesures de manière à ce que toutes les colonnes entourent les bois" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 130 page 273).
Le 24 mars 1810 encore, le Général de Division Grenier écrit ensuite, depuis Bologne, au Colonel du 106e, à Modène : "Il convient, monsieur le colonel, de faire renforcer le poste de Bazzano d’1 officier et 20 hommes afin que ce point, l’on puisse occuper Savignano et Guiglia et les passages pour empêcher les brigands qui vont être poursuivis dans le Panaro, de se rejeter dans le département du Reno.
Je vous prie de donner vos ordres en conséquence à l’officier qui commande dans cette partie, en lui envoyant en même temps le restant à lui-même.
De fréquentes patrouilles devront remonter le Panaro jusqu’au-delà de la de Guiglia (sic) ; elles devront être doublées par la garde nationale" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 131 page 275).
Puis, toujours le 24 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit également, depuis Bologne, au Chef de Bataillon Vernier, du 106e, à San Giorgio : "Rien n’empêche, monsieur, que nous ne retiriez des gommes de Massumatico pour les placer ailleurs, lorsque le bien du service n’en souffre pas et que le soldat en est mieux ; le syndic d’Altedo et … me demande un détachement, m’assurant que c’était un passage assez fréquenté des brigands ; si ce village n’est pas trop loin, envoyez-y un petit détachement. Il ne sera donc pas possible de prendre ce coquin de Gazza ; on m’assure qu’il est parvenu à passer le Pô. Il passe pour être le plus bête des brigands, et c’est lui qui se cache le mieux, puisque presque tous les autres sont pris.
Ps. Votre projet sur la garde nationale serait bon, mais il faudrait faire envoyer tous ces gens là, ce qui coute beaucoup d’armes en les mettant dans des mains peu sures. Je pense donc qu’il faut se borner à envoyer un tiers de détachements de ligne" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 131 page 275).
Le 25 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d’Italie : "… Le 106e occuperait Bologne et environs et le 53e Imola et Faenza …" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 132 page 277).
Le 26 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Chef de Bataillon Vernier, du 106e Régiment, à San Giorgio : "Ayant, monsieur, arrêté avec monsieur le préfet du département du Reno, de faire faire, le 29 et le 30 de ce mois une perlustration générale dans tout le département, afin de retirer, s’il est possible, les racines du brigandage, vous êtes chargé de cette opération dans les cantons qui composent le district de Cento, et qui sont les canton de Cento et de San Giovanni in Persiceto, rendez-vous en conséquence près du vice-préfet de Cento pour convenir de la répartition des troupes dans toutes les communes de ces deux cantons ; vous pourrez en vertu de mes ordres donner ceux nécessaires aux détachements de dragons qui sont à Crevalcore, Nonantola, et Panzano, pour les communes qu’ils occupaient, ainsi qu’aux détachements de votre régiment qui sont à Castel Franco et Anzola, quoiqu’ils ne seraient pas de votre bataillon.
Les dispositions convenues sont qu’au même jour, à la même heure, et au même moment (qui seront fixés par monsieur le préfet pour tout le département), les détachements qui seront dans les communes de concert avec la garde nationale, et sur la conduite de syndic ou délégué politique, feront des recherches dans toutes les communes et maisons qui en dépendent, arrêteront tous les brigands, vagabonds, conscrits réfractaires et étrangers à leur commune qui pourraient s’y trouver d’où ils seront conduits et gardés au chef-lieu de canton. Il est convenu que dans le cas où des brigands seraient rencontrés, et qu’ils chercheraient à fuir, le tocsin serait sonné pour avertir les communes voisines afin de pouvoir les arrêter ; il est entendu que tout receleur le sera également ; j’ai quelque espoir que Gozza et quelques-uns de sa bande tomberont en votre pouvoir ; peut être que les déserteurs ou brigands amnistiés dont vous me parlez pourraient donner quelques renseignements sur ses retraites habituelles ; j’ai aussi quelques dire que Minelli, l’un des farouches compagnon de Baschieri, est caché à Manzolino, il sera bien important de l’avoir. Je laisse à votre zèle à suppléer à toutes les dispositions locales.
Nota : Pour cette opération, les colonnes mobiles seront … le 28 et employées comme les autres troupes ; elles seront réorganisées le 31, époque à laquelle tout rentrera … l’ordre actuel, la gendarmerie sera répartie par son chef sur les points les plus importants" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 134 page 281).
Le même 26 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit ensuite, depuis Bologne, au Chef d’Escadron Borsoti, commandant la 2e Légion de Gendarmerie, à Bologne : "Ayant arrêté avec M. le préfet, monsieur, de faire faire, les nuit du 28 au 29 et 30 de ce mois une perlustration générale dans tout le département, afin d’extirper s’il est possible, les racines du brigandage, je vous préviens, M. que les colonnes mobiles devront y contribuer dans les cantons ci-après et seront en conséquence des le 27 au soir, et pour le 28, à la disposition des officiers supérieurs chargés de la répartition des troupes dans les différents cantons. Savoir : la colonne mobile de Castel Guelfo, Vedriano et Monte Armato à la disposition de monsieur Martin, chef de bataillon du 53e régiment. Stationné à Imola, il est chargé de leur adresser des ordres.
Celle de Loiano à la disposition du capitaine que j’y envoie ; les deux colonnes mobiles de la plaine de Cento à la disposition du chef de bataillon Vernier qui est à San Giorgio.
Celles de Vergato qui sera à Vergato et celle de Sasso, à la disposition de l’officier qui y sera ; et celle de Monte Tortore à son retour, à la disposition de l’officier qui y sera envoyé.
Celle de Budrio à la disposition du capitaine commandant et qui sera chargé de la perlustration du canton de Bologne. Les gendarmes employés à ces colonnes seront envoyés pour le terme de ces perlustration dans tous les chefs-lieux de canton, afin d’agir de concert avec les délégués politiques partout où besoin sera ; le 31, les colonnes mobiles seront réorganisées dans le même ordre qu’elles le sont aujourd’hui.
Veuillez, je vous prie, donnes les ordres nécessaires en conséquence des miens et envoyer en même temps des gendarmes dans le canton de Bazzano, où il n’y a point de colonnes mobiles.
Par l’ordre ci-joint, je charge M. le capitaine Bramani de la perlustration du canton de Bologne (extra-muros). Laissez-lui également un nombre de gendarmes ; vous savez, M., combien il importe que le secret soit observé dans de pareils opérations. Veuillez, je vous prie, le recommander aux gendarmes, et leur faire connaitre en même temps, combien il importe qu’ils marchent de concert avec les autorités civiles et militaires pour le succès de cette perlustration" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 135 page 284).
Instruction envoyée le 26 mars 1810 par le Général de Division Grenier : "La même à Vergato pour l’officier commandant la troupe. Avec un détachement de 50 hommes qui est à Vergato et qui sera à votre disposition pour la colonne mobile ; vous vous concerterez avec M. le vice-préfet de Vergato pour la répartition des troupes dans toutes les communes pendant la journée du 28. La gendarmerie de la colonne mobile sera réunie à Vergato pour agir où besoin sera, de concert avec l’autorité civile et vous.
La même à Bazzano, à l’officier commandant la troupe. Les troupes que vous aurez pour cette opération sont le détachement que vous commandez maintenant, plus 20 hommes que M. le colonel du 106e régiment devra vous envoyer demain.
La même à M. l’officier commandant à Montetortore. Je vous charge de cette opération dans le canton de Montetortore, où vous vous rendrez demain avec un détachement de 50 hommes ; vous aurez en outre à votre disposition un détachement de 15 ou 20 hommes qui est à Guiglia et la colonne mobile qui se trouvera le 28 au soir dans les environs de Montese.
La même à M. l’officier commandant à Sasso. Je vous charge de cette opération dans le canton de Sasso où vous vous rendrez demain avec un détachement de 30 hommes auxquels vous réunirez une colonne mobile qui s’y trouvera à votre disposition ; vous concerterez avec le délégué politique de ce canton" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 137 page 287).
Toujours le 26 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit ensuite, depuis Bologne, au Colonel du 106e Régiment : "Ci-joint, vous trouverez, monsieur le colonel, quatre instructions que vous remettrez à des officiers intelligents pour en suivre l’exécution et commander les détachements qui devront partir demain. La 1ère pour Vergato aura 50 hommes. La 2e pour Sasso aura 30 hommes. La 3e pour Montetortore 150 hommes. Et la 4e pour Bazzano aura 20 hommes.
Le 31 de ce mois, ces détachements rentreront à Bologne ; j’ai envoyé des ordres divers à M. le chef de bataillon Vernier pour cette opération ; il donnera pour ces trois jours des ordres aux postes de Castel Franco et d’Anzola. Veuillez je vous prie, en faire prévenir les commandants" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 138 page 289).
Le 29 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel Avice, du 29e Régiment de Dragons, commandant le département du Panaro, à Modène : "... Comme je vous l’ai mandé par ma lettre du 27, recommandez à M. Maurie de pousser des colonnes mobiles jusqu’à Sestola, en ayant soin d’établir des troupes par échelons et des garder les rives du Panaro par des détachements assez forts pour ne pas craindre de surprises.
Engagez M. le préfet à avoir des espions dans la montagne pour connaitre les habitudes des brigands et les maisons qui les recèlent ; tous les habitants convaincus de leur donner asile, doivent être arrêtés, mais la gendarmerie doit constater ces arrestations, et les causes, par des procès-verbaux pour être avec les individus remis à l’autorité compétente" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 139 page 291).
Le 30 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Prince Eugène Napoléon, Vice-Roi d’Italie : "J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de Votre Altesse Impériale des demandes en faveur de monsieur ... Lambert Henry, capitaine au 106e régiment ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 139 page 291).
Le même 30 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit aussi, depuis Bologne, au Chef de Bataillon Maurie du 106e Régiment, à Sassuolo : "J’ai reçu monsieur le rapport que vous m’avez adressé de Sassuolo, le 29 courant, quoique vos troupes se trouvent bien disséminées par le projet que vous m’avez adressé ; je pense qu’il peut être mis à exécution pendant quelques jours, mais il faudra porter la compagnie de grenadiers du côté de San Dalmazzo pour être plus au centre de vos opérations, et peut-être même jusqu’à Pavolo (Pavullo ?) ; la compagnie de fusiliers restée à Modène y est réunie pour établir quelques postes vers la Mirandola, pays où se tiennent des déserteurs qui deviennent aussi des brigands ; mais vos deux compagnies d’élite et trois compagnies de fusiliers doivent vous suffire tant les postes à établir que pour les colonnes mobiles, d’autant plus que le commandant de la gendarmerie va envoyer dans le département quelques gardes de plus, et que j’invite le colonel du 29e de dragons à faire garder Sassuolo, Spilamberto, Vignola et Marano ; il convient donc que vous ayez deux colonnes mobiles, l’une à Sestola, l’autre à P… et la 3e à Gorzano ; il serait peut-être utile d’en former une 4e sur Brandola, afin de pouvoir suivre les brigands dans toutes les directions. J’écris à M. le préfet du département de profiter de la présence des troupes pour faire arrêter les déserteurs et conscrits réfractaires qui se trouvent dans les montagnes ; on ne doit pas se dissimuler que s’ils ne sont pas brigands ouvertement, ils sont au moins en connivence avec eux, puisqu’ils jouissent de leur protection" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 139 page 292).
Le 31 mars 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Colonel Avice, du 29e Régiment de Dragons, commandant le département du Panaro, à Modène : "Ci-joint, vous trouverez, M. le colonel, une lettre que j’adresse au chef de bataillon Maurie et dont je vous prie de prendre connaissance ; vous donnerez les ordres nécessaires en conséquence ; vous verrez que j’adopte le projet qui m’a été soumis et que pour faciliter les opérations de l’infanterie, il est bon que vous fassiez occuper par des dragons les postes de Sassuolo, Spilamberto, Vignola et Marano.
Vous pourrez en raison de ce service, retirer les détachements que vous avez à Crevalcore et Nonantola. Il emporte de finir avec les brigands qui sont dans le département du Panaro, attendu que je serai peut-être obligé de retirer les troupes que j’y ai envoyé, et ce sous dix ou douze jours au plus tard ; alors, tout le service restera encore à la charge de votre régiment.
Vous trouverez aussi sous ce pli une lettre du préfet du Panaro, avec ses projets de perlustration dans les environs de la Mirandola ; vous êtes sur les lieux, employé à cette opération ; quand vous l’aurez concerté avec le préfet, la compagnie du 106e régiment, qui est à Modène, quelques gardes nationales et de dragons ; je pense que c’est tout ce qu’il faut ; mais il est nécessaire de suivre cette opération en même temps que celle du … Je vous envoie la lettre que j’écris au préfet du Panaro ; prenez en connaissance, et la lui envoyer après l’avoir cachetée" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 140 page 293).
Le 1er avril 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Préfet du Bas-Pô, à Ferrare : "En suite des instructions de Son Excellence le Ministre du Trésor du Royaume d’Italie, j’ai l’honneur de vous prévenir, monsieur le préfet, que j’enverrai le 8 de ce mois à Ferrare un détachement du 106e régiment pour recevoir et ramener du 9 au 10 à Bologne, un convoi de 200000 francs que la caisse du département du Bas-Pô doit faire verser à celle de Bologne ; je vous prie de donner les ordres nécessaires pour que cette somme soit remise et apportée de Ferrare à l’époque fixée afin de ne pas faire éprouver de retard à ce détachement" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 141 page 296).
Le 1er avril 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Général Vignolle, Chef de l’Etat-major général, à Milan : "… Par suite, le 106e ayant un bataillon dans les montagnes de Modène, et devant fournir à lui seul tous les postes sur les frontières de la Toscane et garder les passages entre le Bas-Pô et le Reno, se trouvera entièrement disséminé sans pouvoir s’occuper ni de réparations, ni d’instruction ; tel est l’état de choses et vous concevez qu’envoyer un bataillon du 9e de ligne à Modène, jusqu’au 14 avril seulement, c’est le fatiguer de marcher et contre marcher qui ne mèneraient à rien …" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 142 page 298).
Le 3 avril 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Général de Brigade Pouchin, commandant le département du Reno : "J’ai chargé le chef de l’état-major de la 2e division de vous adresser, mon cher général, l’état des troupes stationnées dans le département du Reno, et les postes que j’ai cru devoir faite établir pour le maintien de la tranquillité publique ; les mesures de circonstance que j’ai été dans le cas de prendre dès mon arrivée ici cessent demain ; vous recevrez, à date du 5, tous les rapports, tant ceux des postes des troupes de ligne que de la gendarmerie et correspondrez pour tout genre de service dans le département avec M. le préfet ; vous me rendrez compte de vos opérations en me faisant connaitre tout ce qui arrivera d’important ; vous remarquerez par la distribution des postes que tout un bataillon du 106e régiment est employé, que l’autre étant nécessaire au service de la place, escortes, etc. et devant dans 15 jours relever celui détaché, il est impossible de déférer aux demandes de troupes que l’on pourra vous faire ; dans des circonstances urgentes seulement des détachements pourront se prendre sur la garnison, mais ils ne devront pas être employés à poste fixe, et devront rentrer dans le terme de deux ou trois jours, mon intention étant d’envoyer incessamment le 53e régiment, à l’exception du bataillon qui est à Imola, et que j’y maintiendrai dans le département du Rubicon, je n’ai pas fait comprendre le régiment dans l’état des troupes italiennes celui du Reno, quoiqu’il soit possible que je le conserve jusqu’au 10" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 144 page 302).
Le 4 avril 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Général Vignolle, Chef de l’Etat-major : "... A dater de demain 5, le 106e régiment distribué sur les points principaux dans le département, et le bataillon qui est à Imola, 4 compagnies, je ferai rentrer le restant, à l’exception du bataillon qui est à Imola et qui sera employé dans le Reno, que lorsque j’aurai la … que le Bataillon du 9e me restera jusqu’à la fin du mois ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 146 page 305).
Le 10 avril 1810, le Général de Division Grenier écrit, depuis Bologne, au Général Pouchin : "... Le département du Panaro est inquiété dans ses cantons montueux par deux bandes de brigands connues sous la dénomination l’une des Cemini, l’autre de Casalotte ; un bataillon du 106e et un du 9e de ligne sont à leur poursuite, on espère que ces bandes seront détruites d’ici au 15 de ce mois …" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 149 page 312).
Le 7 mai 1810, l'Empereur écrit, depuis Bois-le-Duc, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Je remarque qu'il y a peu de troupes dans la 30e division militaire. Comme mon intention est de supprimer les couvents, d'obliger les prêtres à prêter serment et de finir ces ridicules scènes de Rome, j'ai besoin d'y avoir les forces convenables.
Donnez ordre au vice-roi de compléter à 600 hommes présents, chacun, les deux premiers bataillons du 106e qui est à Bologne, et les deux premiers bataillons du 53e qui est à Imola (ce qui fera quatre bataillons, 2,400 hommes), de joindre à cette colonne trois escadrons du 29e de dragons, complétés à 600 chevaux (ce qui la portera à 3,000 hommes), de mettre cette brigade sous les ordres du général Pacthod, d'y joindre six pièces de canon, de tenir ces troupes en forme de colonne d'observation à Perugia, pour être à la disposition du général Miollis, qui la fera venir à Rome et partout où elle serait nécessaire; et, dans le cas où elle serait inutile, elle resterait à Perugia. Donnez ordre au vice-roi de réunira Ancône 3,000 hommes d'infanterie et 600 chevaux de troupes italiennes, pour se porter où il sera nécessaire ; le général commandant cette colonne prendra les ordres du général Miollis ..." (Correspondance de Napoléon, t.20, lettre 16444 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 23557 (avec quelques variantes dans la mise en forme des phrases) - Note : La CGN mentionne un Général de Brigade Pastol, et non Pacthod).
Le 11 [juillet] 1810, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre au vice-roi de faire les dispositions suivantes : les 4 bataillons du 92e seront égalisés de manière à avoir 6 à 700 hommes à chacun des 4 bataillons de guerre. La même opération sera faite pour le 9e, il faut faire revenir à cet effet le bataillon qui est à Modène. La même opération sera faite pour le 84e, pour le 35e, pour le 53e, pour le 106e, hormis les 2 bataillons que ce régiment a dans l'Etat romain, et pour le 13e de ligne" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4388 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 23958 - Note. Sur la copie d'expédition (S.H.D., Guerre, 17 C 323), la lettre est datée du 11 juin 1810, mais une note de Clarke précise : « Cette lettre de l’Empereur doit être du 11 juillet et non du 11 juin »).
Le 6 octobre 1810, l'Empereur adresse, depuis Fontainebleau, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris, une Note sur l'organisation des armées; concernant l'Armée d'Italie, il écrit : "… Cette armée se composerait de 10 divisions, dont 7 françaises et 3 italiennes, et composées, savoir :
... 5e division française, 9e de ligne ayant quatre bataillons ; 29e, quatre ; 53e, quatre ; 106e, quatre : 16 bataillons ..." (Correspondance de Napoléon, t.21, lettre 17000 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24816).
/ 1811
Le 7 mars 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Donnez ordre que ce qu'il y a de disponible au 5e bataillon du 112e soit versé dans les 3 premiers bataillons. Même ordre pour les 111e, 108e, 106e et 105e ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5136 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 26122).
Le 5 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre ... Je suppose que le 9e, le 13e, le 35e, le 84e, le 106e et le 92e, qui sont en Italie, ont également leurs compagnies. Faites-moi un rapport là-dessus" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17573 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26544).
Le 17 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Paris : "Mon Fils, vous donnerez des ordres pour réunir sans délai, et sans attendre les ordres de mon ministre de la guerre, un corps d'armée entre Vérone, Trente et Bolzano ; ce corps sera composé de quatre divisions ...
La 2e division sera composée de sept régiments d'élite. Chaque régiment d'élite sera formé de deux bataillons : le 1er bataillon sera composé de quatre compagnies de voltigeurs et le 2e bataillon de quatre compagnies de grenadiers. Chaque régiment aura les caissons, la compagnie d'artillerie et les moyens de transport attachés au régiment, hormis qu'il n’y aura que deux caissons d'infanterie, et deux de transport au lieu (le quatre. Ces régiments seront ainsi composés, savoir : 1er régiment d'élite : 1er bataillon, quatre compagnies de voltigeurs complétées à 150 hommes ; 2e bataillon, quatre compagnies de grenadiers complétées à 150 hommes ; total, 1,200 hommes, du 9e de ligne ; 2e régiment d'élite : deux bataillons du 13e, 1,200 hommes ; 3e régiment d'élite : deux bataillons du 29e, 1,200 hommes ; 4e régiment d'élite : deux bataillons du 35e, 1,200 hommes ; 5e régiment d'élite : deux bataillons du 53e, 1,200 hommes ; 6e régiment d'élite : deux bataillons du 106e, 1,200 hommes ; 7e régiment d'élite : deux bataillons du 112e, 1,200 hommes ; total, 8,600 hommes et quatorze pièces de canon. Il y sera en outre attaché douze pièces d'artillerie de ligne ...
Chaque division formera trois brigades, à l'exception de la première qui n'en formera que deux ...
Donnez sans délai des ordres pour que tous ces régiments se tiennent prêts et que les compagnies d'élite soient complétées. Vous laisserez accroire aux colonels qu'ils doivent eux-mêmes commander ces régiments d'élite, afin que la composition en soit bien faite ; mais, en réalité, vous ne ferez marcher que quatre colonels et trois majors. Chaque bataillon d'élite sera commandé par un chef de bataillon : ainsi, sur les quatre chefs de bataillon, deux marcheront ; vous choisirez les meilleurs officiers. Présentez-moi l'organisation après que vous aurez donné les ordres préparatoires pour ce qui vous regarde, afin de ne pas perdre un moment et qu'au 1er mai tout cela se puisse mettre en marche pour Vérone ; étudiez cette organisation ; présentez-moi les généraux de division, les généraux de brigade, les états-majors, les administrations, les commissaires de guerre, les officiers du génie et d'artillerie, et tout ce qui est nécessaire pour compléter cette organisation en détail et telle que je puisse ainsi l'envoyer toute faite au ministre de la guerre. Je désire l'avoir demain soir. Faites transporter 200,000 rations de biscuit à Vérone afin de pouvoir remplir les caissons ; ces biscuits serviront à l'armée. Donnez tous les ordres pour que l'artillerie puisse également se diriger sur Vérone et être prête au 1er mai, de sorte qu'au 15 mai le corps d'armée puisse déboucher sur Trente ...
Ainsi le corps d'armée sera donc composé de 34,000 hommes d'infanterie, de 6,000 hommes de cavalerie et de près de quatre-vingts pièces de canon, indépendamment de la garde royale ; ce qui le portera de 40 à 50,000. Il faut que tout cela puisse se mettre en marche et, s'il est nécessaire, entrer en Allemagne le 15 mai ..." (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 145 ; Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17623 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26719).
Le 19 avril 1811, Napoléon décide que l'Armée d'Allemagne sera composée de trois Corps; le 3e est le Corps d'observation d'Italie. L'Empereur écrit en effet ce jour à au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, l'armée d'Allemagne sera composée de trois corps :
1° Le corps d'observation de l'Elbe ;
2° Le corps d'observation du Rhin ;
3° Le corps d'observation d'Italie.
CORPS D'OBSERVATION D'ITALIE
Ce corps se réunira à Bolzano, Vérone, Mantoue et Brescia. Il sera composé de la manière suivante :
Infanterie ...
2e division
1re brigade
bataillon d'élite du 9e régiment de ligne 2 bataillons
bataillon d'élite du 13e régiment de ligne 2
4 bataillons
2e brigade
bataillon d'élite du 13e régiment de ligue 2
bataillon d'élite du 53e régiment de ligne 2
bataillon d'élite du 106e régiment de ligne 2
6 bataillons
3e brigade
bataillon d'élite du 29e régiment de ligne 2
bataillon d'élite du 52e régiment de ligne 2
bataillon d'élite du 112e régiment de ligne 2
6 bataillons
Total 16 bataillons
Cette division aura 16 pièces de canon et se réunira à Vérone ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17630 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26753; Comprendre 33e Léger; le Général Dessaix est à la tête de cette Division).
Le même 19 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Paris : "Mon Fils, je n’approuve pas l'organisation que vous m’avez présentée, je vous en envoie une nouvelle ...
Je pense aussi qu'il faut emmener tout ce qu'on pourra de Dalmatie ; ce ne sont pas des troupes assez sûres pour les laisser sur les derrières. En envoyant les huit bataillons de deux régiments, vous devez compléter ces bataillons en prenant dans les autres, s'il est nécessaire ; rien que ces huit bataillons doivent vous faire 6,000 hommes.
Par cette nouvelle organisation vous verrez que votre corps d’armée se trouvera composé de plus de 40,000 hommes d'infanterie, y compris la garde, de 8,000 hommes de cavalerie et de plus de 140 pièces de canon. Je vous ai déjà mandé de faire faire du biscuit à Mantoue, afin de remplir tous les caissons, qu'on n'ouvrira plus que devant l'ennemi.
Il est important que chaque homme ait deux paires de souliers neuves dans le sac et une aux pieds, et qu'on puisse délivrer à Vérone, Trente et Bolzano, au moment du départ, trente cartouches par homme, Ces cartouches doivent être réunies dans les dépôts d’artillerie de ces places et n'être données qu'au départ.
Annexe
Corps d'Observation de l'Italie ...
Deuxième division
La deuxième division se réunira à Vérone elle sera commandée par le général Broussier.
Elle sera composée de trois brigades.
Les quatre généraux de brigade seront les généraux Alméras, Roussel, Mallet et Digonnet ...
La première brigade sera composée de deux régiments d'élite tirés du 9e régiment et du 13e de ligne.
La deuxième, de deux régiments d'élite tirés du 29e et du 112e régiments.
Et la 4e brigade, de deux régiments d'élite tirés du 35e et du 106e.
Chaque régiment d'élite sera composé de 2 bataillons d'élite.
Le 1er bataillon sera formé de 4 compagnies de grenadiers et le 2nd de 4 compagnies de voltigeurs.
Les compagnies seront complétées à 150 hommes ce qui portera chaque bataillon à 600 hommes, le régiment à 1200 hommes, la brigade à 2 400 hommes et la division à 9600 hommes.
Le régiment d'élite du 9e sera commandé par un colonel, celui du 13e par un major, celui du 29e par un major, celui du 112e par un colonel, celui du 52e par un major, celui du 53e par un colonel, celui du 35e par un major, celui du 106e par un colonel.
Les huit compagnies de canonniers de ces régiments marcheront avec les régiments d'élite et comme de raison n'emmèneront avec elles que deux caissons de cartouches et deux caissons de transport, elles mènent deux pièces ce qui fera 16 pièces de régiment.
Il y aura en outre une batterie de ligne, tirée de l'artillerie que j'ai en Italie et composée de deux divisions d'artillerie, savoir, une d'artillerie à cheval, composée de deux obusiers et de 4 pièces de canon, et une d'artillerie à pied, composée de 2 obusiers et de 6 pièces de canon.
Total de l'artillerie de la division 30 pièces de canon.
