Le 69ème Régiment d'Infanterie de Ligne
1796-1815
Accès à la liste des Officiers, cadres d'Etat major, Sous officiers et Soldats du 69e de Ligne
Avertissement et remerciements : La base de cette étude est constituée principalement des Historiques régimentaires consacrés au 69e, que nous avons recoupés et complétés par les différentes sources dont nous disposons actuellement. Certaines d'entre elles ne sont pas sans contradictions (noms de personnages, dates); malgré cela, nous les avons utilisées en l'état |
I/ Origines du 69e de Ligne et premières campagnes.
Par ordonnance du 25 mars 1776, le Régiment de Normandie avait été dédoublé. Le Régiment de nouvelle formation reçut le nom de Neustrie. Le Régiment, sous les ordres du Colonel comte De Guibert, suivit le Général La Fayette et prit part à la guerre de l'indépendance des Etats-Unis.
Lors de la réorganisation de l'armée, le 1er janvier 1791, le Régiment de Neustrie constitua le 10e d'Infanterie. On le voit à l'armée du Rhin en 1792 puis à l'Armée des Alpes en 1793.
Il entra ensuite (1er bataillon selon l'Etat militaire de l'an X (1802) dans la formation de la 19e Demi-brigade de Bataille (Loi du 16 février 1793), elle même formée le 29 mars 1794 à la Turbie, près de Monaco, par l'amalgame du 1er Bataillon du 10e Régiment d'Infanterie (ci-devant Neustrie), du 2e Bataillon de Volontaires nationaux du Mont-Blanc commandé par Jean-Marie Vindret de Ville-la- Grand près d'Annemasse, qui été Capitaine de Grenadiers du Bataillon dès sa formation, et enfin du 3e Bataillon des Basses-Alpes (les historiques du Corps donnent la date de floréal an II - avril 1794). Le 31 mars, la 19e est complétée par le 13e Bataillon de la Drôme, les débris d'un Bataillon du Puy-de-Dôme et un Bataillon de l'Ardèche.
- Le 2e Bataillon des Volontaires nationaux du Mont-Blanc
Le 2e Bataillon des Volontaires nationaux du Mont-Blanc a pour noyau une Compagnie franche formée en décembre 1792 par les volontaires de Carouge, Saint-Julien, Annemasse et dont le commandement est donné par le Général de Montesquiou à l'avocat Pacthod, Auditeur des guerres. Le Bataillon lui-même, formé le 1er mai 1793, a été recruté et organisé dans le district de Carouge (comprenant à l'époque les communes actuelles de l'arrondissement de Saint-Julien en Haute-Savoie) plus les communes cédées à la Suisse en 1816 moins quelques communes du canton de Seyssel. André Folliet, dans les "Volontaires de Savoie", indique Carouge, Saint-Julien, Annemasse, Seyssel, Thonon.
Les districts d'Annecy et de Cluses ont également fourni un contingent à ce Bataillon, qui a reçu en outre un certain nombre de Volontaires genevois.
Les contrôles du Bataillon n'existant pas aux Archives du Ministère de la Guerre, nous n'avons, sur sa composition, que des renseignements partiels, notamment sur les cadres de la première formation du Corps :
- Etat-major : Les Volontaires du 2e nommèrent Lieutenant-colonel commandant en 1er un jeune avocat de Saint-Julien, Michel Pacthod, ancien Garde du corps du roi de Sardaigne. Il était, au moment de la Révolution, Auditeur des guerres de la province de Carouge, et avait réuni une Compagnie de volontaires de cette province dès l'arrivée de l'armée française au camp de Compesières.
Commandant en 2d. Hilarion Point, né à Montélimar en 1759. Cavalier au Régiment de Royal-Champagne en 1779. Adjudant en 1789. Capitaine au 1er Bataillon de l'Isère le 6 novembre 1791. élu chef en 2d du 2e du Mont-Blanc le 15 mai 1793. Passé Adjudant général le 1er décembre 1793.
Le Chirurgien-major du Bataillon était Donche, de Saint-André-de-Boëge.
- Capitaines : Jean-Marie Vindret, Capitaine des Grenadiers, né à Ville-la Grand (Haute-Savoie) en 1765. Passé Chef de Bataillon le 1er décembre 1793.
Allioud. Retiré du service en 1794.
Louis-Antoine Milliet, né à Saint-Julien le 22 octobre 1767. Rentré dans ses foyers après le siège de Toulon, il reprit du service comme Quartier-maître du Bataillon le 14 mars 1794.
François Rolland, né à Seyssel le 9 juillet 1755. Congédié pour infirmités le 1er brumaire an IV.
Gabriel-André Collet, né à Genève en 1760. Grièevement blessé à la redoute San Bernardo le 2 frimaire an IV, et retiré du service.
Louis-François Arpin, né à Thonon en 1774. Tué d'un coup de feu à Settepani le 10 messidor an III.
- Lieutenants : Pierre Pradier, né à Annecy en 1760. Ancien cavalier aux Dragons de Monsieur. Passé Capitaine le 11 vendémiaire an IV.
Joseph Julliard, né à Lugrin en 1772. Passé Capitaine le 21 décembre 1793. Mort à Gratz prisonnier de guerre le 31 octobre 1796.
François Thibaut, né à Seyssel en 1756.
Jean-Nicolas Bose, né à Saint-Dominique en 1775.
Sève (Jean-Claude), de Contamine. Blessé le 21 septembre 1793 au Petit-Gibraltar (siège de Toulon). Promu Capitaine au 1er Bataillon auxiliaire du Mont-Blanc. Réformé pour blessures.
- Sous-lieutenants : Joseph Chenevier, né à Thonon en 1774. Passé Lieutenant en janvier 1794. Blessé le 23 novembre 1795 aux redoutes San Bernardo et retraité.
Pierre Decouz, né à Annecy en 1776. Passé Lieutenant en janvier 1794.
Louis Pissard, né à Feigères en 1770. Blessé au siège de Toulon. Congédié pour infirmités et blessures en 1794.
Jacques-élysée Trappier, né à Carouge en 1776. Passé Lieutenant en 1797.
Brelaz, de Thonon.
Hyacinthe Masson, d'Annecy.
Félix-Emmanuel-Marie Mouthon, né à Turin le 12 janvier 1760. Passé Lieutenant le 1er mai 1794. Le Lieutenant Mouthon, fils de l'Intendant Mouthon, était originaire de Villard-sur-Boëge. Il reprit du service dans le Bataillon auxiliaire du Léman, fut blessé à l'attaque de Suze, eut un pied gelé au passage du Galibier, et devint Capitaine aide de camp du Général Canclaux en 1806. Réformé en 1808, retraité en 181, il fut rappelé à l'activité en 1814 par le Général Dessaix, qui le nomma adjoint à son Etat-major, et fut remis à la retraite en 1815.
- Sous-officiers et volontaires : Antoine Lambert, né à Chêne en 1771. Sergent-major. Passé Sous-lieutenant en octobre 1793. Réformé pour blessures en 1796.
Jean-Pierre Perréard, né à Annemasse-Ambilly en 1773. Sergent. Passé Sous-lieutenant en septembre 1793. Lieutenant en janvier 1794. Mort à l'hôpital de Vérone le 11 février 1797.
Jean-Baptiste Gay, né à Genève en 1769. Sergent. Passé Sous-lieutenant en décembre 1793.
Félix Parent, né à Annecy en 1771. Sergent. Passé Sous-lieutenant le 11 janvier 1794.
Jacques Chenevier, né à Thonon en 1775. Sergent. Passé Sous-lieutenant en mai 1794. Lieutenant le 20 floréal an V.
Joseph Lugrin, né à Thonon en 1766. Sergent. Passé Sous-lieutenant le 1er octobre 1793. Lieutenant. Retraité le 17 germinal an XIII.
Claude-Joseph Brunier, né à Samoens en 1769. Caporal. Sergent. Lieutenant adjudant-major en mars 1794. Mort à l'hôpital militaire de Trévise le 9 juillet 1797.
François-Gaspard Duval, né à Saint Julien le 30 septembre 1773. Volontaire le 4 mars 1793. Caporal, puis Sergent au siège de Toulon. Le Sergent Duval, rentré dans ses foyers en l'an IX, était le grand-père de César Duval, député de la Haute-Savoie.
Joseph-Marie Dupuy, né à Boëge le 6 octobre 1770. Sous-lieutenant au 69e de Ligne. Chevalier de la Légion d'honneur. Retraité en 1811.
Jean Naz, né à Thonon.
Noël Rey, né à Chêne-Thonex en 1772.
Jean-François Pellarin, né à Ambilly en 1774.
Pierre Carrier, né à Collonges-Bellerive.
Jean-Pierre Latoix, né à Carouge.
La 4e Compagnie du 2e Bataillon a été recrutée à Saint-Julien et environs; elle est désignée sous le nom de Compagnie de Saint-Julien.
"Etat de la Compagnie de Saint-Julien, 4me du 2e bataillon des Volontaires nationaux du Mont-Blanc (district de Carouge).
Milliet Louis-Antoine, Capitaine; Rose Jean-Nicolas, Lieutenant; Pissard François-Louis, Sous-lieutenant; Boimond Jean-Claude, Sergent-major.
- 1ère Section : Laval, Sergent. Duval François-Gaspard, caporal. Pelaz. Baussand. Laurent. Gaillard. Chatel. Dupraz Claude. Matraz. Cuzin. Carel. Franquet, neveu. Vionnet. Compagnon Louis. Julien. Duval Joseph. Levrat. Chevillard. Bauchy. Vachet. Vuétaz. Bouté. Varchère. Fontanel. Noveiry. Regard, tambour.
- 2e Section : Marthod, Sergent. Bertin, Caporal. Curtet. Falconnet. Dunand. Duparc. Fontaine Jacques. Bozet. Lugat. Barbier. Delécraz Marin. Bordon. Dumaret. Berger. Couturier. Alliod. Laverrière. Buloz. Gay. Gouvard. Galette. Ducruet. Cagnon. Ensermoz. Déconfin Joseph. Teissier, tambour.
- 3e Section : Crochet, Caporal. Servettaz. Chaumontel Etienne. Pichollet. Miche. Nicoud. Guilland. Beurnaz. Girod. Furet. Franquet, oncle. Besson Jean-Baptiste. Ducret. Tagand. Compagnon Ami. Fombonet. Métral Pierre. Noveiry Joseph. Carillat. Jagnoud. Chaumontel Antoine. Lançon. Déconfin François. Lapérouse.
- 4e Section : Prevet, Caporal. Veyrat. Martin. Sautier. Dupraz Jean. Pernoud. Fontaine Philibert. Favre. Bonnet. Fromaget. Pougny. Gaimard. Léger. Delétraz. Chamoux. Besson Jean-Marie. Duret Antoine. Larue. Maître. Arnod. Denariaz. Sapin. Duret Philibert. Veyrat Pierre. Chatagnat.
Effectif : 105 (cent cinq).
Je soussigné, capitaine de la Compagnie des Volontaires cy-dessus, demande le payement, dès le 20 au 25 avril inclus, arrivant pour les dits cinq jours, à ...... 393 fr. 15.
MILLIET.
Vu conforme, Anneci, 23 avril, l'an 2e de la République française.
FAVRE, Maire.
Le Directoire du district d'Annecy, ouï le Procureur-syndic, authorise le receveur de ce district à compter audit citoyen Milliet, en sa qualité, la somme de trois cent nonante-trois francs quinze sols, pour solde du prêt de sa compagnie, de cinq jours, dez le 20 jusqu'au 25 du courant inclus, à prendre des fonds publics.
Au moyen du présent quittancié, cette somme sera allouée audit receveur dans ses comptes.
A Annecy le 23 avril 1793, an 2e de la République française.
COLLOMB, président. LATHUILE, CARRON, MILLIET, capitaine; DONAT, secrétaire.
(Extrait des comptes de Defresne, receveur du district d'Annecy)".
Le Mont-Blanc fournit 5 bataillons. Chaque bataillon avait un Etat-major et 9 Compagnies, dont une de Grenadiers. L'Etat-major se composait de 11 hommes, savoir : 2 Lieutenants-colonels, dont un en chef et l'autre en second (le grade de Lieutenant-colonel fut, peu de temps après, remplacé par celui de Chef de Bataillon), 1 Adjudant-major (Lieutenant ou Capitaine), 1 Quartier-maitre trésorier, 1 Chirugien-major, 1 Adjudant sous-officier ou Sous-lieutenant, 1 Tambour-major, 1 Caporal tambour, 1 Maître armurier, 1 Maitre tailleur, 1 Maître cordonnier.
Chaque Compagnie avait 3 Officiers. La force de la Compagnie de Grenadiers était de 83 hommes, et celle des huit autres Compagnies de 123 hommes, Officiers compris. Ce qui portait l'effectif du bataillon à 1067 hommes, compris les officiers des compagnies, mais non compris l'Etat-major. Cependant chaque Bataillon parait n'avoir reçu, dès sa formation, que 750 à 800 hommes, conformément à un Décret de la Convention qui fixait l'effectif de Chaque bataillon à 777 hommes.
En campagne, chaque Bataillon eut 2 pièces de quatre, servies par une section de 25 Canonniers volontaires, commandés par un Lieutenant.
Tous les Bataillons de volontaires reçurent l'uniforme de la Garde nationale : habit bleu à revers et parements rouges, gilet blanc et culottes blanches, guêtres noires. Tous furent coiffés du petit casque dit à la française ou casque des volontaires, dont la crête était, en guise de crinière, ornée d'une bande de peau d'ours.
Le 2e Bataillon du Mont-Blanc a pour chef le Lieutenant-colonel Pacthod, avocat, ancien Garde du corps du Roi Victor, Auditeur des Guerres de la province de Carouge, qui devint l'un des meilleurs Généraux de la Révolution et de l'Empire. Le second Lieutenant-colonel est H. Point, né dans la Drôme, ancien cavalier, Capitaine au 5e Bataillon de l'Isère.
Le 2e Bataillon est d'abord destiné à accompagner la Légion allobroge, dirigée sur le Midi. A peine formé, il est mis en route à destination des Pyrénées Orientales. Mais à son passage à Valence (Drôme), il est requis par les représentants du peuple et dirigé, avec les Allobroges, contre les insurgés fédéralistes du midi de la France. Ce Bataillon prend part à toutes les afffaires de cette campagne du midi : 14 juillet : Prise de la citadelle de Pont-Saint-Esprit; 23 juillet : Attaque et prise de l'Isle; 27 juillet : Attaque et prise d'Avignon; 18 août : Combat de Salon; 24 août : Attaque et prise des hauteurs de Septême, en avant de Marseille; 25 août : Reddition de Marseille; 7 septembre : Prise des gorges d'Ollioules après un vif combat de quatre heures contre les Anglais et les Espagnols.
On lui a donné 6 canons servis par 42 artilleurs de la Compagnie Dommartin, dans laquelle figurait Bonaparte.
Dans les premiers jours de septembre, le 2e, sous les ordres de son commandant en second, H. Point, occupe Cujes avec ses deux pièces de canon. Le 27 septembre, le Lieutenant-colonel Point est chargé d'arrêter les Officiers municipaux d'Aubagne (qui ont fait le serment de ne reconnaître en rien la Convention nationale et ses décrets depuis le 31 mai) et de les faire conduire à Marseille. Il arme ensuite les patriotes d'Aubagne, les forme en Compagnie et les joint à ses volontaires pour marcher contre Toulon. Dès lors, toutes les Compagnies du 2e sont réunies sous les murs de cette ville insurgée et en font le siège.
Le 15 novembre (25 brumaire an II), le 2e Bataillon prend part à une affaire très vive devant Toulon. Commencé par un engagement entre une patrouille ennemie et nos postes avancés, le combat devient général. Nos volontaires poursuivent l'ennemi jusqu'à une redoute près du fort Malbousquet et rentrent ensuite dans leurs lignes dans le meilleur ordre possible, après avoir perdu dans cette affaire, qui a duré cinq heures, 10 à 12 hommes morts sur le champ de bataille et environ 45 blessés. Au nombre de ces derniers se trouve J.-M. Vindret, Capitaine des Grenadiers, "officier très recommandable par sa bravoure et son patriotisme", dit le rapport officiel sur cette affaire. L'ennemi a perdu 60 à 70 hommes, la plupart tués dans la redoute.
Les deux Lieutenants-colonels Pacthod et Point ayant été promus Adjudants généraux pendant le siège, le commandement du Bataillon échoit le 1er décembre au brave Vindret, de Ville-la- Grand, Capitaine des Grenadiers dès la formation.
