LE PREMIER CORPS FRANC DE LA SEINE 1814

 

Avertissement et remerciements : Cet article nous a été adressé par notre collègue du Bivouac, Didier Davin, que nous remercions tout particulièrement pour sa disponibilité et son érudition.

 

I/ Historique

 

1814, la France est envahie. Napoléon réactive un type d’unités de volontaires disparues depuis la Révolution : les corps francs. Ceux-ci devront servir d’éclaireurs à l’Armée et harceler les arrières de l’ennemi tels des corsaires terrestres dont on paye d’ailleurs les prises sur l’adversaire.

Aux alentours de Paris, dans le département de la Seine, et dans la capitale même sont organisés trois corps francs. Le premier corps franc de la Seine ou de Paris a pour promoteur et chef avec rang de colonel Jean Henri Simon dit Simon de Brieg.

Jean Henri Simon

Né à Bruxelles en 1752, monte à Paris avant la Révolution pour devenir un des plus fameux graveur sur pierres fines de la capitale. Il travaille pour le Roi et le comte d’Artois. La Révolution le fait servir dans la Garde Nationale de Paris comme capitaine en 1789, puis il est nommé lieutenant puis capitaine au 1er bataillon de Paris (1792), chef d’une compagnie franche en 1793. Impliqué avec Dumouriez, il est blanchi puis sert de nouveau dans la Garde Nationale Parisienne qu’il ne quitte plus jusqu’en 1811, parallèlement à son métier de graveur pour le cabinet de l’Empereur. Décoré de la Légion d’Honneur.
Le 3 février, il reçoit une commission de colonel pour monter son corps franc, et avance 54.000 francs de sa poche pour équiper ses hommes.
Il reformera un corps franc en 1815. Il devra s’enfuir aux Pays Bas à la seconde Restauration.

 

officier 1er corps franc de la seine
Officier du 1er Corps Franc de la Seine d'après Martinet

Dans le Journal de l’Empire de février 1814 on peut lire : «L’organisation du 1er corps franc de la Seine se poursuit avec le plus grande activité. Il ne tardera pas à être entièrement complété. Un certain nombre d’anciens militaires, dont plusieurs sont décorés ont déjà été présenté à Monsieur le général Comte Hulin, qui a félicité le chef de corps pour le choix des hommes qui composent cette réunion».

Le 22 Février Simon écrit au ministre de la Guerre Clarke :
«J’ai l’honneur de vous annoncer malgré les contrariétés que j’ai éprouvées, depuis que j’ai obtenu de votre Excellence l’autorisation de lever un corps franc, que je suis cependant prêt à marcher à l’ennemi avec un premier détachement de 950 hommes environ ... quoique la plupart d’entre eux ne soient pas armés … En attendant les ordres de votre Excellence.
Simon colonel commandant le Premier Corps Franc de Paris
».

Simon exagérait nettement ses effectifs qui au maximum atteignirent 400 à 500 hommes avec un contingent à pied et un contingent à cheval de lanciers. Et le 2 mars : «un premier détachement du 1er Corps Franc de la Seine s’est mis en route aujourd’ hui, ayant à sa tête son colonel Mr Simon. Il se rend au QG pour prendre les ordres de SM l’Empereur. La caserne et le bureau de recrutement sont toujours Place Royale n°17».

De fait le corps franc se dirigeait vers Troyes. Le 5 mars à Nangis le colonel Simon demande à l’Empereur que son unité soit intégrée dans l’armée active, le nombre de volontaires dépassant ses moyens pour les équiper et de nombreux officiers étant d’anciens gardes d’Honneur ou de la Garde Impériale :
«... Le zèle et le dévouement d’un grand nombre d’anciens militaires, d’employés des services des Douanes, de diverses manufactures aura bientôt fait monter le nombre de ces soldats à près de 600 … c’est donc en leur nom que je vous supplie, Sire, de faire de mon corps un de vos régiments de lanciers, de l’admettre à votre solde, à lui fournir les moyens d’entrer de suite en campagne en totalité. La faveur serait au comble si vous daigniez nous admettre dans votre Jeune Garde. Votre regard doublerait notre courage et nous rendraient invincibles …».

Le 7 mars, on apprend que : «Le premier détachement du 1er Corps Franc de Paris, qui s’est mis en route le 3 de ce mois, a eu un engagement avec les cosaques le 7, entre Saucy et Maisoncelle. Le colonel Simon avait été informé qu'ils avaient pillé la diligence de Coulommiers, et emmené avec eux deux voitures de farine. Il marcha à leur poursuite, les atteignit sur les hauteurs de Maisoncelle et les força d’abandonner leur proie quoiqu’ils soient en nombre bien supérieur. La diligence, les deux voitures de farine et 16 chevaux furent repris par le corps franc et rendu aux propriétaires.
Cette escarmouche dans laquelle le colonel Simon n'a perdu qu’un seul homme prisonnier et n’a eu qu’un seul homme blessé fait le plus grand honneur au corps. L’ennemi au nombre de 400 environ a eu plusieurs hommes tués.
Ce premier corps franc attend un autre détachement près de Meaux qui doit joindre le QG
».