Une compagnie de sapeurs avec son caisson d'outils attelé sera également attachée à cette division.
Les deux régiments d'élite seront formés sans délai et complétés de vieux soldats.
Pour commander les deux bataillons du régiment d'élite, le colonel désignera les deux meilleurs des quatre chefs de bataillon du régiment ...
Le vice-roi commandera ...
Le corps d'armée doit se réunir sur l'Adige, l'Oglio et le Mincio" (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 152 (ne donne pas l’annexe) ; Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17633 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26764).
Le 20 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je vous envoie le plan d'organisation du corps d'observation de l'Italie. Rédigez cette organisation convenablement. Mon intention est de ne rien envoyer de France. La 1re division sera fournie par l'Illyrie ... Mon intention est de le diriger en cas d'événement par Inspruck sur Dresde, pour se réunir avec le corps d'observation du Rhin, qui, par Wesel et Mayence, se dirigerait sur Magdeburg. Je suppose que je n'ai rien oublié. Vous me ferez connaître après cela ce qui restera en Italie aux régiments.
CORPS D'OBSERVATION DE L'ITALIE ...
2e DIVISION. - La 2e division se réunira à Vérone ; elle sera commandée par le général Broussier.
Elle sera composée de quatre brigades. Les quatre généraux de brigade seront les généraux Almeiras, Roussel, Mallet et Digonnet ; l'adjudant commandant Blanquet sera chef de l'état-major ; deux adjoints d'état-major, un commissaire des guerres, un chef de bataillon d'artillerie, un officier du génie, un sous-inspecteur aux revues seront fournis par l'armée d'Italie.
La 1re brigade sera composée de deux régiments d'élite tirés du 9e régiment et du 13e de ligne ; la 2e, de deux régiments d'élite tirés du 29e et du 112e régiment ; la 3e, de deux régiments d'élite tirés du 52e et du 53e de ligne, et la 4e brigade, de deux régiments d'élite tirés du 35e et du 106e.
Chaque régiment d'élite sera composé de deux bataillons d'élite ; le 1er bataillon sera formé de quatre compagnies de grenadiers et le second de quatre compagnies de voltigeurs.
Les compagnies seront complétées à 150 hommes ; ce qui portera chaque bataillon à 600 hommes, le régiment à 1,200 hommes, la brigade à 2,400 hommes et la division à 9,600 hommes.
Le régiment d'élite du 9e sera commandé par un colonel, celui du 13e par un major, celui du 29e par un major, celui du 112e par un colonel, celui du 52e par un major, celui du 53e par un colonel, celui du 35e par un major, celui du 106e par un colonel.
Les huit compagnies de canonniers de ces régiments marcheront avec les régiments d'élite, et, comme de raison, n'emmèneront avec elles que deux caissons de cartouches et deux caissons de transport ; elles mènent deux pièces, ce qui fera seize pièces de régiment. Il y aura, en outre, une batterie de ligne tirée de l'artillerie que j'ai en Italie et composée de deux divisions d'artillerie, savoir : une d'artillerie à cheval, composée de deux obusiers et de quatre pièces de canon, et une d'artillerie à pied, composée de deux obusiers et de six pièces de canon. Total de l'artillerie de la division, trente pièces de canon.
Une compagnie de sapeurs avec son caisson d'outils attelé sera également attachée à cette division.
Les deux régiments d'élite seront fournis sans délai et complétés de vieux soldats. Pour commander les deux bataillons du régiment d'élite, le colonel désignera les deux meilleurs des quatre chefs de bataillon du régiment.
Les bataillons d'élite du 29e et du 112e se réuniront sans délai à Florence, seront prêts à partir le 1er mai et se dirigeront sur Vérone ...
ETAT-MAJOR GÉNÉRAL ET DISPOSITIONS DIVERSES. — Le vice-roi commandera ...
Le corps d'armée doit se réunir sur l'Adige, l'Oglio et le Mincio" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17635 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26776).
Le 24 mai 1811, l'Empereur écrit, depuis Caen, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Je vous envoie cinq états pour vous servir de direction dans un rapport que vous me ferez au 15 juin, pour donner une nouvelle organisation, au 1er juillet, aux différents corps d'observation ...
CORPS D'OBSERVATION D'ITALIE. — Ce corps conservera la même dénomination, mais il sera organisé comme il est porté au n° 3 ...
Je n'ai pas besoin de vous dire que vous ne devez donner aucun ordre, faire aucun mouvement en conséquence de ces états, mais que vous devez vous borner à me faire un rapport général au 15 juin, époque à laquelle vous me demanderez en même temps mes ordres ...
CORPS D'OBSERVATION D'ITALIE.
Le corps d'observation d’Italie recevra au 1er juillet, conformément au rapport que nous fera le ministre de la guerre le 15 juin, l'organisation suivante :
2e Division. — Trois bataillons du 9e, trois du 13e, trois du 53e et trois du 106e ; total, 12 bataillons ...
Ce corps d'observation sera réuni, selon les ordres soumis à notre approbation, à Trente, Bolzano, Brescia, Laybach, Bassano, Vérone et Vicence.
NOTE.
D'ici au 1er juillet, le corps d'observation d'Italie conservera son organisation telle qu'elle a été établie par le dernier rapport du ministre, afin que, si d'ici au 1er juillet j'avais besoin de le mettre en mouvement, il pût marcher selon ladite organisation ...
CORPS D'OBSERVATION D'ITALIE (ne figure pas dans la Correspondance; c'est la situation ci-dessus en date du 20 avril 1811) ...
2e DIVISION
La 2e division se réunira à Vérone. Elle sera commandée par le général Broussier.
Elle sera composée de 3 brigades ...
La 1re brigade sera composée de 2 régiments d'élite tirés du 9e régiment du 13e de ligne.
La seconde 2 régiments d'élite tirés du 29e et du 112e régiment, 52e et la 4e brigade, des 2 régiments d'élite tirés du 35e et du 106e, 53e.
Chaque régiment d'élite sera composé de 2 bataillons d'élite.
Le 1er bataillon sera formé de 4 compagnies de grenadiers et le second de 4 compagnies de voltigeurs. Les compagnies seront complétées à 150 hommes, ce qui portera chaque bataillon à 600 hommes, le régiment à 1 200 hommes, la brigade à 2 400 hommes et la division à 9600 hommes.
Le régiment d'élite du 9e sera commandé par un colonel. Celui du 13e par un major. Celui du 29e par un major. Celui du 112e par un colonel. Celui du 52e par un major. Celui du 53e par un colonel. Celui du 35e par un major. Celui du 106e par un colone1.
Les 8 compagnies de canonniers :
Ces régiments marcheront avec les régiments d'élite et comme de raison n'emmèneront avec elles que 2 caissons de cartouches et 2 caissons de transport. Elles mènent 2 pièces ce qui fera 16 pièces de régiment. Il y aura en outre une batterie de ligne tirée de l'artillerie que j'ai en Italie et composée de 2 divisions d'artillerie, savoir : une d'artillerie à cheval composée de 2 obusiers et de 4 pièces de canon, et une d'artillerie à pied composée de 2 obusiers et de 6 pièces de canon. Total de l'artillerie de la division, 30 pièces de canon.
Une compagnie de sapeurs avec son caisson d'outils attelé sera également attachée à cette division. Les régiments d'élite seront formés sans délai et complétés de vieux soldats pour commander les 2 bataillons du régiment d'élite. Le colonel désignera les 2 meilleurs des 4 chefs de bataillon du régiment. Les bataillons d'élite du 29e et du 112e se réuniront sans délai à Florence, seront prêts à partir le 1er mai et se dirigeront sur Vérone ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17247 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27150).
Le 11 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "... ITALIE. — Les bataillons d'élite d'Italie seront tous supprimés au 1er juillet. Les compagnies rentreront dans les bataillons et auront le même effectif que les autres compagnies.
Les 5es bataillons fourniront tout ce qu'ils ont de disponible aux 4es bataillons, de manière que les quatre premiers bataillons du 9e de ligne, les quatre du 13e, les quatre du 35e, les quatre du 53e, du 84e, du 92e, du 106e, du 29e et du 112e forment trente-six bataillons, chacun complété de 750 à 800 hommes.
P. S. J'ai ordonné que les mouvements s'opéreraient au 1er juillet ; cependant, comme il est possible qu'il manque des habits et autres effets aux conscrits, vous donnerez en conséquence l'ordre aux dépôts de faire partir au 1er juillet ce qui serait bien arme, équipé et arrive au régiment depuis vingt jours, et au 15 juillet le reste. Les généraux commandant les divisions militaires qui passeront la revue de ces dépôts vous enverront à l'avance l'état de ce qui doit partir au 1er et au 15 juillet, de sorte qu'au 1er août les camps de Boulogne, d'Utrecht, tout soit conformément à ma lettre ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17792 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27268).
Le 7 septembre 1811, Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté l'état de situation de son armée d'Italie au 1er de ce mois. Les deux camps d'Udine et de Montechiaro, que Votre Majesté a bien voulu autoriser, seront formés au 15 septembre. Celui de Montechiaro aura les 9e, 84e, 92e, 106e régiments de ligne et le régiment espagnol, le 8e de chasseurs, le 6e de hussards, les 2e et 3e de chasseurs italiens, et 4 régiments de dragons ; le général Broussier commandant l'infanterie et le général Fresia la cavalerie ... Chaque régiment aura son artillerie régimentaire, et il y aura à chaque camp 12 pièces d'artillerie pour les grandes manœuvres. Ces camps se lèveront au 30 octobre" (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 187).
Le 8 novembre 1811, Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "Sire, Votre Majesté m'avait ordonné de voir toutes les troupes composant l'armée d'Italie, et de lui faire un rapport sur ma revue. Aussitôt mon inspection terminée, j'ai fait rédiger les deux livrets ci-joints, qui feront connaître à Votre Majesté la situation exacte de ces troupes sous tous les rapports.
J'ai commencé l'exposé par des tableaux dont l'explication vient après. J'ai été généralement bien satisfait des troupes. Le camp leur a fait du bien, surtout aux officiers ; il serait à désirer que Votre Majesté voulût bien accorder la réunion de ces troupes aux camps pendant trois mois de chaque année, car un mois, six semaines ne suffiront pas. J'ai une seule réclamation à faire à Votre Majesté. On fait bien de défendre dans les corps tout ce qui est luxe ; mais, suivant moi, on a poussé cela trop loin. Trois circulaires du ministre-directeur, du 21 février 1811, du 28 mars 1811 et du 10 septembre dito, contiennent la défense expresse des plumets aux grenadiers et aux voltigeurs. Comme il existe aussi une autre lettre du ministère qui suspend tout achat de bonnets d’oursin pour les grenadiers, il s'ensuit : 1° qu'il y a une bigarrure désagréable et peu convenable ; 2° qu'on ne distingue plus les grenadiers des compagnies du centre, et je l'ai jugé par moi-même. Les grenadiers du 106e ont suivi strictement les ordres du ministre, ils n'ont donc plus que le shako, mais tout uni, et le pompon rouge. On a bien permis une houppette, mais cela ne signifie rien ; car, à la première pluie, la houppette est bientôt au niveau du pompon. Les compagnies du centre ont les mêmes shakos, ont des pompons orange, rouge ; etc. Il s'ensuit qu'à cent pas on ne distingue pas les grenadiers. Votre Majesté sait mieux que moi l'effet moral que produit soit sur l'ennemi, soit chez nous-mêmes, la vue d'hommes d'élite. Je demande donc à Votre Majesté, ou de décider que tous les grenadiers auront des bonnets à poil, ou, si elle veut qu'ils aient des shakos, d'autoriser le plumet rouge pour les grenadiers, et le vert pour les voltigeurs" Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 216).
Le 15 décembre 1811, Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté le rapport sur l’incorporation dans les régiments à l'armée du 6e bataillon du 20e de ligne. Votre Majesté y verra 670 hommes qui ont été incorporés : savoir, 222 dans le 9e de ligne, 229 dans le 92e, et 219 dans le 106e. L'espèce d'hommes est généralement fort belle, bien habillée et bien armée. On a remarqué pourtant que le drap des habits et des bonnets de police était inférieur à celui des autres corps de l'armée ; quelques vestes et culottes, et particulièrement les shakos, peuvent difficilement aller au terme de leur durée, les effets de petit équipement provenant des dépôts des conscrits réfractaires de Toulon sont inférieurs à ceux des autres corps de l'armée ..." (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 231).
Le 16 décembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon Fils, voici l'organisation que je désirerais donner au corps d'observation d'Italie.
La 1re division du corps d'observation d'Italie se réunira à Trente et à Bolzano. Elle sera composée (je fixerai le jour) de deux bataillons du 8e d'infanterie légère, de quatre bataillons du 84e, de quatre bataillons du 92e, de quatre bataillons du 106e et de deux bataillons croates ; total, seize bataillons. Cette division portera le n° 13, ayant décidé de donner un numéro général à toutes les divisions de la Grande Armée ...
On laisserait en Italie les régiments suivants :
RÉGIMENTS FRANÇAIS. — 22e d'infanterie légère, six bataillons ; 6e de ligne, trois ; 14e léger, trois ; 112e de ligne, cinq ; 13e, cinq ; 23e, deux ; les 5es bataillons des six régiments français composant les 13e et 14e divisions, six bataillons ; 10e de ligne, deux bataillons ; 20e, deux ; 7e, un ; 12e, un ; 1er léger, deux ; 3e, un ; 67e de ligne, un ; régiment illyrien, un ; 52e de ligne, cinq ; 102e, deux ; ce qui ferait en deçà des Alpes quarante-huit bataillons français, formant 30,000 hommes d'infanterie, lesquels seront complétés par la levée de la conscription qui va être faite, celle de 1812 ...
Faites-moi connaître si du 1er au 10 janvier les trois divisions du corps d'observation pourront être réunies, la 1re à Trente et à Bolzano, la 2e à Brescia et la 3e à Vérone, et la cavalerie aux environs, avec toute l'artillerie bien attelée, double approvisionnement de caissons, compagnies du train du génie et au moins 6,000 outils attelés, afin qu'en février ce corps puisse se mettre en campagne ..." (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 233 ; Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18340; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29370).
Le 29 décembre 1811, l'Empereur
écrit, depuis Paris, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, ayant prescrit différentes dispositions au vice-roi, il me mande qu'il lui manque les officiers dont l'état est ci-joint ... Je vous prie de me présenter le travail de ces remplacements mercredi prochain, afin que je signe et que je sois assuré que ces corps sont complets en officiers" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6551 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29507). En Annexe de la CGN, figure un "Etat des emplois vacants dans les corps de toutes armes qui composent l’armée d’Italie, à l’époque du 24 décembre 1811. Pour l’Infanterie :
... Au 106e de ligne, il manque 1 Capitaine, 2 Lieutenants, et 1 Sous-lieutenant ; dans les observations, il est noté : « Les mémoires de proposition ont été adressés » ...".
/ 1811, en France
Le 17 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "... Les 2es compagnies des 5es bataillons des 5e, 11e, 23e, 60e, 81e, 79e, 1er de ligne, 62e, 102e, 10e, 20e, 101e, 29e, 9e, 35e, 53e, 13e, 106e, 16e et 67e formant 20 compagnies se réuniront à Toulon et seront destinées à monter les 16 vaisseaux qui sont en rade de Toulon et les premiers qui seront mis à l'eau ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5796 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27681).
Le 22 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "... ESCADRE DE TOULON
Les 2es compagnies du 5e bataillon de chacun des 9e de ligne, 106e, 53e, 35e et 13e de ligne seront formées à Milan ...
Le vice-roi formera de ces compagnies un bataillon qu'il passera en revue, et qu’il dirigera sur Toulon, en s'assurant qu'elles sont complètes et en bon état ...
Toutes ces compagnies seront placées, savoir
La compagnie du 9e, sur le Wagram, vaisseau à trois ponts ; celle du 16e sur l'Austerlitz, id. ; celle du 29e sur le Majestueux, id. ; celle du 53e sur le Commerce-de-Paris, id. ; celle du 106e sur L’Impérial, id. ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6042 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28292).
1812
Le 2 janvier 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke : "Monsieur le due de Feltre, le corps d'observation d'Italie sera organisé de la manière suivante :
1re division (c'est-à-dire la 13e de la Grande Armée)
8e d'Infanterie légère, 2 bataillons.
84e … 4 –
92e … 4 –
106e … 4 –
Régiment croate – 2
16 bataillons
Le général Delzons commandera cette division ; les généraux de brigade Huard, Roussel et Bertrand de Sivray y seront employés. Il y aura 1 compagnie d'artillerie à cheval, 1 à pied, 1 compagnie de sapeurs, 1 détachement d’ouvriers et toute l'administration nécessaire.
Chaque régissent ayant 2 pièces d'artillerie, cette division aura 10 pièces de régiment, ce qui, avec les batteries d'artillerie à pied et à cheval, fera 24 pièces de canon.
Vous donnerez ordre au régiment croate de se rendre à Brescia, pour s'y former ; au 8e d'infanterie légère, de se réunir à Linz, et aux 84e, 92e et 106e, à Bolzano et pays environnants, sans sortir du royaume d'Italie ...
Toute l'artillerie, personnel et matériel, que doit fournir l’Illyrie pour cette division, se réunira également à Linz ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6590 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29631).
Le 26 janvier 1812, l'Empereur, à Paris, dicte des notes sur les divisions de troupes de ligne, adressées au Maréchal Berthier, Major général : "... Le 82e a, à La Rochelle, une seule compagnie. Le 6e bataillon est porté comme ayant l'ordre de rentrer en France. Il faut s'en assurer avant de le comprendre et d'y diriger des conscrits.
Pour les 106e et 26e, même observation, hormis que pour le 26e on porte deux compagnies en Espagne, ce qui est incompréhensible ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6693 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 29851).
Boutons du 106e de Ligne, 1812; petits modules |
Le 9 février 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon fils, je vois par le rapport du général Vignolle, du 2 février, que, moyennant les incorporations des bataillons de la Méditerranée, le 84e, le 9e, le 106e et le 92e se trouvent au grand complet ; le 8e et le 18e d'infanterie légère doivent se trouver au grand complet par l'incorporation du 7e bataillon. Les Croates et les Espagnols sont au grand complet ; je n'ai donc plus de sollicitude que pour le 35e et le 57e. Faites-moi connaître si vous avez reçu le 5e bataillon du 62e qui doit vous fournir 3 à 400 hommes à incorporer. J'ai dirigé de l'île d'Elbe sur l'Italie les 5e bataillons du 14e·d'infanterie légère et du 6e de ligne. Je l'ai fait suivre par quatre compagnies de marches, tirées également des bataillons de la Méditerranée qui sont à l'île d'Elbe ; enfin je suppose que vous avez pris toutes les mesures nécessaires pour porter les troupes italiennes au grand complet. Ayez soin de faire passer une revue générale par les inspecteurs aux revues du 11 au 16, afin de bien savoir l'état des troupes qui partent, et d'arrêter à cette époque l'effectif de chaque compagnie, de chaque bataillon et chaque corps. Tout le reste pourrait entrer dans l'effectif du 6e bataillon, hormis ce qui se trouve aux hôpitaux de Bolzano, de Vérone, de Brescia et environs. Vous devez avoir reçu du prince de Neufchâtel l'ordre de commencer votre mouvement du 16 au 20. Je vous ai fait connaître que vous pouviez ne le commencer que du 20 au 22, cela est indifférent ; il suffit que le mouvement soit secret et s'opère ensuite avec rapidité une fois qu'il sera commencé. Il faut surtout que j'en sois prévenu, et que je connaisse à l'avance le moment où votre première colonne de troupes passera le Brenner, pour que je puisse régler tous les autres mouvements en conséquence" (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 305 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 29954).
Le 7 mars 1812, le Prince Eugène adresse à l'Empereur d'un état de situation exacte des troupes qui restent en Italie. Voici le résumé de la force destinée à protéger le Royaume :
Palmanova. Le général Walter, avec trois Bataillons de Dépôts des 13e, 106e de ligne et 3e léger italiens. Total : 650 hommes (Mémoires du Prince Eugène, t. 8, p. 120).
Le 8 juillet 1812, l'Empereur écrit, depuis Vilna, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre ... Le 5e bataillon du 13e de ligne français est à Palmanova ; donnez ordre qu'il se rende à Udine. Palmanova est très-malsain : les troupes italiennes y suffiront ; d'ailleurs, ce bataillon pourra toujours, en cas d'événement, se jeter dans Palmanova. Donnez le même ordre pour le 106e, qui est à Venise : qu'il se rende à Udine, ce qui formera dans cette ville une 2e demi-brigade provisoire. Un major en prendra le commandement. Ces deux bataillons seront toujours à même de se jeter de là dans Palmanova ou dans Venise, selon les circonstances, et en attendant ils seront en bon air. Venise aura suffisamment de troupes, puisqu'il restera 4,000 hommes de garnison indépendamment de ce que vous retirerez ; mais par là vous sauverez bien des hommes" (Correspondance de Napoléon, t.24, lettre 18928 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 31153).
Sur cette journée du 26 juillet, le Prince Eugène écrit, le 31 juillet 1812, depuis Souraj, à Napoléon : "... Le 26, le roi de Naples reçut l'ordre de continuer son mouvement sur Witebsk, et moi de marcher avec une division pour soutenir le mouvement de la cavalerie. Je me rendis avant le jour chez le roi de Naples, et nous convînmes ensemble de l'heure à laquelle Je mouvement commencerait.
Je donnai ordre à la 13e division de suivre la cavalerie, à la 14e et à la garde de marcher à la suite de la 13e division, mais par échelon et à une heure de distance. La route traversait un pays boisé, et le 8efut bientôt engagé pour ouvrir le chemin que l'ennemi disputait avec de l'infanterie. Vers dix heures du matin, le 8e régiment, après avoir chassé du bois tous les tirailleurs de l'ennemi, le rencontra formé et tenant une position avantageuse sur un plateau d'une- assez belle élévation, protégé par une artillerie nombreuse, ayant devant lui un ravin profond, et sa gauche appuyée à une forêt tellement épaisse, qu'il était impossible à des masses, sans la rompre, de la pénétrer. C'était le corps du général Ostermann, fort de deux divisions d'infanterie, qui occupait cette position ; alors j'ordonnai au général Delzons, commandant la 13e division, de se former pour l'attaque, le régiment croate et le 84e sur la gauche de la route, le premier déployé, le second en colonne par division. Un bataillon de voltigeurs et le 92e régiment furent placés sur la droite en échelon par bataillon. L'attaque commença ; elle fut vive, et l'ennemi fut abordé avec intrépidité ; les Croates et le 84e firent plier les bataillons qui leur étaient opposés. Le général Huard, qui commandait cette attaque, y déploya autant de valeur que de capacité. Sur la droite, les voltigeurs et le 92e éprouvèrent une plus grande résistance : ils avaient à pénétrer la forêt, à déboucher et à se former sous le feu de l'ennemi, qui avait placé à sa gauche ses principales forces ; ce ne fut pas sans des efforts multipliés que le général Roussel put parvenir à prendre position au débouché du bois et à en chasser l'ennemi ; il fallait la valeur des troupes et l'opiniâtreté du général qui commandait pour réussir dans une attaque aussi difficile.
Cependant le centre et la gauche, qui ne pouvaient voir la lenteur des progrès de la droite disputés dans la forêt, poursuivirent leurs succès un moment peut-être avec trop d'ardeur ; la cavalerie et l'artillerie, pressées de déboucher, suivirent les premiers avantages du centre et de la gauche et s'engagèrent précipitamment dans le reste du défilé qu'il fallait encore parcourir pour pouvoir se déployer, et l'ennemi, qui voyait sa gauche se maintenir, fit porter sa réserve sur sa droite où il se sentait plus vivement pressé. Les Croates et le 84e furent à leur tour poussés et débordés ; la cavalerie fît un mouvement rétrograde, et l'artillerie allait se trouver compromise, lorsque le roi de Naples, avec sa valeur brillante et la promptitude de l'éclair, détermina une charge de cavalerie vigoureuse qui arrêta l'ennemi. Le chef de bataillon Ricard, avec une compagnie de carabiniers du 8e se précipite à la tête des pièces ; le chef de bataillon Dumas et le capitaine Bonardelle, avec une intrépidité rare, maintiennent le plus grand ordre dans la colonne d'artillerie. Pendant ce temps-là, le général Roussel débouche de la forêt, charge l'ennemi avec le 92e en colonne et se rend maître de la position. Les Croates et le 84e, soutenus de deux bataillons du 106e régiment tenu en réserve jusqu'à ce moment, reprennent leurs premiers avantages. C'est alors que tout fut rétabli et que nous restâmes maîtres du terrain que l'ennemi avait fortement disputé.
Après quelques moments de repos pour rallier les troupes et reformer les colonnes, l'ennemi fut de nouveau poursuivi et forcé promptement dans toutes les positions qu'il chercha encore à défendre ; il fut ainsi ramené jusqu'à deux lieues de Witebsk, où la 13e division prit position vers neuf heures du soir. La 14e se plaça sur la route en seconde ligne, avec ordre d'éclairer par des postes les bords de la Dwina. La garde se plaça également en arrière à droite de la 13e division ..." (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 433).
Le 7 septembre 1812, à six heures du matin, dès qu'il entend le signal donné par le canon du général Sorbier, le Prince Eugène lance la Division Delzons sur Borodino, tandis qu'avec les Divisions Broussier, Gérard et Morand et la Garde italienne, il se tient prêt à franchir la Kolocza sur quatre ponts jetés à l'instant même. Le Général Plauzonne, s'étant mis à la tête du 106e Régiment, enlève Borodino, le dépasse et force le pont du cours d'eau pour marcher droit sur Gorki. Des forces considérables occupent cette dernière position ; l'ennemi n'a pas de peine à arrêter le 106e, qui se trouva un instant très-compromis. Le Général Plauzonne est tué. Le 92e Régiment, voyant le danger que coure le 106e, franchit la Kolocza, et, se portant à son secours, l'aide à contenir les efforts des Russes. Ces deux braves Régiments rentrent en bon ordre dans Borodino (Mémoires du Prince Eugène, t. 8, p. 5).
Le 24 octobre 1812 au matin commence la bataille de Malo-Jaroslawetz, si glorieuse pour les troupes du Vice-Roi et pour le Vice-Roi lui-même. Le Prince rend compte de cette sanglante affaire dans le rapport suivant, adressé à l'Empereur, daté du 26 octobre, surlendemain de l'action : "… Il y eut alors un mouvement rétrograde dans le centre de la ville. Je confiai au général Guilleminot, mon chef d'état-major, le commandement des troupes dans cette partie de la ville. Ce Général forme aussitôt deux bataillons en colonne, marche à l'ennemi, et rétablit le combat. Tourné par sa droite et sa gauche, il se maintint près d'une église jusqu'à ce qu'un bataillon du 106e, tournant l'ennemi par sa droite, fût parvenu à le dégager ..." (Mémoires du Prince Eugène, t. 8, p. 17).