Le 15 frimaire, le Chef d'Etat-major fait traduire devant l'accusateur militaire "le nommé Bérangé, sergent dans la 3e compagnie du 2e bataillon, en vertu d'une lettre par laquelle il est accusé de lâcheté par ses camarades".
Dans l'état des troupes devant Toulon, du 11 décembre 1793 (21 frimaire an II), le 2e Bataillon figure, sans désignation d'emplacement, pour un effectif de 16 Officiers et 401 hommes.
Le Bataillon reprend cette ville le 18 décembre 1793. Il a éprouvé des pertes sensible au cours du siège et pendant l'assaut de la ville.
Après la prise de Toulon, le 2e du Mont-Blanc ne suit pas la Légion allobroge à l'Armée des Pyrénées-Orientales. Malgré les réclamations du vainqueur de Toulon, Dugommier, qui veut l'emmener à Perpignan, le 2e Bataillon, compris d'abord dans un Corps de 6000 hommes destiné à la Corse, est envoyé à l'Armée d'Italie, dans les montagnes du Comté de Nice où il arrive en janvier 1794. Là, Pacthod est nommé Adjudant-général et Sous-chef d'Etat-major. Vindret est dès lors seul commandant du Bataillon.
En mars 1794, le corps d'Officiers du 2e Bataillon est ainsi composé :
Etat-major : Chef de Bataillon J.-M. Vindret. Adjudant-major Lieutenant C.-J. Brunier; Quartier-maître Lieutenant L.-Ant. Milliet; Chirurgien-major Donche.
Capitaines : Allioud, Fr. Rolland, G.-A. Collet, L.-F. Arpin, Jos. Julliard, P. Pradier.
Lieutenants : Fr. Thibaut, J.-N. Rose, Sève, Jos. Chenevier, P. Decouz, J.-P. Perréard.
Sous-lieutenants : J.-B. Gay, F. Parent, Félix Mouthon, L. Pissard, Jos. Lugrin, J.-E. Trappter, Brelaz, H. Masson, Ant. Lambert.
Par arrêté de Salut Public du 19 ventôse an II - 9 mars 1794, le Bataillon est réuni à l'Armée d'Italie, laquelle re çoit, par le même arrêté, l'ordre de faire le plus promptement possible une expédition dont "l'objet est la prise d'Oneille". Le 2e Bataillon est compris dans un amalgame qui est opéré à la fin de mars 1794, et qui a pour objet d'organiser les Demi-brigades de Bataille en réunissant à un Bataillon de l'ancienne Infanterie deux ou plusieurs Bataillons de volontaires nationaux. C'est ainsi que le 2e Bataillon entre dans la formation de la 19e Demi-brigade de Bataille.
- Le 3e Bataillon des Basses-Alpes
L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.
Composé de 568 volontaires du District de Digne, rassemblés à Digne le 1er octobre 1791, formés en Compagnies et organisés en Bataillon du 2 au 6. Le 3e des Basses-Alpes est envoyé provisoirement, le 8, en garnison aux Mées et à Oraison, puis est passé en revue le 27 aux Mées par le Maréchal de camp de Folnay, qui le trouve armé de bons fusils, mais dépourvu d'habillement et d'équipement.
Etat des cadres à la formation (Revue du 21 octobre 1791). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-Colonel Nicolas* (Jean-Léon), de Digne, 43 ans.
2e Lieutenant-Colonel Mouret* (André), de Saigneville (Somme), 45 ans.
Quartier-Maître Trèsorier Reynier* (Pierre-Gaspard), de Sisteron, 54 ans.
Adjudant-Major N...
Adjudant-Sous-Officier N...
Chirurgien-Major Juramy (Pierre-Gabriel), de Seyne, 29 ans.
Grenadiers : Capitaine Joseph (Jean-Antoine-Charles), de Digne, 22 ans.
Lieutenant Isnard (Vincent-Joseph-Elzéar), de Marseille, 24 ans.
Sous-Lieutenant Clément (Jean-Baptiste), d'Oraison.
1ère Compagnie : Capitaine Isnardy* (Jacques-Balthazard), de Riez, 54 ans. Lieutenant Martin (André), de Barrème. Sous-Lieutenant Martin* (Jacques), de Nîmes, 42 ans.
2e Compagnie : Capitaine Reynaud* (Jacques-Pierre), de Barcelonnette, 35 ans. Lieutenant Arnoux (Toussaint), d'Allemagne, 25 ans. Sous-Lieutenant Brès (Joseph) de Moustiers.
3e Compagnie : Capitaine Desmichels (François), de Digne. Lieutenant Arnaud (Jean-Joseph), de Barrème. Sous-Lieutenant Allard (Honoré), de Digne, 19 ans.
4e Compagnie : Capitaine Daniel (Jean-Louis), de Seyne. Lieutenant Vincent (Jean-Joseph). Sous-Lieutenant Rey (Mathieu), de Digne, 19 ans.
5e Compagnie : Capitaine Pascal (Etienne), de La Bréole, 34 ans. Lieutenant Martin (Jean-Antoine), de Riez, 19 ans. Sous-Lieutenant Maillet (Joseph), de Digne, 19 ans.
6e Compagnie : Capitaine Véran de Matty (Jean-Marie-Ant.), d'Entrevaux, 31 ans. Lieutenant Arnoux (Barnabé-Nicolas), de Riez, 29 ans. Sous-Lieutenant Arnoux (Nicolas), de Riez, 35 ans.
7e Compagnie : Capitaine Rougon (Jean-Pierre), de Seyne, 24 ans. Lieutenant Romany (Antoine), de Riez, 20 ans. Sous-Lieutenant Isnard (Mathieu).
8e Compagnie : Capitaine Arnoux (Charles), de Riez, 29 ans. Lieutenant Juramy (Victor-Joseph), de Seyne. Sous-Lieutenant Bartel (Jean-Baptiste), de Riez, 36 ans.
Le 30 novembre 1791, les quatre Compagnies d'Oraison arrivent à Entrevaux, où elles sont mal reçues par les habitants, et, le 1er décembre, les cinq Compagnies des Mées, avec l'Etat-major, arrivent en cantonnement à Manosque pour l'hiver.
Après la déclaration de guerre, les quatre Compagnies d'Entrevaux partent le 20 avril 1792 pour Castellane où elles sont le 30, gagnent Forcalquier le 5 mai, puis sont envoyées par une marche forcée, le 16, à Sisteron, où le détachement de Manosque les rejoint le 12 juillet. Affecté à l'armée du Midi, le Bataillon est envoyé, le 27, moins la 8e Compagnie, par le Général d'Anselme, dans la vallée de Barcelonnette ; il se rend par La Motte-du-Caire et La Bréole à Saint-Paul et, le 2 août, est au complet à Barcelonnette (division deTournoux), où il demeure jusqu'à la fin d'octobre (effectif 811). Alerté le 8 octobre, le Bataillon prend les armes, va jusqu'à Jausiers, puis rebrousse chemin. Aux approches de l'hiver, il est dirigé sur Digne, y arrive le 1er novembre et est mis en route quelques jours après pour Lyon. Le Bataillon cantonne le 3 décembre à Vizille et le 15, en deux détachements, à Miribel et à Montluel, à l'armée des Alpes.
Le Bataillon demeure tout l'hiver dans les Basses-Alpes, puis est envoyé au camp de Grenoble, où il est dès le 15 avril 1793; il est passé en revue au camp du Rondeau, le 7 mai, par le Chef de Bataillon Létaudière, du 59e d'infanterie (608 présents, 72 Grenadiers détachés à Annecy).
Etat des cadres à la revue du 27 mai 1793.
Chef en 1er : Nicolas* (J.-L.); en 2e : Mouret* (A.). Quartier-maître : Peyre* (F.).
Adjudant.-major Delô*. Chirurgien : Juramy (P.-G.). Adjudant-Sous-Officier : Meynier (J).
Grenadiers. Capitaine Joseph (J. A. C). Lieutenant Isnard (V. J. E.). Sous-lieutenant Hugues (J.).
1ère Compagnie : Capitaine Isnardy* (J. B.). Lieutenant Martin (A.). Sous-lieutenant Nicolas (J. P.).
2e Compagnie : Capitaine Arnoux (T.). Lieutenant Freud (F.). Sous-lieutenant Martin (M.).
3e Compagnie : Capitaine Desmichels (F.). Lieutenant Arnaud (J. J.). Sous-lieutenant Allard (H.).
4e Compagnie : Capitaine Daniel (J. L.). Lieutenant Vincent (J. J.). Sous-lieutenant Rey (M.).
5e Compagnie : Capitaine Pascal (E.). Lieutenant Maillet (J.). Sous-lieutenant Silve (H.).
6e Compagnie : Capitaine Arnoux (B. N.). Lieutenant Arnoux (N.). Sous-lieutenant Bassao (A.).
7e Compagnie : Capitaine Rougon (J. P.). Lieutenant Romany (A.). Sous-lieutenant Raynaud (J.).
8e Compagnie : Capitaine Arnoux (C). Lieutenant Juramy CY. J.). Sous-lieutenant Bartel (J. B.).
Le Bataillon se trouve à Grenoble le 30 juin. Il part le 5 juillet 1793 pour se joindre aux troupes de Carteaux, détachées de l'armée des Alpes; cantonne le 7 à Valence (509 présents), quitte cette ville le 9 pour marcher sur Avignon, campe au Pontet le 15, enlève l'Isle-sur-Sorgue avec un détachement le 23 et concourt à la prise d'Avignon le 25. Le Bataillon occupe Orgon et Arles le 8 août et entre à Marseille le 25, puis est au nombre des Bataillons envoyés contre Toulon; il cantonne à Roquevaire le 26 et fait, pendant le siège, partie de la division de l'Ouest. Il a, le 11 décembre, une Compagnie cantonnée à Bandol et cinq au Ponnet; il entre dans Toulon le 29 décembre, et y stationne quelque temps en attendant d'être employé à l'expédition de Corse.
Le Bataillon demeure à Toulon avec un détachement à Puget-Théniers jusqu'en mars 1794, puis est mis à la disposition de Dumerbion; il se rend à Nice le 21 mars (effectif 392) et ensuite à La Turbie, où il est amalgamé le 29 mars avec le 1er Bataillon du 10e Régiment et le 1er du Mont-Blanc, pour former la 19e Demi-brigade.
- 19e Demi-brigade (1er amalgame)
La 19e Demi-brigade va servir dans les Alpes, successivement sous les ordres des Généraux Kellermann, Dumas, Dumerbion et Masséna.
A cette époque, les Demi-brigades se composent d'un Etat-major de 31 individus, compris les 4 Officiers supérieurs et 8 Musiciens; de 3 Bataillons à 9 Compagnies, dont une de Grenadiers. La Compagnie de Grenadiers n'a que 65 hommes, dont 3 Officiers; les Compagnies de Fusiliers sont fortes de 92 hommes, dont 3 Officiers. La force de chaque Bataillon est de 777 hommes, Officiers compris. A chaque Demi-brigade est attachée une Compagnie de canonniers de 75 hommes avec 6 pièces de quatre, ce qui porte le complet d'une Demi-brigade à 2,431 hommes.
Chacun des Bataillons incorporés ayant déjà ses cadres, on ne conserve dans les cadres de la nouvelle Demi-brigade que les plus anciens de chaque grade; les autres sont surnuméraires ou à la suite. L'avancement étant, par suite, supprimé pour longtemps, plusieurs Officiers et Sous-officiers du 2e du Mont-Blanc quittent le service après l'amalgame :
- Le Quartier-maître Milliet : précédemment Capitaine ; il rentre à Saint-Julien où il commanda longtemps la Garde nationale;
- Le Capitaine Allioud, parti au moment de l'amalgame, il ne reparut plus au Corps;
- Les Lieutenants Thibaud, Rose, Sève; les Sous-lieutenants Gay, Masson et Brelaz, qui tous rentrèrent dans leurs foyers. Il en fut de même du Sous-lieutenant Pissard, blessé à Toulon et congédié pour infirmités.
Le commandant Vindret est maintenu dans le commandement de son Bataillon, avec le Lieutenant Brunier pour Adjudant-major et Donche pour Officier de santé. Restnt en outre au Corps, les Capitaines Rolland, Collet, Arpin, Julliard, Pradier, ces deux derniers surnuméraires; les Lieutenants Jos. Chenevier, Decouz, Perréard, Mouthon; les Sous-lieutenants Parent, Jacques Chenevier, Lugrin, Trappier, Lambert.
L'Armée d'Italie, commandée provisoirement par le Général Dumerbion, occupe, en face de l'armée piémontaise, maîtresse des sommets et des passages des Alpes, une ligne dont la gauche s'appuie à Entrevaux, et la droite à Breglio, que couvre en arrière le territoire neutre de Gênes, s'étendant de Menton à Penna. Elle doit, en outre, défendre les côes de Menton aux îles Sainte-Marguerite, où elle se lie à une Division dite du Port-la-Montagne, chargée de surveiller le littoral entre ces iles et Toulon.
Le but de l'expédition d'Oneille (Oneglia), ordonnée par le Comité du Salut Public, est de couper les communications entre les troupes austro-sardes et la flotte anglo-espagnole, mais aussi de faciliter l'arrivage des blés et subsistances nécessaires à l'armée et aux populations du Midi de la France en proie à une dissette telle que, pendant le siège de Toulon, les représentants du peuple en mission à l'armée, en sont venus à proposer d'abandonner le pays à l'ennemi (Archives de la Guerre. Lettres de Barras et de Fréron au Comité de Salut public, 1er décembre 1793). Le port d'Oneille sert également de refuge à plusieurs petits corsaires qui gênent singulièrement le cabotage de la côe et interrompent les communications avec Gênes.
Le 4 avril, la 19e Demi-brigade reçoit l'ordre de se rendre à Menton, où se forment les deux colonnes principales pour l'expédition d'Oneille. Forte de 2375 hommes, elle fait partie de la Division de droite, commandée par le Général de Division Mouret, ayant sous ses ordres le Général de Brigade Bruslé, l'Adjudant-général Chef de Brigade Arena, les Adjudants-généraux Chefs de Bataillon Arnoux et Saint-Hilaire, et l'Ingénieur Woters.
Le départ a lieu le 6 avril à deux heures du matin. Les troupes expéditionnaires, fortes d'environ 20,000 hommes et commandées par le Général Masséna, se mettent en mouvement sur trois colonnes; celles du centre et de la droite se dirigent sur Vintimille, où elles se séparent. Masséna, avec la colonne du centre qui marche en avant, remonte la vallée de la Nervia; la Division Mouret, à la tête de la droite, suit le chemin de la Corniche et va coucher à Bordighera. Elle est accompagnée par les représentants du peuple Ricord, Robespierre jeune, Salicetti, et le Général d'Artillerie Bonaparte.
La 19e se signale dans cette campagne. La colonne de Mouret continue sa marche sur Oneille, et n'ayant point rencontré d'obstacle, arrive le 8, à trois heures du soir, au pied des hauteurs de Sainte-Agathe, qui dominent cette ville et où les Piémontais se sont retranchés.
Un Bataillon précédé d'éclaireurs est aussitôt détaché pour déloger cet avant-poste, ce qu'il fait après une légère fusillade. Plusieurs détachements partent ensuite pour fouiller les bois et la vallée d'Oneglia, et deux attaques sont dirigées sur ce poste, l'une de front, l'autre tournante. L'ennemi emmène son artillerie en arrière, et la 19e occupe Oneglia.
Le 9, elle se dirige sur la Pieve; le 16, elle marche sur Garessio; chemin faisant, elle s'empare du col de Nava, après une fusillade de trois quarts d'heures contre deux Bataillons qui le défendent. Continuant sa marche en couronnant les hauteurs, malgré la neige qui les couvre, elle arrive au col San Bernardo et y bivouaque. Le 18, elle entre à Garessio, occupé par un Bataillon et demi du Régiment autrichien Caprara, qui s'empresse d'évacuer la ville à l'approche de nos troupes. La 19e y trouve des magasins considérable de vivres et d'habillements; 12 pièces de canon, 1600 fusils de calibre, de la poudre, des outils, etc.
La prise de l'importante place de Saorgio est le résultat de cette expédition; dès lors, la province de Mondovi est ouverte.
Dès le 22 avril, la 19e reste chargée de la défense de la vallée du Tanaro, sous les ordres du Général La Harpe; elle continue à occuper les hauteurs. Le 22 mai, ses éclaireurs contribuent à repousser l'ennemi du poste de la Cota.
Le 25 mai 1794, sa belle conduite à l'attaque du fort de Clavières la fait citer à l'ordre de l'armée.