Le 18 mars à Meaux «Le colonel Simon commandant le 1er Corps Franc a reçu, de S.M l’Empereur et Roi, l’ordre de fouiller avec son corps tout le pays aux environs de Meaux et jusqu’à Cezanne. Il est autorisé à requérir la Garde Nationale, faire sonner le tocsin et exciter les habitants des villes et des campagnes à défendre leurs foyers contre les insultes des partisans ennemis».

Malgré ses victoires sur des coalisés dispersés, Napoléon ne peut les empêcher d’avancer sur la capitale. Une colonne ennemie descend le cours de la Seine, une autre le cours de la Marne.

Cavalier 1er corps franc de la seine
Cavalier du 1er Corps Franc de la Seine d'après H. Boisselier

Le 27 mars, après l’évacuation de Meaux, le corps franc combat à Claye-Souilly où il aide le 12e régiment de marche de cavalerie sous les ordres du général Compans à retarder l’avancée des Coalisés sur Paris (1er corps prussiens de York). Le capitaine Rollin y est blessé.

Le 29 mars, les Russes rejoignent à Claye les Prussiens. Le Tsar et le Roi de Prusse sont présents. Les avant-postes du général Compans, à 4 lieues de Paris, sont à Vert Galant. Il doivent bientôt reculer. Les Coalisés arrivent devant Paris le 30 mars. Un combat désespéré va se jouer dans les faubourgs de la capitale .

Le corps franc va être engagé à Aubervilliers (la plaine des Vertus), Belleville et Ménilmontant sous le commandement de Marmont qui s’y est replié avec ses hommes. De nombreux blessés de l’unité montrent l’intensité des affrontements : le colonel Simon, 2 chefs d’escadron : Rencorelle et Dechez, les capitaines : Dufaure, Darnouville, Vassal, les lieutenants : Wassé et Galbois, les sous lieutenants : Langlie et Savary.

Huit croix de la Légion d’honneur seront promises.

Le 31 mars la capitulation de la ville est signée. L’Empereur ne pourra tenir beaucoup plus longtemps alors que sa capitale est tombée et que ses maréchaux n’ont plus la foi. Il abdique le 6 avril.

En fin Avril il n’y a plus que 50 hommes sous les armes au corps franc comme l’écrit le général Girard, commandant la Sarthe. Le corps franc s’est en effet replié et est attaché au parc d’artillerie de l’Armée. Il est officiellement licencié à Laval le 20 mai 1814. Cent cinquante officiers et soldats ont cependant demandé leur intégration dans l’Armée désormais royale.

 

II/ LES UNIFORMES DU CORPS FRANC

- La cavalerie

Les officiers portent le colback, flamme rouge ponceau et plumet rouge, pompon et soutaches de la flamme argent. Habit de type «à la Kinski» fermant sur le devant, de fond bleu foncé, collet, parements, passepoils et retroussis ponceau, boutons argentés. Une à deux épaulettes argent suivant le grade comme pour les chasseurs à cheval. Giberne à coffre argenté banderole noire à ornements argent. Culotte grise à galon latéral ponceau, bottes noires à éperons argentés. Sabre avec ceinturon de maroquin rouge. Schabraque de tissu bleu foncé à galonnage argent.

Les cavaliers sont vêtus plus légèrement «à la cosaque». Casquette bleu foncé ou noire, sarrau bleu gris clair, pantalon bleu foncé basané. Schabraque de mouton blanc festonnée de gris. Giberne noire à banderole blanche Armement : pistolets dans les fontes, lance sans flamme et sabre de cavalerie légère.

- L’Infanterie

officier d'infanterie 1er corps franc de la seine
Officier d'Infanterie du 1er Corps Franc de la Seine ; dessin de H. Boisselier d'après Martinet

Porte la tenue d’infanterie légère modèle 1812 de type Bardin, de fond bleu foncé distinguée de ponceau à collet, passepoils et retroussis, boutons blancs. Pantalon blanc. Schako noir sans plaque orné simplement d’une cocarde tricolore. Equipement de chasseur.

Les officiers portent leurs distinctives de grade argenté aux épaulettes, boutons, hausse col et shako.

Un dessin montre un officier portant une culotte longue grise. Plumet rouge au shako émergeant d’une tulipe argentée. Sabre d’infanterie, fourreau noir, et ceinturon noir orné d’argent.

 

III/ Bibliographie

- Les corps francs de 1814 et 1815 par Thiébaud et Tissot- Robbe Editions SPM 2011.

- Le Journal de l’Empire mois de février et mars 1814.

- Martinien : tableau des officiers tués et blessés pendant les guerres de l’Empire.

- Dessins de Boisselier, et Martinet.