Le 25 octobre 1812, le Ministre de la Guerre, le Duc de Feltre, écrit, depuis Paris (Ministère de la Guerre, 3e Division, Bureau du Mouvement des Troupes), au Général Grenier, commandant la 35e Division d’infanterie de la Grande Armée, à Vérone : "Général, l’Empereur vient de me faire connaître, que son intention est, que la division que vous réunissez en ce moment, à Vérone, et qui prendra le numéro de la 35e division d’infanterie de la Grande Armée, soit composée de trois brigades savoir, deux brigades françaises et une brigade italienne.
... Quant au 112e de ligne, vous vous concerterez avec le général Vignolle, pour porter aussi chacun de ses quatre bataillons à 900 hommes présents, en prenant, à cet effet, le nombre d’hommes nécessaires dans les dépôts des 9e, 35e, 53e, 84e, 92e, et 106e de ligne, stationnés en Italie ...
Vous m’adresserez les procès-verbaux de toutes ces incorporations ...
Enfin l’intention de l’Empereur est, que votre division se mette en mouvement, de Vérone, de manière à passer le mont Brenner dans les premiers jours de décembre, marchant par brigade, et se dirigeant, pour y être cantonnée, jusqu’à nouvel ordre de Sa Majesté, sur Bamberg, Nuremberg et Augsbourg ...
Il est nécessaire que vous portiez la plus grande attention à bien organiser votre division, sous tous les rapports ; l’Empereur y attache une grande importance.
Vous me ferez connaître sur les imprimés ci-joints, la situation détaillée de chaque corps en comprenant dans les présents sur les armes, les hommes que leur ont fourni leurs propres dépôts, ou ceux qu’ils auront reçus par incorporation d’autres régiments ...
Vous aurez soin aussi de m’adresser régulièrement tous les 15 jours l’état de situation de votre division. Je vous envoie, à cet effet, des imprimés" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 9 page 29).
Le 12 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général Vignolle, à Milan : "Pour éviter l’encombrement qui aurait lieu à Vérone par l’arrivée le 14 des 4e bataillons des 1er et 3e légers, par celle des 800 hommes qui viennent de l’Ile d’Elbe et des 360 que vous m’envoyez des 53e et 106e régiments que je suppose devoir arriver le même jour, j’ai donné l’ordre au bataillon du 3e léger, faisant partie de la 3e brigade, d’aller cantonner à Castel Nuovo jusqu’au 20, jour du départ de la première colonne. J’ai fait donner les avis nécessaires pour y assurer le pain et le logement ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 19 page 49).
L'aigle du Régiment est supposée avoir été détruite entre le 17 et le 20 novembre 1812, sur ordre du Prince Eugène. En réalité, elle n'a été qu'enterrée et a été retrouvée par des paysans ; elle est aujourd'hui en collection privée.
Le 18 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général Vignolle, à Milan : "... Les 180 hommes du 106e ont été incorporés hier dans le 6e de ligne. Il y aura peu de réclamations et le général de brigade Le Sénécal m’a rendu de cette incorporation un compte aussi avantageux que de celle qui a eu lieu dans le 112e régiment ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 25 page 62).
1813
Le 10 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, il sera formé un 6e bataillon au dépôt du 9e de ligne.
Idem du 35e, 53e, 84e, 92e et 106e. Vous nommerez sur-le-champ les chefs de bataillon. Les officiers et sous-officiers formant les cadres seront nommés sur-le-champ au dépôt ...
Les officiers et sous-officiers formant les cadres seront nommés au dépôt, et l'on prendra ce qui serait nécessaire dans les cadres des bataillons qui se trouvent actuellement au-delà des Alpes ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32254).
le 17 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, il ne faut rien prendre de la conscription 1813 dans les 40 régiments dont l'état suit, savoir : ... 106e ... Total, 40 régiments.
Il faut au contraire leur donner, sur l'appel des 100 000 hommes, de quoi porter leur dépôt à 2500 hommes afin de compléter les 5e et 6e bataillons et ce qu'ils ont en France. Il suffira, pour les 5 derniers, de les porter à 2000 ...
Il faut donc, après que le corps d'observation de l'Elbe, le corps d'observation d'Italie et les 2 corps d'observation du Rhin seront partis, pouvoir former un corps de réserve avec ce qui existe dans les 40 dépôts ci-dessus désignés, avec ce qu'ils reçoivent de la conscription de 1813 et ce qu'ils vont recevoir sur la levée des 100 000 hommes.
Ce corps de réserve serait composé de 120 bataillons fournis par les 40 régiments ci-dessus. Il faut y ajouter un bataillon de marche des 8e et 18e légers ; un autre du 3e et du 105e ; d'autres bataillons de marche, formés de 2 compagnies tirées des 34 dépôts de la Grande Armée ; plus 5 bataillons de marche de la 32e division militaire. Cela ferait donc environ 150 bataillons ou une réserve de 120 000 hommes qui partirait avec les cadres des 5e et 6e bataillons et avec les cadres qui reviennent de la Grande Armée.
P.S. Je vous prie d'observer que cette lettre dérange quelque chose à l'approuvé que j'ai donné, dans mes lettres précédentes, aux dispositions faites par les bureaux pour compléter les régiments provisoires et différents corps.
Aussitôt que le chef de division aura terminé, il m'apportera ce travail" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32318).
- Frontière de l'Espagne
Le 21 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Fontainebleau, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, j'approuve qu'il soit formé une nouvelle division de réserve de Bayonne, que cette division soit composée ... du 4e du 106e ...
Ces hommes ne devront pas entrer en Espagne, mais garder Bayonne, Pau, la vallée d'Aran, Irun, la Bidassoa, et s'il est nécessaire, aller jusqu'à Saint-Sébastien. Ils sont destinés à mettre nos frontières à l'abri de toute inquiétude, et cela jusqu'au mois de mai. Au mois de mai, il sera formé une autre division de réserve de Bayonne du même nombre de bataillons et à peu près des mêmes régiments dont vous ferez revenir d'autres cadres.
Lorsque cette réserve sera formée, ces 9 bataillons pourront entrer en Espagne pour rejoindre leurs régiments ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32373).
- Allemagne
Le 30 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "... Donnez l'ordre que les compagnies du 9e, du 35e, du 53e, du 106e, forment un bataillon de 4 compagnies et se rendent à Glogau, où elles seront incorporées dans leurs 1er bataillons au 4e corps de la Grande Armée ..." (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 734 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32545).
Le 1er février 1813, Eugène écrit, depuis Posen, à Napoléon : "Sire, j'ai reçu hier les ordres de Votre Majesté du 25 janvier, et j'ai l'honneur de répondre aux différentes demandes que sa lettre contient.
... Quant à la compagnie du 5e bataillon du 126e régiment, qui faisait partie du bataillon …, les hommes de ce régiment qui restaient à la 12e division ayant été incorporés dans le 106e régiment, j'ai ordonné au duc de Castiglione de faire diriger cette compagnie du 126e sur Glogau, pour y rejoindre les cadres du 106e régiment au 4e corps, et y être incorporée ; le cadre de cette compagnie sera envoyé au dépôt du régiment en France ..." (Mémoires du Prince Eugène, t. 8, p. 305).
Le 8 mai 1813, l'Empereur écrit, depuis Nossen, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Mon cousin, cinq cadres de bataillon de la division Durutte sont arrivés à Ulm. Ils doivent y attendre 3 600 recrues venant d'Italie. Ces 3 600 recrues tardent d'arriver par défaut d'habillement ; mais 3 200 recrues formant deux bataillons de marche arrivent à Augsbourg le 17 mai. Ils étaient destinés à compléter le corps du général Bertrand. Mon intention est que vous donniez l'ordre à ces cinq cadres de bataillon de se rendre à Augsbourg où ils seront arrivés le 15 ou le 16. Vous donnerez l'ordre que les 3 200 hommes sans destination et appartenant au 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e régiments soient incorporés dans quatre de ces cinq cadres de bataillon, ce qui les portera à leur grand complet. Ces bataillons se mettront en marche, sur-le-champ et se dirigeront sur Dresde par la route la plus courte. Les officiers et sous-officiers qui ont amené les conscrits retourneront en Italie. Il restera donc encore un cadre de bataillon à compléter. Donnez l'ordre au général Vignolle de diriger sans délai 700 hommes pris parmi les conscrits des quatre années sur ce cadre qui les attendra à Augsbourg. Vous donnerez l'ordre au général Reynier de faire partir sur-le-champ de sa division, cinq cadres de bataillon bien complets, en officiers et surtout en sous-officiers et vous les dirigerez sur Augsbourg. Vous ferez connaître au général Vignolle que les 3 600 hommes qui avaient été destinés au 5 premiers cadres le seront à ceux-ci ; mais que mon intention est qu'au lieu de conscrits des 4 années on prenne des hommes de la conscription des 6 années, et que ce soit tous des Italiens c'est-à-dire des conscrits des départements du Piémont, de Gênes, de Parme, de Toscane et des départements romains. Instruisez le ministre de la Guerre de ces dispositions. Le résultat de cette mesure sera que quelques régiments du 12e corps seront moins complets. J'y pourvoirai d'une autre manière en y incorporant les compagnies de l'ancienne armée d'Italie qui se trouvent dans la place de Glogau, lorsque cette place sera débloquée ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34167).
Le 9 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Görlitz, à Berthier : "... Donnez ordre que tout ce qui se trouve à Glogau des 9e, 3e, 53e, 84e, 92e et 106e régiments, au-dessus du cadre d'une compagnie, en officiers et sous-officiers, soit réuni et envoyé en Italie. Je me réserve de statuer ultérieurement sur ce qui est relatif à ces six compagnies. Donnez le même ordre pour les quatre compagnies italiennes ; tout ce qu'elles ont en officiers et sous-officiers au-dessus des cadres, doit être envoyé en Italie" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 923 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34543).
Le 16 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Maréchal Berthier, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin ... Donnez ordre au général Lauriston d'envoyer à Glogau pour y tenir garnison le 151e régiment. Donnez ordre que la compagnie du 84e et celles des 92e, 106e, 9e de ligne, 35e de ligne et 53e, qui sont à Glogau, soient incorporées dans ce régiment, hormis les cadres qui retourneront sur-le-champ en Italie ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34696).
Le 18 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Mon cousin, donnez ordre que la compagnie du 59e faisant partie du 2e bataillon de garnison à Magdebourg, se rende au 3e corps pour être incorporée dans son bataillon. Ses officiers et sous-officiers retourneront au dépôt. Donnez ordre que la compagnie du 24e de ligne faisant partie du même bataillon soit incorporée dans le bataillon du 12e de ligne qui est à Magdebourg ou à Wittenberg. Celle du 81e le sera dans le 17e, celle du 9e dans le 30e, celle du 35e dans le 33e, celle du 15e dans le 57e et celle du 106e dans le 61e. Cette incorporation aura lieu à Magdebourg ou à Wittenberg ou chacun de ces régiments a un bataillon. Les cadres, officiers, sous-officiers et tambours retourneront en Italie. Donnez avis de cette mesure au ministre de la Guerre"(Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34803).
Le 24 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, à Berthier : "Donnez ordre que les majors des 9e, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e qui étaient venus à l'armée, retournent en Italie" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 1041 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34955).
- Italie
Le 21 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Fontainbleau, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... J’ai examiné le projet de mouvement que vous avez préparé pour les 3 divisions françaises du Corps d’Observation d’Italie. Il en résulte que la 1re division sera réunie le 22 à Vérone, et la 2e à y sera réunie le 23.
Je pense en conséquence que vous pouvez retarder le départ ... De même pour le détachement du 106e, de même pour le 4e bataillon du 10e de ligne. Au lieu de le faire partir le 16 vous pourrez ne le faire partir que le 20 ...
En général, rectifiez votre travail et faite partir les troupes le plus tard possible de leurs dépôts, mais de manière ç obtenir le résultat suivant : que la 1re division soit réunie à Vérone le 22, la 2e le 25, et 3e le 30 ...
Recommandez au Général Vignolle, qu’aussitôt que la 1re division qui doit arriver à Vérone le 22, s’y trouvera réunie, il la fasse mettre en marche pour Trente, Roveredo et Brixen, où elle prendra ses cantonnements jusqu’à nouvel ordre.
La 2e division prendra ses cantonnements à Vérone.
La 3e division pourrait tout entière être réunie à Mantoue.
Vous donnerez ordre que la division Italienne soit réunie à Brescia ; de sorte que ces 4 divisions puissent s’il est nécessaire partir avant le 10 mars pour entrer en Allemagne ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32377).
Le 5 février 1813, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je n'approuve pas la formation des cinquante demi-brigades provisoires, formant cent cinquante bataillons, pour la garde de l'intérieur ; voici de quelle manière ce travail doit être fait ...
ITALIE.
Il sera formé, pour l'Italie, quatre demi-brigades, ainsi qu'il suit : 31e demi-brigade, les 6es bataillons du 9e, du 35e et du 53e ; 32e demi-brigade, les 6es bataillons du 54e, du 92e et du 106e ; 33e demi-brigade, les 6es bataillons du 112e, du 13e de ligne et le bataillon du 8e léger qui revient d'Espagne ; 34e demi-brigade, les 6es bataillons du 8e léger, du 18e et du 36e.
Il sera formé, en outre, six bataillons de garnison : deux pour Palmanova, deux pour Venise, un pour Ancône, un pour Livourne ; total, six.
Ces troupes seront mêlées avec vingt-quatre bataillons italiens, de manière à former deux belles divisions, qui pourront surveiller, l’une les provinces illyriennes, Venise et le Tyrol ; l’autre, Ancône, la Toscane et Rome.
Cette organisation sera l'objet d'un travail particulier ..." (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19538 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32615).
Le 4 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, avez-vous envoyé quelqu'un à Augsbourg pour former les seconds bataillons des 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e.
Je vois que le 9e n'a fait partir que 500, le 35e que 400, le 53e que 700, le 84e que 500, le 92e que 500, le 106e que 700. Cela ne sera pas suffisant pour compléter les seconds bataillons. Je pense donc qu'il est convenable que vous donniez l'ordre qu'au lieu de garder les cadres de 6 compagnies on ne garde que les cadres de 4 et que ces 4 cadres avec les 2 que le 1er bataillon a laissé à Glogau forment le 2nd bataillon. Les 2 autres cadres du 2nd bataillon iront en Italie ou avec les 4 cadres du 1er bataillon, on reformera le 1er bataillon ; ainsi ces corps auraient en Italie leurs 1er, 3e, 4e, 5e et 6e bataillons. Il y a à Bamberg un détachement des garnisons de vaisseau, qui attend ces cadres.
Il serait convenable que ces 6 bataillons se réunissent et forment une division afin de ne pas marcher isolément. Comme Augsbourg est sur la route d'Italie, envoyez un officier pour présider à la formation de ces bataillons et les réunir en s'écartant un peu d'Augsbourg afin de ne pas être sur la route que doit suivre le corps d'observation d'Italie" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32989).
Le 6 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, le 4c corps de la Grande Armée sera supprimé et réuni au corps d'observation d'Italie. En conséquence, les 2es bataillons des 9e, 35e, 53e, 106e, 84e et 92e régiments, qui s'organisent à Augsburg, y attendront le passage du général Bertrand. Ces six bataillons formeront une brigade.
Vous donnerez ordre à trois majors de ces régiments de partir d'Italie en poste pour aller prendre le commandement chacun de deux bataillons.
Les six bataillons formeront donc trois régiments provisoires de la manière suivante : ... 44e régiment provisoire, le 2e bataillon du 53e et le 2e bataillon du 106e ...
Le général Bertrand placera cette brigade dans sa division la plus faible ; ce qui portera le nombre de ses bataillons de 51 à 57.
Tout ce que le 4e corps a dans Glogau sera inscrit comme garnison de Glogau.
Les colonels de ces six régiments se rendront à leurs dépôts en Italie, ainsi que les majors en second, s'il y en a encore.
Toutes les administrations, états-majors d'artillerie et du génie et officiers d'état-major qui appartiennent au 4e corps d'armée, seront attachés au corps d'observation d'Italie" (Correspondance de Napoléon, t. 25, 19670 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33040).
Le même 6 mars 1815, l'Empereur écrit encore, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, j’ai examiné le travail que vous m’avez présenté le 28 févier dernier relativement à la formation des 34 demi-brigades provisoires ...
Le 9e, le 5e, le 53e, le 84e, le 92e et le 106e qui sont en Italie, garderont tous leurs bataillons en Italie hormis leur second bataillon qui s’organise à Augsbourg.
En conséquence, le 1er bataillon sera complété par 2 compagnies qui seront créées du 5e bataillon, pour équivaloir aux 2e compagnies restées à Glogau. Le 3e et le 4e bataillons se formeront également en Italie, ce qui fera 3 bataillons par régiment ou 18 bataillons pour l’Italie ...
Vous remarquerez que le 8e et le 18e n’auront que leur second bataillon à Glogau. Cela exigera l’envoi d’un nombre beaucoup plus considérable de conscrits en Italie, afin de compléter les 18 bataillons que fourniront les 9e, 35e, 53e 84e, 82e (Note : la copie porte en marge que le nombre 92 est écrit au crayon) et 106e régiments ; mais ces 18 bataillons réorganiseront ces régiments et seront une véritable ressource pour la fin de la campagne, en même temps qu’ils formeront une colonne mobile pour l’Italie" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33036).
Le 17 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... La 2e division du corps d'observation d'Italie sera commandée par le général Pacthod ...
Les six bataillons de l'ancien 4e corps, qui forment aujourd'hui les 43e, 44e et 45e régiments provisoires, seront réunis aux divisions du corps d'observation d'Italie de la manière suivante :
... Le 44e régiment provisoire, formé du 53e et du 106e, sera réuni à la 2e division, et la portera à 16 bataillons ...
Au total, cette mesure portera le corps d'observation d'Italie à 58 bataillons, en comptant la division italienne de 13 bataillons" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33267).
Le 11 juin 1813, l’Empereur écrit, depuis Dresde, à Eugène, Vice-Roi d’Italie : "Mon fils, je reçois votre lettre du 31 mai ...
Je vois, par l'état que vous joignez à votre lettre, qu'en complétant les 4 bataillons des 6 régiments, il n'y aurait pas d'hommes à donner aux 5 bataillons de la division Durutte, que j'envoie en Italie. Mon intention est de compléter à 500 hommes les 5 bataillons de cette division. Mettez-y de préférence des Romains, des Toscans et des Piémontais ; tenez ces bataillons à Trente. Formez-en une brigade sous les ordres d'un général de brigade où d'un colonel ; selon les circonstances, j'ordonnerai de les compléter à 800 hommes en y mettant des Romains et des Toscans, et de les diriger sur Dresde. Si ces bataillons doivent rester en Italie, une brigade de 2,500 hommes vous sera utile.
J'écris au ministre de la guerre de tirer des différents dépôts en Toscane et à Rome et de tout ce qui est disponible en France pour compléter votre corps. Faites un état de ce qu'il faut pour compléter les 24 bataillons, en calculant le déficit de la conscription. Il faut que chaque régiment ait au grand complet 3,360 hommes, sans compter les officiers et sous-officiers. On doit compter de plus ce qu'il faut pour les bataillons de la division Durutte. Par ce moyen, les 4 bataillons seront complets, et vous aurez un peu de monde pour les 5es bataillons de garnison.
Je vois que le 9e régiment a 3,200 hommes ; le 35e, 3,680 hommes ; le 53e, 2,674 hommes ; le 84e, 3,750 hommes ; le 92e, 3,550 hommes ; le 106e, 3,500 hommes. Je vois d'après l'état des 6 régiments que le 53e est le plus faible et qu'il a besoin de recevoir 600 hommes. J'estime que si le ministre de la guerre envoie des dépôts des départements au-delà des Alpes 3 à 4,000 conscrits, cela fera le compte.
Quant aux shakos, prenez des mesures pour qu'ils soient fournis au 15 juillet. Augmentez le prix, s'il est nécessaire. Envoyez-moi l'état des bataillons des 27e, 28e et 29e divisions militaires. Je crois que la 27e et la 28e division militaire ont chacune 3 brigades provisoires, ce qui doit faire 9 bataillons. Le 29e doit en fournir un, celui du 112e, et il y a à Rome un bataillon du 14e léger et un du 6e de ligne. Vous aurez ainsi sous la main les 6 régiments d'Italie de 24 bataillons, 5 bataillons de la division Durutte, 6 bataillons de la 27e et de la 28e division militaire, de la 29e, et de Rome 6 bataillons. Total, 41 bataillons qui sont déjà en deçà des Alpes" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 153 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34604).
Le 15 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Duc de Feltre : "J'approuve que vous donniez des aigles aux 9e, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e. Vous les leur enverrez en Italie ..." (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 970 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34662).
Le 18 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, vous recevrez un décret que j'ai pris pour l'organisation du d'observation de Vérone, qui prend le titre de corps observation d’Italie. J’ai formé ses 7 divisions, et j'ai réglé sa cavalerie et son artillerie ...
Il faut que vous trouviez une dizaine de bataillons dans les cadres revenant d'Espagne, que vous ferez compléter pour former une réserve qui se réunirait à Turin ; car voulant pousser cette armée vers Laybach, pour imposer à l'Autriche, il faut avoir indépendamment des 5es bataillons ou bataillons de dépôt, une division sur l'Adige, pour mettre à l'abri de tout événement Mantoue, Venise et Alexandrie. Il est indispensable que le roi de Naples fasse partir, dans les premiers jours de juillet, ses 8 bataillons, sa batterie d'artillerie à pied, et sa batterie d'artillerie à cheval, ainsi que son régiment de 1 000 chevaux ; s'il pouvait en envoyer davantage, cela ne serait que mieux.
Vous verrez que je n'ai pas compris dans l'organisation du corps d'observation d'Italie les régiments croates, ni les régiments étrangers. Si cependant, l'Autriche cessait de nous donner des inquiétudes, je ferais venir ce corps en Allemagne, et alors il serait autrement organisé ; d'abord il n'aurait point de division italienne, parce que je préfèrerais laisser les troupes italiennes en Italie, pour se bien former. Je laisserais la plupart des demi-brigades provisoires en Bretagne et en Provence, et je ferais venir sous le commandement du général Grenier, 3 divisions faisant 42 bataillons, savoir :
le 9e de ligne 3 bataillons; le 35e id. 3 bataillons; le 84e id. 3; le 92e id. 3; le 53e id. 3; le 106e id. 3; total 18 bataillons
le 42e 2 bataillons; le 102e 2 bataillons; les 6 bataillons de la division Durutte 6 bataillons; bataillons croates 2; bataillons dalmates 2; la 28e demi-brigade provisoire 3 bataillons; la 29e idem 3 bataillons; la 30e idem 4 bataillons
parce que tous les bataillons qui composent ces demi-brigades ont leurs régiments à l’armée ; cela ferait ainsi 42 bataillons ou 3 divisions de 14 bataillons chacune.
Ce corps partirait de Vérone, fort de 34000 hommes d’infanterie, avec 2 batteries d’artillerie à cheval ou 12 pièces; 6 batteries de division ou 48 pièces; et 2 batteries de réserve ou 16 pièces; total 76 pièces françaises.
Il aurait un corps des équipages militaires, avec ses 40 caissons. Sa cavalerie serait d’un régiment italien de 1000 hommes, et d’un régiment français de la même force ; cela ferait en tout, un corps d’une quarantaine de mille hommes, tandis que l’armée italienne et tous les autres bataillons resteraient en Italie" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34819).
Le même 18 juin 1813, l'Empereur écrit aussi, depuis Dresde, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon Fils, je vous envoie un décret que je viens de rendre. Le ministre de la guerre vous l'expédiera, mais je vous le communique directement pour que vous le mettiez sur-le-champ en exécution. Vous verrez que le corps d'observation de Vérone prend le titre de corps d'observation d'Italie. Il ne vous échappera point que j'ai formé la 7e division, ou division de réserve, de six bataillons qui sont en Bretagne et de huit bataillons napolitains, c'est-à-dire de bataillons fort éloignés. J'ai placé dans les quatre premières divisions les bataillons qui sont en Provence, mais je les ai répartis de manière qu'au 1er juillet vous pourrez avoir vos six divisions, sinon à quatorze bataillons, au moins à onze ou douze chacune. Des divisions de douze bataillons suffisent à la rigueur pour faire la guerre en Italie, puisque cela fait un effectif de plus de 8,000 hommes présents sous les armes. D'ailleurs, il importe surtout que les Autrichiens voient le plus grand nombre de divisions qu'il est possible : ce nombre est la première chose dont ils seront instruits, et cela donne en outre les moyens d'organiser convenablement l'état-major, l'artillerie et le génie.
Il faudra commencer par mettre une batterie d'artillerie à pied à chaque division ; ensuite on organisera une batterie de réserve et une batterie d’artillerie à cheval ; ensuite la seconde batterie à pied de chaque division, les autres batteries à cheval et la seconde batterie de réserve.
On n'a pas besoin en Italie d'équipages militaires ; je m'en suis toujours passé ; il vous suffira d'avoir une compagnie avec ses quarante caissons pour vos ambulances. Vous pourrez, à cet effet, arrêter tout ce qui n'a pas passé Vérone ; vous écrirez à Turin et à Florence pour savoir ce qui y reste et ce qu'on pourra y organiser. Vous organiserez également une ou deux compagnies pour le royaume d'Italie.
Le général Grenier, que je crois en Italie, prendra d'abord le commandement. Je vais penser à vous envoyer deux autres lieutenants généraux, afin que vous ayez deux généraux supérieurs pour commander deux corps séparés. Je vous ai envoyé le général Peyri. Il est bien important d'avoir le général Palombini ; je réitère l'ordre qu'il se rende en Italie. Je suppose que le général Pino pourra commander la garde. Le général d'Anthouard pourra commander l'artillerie. Si toute cette armée se trouve telle que je l'ai organisée par mon décret, elle vous donnerait un effectif de 75,000 hommes d'infanterie et de 5,000 hommes de cavalerie, et avec 5,000 hommes d'artillerie et du génie ce serait une armée de 85,000 hommes. Je mande au ministre de la guerre de compléter en France huit ou dix bataillons, qui vous seront également envoyés ; car il m'est revenu beaucoup de cadres d'Espagne et j'ai encore beaucoup d'hommes dans les dépôts. Le plus faible dans tout cela, c'est la cavalerie. J'ai envoyé en Italie le général Guyon, que vous connaissez et qui a l'habitude de servir sous vos ordres, pour commander une partie de la cavalerie. Je vous enverrai un général de division de cavalerie. J'ai aussi demandé au ministre de la guerre de voir à vous composer un second régiment français de 1,000 hommes de cavalerie. Je n'ai pas compris dans l'organisation de ce corps les régiments croates ni les régiments étrangers.