Les 3 et 11 juin, deux reconnaissances faites par la 19e amènent de brillantes escarmouches qui coûtent aux Piémontais 30 morts et 120 prisonniers.
Les contrôles de la 19e, arrêtés au 22 septembre 1794, portent les noms de 3,130 Sous-officiers et soldats. Les Savoisiens du 2e Bataillon y figurent encore au nombre d'environ 400, en comptant dans ce chiffre une vingtaine de Genevois.
Le 26 septembre, la 19e passe dans la Brigade Hamel, et occupa Ormea et les environs. A la fin d'octobre, elle se rend à Oneille, où elle prend ses quartiers d'hiver à Oneille; elle y est décimée par de terribles épidémies de variole et de typhus. L'encombrement et la malpropreté des hôpitaux d'Oneille offrent en effet un terrain favorable au développement des épidémies.
A la fin de mars 1795, la 19e retourne à Ormea et fait partie de la 2e Division de droite, Général Serrurier. Le 5 mai, le nouveau Général en chef, Kellermann, arrive à Nice.
A la fin de mai, elle ne compte plus que 1083 hommes présents sous les armes; elle a, en outre, détaché 259 hommes sur les navires de l'escadre du contre-amiral Martin. Elle se couvre de gloire dans divers combats de la campagne de 1795.
"Pièce tirée des Archives du Ministère de la Guerre
LIBERTE EGALITE
Les sous-officiers et volontaires de la 4e compagnie du 1er bataillon aux membres composant le Conseil d'administration de la 19e demi-brigade.
Citoyens,
En vertu de la loy du 1er thermidor, la place de capitaine de la 4e compagnie du 1er bataillon étoit au choix. L'erreur nous ayant privé de nous choisir un capitaine, nous soumettons à la délibération et à la justice du Conseil un droit que nous réclamons.
Nous osons espérer que notre demende (sic) étant juste il daignera y avoir égard.
Au camp de Carline le 29 floréal an 3e républicain.
Signé : Lemot, Michel Perrotons, Destral, fourrier, Brunel, Descours, sergent, Istier, Picot, Lecuyer, Aillaud, caporal, Crochet, caporal (de la compagnie de Saint-Julien)".
"Pièce tirée des Archives du Ministère de la Guerre
Au camp de Carline le 12 prairial an 3e républicain.
Les sous-officiers et volontaires de la 4e compagnie du 1er bataillon de la 19e demi-brigade au citoyen Pille, commissaire du mouvement de l'organisation des armées de terre.
Citoyen Commissaire,
Nous t'envoyons notre mémoire qui justifie notre demende, notre réclamation au Conseil d'administration et sa réponse. Daigne nous faire rendre justice la plus prompte d'après tes principes d'équité. Nous sommes persuadés que nous l'optiendrons (sic) dans toute son intégrité. Notre reconnaissance égalera les voeux que nous faisons pour la prospérité d'un républicain tel que toi.
Salut et fraternité.
Game, Le Mot, Perroton, fusilier, Brunel, Destral, fourrier, Descours, sergent, Istier, Picot, Lecuyer, Aillaud, caporal, Crochet, caporal".
En juin 1795, nous disent les Historiques régimentaires, la 19e Demi-brigade, envoyée à l'armée des Pyrénées-Orientales, sert sous les ordres de Schérer, Général en chef, occupe le camp de Patol, puis celui de l'Union, et après la signature de la paix avec l'Espagne, en août 1795, revient à l'armée d'Italie, qu'elle rejoint à Nice. Il y a très certainement confusion avec l'historique de la 69e Demi-brigade de Bataille.
Le 25 juin 1795, la 19e chasse les Autrichiens de San Giacomo et s'empare du poste de la Madonna delle Neve. Le 27, partant de ce dernier poste, elle attaque la position de Settepani, où le Corps autrichien du Général Argenteau s'est fortifié. Malgré la vigueur de l'attaque, la position reste aux mains de l'ennemi. D'autre part, la perte du camp de la Spinarda, pris par les Piémontais, amène la retraite des Français sur la ligne de Borghetto. La retraite s'opère avec un ordre parfait et tous les magasins sont transportés sans aucune perte. Le 2e du Mont-Blanc éprouve dans ces combats des pertes sensibles, entre autres, celle du Capitaine Arpin, tué le 27 juin.
Les 2 et 6 juillet, les Piémontais, commandés par le Général de la Tour, attaquent avec une grande vigueur les postes qui entourent Ormea. L'attaque est repoussée, mais le 2e du Mont-Blanc a son commandant Vindret blessé grièvement. L'hôpital d'Oneille l'achève : il meurt de ses blessures le 17 juillet.
"Pièce tirée des Archives du Ministère de la Guerre
16 messidor an 3e.
Memoire pour établir la réclamation que la 4e compagnie du 1er bataillon de la 19e demi-brigade a faite au Conseil d'administration.
Du 15 au 20 thermidor la loi du 1er a été connue et reçue officiellement. Sur la fin de ce même mois la demi-brigade apprit la mort du citoyen Surges, capitaine dans la 5e compagnie du 1er bataillon. Il fut procédé à son remplacement, suivant les principes de la loi susnommée, par la promotion du citoyen Dargos, le plus ancien lieutenant de service. Quelques jours après la demi-brigade reçut une explication de la Commission militaire, en conséquence de laquelle le citoyen Dargos rentra dans la classe des lieutenants et Chartier fut nommé capitaine au choix.
Sur la fin de vendémiaire on appris (sic) la mort du citoyen Arnoux, capitaine à la 4e compagnie, toujours du 1er bataillon, et, en partant des mêmes principes, la place se trouvait au choix de la Convention, qui y a nommé le citoyen Mortemard.
Sur la fin de nivose, la place de capitaine de grenadiers vint à vaquer par la promotion du citoyen Joseph, chef de bataillon, au grade de chef de brigade, et celle du citoyen Roy, capitaine de grenadiers à celui de chef de bataillon.
Par une suite des principes cy-devant, la place devait revenir à Dangos, toujours plus ancien lieutenant; mais l'on avait reçu à cette époque un arrêté du Comité de Salut public, portant que la loi du 1er thermidor aurait son plein et entier effet et que tout ce qui aurait été fait au contraire serait regardé comme nul et non avenu.
Le Conseil d'administration, pour tout concilier, crut pouvoir, par une délibération qu'il fit, conserver la place à Chartier, en le condamnant à restituer à Dargos les appointements de capitaine, qu'il avait perçu à son préjudice, dès l'époque ou celui-cy aurait déjà dû l'être et donna au même Dargos la place de capitaine des grenadiers, se réservant cependant d'avoir égard aux réclamations qui pourraient être faites.
Le Conseil d'administration a fait de son chef une innovation à la loi, en conservant un capitaine, que cette même loi faisait rentrer dans la classe des lieutenants, et en privant la 4e compagnie du droit de nommer son capitaine au choix. Cette compagnie ne put réformer plutôt ce droit, n'étant pas instruite. Mais elle espère que ce retard ne lui sera pas préjudiciable et que la commission ordonnera que la loi du 1er thermidor ait son plein et entier effet, et qu'en conséquence la place de la 5e compagnie du 1er bataillon, première vacante dès la connaissance officielle de cette même loi, sera donnée à l'ancienneté à Dargos ; celle de la 4e compagnie, 2e vacante, sera au choix, et celle des grenadiers, 3e vacante, sera au choix de la Convention ; cela ne peut porter aucun prejudice au citoyen Mortemard, qui aura la place de capitaine des grenadiers.
Fait au camp de Carline le 1er prairial an 3e de la Republique,
Lemot, tambour, Destral, fourrier, Brunel, Descours, sergents, Istier, Picot, Aillaud, Lecuyer et Crochet, caporaux.
Le Conseil d'administration de la 19e demi-brigade aux citoyens sous-officiers et volontaires de la 4e compagnie du 1er bataillon.
Le Conseil d'administration vous prévient, citoyens, qu'il a déjà envoyé à la 9e commission sa délibération au sujet du remplacement que vous réclamez ; mais que n'en ayant pas eu de réponse, il va lui récrire et lui envoyer votre réclamation. L'on vous fera part de la réponse.
Les membres composant le Conseil d'administration.
Le chef de brigade Joseph, Bricard, chef de bataillon, Arpin, capitaine, Brulefer, sous-lieutenant.
La Commission (etc.) au Conseil d'administration du 1er bataillon de la 19e demi-brigade d'infanterie.
La Commission vient de recevoir un mémoire en réclamation de la part des sous-officiers et volontaires de la 4e compagnie du 1er bataillon de la 19e demi·brigade d'infanterie, contre plusieurs nominations faites depuis la promulgation de la loi du 1er thermidor dernier, et contradictoirement à cette loi et à un arrêté du Comité de Salut public du 11 fructidor suivant d'où il résulte que cette compagnie a été frustrée du droit qui lui était dévolu d'aprés cette loi, d'élire à une compagnie vacante au choix ; elle vous prévient que si les faits sont tels que l'annoncent ces sous-officiers et volontaires, leur réclamation est fondée, en conséquence, que les nominations, contre lesquelles ils réclament, doivent être annulées pour être faites de nouveau conformément au mode prescrit par la loi du 1er thermidor dernier et à l'arrêté du Comité de Salut public du 11 fructidor suivant.
Vous voudrez bien l'informer de l'exécution de cette loi.
7- 16 messidor an 3e, signé Garnier".
Le 2 octobre 1795 (10 vendémiaire an IV), le Capitaine Leroy est blessé à Borghetto.
ANCIENNETE |
ELECTION |
A LA NOMINATION DU CORPS LEGISLATIF |
OBSERVATIONS |
Le citoyen Bassac, sous-lieutenant, a remplacé le 14 germinal le citoyen Rose déserté le 4 brumaire l'an 3e (Note : Le lieutenant Rose n'a pas déserté à l'ennemi. Ne pouvant supporter plus Iongtemps les misères, les privations et les souffrances d'un hiver rigoureux, il avait, comme beaucoup d'autres, abandonné l'armée pour rentrer chez lui). |
Le citoyen Mougrard, lieutenant de la 1re compagnie du 1er bataillon, congédié avec pension. |
Le citoyen Mougrard, lieutenant de la 1re compagnie du 1er bataillon, congédié avec pension. |
Fait à la Madone de Viozena le 30 vendémiaire l'an 4e de la République.
Signés : Marc Mortemard, chef de bataillon; Roy, commandant la 19 1/2 brigade".
"LIBERTE EGALITE
ARMEE D'ITALIE
Viozena ce 3 brumaire an 4e (25 octobre 1795).
Les citoyens Roy, chef de bataillon commandant la 19e demi-brigade et Mortemard, chef du 1er bataillon à la Commission de l'organisation et du mouvement des armées de terre.
Nous vous renvoyons ci-joint, citoyen, six états d'emplois vacants revenant à la nomination du Corps législatif.
- Dont un de capitaine pour lequel nous proposons le citoyen Reynaud, lieutenant ; - Trois de lieutenants pour lesquels nous proposons les citoyens Le Roy, Chenevier et Louelle, sous-lieutenants ; - Deux de sous-lieutenants pour lesquels nous proposons les citoyens Benard et Bridelance, sergents.
Ces citoyens sont dignes d'être promus à ces nouveaux grades, par leur valeur et bonne conduite, et nous vous observons que les citoyens Benard et Bridelance, sergents proposés aux grades de sous-lieutenants, l'auraient déjà été par leur ancienneté de grade, s'ils eussent sû écrire; mais quoique privés de ce talent ils n'en méritent pas moins tous les égards possibles, tant par leur zèle et intelligence dans l'instruction (militaire ? ) qu'au combat. L'ancienneté de service et de grade est aussi en leur faveur.
Nous vous prions de vouloir, bien appuyer nos propositions auprès du Corps législatif, dont le but fut toujours de récompenser le vrai mérite.
Nous vous prions de vouloir bien aussi vous ressouvenir des propositions que nous vous avons faites au mois de messidor dernier pour le remplacement de deux lieutenants et de deux sous-lieutenants, étant indispensable au bien du service que tous les emplois soient toujours remplis.
Signé : Roy, chef de bataillon commandant la 19e demi-brigade; Marc Mortemard, chef de bataillon.
(On lit en marge : "faire attention que les deux sous-officiers ne savent ny lire ny écrire)".
En novembre 1795, le Général en chef Scherer se dispose à attaquer l'armée autrichienne commandée par De Wins, dont la gauche s'appuie à la mer, et dont la droite se lie par le Corps d'Argenteau à l'armée piémontaise commandée par Colli. Le général La Harpe est chargé de refouler et de contenir l'armée piémontaise. Il quitte Ormea avec 8,000 hommes, comme s'il les ramenait en arrière pour prendre les quartiers d'hiver, la saison étant très rigoureuse. Il file par le pont de Nava, rentre aussitôt dans la vallée de Zuccarello, et là, s'étant renforcé de 4,000.hommes qui s'y trouvaient, il attaque, dans la nuit du 22 au 23, les troupes du Général d'Argenteau et les met en déroute.
La 19e se distingue tout particulièrement à la bataille de Loano, les 23 et 24 novembre 1795. La Harpe, poussant une pointe hardie entre les Autrichiens et les Piémontais, se tourne contre ces derniers, et les attaque sur trois points. La 19e forme la tête de colonne du centre; descendant des hauteurs du Galero, elle s'acharne à l'assaut de deux redoutes qui couvrent le front de la position du San-Bernardo. Les Piémontais tiennent bon, et un Savoisien, le Baron, d'Athenaz, se distingue à leur tête. Le 2e du Mont-Blanc est trés éprouvé dans ces furieuses attaques; le Capitaine Collet et le Lieutenant J. Chenevier, reçoivent de graves blessures, le 23 novembre 1795 (2 frimaire an IV); le lendemain, le Chef de Bataillon Dupré est tué.
Le dévouement de ces braves soldats a atteint le but que se proposait le Général en chef : séparer les deux armées alliées, et paralyser les Piémontais pendant que le gros de l'armée infligeait aux Autrichiens la sanglante défaite de Loano.
"Ces marches et ces combats ont eu lieu sur les sommités glacées des montagnes, alors couvertes d'une neige abondante, et malgré le délabrement de nos volontaires, qui passèrent cet hiver sans paye, sans souliers, sans habits et souvent sans vivres. Dans les montagnes, sur la crête des Alpes, le soldat n'avait que des abris faits avec des broussailles; ils ne le garantissaient ni de la pluie, ni du froid, très vif sur ces hauteurs; le soldat n'avait pas de capote et sa chaussure et ses vêtements étaient complètement usés. Pour nourriture, le soldat avait une livre de pain, unedemi-ration de viande salée, une portion de haricots. Mais les distributions ne se faisaient pas régulièrement, la flotte anglaise interceptant souveat les arrivages de Gênes" (in : André Folliet : "Les Volontaires de la Savoie, 1792-1799").
Les corps de la 19e Demi-brigade passent l'hiver de 1795-1796 en cantonnements sur le Tanaro. Au commencement de 1796, la situation ne s'est pas améliorée. "Sans solde, sans vivres, sans vêtements, les soldats ne désertaient plus, ils commençaient à piller ... Mais tandis que les austro-sardes n'avaient pas su profiter de leur nombre pour écraser les Républicains, ceux-ci avaient acquis, au cours de ces campagnes, la pleine conscience de leur supériorité morale et militaire sur leurs adversaires. Aguerries et endurcies par les combats et les privations, les troupes de l'armée d'Italie étaient prêtes à renouveler les exploits des légionnaires romains, sous la conduite d'un chef assez audacieux et assez actif pour triompher des obstacles matériels qui les retenaient, depuis deux années, sur les rochers stériles des Alpes et des Appenins" (Krebs et Moris : "Campagnes dans les Alpes pendant la Révolution"). Ce chef, ce sera Bonaparte
Vers le mois de ventôse an IV (février 1796), la 19e Demi-brigade est complétée avec le 2e Bataillon de la 170e Demi-brigade.
II/ Création de la 69e Demi-brigade de ligne et campagnes menées jusqu'en 1803.
Les Demi-brigades de première formation ne furent jamais complètement organisées; d'un autre côé, les levées nécessitées par la guerre permanente avaient introduit dans l'armée une foule d'éléments nouveaux. Il en résultait une confusion qui nécessita une nouvelle réorganisation de l'armée. Elle fut ordonnée par un arrêté du 10 nivôse an IV (31 décembre 1795), complété par un décret du 14 mars 1796 ; c'est l'époque où le Général Bonaparte vient prendre le commandement en chef de l'Armée d'Italie (en germinal an IV - mars 1796) et commence cette admirable campagne, dans laquelle l'armée française défit six armées ennemies et imposa la paix à l'Autriche.
Le nouveau Général en chef réorganise donc l'Armée d'Italie, selon le plan élaboré par le Comité de Salut public et la Convention nationale, rendu exécutoire par l'arrêté du 8 janvier 1796, par lequel le Directoire prescrivait la fusion des nombreux Corps d'Infanterie, dont l'effectif était trop réduit, en Demi-brigades de ligne ou d'Infanterie légère.
Donc, avec les débris des Demi-brigades de l'an II et avec de nouveaux Bataillons, on forma des Demi-brigades dites de ligne ou de deuxième formation, dont le numéro devait être tiré au sort. Voici en résumé pour la future 69e de nouvelle formation, les unités qui devaient la composer :
- 19e Demi-brigade (voir plus haut) : 1er Bataillon du 10e (Neustrie), 2e Bataillon du Mont-Blanc, 3e Bataillon des Basses-Alpes. Selon G. Dumont ("Bataillons de volontaires nationaux, cadres et historiques"), la 19e est entrée le 19 avril 1796, dans la vallée du Tanaro, dans la composition de la 69e nouvelle.
- 102e demi-brigade : Formée le 17 novembre 1794 (27 brumaire an 3) par l'amalgame du 2e Bataillon du 51e (la Sarre), 3e Bataillon du Var et 6e Bataillon du Var.
L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.
Composé de 570 volontaires des districts de Barjols, de Brignoles et de Draguignan, rassemblés à Draguignan le 12 septembre 1791, formés en Compagnies et organisés en Bataillon du 13 au 16, le 3e Bataillon du Var est passé en revue le 17 par le Maréchal de camp de Muy, assisté du Commissaire des guerres Eyssautier et des Commissaires du département.
Etat des cadres à la formation (Revue du 17 septembre 1791). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-colonel Héran* (Claude d'), de Draguignan, 62 ans, décoré de l'Ordre de Saint-Louis.
2e Lieutenant-colonel Barthélémy* (Etienne-Joseph), de Brignoles, 34 ans.
Quartier-Maître Trésorier Bertrand (Jean-Baptiste), de Draguignan, 32 ans.
Adjudant-Major N...
Adjudant Sous-Officier Pascal* (Jacques-François-Xavier), de Saint-Martin-de-Brômes, 29 ans.
Chirurgien-Major Rouquier (François), de Saint-Cézaire, 50 ans.
Grenadiers : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant Moreau* (Augustin), du Val, 32 ans.
1ère Compagnie (de Draguignan) : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant Magne* (Jean- Joseph), de Lorgues, 21 ans.
2e Compagnie (de Draguignan) : Capitaine Agnel* (Antoine-Guillaume), de Salernes, 42 ans. Lieutenant Lambert (Honnoré), de Salernes, 35 ans. Sous-Lieutenant N...
3e Compagnie (de Brignoles) : Capitaine Maille* (Pierre-Joseph), de Brignoles, 41 ans. Lieutenant Baille* (Louis-Paul), de Brignoles, 23 ans. Sous-Lieutenant Reboul* (Charles), de Camps, 34 ans.
4e Compagnie (de Draguignan) : Capitaine Perraimond (Antoine-Vincent), du Luc, 40 ans. Lieutenant Bernard (Fortuné), de Villecroze, 22 ans. Sous-Lieutenant Portal* (Joseph-François-Grégoire), de La Maure-du-Luc, 24 ans.
5e Compagnie (de Barjols) : Capitaine Vincent* (Jean-Baptiste-Soter), de Marignane (Bouches-du-Rhône), 32 ans. Lieutenant Feratery (Hilarion), de La Verdière, 20 ans. Sous-Lieutenant Denant (Baptiste-Antoine-Fidèle), de Varages, 20 ans.
6e Compagnie (de Barjols) : Capitaine Eyssautier (Jean-André), de Faucon (Basses-Alpes), 32 ans. Lieutenant N... Sous-Lieutenant Ranque* (Barnabe), d'Aups, 31 ans.
7e Compagnie (de Draguignan) : Capitaine Clavier (Paul), de Flayosc, 23 ans. Lieutenant Raimond* (Louis-Alexandre), de Paris, 31 ans. Sous-Lieutenant Perruche (Antoine), de Seillans, 40 ans.
8e Compagnie (de Draguignan) : Capitaine Bellon (Thomas), deTrans, 30 ans. Lieutenant Lamanoid* (Louis), de Draguignan, 26 ans. Sous-Lieutenant Adrien* (Joseph-Honorat), de Draguignan, 29 ans.
Le 3e Bataillon du Var est mis en route presque aussitôt pour Cannes où il passe l'hiver et où il reçoit son armement et son équipement.
Le Bataillon ne reçoit son drapeau que le 8 février 1792, à Cannes ; il demeure dans cette ville jusqu'à la constitution de l'armée du Midi, à laquelle il est affecté, puis vient, le 2 mai, à Antibes, pour faire partie de la Division du Var (517 présents). Il est aux ordres d'Anselme en juillet, avec le 1er du Var, et est accusé d'aller piller jusqu'aux environs de Puget-Théniers. Il demeure immobile jusqu'au milieu de septembre, puis prend part à l'occupation du comté de Nice et fait partie, le 1er octobre, de la Réserve du Corps d'armée de Nice, au pont du Var. Il compte à l'armée des Alpes, puis, en novembre, à l'armée d'Italie. Le Bataillon est, le 15 décembre, à Villefranche (461 présents) et, le 25, à Nice.
Le 3e du Var prend part aux opérations dans la vallée du Var, en février 1793, puis, à la réorganisation de l'armée d'Italie, il est placé aux ordres de Dumerbion, dans la vallée du Peillon, au camp de Castillon, où il est le 5 mars. Il passe, le 5 avril, à l'Escarène, le 8 au camp du col Nègre, puis rentre, le 29, au camp de Castillon. Il est aux affaires des 8 et 10 juin et s'établit au Béolet qu'il occupe le 17, lors de la prise de commandement de Kellermann. Il assiste à l'attaque de la Cougoule le 7 septembre; le Bataillon compte, en son camp de Béolet, 500 présents le 24 octobre, et il y est amalgamé le 17 novembre, par l'Adjudant-général Macquard et le Commissaire des guerres Bouquin, avec le 2e Bataillon du 51e Régiment et le 6e du Var, pour former la 102e demi-brigade (entrée, le 10 avril 1796, dans la vallée du Tanaro, dans la composition de la 69e nouvelle).
Etat des cadres au moment de l'amalgame.
Chef en 1er : Barthélémy* (E.-J.); en 2e : Maille* (P.-J.). Quartier-maître : Bertrand (J.-B.). Adjudant-Major : Raimond* (L.-A.). Chirurgien : Rouquier (F.). Adjudant Sous-Officier : Gaze (H.-A.).
Grenadiers : Capitaine Bayle* (H.). Lieutenant Moreau* (A.). Sous-lieutenant Agnelly (J. B.).
1ère Compagnie : Capitaine Magne* (J. J.). Lieutenant Maunier* (A.). Sous-lieutenant Lavagne (J. H.)
2e Compagnie : Capitaine Agnel* (A. G.). Lieutenant Lambert (H.). Sous-lieutenant Colle* (J. B.).
3e Compagnie : Capitaine Boyer (B.). Lieutenant Bayle (P.). Sous-lieutenant Reboul* (C).
4e Compagnie : Capitaine Perraimond (A.V.). Lieutenant Bernard (F.). Sous-lieutenant Daniel* (F.).
5e Compagnie : Capitaine Vincens* (J.B.S.). Lieutenant Portal* (J. P. G.). Sous-lieutenant (vacant).
6e Compagnie : Capitaine Eyssautier (J.A.). Lieutenant Roux* (L.). Sous-lieutenant (vacant).
7e Compagnie : Capitaine Clavier (P.). Lieutenant Adrien* (J. H.). Sous-lieutenant Perruche (A,).
8e Compagnie : Capitaine Pascal* (J. F. X.). Lieutenant Lamanoid* (L.). Sous-lieutenant Dhur* (P.).
- 166e Demi-brigade : Formée le 11 pluviôse an II (30 janvier 1794) à partir du 2e Bataillon du 91e (Barrois), des 5e et 9e Bataillons du Var.
- 2e Bataillon de la 170e Demi-brigade (2e Bataillon de l'ex-93e Enghien) et 1er Bataillon de Chaumont (Haute-Marne), et du 10e du Jura. La 170e avait été formé le 22 juillet 1795 (4 thermidor an II) par l'amalgame de ces trois éléments.
Dans les historiques régimentaire, il est indiqué que c'est le 10 germinal an IV (30 mars 1796) ou le 21 germinal an IV (10 avril 1796), ici selon l'historique de J. Vassias, que la 19e Demi-brigade, réorganisée et renforcée, est devenue 69e Demi-brigade de ligne.
En réalité, le tirage au sort du numéro de la nouvelle Demi-brigade ne pouvant se faire dans l'immédiat, il fut décidé qu'elle porterait provisoirement le N°19. C'est ce qui est dit dans le début du rapport de Dalons, qui constitue plutôt l'historique de la 19e Demi-brigade : "Les corps qui composent la 69e demi-brigade de bataille avaient passé leur cantonnement d'hiver dans cette vallée qu'arrose le Tanaro et qui sépare les Alpes des Apennins, où ils avaient été en butte aux rigueurs du climat et à des privations de tous genres. Ces corps furent réunis le 21 germinal IVe an et réorganisés sous le nom de 19e demi-brigade, depuis lors 69e.
L'arrivée du général Bonaparte à l'armée d'Italie, vers la même époque, fut aussitôt le signal de l'ouverture de la campagne. Ses talents militaires, son courage et son infatigable activité, déjà connus, présageaient d'heureux succès à une armée, pour laquelle, d'ailleurs, vaincre n'était plus une devise républicaine, mais un besoin".
La 19e voit alors son effectif porté à 3216 hommes, cantonnés à Pornassio, La Pieve, et Garessio. Toujours comprise dans la Division Serrurier, 2e du Corps de bataille, elle passe sous le commandement spécial du Général de Brigade Guieu.
A l'époque de l'amalgame, le nombre des Officiers savoisiens de la première formation du 2e du Mont-Blanc est singulièrement réduit. La campagne de 1795 a fait disparaître les derniers des anciens Capitaines du Bataillon : Vindret, tué à Ormea; Arpin, de Thonon, tué à Settepani; Rolland, congédié pour infirmités en octobre 1795; Collet, grièvement blessé aux redoutes San Bernardo et retraité ainsi que le Lieutenant Jos. Chenevier, de Thonon, blessé le même jour (23 novembre 1795). Après l'amalgame de 1796, le Sous-lieutenant Lambert, de Chêne, est réformé pour infirmités résultant de blessures. Les seuls Officiers de l'ancien 2e du Mont-Blanc restés au service sont les Capitaines Julliard et Pradier ; les Lieutenants P. Decouz et Perréard; les Sous-lieutenants Parent, Jacq. Chenevier, Lugrin et Trappier; enfin l'Adjudant-major Brunier.
C'est au final le 7 prairial an IV (26 mai 1796) à Soncino, que nait officiellement la 69e Demi-brigade de Ligne. A partir du 13 prairial (1er juin), Bonaparte désigne théoriquement dans sa correspondance les Demi-brigades par leur nouveau numéro.
Avant de pousuivre, laissons la parole à Joseph Laporte, jeune soldat engagé à l'âge de de 13 ans dans un Bataillon de Volontaires en 1793, et qui fit la campagne d'Egypte avec la 69e. Au moment où il débute son histoire, le jeune Laporte explique qu'il a servi "… neuf ans et demi savoir quatre ans et demi comme musicien, et cinq ans comme Sous-officier, toujours hors de France, et s'il eût eu quelques années de plus lors des premières campagnes il eût pu peut-être obtenir de l'avancement mais son extrême jeunesse fut un obstacle et à l'époque où il était susceptible d'en avoir, deux amalgames eurent pour lieu en Italie, et l'on fondit les cadres de neuf bataillons pour former une demi-brigade composée de trois ; ce qui amena dans le corps, trois chefs de brigade, sept chefs de bataillons, huit ou neuf officiers et un nombre extraordinaire de Sous-officiers par compagnies ; de sorte qu'il n'y eut pour ainsi dire aucun avancement dans l'armée jusqu'à ce que tous les officiers et Sous-officiers eussent été placés en remplacement de tués ou estropiés" (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
A/ Campagne d'Italie (1796-1797)
La 69e de deuxième formation cueillit au cours de la campagne d'Italie sa part de lauriers. Son historique détaillé se trouve dans le rapport établi par son chef Dalons (et non Daloust), immédiatement après la campagne, et daté de Fontana-Fredda, 18 prairial an V (mai 1797). Nous ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire de nombreux extraits de ce rapport, en les encadrant dans un aperçu général des faits.
En mars 1796, la future 69e Demi-brigade est placée dans la Division Sérurier. L'arrivée de Bonaparte est le signal du commencement des opérations et d'une vigoureuse offensive au delà des Apennins.
Composition, emplacements et effectifs de l'armée d'Italie, fin mars, début avril 1796 (avant l'amagalme) In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796" |
Le Commandant Giraud écrit :
"De la Madone de la Neva, ventôse an 4e
(sans doute courant mars 1796).
Les demi-brigades sont ramenées par décret, de 200 à 110; par suite, la 166e demi-brigade de bataille devient la 69e de ligne constituée avec le 1er bataillon de la 19e brigade de bataille, le 2e bataillon des volontaires nationaux du Mont-Blanc, le 3e bataillon des Basses-Alpes et le 2e bataillon de la 170e demi-brigade de bataille.
Ce nouvel embrigadement était nécessaire en raison de la faiblesse des effectifs d'un grand nombre de régiments. Notre nouvelle demi-brigade compte environ 3.000 hommes. Les officiers et les sous-officiers sont l'objet d'une épuration, ou d'une élimination très avantageuse, au point de vue de la perfection des cadres. Les uns démissionnent; les autres sont envoyés en retraite, ou en traitement de réforme si leurs infirmités ou leurs blessures les rendent impropres à tout service. N'est-ce pas là l'indice d'une prochaine entrée en campagne; mais cette fois pour de bon ? ...
Notre nouveau chef de demi-brigade se nomme Daloust (nommé au commandement de la 69e demi-brigade de ligne, le 21 ventôse an IV - 11 mars 1796). Nous faisons partie de la brigade Guien, (division Serrurier). Notre nouveau général en chef est le citoyen Buonaparte ; on le dit arrivé au quartier général de Nice et décidé à pousser activement la guerre au delà de l'Apennin.
Notre nouveau drapeau est à fond blanc avec coins bleus et rouges. D'un côé, vers le centre, deux branches de laurier encadrent le numéro de la demi-brigade ; de l'autre, deux mêmes branches entourent un faisceau de licteur surmonté du bonnet phrygien" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Savone, le 20 avril 1796.
Les démonstrations faites par l'ennemi obligent de réoccuper les postes de la montagne. Le froid est intense, le bois manque; impossible de se procurer de l'eau-de-vie ; la viande salée est la seule qu'on puisse se procurer. Les hommes s'en dégoûtent; déguenillés, un abattement profond les saisit, et ils ne prennent plus aucun soin de propreté. Un ordre du 13 germinal (2 avril), prescrit aux soldats d'avoir soin de se laver la figure et les mains, pour l'heure de la soupe. Cet ordre est sans effet. Nos hommes sans souliers, regardent les lambeaux de leur culotte et s'inquiètent peu de la blancheur de leurs mains.
Nos deux premiers bataillons ont quitté Savone, le 14 germinal (2 avril), pour se rendre au village de Voltri, près de Gênes, où se trouve la 70e demi-brigade menacée d'être tournée par l'ennemi.
Le général Buonaparte est arrivé à Savone le 5 avril (17 germinal). Le même soir, il réunissait sous sa tente les officiers de la division Serrurier et leur tenait le langage suivant :
"Mes amis, je sais que vous avez beaucoup souffert cet hiver; les subsistances vous ont souvent manqué; la Convention avait promis huit livres en numéraire aux officiers, trois livres aux sous-officiers et volontaires par mois; on ne vous a pas encore payés. Une nouvelle campagne va commencer; dorénavant, vous recevrez exactement vos subsistances; vous serez habillés, et sous deux mois, je vous promets la moitié de votre paye en numéraire. C'est dans la riche Italie qu'il faut chercher tout cela. Parlez-en à vos soldats; dites-leur qu'une campagne heureuse les attend, s'ils veulent redoubler d'énergie et de courage."