Si cependant l'Autriche cessait de nous donner des inquiétudes et que ce corps dût venir en Allemagne, il en serait autrement. D'abord il n'aurait point de division italienne, parce que je préférerais de laisser les troupes italiennes en Italie pour bien se former. Je laisserais la plupart des demi-brigades provisoires en Provence et en Bretagne, et je ferais seulement venir, sous le commandement du général Grenier, trois divisions fortes de quarante-deux bataillons, savoir : le 9e de ligne, trois bataillons ; le 35e, trois ; le 84e, trois ; le 92e, trois ; le 53e, trois ; le 106e, trois ; le 42e, deux ; le 102e, deux ; les six bataillons de la division Durutte ; deux bataillons croates ; deux bataillons dalmates ; la 28e demi-brigade provisoire, trois bataillons ; la 29e, trois ; la 30e, quatre ; parce que tous les détachements qui composent ces demi-brigades ont des bataillons à l'armée. Cela ferait ainsi quarante-deux bataillons, trois divisions à quatorze bataillons chacune. Ce corps partirait de Vérone, fort de 34,000 hommes d'infanterie. Son artillerie serait alors de deux batteries d'artillerie à cheval françaises ou douze pièces, six batteries de division françaises ou quarante-huit pièces, et deux batteries de réserve ou seize pièces, total soixante et seize pièces françaises. Il aurait une compagnie des équipages militaires avec ses quarante caissons. La cavalerie serait d'un régiment de cavalerie italienne de 1,000 hommes et d 'un régiment français aussi de 1,000 hommes. Cela ferait en tout un corps d'une quarantaine de mille hommes, et vous auriez en Italie l'armée italienne et tous les autres bataillons.
J'ai donné ordre que les six cadres des compagnies qui étaient à Glogau, ainsi que ce qui appartient à la garde italienne, partent pour se rendre en Italie" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 165 ; Correspondance de Napoléon, t. 25, 20152 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34833).
Voici le Décret en question, qui fait connaître l'organisation de l'armée du Prince Eugène, comme la veut à cette époque l'Empereur :
ART. 1er. - Le Corps d'observation de Vérone prendra le titre de Corps d'observation d'Italie.
ART. 2. - Ce Corps sera composé de 4 Divisions françaises, 2 Divisions italiennes et 1 Division française-napolitaine. Total, 7 Divisions.
ART. 3. - Les 7 Divisions seront formées ainsi qu'il suit :
PREMIÈRE DIVISION (française). - 9e de ligne, 4 Bataillons ; 35e de ligne, 4 Bataillons ; 28e Demi-brigade provisoire, 3 Bataillons ; 23e Demi-brigade provisoire, 3 Bataillons. Total, 14 Bataillons.
DEUXIÈME DIVISION (française). – 84e de ligne,4 Bataillons ; 92e de ligne, 4 Bataillons ; 30e Demi-brigade provisoire, 4 Bataillons. Bataillons pris dans les cadres revenant d'Espagne, non encore attachés à un Corps d'armée et se trouvant dans les 7e, 8e, 6e, 19e, 27e, 28e, 29e ou 30e Divisions militaires, 2 Bataillons. Total, 14 Bataillons.
TROISIÈME DIVISION (française). – 53e de ligne, 4 Bataillons ; 106e de ligne, 4 Bataillons ; 29e Demi-brigade provisoire, 3 Bataillons ; 24e Demi-brigade provisoire, 3 Bataillons. Total, 14 Bataillons.
QUATRIÈME DIVISION (française). – 36e léger, 2 Bataillons ; 42e de ligne, 2 Bataillons ; 102e de ligne, 2 Bataillons ; 31e Demi-brigade provisoire, 4 Bataillons ; 25e Demi-brigade provisoire, 3 Bataillons, plus 1 Bataillon pris dans les cadres revenant d'Espagne, non encore attachés à un Corps d'Armée et se trouvant dans les 7e, 8e, 6e, 19e, 27e, 28e, 29e et 30e Divisions militaires. Total, 14 Bataillons.
CINQUIÈME DIVISION (italienne). - Troupes du Royaume d'Italie : 12 Bataillons.
SIXIÈME DIVISION (italienne). - Garde italienne, 6 Bataillons ; troupes de ligne italiennes, 6 Bataillons. Total, 12 Bataillons.
SEPTIÈME DIVISION OU DIVISION DE RÉSERVE (française-napolitaine). – 47e, 2 Bataillons ; 86e, 2 Bataillons ; 122e, 2 Bataillons ; infanterie napolitaine, 8 Bataillons. Total, 14 Bataillons. Total général, 62 Bataillons français, 24 Bataillons italiens, 8 Bataillons napolitains, 94 Bataillons (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 110).
Le 28 juin 1813, à Dresde, l'Empereur décrète que : "Le sieur Jean-Baptiste Maret, élève du Lycée de Dijon, est nommé sous-lieutenant au 106e régiment d'infanterie de ligne" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 6008).
Le 15 juillet, Eugène n'a encore que 72 Bataillons incomplets, en Italie ou en route pour s'y rendre, et 12 Escadrons de cavalerie. II répartit ce cadre en trois Lieutenances et une Réserve. Voici le tableau complet de cette formation, tette qu'elle résulte de la situation établie par l'Etat-major général :
ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL. S. A. I. LE PRINCE VICE-ROI D'ITALIE, général en chef ...
DEUXIÈME LIEUTENANCE (vacante) ...
QUATRIÈME DIVISION. - Le Général Baron MARCOGNET. Position : Udine et Palmanova, 53e de ligne, 4 Bataillons ; 106e de ligne, 4 bataillons ; 29e Demi-brigade provisoire, 3 Bataillons. Force, 7,189 hommes et 20 bouches à feu, dont 4 régimentaires (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 114).
Le 29 juillet 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général Schild, commandant le département du Passariano : "Par les rapports de la 2e division sous mes ordres, je vois qu’un détachement de 30 hommes, commandé par un sergent, a été mis, depuis un mois environ, à la disposition du commandant de la gendarmerie de ce département pour concourir à une réquisition qui a dû être faite ; le bien du service exige aujourd’hui que ce détachement soit renvoyé à son régiment et ce, au plus tard, le 1er août prochain. Si les circonstances nécessitent par la suite qu’un nouveau détachement soit donné à la gendarmerie, je m’empresserai, sur votre demande, de le faire fournir, mais seulement pour le temps de la perquisition, et non pour être établi à poste fixe avec les brigades et servir à leur correspondance entre elles, comme cela s’est fait pour le détachement du 106e. Il me semble d’ailleurs que ces sortes de détachement peuvent se prendre sur les troupes stationnées, comme garnisons, dans le département, et que les 13e de ligne français et 3e léger italien sont susceptibles de fournir à ce service" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 87 page 186).
Le même 29 juillet 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général Baron Marcognet, à Udine : "Je viens d’inviter M. le général Schild de vouloir bien faire rentrer pour le 1er août, le détachement du 106e régiment qui concoure en ce moment au service de la gendarmerie de ce département ; je pense que cette disposition ne souffrira aucune difficulté et si, contre mon attente, ce détachement n’était pas rentré au régiment à l’époque fixée, vous lui en donnerez l’ordre directement" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 87 page 186).
Le 4 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général Schild, commandant le département du Passariano, à Udine : "J’ai l’honneur de vous transmettre un état qui vient de m’être adressé par M. le général Baron Marcognet, de 11 hommes du 106e régiment de ligne, désertés d’Udine le 2 de ce mois au soir. Je pense que le signalement de ces hommes a déjà été directement adressé au commandant de la gendarmerie. Cependant, pour plus de sureté, je vous prie de lui envoyer, le plus promptement possible, copie de l’état qui est ci-joint et de lui donner l’ordre de prendre les mesures nécessaires pour l’arrestation de ces déserteurs. Ils n’ont pu parvenir à aller encore bien loin et je ne doute pas que si les différentes brigades sont averties à temps, on ne les rattrape à Trévise ou dans les environs. Je vous prie donc général, de ne pas perdre un moment pour en informer le commandant de la gendarmerie afin qu’il envoie de suite sur leurs traces" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 91 page 193).
Le 5 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Vignolle, à Milan : "L’officier duquel vous trouverez ci-joint une lettre, à son arrivée au 53e régiment de ligne, pour lequel il a été désigné, n’a trouvé aucun emploi de capitaine vacant dans ce corps et est en ce moment à la suite. Je pense qu’on pourrait le placer avantageusement dans le 106e où il manque plusieurs capitaines. Je vous prie donc de lui faire obtenir ce changement" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 91 page 193).
Le 6 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Marcognet, à Udine : "S. A. I. le Prince Vice-Roi désirant connaitre exactement la situation de l’habillement et équipement du 106e régiment sur lesquels Elle n’a pas reçu du colonel les renseignements demandés, paraissant même à cet égard inquiète et mécontente, veut que vous vous assuriez de la véritable situation de ce régiment et dans le plus grand détail en ce qui a rapport à la lettre du général Vignolle au colonel du 106e et dont vous trouverez ci-joint copie. Les shakos, gibernes, porte-gibernes, baudriers et havresacs pour lesquels ce régiment et le 53e sont encore en arriérés doivent aussi fixer votre attention et la lettre du général Vignolle au colonel vous servira de base et d’instruction pour la vérification que vous allez faire.
Conformément aux dispositions de cette lettre, vous ferez intervenir le sous-inspecteur aux revues dans ce travail, qu’il faut faire de suite, vous aurez la complaisance de me l’adresser aussitôt terminé afin que je puisse le transmettre au général Vignolle" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 91 page 193).
Le même 6 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Comte Vignolle, à Milan : "Conformément à votre lettre, je viens, mon cher général, de charger le général Marcognet de vérifier la situation de l’habillement et de l’équipement du 106e régiment, en lui prescrivant de suivre pour base de son travail les dispositions et renseignements de votre lettre au colonel du 106e régiment et dont je lui ai transmis copie.
Aussitôt que ce travail m’aura été remis, je m’empresserai de vous le faire parvenir. En attendant, je peux vous donner les détails suivants, comme exacts au 26 juillet.
Le régiment avait 1924 hommes complètement habillés, 777 restaient à pourvoir, ce qui doit être terminé du 15 au 20 août, mais sans boutons.
2000 shakos existaient au régiment, on espère le complément du 10 au 15.
1827 hommes sont complètement équipés, 880 sont à pourvoir en gibernes, porte-gibernes et bretelles de fusils, quoique le manquant des gibernes soit de 1845. Ces objets doivent être fournis par les soins du Ministre Directeur ; au 26 juillet, l’expédition n’en était pas annoncée. Il manquait à la même époque 871 havresacs et 625 baudriers et sabres.
Sans doute que depuis le 26 juillet, les confections doivent avoir augmenté, mais j’en ignore encore les détails" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 91 page 194).
Le 7 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Marcognet, à Udine : "J’ai reçu cette nuit la lettre ci-jointe par laquelle vous verrez, mon cher général, qu’il ne faut pas donner de suite à la lettre que je vous écrivis hier ensuite des ordres de S. A. I. Je suis bien aise que le colonel du 106e soit aussi complètement justifié ; vous pouvez lui donner copie de la lettre ci-joint du général Vignolle pour sa satisfaction particulière" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 195).
Le même 7 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général Vignolle, à Milan : "Conformément à votre lettre du 4, je viens, mon cher général, de prescrire au général Marcognet de regarder comme non avenue celle qui le chargeait de la vérification de l’habillement et équipement du 106e régiment ; je l’ai même engagé de donner copie de votre dernière au colonel du 106e, pour la satisfaction de cet officier supérieur …" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 195).
Le 10 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Comte Vignolle, Chef de l’Etat-major général de l’Armée d’Italie, à Udine : "J’ai l’honneur de vous prévenir, mon cher général, que M. Perdrics, lieutenant au 20e régiment de ligne, n’ayant pas trouvé de place de son grade vacante dans ce corps, je l’ai provisoirement mis dans le 106e, en attendant que vous en ayez référé à S. A. I. le Prince Vice-Roi, et que vous m’ayez fait connaitre sa décision à l’égard de cet officier" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 196).
Le même 10 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Colonel du 106e de Ligne, à Udine : "Pour l’inviter à recevoir provisoirement M. Perdrics dans son régiment jusqu’à la décision de S. A. I. le Prince Vice-Roi à l’égard de cet officier" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 92 page 196).
Le 12 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général Vignolle, à Udine : "… Si je ne reçois pas d’autre ordre de mouvement d’ici au 14, je compte établir 2 ou 3 bataillons en avant de Gorizia et faire arriver ici 2 bataillons du 53e pour donner Commons au 106e …" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 197).
Le même 12 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Marcognet, à Udine : "Sur la demande que j’en ai faite à S. A. I. le général Schild a reçu l’ordre de choisir dans le dépôt du 13e de ligne à Palmanova 400 hommes armés, habillés et équipés, pour les diriger ensuite sur le 53e régiment ; aussitôt que leur départ de Palma me sera annoncé, j’enverrai le sous-inspecteur aux revues à Cormons pour procéder à l’incorporation de ces hommes et de constater par procès-verbal leur remise, l’armement, l’habillement, équipement et effets de linge et chaussures dont ces hommes seront porteurs.
J’espère que ce régiment recevra encore de son dépôt environ 160 hommes ; aussitôt que le colonel du 53e connaitra ce qui peut manquer au détachement du 13e et à celui venant de son dépôt soit en havresac, ou autres objets d’équipement et d’armement, il prendra dans ses magasins ce qui sera nécessaire pour les compléter. Le restant pourra être déposé à Palma au lieu d’être renvoyé au dépôt, mais il sera nécessaire que ces différents effets soient bien encaissés et le contenu constaté par procès-verbal d’un commissaire des guerres.
Il pourrait encore s’entendre avec d’autres régiments pour céder les sacs et les shakos qui lui resteront, je crois même que le 106e s’en arrangerait" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 198).
Le 16 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Vignolle, à Udine : "Je n’ai reçu que ce matin à 2 heures et demie, mon cher général, votre lettre du 15 de ce mois ; j’ai expédié aussitôt les ordres de mouvement pour la 4e division ...
Le 106e régiment sera demain à Gorizia et Salcano ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 96 page 203).
Le 17 août 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Vignolle, à Udine : "En conformité de votre lettre du 16, je viens de prescrire au général Marcognet de faire partir de suite un officier du 53e pour aller chercher au dépôt du 13e de ligne les 400 gibernes et porte-giberne qui doivent lui être fournies par ce dépôt, à charge pour les conseils d’administration respectifs de s’entendre pour le remboursement ou la restitution. Je voudrais bien qu’une pareille mesure puisse être prise pour le 106e régiment auquel il en manque encore près de 800 …" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 97 page 205).
Le 8 septembre 1813, le Général Grenier écrit, depuis Saint-Jean, au Prince Eugène : "Je reçois à 11h15 avant midi la lettre que V. A. I. m’a fait l’honneur de m’écrire hier 7. Je suis extrêmement surpris que V. A. n’ait encore reçu aucune de mes lettres ; j’ai écrit du champ de bataille de Feistritz à 6 heures du soir, la lettre a été remise à un capitaine de voltigeurs du 106e nommé Martinet ; une 2de lettre a été adressée à V. A. de Saint-Jean, elle a été remise à un officier de sa garde royale qui m’avait été envoyé par le général Lecchi. Par cette dernière je faisais connaître à V. A. que j’avais poursuivi l’ennemi l’épée dans les reins jusqu’ici jusqu’à 8 du soir. Enfin j’ai eu l’honneur d’écrire hier matin à Votre Altesse et ai remis moi-même à Kirchenten ma lettre à un officier d’infanterie légère qui commandait un détachement de 200 hommes que j’envoyais au Leobel pour communiquer avec la division Marcognet, l’ennemi ayant abandonné cette position la nuit du 6 au 7 à minuit. Par cette lettre je faisais connaître à V. A. la position des troupes.
Aujourd’hui à 7 h du matin j’ai encore écrit à V. A. pour lui faire connaître par quels chemins l’ennemi s’était retiré, les ordres que j’avais donnés pour la démolition des ouvrages de Feistritz, ayant en cela prévu ses intentions.
Le 5 il n’y avait plus de munitions d’artillerie à Tarvis, un caisson de ceux consommés à Rosseck n’a pu être chargé, au reste nous avons consommé peu de munitions d’artillerie, mais considérablement de cartouches d’infanterie. J’ai donné les ordres nécessaires pour les prompts remplacements" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 13 page 37).
Le 12 septembre 1813, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Zeshza, au Lieutenant général comte Grenier : "Mon général, Son Altesse Impériale, le Prince Vice-roi, étant venu hier visiter la position de Tschernuze, m’annonça que les divisions de votre lieutenance allaient être rapprochées et que dès aujourd’hui, je pourrais avoir l’honneur de prendre vos ordres à Zwischenvasser ; ce que je m’empresse de faire en envoyant près de vous mon chef d’état-major.
Les mouvements fait par ma division et les différentes positions qu’elle a occupées depuis qu’elle est détachée, ont été annoncées par cet officier, à M. le colonel Basin de Fontenelle, autant du moins qu’il a été possible. J’eusse désiré, mon général, correspondre continuellement avec vous mais les moyens et les circonstances ne l’ont point permis. Je savais d’ailleurs que vous étiez informé par l’état-major général, de tout ce qui était relatif à ma division.
En ce moment ma première brigade, par les trois bataillons du 53e régiment, placé à Tschernuze, couvre le pont de ce nom sur la Save ; la 29e demi-brigade, en réserve en deçà du pont, y a depuis hier le soir, le 4e bataillon du 20e régiment est le 6e du 101e ; j’attends également le 6e bataillon du 112e que je placerai au hameau de Savle ou Saule, à très peu de distance, à ma gauche sur la route directe de Tschernuze à Saint-Wiet.
M. le général Jeanin, avec la seconde brigade, augmentée d’un bataillon du 67e régiment, est à Laybach, couvrant cette place, sur les directions de Saalok où Salock, de Neustadt et Adelsberg, occupant le château de Laybach par le bataillon du 67e. Le 1er bataillon du 106e est parti d’ici ce matin, pour aller s’établir à Mariafeld, d’où il gardera le pont de Salock par deux compagnies, bien entendu après l’avoir déroulé ou détruit, et celui de Kaltenbrun par une compagnie seulement ; pour se rendre à sa position il se porte avec tout son bataillon au 1er de ces ponts, en chassera l’ennemi qui, n’y avait hier, que des factionnaires et vedettes au pont même, et une cinquantaine d’hommes d’infanterie plus en arrière sur la rive droite de Leybach. De là il se rendra au pont de Kaltenbrun qu’il ne devra point détruire par rapport aux moulins qui fournissent les farines à Laybach, et enfin à Mariafeld avec trois compagnies.
J’ai établi mon quartier général à la maison curiale de Zeshza, sur la petite route de Saint-Wiet à Tschernuze, à une portée de fusil du pont.
Ma 1ère batterie, les chasseurs du 19e, mes administrations et moyens de transport sont à proximité de moi. Le 53e est tellement faible que je désire bien que vous puissiez lui renvoyer ses deux compagnies. Les transports sont pour le moment hors d’état de faire aucun service, il est nécessaire que l’officier qui en est chargé, les voie et qu’il y apporte plus de soins qu’il n’a fait jusqu’à cette heure.
Je suis dans le plus grand besoin d’un officier du génie pour l’exécution des travaux ordonnés par S. A. I. à la tête de pont de Tschernuze. Veuillez je vous prie m’envoyer l’un de ceux que vous avez près de vous" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 107 page 230).
"Au Lieutenant-général Comte Grenier
Mon général
Je suis bien fâché de ne m’être pas trouvé chez moi au moment où vous y êtes venu, mais l’instant avant, ayant su que le 1er bataillon du 106e régiment envoyé sur la Laybach, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le mander par mon rapport de ce matin, pour dérouler ou détruire les ponts de Salock à Kaltenbrun, avait rencontré une opposition majeure, et qu’au lieu de deux ponts, il s’en trouvait quatre de Salock à Kaltenbrun compris, enfin qu’il avait déjà beaucoup de blessés et pouvait manquer de cartouches, je me suis hâté de lui donner l’appui que je croyais nécessaire, et après avoir fait pour la défense du pont de Tschernuze, les dispositions nécessaires, je me suis décidé à aller reconnaître par moi-même, les différents ponts gardés par l’ennemi et faire ainsi une reconnaissance que ma position rendait nécessaire.
Je suis donc partie d’ici avec le 6e bataillon du 101e régiment, 100 chevaux, et deux pièces, me dirigeant sur Mariafeld, comme point central, ou étant arrivé et y ayant appris qu’on se battait partout et particulièrement au pont de Salock, où la compagnie de voltigeurs avait fort à faire, je laissais en position en arrière de Mariafeld les quatre compagnies du centre du bataillon du 101e et me portais de là avec les compagnies d’élite de ce bataillon, les 100 chevaux du 19e et les deux pièces d’artillerie, sur Salock, où étant arrivé et voyant de la part de l’ennemi une fusillade supérieure et d’autant meurtrière qu’elle partait des maisons et hangars qui existent sur la rive opposée, ayant d’ailleurs reconnu que le seul moyen de la faire cesser et de se rendre maître du pont était de faire agir l’artillerie, je m’y suis décidé ; cette disposition a eu promptement le succès que je m’en promettais, car dès que l’ennemi a vu l’artillerie se mettre en batterie, il a de toute part gravi la montagne et attiré la mitraille qu’on se plaisait à lui envoyer, et qui en a terrifié et retenu une partie dans les maisons ; dès lors les voltigeurs du 106e se sont élancés sur le pont pour fouiller les réduit de l’ennemi, où ils ont trouvé 25 hommes, dont un sergent et un caporal du régiment de Broder Esclavons, que j’enverrai demain, à votre quartier général. Le pont de Salock et de grandes barques qui étaient amarrées ont été brûlés ; je suis parti de Salock avec les mêmes forces me dirigeant sur la droite de Kascht où se trouve un pont assez long, dans un cas, et dont la défense, à la faveur d’un terrain assez couvert, suffit pour s’opposer à une tentative dans laquelle on ne veut point sacrifier beaucoup de monde ; ayant donc fait tirer en vain quelques coups de canon et pu juger que l’ennemi avait au moins 400 hommes d’infanterie et quelque peu de cavalerie sur ce point, je me suis décidé à l’observer jusqu’à la nuit ; alors j’ai laissé en position sur ce point une compagnie et demie du 106e, à laquelle j’ai réuni la compagnie de voltigeurs du 101e et me suis remis en marche pour me porter sur Mariafeld, en face duquel la fusillade que j’entendais m’aurait donné quelque inquiétude si je n’avais eu à proximité les quatre compagnies du 101e que j’avais en conséquence fait rapprocher de manière à me servir aussi d’appuis.
Arrivé à Mariafeld, où le chef de bataillon du 106e se trouvait avec 50 grenadiers seulement, j’y ai fait prendre position pour jusqu’à nouvel ordre, aux cinq compagnies restantes du 101e, pour servir de réserve à toutes les lignes du bataillon du 106e.
La nuit ayant à peu près fait cesser le feu de toute part, je suis rentré à ma position avec les 100 chevaux du 19e et les deux pièces d’artillerie.
Le résultat de cette reconnaissance et que je suis assuré qu’aujourd’hui, l’ennemi avait au moins 1000 hommes sur la Laybach et qu’il paraît mettre infiniment d’importance à conserver les ponts qui se trouvent sur cette rivière.
Aujourd’hui à midi, l’ennemi sur la Laybach, ayant senti le mouvement qui s’est opéré sur les derrières, s’était en partie détaché pour aller au secours des corps attaqués, mais l’arrivée du bataillon du 106e et l’appui que je lui ai donné l’ont déterminé à garder les positions, d’où j’en conclus encore qu’il y tient réellement, et que s’il n’a des raisons majeures pour les abandonner cette nuit, il faudra, si l’on veut l’en chasser, l’attaquer par la rive droite de Laybach" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 145 page 304).
"Zeshza 12 septembre 1813
Suite à mon rapport du 12 au soir.
Demain dès le point-du-jour, j’enverrai nécessairement, en raison surtout de la nature du terrain, les 100 chevaux du 19e sur Mariafeld.
J’ai l’honneur de vous adresser le rapport de M. le colonel Grobon, pour ce qui s’est passé cet après-midi à ses avant-postes, et qui n’a sans doute eu lieu de la part de l’ennemi que pour dégager les postes sur la Laybach et plus au-delà.
J’ai l’honneur d’être très respectueusement, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur
Le Général de Division Baron de Marcognet
Ps. Demain, j’aurai l’honneur de vous faire connaître la perte du 1er bataillon du 106e" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Docs 107 et 109 pages 230 et 234 - Note : Suite de Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 136 page 284 ?).
Le 13 septembre 1813, une lettre est adressée, depuis Laybach au Général Marcognet, à Zchlza (par le Général Grenier ?) : "Mon cher général comme je vous l’ai dit ce matin, l’intention de S. A est que vous fassiez toutes les dispositions nécessaires pour que les 3 bataillons du 53e et celui du 112e suffisent pour la défense du pont de Czerniere au moins pendant 48 heures et que les 2 autres bataillons de la 29e demi-brigade avec tout le 106e régiment soient portés demain matin savoir, le 106e sur la route de Carlstadt avec une demie batterie d’artillerie en arrière de la ligne occupée en événement par la garde royale italienne ; et les 2 bataillons de la 29e passant à Kaltenbrunn dont il faut rétablir le pont cette nuit à Dobruina passant par Vissovick pour de là continuer leur mouvement sur Cipagloa en ayant soin de marcher constamment à hauteur de la colonne, suivra la grande route ; 1 heure au départ de Dobruina sera déterminée par un avis particulier ce soir encore ou demain matin ; cette colonne devra avoir soin de s’éclairer sur la gauche vers la Save et dans toutes les directions, son objet étant de déborder la droite de la position de l’ennemi qui doit être à Saint-Marin ; si le général Dupeyroux reste au pont de Czeniere le général Gamin pourra être chargé de la direction de cette colonne et vous marcheriez avec celle du 106e pour être plus à portée de recevoir les ordres que j’aurais à vous transmettre de la part de S. A. le Vice-Roi.
… S. A. désire conserver le pont de Czerniere par tous les moyens possibles ; cependant si l’ennemi parvenait à repousser le 53e et que l’on eut pas le temps de le replier il faut en défendre le passage avec l’artillerie et enfin y mettre le feu à la dernière extrémité et lorsque l’on aura employé vraiment tous les moyens possibles pour le conserver. Donnez donc, mon cher général, vos instructions en conséquence" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 2 page 15).
Le même 13 septembre 1813, le Chef de bataillon Pigeard (ou Pigeaud ?) écrit, depuis Mariafeld, au Général Baron de Marcognet, commandant la 4e Division de l’Armée d’Observation : "J’ai l’honneur de vous faire le rapport sur les évènements de la journée d’hier. D’après vos ordres, je fus chargé de culbuter l’ennemi au pont de Savlonz et autres, ce qui a été fait ; quant au pont de Weutstz où l’on s’est battu jusqu’à dix heures du soir à minuit l’ennemi a établi une batterie à l’embouchure du pont.
Je reviens moi-même de la découverte il parait que l’ennemi a évacué. Je viens de faire passer une découverte de l’autre côté de la rivière ainsi qu’à Kattenbrunn et autres ponts.
J’aurai l’honneur de vous envoyer le rapport sur les découvertes de l’autre côté de l’eau. Dans la journée d’hier tout le monde a fait son devoir. Je ne peux trop vous témoigner mon contentement sur la conduite de M. le capitaine de voltigeurs D’Aureut (?) ainsi que les autres officiers.