A la bonne heure; voilà ce que parler veut dire ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 4 avril 1796, vers Bagnasco et Murseco, le Chef de Brigade Barthélémy, de la 69e (alors 19e) est blessé et capturé (Barthélémy était effectivement Chef de Brigade : il commandait la 102e qui allait être versée dans la 69e).
Le Général Serrurier écrit le 6 avril 1796 (17 germinal an 4) au Général Bonaparte, depuis Ormea :
"… Le citoyen Barthélémy, chef de la dixième demi-brigade, a voulu sans ordres essayer d'enlever aux ennemis un poste qu'ils ont à Saint-Jacques-Viola. Vraisemblablement, il n'avait fait aucune disposition ni pris aucune précaution militaire. Il a été repoussé jusqu'à ses cantonnemens, lui blessé et fait prisonnier. On n'a pas encore su nous dire combien cette équipée-là nous a coûté de monde. Elle a eu lieu dans l'après-midi du 15. Une partie des soldats est rentrée chargée de butin. Si on ne fait pas un exemple, les choses iront mal; beaucoup de soldats ne veulent que voles et point se battre ..." (Panchouke : "Correspondance inédite officielle et confidentielle de Napoléon", t. 1 Italie).
Serrurier écrit depuis Garessio le 9 avril 1796 (20 germinal an IV) au Général en chef : "Quoique je n'aie pas encore terminé le nouvel embrigadement, j'ai néanmoins placé tout les corps de manière que la dix-neuvième se trouve à Garessio ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaparte, t.1 Italie).
Armée d'Italie, composition, et effectifs, 9 avril 1796 - 20 germinal an IV (après l'amagalme) In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796" |
La Division Sérurier reçut tout d'abord la mission de maintenir par ses démonstrations Colli et les Piémontais sur le Tanaro, tandis que Bonaparte, avec le reste de l'armée, battait, sur la Bormida, Beaulieu avec les Autrichiens, et les rejetait vers Acqui (Montenotte, Millesimo, Dégo, 10 au 15 avril).
Le Commandant Giraud écrit :
"Savone, le 20 avril 1796.
... Notre première affaire avec l'ennemi n'a pas été heureuse cependant. Le mouvement tournant commencé par l'armée autrichienne, avait pris des proportions inquiétantes dans la journée du 20 germinal (9 avril). Le chef de bataillon Gazaignaire reçut l'ordre de se porter sur Varazio, d'éclairer le prolongement de cette position jusque sur les mamelons qui dominent le Tanaro, et de donner la main aux troupes de la 3e division de l'armée d'Italie. Entourés par une partie de l'aile gauche de l'armée autrichienne, une poignée de braves de la 69e demi-brigade a lutté sans succès pendant deux jours. Le général Serrurier, en assignant à ses troupes un emplacement plus avantageux dans la montagne, eût certainement évité cet échec; mais soit que l'adjudant-général Saqueleu qui commandait de ce côé, n'ait pas suivi ses instructions; soit qu'il ait rencontré des obstacles insurmontables dans sa marche en avant, il ne put atteindre assez à temps la position de Settepani; il la trouva occupée par l'ennemi qui l'avait prévenu et s'y était retranché.
La division Serrurier compromise fut coupée et obligée de battre en retraite, en laissant entre les mains de l'ennemi, les équipages de l'état-major général, une partie de son artillerie et de ses ambulances.
La campagne commençait mal. Dès le début, j'inaugurais mal de l'extension de nos lignes vers Gênes, Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais il paraît que notre échec de Varazio n'en est pas un. Ce n'est qu'une feinte démonstration pour engager Beaulieu à dégarnir son centre, que notre général en chef a l'intention de percer.
Les vainqueurs de Varazio ont bien essayé, le 10 avril, de nous couper en deux et d'enlever Savone. Mais enfermés dans la redoute de Montelegino, nous avons combattu tout le jour un contre dix, sous les yeux du colonel Daloust" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
La séparation des deux armées ennemies consommées, Bonaparte se retourne contre les Piémontais et dirige le gros de ses forces sur Céva où était Colli.
- Bataille de Ceva (14 avril 1796 - 25 germinal an IV)
Le 14 avril 1796, la Division Sérurier, qui compte environ 6000 hommes, s'ébranle de ses cantonnements. Sérurier porte le Général Guieu (le nom de ce Général, même dans les pièces officielles, est presque toujours mal orthographié; on lit le plus souvent Guyeux, d'autres fois Guilleux), avec la 69e (alors 19e) sur les hauteurs de la rive gauche du Tanaro et la Brigade Fiorella sur la rive droite. La Brigade Guieu, au moment où elle arrive au-dessus de Mursecco, aperçoit une menace d'attaque. Elle s'avance et ce simple mouvement offensif suffit pour que l'ennemi recule sur la chapelle San-Giacomo di Viola d'abord, puis redescende dans la vallée de la Mongia sur Viola, Lisio et Scagnello, dont on s'empare, ainsi que de Pamparato et de Serra. Une partie se retire, en suivant un ravin, sur Battifollo. Guieu poursuit sa marche, enlève ce village et y fait 42 prisonniers, dont 3 Officiers (Sérurier à Bonaparte, 14 avril 1796 - Arch. G.; cité par F. Bouvier) ou même 61 prisonniers, dont 1 Lieut-colonel (Bonaparte au Directoire, 16 avril, Arch. G. ; Historique de la 39e, Arch. G.; cités par F. Bouvier). Le Sous-lieutenant Lautier (ou Lantier) de la 69e, a été blessé au bras droit (Historique de la 69e ; Arch. G.; cité par F. Bouvier au cours de l'attaque de Batifolo.
"Déjà l'aile droite de l'armée en était venue aux mains avec les troupes austro-sardes : déjà la Renommée avait annoncé ses succès. La division du général Sérurier, dont cette demi-brigade a toujours fait partie, reçut ordre de marcher sur Ceva. La 69e se mit en marche, le 25 germinal, sous les ordres du général Guieu. Elle enleva facilement tous les postes qui se trouvèrent sur son passage et parvint à chasser l'ennemi des hauteurs de Batifollo (six kilomètres au Sud-Ouest de Céva) après quelque résistance. Elle eut, dans ce petit choc, un grenadier tué et un autre blessé. Le sous-lieutenant Lantier y reçut un coup de feu au bras droit ..." (Rapport de Dalons).
Le Commandant Giraud écrit :
"Sous Ceva, le 27 avril 1796.
Enfin le 14 avril (25 germinal), à la pointe du jour, par un brouillard épais, mêlé-de pluie, nous avons quitte Savone, sous les ordres du général Guien, dans la direction de Ceva que la division Serrurier (la division Serrurier avait l'ordre de maintenir par ses démonstrations, le général Colli et les Piémontais sur le Tanaro, tandis que Bonaparte, avec le reste de l'armée, devait battre Beaulieu et les Autrichiens sur la Bormida - Note de l'auteur) doit investir par le sud.
Nos bataillons enlèvent avec leur vigueur habituelle, tous les postes ennemis rencontrés sur leur passage, chassent les Autrichiens des hauteurs de Batifolo à six kilomètres sud-ouest de Ceva. Le sous-lieutenant Lautier s'y est battu comme un grenadier et a été blessé d'un coup de feu ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Dès le 15 avril 1796, Sérurier avait reçu l'ordre d'investir Céva par le Sud. Les Brigades Guieu et Fiorella se portent sur Malpotremo; la 19e restant sur la rive gauche du Tanaro. Le 17, à la suite de l'évacuation du camp retranché de Ceva par les Piémontais, Serurier ramène ses forces vers Ceva, que Fiorella occupe pendant la nuit.
"La 69e, d'abord 19e de bataille, entra en campagne le 14 avril 1796. Elle quitta la vallée du Tanaro, où elle avait supporté toutes sortes de privations, et marcha sur Ceva. Elle enleva, chemin faisant, les postes qui se trouvèrent sur son passage, et emporta les hauteurs de Batifolo, où elle s'établit. Un détachement de la division Srrurier, dont elle faisait partie, entra dans la ville pendant que la brigade commandée par le général Rusca occupait les mamelons qui dominent le fort" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le Commandant Giraud écrit :
"Godogno, le 20 floréal an 4e (9 mai 1796).
Nous avons quitté-le camp de Batifolo, le 17 avril (28 germinal) pour prendre une seconde position plus rapprochée de Ceva (près du pont Saint-Michel) ; le lendemain, nous nous sommes portés sur les hauteurs de Saint-Michel, que l'ennemi avait fortifiées, et que le passage d'une rivière (la Corsaglia) rendait extrêmement difficile à enlever..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 19 avril, sur l'ordre de Bonaparte, la Division Sérurier doit enlever San-Michele et chercher à couper la ligne de communication des Piémontais avec Mondovi, au moyen des 12 ou 14 Escadrons de cavalerie qui ont rejoint l'armée. La colonne de gauche avec le Général Guieu (sans doute la 69e, alors 19e, 3121 hommes; l'Historique de cette Demi-brigade (Arch. G.) est à peu près muet sur ce combat) munie de deux canons, est descendue de Battifollo et de Scagnello sur Mombasiglio à 7 heures du matin ; elle a marché en trois fractions, par le bric delle Toselle, le bric delle Ciocche, San-Paolo et Ascheri contre les deux ponts de Torre. Elle a refoulé, de concert avec Sérurier, les troupes légères de Bellegarde, puis elle poursuit sa route sur le village de Torre, après avoir franchi le Casotto.
La batterie du Buon-Gesu tire à bonne portée sur la colonne Guieu et y cause des pertes sensibles. En vain ses tirailleurs par leur feu de flanc cherchent à éteindre celui de la batterie, ils sont trop éloignés (à 600 ou 700) pour que leurs balles portent et le combat reste stationnaire de ce côé. Vers midi, Guieu est maîtrisé par les diverses batteries de San-Michele et ne peut réussir à forcer les ponts. Quelques fantassins qui ont tenté de passer à gué ont été roulés et emportés par les eaux rapides de la Cursaglia.
Déjà Sérurier se dépite et parle de renoncer à une entreprise aussi chanceuse. Mais quelques tirailleurs du Général Guieu aperçoivent un groupe de soldats de Bellegarde qui, n'ayant pu gagner le pont de San-Michele avec le gros de leurs camarades, rejoignent pourtant l'autre rive en passant sur une passerelle de bois, dite des Goretti. Ce passage n'est ni détruit, ni gardé. Les soldats se risquent un par un, en courant; les tambours battant la charge. Ils franchissent sans pertes la Cursaglia, se groupent à l'abri des maisons, une fois sur l'autre rive, et font feu de flanc sur les Grenadiers de Dichat. La Brigade Guieu, à la file, se précipite tout entière derrière ses tirailleurs. Elle bouscule l'infanterie légère du Colonel Radicati qui vient à sa rencontre et qui, prise d'une terreur panique, talonnée par les Français, s'enfuit, semant l'alarme, dans toutes les directions. La colonne Guieu prend dès lors à revers la batterie du Buon-Gesu ; traverse le hameau ruiné de Codevilla, passe à la chapelle Santa-Margherita, franchit le ruisseau de Groglio et aborde par le Sud les maisons de San-Michele (F. Bouvier : "Bonaparte en Italie, 1796").
La 19e Demi-brigade se rallie à l'ouest du pont, et bivouaque autour de Gandolfo.
Le 20 avril, Bonaparte se rend dans la matinée sur les hauteurs de San-Paolo et déjeune à Gandolfo, où est la 19e. Après un entretien avec divers Généraux, il modifie peu à peu ses premières dispositions. La Brigade Dommartin ira renforcer Sérurier qui se portera à Torre. En exécution de ces ordres, le Général Guieu, avec la 19e, appuyé par le feu de deux canons placés sur le bric delle Rocchette, chasse dans l'après-midi les troupes piémontaises de Torre, qu'il occupe, ainsi que le pont en pierre intact sur la Corsaglia. Sérurier y transporte son quartier général et appelle à lui la Brigade Fiorella, étend ses grand'gardes vers Molline et fait transporter ses deux pièces au nord du château de Torre pour battre le poste ennemi de Bellana.
"... La demi-brigade occupa pendant trois jours cette position, qu'elle quitta ensuite pour en prendre une plus rapprochée de Ceva (près du pont Saint-Michel), une partie de la division entra dans cette dernière ville, le 30 germinal, pendant que la brigade commandée par le général Rusca occupait les hauteurs qui dominent la forteresse. La division se porta le lendemain (20 avril) vers les hauteurs de Saint-Michel que l'ennemi avait fortifiées avec soin et que le passage d'une rivière (la Corsaglia) rendait extrêmement difficiles à enlever" (Rapport de Dalons).
Le Commandant Giraud écrit :
"Godogno, le 20 floréal an 4e (9 mai 1796).
... Le lendemain de l'affaire de la Corsaglia, le 1er bataillon de la 69e demi-brigade occupait Ceva, les 2e et 3e bataillons se portaient sur Fossano, qu'ils occupèrent presque sans coup férir ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Sous-lieutenant Thevis est blessé le 20 avril 1796 (1er floréal an IV) à Saint-Michel.
Cette opération éveille l'attention de Colli, et après un conseil de guerre, il décide la retraite qui s'effectue pendant la nuit. L'armée piémontaise se dirige sur Mondovi, position assez forte sur l'Ellero, dont les rives sont reliées par quatre ponts. Mais le 21 avril, l'attaque impétueuse des Républicains ne laisse pas à Colli le temps de terminer ses dispositions de défense.
- Bataille de Mondovi (21-22 avril 1796 - 2-3 floréal an IV)
Le 21 avril, les Demi-brigades françaises sont toutes massées contre le Brichetto, dont la 69e avec Sérurier ... toutes rivalisent d'ardeur.
Le Général Sérurier débouche de Torre, à droite par le pont en bois de Sant-Antonio, qui est rétabli; au centre par le pont de pierre et à gauche par un gué en face de Molline. Les avant-postes piémontais, restés sur la rive gauche du torrent, Chasseurs Colli et de Nice, Légion légère, Régiment d'Asti, se replient rapidement sur Vico, où ils sont ralliés et employés à prolonger les ailes de la ligne de Brichetto. La Division Sérurier se range en bataille sur les hauteurs de la chapelle de San-Stefano, puis se porte en avant en deux colonnes : à gauche le Général Guieu avec la 19e Demi-brigade descend vers le sanctuaire de la Madone, pour gagner l'extrémité occidentale de Vico, tandis que la Brigade Fiorella se dirige, en suivant la crête, vers la partie orientale, et soutenue par le feu de deux petite spièces. En entendant le canon sur leur flanc droit, et même sur leurs derrières, les Bataillons piémontais, qui étaient dans les prés en avant des maison, déjà ébranlés par la retraite des avant-postes, se rejettent pêle-mêle dans le village. Fiorella y pénètre, mais il est bientôt arrêté au coude de la longue et unique route, par le grand nombre des défenseurs, que favorise la disposition des lieux : tournants de la grande rue, intervalles et ruelles entre les maisons, jardins entourés de murailles. A 10 heures, le Général Dommartion rejoint Fiorella. Craignant le renouvellement du désordre de l'avant-veille à San-Michele, Sérurier ne laisse dans Vico que la 84e sous Dommartin et avec la Brigade Fiorella descend dans le vallon de l'Otteria, le franchit et occupe le hameau de Canei et le Pilon de Viril après un vif combat. De son côé, Guieu, avec la 19e, voyant les progrès de cette attaque, se précipite au pas de course dans les cours des bâtiments du Santctuaire, puis s'empare des hameaux de Fiamenga et de San-Pietro. En vain les Piémontais cherchent à se rallier sous la protection de quelques pièces de canons, les Corps désunis par ce combat acharné au milieu des maisons et des jardins, poursuivis vivement par Dommartin, menacés d'être enveloppés par Guieu et Fiorella, se sauvent en arrière de la redoute de Brichetto, devant laquelle les Républicains se déploient.
Un premier assaut conduit avec la plus grande valeur est arrêté par le tir à mitraille de six pièces et le feu bien dirigé des Grenadiers aux ordres de Dichat, soutenus par les contre-attaques d'un Bataillon de Stettler, appelé de Mondovi, des Chasseurs Colli et des fractions de Grenadiers royaux, du Régiment d'Oneglia et d'un Bataillon autrichien, qui ont pu être ralliés après l'abandon de Vico. Rejetés au pied du Brichetto et sur le Pilon de Viril, les Français forment une ligne épaisse de tirailleurs, rangés en demi-cercle, qui criblent de balles les positions ennemies. "Le chevalier Dichat, qui commandait les défenseurs du Brichetto, dit Martinel, était un de ces officiers qui ne calculent jamais leur devoir, jouissant de la plus haute estime de ses chefs et de sa troupe. Il avait ordre de tenir; c'est le seul point de toute la ligne où le désordre ne soit point encore parvenu. Longtemps, il a commandé les feux de pelotons très meurtriers qui, joints à ceux des chasseurs Colli, arrêtèrent la colonne française au Pilon de Viril, après qu'elle en eut débusqué l'ennemi".