Le brouillard est si fort que l’on ne peut découvrir de loin. J’ai reçu une lettre de mon colonel où le général lieutenant Grenier me demande un rapport. S. A. le Prince Vice-roi désire que l’on lui envoie les prisonniers ennemis à évacuer ; au pont de Weutsz on a trouvé des fusils. J’ai laissé un poste à l’embouchure du pont et j’attends vos ordres si il faut détruire le pont de ce côté.
Nous avons fait 29 prisonniers. Degracus et Leautres sont restés blessés.
J’ai l’honneur d’être de mon général le très respectueux et zélé serviteur
Situation de notre perte 106e de ligne 1er bataillon
1 Officier, 1 sous-officier et 6 caporaux ou soldats tués ; total 8
43 sous-officiers et soldats blessés.
Mon bataillon est fatigué, tant de cette corvée que de la dernière. Les armes ont besoin d’être mises en état. Si je pouvais être relevé par le bataillon qui est à Laibach pour nous reposer un peu.
J’ai l’honneur d’être avec plus haut respect votre très dévoué.
Pigeard (ou Pigeaud ?) chef de bataillon" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 118 page 252).
Le 15 septembre 1813, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Weichselburg, au Général Grenier : "Conformément à vos ordres, hier 14 de ce mois, à sept heures du matin, une partie de ma division (7 bataillons, 100 chevaux et ma demi-batterie) formant deux colonnes ; la première composée du 106e et de la ½ batterie ; la seconde des bataillons des 20e et 101e régiments ; déboucha par Laybach et Kaltenbrun, pour se poster d’abord sur Samt Marein, et de là sur Weichselburg, ce qui fut exécuté ainsi que le prescrivaient vos instructions.
Une grande garde ennemie, d’environ 60 hommes du régiment de Broder, et de quelques hussards de Radesky, ayant été rencontré, à une forte lieue de Weichselburg, au débouché du bois sur la grande route, par laquelle se dirigeait la colonne de droite, fut aussitôt chassée de sa position et forcées de se replier précipitamment, jusqu’à la dernière hauteur proche Weichselburg, où ayant voulu tenir, pour couvrir la retraite des troupes, qui se trouvaient dans cette ville, elle fut définitivement culbutée et poursuivie si vigoureusement jusqu’au-delà de Weichselburg, que l’officier qui la commandait et plusieurs soldats furent faits prisonniers. Les troupes, que l’ennemi avait à Weichselburg (environ 400 hommes d’infanterie, un escadron de hussards, et deux pièces) ayant commencé son mouvement rétrograde dès que la grande garde fut attaquée, ne purent être atteintes dès lors, les colonnes prirent position sur les plateaux à droite et à gauche de la ville, qui fut couverte par le bataillon du 67e régiment et le 1er du 106e.
La garde royale prit position plus en arrière.
Les bataillons du 106e régiment, placés sur les hauteurs à droite de Weichselburg, voyaient une ligne de feux, assez éloignée, indiquant le bivouac de deux ou trois bataillons.
J’ai eu l’honneur, de vous adresser, le rapport sur la reconnaissance poussée, ce matin, sur la route de Treffen. Je joins à la présente, le rapport de la reconnaissance, partie hier, de Lippaglou, pour Preschgain.
Je joins également à la présente, une lettre trouvée sur l’officier qui fut fait prisonnier dans notre marche, sur Weichselburg, laquelle contient des renseignements, je crois, sur évènement arrivé à M. le Général Belloti, etc." (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 125 page 266).
De son côté, toujours le 15 septembre 1813, à 10 heures 30 du soir, le Général Grenier écrit, depuis Laybach (destinataire non indiqué : au Général Marcognet ?) : "... 11h et un quart je donne ordre au général Janin de mettre le 106e toute entier en mouvement demain à 7 h du matin au plus tard, ainsi vous aurez toute votre division réunie (moins cependant un bataillon que vous laisserez au pont) pour agir offensivement contre l’ennemi et l’attaquer avec vigueur ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 17 page 45).
Le même 15 septembre 1813, le Général Grenier ordonne : "Monsieur le général Janin fera prendre les armes demain 16 septembre à 7 heures du matin au 106e régiment et le conduira au pont de Czernuze où ce général recevra des ordres ultérieurs du général Marcognet ; le poste de Kaltenbrunn suivra le mouvement du régiment ; celui qui est chez moi y restera où sera relevé par un autre comme le voudra le colonel" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 22 page 55).
Le 16 septembre 1813, le Général Grenier écrit, depuis Laybach (au Général Marcognet - non précisé sur le document) : "... Demain à deux heures du matin vous vous mettrez en route avec la 29e demi-brigade, pour réunir au 106e, venir occuper la position en arrière de Saint-Marin, qui était occupée par la garde royale le jour où vous fîtes votre reconnaissance sur Veichselbourg.
Comme l’intention de S. A. I. et que vous teniez avec ces sept bataillons, pendant quelques jours la position indiquée, il convient de bien reconnaître le pays et prendre cependant à l’avance les dispositions suivantes, que vous pourriez ensuite rectifier.
A la pointe du jour les troupes seront établies ainsi qu’il suit :
A la position en arrière de Saint-Marin, cinq bataillons sur deux lignes, gardant fortement la grande route de Veichselbourg, et à l’embranchement d’Auersberg, se liant par la gauche avec un bataillon qui devra être sur les hauteurs en avant de Dobruina.
Le 7e bataillon serait placé avec la majeure partie de l’artillerie à Augnig, et dans le cas où S. A. I. laisserait à ce village des bataillons de la garde, alors ce 7e bataillon pourrait faire partie de votre seconde ligne.
Pour que le bataillon qui sera placé à Dobruina ne puisse être inquiété sur ses derrières, il faudra placer en arrière de lui à environ trois quarts de lieue les deux pièces d’artillerie du 106e régiment, avec deux compagnies du même corps pour les garder. M. le général Janin connait particulièrement le point sur lequel ces deux pièces devront être établies …" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 24 page 59).
Le 17 septembre 1813, à 9 heures du soir, le Général Grenier écrit, depuis Laybach au Colonel Grobon du 53e Régiment : "M. le colonel, ensuite des intentions de S. A. I. le Prince Vice-Roi, le régiment que vous commandez doit être relevé cette nuit et demain matin au pont de Czernuze et ses avant-postes ... Aussitôt que vous serez relevé, vous mettrez votre régiment en mouvement et vous vous porterez sur les hauteurs en avant de Dobruina, où vous trouverez un bataillon du 67e et un autre du 106e régiment. Vous ferez relever de suite ces deux bataillons, qui devront sans tarder rejoindre M. le général de division Marcognet, à la position en arrière de Saint-Marin sur la route de Carlstadt, et que le chef de bataillon du 67e connaît déjà; vous trouverez à moitié chemin de Laybach à Dobruina, deux bouches à feu d’une des batteries de la division, et gardées par une ou deux compagnies du 106e, vous les ferez relever par votre artillerie régimentaire, et lui laisserez la garde nécessaire.
Vous donnerez ordre au détachement d’artillerie de rejoindre M. le général Marcognet et aux compagnies du 106e leur régiment ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 26 page 63).
Encore le 17 septembre 1813, à 9 heures du soir, le Lieutenant-général Comte Grenier écrit, depuis Laybach (pas de destinataire indiqué, sans doute le Général Marcognet) : "Mon cher général je vous préviens ce que tous les ordres sont donnés pour que le 53e régiment soit relevé à la pointe du jour au pont de Czernuze ; mais Son Altesse Impériale veut qu’il occupe la position de Dobruina ; je dirige en conséquence ce régiment sur ce point et je donne l’ordre au colonel Grosbon de vous envoyer de suite les bataillons du 67e et 106e régiment que vous placerez en arrière de votre 2e ligne. Son altesse s’est particulièrement déterminée à cette disposition parce qu’en revenant à Laybach on a entendu des coups de fusil dans la direction de Dobruina et qu’il importe pour votre gauche que ce point soit fortement occupé ; tâchez d’établir une bonne communication du petit château où est le général Janin sur Dobruina, le 53e devra même placer s’il est possible un fort poste intermédiairement entre votre gauche et sa position.
J’ai chargé le colonel Grosbon de donner ordre à votre batterie d’artillerie de vous rejoindre, ainsi qu’aux deux pièces que vous avez dû envoyer en arrière de Dobruina. Débarrassez-vous de vos caissons de vivres qui sont trop près de votre ligne, vous pourriez également envoyer au premier village en arrière de vous votre réserve d’artillerie" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 29 page 69).
Le 19 septembre 1813, le Général de Division Baron Marcognet écrit, depuis Zeshza, au Lieutenant général comte Grenier : "Mon général, j’ai ordonné à M. le commandant du 1er bataillon du 106e régiment, l’exécution des intentions de Son Altesse Impériale, le Prince Vice-roi, relativement aux ponts existants sur la Laybach, depuis Salock jusqu’à Kaltenbrun inclus.
Le 6e bataillon du 101e régiment, en position à Maria Feld, appuiera, s’il y a lieu, le bataillon du 106e, pour l’opération dont il est chargé ; j’ai aussi envoyé à cet effet, et pour pouvoir promptement savoir ce qui pourrait survenir de ce côté-là, la seconde compagnie de l’escadron du 19e de chasseurs, qui ne rentrera qu’avec le bataillon du 101e après l’opération faite.
Je joins à la présente le rapport que je reçois à l’instant du chef du 1er bataillon du 106e régiment ; aussi celui de M. le colonel Grobon.
J’envoie deux compagnies du 6e bataillon du 112e régiment, prendre poste à Visch-Maria ; je leur ai donné les instructions pour ce qu’elles ont à faire à ce poste.
Des reconnaissances vont être faite à droite et à gauche du pont de Tchernutz pour les bateaux qui peuvent exister sur la Save de ces côtés ci et jusqu’à la Laybach ; hier j’en fis brûler deux à Salock ..." (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 157 page 322).
Le 20 septembre 1813, le Lieutenant-général Comte Grenier écrit, depuis Laybach, au Général Marcognet : "Mon cher général, j’ai reçu votre rapport de ce jour ; comme je vous l’ai annoncé hier la division italienne arrive aujourd’hui à Laschitz et doit se porter demain sur Obergurck à hauteur de Veichselbourg, il faut donc vous mettre vous-mêmes en mesure de marcher demain et d’attaquer l’ennemi devant vous s’il ne quitte pas sa position par suite du mouvement de la division italienne ; l’intention de S. A. I. est que vous fassiez attaquer ce soir vers 4 heures le poste de Veiskirck et que vous vous en rendiez maître en ayant soin de le conserver afin de faire craindre à l’ennemi pour sa gauche ...
Il est probable que le Prince se rendra demain à votre position, faites tous vos préparatifs pour l’attaque qui je pense offre quelque facilité par le ravin où est monté dernièrement la compagnie de voltigeurs du 106e pour reconnaître l’ennemi ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 35 page 81).
Le 20 octobre 1813, depuis le Quartier général à Gemona, est donné l'ordre de mouvement
suivant : "... La division aux ordres de M. le Général Rouyer fournira à la garnison d’Osoppo un détachement de 120 hommes pris sur ceux les plus faibles et les moins bons marcheurs, dont les propositions ci-après savoir :
30 hommes du 7e de lignes
30 hommes du 52e de ligne
et 60 hommes du 35e de ligne
total 120.
Ces détachements seront conduits par des officiers de chaque corps au commandant de la place d’Osoppo pour faire partie de sa garnison et être provisoirement mis en subsistance dans le bataillon de dépôt du 106e régiment. Ces hommes s’en feront donner récépissés écrits qu’ils rapporteront à M. le général de division pour être transmis par lui au lieutenant général, afin d’en constater le versement à S. A. I.
Il est entendu que d’après cette disposition aucun officier ou sous-officier ne doit faire partie de la force de ces détachements puisqu’ils doivent rentrer à leur corps après remise faite ...
Il sera donné avis au commandant d’Osoppo du détachement qui doit être fourni comme supplément à sa garnison par la 2e division ainsi que des formalités à remplir pour l’exécution de cette disposition ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 54 page 124).
Le même 20 octobre 1813, est donné, depuis le Quartier général à Gemona, l' "Ordre de mouvement pour le 21
La deuxième division aux ordres de M. Le général Rouyer ira cantonner demain à Saint-Daniel et environs ...
La division aux ordres de M. le général Gratien fournira à la garnison d’Osoppo un détachement de 120 hommes pris sur ceux les plus faibles et les moins bons marcheurs dans la proportion ci-après : savoir 30 hommes du 7e de ligne, 30 hommes du 52e et 60 hommes du 35e.
Ces détachements seront conduits par des officiers de chaque corps au commandant de la place d’Osoppo pour faire partie de sa garnison et être provisoirement mis en subsistance dans le bataillon de dépôt du 106e régiment. Les officiers et sous-officiers chargés de la conduite et remises de ces hommes s’en feront donner récépissé qu’ils rapporteront à M. le général de division pour être transmis par lui au lieutenant général afin d’en constater le versement à S A. I.
Il est entendu que d’après cette disposition aucun officiers ou sous-officiers ne doit faire partie de la force de ces détachements, puisqu’ils doivent rentrer à leur corps après remise faite ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 57 page 130).
Le 5 novembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général de Division Marcognet : "Le général Vignole vous a sans doute informé de la nouvelle organisation de l’armée de laquelle il résulte que la 1ère et 4e composent la 1ère Lce et que je reprends le commandement qui m’était confié au moment où nous sommes entrés en campagne.
Je me revois avec plaisir au milieu de mes anciens camarades et j’aurais une véritable satisfaction d’apprendre que vous éprouviez le même sentiment.
L’intention de S. A. I. est que votre division soit composée ainsi qu’il suit :
1ère brigade
3 bataillons du 53e régiment formés des quatre existants
2 bataillons du 102e
Une batterie d’artillerie.
2e brigade
2 bataillons (20e et 101e) de la demi-brigade provisoire
2 bataillons du 106e formés des 3 existants
2 bataillons (un du 131e et un du 132e commandés par le major Turin)
1 batterie d’artillerie.
Votre division ayant séjour demain 6 à Legnago, vous lui ferez exécuter le 7 le mouvement ci-après :
La portion de la 2e brigade qui est dans ce moment avec vous (106e) demi-brigade provisoire et la batterie d’artillerie ira le dit jour prendre position à Ronco, ayant pour objet de garder la rive droite de l’Adige et d’empêcher un passage si l’ennemi voulait le tenter sur ce point ou dans les environs ; la cavalerie du général Mermet aura des postes à Roverchiara à droite de cette brigade et à Zevio à sa gauche. Ils devront faire connaitre au général commandant la brigade tout ce qu’il se passera d’important sur la ligne.
Avec le restant de votre division, vous coucherez le 7 à Vallese pour arriver le 8 à Vérone. Le 9, vous enverrez le bataillon du 67e à Bussolengo rejoindre la 2e division dont il fait partie. Le 53e régiment ira de très grand matin à St-Michel où se trouve en ce moment le 4e bataillon, y relèvera les bataillons du 131e, 132e et 102e qui partiront aussitôt pour rejoindre le même jour savoir les 1ers la 2e brigade à Ronco et ceux du 102e pour venir occuper Vérone sur la rive droite et fournir les gardes des batteries et autres postes ; à moins de nouvelles disposition de S. A. I., il n’y aura rien de changé dans votre mouvement des 7 et 8 ; peut-être aura-t-on à rectifier celui du 9, mais comme vous serez le 8 à Vérone, vous serez prévenu des changements qui pourront avoir lieu" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 19 page 50).
Le 9 novembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, à 9 heures et demie du soir, au Vice-Roi : "… Le rapport de la brigade du général de Conchy établie à Ronco annonce que l’ennemi a paru hier sur la rive gauche de l’Adige dans la direction de Ronco ; qu’il a fait 6 hommes prisonniers de la compagnie de voltigeurs du 106e régiment chargés de protéger la destruction de la redoute établie sur la rive gauche en face de Ronco …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 20 page 52).
"Legnago le 13 novembre 1813
A M. le colonel du 106e régiment.
Je viens également d’avoir l’avis que l’ennemi faisait des réquisitions de bœufs et de chevaux pour transporter du canon, et autres chariot de munitions de Bevilacqua et Montagnana, pour Minerbe sur l’Adige entre Angiari et Bonavigo. J’ai eu aussi l’avis qu’il avait plusieurs barques chargées sur des charrettes, c’est ainsi que s’explique l’individu qui donne ces enseignements, ce qui est évidemment un équipage de pont.
J’ai fait détruire les barques qui étaient sur la ligne de l’Adige depuis Roverchiara à Legnago. Je ne suis plus chargé, à dater d’aujourd’hui, de garder la ligne de l’Adige depuis Roverchiara à Legnago, c’est la cavalerie de M. le général de division Mermet qui fait ces services, les deux compagnies d’infanterie que j’avais dans cette partie sont rentrés à Legnago. J’avais également hier reçu l’avis que l’ennemi avait une grande quantité de chariots sur la route de Montagnana à Bevilacqua ; mais qui n’étaient point attelés, le paysan ne les ayant vu que de loin, n’a pu me dire s’il y avait beaucoup de canons, dans le nombre de ces voitures. Il en a seulement vu trois en avant du village de Minerbe.
Je sais qu’il y a à Bevilacqua, Montagnana, Estel, et dans les environs deux régiments de hussards, un régiment de uhlans, et beaucoup d’infanterie ; mais je ne puis en dire le nombre.
Un homme de confiance que j’avais envoyé à Padoue, n’est pas rentré ; je vais tâcher d’en faire sortir un ce soir, et si j’apprends quelque chose d’important, je me ferai un vrai plaisir de vous en donner avis.
J’ai l’honneur d’être avec une parfaite considération.
L’adjudant commandant Montfalcon.
Certifiée conforme à l’original
Le colonel du 106e régiment Sevret" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 134 page 281).
Le 18 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, vous trouverez ci-joint un ordre que je viens de signer ; tenez la main à son exécution, et correspondez avec moi là-dessus.
Les 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e doivent avoir envoyé les cadres de leurs 4es bataillons à Alexandrie ; je suppose qu'ils y ont aussi envoyé leurs ouvriers et leurs dépôts.
Les 4 200 conscrits doivent être arrivés.
Donnez de plus au 92e 800 conscrits qui étaient destinés au 156e, ce qui fera 5 000 hommes, et vous les tiendrez à la disposition du vice-roi pour recruter ces régiments.
1re question : ces 5 000 hommes sont-ils arrivés ?
2e question : les draps sont-ils arrivés ainsi que tout ce qui leur est nécessaire ?
3e question : les majors, les dépôts et les ouvriers sont-ils arrivés ?
Si les ouvriers ne sont pas arrivés, pourvoyez-y en faisant faire les habits par des tailleurs du pays, et activez l'équipement. Si les draps ne sont pas arrivés, levez toutes les difficultés, et tirez des draps du pays ...
L'armée d'Italie recevra donc un renfort de 4 200 hommes affectés aux 6 régiments, 7 600 hommes affectés aux autres régiments, et 3 000 pris sur les 4 000 du 156e. Total 16 000 hommes ...
Le vice-roi doit envoyer des cadres pour un 6e bataillon des 9e, 53e, 50e, 92e et 106e.
Vous verrez les divers développements de ces dispositions dans les articles 4 et 5 de mon décret.
Ainsi, la 1re division de l'armée de réserve comprendra les 12 bataillons des régiments qui sont à l'armée d'Italie ; ce qui avec le 6e bataillon du 13e de ligne, fera 13 bataillons : vous réunirez cette division à Alexandrie, Plaisance ou Turin.
La 2e division sera composée comme le porte l'article 5.
Il faut reformer les bataillons qui doivent revenir de la Grande Armée et donc il n'arrivera que peu de chose : ce sont des cadres à refaire. Le 112e se reformera à Florence, ainsi que le 6e du 35e léger.
Écrivez au vice-roi pour que le dépôt du 137e revienne à Alexandrie, s'il n'y est pas déjà.
Ces bataillons formeront la 2e division.
Enfin, les 5e bataillons, comme il est dit en l'article 6, formeront la 3e division.
Sur la conscription des 300 000 hommes, j'ordonne qu'on lève en Dauphiné, en Provence et dans le Lyonnais les 30 000 conscrits nécessaires pour compléter ces trois divisions. La levée se fera dans le cours de ce mois-ci ; et il est probable que tout sera arrivé dans le courant de décembre. Ainsi en janvier, vous aurez une armée de réserve de 30 000 hommes à Turin, Alexandrie et Plaisance. Exagérez tous les nombres ; dites qu'on aura 100 000 hommes.
Correspondez avec le vice-roi et avec la grande-duchesse, et occupez-vous avec activité de ces formations ...
Je n'ai compris l'Italie française pour aucune levée ni dans les 300 000 hommes, ni dans la conscription de 1815. Dites cela aux préfets ; écrivez-le à la grande-duchesse et au général Miollis : tous les hommes qui arriveront sont des Français" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37116).
Le 19 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Lacuée, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur le comte de Cessac, je suppose que vous avez pourvu à l'habillement de la conscription des 120 000 hommes qui se lève en exécution du sénatus-consulte du 9 octobre 1813. Le sénatus-consulte du 12 novembre met 300 000 hommes à ma disposition, mon intention est d'en lever 170 000, à l'habillement desquels il faut que vous pourvoyiez. Ils seront fournis de la manière suivante : 40 000 par les départements qui envoient à l'armée des Pyrénées. Ces 40 000 hommes formeront 4 divisions, une à Bordeaux, une à Montauban, une à Toulouse et une à Montpellier. Ils seront habillés par quatre ateliers placés les uns à Bordeaux et les autres à Toulouse. Comme par le décret qui a passé aujourd'hui au Conseil d'État ces 40 000 hommes seront rendus avant le 20 novembre à leur destination, il faut établir sur-le-champ ces quatre ateliers qui fourniront chacun 10 000 habits d'ici à cette époque. Si vous préfériez que cette réunion eût lieu à Nîmes où partout ailleurs, je le laisse à votre disposition. Ces ateliers seront formés comme ceux que j'avais établis en 1808 à Bordeaux. Les 12 régiments qui ont leur dépôt dans la 11e division militaire recevront leur contingent de la conscription de 1815 et rien de la levée des 300 000 hommes. Présentez-moi un décret pour la formation de ces quatre ateliers. Il est important que dans le courant du mois de décembre, ils fournissent le nombre d'habits, de schakos, de sacs, etc., qui sera nécessaire. Cela formera une dépense de 5 à 6 millions à peu près. Il faut prendre des moyens expéditifs pour lever les difficultés et les embarras. Il est présumable que les Anglais recommenceront la campagne en février, cette saison leur étant favorable. Il faut donc que cette armée de réserve soit en état d'agir d'ici au mois de janvier. J'ai ordonné aujourd'hui la levée de 30 000 hommes sur la conscription des 300 000 dans les 7e, 8e et 19e divisions militaires. J'y ai joint les départements de l'Ain, de l'Allier et de la Haute-Saône. Ces 30 000 hommes seront dirigés sur Turin et Alexandrie. Ils formeront trois divisions. La première sera réunie à Alexandrie.
Elle sera composée de 13 bataillons savoir :
... des 4e et 6e bataillon du 106e de ligne
Ces régiments ont leurs dépôts à l'armée d'Italie ...
Ces hommes seront habillés à leurs dépôts ou ailleurs. Il faut réunir des moyens pour qu'ils le soient dans les 15 premiers jours de janvier. Ces 30 000 hommes sont indépendants des 18 000 qui sont fournis par la conscription levée dans les départements situés au-delà des Alpes, et qui sont destinés à recruter l'armée d'Italie. Le reste des 300 000 hommes ne sera pas encore levé, mais il le sera plus tard. Comme cette dernière conscription sera disséminée entre les dépôts placés en deçà des Alpes, il est nécessaire que les bataillons qui doivent recevoir des hommes soient approvisionnés. Je ne sais si je vous ai écrit relativement à une disposition particulière sur la conscription des 120 000 hommes, j'ai ordonné que 11 500 fussent envoyés sur Mayence pour être répartis entre les 13e et 23e régiments etc., et les bataillons d'autres régiments qui font partie du 4e corps, mais dont les dépôts sont en Italie. Mon intention est que ces 11 500 hommes soient habillés par nous. Je suppose que ces hommes seront rendus à leur destination avant le 15 octobre, il faut que vous pourvoyiez à leur habillement, et que vous adressiez les dispositions que vous aurez prises auprès des commandants des corps qui doivent recevoir ces hommes. J'ai ordonné encore que 5 000 hommes seraient accordés au 11e corps pour être distribués dans les bataillons dont les dépôts se trouvent au-delà des Alpes. J'ai ordonné que ces hommes seraient fournis par les dépôts placés en deçà des Alpes ; il est donc nécessaire que ces dépôts aient ce qui est nécessaire pour armer les hommes destinés à aller aux bataillons du 11e corps à qui ils doivent appartenir. Faites-moi connaître si je puis compter sur la prompte exécution de ces ordres" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37163 - Note : La même lettre est envoyée à Clarke : minute, Archives nationales, AF IV 904, novembre 1813, n° 261).
Le 19 novembre 1813, à 6 heures du soir, le général Deconchy écrit, depuis Ronco au Lieutenant général Comte Grenier à Vérone, commandant le Corps de droite : "Monsieur le comte
Depuis le rapport que j’ai adressé ce matin, il ne s’est rien passé de nouveau sur ma ligne. Je viens de parcourir la rive jusqu’au-dessous de Bonavigo pour reconnaître moi-même la force de l’ennemi et en même temps les chemins qui peuvent me conduire à travers les terres jusqu’à Roverchiara. Ce matin l’ennemi avait étendu des troupes le long de la rivière depuis Albaredo jusqu’en face de Roverchiara. Elles ont été retirées dans la journée ; il n’est resté que des postes. Bonavigo m’a paru être fortement occupé. Je ne présume pourtant pas qu’il y ait au-delà d’un bataillon. Je n’ai aperçu d’ailleurs aucun mouvement de troupes.
Je dois près de prévenir votre excellence qu’après Roverchiara, il n’y a plus de troupes pour observer la rivière jusqu’à Legnago. Le 3e de chasseurs à cheval a quitté hier soir les cantonnements qu’il occupait et n’a point été remplacé. Roverchiaretta et Anghiari qui étaient également occupés par de l’infanterie de la colonne de M. l’adjudant commandant Montfalcon, ne le sont plus, de manière que toute cette partie est absolument à découvert. Pour remédier autant que possible à cet inconvénient, j’ai donné l’ordre au commandant des deux compagnies de Roverchiara d’envoyer continuellement des patrouilles jusqu’en face de Bonavigo, qu’elles y resteraient une demi-heure, et qu’aussitôt la rentrée de chacune, une autre partirait.