La brigade Guieu, de son côté, refoule la Légion légère piémontaise vers li Gari et, par Pasquero, Molina et Costa, déborde la droite des Grenadiers de la Tour et de Chiusan, lesquels se replient en désordre, dégarnissant les flancs de la ligne de défense piémontaise.
A ce moment, vers quatre heures du soir, le Général Bonaparte donne l'ordre de renouveler l'assaut. La 19e Demi-brigade s'élance à la baïonnette et emporte la redoute; le Chevalier Dichat tombe mortellement frappé d'une balle au front, et les Grenadiers royaux, démoralisés par la mort de leur chef, sont rejetés vers Torassa et Carassone, abandonnant leurs pièces de canon, qui sont aussitôt employées à tirer sur Mondovi. Dès lors les troupes piémontaises s'enfuient en désordre, la ville de Mondovi capitule et le Lieutenant-général Dellera, qui la commande, se rend prisonnier avec toute la garnison, comprenant le Régiment des Gardes, où sert l'élite de la noblesse du royaume.
Un Officier supérieur du Génie sarde, le Lieutenant- colonel Alziari de Malaussena, apprécie comme suit la prise du Brichetto, à laquelle il assistait :
"Ce singulier enlèvement du Briquet termina la bataille, où l'on compromit le sort du Piémont d'une manière d'autant plus pitoyable que, soit à préparer l'action que pendant sa durée, on ne fit rien à l'importance de l'objet qu'elle décidait. Proprement les éclaireurs français chassèrent une armée désordonnée, qui se battait encore par instinct. Les Piémontais éprouvèrent dans cette funeste journée les funestes effets de la mauvaise organisation et du mauvais commandement qu'ils eurent pendant toute la guerre ... Aucun officier général ne fut à sa place que le brave Dichat, qui termina glorieusement sa carrière sur le Briquet".
Les piémontais perdent le Brigadier Dichat, tué, selon toute vraisemblance, par une balle partie des rangs de la 69e (alors 19e), formée en majeure partie de ses compatriotes savoisiens. La mort de Dichat excita les regrets des Français aussi bien que des Piémontais. C'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de ce brave Officier, dont la perte augmenta considérablement le désarroi de l'armée sarde, désormais incapable de continuer la lutte.
La 69e (alors 19e), qui a enlevé le Brichetto à la baïonnette, a perdu le Capitaine des éclaireurs, Raymond, et le Sous-lieutenant Ladurée, tués; les Capitaines Antoine Pauly (ou Poli) et Geoffroy, le Lieutenant Tardieu, blessés; 12 hommes tués, 60 blessés; le Chef de Bataillon Jeannot (Joseph), né à Rambervillers (Vosges), le 24 mai 1752, et 5 autres Officiers ont été faits prisonniers. Berthier signalera à Bonaparte (8 mai; Arch. G.) comme s'étant particulièrement distingués à Mondovi, le Capitaine Paoli, des Grenadiers de la 69e (sans doute Poli) et le Lieutenant Tardieu, aussi de la 69e (F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796" ).
D'autres sources indiquent : le Capitaine Raynaud (ou Raymond ?) et le Sous-lieutenant Laduzée (Ladurée ?) tués le 2 floréal an IV à l'affaire de Mondovi; le Chef de bataillon Tardieu (?), les Capitaines Geoffroy, Sidert (ou Sibert), les Lieutenants Moulin, Paris, Tardieu sont blessés; le Capitaine Pauly (ou Poly) est blessé au flanc (et à Rocarbabine).
"Maîtresse de Ceva, la division se porta sur les hauteurs de Saint-Michel. Des ouvrages et une rivière en rendaient l'accès difficile. La 19e attaqua néanmoins. Elle prit et enleva à la baïonnette la redoute qui était le boulevard de Mondovi, et la place demanda aussitôt à capituler. Le capitaine Raymond qui commandait les éclaireurs restait sur le champ de bataille. Les capitaines Paly et Geoffroy, le lieutenant Tardieu furent blessés dans cette affaire, qui coûta à la demi-brigade 72 morts et 50 prisonniers, parmi lesquels se trouvaient le chef de bataillon Jeanneau et 16 officiers" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
"Ce fut le 2 floréal (21 avril) que la 69e demi-brigade, marchant à la tête de la division, traversa la rivière malgré le feu violent d'une nombreuse artillerie, débusqua l'ennemi de ses positions et enleva à la baionnette la redoute du Briquet que l'ennemi regardait comme le boulevard de la place de Mondovi; aussi cette dernière place demanda-t-elle à capituler, ce qui lui fut accordé sur-le-champ. Nous avons perdu dans cette affaire le brave capitaine Raymond, qui commandait les éclaireurs; le capitaine de grenadiers Pauly, le capitaine Geoffroi et le lieutenant Tardieux ont été blessés. Nous avons eu, en outre, soixante hommes blessés, douze de tués et cinquante prisonniers parmi lesquels se trouvaient le chef de bataillon Jeannaux et huit officiers ..." (Rapport de Dalons).
Le Commandant Giraud écrit :
"Godogno, le 20 floréal an 4e (9 mai 1796).
...Quatre jours après, le 21 avril (2 floréal), la 69e demi-brigade, formant la tête d'avant-garde de la division Serrurier, traversait la rivière sous le feu violent d'une nombreuse artillerie piémontaise, débusquait l'ennemi de ses positions et enlevait à la baïonnette la redoute du Briquet qui barre le boulevard de Mondovi.
Malheureusement cette affaire qui avait été assez chaude, nous coûtait un officier tué : le capitaine Raymond qui commandait les éclaireurs et trois officiers blessés : les capitaines Poly et Geoffroy, ainsi que le lieutenant Tardieu qui a reçu un coup de sabre, en luttant seul à seul, contre un cavalier piémontais.
Notre nouvelle formation en colonne, procure de grands avantages aux troupes engagées. Les compagnies têtes de colonnes forment un parapet derrière lequel les compagnies qui suivent arrivent au point où le choc doit se produire. Une succession d'efforts s'établit ainsi avec des troupes qui ne peuvent juger ni l'obstacle à vaincre, ni les pertes subies ; ce qui est impossible, lorsque le soldat combattant en grande masse se trouve pressé, comprimé, au point d'être privé de ses moyens de victoire les plus sûrs : le feu et le choc.
Le général en chef est un taciturne; il ne se laisse pénétrer par personne; c'est une grande qualité que de commander seul, en laissant de côé le bavardage des sous-verges (Généraux subalternes) qui ne sont en somme que des machines à transmission.
Les habitants du pays ne se moquent plus de nos misères; ils nous admirent au contraire; comment pourrait-il en être autrement? Comment ne pas aimer ces soldats qui chantent, rient toute la journée, improvisent des bals le soir, au son d'un violoneux et donnent la Monferine et la Lanterne pour se distraire et passer le temps, pendant les jours de repos ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 4 floréal an IV (23 avril), le Lieutenant Moulin est blessé à Mondovi.
A noter que dans l'historique de 1887, il est indiqué que le 20 thermidor, lors de l'attaque de Bovez en Piémont, est blessé d'un coup de feu à la jambe le Chef de Bataillon Gazaignaire (ou Gazagnaire). La date est sans aucun doute fausse et il doit plutôt s'agir du 27 avril 1796 (8 floréal an IV).
Le Commandant Giraud écrit :
"Sous Ceva, le 27 avril 1796.
... Bonaparte est venu hier au bivouac de Batifolo. L'impression au premier abord est mauvaise. Son apparence chétive, son teint pâle, sa tenue peu soignée; son oeil noir, dur et perçant; ses longs cheveux coupés en oreilles de chien, et tombant derrière les oreilles ne sont pas de nature à le faire apprécier du soldat qui ne voit en lui qu'un avorton comparé à Augereau, Masséna et surtout au superbe Murat.
Cependant ce gringalet de général en chef a une manière à lui de faire la guerre; rien ne lui échappe et il entend être instruit de tous les désordres. Décidé à obtenir des généraux une répression immédiate et sévère de tous les actes délictueux, il les a mis en demeure de ramener la discipline dans la troupe sous leurs ordres. Il marche en conquérant, s'avance sans s'inquiéter du transport des subsistances qu'il fait requérir dans tous les lieux de passage, exigeant des municipalités les boeufs, les vaches et les moutons nécessaires à l'alimentation de l'armée; des contributions en argent proportionnées à la richesse des endroits.
Tous les matins, on bat la breloque dans les camps pour la distribution du pain et de la viande ; c'est la prodigalité après la disette.
Le Directoire lui-même s'en mêle; il vient de fixer, par un arrêté, la solde des officiers en numéraire :
Général en chef : cinquante livres;
Généraux de division : quarante-cinq livres;
Généraux de brigade et ordonnateurs en chef : quarante livres ;
Chefs de demi-brigades et commissaires ordonnateurs : trente-cinq livres;
Chefs de bataillon : trente livres;
Capitaines : vingt-cinq livres;
Lieutenants : vingt livres;
Sous-lieutenants : quinze livres ;
Sergents majors : sept livres ;
Sergents et fourriers : six livres ;
Caporaux : cinq livres ;
Soldats : quatre livres" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Colli ne réussit pas davantage à se maintenir à Fossano. Le roi de Sardaigne, effrayé, conclut l'armistice de Chérasco (28 avril) qui nous livrait le passage du Pô à Valence et mettait l'armée piémontaise hors de cause.
"Immédiatement après cette affaire, les 2e et 3e bataillons de la 69e demi-brigade se portèrent sur Fossano avec la division. Le 1er bataillon reçut ordre de se rendre à Ceva pour y relever la brigade du général Rusca. Deux jours après, il fut conclu un armistice entre les troupes du roi de Sardaigne et l'armée française. Cet armistice produisit successivement un traité de paix entre les deux puissances" (Rapport de Dalons).
Le Commandant Giraud écrit :
"Godogno, le 20 floréal an 4e (9 mai 1796).
... Le roi de Sardaigne effrayé concluait l'armistice de Cherasco (28 avril) qui nous livrait le passage du Pô, à Plaisance, et mettait l'armée piémontaise hors de cause.
Le bataillon de Ceva et les deux bataillons de Fossano, quittèrent alors leurs cantonnements pour rallier le gros de l'armée ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 28 avril 1796 (9 floréal an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Cherasco au Général Serurier : "Le général Serurier partira demain matin, 10 floréal, avec les troupes désignées dans l'instruction jointe ... Il résulte de ces dispositions que le général Sérurier se mettra en marche demain pour Cherasco, avec ... la 19e demi-brigade de bataille ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 264). Rappelons que la 19e de Bataille va devenir la 69e.
Armée d'Italie, composition, et effectifs, 29 avril 1796 - 10 floréal an IV (après Cherasco) In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796" |
Bonaparte a été frappé de la force de résistance que les Bataillons de Grenadiers sardes ont déployée dans les divers combats, de leur valeur incontestablement supérieure à celle du reste des troupes piémontaises. Il a pu juger également de l'efficacité de ses propres têtes de colonne qui lui ont, en plusieurs circonstances, valu la victoire. Aussi, dès le 28 avril (Ordre du jour - Arch. G.), prescrit-il d'étudier la formation, dans chaque Division, de Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers à l'aide des Compagnies d'élite prélevées dans toutes les Demi-brigades. Chacun de ces Bataillons doit être fort de six Compagnies à l'effectif de 100 hommes. Formée de soldats éprouvés, encadrée, enlevée par des Officiers d'élite, cette troupe va constituer une avant-garde d'une solidité et d'une vigueur incomparables, dont l'exemple devait échauffer les plus timides.
"Le 11 floréal, le bataillon qui était à Céva et les deux qui étaient à Fossano se mirent en marche pour rejoindre l'armée qui avait déjà fait des progrès rapides; ils se réunirent le 13 (2 mai) à Alba ..." (Rapport de Dalons).
Le Commandant Giraud écrit :
"Godogno, le 20 floréal an 4e (9 mai 1796).
...
Le 13 floréal (2 mai), ils (les trois Bataillons) étaient réunis à Alba, pour de là gagner Plaisance ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 3 mai, Bonaparte donne ses ordres pour que les Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers soient aussitôt formés.
Le 5 mai, les Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers sont réunis en un Corps d'avant-garde, sous les ordres d'un valeureux Officier, le Général Dallemagne, qui vient de rejoindre l'armée. On lui donne pour Chef d'Etat-major l'Adjudant général Lanusse, et pour commander les Grenadiers, le Chef de Brigade Lannes ; tous deux se sont signalés par leur bravoure entraînante dans les combats de Dego.
Le 1er Bataillon de Grenadiers est formé des Compagnies des 45e et 69e (Division Sérurier - Etat de situation du 8 mai, 19 floréal : Arch. G. - cité par F. Bouvier). Le Corps d'élite devait se rassembler le même jour au bourg de Casteggio, mais le 1er Bataillon n'étant pas prêt ne rejoint Casteggio que le 7.
Armée d'Italie, composition, et effectifs, 8 mai 1796 - 19 floréal an IV (lors de la marche sur Plaisance) In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796" |
Le Commandant Giraud écrit :
"Godogno, le 20 floréal an 4e (9 mai 1796).
... Plaisance, où ils (les trois Bataillons) rallièrent la division Serrurier le 20 floréal (9 mai).
A cette date, nous avions déjà 30,000 hommes au-delà du Pô. Aujourd'hui, nous nous reposons à Codogno. Combien ce repos durera-t-il? Nous l'ignorons" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
"Un armistice ayant été conclu entre les troupes sardes et l'armée française, la 69e se mit en marche le 30 avril, et arriva le 9 mai à Plaisance" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Bonaparte, débarrassé du Piémont, peut alors tourner tous ses efforts contre Beaulieu. Celui-ci, pour couvrir Milan, nous attend à Lomello, devant le pont de Valence. Mais Bonaparte le gagne de vitesse : il achemine en hâte sur Plaisance ses divisions par le défilé de la Stradella, passa le Pô à Plaisance et débouche sur les derrières de l'ennemi.
Pendant ce temps, Beaulieu, menacé sur ses communication, a abandonné successivement les lignes de l'Agogno, du Tessin, de l'Adda (Lodi) et se repliait sur le Mincio. Il est battu à Lodi le 10 mai 1796.
- Prise de Pizzighettone (12 mai 1796 - 23 floréal An IV)
"... et (les trois Bataillons) firent ensuite des marches forcées avec la division, qui arriva à Plaisance le 20 floréal. Nos trois compagnies de grenadiers furent joindre l'avant-garde de l'armée à Pizzighettone (sur l'Adda) et participèrent à la prise de la forteresse" (Rapport de Dalons).
Le 13 mai, l'avant garde et le Général Dallemagne sont laissés dans la place de Pizzighettone.
"Le lendemain, la demi-brigade passa le Pô et bivouaqua un jour sur les bords de ce fleuve" (Rapport de Dalons).
Le 19 mai 1796 (30 floréal an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Milan au Général Augereau : "... le général Augereau est prévenu que la compagnie auxiliaire de la 19e demi-brigade a l'ordre de se rendre à Pavie pour y tenir garnison ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 457).
Par ailleurs, l'amalgame des Demi-brigade d'Infanterie touche à sa fin; quelques jours plus tard, elles prennent par tirage au sort le nouveau numéro sous lequel elles vont désormais servir (ordres du jour de Berthier, du 23 et du 26 mai (Arch. G.) cités par F. Bouvier). Ce tirage au sort a lieu le 26 mai (7 prairial) en présence de Berthier et de l'Etat-major par des Officiers de chaque Demi-brigade. Le Procès-verbal de l'Adjudant général Vignolle, signé par les Chefs de Bataillon Perreimond, de la 19e ; Goujon, de la 20e ; les Capitaines Faure, la Jonquière, de la 39e ; Méresse, de la 70e; Molleau de la 69e ; Giraud, de la 99e etc., etc., et par les Adjoints Ballet, Bertrand et Baurot (pièce classée au 29 mai, Arch. G.), atteste que la 19e devient la 69e. Le Général en chef là-dessus ordonne qu'à compter du lendemain 8 prairial (27 mai), les Demi-brigades ne porteront plus que leurs nouvelles dénominations.
Beaulieu, battu à nouveau à Borghetto (30 mai 1796), cède le passage du Mincio, et, remontant l'Adige, se retire en hâte vers le Tyrol; Bonaparte ne peut songer à l'y suivre, la faiblesse de l'armée française ne lui permettant pas de pousser plus loin ses succès en laissant sur ses derrières la grande place de Mantoue et une population hostile. L'armée vient donc border l'Adige et la rive sud du lac de Garde pour couvrir le siège de Mantoue, qui est désormais son objectif, siège assuré par une Division.
- Blocus de Mantoue
"La 69e fut se reposer ensuite quelques jours à Codogno, revint encore à Plaisance, passa derechef le Pô et marcha, dans les premiers jours de prairial, avec la division, à la poursuite de l'armée autrichienne. Il ne se passa rien d'intéressant pendant cette marche. Nos grenadiers rentrèrent à la demi-brigade, à Valeggio, le 13 prairial" (Rapport de Dalons).
"Elle franchit le Pô le 10, gagna Codogno, revint à Plaisance, repassa le fleuve, et se mit à la poursuite de l'armée autrichienne" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le 1er juin 1796 (13 prairial an IV), les dispositions du Général en Chef sont expédiées, depuis le Quartier général à Peschiara aux Divisions de l'armée; la 19e demi-brigade de Ligne (sic) devient la 69e; elle demeure à la Division Serurier, avec un effectif de 2700 hommes, stationnés à Goito (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 540).
"Pendant qu'une partie de l'armée marchait sur Peschiera et Vérone, la division Sérurier reçut ordre de se porter le 14 sur Mantoue. Elle longea le Mincio, passa à Goïto et arriva le même jour à Marmirolo. Le 15, elle fut en reconnaissance jusqu'auprès de Mantoue, et vint prendre le lendemain ses positions devant cette place. Les 1er et 2e bataillons eurent leur emplacement au château de la Favorite et 3e bataillon au faubourg Saint-Georges" (Rapport de Dalons).
"... poussa, le 3, une reconnaissance sous les murs de Mantoue, et s'établit le 4 devant cette place. Elle prit part aux travaux de tranchée à la Favorite, à Saint-Georges, à Pietolo, et subit toute l'influence des exhalaisons du lac" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le 12 juin 1796 (24 prairial an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Pavie au Général Serurier : "Le général Serurier est prévenu que le général Augereau a des ordres pour partir, avec les troupes de sa division, le 28 de ce mois, et de se porter sur Bologne. En conséquence, il reste seul chargé du blocus de Mantoue, ayant à ses ordres la 18e demi-brigade de bataille, la 19e idem (sic) ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 620).
"... Ce dernier bataillon (le 3e) fut, peu de jours après, relevé par le premier, et se porta au camp de Belfiore, près Cérèse, où il était sous les ordres du général Dallemagne ... " (Rapport de Dalons).
Le 7 juillet 1796 (19 messidor an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Roverbella au Général Serurier : "Le général Serurier fera toutes les dispositions nécessaires pour attaquer, le 22 au soir, les ouvrages avancés de Mantoue, du côé de la porte de Cerese, suivant le projet qui lui a été communiqué par le général en chef, lorsqu'il est venu au quartier général. L'artillerie commencera dès demain à faire les travaux nécessaires.
Le général Serurier aura pour cette
opération, indépendamment des pièces d'artillerie de sa division, trois pièces de 8, et trois obusiers de l'artillerie légère, et la 19e demi-brigade de bataille (sic) ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 731).
Le 10 juillet 1796 (22 messidor an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Porto-Legnano au Général Serurier : "Le général Serurier est prévenu qu'il continue à commander le siège de Mantoue, ayant sous ses ordres les 19e, 45e et 69e demi-brigade de batailles (sic) ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 620). Si ici, il s'agit effectivement des Demi-brigades de Bataille, la 19e correspond à la 69e nouvelle, la 45e à la 19e nouvelle, et la 69e à la 18e (encore appelée 18e de Bataille dans les dispositions du 1er juin 1796 (13 prairial an IV - lettre 540). Tout cela ne facilite guère les choses !
"... Ce bataillon (le 3e) a assisté, le 30 messidor (l8 juillet) à l'attaque de l'Isle, où il a eu cinq hommes tués. La demi-brigade a eu sa part aux travaux de tranchée, soit à la Favorite, soit à Saint-Georges, soit à Piétole. Ces travaux pénibles n'ont pas peu contribué à l'écraser; elle a été désolée par les maladies qu'occasionnaient les exhalaisons fétides du lac" (Rapport de Dalons).
Cependant, un orage s'est formé dans le Tyrol. Une armée autrichienne, commandée par Wurmser, supérieure en nombre à la nôre, allait en déboucher sur deux colonnes de part et d'autre du lac de Garde : l'une, aux ordres de Quasdanovich, par la rive occidentale du lac de Garde; l'autre, la principale, par la rive orientale.
Le 29 juillet leurs avant-gardes se heurtent à nos premiers postes. Masséna est rejeté du plateau de Rivoli, et Sauret bousculé à Salo. Les communications de l'armée sont coupées, la situation est critique.
Ce jour là, le Commandant Giraud écrit :
"Château de la Favorite, 11 thermidor
an 4e (29 juillet 1796).
Beaulieu menacé dans ses communications a abandonné successivement les lignes de l'Agogno, du Tessin, de l'Adda et se replie sur le Mincio. Battu à Borghetto, il a cédé le passage du Mincio et remonte l'Adige. Buonaparte ne peut s'aventurer plus loin, en laissant sur ses derrières une place aussi forte que Mantoue et une population hostile.
La division Serrurier est chargée d'investir la forteresse de Mantoue et d'en faire le siège. A cet effet, mon bataillon a été dirigé sur le château de la Favorite, le 2e sur le camp de Belfior, près de Sorèze et le 3e sur le Faubourg Saint-George.
Wurmser et Buonaparte entament une partie de piquet clans laquelle ce dernier a fait son adversaire capot.
Au début de ce chassé-croisé, Serrurier dut abandonner Mantoue, enclouer ses affûts, noyer ses poudres pour se porter contre Quasadovich qui descendait du Tyrol par la rive occidentale du lac de Garde. Mais Buonaparte amuse Wurmser au passage du Mincio, et le moment n'est pas éloigné où il lui passera sur le corps" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Bonaparte n'hésite pas à abandonner le siège de Mantoue et à rallier ses divisions dispersées en demi-cercle autour de la place afin de porter toutes ses forces contre Quasdanovich, tandis qu'il amuse Wurmser au passage du Mincio.
Le 1er août, les Divisions ont atteint la Chiese et le Général en chef décide de se porter sur Brescia pour rouvrir la route de Milan.
La division Augereau se met en bataille et prend ses dispositions pour repousser l'ennemi des hauteurs de Monte-Chiaro. Pourailly s'empare de Ponte-San-Marco.
Augereau apprend par quelques paysans que les Autrichiens vont évacuer Brescia; il résout de les joindre : il se met à la tête de sa cavalerie et arrive aux portes de la ville, comme la colonne ennemie en sort. Il la charge jusqu'au pied des montagnes et rentre dans Brescia.
"Dans la nuit du 13 au 14 thermidor, on leva précipitamment le siège devant Mantoue, les 1er et 2e bataillons de la 69e faisant partie de la subdivision du général Pelletier effectuèrent leur retraite sur Goïto, où ils se réunirent à une partie de la division du général Augereau; on se mit ensuite en marche après quelques heures de repos et l'on arriva vers le soir à Castiglione, d'où les colonnes partirent dans la nuit pour se rendre à Monte-Chiaro (sur la Chièse), où elles arrivèrent le 15 au point du jour" (Rapport de Dalons).
"Le siège ayant été brusquement levé dans la nuit du 31 juillet au 1er août, les deux premiers bataillons, commandés par le général Pelletier, se replièrent sur Goïto, firent une courte halte, et arrivèrent le soir même à Castiglione. Ils s'arrêtèrent à peine dans cette ville. Ils reprirent leur mouvement dès que la nuit fut close, et gagnèrent Montechiaro où ils furent rendus à la pointe du jour" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Bonaparte est donc momentanément débarrassé du corps de Quosdanovitch, le plus menaçant. Il lui faut se retourner contre l'armée principale. Mais il hésite à livrer bataille : "La victoire est d'autant plus certaine que les troupes ne respirent que pour se battre", lui dit Augereau. Il cède à ses instances et, à la vue de l'entrain endiablé des troupes, il décide l'attaque générale pour le 3 août (16 thermidor).
Le 2 août 1796 (15 thermidor an IV), est expédié par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Brescia, la nouvelle composition des Division de l'Armée : "Général Augereau : 4e, 45e et 51e demi-brigade de ligne, 1er et 2e bataillon de la 69e et la 17e demi-brigade d'infanterie légère.
Les généraux de brigade employés dans sa division seront les généraux Robert, Pelletier et Beyrand. Il placera ces trois généraux ainsi qu'il le jugera à propos ...
Général Serurier : ... 3e bataillon de la 69e ... " (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 822).
"C'est là (à Monte-Chiaro) que le général en chef vint passer la revue de ses troupes ; c'est là qu'il s'assura par lui-même du peu de dispositions qu'elles avaient pour la retraite, et du désir dont elles brûlaient de réprimer l'orgueil d'un ennemi qui se croyait déjà victorieux parce qu'il avait obtenu quelques légers avantages. Son génie actif sut mettre à profit ces heureuses dispositions : les ordres sont donnés, l'armée française, oubliant ses souffrances et les fatigues occasionnées par les marches qu'elle vient de faire, se met en marche dans la nuit du 15 au 16 thermidor (2-3 août) et arrive, au point du jour, dans une vaste plaine peu éloignée de Castiglione" (Rapport de Dalons).
"C'est là que le général en chef vint passer la revue des troupes, c'est là qu'il s'assura par lui-même de la répugnance qu'elles avaient pour la retraite, et du désir de combattre qui les animait. Ces heureuses dispositions sont mises à profit ; les ordres courent, l'armée oublie ses fatigues, et, le 16, avec le jour, elle se déploie dans la vaste plaine de Castiglione" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
- Bataille de Castiglione (figure au drapeau) (3 août 1796 - 16 thermidor an IV)
La division, composée des 4e, 51e, 69e, 45e Demi-brigades, doit quiter Brescia pour se rendre à Monte-Chiaro. Elle en part le 16, à la pointe du jour, pour débusquer les Autrichiens de Castiglione-Delle-Stiviere, tandis que Masséna se dirige sur Lonato et Sauret sur Salo.
Le 3e Bataillon de la 69e, soutenu par le 22e Régiment de Chasseurs, s'avance dans la plaine, les 1er et 2e Bataillons et la 45e, aux ordres de Pelletier, forment la colonne de gauche, avec mission de déborder le flanc droit de l'adversaire.
Les grenadiers, réunis sous le commandement de l'Adjudant-général Verdier, attaquent le château qui, situé sur un rocher aride et dominant la ville, tient les Français sous un feu terrible. Us s'en emparent sans avoir tiré un seul coup de fusil.
Comme la ville résiste toujours, Augereau donne aux troupes du général Beyrand l'ordre de s'en emparer. L'attaque, dès le début, est acharnée, mais ces héros ont juré de vaincre; au pas de charge, le bourg est enlevé. L'ennemi reforme ses colonnes; un nouvel effort l'oblige, une seconde fois, à la retraite.
Augereau dirige sa dernière réserve sur le pont de Castiglione, pendant que Pelletier prend possession du château et garde les hauteurs. Electrisées par les succès remportés, les colonnes françaises forcent le pont et obligent la division Liptay, avant-garde de Wurmser, à se replier.
La bataille finit avec le jour, les soldats n'ont plus de forces, ils tombent, accablés de lassitude; par une chaleur excessive, ils n'ont pu trouver une goutte d'eau de toute la journée.
"Déjà nos tirailleurs sont aux prises avec l'ennemi ; sur-le-champ, les colonnes se déploient, se forment en bataille et marchent au pas de charge. La division du général Augereau est à la droite, et la subdivision commandée par le général Pelletier (dont la 69e) est à la gauche. Le combat s'engage, l'ennemi est complètement battu et repousé sur tous les points; il est forcé d'abandonner la ville; il se replie sur les hauteurs; résiste vivement dans la soirée et se retire néanmoins pendant la nuit dans le plus grand désordre. La 69e a été dans cette journée ce qu'elle avait été à Mondovi ; sa perte a été cependant moins considérable : elle a eu 5 hommes tués et 26 blessés; les capitaines Adrian, Giraud, Lavagne, lieutenant Dalidon, ont été en outre blessés; le premier est mort des suites de ses blessures" (Rapport de Dalons).
"Les tirailleurs s'engagent presque aussitôt, les colonnes se développent, se forment, s'ébranlent au pas de charge. La division du général Augereau tient la droite, la brigade commandée par le général ... est à la gauche. Le feu s'ouvre : l'ennemi est battu sur tous les points, et obligé d'évacuer la ville. Il se replie sur les hauteurs, résiste vivement toute la soirée, et se retire en désordre pendant la nuit.
La 69e fut dans cette journée ce qu'elle avait été à Mondovi. Ses pertes cependant furent moins considérables. Elle eut 5 hommes tués et 21 blessés. Les capitaines Andréan et Giraud, les lieutenants Lavergne et Dalidon furent atteints de plusieurs coups de feu. Le premier mourut des suites de sa blessure" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Les Lieutenants Giraud, André (sic - mort le 16 vendémiaire an V à Mantoue) et Lavagne, sont blessés le 16 thermidor an IV (3 août 1796) à Castiglione.
- 2e Bataille de Castiglione
Quasdanovich a été complètement écrasé à Salo, Lonato, etc. (3-4 août); Bonaparte détache Augereau au devant de Wurmser, qui est arrêté puis battu à son tour à Castiglione.
"Le 17, la demi-brigade reçut l'ordre de quitter les hauteurs où elle avait passé la nuit pour venir se reposer à Castiglione. Le même jour, le 3e bataillon vint la rejoindre.
Le 18, elle marcha avec l'armée et arriva le soir aux environs de Borghetto, où elle bivouaqua. L'ennemi occupait alors les hauteurs de Valeggio; mais il jugea à propos de les évacuer pendant la nuit" (Rapport de Dalons).
"Le 17, la demi-brigade descendit à Castiglione où elle fut ralliée par son 3e bataillon, et suivit le lendemain le mouvement de l'armée. Elle se porta sur Borghetto ..." (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
La 69e parait avoir été maintenue dans cette journée, la plus importante de la 1re campagne contre Wurmser, en seconde ligne de la division Augereau, avec la 45e.
Les drapeaux pris dans les journées de Castiglione font présentés au Directoire par le jeune Capitaine Dutaillis, alors Aide-de-camp du Général Berthier : "Brave guerrier, s'écrie le président, retournez auprès de vos compagnons, dites-leur que la reconnaissance nationale est égale à leurs services et qu'ils peuvent compter sur la gratitude de leurs concitoyens, autant que sur l'admiration de la postérité".
Bonaparte, dans son ordre du jour daté de Milan, l'avait bien proclamé : "... Vous rentrerez alors dans vos foyers et vos concitoyens diront en vous montrant : Il était de l'armée d'Italie !".
- 2e siège de Mantoue
Après Castiglione, Wurmser se retire sur Trente. Bonaparte reprend le blocus de Mantoue avec les troupes qui y ont été précédemment affectées. Il replace les autres Divisions en observation sur l'Adige et les deux rives du lac de Garde contre le Frioul et le Tyrol.
"Le 19, la demi-brigade dirigea sa marche sur Peschiera, se porta successivement sur Vérone, revint devant Mantoue; resta quelques jours à Marmirolo, se porta de là à Borgoforte puis a Saint-Martin et Marcaria, d'où elle partit dans les premiers jours de vendémiaire pour venir occuper près de Mantoue les postes de Saint-Georges, Banconi et Prada" (Rapport de Dalons).
"... Peschiera, Vérone, revint devant Mantoue, resta quelques jours à Marmirolo, passa de là à Borgoforte, à Saint- Martin, à Mercarin, d'où elle alla s'établir à Saint-Georges, à Bancoli, à Prada" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le Commandant Giraud écrit :
"Ambulance de Castiglione le 20 thermidor an 4e (7 août 1796).
A la bataille du 16 thermidor, j'ai été blessé à la cuisse gauche d'un coup de feu qui n'a fait que traverser les chairs : c'est le baptême du sang.