On me rend compte à l’instant qu’on entend l’ennemi travailler à Albaredo. Les forges y sont en pleine activité et on y travaille également du bois, ce qui annonce que l’on y prépare des moyens de passage. Le petit poste qui est dans la redoute devant Ronco vient d’être renforcé ; je dois m’attendre à quelque chose de nouveau demain matin. Je fais établir une batterie devant Albaredo pour un obusier et une pièce. Le 1er bataillon du 106e est établi en arrière de la digue devant le village. Les deux bataillons que j’ai à Ronco seront sous les armes à trois heures du matin. Mais si l’ennemi a résolu son passage, il sera difficile que je l’arrête longtemps avec le peu de moyens que j’ai. Si pendant la nuit je m’apercevais que l’ennemi continue son travail, et qu’il se dispose à passer, je rappellerai auprès de moi le bataillon qui est à Persacco ( ?) et je vais écrire au général Bonnemain pour qu’ils fassent éclairer cette partie par sa cavalerie.
J’aurai l’honneur de vous rendre compte pendant la nuit de ce que j’aurais pu apprendre de nouveau ..." (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 159 page 331).
Le 20 novembre 1813 à 4 heures et demie du soir, le Général Deconchy écrit, depuis Ronco, au Général (Marcognet ?) : "L’officier que Son Altesse Impériale m’a envoyé dans la journée m’a trouvé à Roverchiaretta d’où j’arrive à l’instant. Toute la ligne a été parfaitement tranquille depuis le rapport que j’ai fait ce matin à M. le général Mermet qui s’est chargé de le transmettre au Vice-Roi.
Les renseignements que j’ai recueillis dans une course se rapportent avec ceux que je viens de recevoir de M. l’adjudant commandant Montfalcon. Il y a 600 hommes à Bonavigo, un bataillon à Albaredo, 2000 hommes tant à Cucca, Bonaldo, qu’à Saint-Gregorio. Il y a aussi du monde à Saint-Dona et Arcole, mais on n’a pas pu me dire le nombre. 8 barques sont chargées sur des voitures de réquisition à La Motta ; c’est une ferme qui se trouve en face d’une ile qu’on appelle l’ile de Lamotta et dans laquelle on disait qu’il se trouvait les 8 barques gardées par 200 hommes, les 200 hommes et les barques sont à la ferme ; j’ai bien examiné l’île. Je n’y ai rien remarqué. J’ai donné l’ordre au commandant du 1er bataillon du 106e qui est devant Albaredo d’envoyer dans l’île un sergent et six hommes dans la nuit pour la fouiller, s’il peut faire descendre jusque-là ma petite barque j’ai fait conserver à Tombetta. On travaille toujours à Lamotta soit à réparer des barques soit à en faire de nouvelles. L’ennemi garde soigneusement cette ferme. Les postes sont plus multipliés de ce côté. Après un grand intervalle où il n’y a point de postes, on les retrouve à la maison blanche qui est en face de Roverchiaretta et se continuent jusqu’au-delà de Bonavigo. Le passage de rivière est facile à cette maison blanche, la rivière se rétrécissant à cet endroit. Il l’est encore davantage à Bonavigo par la même raison et ces deux endroits sont en face ou près d’un débouché pour se porter en avant.
L’ennemi ne fait rien qui annonce l’intention de passer à Ronco. Il vient d’arriver un nouveau bataillon à Albaredo, on y travaille à des batteries et on le fait d’une manière trop ostensible pour croire que ce soit sérieux. Cependant je ne cesserai pas d’être sûr mes gardes. J’ai donné l’ordre aux syndics des villages de Tomba, Suzanna, Roverchiara et Roverchiaretta de s’occuper de pratiquer des chemins sur le revers de la digue pour qu’on y puisse passer avec des voitures, ce sera un travail facile depuis Tomba, Suzanna jusqu’en face de Bonavigo ; j’ai reconnu des chemins pour aller jusqu’à tomba. Les officiers commandant dans ces villages sont chargés de faire exécuter ce travail.
Le 3e régiment de chasseurs à cheval est arrivé ce matin sur la ligne, il éclaire toute ma droite, depuis Tomba jusqu’à Anghiari. J’ai peu de monde avec moi. Si les bataillons des 20e et 101e qui me manquent n’étaient pas absolument nécessaires à Vérone, ils me seraient bien utiles.
A l’arrivée du bataillon à Albaredo, j’ai envoyé un officier au clocher de Tomba pour reconnaître s’il y avait d’autres mouvements ; l’officier arrive à l’instant, il n’a point remarqué de mouvements mais il a parfaitement distingué trois barques sur lesquelles on peut mettre 150 à 200 hommes chacune qui sont placées près de la rivière à la ferme de Lamotta, et beaucoup d’ouvriers occupés à réparer d’autre barques ; on y travaille avec une grande activité ; ceci n’est point un rapport, c’est vu. Il y a au même endroit deux pièces en batterie.
Voilà mon général, tout ce que je puis vous apprendre.
Agréez, je vous prie l’assurances de ma très sincère amitié.
Ps. Je n’ai pas le temps de faire une seconde lettre à M. le comte Grenier ; je vous prie de m’excuser auprès de lui" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 166 page 345).
Le 22 novembre 1813, Eugène écrit, depuis Vérone, à Clarke : "Je vous ai déjà fait connaître, monsieur le duc de Feltre, les mesures que j'ai concertées avec le prince Camille, pour l'incorporation dans plusieurs cadres de bataillons de l'armée d'Italie des 5,600 conscrits des classes antérieures à 1814, qui sont destinés à recruter les 9e, 10e, 13e, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e régiments d'infanterie de ligne. Il résultera de leur exécution que tous ces corps, à l'exception du 13e régiment, auront reçu le contingent qui leur est assigné, et que les conscrits destinés à ce dernier corps qui, n'ayant en Italie que son bataillon de dépôt renfermé dans Palmanova, ne peut envoyer de cadre à Alexandrie, seront donnés au 9e régiment qui, vu sa faiblesse, a envoyé deux cadres de bataillon à Alexandrie pour se recompléter ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 462).
Le 24 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Daru, Ministre directeur de l’Administration de la Guerre : "Monsieur le comte Daru, je reçois une lettre du prince Borghèse du 20, dans laquelle il me fait connaître que le 4e régiment d'artillerie, le 1er bataillon de sapeurs et le 3e idem ont ce qu'il leur faut pour leur habillement mais que le 1er léger, le 7e de ligne, le 20e, le 42e, le 52e, le 67e, le 101e et le 102e, qui reçoivent chacun 700 conscrits n'ont pas de quoi en habiller 400 ; moins la doublure et le drap pour les capotes ; que le 13e de ligne, le 9e, le 35e , le 53e, le 84e, le 92e et le 106e qui sont arrivés à Alexandrie et ont chacun 700 hommes à recevoir n'ont rien ...
Il n'était non plus rien arrivé pour l'habillement des 700 hommes du 3e léger et du 10e de ligne. Je désire que vous me fassiez un rapport sur cet objet important. Voilà 15.000 hommes qui arriveront avant le 15 décembre et pour l'habillement desquels il n'y a aucune disposition. Cependant il est nécessaire que ces 15.000 puissent au 15 de ce mois renforcer l'armée. Faites-moi connaître tout ce que vous avez envoyé et toutes les dispositions que vous avez prises pour compléter l'habillement de ces 15.000 hommes ...
Le 112e recevra des hommes en Toscane, le 6e de ligne et le 14e léger reçoivent des conscrits à Rome. Faites-moi connaître toutes les dispositions déjà prises pour l'équipement de ces hommes. Consultez vos bureaux pour savoir si le Piémont fournit tout ce qui est nécessaire pour les équipements et pour suppléer sur le champ aux mesures qui n'auraient pas été prises. Dans ce cas proposez-moi l'établissement d'une commission présidée par le prince Borghèse et composée du préfet du Pô et de l'ordonnateur. Cette commission sera chargée de prendre sur le champ toutes les mesures, mais elle aura besoin d'argent. Faites-moi connaître les fonds que vous pouvez mettre à sa disposition et si vous avez sur octobre et novembre les crédits suffisants pour faire face à ces dépenses, et si le Piémont, pouvant faire face à tout, vous expédiez des ordonnances, prévenez-m’en ; je les ferai payer. Il faut charger le général Miollis et la grande-duchesse de faire habiller ce qui arrive à Rome et en Toscane" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37262).
Le même 24 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, je reçois votre lettre avec l'état qui y est joint. Vous ne me dites pas si les bataillons des 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e avaient ramené avec eux leurs dépôts, c'est-à-dire les maîtres tailleurs, quartiers-maîtres, majors et tout le matériel qu'ils pouvaient avoir aux dépôts.
Je vois que vous n'avez que 1 500 fusils. Écrivez au vice-roi qu'il vous en fasse passer, à Alexandrie, 4 000 de ceux qu'il a à Mantoue. J'ai ordonné au ministre de la Marine de vous en envoyer 10 000 par mer à Gênes. Ecrivez à Toulon qu'on vous instruise du moment où ils partiront.
Je vois que plusieurs bataillons ont déjà 400 habits, mais que les 6 dépôts de l'armée d'Italie n'ont rien : mon intention est que vous pourvoyiez à tout. Réunissez près de vous le préfet de Turin, qui est un homme habile, votre ordonnateur et les majors de tous les corps. Prenez, dans les 24 heures, les mesures nécessaires pour que tous les hommes qui arrivent au 4e d'artillerie, au 1er de sapeurs, au 3e de sapeurs, au 1er léger, au 7e de ligne, 20e, 42e, 52e, 101e, 102e, 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e soient habillés sur-le-champ de pied en cap, et qu'il ne leur manque absolument rien.
Toutes les dispositions que vous ferez seront approuvées. Tous les fonds que vous emploierez pour cet objet seront pris sur les centimes que doivent payer vos départements en conséquence de mon décret du 11 novembre dernier.
Mettez en réquisition tous les tailleurs du pays, de sorte qu'au 15 décembre au plus tard ces hommes soient habillés ...
Vous me rendez compte du procès-verbal de la séance que vous tiendrez et des mesures que vous aurez prises. Vous sentez l’importance dont il est, que ces 15 000 hommes soient armés, habillés et équipés dans le plus court délai. Vous devez pourvoir à tout. La seule chose à laquelle vous ne pourrez pas pourvoir vous-même, c'est les armes ; mais j'espère que cela ne vous manquera pas ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37251).
De son côté, encore le 24 novembre 1813, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Isola Porcarizza, au Lieutenant général Comte Grenier : "Mon général,
J’ai l’honneur de vous rendre compte que le poste de Roverchiaretta, par rapport à Bonavigo, l’un des plus intéressants de la ligne, étant, par le départ de la cavalerie, à peu près dégarni, j’ai envoyé ce matin dès le point-du-jour, le 1er bataillon du 53e régiment avec les instructions relatives au service et à la défense sur ce point.
Le rapport que je reçois à l’instant de M. le colonel du 106e régiment annonce que l’ennemi ayant, avant son mouvement, fait toutes sortes de démonstrations, est en ce moment fort tranquille. Ce colonel n’en est pas moins sur ses gardes, il maintient la plus grande surveillance et fait faire les travaux qu’il croit nécessaire pour des batteries et le placement des troupes ; je lui envoie l’officier du génie de la division, et une section de la compagnie de sapeurs qui arrive en ce moment.
Le point de Bonavigo paraît être avantageux pour l’ennemi, mais le terrain de ce côté-ci a de grands moyens de défense en ce qu’il est coupé par plusieurs canaux entre lesquels on peut s’établir pour former au moins une barrière ; et il est également vrai que si l’ennemi parvenait à occuper le terrain entre Roverchiara ou Roverchiaretta et Isola Porcarizza, il serait extrêmement difficile de l’en déloger. Mais pour obtenir un tel avantage, il faudrait qu’il exécutât un passage au-dessus de Roverchiara, à Lamotta par exemple, où il a fait beaucoup de démonstrations ; en tout cas, je serai toujours prêt à agir selon les circonstances.
La colonne de M. le général Deconchy ayant été formée et réunie à San Pietro de Legnago, hier le soir, ce général sera sans doute parti ce matin fort à bonne heure pour remplir sa mission ; chaque soldat était muni de 50 cartouches au moins et de vivres pour jusqu’au 25 inclus. Au fur et à mesure que je recevrai ses rapports, je m’empresserai de vous les faire parvenir.
J’ai l’honneur d’être très respectueusement, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur
Ps. Si j’étais forcé à me replier entre ce point ci et Vallese, il conviendrait qu’un échelon de cavalerie fut porté à hauteur de Palo où le pays est très ouvert, surtout en se rapprochant de la grande route" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 177 page 367).
Le 27 novembre 1813, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Isola Porcarizza, au Lieutenant général Comte Grenier : "Mon général,
M. le colonel du 106e régiment rend compte que l’ennemi a travaillé une partie de la nuit dernière à la Casa de Lamotta où, pendant deux heures, l’on a entendu le bruit de quelques charrettes allant et venant ; ce matin, il n’y avait rien d’apparent. Hier le soir le 2e bataillon du 53e régiment a relevé à Roverchiaretta le 1er du même corps qui, conformément aux ordres de Son Altesse Impériale s’est rendu pendant la nuit à Legnago ; ce bataillon, à ce qu’on m’assure, a pris part à sa manière accoutumée, à l’action qui a eu lieu ce matin en avant de cette place.
Je vous prie mon général de vouloir bien exprimer à Son Altesse Impériale mon regret de n’avoir pas été assez heureux pour me trouver sur son passage lorsqu’elle est revenue de Legnago ; je l’ai attendue longtemps au pont par où elle est passée, sur le canal de Bussé, mais n’ayant su le moment de son retour, j’ai cru avoir le temps d’aller jusqu’à l’Adige et il n’y avait pas 10 minutes que j’étais parti du pont lorsque Son Altesse Impériale l’a passé ; je ne suis resté qu’une demi-heure au plus, tant à Roverchiaretta que sur l’Adige, et étant revenu au pont, y ayant appris le passage de Son Altesse, j’ai eu beau galoper jusqu’à la Casa del Ferro, il m’a fallu renoncer à l’honneur de lui présenter mon très humble respect. Ce que je regrette infiniment.
J’ai l’honneur d’être très respectueusement, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 178 page 369).
Le même 27 novembre, le Général Deconchy occupe Fratta et Villanova, envoyant des reconnaissances sur Rovigo. Il ne tarde pas à être informé qu'une colonne autrichienne assez forte, formée de troupes détachées au blocus de Venise, parait vouloir passer l'Adige à Boara, entre Rovigo et Borgo-Forte. Il se met en marche le 29 au matin pour combattre ce corps, mais il trouve l'ennemi tellement en force à Boara, qu'il doit se replier (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 436).
Le 29 novembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général de Division Marcognet : "J’ai reçu hier au soir votre lettre du 28 avec le rapport du colonel du 106e ; entendez vous avec le général Mermet relativement au fourrage et dans tous les cas, prenez les mesures que vous jugerez nécessaires pour que vos chevaux n’en manquent pas" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 25 page 63).
Le 30 novembre, le Général Deconchy est obligé de battre en retraite sur Trecenta pour y attendre les renforts et l'artillerie qu'il a fait demander au Vice-Roi (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 436).
Le 30 novembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, à 4 heures du soir, au Général Marcognet : "J’ai reçu avec votre lettre de ce matin 8 h le rapport du général de Conchy en date du 29. Je me suis empressé de le communiquer à S. A. I. qui a vu avec peine que le général de Conchy n’était pas arrivé dès le 28 au soir à Rovigo et à Boara où il aurait probablement empêché l’ennemi de passer puisqu’il ne pouvait savoir combien il pouvait y avoir de troupes entre Rovigo et Boara. S. A. a été également peinée de savoir que ce général avait rétrogradé sur Rindinara étant en mesure sur Rovigo sans avoir vu l’ennemi. Depuis 8 jours, les rapports des paysans sur les mouvements de l’ennemi se sont multipliés et contredits en tous sens. On doit cependant supposer que les renseignements que le général de Conchy donne sont exacts mais il doit cependant s’en assurer et pour cela l’intention de S. A. est que vous fassiez partir au reçu de la présente un bataillon du 106e pour arriver demain de bon matin à Castagnaro pour être à la disposition du général de Conchy. Vous ferez, mon cher général, remplacer le bataillon sur votre ligne par un bataillon de votre 1ère brigade si vous le jugez nécessaire. Au moyen de cette disposition, le général de Conchy aura plus de dix huit cent hommes d’infanterie et plus de 200 de cavalerie pour agir. Les 2 pièces régimentaires de 6 qui doivent être à Castagnaro sont aussi à ses ordres, ainsi que le caisson d’infanterie qui est avec ; fournissez-lui en outre les munitions dont il pourrait avoir besoin. Si l’ennemi a réellement l’intention de se porter sur le Pô, il ne peut le faire que par un mouvement de flanc donc le général de Conchy doit en profiter. Il doit bien se pénétrer que Rovigo est le point important de la communication que l’ennemi parait vouloir établir ; il faut donc l’en empêcher s’il est possible et le forcer à repasser l’Adige, et ensuite, je le répète encore, détruire les ponts volants et bacs au moyen du canon. Il est impossible de supposer que l’on puisse l’entendre autrement. Le général de Conchy ne doit avoir sur le Pô que des partis pour communiquer avec le major Merdier ; son objet n’est pas du tout de repasser sur la rive droite de ce fleuve mais bien d’empêcher l’ennemi de s’établir entre l’Adige et le Pô. Veuillez, je vous prie, lui donner vos instructions en conséquence" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 32 page 76).
Le même 30 novembre 1813, le Général de Division Grenier écrit également, depuis Vérone, à l’Adjudant-commandant Montfalcon : "L’intention de S. A. I. est, M. l’adjudant-commandant, que les pièces d’artillerie légères avec leurs caissons de munitions et d’infanterie qui ont été envoyées à Castagnaro soient à la disposition de M. le général de Conchy pour lui servir où il le jugera nécessaire. Veuillez, je vous prie, les envoyer à Castagnaro, si elles n’y sont pas déjà. Un bataillon du 106e reçoit l’ordre de se rendre demain à Castagnaro où il devra arriver de très bonne heure. Prévenez M. le général de Conchy de l’avis que je vous donne relativement à l’artillerie que vous pourriez mettre sous l’escorte du bataillon du 106e pour plus de sureté" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 32 page 76).
Le 30 novembre 1813 à 9 heures du soir, le Général de Division Baron Marcognet écrit, depuis Isola Porcarizza, au Lieutenant général Comte Grenier : "Mon général … conformément à vos ordres, je fais partir le 1er bataillon du 106e régiment que je dirige sur Castagnaro où il attendra les ordres de M. le général Deconchy …" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 194 page 401).
Dès qu'il a reçu le 1er un Bataillon du 106e et 2 canons, le Général Deconchy décide de se placer entre le Général Nugent, repoussé de Ferrare par le Major Merdier, et les troupes du blocus de Venise qui, de Boara, marchent vers le sud sur Crespino, pour rallier cette colonne Nugent. Le 1er décembre, il s'avance sur Rovigo et Boara. L'ennemi y a déjà passé le fleuve (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 436).
Le 1er décembre 1813, à 9 heures et demie du matin, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Isola Porcarizza, au Lieutenant-général Comte Grenier : "Mon général
Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le mander, hier le soir, à la réception de votre dernière lettre concernant M. le général Deconchy, tous ordres ont été donnés pour l’exécution de son mouvement ; le 1er bataillon du 106e, avec un caisson d’infanterie, doit être arrivé ce matin, à bonne heure, à Castagnaro ; M. l’adjudant commandant Montfalcon, sur l’invitation que je lui en ai faite, doit avoir mis à la disposition de ce général, deux pièces de six et au moins un caisson d’infanterie.
Je n’ai point fait relever le bataillon du 106e, j’ai ordonné à M. le colonel Sevret de faire appuyer vers la droite les bataillons restant sous ses ordres ; je verrai d’ailleurs ce qu’il me dira par son rapport de ce matin, dont je vous ferai part s’il annonce quelque chose d’intéressant.
Les deux premiers bataillons du 53e occupant Roverchiaretta et Roverchiara, il ne reste plus ici et à Oppeano que trois petits bataillons.
J’ai l’honneur d’être très respectueusement, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 200 page 413).
Le 1er décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, vous avez dû donner ordre au vice-roi de former le cadre du 6e bataillon, et de compléter le 4e bataillon des 9e, 35e, 53e, 84e, 82e et 106e régiments, qui doivent former la 1re division de l'armée de réserve à Alexandrie. On y réunira le 6e bataillon du 13e de ligne, ce qui portera cette division à 13 bataillons ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37340).
Le 2 décembre, le Général Deconchy, ne trouvant pas la colonne autrichienne, se rabat sur Fratta au sud-ouest (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 436).
Le 2 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène, Vice-Roi d'Italie, commandant en chef l'Armée d'Italie : "Mon fils, je reçois votre lettre du 25 novembre. Je vois avec plaisir que vous avez déjà formé vos 6es bataillons pour les 6 régiments qui sont dans le royaume d'Italie ...
Les autres régiments qui ont deux bataillons peuvent sans difficulté recevoir 700 hommes, mais vous devez remarquer que sur ces 700 hommes, 100 seront à réformer, plus de 50 seront malades ; qu'ainsi il n'en restera guère que 500 et que vous aurez à peine ce qui est nécessaire pour compléter tous vos régiments. Mais vous êtes parfaitement le maître de verser d'un bataillon dans un autre, pourvu que ce soit par un ordre du jour qui soit envoyé au ministre, et qui contienne tous les renseignements de détail nécessaires aux bureaux. Tous les régiments qui fournissent à l'armée d'Italie ont leurs cadres au-delà des Alpes, soit en Piémont, soit à Gênes ; ils ont leurs cadres de 5es bataillons complets.
Je vous ai destiné en outre, sur la conscription de 1815, 30 000 hommes. Il est nécessaire d'avoir des cadres pour pouvoir renfermer ces 30 000 hommes. J'approuve donc tout à fait que vous formiez autant de cadres qu'il vous sera possible. Ainsi le 9e, le 35e, le 53e, le 84e, le 82e et le 106e devant former un 6e bataillon que vous avez déjà fourni, paraissent devoir être épuisés. Cependant, si vous croyez que ces régiments puissent former un 7e bataillon, mandez-le moi, il recevrait de la conscription de 1815. Le 1er de ligne n'a qu'un bataillon à votre armée ; mais son dépôt est à Marseille : c'est un compte à part ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 470 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37347).
Le 3 décembre, passant par Villanova et par Costa, et remontant sur Rovigo, le Général Deconchy joint le Corps du Général autrichien Marschall. Quoiqu'il n'ait avec lui que 2 Bataillons et 2 escadrons, le Général Deconchy attaque et enlève successivement trois des Bataillons qui défendent l'Adigetto. Il s'empare ensuite de la ville de Rovigo, et chasse son adversaire qu'il contraint à repasser l'Adige, affaibli de 400 tués ou blessés et de 900 prisonniers. Malheureusement, la colonne Deconchy n'est guère plus considérable en nombre que la colonne des prisonniers faits à l'ennemi. Cela rend la position du Général assez difficile et l'engage à se replier le soir sur Fratta et Villanova. Le Prince Eugène témoigne toute sa satisfaction au Général Deconchy et à ses braves troupes, ainsi qu'au Colonel Rambourg du 3e de Chasseurs à cheval italien (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 436)
Le 5 décembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général de Division Marcognet : "L’intention de S. A. I. le prince vice-roi étant que vous portiez toute votre division sur le Bas-Adige a ordonné que la brigade Schmidt (division Rouyer) partirait à minuit de Vérone pour aller relever vos postes sur la ligne de l’Adige à Isola Porcarizza ; vous voudrez donc bien donner à ce général avant votre départ tous les renseignements nécessaires tant par les emplacements à occuper par l’infanterie et l’artillerie que sur les travaux faits et encore à faire d’après ce que nous sommes convenus, lui faisant en même temps connaitre les motifs qui les ont déterminés, et en chargeant le colonel du 106e de donner de pareils renseignements et plus particulièrement sur les localités à l’officier supérieur que cet officier général chargera du commandement de sa première ligne.
Fur et à mesure que vos troupes seront relevées, il conviendra pour dérober le mouvement à l’ennemi de les faire filer en arrière de la digue sur le canal de Busse à hauteur de Roverchiara d’où elles partiront pour arriver demain à Legnago avec l’artillerie qui est en première ligne. Si elle peut être relevée avant le jour. Dans le cas contraire, elle ne fera son mouvement que dans la nuit du 6 au 7 et alors, vous laisserez le bataillon du 132e pour lui servir d’escorte.
Le bataillon du 7e de ligne arrivé hier à Ronco, faisant partie de la brigade du général Schmidt, pourra relever cette nuit les deux bataillons du 53e qui sont à Roverchiara et Roverchiaretta.
Vous mettrez en conséquence en mouvement votre 1ère colonne commandée par le général Jannin et composée du 53e, du bataillon du 102e, de celui du 6e, des sapeurs et de l’artillerie que vous avez en 2e ligne. Elle ira coucher à Castagnaro et villa Bartolomea. Votre 2e colonne commandée par le colonel Sevret composée d’un bataillon de son régiment, des bataillons des 131e et 132e, des compagnies de chasseurs du 3e de chasseurs restées sur la ligne de l’Adige et enfin de l’artillerie régimentaire ( ?). La 2e brigade, si elle est relevée (voyez le paragraphe d’autre part) ira coucher à Legnago. Veuillez, je vous prie, en donner avis au général Montfalcon. Vous ferez également arriver à Legnago votre réserve d’artillerie et vous établirez votre quartier général à Villa Bartolomea pour être plus rapproché du général de Conchy.
Vous connaissez, mon cher général, toute l’importance de la mission que S. A. I. daigne vous confier ; vous savez que vous avez pour objet de couvrir la droite de l’armée et de rejeter sur la rive gauche de l’Adige tous les corps ennemis qui s’y trouvent en ce moment entre ce fleuve et le Pô, comme après de l’empêcher par tous les moyens possibles de revenir sur la rive droite ; nous en avons conféré ensemble hier et vous êtes bien pénétré de ce que vous aurez à faire. Les instructions que je vous ai chargé de transmettre en différentes fois au général de Conchy, serviront encore de base à vos opérations mais avec plus de développement puisque vous aurez toute votre division et le 3e régiment de chasseurs en entier à votre disposition. Vos colonnes arriveront sans doute le 7 à hauteur de celles du général de Conchy ; dès lors, vous devrez diriger ses opérations en raison de ce que vous ferez sur votre front et sur votre gauche.
Je pense qu’il sera avantageux de faire manœuvrer ce général et sur Polesella lorsque vous vous porterez sur Rovigo et Boara, les renseignements que vous aurez sur les lieux vous mettront à même d’en juger ; on a fait ici des rapports exagérés sur les forces de l’ennemi et ce qui me le prouve est le mouvement rétrograde le hindinare ( ?) lors même que le général de Conchy était déjà revenu sur Ferrata. Emparez vous de la communication principale de l’ennemi, faites un établissement à Longo, que le général Jannin avec quelques bataillons et de l’artillerie en face de Boara ; mais ne faites arriver cette dernière sur ce point que lorsque vous aurez fait établir de bonnes batteries et que les banquettes de la digue seront en état d’y recevoir de l’infanterie ; dans une nuit, ces travaux doivent être achevés et si l’ennemi a sur ce point trois pièces de canon, opposez lui en six pour éteindre son feu et détruire ses moyens de passage ; il ne faut surtout rien négliger pour atteindre ce but, qui me permettra ensuite de diriger de forts partis sur Crespino et menacer l’ennemi sur la rive droite du Pô en même temps que vous vous mettrez en communication avec le fort de Caravelle sur le Bas-Adige.
Vous aurez attention, mon cher général, de ne pas étendre les postes de la garnison de Legnago au-delà de la Badia, afin que dans toutes les circonstances, ils puissent rentrer dans cette place sans être compromis ; ces postes serviront encore à couvrir l’échelon d’artillerie que vous serez dans le cas de laisser avec une escorte à Castagnaro, si comme je le pense, vous jugez que vous avez trop grand nombre de pièces, un échelon de réserve en munitions sera également bien placé à Castagnaro.
Vous ferez enfin tout ce qu’il dépendra pour remplir les intentions de S. A. I. qui dans cette occasion vous donne une nouvelle marque de sa confiance ; ayez seulement soin de me tenir bien au courant de vos opérations et donnez-moi de vos nouvelles au moins une fois le jour" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 27 page 66).
Le 7 décembre 1813, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Lendinara, au Lieutenant-général Comte Grenier : "Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous en rendre compte par mon rapport d’hier soir, les troupes que j’ai amenées avec moi ayant marché toute la journée et une grande partie de la nuit sont arrivées avant le jour à Badia, mais extrêmement fatiguées ; l’artillerie surtout, ayant été très inquiétée, quoique de nuit, après avoir passé le pont de Castagnaro, par les postes et batterie ennemis, d’outre Adige, s’étant fortement jetée dans un chemin impraticable n’a pu arriver à Badia, sur les midi, qu’en doublant les attelages et à force de travaux.
Sur les dix heures, ayant entendu qu’on se tiraillait assez fortement sur l’Adige, à hauteur de Lendinara (c’était un poste de 180 hommes que le chef de bataillon Pigeard, du 106e avec deux compagnies enlevait malgré le secours d’un bac qui se trouvait en face) j’ai fait de suite porter la colonne, infanterie et cavalerie, du général Jeanin à Lendinara, et peu après celle du colonel Sevret prit la même direction, on ne put y arriver que sur les 1 heure de l’après-midi. L’artillerie était dans l’impossibilité de rejoindre les colonnes avant 4 heures du soir, dès lors, j’ai reconnu que je ne pouvais me porter aujourd’hui sur Rovigo, et me suis déterminé à prendre position entre la Adigetto et l’Adige ayant ma droite à Fratta, le général Deconchy avec le bataillon du 20e et 80 chevaux, en avant ; à Costa, le bataillon du 101e avec 60 chevaux, sous les ordres de M. le colonel Rambourg ; à Villanova un bataillon du 102e avec un détachement de cavalerie, le 1er bataillon du 106e que j’ai trouvé ici, qui aussi se porter sur ce point ; la gauche passant par Carazolo et Villa di Cavazzana appuie à l’Adige.
J’ai placé la colonne du colonel Sevret en réserve à Villa della Rosa.
Par mon 1er rapport, j’ai eu l’honneur de vous faire connaître que les bataillons des 131e et 132e étaient destinés, outre les détachements de la garnison de Legnago, à garder Badia et le pont de Castagnaro ; cette disposition, par les motifs que j’ai déduits plus haut, était forcément nécessaire. J’espère, du moins, que Son Altesse Impériale ne la désapprouvera point, et qu’elle pensera que le repos de cette nuit rendra à nos braves soldats, la force nécessaire pour employer leur courage. Je dois d’ailleurs ajouter, que M. le général Deconchy ayant dû rester à ses positions en attendant que je fusse à sa hauteur, je n’avais aucun motif par rapport à lui, pour me porter plus avant, et j’en avais au contraire plusieurs pour m’arrêter à Lendinara.
Demain de bonne heure je marcherai à l’ennemi avec l’espoir que l’ensemble des mouvements, quoi que subordonné à la nature du terrain et à l’état actuel des chemins, produira le résultat que désire Son Altesse. Les renseignements ci-joints que me donne M. le colonel du génie San Fermon, procureront d’ailleurs à Son Altesse les notions qu’il est à propos qu’elle ait sur ce qui peut survenir.
M. le général Deconchy est très persuadé que sans mon arrivée, il serait attaqué demain le matin, ce qui peut le faire présumer, c’est que M. le général Jeanin rentrant d’une reconnaissance qu’il a poussée jusque sur l’Adige, m’assure que je n’irai pas loin sans rencontrer l’ennemi ; je pense comme lui, mais quelques soient les intentions de l’ennemi, je le reconnaîtrai, je jugerai de ses forces et intentions, et je ferai conséquemment tout ce que de droit" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 10 page 31).
Le 8 décembre 1813, Eugène écrit, depuis Vérone, à Clarke : "J'ai reçu, monsieur le duc de Feltre, vos huit dépêches des 21, 23, 25, 28 et 30 novembre dernier, et joint à la première les lettres de service pour l'adjudant commandant Ramel, à qui elles seront remises lorsqu'il sera arrivé au quartier général.
Vos sept autres lettres sont relatives :
... 7° Au décret de l'Empereur du 19 novembre qui a arrêté la formation de l'armée de réserve d'Italie, et par suite duquel les 9e, 35e, 53e, 84e, 92e, et 106e régiments d'infanterie de ligne fournissent deux cadres du bataillon (les 4e et 6e), ce dernier de nouvelle formation. Ainsi que vous le désirez, l'état de la composition de ces cadres vous sera adressé demain et presque immédiatement celui nominatif des officiers que l'on aura pu trouver dans les corps pour concourir à la formation des 11 bataillons désignés dans votre lettre comme devant composer la 2e division de l'armée de réserve dont il s'agit : tous les bataillons employés à l'armée sont appelés à y concourir ...
Les ordres et instructions sont donnés en conséquence, et vous serez tenu au courant du résultat" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 481).
Le 11décembre 1813, Eugène écrit, depuis Vérone, à Napoléon : "Sire, j’ai reçu la lettre dont Votre Majesté m'a honoré, en date du 2 décembre. Elle me demande si je puis encore former un 7e bataillon dans les 6 anciens régiments de l'armée d'Italie et si je puis le faire pour les régiments qui ont leurs dépôts au-delà des Alpes. Je répondrai à la première question que les 6 régiments de l'armée d'Italie ont été entièrement épuisés par la formation des cadres du 6e bataillon. J'ai même dû, pour plusieurs d'entre eux, tels que les 59e, 53e, 84e et 106e, prendre dans d'autres corps. Ainsi, Votre Majesté ne peut pas compter qu'ils puissent fournir un 7e bataillon. A la seconde question, je répondrai que j'ai reçu les ordres du duc de Feltre pour envoyer aux dépôts des corps en Piémont près de 80 officiers qui sont destinés à compléter les cadres qui reviennent de la Grande-Armée. Je pense que c'est la même demande que me fait Votre Majesté ; car, s'il me fallait, indépendamment de cela, fournir un autre cadre de bataillon, les bataillons uniques que j'ai à l'armée n'y pourraient entièrement suffire, d'autant plus que, ces bataillons uniques allant être portés à 1,000 et 1,200 hommes, nous avons même besoin que Votre Majesté veuille bien nous accorder un officier de plus par compagnie pour ce cas seulement …" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 485).
Le 11 décembre 1813, à 6 heures moins un quart de l’après-midi, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Castagnaro, au Lieutenant-général Comte Grenier : "Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous en prévenir, conformément aux dispositions de votre lettre du 9 décembre, 7 heures du soir, les troupes que j’avais avec moi à Badia et environs, en deux colonnes, se sont reportées sur le Castagnaro qu’elles ont passé ce matin au point-du-jour, au pied de Mena et de Baruchella (les troupes de M. le général Deconchy étaient dès la veille, a Trecenta), en sorte qu’en ce moment, ma division est en position en arrière de Castagnaro, la droite à Trecenta et la gauche à Villa Bartolomea, répartie ainsi qu’il suit, savoir, les troupes de M. le général Deconchy (1er bataillon du 106e, les bataillons des 20e et 101e régiments, et le 3e de chasseurs italiens moins les trois compagnies qui m’ont suivi en partant d’Isola Porcarizza) à Trecenta et Giacciano.
Les bataillons du 102e régiment et deux compagnies du 3e de chasseurs italiens, à Baruchella d’estra ; le bataillon du 131e à Mena, celui du 132e, le 2e du 106e, une compagnie de cavalerie et 2 pièces de 6 à Castagnaro ; où se trouve la compagnie de sapeurs pour les travaux à faire et déjà commencés ; le bataillon du 6e de ligne à Carpi ; le 53e régiment avec toute l’artillerie de la division, moins deux pièces placées au pont de la Rosta à Villa Bartolomea. Tel est mon cher général l’emplacement occupé par ma division ; cet emplacement n’est autre qu’un défilé vers Ostiglia et Legnago dans lequel elle se trouve déployée, couverte par un canal sans eau, ayant en arrière d’elle un marais et des communications extrêmement difficiles en cette saison ; celles en arrière de M. le général Deconchy, ne sont guère meilleures puisqu’il m’a renvoyé son artillerie.
L’ennemi par l’occupation de la rive gauche de l’Adige qui le rend maître de la digue de droite de cette rivière, en ce moment, l’unique bonne route de la Polesine, peut seul trouver des positions sur l’Adigetto et le Castagnaro.
L’ennemi ayant à Boara un pont solide couvert par des ouvrages armée qui le rend maître des grandes communications de la Polesine, on ne peut plus se dissimuler, en raison de ses forces, des localités et de la nature du terrain, qu’il est en ce moment libre de tous ses mouvements entre l’Adige et le Pô.
Cette digression, mon général vous paraîtra peut-être hasardée, mais je ne la fais à autres fins que de vous faire connaître ma pensée et manière de voir sur l’état de chose actuel dans cette partie -ci.
Deux batteries par mon ordre avaient été construites sur la rive gauche du Castagnaro pour couvrir le pont de la Rosta, et m’assurer ce passage en cas d’événements, mais par l’emplacement de ces batteries, et la facilité que l’ennemi aurait à s’en approcher, au moyen de la écartée du canal, de ce côté-là, l’artillerie étant évidemment en danger, j’ai ordonné la construction d’une autre batterie sur cette rive ci du canal, laquelle aura le même effet que le premier et sera à l’abri d’un coup de main.
Aujourd’hui, toute la journée pour procurer aux trainards, s’il s’en trouve, la facilité de rentrer sur tous les points de la ligne. Je laisse le Castagnaro dans son état présent, mais ce soir, je fais lever toutes les écluses adaptées au pont de la Rosta ; la différence du niveau des eaux au-dessus et au-dessous des écluses étant d’environ six pieds, cette opération pourra momentanément donner de trois à quatre pieds d’eau dans le canal.
Pour submerger le pays, il n’a pas été nécessaire de couper les digues, il est déjà tellement aquatique que tous les chemins bas sont, au moins en partie, impraticables ; j’ai fait couper quelques ponts sur le Adigetto ; il en est que je n’ai pas pu faire rompre, parce qu’il eut fallu beaucoup de temps et de poudre. Et Badia, ayant reconnu la possibilité de lâcher plusieurs moulins, et par cela de donner quelques inquiétudes à l’ennemi pour son pont de Boara, hier le soir, j’en ai fait détacher, en même temps, dix, ce qui est a donné à l’ennemi une alerte sur toute la rive gauche de l’Adige et produit de sa part une fusillade infructueuses, sur la 1ère compagnie du 1er bataillon de sapeurs à laquelle une compagnie de voltigeurs du 106e placée le long de l’Adige à droite a répondu de manière à écarter les postes en face de ces moulins. Cette opération en causant de l’inquiétude à l’ennemi a produit l’effet que je désirais.
Ma division ne pouvant se procurer le pain dans le pays, il serait à désirer qu’on pût le prendre à Legnago.
Je ne sais point encore jusqu’où l’ennemi a suivi le mouvement, mais je ne tarderai point à le savoir.
Par les états ci-joints, mon général, vous pourrez reconnaître que les pertes des corps dans la reconnaissance du 8 sur Rovigo et Boara ne sont point aussi fortes qu’on le présumait d’abord" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 22 page 55).
Le 12 décembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général Marcognet : "J’ai reçu, mon cher général, votre lettre du 11 courant à 6 heures du soir. J’en ai fait connaître le contenu à S. A. I. le Prince Vice-roi dont les intentions … est de garder la ligne du Castagnaro et de la défendre avec ténacité contre toutes les entreprises de l’ennemi, lors même qu’il présenterait des forces supérieures. Elle prescrit en conséquence les dispositions suivantes, que vous mettrez de suite à exécution.
Il sera mis la plus grande … possible dans le Castagnaro au moyen de la prise d’eau de l’Adige qui sera retranchée et bien défendue, il sera établi de bonnes batteries dans les différents points de passage, particulièrement au pont de Castagnaro. La digue de la rive gauche de ce canal sera détruite en plusieurs endroits, afin que le surplus des eaux qu’il contiendra puisse se déverser dans les terres entre l’Adigette et le canal blanc.
Badia sera conservé comme avant-poste, il sera fait sur la digue de l’Adigette et aussi loin que l’on le pourra la même opération que sur le Castagnaro avec cette différence que les coupures peuvent et doivent se faire sur les deux rives.
On s’assurera si les mêmes moyens peuvent être employés sur le canal blanc au-dessus de Canda ; ce village devra en conséquence être également conservé comme avant-poste des troupes qui seront à Trecenta.
La ligne du Castagnaro depuis Trecenta inclusivement jusqu’à l’Adige sera sous les ordres du général Jannin.
La droite de Trecenta commandé par le colonel Lambourg sera composée d’un bataillon du 6e de ligne, de celui du 131e, et de cent chasseurs du 3e régiment italien. Avec une pièce régimentaire du 106e.
Son centre et sa gauche sur Castagnaro et la Rosta ayant des postes à Baruchella et Mena, se composera des deux bataillons du 106e régiment et du bataillon du 36e léger qui sera fournie par la garnison de Legnago, de deux bouches à feu de l’artillerie de position, et la 2e de la 1ère régimentaire, de cent chevaux du 3e chasseurs et de la compagnie de sapeurs.
Le restant de votre division et du 3e chasseurs formera votre 2e brigade aux ordres du général de Conchy, s’établira à villa Bartolomea.
Dans le cas où le général Mermet me préviendrait que l’ennemi a exécuté un passage sur la digue, vous vous posteriez avec votre 2e brigade sur Cerea où vous recevriez de nouveaux ordres et dans ce cas seulement la brigade restée sur le Castagnaro devra recevoir de vous l’ordre de venir à Cerea pour échelonner votre mouvement ; il est entendu que le bataillon du 36e léger serait dirigé sur Legnago, à moins que l’ennemi ne soit pas en force sur Badia, ce qui permettrait à ce bataillon de se maintenir encore au pont de Trecenta au moins 24 heures avant de rentrer dans la place.
Le poste de Trecenta ayant le double but d’assurer la droite de la ligne sur Castagnaro et de couvrir la communication sur Mantoue, le colonel Lambourg doit recevoir du général Jannin les instructions en conséquence ; cet officier supérieur fera fermer toutes les écluses de Soave, Massa et particulièrement celle de Ficarolo. S’il était attaqué dans son poste de Trecenta par des forces tellement supérieures qu’il fut obligé de l’abandonner, il se replierait par la digue du Tartaro ou par l’Argine dell Tigre ( ?) défendant le terrain pied à pied et prenant position en arrière de la digue dite l’Argine dell Argella en avant de Brigantine, en même temps qu’il ferait faire des coupures de distance en distance sur la rive droite du Tartaro pour inonder le pays qu’il laisserait en arrière de lui ; s’il ne pouvait se maintenir sur la digue de l’Arguilla, il continuerait son mouvement, défendant toujours le pays et contournant continuant d’ouvrir les digues du Tartaro jusqu’à hauteur du canal d’Ostiglia, ce dernier point étant susceptible d’une bonne défense le colonel Lambourg s’y maintiendra le plus longtemps possible et s’il était encore forcé de se retirer, il viendrait s’établir dans les ouvrages de la tête du pont de Governolo. Toutes ces manœuvres deviendraient nécessairement dépendantes des mouvements du général Jannin qui ne quitterait le Castagnaro qu’autant qu’il serait forcé par des forces supérieures ou qu’il soit rappelé sur Cerea par son général de division.
Veuillez, mon cher général, donner tous les ordres nécessaires pour la stricte exécution des dispositions prescrites par la présente et m’en rendre compte" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 29 page 70).
Le 17 décembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général de Division Comte Vignolle : "Les bataillons des 131e et 132e régiments n’ayant qu’un tambour pour chaque bataillon, je vous prie de demander à S. A. qu’il soit fourni à chacun d’eux 4 tambours, et un tambour maitre, pris dans les 9e, 35e, 84e, 92e et 106e régiments qui seront les plus instruits et qui par leur conduite seraient susceptibles de cet avancement" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 31 page 75 et page 77).
Le 19 décembre 1813, le Général Deconchy écrit, depuis Castagnaro, au Général de Division Baron de Marcognet, à Villa Bartolomea : "Deux soldats du 6e régiment faits prisonniers vers Rovigo et échappés des mains de l’ennemi, ont dit au colonel Rambourg qu’à Lendinara, il y avait avant-hier 5000 hommes dont beaucoup de cavalerie, ce qui s’accorderait avec ce que vous m’avez écrit hier soir ; ils rapportent avoir vu de leurs propres yeux passer à Costa environ 1500 hommes de cavalerie qui se dirigeaient vers Lendinara.
Un soldat autrichien de faction en face du poste de Trecenta disait hier que son bataillon était à Pistola au nombre de 1000 hommes à peu près, il y en a autant à Careda.
Un homme envoyé hier à Ferrare n’est pas encore rentré quoiqu’il devait être de retour à Trecenta hier soir.
J’ai chargé le colonel Rambourg de trouver quelqu’un pour aller aux nouvelles depuis Badia jusqu’à Lendinara et de lui donner ce qu’il demanderait, il n’a encore pu parvenir à le trouver.
L’ennemi est trop nombreux et trop près de nous pour qu’il n’y ait pas une attaque sous très peu de temps ; il n’y a plus que deux pieds d’eau dans le canal, on peut le passer en colonnes.
Le 1er bataillon du 106e qui occupe Baruchella et Mena est très exposé à avoir sa communication coupée parce que la ligne est trop étendue pour la garder en force partout ; si je ne fais garder ces deux points que par de faibles postes ils sont exposés à être enlevés puisqu’on peut passer le canal partout. Si je quitte Baruchella et Mena, je n’ai plus de communication avec Trecenta et le colonel Rambourg ne pourra plus y rester parce que l’ennemi remontant la rive gauche du Tartara jusqu’à Zelo, il l’empêche de passer sur la rive droite avec sa cavalerie et son canon, il sera obligé de défiler sous le feu de l’ennemi qui viendra de la rive gauche ; il est forcé de cheminer sur une digue étroite sans pouvoir s’en écarter" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 54 page 119).
le 19 décembre 1813, le Général de Division Baron de Marcognet écrit, depuis Villa Bartolomea, au Lieutenant-général Comte Grenier : "Mon général … Le Castagnaro étant, en ce moment, guéable partout, M le général Deconchy, en cas d’attaque de la part de l’ennemi, ne pourrait établir sa défense qu’à Castagnaro même, autrement, il s’exposerait à beaucoup d’accidents; par rapport à Trecenta, c’est à dire, pour pouvoir aussi longtemps que possible, communiquer avec M. le colonel Rambourg, il est obligé d’avoir de forts postes à Mena et Baruchella. Le 1er bataillon du 106e placé sur ces deux points pourrait courir de grands risques si l’ennemi tentait de couper la ligne du Castagnaro sur différents points ..." (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 58 page 127).
Le 20 décembre 1813, le Général Deconchy écrit, depuis Castagnaro, au Général Grenier : "… J’ai fait faire cette nuit un mouvement au 1er bataillon du 106e ; je n’ai laissé qu’une compagnie de voltigeurs à Baruchella, les deux autres compagnies avec le commandant de ce bataillon sont venues à Mena et j’ai tiré de ce dernier poste deux compagnies qui sont placées intermédiairement de Mena à Castagnaro. Cette disposition tient d’avantage les troupes de la ligne et pourra mieux faciliter la retraite des postes avancés en cas d’attaque. Cependant elle a toujours des inconvénients très graves" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 62 page 135).
Le 23 décembre 1813, le Général Deconchy écrit, depuis Castagnaro, au Général Grenier : "Monsieur le général … Le 1er bataillon du 106e est rentré à Castagnaro. J’ai placé la compagnie de voltigeurs à un quart de mille en avant de la coupure de la digue, elle pousse des postes vers Mena sans cependant les éloigner trop …" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 77 page 165).
Le 25 décembre 1813, à 4 heures du matin, le Chef de Bataillon Duguaz (?) écrit, depuis Castagnaro, à l’Adjudant-commandant Montfalcon, commandant supérieur de Legnago : "La journée du 24 est bien glorieuse pour les 2 bataillons du 106e et celui du 36e.
L’ennemi avait conçu le projet d’enlever la position de Castagnaro, et à cet effet, il avait employé trois mille hommes d’infanterie et deux escadrons de cavalerie.
Sa première attaque a été dirigée sur le pont de Castagnaro à six heures du matin, et il croyait qu’avec deux cent hommes d’infanterie, et 50 chevaux, il lui serait facile de s’en emparer ; mais, malgré une forte fusillade de deux heures, il a dû céder à une charge vigoureuse que je lui ai faite jusqu’à Villa Caona.
L’ennemi voyant ses efforts impuissants sur ce point, a dirigé une seconde attaque sur la droite de Castagnaro. Son feu a été très meurtrier, et malgré sa grande supériorité, le brave 106e régiment a résisté à toutes ces attaques depuis les dix heures du matin jusqu’à six heures du soir.
Je vous avoue que c’est avec regret que je n’ai pu partager et les dangers et la gloire de ces deux bataillons, ma position était trop importante pour ne déplacer un seul de mes pelotons.
L’ennemi a eu, pendant toute la journée, trois bataillons d’engagés, et n’a pu, à sa honte, gagner un pouce de terrain.
Notre perte peut s’évaluer à 150 hommes en tués et blessés. Celle de l’ennemi est double de la notre. D’après le rapport de prisonniers, ils ont perdu des officers supérieurs.
M. le général Marcognet est venu nous faire une courte visite ; aussi il aurait bien mieux valu qu’il eut fait marcher un ou deux bataillons sur Castagnaro.
M. le général Deconchy est d’une humeur massacrante, sur la conduite de son patron, je crois qu’il jouit d’une bien petite confiance.
Excusez-moi, mon colonel, cette digression. Je ne suis que l’écho de ces tristes vérités.
M. le colonel du 106e a reçu une forte contusion au pied, par un coup de balle" (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 197).
Le même 25 décembre 1813, à 8 heures du soir, le Général de Division Grenier écrit, depuis Legnago, au Vice-Roi : "Je rentre à l’instant de Castagnaro. J’y ai vu le champ de bataille des troupes du général Marcognet. Le 106e s’est couvert de gloire et le 36e léger a fait très bien sur le point qui lui était confié. Outre la reconnaissance du matin, l’ennemi a fait trois fortes attaques qui ont été repoussées avec une telle vigueur qu’à 10 heures du soir, l’ennemi a fait sa retraite sur Badia. Il a laissé de faibles postes sur Baruchetta. Je pense que pour tenir la position de Castagnaro qui est tellement mauvaise, il faut au moins 5 bataillons et 3 en réserve à Villa Bartolomea qui est une excellente ligne. J’ai en conséquence rapproché les troupes de la division qui était à Angiari. Je compte faire partir après demain le bataillon du 101e qui est à San Pietro di Legnago pour Castagnaro. Le poste d’Angiari a été relevé par les troupes du général Schmidt. Ci-joints les rapports des généraux Marcognet et de Conchy. On regrette beaucoup le capitaine de voltigeurs Martinet qui a été tué ; le colonel du 106e a une forte contusion qui le retiendra pour plusieurs jours à la chambre. J’ai vu quelques prisonniers du régiment Archiduc Charles et de Gradiscaner. Je n’en ai pas vu de Jellachich mais plusieurs habitants de Massa m’ont dit que l’ennemi avait au moins 3000 hommes ; on assure que plusieurs officiers supérieurs ont été tués ou blessés" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 35 page 83).
Le 26 décembre 1813, Eugène écrit, depuis Vérone, à Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, je m'empresse de vous informer qu'avant-hier l'ennemi a fait un mouvement sur notre flanc droit, avec environ 3,000 hommes, dans l'intention de s'emparer de la position de Castagnaro, dont i1 reconnaissait pour lui l'importance. Mais son attaque a été fort bien soutenue par le général Deconchy, qui était établi sur ce canal avec 2 bataillons du 106e et 1 bataillon du 36e léger. Au premier signal, le général Marcognet avait fait avancer au soutien de ses troupes, 4 bataillons qui n'ont point été engagés : l'ennemi ayant toujours été repoussé par celles du général Deconchy, dans ses attaques qu'il a répétées jusqu'à trois fois. Enfin, il a renoncé à son projet, et s'est retiré en désordre sur Boara ; on évalue sa perte au moins à 400 hommes tués ou blessés.
Les paysans ont rapporté avoir vu parmi les derniers plusieurs officiers supérieurs. Nous avons fait aussi plusieurs prisonniers. De notre côté, nous avons eu 50 hommes tués et une centaine de blessés. Cette journée fait beaucoup d'honneur aux troupes qui ont été engagés, officiers et soldats ; tout a été fort tranquille sur le reste de la ligne" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 502).
Vers la fin du mois, les troupes italiennes qui étaient en Espagne étant rentrées et les divers corps de l'armée ayant reçu un assez grand nombre de conscrits, armés, habillés, équipés, et assez bien instruits au dépôt d'Alexandrie, le Prince Vice-Roi réorganise son armée en 6 Divisions de la manière suivante :
PREMIÈRE LIEUTENANCE. -·Le lieutenant général GRENIER ...
QUATRIÈME DIVISION. - Général Marcognet. Général de Brigade, Jeanin, 29e Demi-brigade provisoire, 6e de Ligne, 1 Bataillon ; 20e de Ligne, 1 Bataillon ; 101e de Ligne, 1 Bataillon ; 31e Demi-brigade provisoire, 131e de Ligne, 1 Bataillon ; 132e de ligne, 1 bataillon. Général de brigade Deconchy, 36e Léger, 1 Bataillon ; 102e de ligne, 2 Bataillons ; 106e de ligne, 2 Bataillons. Force, 6,257 hommes, et 12 bouches à feu (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 441).
Le 2 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Vice-Roi : "Le général de Conchy a poussé le 31 décembre une reconnaissance sur Mena où l’ennemi a établi un poste. La compagnie de grenadiers du 20e et une compagnie de voltigeurs du 106e, et 20 chasseurs à cheval, ont été chargés de reconnaitre l’ennemi et de le déposter, ce qui a été fait avec beaucoup de résolution. L’ennemi a été forcé de quitter Mena et été poursuivi au-delà. L’ennemi a eu plusieurs hommes tués et blessés ; on lui a fait trois prisonniers.
Nous avons eu 5 blessés dont un officier du 20e. La reconnaissance a été suivie à son retour et l’ennemi a repris son poste.
Les prisonniers (on ne dit pas de quel régiment) annoncent que ce poste est de deux compagnies, que deux autres compagnies sont à Baruchella avec 60 chevaux et qu’ils ont trois bataillons en arrière du canal en troisième ligne, mais qu’ils n’ont pas d’artillerie …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 39 page 90).
Le 3 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Général Vignolle : "Vous trouverez ci-joint un brevet et une décoration de la légion d’honneur envoyés au chef de bataillon mort Audry 106e régiment, légionnaire depuis 1809, et pour lequel il avait été demandé une croix d’officier. MM. les généraux de Conchy, Marcognet, ainsi que le colonel du 106e régiment, demandent que cette décoration soit accordée au Sr Dumas, sergent de grenadiers au même régiment. Cité honorablement dans plusieurs affaires, vous trouverez ci-joint la demande et service du Sr Dumas. Veuillez mettre ces différentes pièces sous les yeux de S. A. I. le Prince Vice-Roi" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 40 page 92).
Le 5 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Général Comte Vignolle : "Vous trouverez ci-joint, mon cher général, les renseignements que vous m’avez demandés par votre lettre du 28 décembre dernier sur le capitaine Roussel du 106e régiment, qui a demandé de l’avancement à S. A. I. le Prince Vice-Roi" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 44 page 100).
Le 17 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Général Comte Vignolle : "... Il serait bien à désirer pour les 6e, 106e, 131e et 132e de ligne, ainsi que pour le 36e léger fussent en route, tous ces bataillons sont extrêmement faibles ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 47 page 107).
Le 22 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Général Marcognet : "… J’ai fait connaitre hier à S. A. I. la position affligeant dans laquelle se trouvait votre division relativement aux fourrages et l’ai prévenue que si ce service ne pouvait être assuré, je serais obligé de vous autoriser à retirer l’artillerie placée à Castagnaro, ce que je ferai effectivement, si mes demandes n’obtiennent pas de résultats satisfaisants. Je pense qu’il suffirait dans cette saison de laisser les deux pièces régimentaires du 106e …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 51 page 114).
Le 22 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Prince Vice-Roi : "... Si Votre Altesse le trouve bon, je ne laisserai à Castagnaro que l’artillerie régimentaire du 106e et ferai retirer le reste" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 51 page 115).
Le 23 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Général Baron Marcognet : "... S. A. I. désire que l’on conserve au moins une demi-batterie d’artillerie à Castagnaro. Je pense que les intentions de S. A. I. seront remplies, si un obusier y reste avec les deux pièces régimentaires du 106e. Cependant, ne faites retirer les autres bouches à feu qu’autant que le manque absolu de fourrage vous y forcerait ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 52 page 116).
Le 23 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Vice-Roi : "… Nous avons eu deux hommes blessés dans le petit engagement qui a eu lieu hier ; l’un du 101e, a eu le talon emporté d’un boulet ; l’autre, du 106e, a reçu une balle dans la poitrine …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 52 page 117).
Le 27 janvier 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Isola Porcarizza, au Général Marcognet : "... Si ce qui appartient au 106e et 131e pouvait arriver bientôt, vous auriez bientôt huit mille hommes d’infanterie …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 54 page 120).
Le 9 février 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Goito, au Général Marcognet : "L’intention de S. A. I. est que votre division aille prendre position aujourd’hui à Volta en s’établissant en avant de ce pays, et faisant face au Mincio. Comme les hauteurs de Volta sont assez difficiles, vous n’y établirez d’abord que votre 2e brigade avec les 2 pièces régimentaires du 106e. La majeure partie de cette brigade sera placée au revers de la montagne dans la direction de Monzambano ; le 106e à cheval sur la route de la montagne, pourra se lier par sa droite avec la 1ère brigade que vous établirez à cheval sur le chemin qui de Pozzolo passant au pied de la colline de Volta, va par Cereta sur San Giacomo et Guidizzolo. Cette 1ère devra avoir avec elle sa batterie d’artillerie. Vous aurez à vous garder vers le Mincio, surtout votre front, et avoir des postes en arrière pour vous garder des partis de cavalerie que l’ennemi pourrait avoir dans les environs et sur nos derrières. Vous marcherez dans le plus grand ordre et prêt à combattre, attendu qu’il est impossible que l’ennemi occupe la Volta …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 57 page 127).
Le 24 février 1814, Porson écrit, depuis Turin, à Vignolle : "… On nous annonce que le maréchal Augereau, après avoir emporté les retranchements de l'ennemi à Montluel, où il a fait 1,000 prisonniers et pris 8 pièces de canon, marche sur Genève ; d'après ce mouvement, Chambéry serait évacué ; mais, comme cette nouvelle n'est pas officielle, quoique répandue de toutes parts, je ne puis vous la donner pour certaine ; mais tout le monde y croit.
La confirmation des succès obtenus par le maréchal Augereau venant d'arriver au moment· que je finissais cette lettre, je continue pour vous annoncer, mon général, que je transmets les ordres du prince Camille pour que les détachements ci-après, appartenant aux bataillons de guerre de l'armée d'Italie, rejoignent leurs corps en passant par Plaisance, où ils pourront être retenus, si Son Altesse Impériale le prince vice-roi veut les laisser au général Gratien pour renforcer sa division.
Au mont Cenis et dans la Maurienne : 9e de ligne, 339 hommes : 53e, 202. - A Fenestrelle, 84e, 180 ; 106e, 158 ; 35e, 146 ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.10, page 190).
Le 25 février 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Plaisance, au Chef de Bataillon d’Esebeck : "Toutes les troupes sous mes ordres se portant aujourd’hui vers midi sur la Stura, vous donnerez l’ordre aux détachements de chasseurs et de dragons que vous avez encore avec vous de se diriger vers une heure après-midi sur Podenzano ou ils se réuniront à la division Severoli, qui marche sur ce point. Il en sera de même de la compagnie de voltigeurs du 106e, son bataillon faisant partie de la division Severoli ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 62 page 136).
Le 26 février 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Borgo San Domenico, au Général Gratien, à Plaisance : "J’ai reçu, mon cher général, votre lettre de ce jour, avec les différents imprimés que vous m’avez adressés. J’enverrai à Plaisance, demain ou après-demain, les hommes du 106e que le chef de division a pris en plus du nombre fixé …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 62 page 137).
Dans son Rapport au Vice-Roi, en date du 4 mars 1814, le Général Grenier écrit : "… le général Jeanin manœuvrait pendant ce temps sur la Parma et dirigeait les compagnies d'élite du 102e vers les murs du Jardin-Impérial. Déjà le lieutenant Dussert, qui les commandait, avait, avec le cornet Lafitteau et quelques voltigeurs, escaladé les remparts dans cette partie, lorsqu'un jeune homme de Parme, dont le nom n'est pas connu, vint ouvrir la porte du jardin dont il avait secrètement conservé une clef, et facilita ainsi à ces compagnies l'entrée de la ville dans cette partie. A leur droite trois compagnies de grenadiers de la division de réserve, 92e, 106e et 7e italien, dirigées par le capitaine Boniotti, aide-de-camp du général Severoli, que je voulus faire concourir à la prise de Parme, étaient parvenues à escalader le rempart ; toutes ces colonnes débouchant sur différents points dans la ville, et celle de droite étant parvenue à la porte Saint-Michel au moment où la réserve de l'ennemi faisait les plus grands efforts pour y rentrer, afin de protéger la retraite des troupes du général Gober qui n'avaient pas eu le temps d'en sortir, ce qui y était encore fut fait prisonnier et mit bas les armes …
Les compagnies d'élite de la division de réserve ont eu 3 tués et 9 blessés, les compagnies des 92e et l06e étaient au feu pour la première fois, ces compagnies ne sont formées que depuis vingt jours ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.10, page 146).
/ La Restauration
Par l'Ordonnance royale du 12 mai 1814, le 106e Régiment doit prendre désormais le n°87.
Le 25 mai 1814, le Général de Division Grenier écrit au Général Dumuy, commandant la 8e Division militaire, à Marseille : "Je viens de recevoir de S. E. le Ministre de la Guerre l’ordre de mettre en route, outre le 9e régiment de ligne, encore le 35e à la disposition de M. le maréchal Prince d’Essling, pour l’expédition de Corse. J’avais prévu cet ordre et j’en avais écrit dans le temps à M. le maréchal. Vous pouvez donc disposer entièrement de ces deux régiments ; j’en ai déjà prévenu M. le général de division Rouyer. Comme S. E. le Ministre de la Guerre base la force de ces deux régiments sur d’anciennes situations et qu’il n’en défalque pas la désertion qui a eu lieu, il est probable qu’un 3e régiment sera nécessaire pour compléter les 4000 hommes qui doivent être envoyés en Corse. Je désigne à cet effet le 106e régiment qui est stationné dans les Basses-Alpes et je le dirigerai à votre première demande, en attendant, les ordres du Ministre, sur le point que vous m’indiquerez" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 199).
Le même 25 mai 1814, le Général de Division Grenier écrit ensuite au Ministre de la Guerre, à Paris : "Je reçois à l’instant la lettre de V. E. en date du 15 de ce mois, par laquelle Elle me prévient de mettre avec le 9e régiment de ligne encore le 35e à la disposition de M. le maréchal Prince d’Essling, pour l’expédition de Corse. J’avais prévu cette disposition et avais écrit conséquemment à M. le maréchal. Aujourd’hui, j’en préviens particulièrement le général Comte Dumuy, et comme il est que ces deux régiments ne suffiront pas pour compléter les 4000 hommes qui doivent, selon les ordres de S. M., être envoyés dans cette ile, je mande au général Dumuy qu’en attendant les ordres ultérieurs de V. E., je tiendrai prêt le 106e régiment qui, faisant partie de la 4e division, est stationné dans les Basses-Alpes et que je le lui enverrai à sa première demande" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 199).
Le 1er juin 1814, le Général de Division Grenier écrit au Ministre de la Guerre, à Paris : "... En réponse à la lettre de V. E. en date du 15 mai, je lui ai fait connaitre que les 9e et 35e de ligne ne suffiraient pas pour compléter les 4000 hommes qui, d’après les ordres du Roi, doivent se rendre en Corse, et qu’en attendant les ordres ultérieurs de V. E., je mettrai à la disposition du général Dumuy le 106e régiment pour s’en servir au 1er ordre de V. E. ; je reçois à l’instant une lettre de ce général en date du 28, qui m’invite à diriger ce régiment sur Marseille. Je le ferai partir en conséquence de Digne le 4 de ce mois, présumant que les ordres de V. E. relativement à ce régiment parviendront au maréchal Prince d’Essling ou au général Dumuy avant son arrivée à Marseille" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 94 page 201).
Le 2 juin 1814, le Général de Division Grenier écrit au Général Verdier, à Gap : "… J’envoie au Ministre de la Guerre la demande du Major du 42e relative au passage du Sr Leroi, adjudant sous-officier au 106e régiment, dans le 42e. Je n’ai plus le droit de l’autoriser …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 95 page 202).
Le même 15 juin 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Manosque, au Ministre de la Guerre, Bureau du mouvement des troupes, à Paris : "... Le 106e régiment de ligne se trouvant placé à Dignes et environs et les 9e et 35e de ligne ayant déjà intérieurement été mis à la disposition du Prince d’Essling ou du général Dumuy, l’armée d’Italie se trouvera entièrement dissoute le 21 de ce mois, le 1er étranger commençant son mouvement le 20. J’ai en conséquence prévenu les différents corps qui restent stationnés dans les 7e et 8e divisions militaires qu’ils aient à correspondre désormais avec les généraux commandant ces divisions et en ai informé MM. les généraux Marchand et Dumuy ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 3 page 17).
Le 18 juin 1814, le Général de Division Grenier écrit au Colonel du 106e Régiment de Ligne, à Digne : "J’ai reçu, mon cher colonel, votre lettre du 17. Rien n’empêche que vous accordiez des congés absolus aux sous-officiers qui ont pris naissance dans des pays cédés par le traité de paix.
Vous pouvez également autoriser MM. les officiers hollandais à se retirer dans leur pays, en recevant au préalable la démission de leurs emplois.
Jusqu’à présent, les seuls journaux m’ont fait connaitre que je devais être chargé d’un travail d’inspection, je n’ai reçu à cet égard aucun avis officiel ; j’ignore si votre régiment fera partie de l’arrondissement que j’aurais à parcourir, vous devez croire que je le reverrai toujours avec plaisir et que je me rappellerai que vous en êtes le colonel" (Papiers du Général Paul Grenier. XXII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 4 page 19).
D'après un "Bordereau des corps et détachements de l’armée d’Italie pour servir à la répartition définitive du résidu des fonds provenant de la gratification accordée par S. A. I. le Prince Eugène, calculée à raison d’environ 10 jours de solde pour chaque grade, et pour les hommes présents seulement, d’après les états adressés par les corps ; cette répartition est faite conformément aux intentions de son excellence le comte Grenier", il est prévu pour les 1er, 2e et 4e Bataillons du 106e de Ligne :
Présents sous les armes |
Somme revenant à chaque corps pour |
Total |
||
Officiers |
Sous-officiers et soldats |
Officiers |
Sous-officiers et soldats |
|
71 |
678 |
1650 |
2250 |
3900 |
"Plus pour les corps qui n’avaient pas touché les deux tiers dans le premier payement :
106e Régiment d’Infanterie de ligne : 1206,51". Ce tableau a été certifié par le Chevalier de Saint-Charles, Inspecteur aux Revues de l’Armée d’Italie, à Manosque, le 20 juin 1814 (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 133 page 278).
Le 16 juillet 1814, le Général de Division Grenier rédige l'autorisation suivante : "M. Bertrand, ancien colonel du 106e régiment de ligne, retiré à Marseille par suite de ses blessures, en attendant les ordres de S. E. le Ministre de la Guerre pour sa destination ultérieure, nous ayant demandé à rejoindre le 106e régiment pour concourir à la formation de ce régiment et y rester à la suite jusque ce qu’il ait été statué sur son sort, l’autorisons à se rendre à Digne près du 106e régiment et y attendre l’inspecteur général chargé de son organisation" (Papiers du Général Paul Grenier. XXII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 20 page 52).
Le 24 juillet 1814, le Général de Division Grenier écrit au Lieutenant de Gendarmerie Nicas, à Apt : "Que j’ai reçu sa lettre du 21 courant relative au Sr Victor Darrier dont le remplaçant a abandonné ses drapeaux.
Que c’est l’autorité judiciaire qui, seule, peut en connaitre, que je lui conseille de faire constater la désertion du remplaçant à la mairie du pays où il s’est retiré et de prendre ensuite une feuille de route soit pour le 6e de ligne à Avignon, soit pour le 106e à Digne, après quoi il (Darrier) demandera que sa convention soit déclarée nulle, faute d’en avoir rempli les engagements" (Papiers du Général Paul Grenier. XXII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 28 page 67).
/ Les Cent-Jours
Le 1er Mars 1815, l'Empereur est de retour. A cette époque, le Major Dauger du 87e est à Antibes et commande le Régiment en l'absence du Colonel lorsqu'a lieu le débarquement de Napoléon. Comme on peut le voir dans sa relation, il fait arrêter le Capitaine Bertrand qui précède les Grenadiers envoyés par l'Empereur en cette ville; et il encourage le Colonel Cuneo d'Ornano, Commandant d'armes, à la résistance. Aussi, le Gouverneur d'Antibes (absent dans la journée du 1er mars), le Maréchal de camp Baron Corsin, estiment que Dauger a montré, en cette circonstance, "une fermeté et une prudence exemplaires", et le Maire et les Adjoints de la ville attestent qu'il a repoussé avec indignation le premier émissaire de Bonaparte, qu'il a tenu une "conduite brillante" et que, durant les Cent Jours, son attachement au Roi lui "causa une foule de désagréments". Quoi qu'il en soit, Dauger a, dans la pièce suivante, relaté d'une façon assez vive et intéressante ce qu'il a fait le 1er mars : "Rapport de ce qui s’est passe à Antibes le 1er mars 1815.
Le 1er mars, vers midi et demi, un militaire portant l'uniforme de voltigeur (et que j'ai su depuis se nommer Bertrand) se présenta chez moi. Je commandais alors le régiment en l'absence du colonel. Voyant cet inconnu très ému, mouillé de sueur et couvert de poussière, je lui dis : « Monsieur, qu'avez-vous ? » Il me répondit : « Monsieur le major, je voudrais vous parler en particulier ». Ne sachant ce qu'il avait à me dire, je priai les personnes qui étaient alors chez moi de passer dans une autre pièce. Aussitôt l'inconnu s'approche de moi et me dit : « Monsieur le major, je viens vous offrir votre fortune. » Une telle proposition, faite par un homme que je n'avais jamais vu, m'étonna, et je lui dis vivement : « Qui êtes-vous ? Monsieur, que voulez-vous ? Et d'où venez-vous ? ». Ces questions l'interdirent et, voyant qu'il ne pouvait y répondre, je lui dis de s'expliquer clairement. Il me répondit : « Je suis officier dans la garde impériale ». Sans lui donner le temps d'achever : « Je ne connais, lui dis-je, que la garde royale ». — « L'Empereur est ici près, reprit-il, et si vous voulez, votre fortune est faite ». Il me présenta alors six proclamations en me disant : « Faites-les connaître en les faisant publier et vous pourrez prétendre à tout ». Je jetai les yeux sur la première qui se présenta. Mais voyant que ces infâmes proclamations tendaient à détrôner le roi, à détruire l'auguste maison des Bourbons et à jeter la France dans tous les maux de la guerre civile, je lui dis : « Monsieur, comment, sans me connaître, venez-vous me faire de pareilles propositions ? Je suis sans fortune, mais toujours imbu des bons principes et ne m'écartant jamais du sentier de l'honneur. Je ne connais que mon serment ; j'ai juré fidélité à mon roi, et je le servirai jusqu'à la mort. Je vous constitue mon prisonnier. » A ces mots, il tombe dans un fauteuil en s'écriant : « Je suis perdu ». J'appelai mon planton et, devant cet officier, je lui donnai cette consigne : « Vous vous opposerez à ce qu'il ne soit fait aucune insulte à cet officier ; mais je vous ordonne de faire feu sur lui, s'il cherche à se sauver. » Après avoir pris les premières mesures, je fis prier M. le colonel Cuneo d'Ornano, commandant de la place, d'avoir la complaisance de passer chez moi pour prendre communication de pièces de la plus grande importance. Il se rendit à mon invitation et s'en retourna chez lui sans rien décider. Je fis alors prier M. le maire de passer chez moi pour prendre connaissance de ces mêmes pièces. M. le maire vint de suite, accompagné de M. Olivier, adjoint. Je leur remis les six proclamations, et après qu'ils en eurent pris connaissance, je demandai au maire s'il pouvait me répondre de l'esprit des habitants, Il me demanda aussi si je pouvais répondre de ma troupe. Je lui en donnai l'assurance. Les troupes étant à l'exercice hors de la ville, je donnai l'ordre de les faire rentrer de suite et de faire garnir les armes de pierres à feu. J'obtins ensuite du commandant de la place que les pont-levis fussent levés ; je fis doubler les postes, garnir de troupes les remparts, et les quatre compagnies d'élite furent placées en ordre de bataille sur la place où j'avais placé le drapeau.
A 6 heures du soir, un officier vint sommer les autorités civiles et militaires de se rendre près de son général. Je demandai à cet officier le nom de son général, mais il ne voulut pas me le dire. Je le fis arrêter et conduire en prison ; il en fut de même d'un chirurgien déguisé qui appartenait au parti qui venait de débarquer.
A 11 heures du soir nous reçûmes une dépêche envoyée, nous disait-on, par le général en chef. Il fut décidé qu'on garderait la dépêche sans la décacheter et par conséquent sans réponse, mais qu'on l'enverrait de suite à M. le maréchal prince d'Essling, gouverneur de la division.
M. le maréchal de camp Corsin qui était absent, arriva le 2 mars vers 2 heures du matin et donna de suite les ordres qu'il jugea convenables.
Je puis assurer et je jure sur l’honneur que dans cette circonstance, les officiers, sous-officiers et soldats du 87e régiment ont parfaitement bien rempli leurs devoirs et montré le plus grand dévouement à Sa Majesté Louis XVIII et à son auguste famille.
Sur le rapport qui en fut fait à Sa Majesté, elle rendit une ordonnance en date du 15 mars, portant que la garnison d'Antibes avait bien mérité du roi et de la patrie, et qu'il lui serait décerné des récompenses nationales.
Le 87e régiment a été le dernier qui ait arboré le drapeau tricolore ; ce qui eut lieu le 12 avril, quarante-deux jours après cette malheureuse affaire, en vertu de l'ordre du maréchal Masséna.
Le drapeau donné par le roi fut soigneusement conservé par le major qui l'emporta avec lui au dépôt du corps alors à Aix, et le renvoya au régiment ltorsqu'il apprit l'heureux retour de Sa Majesté dans sa capitale.
Le Major du 87e régiment,
Chevalier Dauger" (Chuquet A., « Lettres de 1815, Première Série », Paris, 1911 ; p. 11).
Dans son Rapport au Ministre de l’Intérieur, le Préfet des Basses-Alpes raconte : "Rapport des circonstances que j’ai pu recueillir sur le passage de la troupe de l’ile d'Elbe, depuis Séranon jusque Digne, d'où il ne m'est parvenu encore aucun détail jusques aujourd'hui sept Mars à une heure après-midi.
… Arrivée le même jour, 3, à 7 heures du soir, à Barrême, la tête de la colonne s'est emparée du commandant de la brigade de gendarmerie qui joint au défaut de l'ivrognerie un esprit très borné ; on lui a fait quitter la cocarde blanche pour prendre la cocarde tricolore, et on lui a fait écrire, ainsi qu'on l'avait exigé du commandant de la brigade de Castellane, une dépêche à l'adresse du capitaine, à Digne, pour lui donner avis de l'arrivée de la troupe et de sa force …
La gendarmerie du chef-lieu — qui avait été dispersée depuis la veille, 3, à la réception de la dépêche de M. le préfet du Var, sur toutes les lignes du département pour réunir les brigades au chef-lieu, comme première mesure de précaution, ainsi que pour faire apporter du magasin de Sisteron trois mille cartouches requises par le général — nous manquant à l'instant où nous en aurions eu le plus grand besoin, lorsque nous venions d'acquérir la certitude de l'arrivée très prochaine de la colonne comme ayant pris sa direction à travers le département, nous agitâmes la première question : de savoir si les 132 hommes du 87e de ligne, dépourvus de cartouches, pouvaient nous être de quelque utilité. Mais, en ce moment, le général nous ayant avoué que l'on ne pouvait y donner aucune confiance, j'ai reconnu la sincérité de cet aveu en apprenant depuis que, quelques jours auparavant, des soldats ayant osé crier : vive l’Empereur et ayant été condamnés à subir la prison, l'on n'avait pas jugé prudent de faire exécuter cet ordre parce que tous les autres déclarèrent qu'ils voulaient partager la punition. Il fut, en conséquence, décidé que la caisse du receveur général serait transportée à Valensole, sous l’escorte et la protection de ce détachement de ligne, pour soustraire l'une à la déprédation de la troupe de l’ile d'Elbe et les autres à la défection …
Le maréchal de camp commandant du département avait dès le matin suivi sur la route de Mézel le détachement du 87e qui protégeait la caisse du receveur général sur la route de Valensole …" (Chuquet A., « Lettres de 1815, Première Série », Paris, 1911 ; p. 18).
Le Décret du 22 avril 1815 rend aux anciens Régiments d'Infanterie de ligne les numéros qu'ils ont perdu sous la 1ère Restauration. Ainsi, le 87e de la Restauration redevient le 106e.
Le 16 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, je reçois votre rapport du 14 mai ...
Quant aux dépôts d’infanterie, voici mes observations :
... 25e division : donnez ordre que les 3e et 4e bataillons du 14e léger ; que les 3e et 4e du 9e de ligne les 3e et 4e du 35e idem, qui se recrutent dans la Haute-Marne, la Côte-d’Or et l’Aube, soient complétés à 1200 par régiment. Ces 6 bataillons feront partie du corps de réserve, et attachez chaque régiment à une des 3 divisions. Réunissez tous leurs dépôts à Melun, Provins et Corbeil.
Mais il faudra donner ordre qu’ils laissassent à Toulon, pour attendre les bataillons de guerre, tout ce qu’ils ont de disponible, afin que les bataillons de guerre qu’ils ont au corps du Var fussent portés à 1200 hommes par régiment.
Ecrivez au général Clauzel de presser la formation de ces 3e et 4e bataillons. Comme les militaires de l’Aube, de la Côte-d’Or et de la Haute-Marne se dirigent actuellement sur Toulon, changez cette direction et appelez-les désormais pour la garde sur Paris. Lorsqu’ensuite le dépôt du 9e de ligne, 14e léger, 35e et 106e sera à Melun, Provins et Corbeil on leur fournira des moyens de recrutement.
Un grand nombre d'hommes destinés à rejoindre ces dépôts doivent être sur les routes ; s'ils rencontrent les dépôts dans leur marche, ils reviendront avec. S'ils ne les rencontrent pas, écrivez à Toulon pour qu'a leur arrivée on prenne des mesures pour leur habillement et leur incorporation dans d'autres corps ..." (Correspondance de Napoléon, t. 27, 21909 ; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39639).
/ Uniformes
Le 8 novembre 1811, Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "... J'ai une seule réclamation à faire à Votre Majesté. On fait bien de défendre dans les corps tout ce qui est luxe ; mais, suivant moi, on a poussé cela trop loin. Trois circulaires du ministre-directeur, du 21 février 1811, du 28 mars 1811 et du 10 septembre dito, contiennent la défense expresse des plumets aux grenadiers et aux voltigeurs. Comme il existe aussi une autre lettre du ministère qui suspend tout achat de bonnets d’oursin pour les grenadiers, il s'ensuit : 1° qu'il y a une bigarrure désagréable et peu convenable ; 2° qu'on ne distingue plus les grenadiers des compagnies du centre, et je l'ai jugé par moi-même. Les grenadiers du 106e ont suivi strictement les ordres du ministre, ils n'ont donc plus que le shako, mais tout uni, et le pompon rouge. On a bien permis une houppette, mais cela ne signifie rien ; car, à la première pluie, la houppette est bientôt au niveau du pompon. Les compagnies du centre ont les mêmes shakos, ont des pompons orange, rouge ; etc. Il s'ensuit qu'à cent pas on ne distingue pas les grenadiers. Votre Majesté sait mieux que moi l'effet moral que produit soit sur l'ennemi, soit chez nous-mêmes, la vue d'hommes d'élite. Je demande donc à Votre Majesté, ou de décider que tous les grenadiers auront des bonnets à poil, ou, si elle veut qu'ils aient des shakos, d'autoriser le plumet rouge pour les grenadiers, et le vert pour les voltigeurs" (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 216).