Nous avions quitté Mantoue dans la nuit du 13 au 14 thermidor (31 juillet-1er août). Le 15 on était à Montechiaro, où le général en chef vint nous passer en revue. Un enthousiasme indescriptible régnait dans les rangs de la troupe. Pour la première fois, on acclamait ce petit bonhomme, aux allures froides et si peu engageantes. Pas un de ses muscles ne trahissait la satisfaction de voir combien ses troupes brûlaient du désir de réprimer l'orgueil d'un ennemi qui se croyait déjà victorieux, parce que le siège de Mantoue avait été levé. Buonaparte avait l'oeil; son génie sut mettre à profit ses heureuses dispositions.
Dès lors, l'armée française oubliant ses souffrances et les fatigues essuyées par les marches forcées de ces derniers jours s'ébranla dans la nuit du 15 au 16 thermidor (2-3 août), et arriva au point du jour dans la vaste plaine qui précède Castiglione. Nos tirailleurs se heurtent à l'ennemi ; les colonnes qui les suivent se déploient, la division Augereau à droite, la brigade Guien de la division Serrurier à gauche.
La 69e demi-brigade défile devant Buonaparte. Précisément, dans ce moment-là, arrivaient en sens inverse, quelques canonniers sans leurs pièces. "Ces bougres-là vous ont pris vos canons, dis-je au brigadier qui semblait les commander; nous allons vous les rendre... " Et, tambour en tête, nous nous précipitons en avant, au pas de charge ; une volée de balles m'arrête dans ma course; je tombe. Deux de mes soldats me ramassent et me portent à l'ambulance. A partir de ce moment-là, soit fatigue, soit épuisement, je fermai les yeux. Lorsque je les rouvris j'étais installé dans un bon lit; dans un large et vaste corridor d'une abbaye quelconque, haut de voûte et percé de longues fenêtres ogivales donnant sur un jardin aux grands arbres, où gazouillaient des pinsons et des rouges-gorges.
Un joli réveil pour un lendemain de victoire ! ...
Jamais peut-être on n'a fait une guerre plus active, plus meurtrière que celle que nous faisons depuis deux mois. L'armée ennemie n'existe, pour ainsi dire plus ; ses débris coupés et sans retraite possible se sont réfugiés dans Mantoue avec Wurmser. Ah ! le moral est affecté chez l'Autrichien. Encore une victoire comme celle de Castiglione et nous sommes maîtres de toute la haute Italie.
Les légions romaines faisaient, dit-on, vingt-quatre milles par jour; nos soldats en ont bien fait trente et se sont battus presque chaque jour dans l'intervalle.
Le chirurgien-major qui me soigne m'assure que dans un mois, ma blessure sera fermée et que je serai prêt à recommencer. Si cet esculape a dit vrai, je demanderai une permission de six décades pour aller embrasser mes soeurs qui trouveront en moi, un soldat au teint bruni, laissant quelquefois échapper un juron, mais galant comme un grenadier et conservant toujours pour elles, malgré les dehors d'un rustre, le coeur et l'amitié d'un frère" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Lieutenant Giraud blessé à Castiglione est évacué sur son dépôt, qui est à Toulon, pendant que la 69e Demi-brigade est détachée de la Division Augereau, pour faire le siège de Mantoue.
Bonaparte est cependant mis au courant de l'offensive de Moreau sur le Rhin. Dans le but de lui donner la main, il se porte sur Trente. De son côé, Wurmser rassemble une nouvelle armée et fait une nouvelle tentative. Il débouche du Tyrol par la vallée de la Brenta, pour gagner le bas Adige, pendant que son lieutenant Davidovich doit descendre le fleuve, de Trente sur Rivoli.
Mais Bonaparte a devancé son offensive : il refoule Davidovich et lui fait évacuer Trente. Il laisse ensuite Vaubois en face des débris de Davidovitch, refoulé le long de l'Adige, et se jette à la poursuite de l'armée principale, suivant hardiment la vallée de la Brenta sur les derrières de Wurmser.
Wurmser est battu Primolano et à Bassano; il hâte sa marche sur Mantoue, qu'il débloque. Enfin, le 15 septembre 1796 (29 fructidor an IV), Bonaparte le chasse, par les combats de la Favorite et de Saint-Georges, des glacis où il avait espéré se maintenir et le force à rentrer dans la place et à s'y enfermer.
"A cette époque, la demi-brigade se trouvait considérablement affaible par les maladies; elle eut part à l'affaire du 29 fructidor (15 septembre) au moyen d'un détachement de 400 bommes, commandé par le chef de bataillon Vincent. Ce détachement donna à la Favorite, sous les ordres du général Sahuguet; une partie de la colonne paraissait ébranlée, ce détachement arrive à propos, rallie les fuyards, ranime leur courage, et l'ennemi se voit bientôt obligé de rentrer précipitamment dans la place.
La perte de cette journée consiste en cinq hommes blessés et deux tués. Le capitaine Raynaud a été aussi blessé" (Rapport de Dalons).
"Cruellement décimée par les maladies, elle ne put mettre en ligne que 400 hommes à l'affaire du 15 septembre. Mais ce détachement si faible n'en rendit pas moins un service signalé. Il rallia les troupes qui commençaient à fuir, il leur rendit courage, et la colonne tombant de tout son poids sur les Autrichiens les refoula dans la place. Le détachement eut 5 blessés et 2 morts" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le Capitaine Renaud (sic) est blessé.
Le 16 septembre 1796 (30 fructidor an IV), Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Due-Castelli, au Général Berthier : " ... Le général Kilmaine sera chargé du blocus des troupes ... il aura en tout la 5e demi-brigade de bataille; la 11e idem; la 12e idem; la 6e idem, la 19e idem; la 45e idem; la 69e idem ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1001; Correspondance générale de Napoléon, t.1, lettre 903).
Le même jour, Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Due-Castelli, au Général Kilmaine : "L'état-major vous aura prévenu que je vous ai choisi, Citoyen Général, pour commander le blocus et le siège de Mantoue ......" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1002).
Le 24 septembre 1796 (3 vendémiaire an V), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Milan au Général Kilmaine : "... il vous restera pour le blocus de Mantoue les 5e, 6e, 10e, 11e, 12e, 19e, 45e et 69e demi-brigades de bataille ..." (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1022).
le 29 septembre 1796 (8 vendémiaire an 5), le Général Kilmaine écrit, depuis Rodiza, au Général en chef : "… Il n 'y a pas encore un seul fusil arrivé a Crémone ; mais Landrieux en a trouvé trois cents neufs à Raggiolo dans un château abandonné, et il me les envoie ; j'en arme 300 hommes de la 69e brigade, que je fais venir de Crémone …" (Panckoucke : « Correspondance inédite officielle et confidentielle de Napoléon », t. 2 Italie ; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.1, p. 371).
Le 30 septembre 1796 (9 vendémiaire an V), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Milan au Général de Brigade Kilmaine : "Vous donnerez des ordres, Général, à la demi-brigade la plus faible des 19e, 45e ou 69e, pour qu'elle se porte de l'endroit où elle se trouve pour se rendre le 12 à Marcaria, et le 13 à Crémone, où elle recevra de nouveaux ordres. Le général Kilmaine m'enverra l'état de situation de la demi-brigade qu'il aura fait partir ..." (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1054).
"Le 16 vendémiaire (7 octobre 1796), la garnison de Mantoue fait une sortie d'environ 3,000 hommes parmi lesquels il y avait beaucoup de cavalerie, et se porte sur le château de Prada qu'occupait le 3e bataillon, pour y opérer un fourragement. Ce bataillon est déjà cerné, mais il se défend et fait feu de tous les côés. Le chef de bataillon Jeaunaux arrive bientôt de Banconi à la tête du second bataillon, fond avec impétuosité sur l'ennemi, le charge à la baïonnette, parvient à dégager le 3e bataillon, fait 120 prisonniers, enlève quelques chars et force l'ennemi à rentrer dans la citadelle.
Ces deux bataillons ont eu dans cette affaire deux hommes tués et trois blessés. Le lieutenant André a été aussi blessé" (Rapport de Dalons).
"Une colonne de 3,000 hommes sort de Mantoue le 1er (sic) octobre et va fourrager autour de Prada. Le 3e bataillon est rejeté dans le château ; attaqué à vigueur, il se défend avec énergie, et cependant court risque d'être enlevé, lorsque le chef Jeanneau vient à son aide avec le 2e bataillon. Il attaque, charge les Impériaux à la baïonnette, leur fait 120 prisonniers et les refoule dans la citadelle. Il eut 2 morts et 3 blessés" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Selon d'autres rapports, le 2e Bataillon était commandé par l'Adjudant-major Thirion, qui aurait enlevé 2 canons et fait 200 prisonniers.
Le 16 vendémiaire an V (7 octobre 1796), le Lieutenant André est blessé à Mantoue.
Le Grenadier Brunet, encore souffrant d'une blessure reçue à Toulon, est relevé atteint d'une balle dans la cuisse, au moment où il sautait un fossé, pour se précipiter sur une section ennemie.
Dans cette même sortie, les petits postes avancés qui se trouvaient sur la route de la citadelle à Suave, sont repoussés; le Capitaine Magne, de garde avec quarante hommes, sur le point de subir le sort des postes environnants, se renferme dans une maison isolée, s'y barricade et, quoique cerné de toutes parts, se défend avec une intrépidité extraordinaire. Vers le soir, seulement, deux compagnies viennent le dégager; les quarante braves sortent de leur fort improvisé, chargent l'ennemi, le poursuivent et lui font une centaine de prisonniers. Magne à lui seul en a fait dix-sept ! II est cité à l'ordre du jour de l'armée.
"Le 7 brumaire (28 octobre), l'ennemi opère dans la nuit, un débarquement entre Saint-Georges et Valdaro, au nombre d'environ 1,200 hommes d'élite. L'obscurité de la nuit et la crue des eaux du lac lui avaient rendu cette tentative aisée; il se présente deux heures avant le jour sous les retranchements qui sont au-devant de la porte de gauche, et essaye de grimper à travers; la garde, composée d'environ 30 grenadiers, lui oppose une vigoureuse résistance, et le contient avec ses baïonnettes. Aussitôt la garnison prend les armes; le chef de brigade donne des ordres pour renforcer tous les points susceptibles d'être attaqués, et se porte lui-même, avec le gros de sa troupe, à l'endroit où le feu était déjà engagé. On se bat vivement; l'ennemi se déconcerte et prend la fuite; aussitôt qu'il est jour, la compagnie de grenadiers fait une sortie, et ramène 122 Autrichiens, qui n'avaient pas eu le temps de s'embarquer. Nous avons perdu, dans cette affaire, le capitaine de grenadiers Crouet, le sous-lieutenant de grenadiers Millet, et un caporal qui ont été tués. L'ennemi a eu de son côé 20 blessés et 10 morts" (Rapport de Dalons).
"Le 28, un parti autrichien débarque dans la nuit entre Saint-Georges et Valdaro. L'obscurité et la crue des eaux le protègent. Il se présente devant les retranchements qui couvrent la porte de gauche et essaie de les escalader. La garde ne compte que 30 hommes, mais elle fait bonne contenance, arrête et contient les assaillants avec ses baïonnettes, et laisse à la garnison le temps de prendre les armes. L'ennemi juge, à la vigueur de la résistance, que son entreprise est manquée, et s'éloigne. Une compagnie de grenadiers se met à sa poursuite ; elle le charge sur le rivage et lui fait 122 prisonniers. Le capitaine de grenadiers Crouet, le sous-lieutenant Miliet et un caporal sont tués. Les Autrichiens ont 10 morts et 20 blessés" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le 28 octobre 1796 (7 brumaire an V), le Capitaine Crouet et le Sous-lieutenant Millet sont tués à Saint-George.
Tandis que la garnison de Mantoue, renforcée des débris de Wurmser, inquiète ainsi le corps de blocus, l'Autriche prépare activement une nouvelle tentative pour sauver la place, et l'exécution en est confiée à Alvinzy. Dans les premiers jours de novembre, ce Général débouche du Frioul avec son armée principale, tandis qu'un corps secondaire commandé par son lieutenant Davidowitch rejette Vaubois le long de l'Adige jusqu'à Rivoli.
Cette attaque, qui met un moment l'armée française dans une situation critique, échoue encore dans les marais de l'Alpon, devant le génie et l'obstination de Bonaparte (Arcole, 24, 25, 26 brumaire - 15, 16, 17 novembre).
Dans cette période difficile, on fait appel à une partie des ressources du blocus, et la garnison redouble d'efforts.
- Combat de Ronco
"Je touche à cette époque où l'armée d'Italie, attaquée par un ennemi très supérieur en nombre, est obligée de faire des prodiges de valeur pour conserver ses positions. On prend, le 20 brumaire, tous les premiers bataillons du blocus de Mantoue pour former un corps de réserve à Roverbella. Le 1er bataillon de la 69e demi-brigade est de ce nombre; il part et reçoit l'ordre de se porter partout où le besoin l'exige. En un mot, il a été pendant quinze jours en mouvement et a eu part à l'affaire de Ronco où il a perdu trois hommes" (Rapport de Dalons).
"Les Impériaux reparaissaient avec une armée formidable. Les premiers bataillons du corps de blocus se réunissent le 10 novembre et forment un corps de réserve qui s'établit à Roverbella. Celui de la 69e prend part à l'affaire de Ronco et y perd 3 hommes" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le 18 novembre 1796 (28 brumaire an V), une lettre est expédiée, depuis le Quartier général de Ronco, au Général Augereau : "Le général en chef, Citoyen Général, ordonne que votre division se mette en mouvement, le plus tôt possible, pour se porter sur Villanova, en attaquant par la droite du canal, en même temps que la division du général Masséna, qui attaque par la gauche, en suivant la chaussée. Vous vous concerterez avec le général Masséna, pour que vos divisions marchent à la même hauteur et attaquent ensemble. Le bataillon de la 69e restera avec le général Guieu à la réserve ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1195).
- Combat de la Favorite
"Pendant que les deux corps d'armée en sont aux prises, la garnison de Mantoue veut aussi se mettre de la partie. Elle fait, le 3 frimaire, une sortie d'environ 3,000 bommes. Elle attaque les postes de la Favorite et Saint-Antoine qui, accablés par le grand nombre, sont obligés de se replier sur Banconi; il y avait alors à la Favorite 5 compagnies du second bataillon et 100 hommes du 3e. Les lieutenants Argence et Petitfrère ont été blessés à cette affaire ainsi que 10 hommes et le citoyen Lambert, capitaine, commandant la 2e compagnie de grenadiers, qui est mort à la suite de sa blessure à Crémone. Aussitôt, le faubourg Saint-Georges est bloqué et canonné par l'ennemi, qui n'ose point cependant en tenter l'assaut. Vers le soir, les troupes de Saint-Antoine et de la Favorite, renforcées par un bataillon de grenadiers qui arrivait le même jour à l'armée, attaquent vivement l'ennemi; de son côé, une partie de la garnison de Saint-Georges fait une sortie. L'ennemi, déconcerté, prend la fuite et rentre dans la place. On le poursuis avec chaleur jusque sous les glacis de la citadelle. Peu de jours après, le 1er bataillon vient rejoindre les deux autres" (Rapport de Dalons).
"Les deux armées ne tardent pas à être aux prises. La garnison de Mantoue se met en devoir de soutenir les troupes qui cherchent à la dégager. Elle fait, le 23, une sortie des plus vives. Elle attaque les postes de la Favorite, ceux de Saint-Antoine, et les rejette sur Branconi. Elle se déploie alors autour du faubourg Saint-Georges, et le canonne sans oser cependant lui donner l'assaut. Le temps s'écoule, la nuit approche; les troupes si vivement repliées sur la Favorite et sur Saint-Antoine sont renforcées par un bataillon arrivé le jour même. Elles reprennent l'attaque et la garnison de Saint-Georges fait une sortie. L'ennemi, battu, est poussé en désordre jusque sous les glacis de la citadelle" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Ont été blessés à La Favorite le 23 novembre 1796 (3 frimaire an V) les Lieutenants Petitfrère (à Saint-Georges) et Argence.
Le 25 novembre 1796 (5 frimaire an V), Miollis écrit depuis Saint-George au Général Kilmaine, commandant le blocus de Mantoue, au sujet de la journée du 23 novembre : "... Le citoyen Klais, sergent au deuxième bataillon de la soixante-neuvième demi-brigade, placé le long du lac, entre la Favorite et Saint-George, s'y défendit avec tout le sang-froid, la sagacité et le courage désirables, contre les troupes qui s'y dirigeaient avec plusieurs pièces de canon. Il les arrêta pendant plusieurs heures, ne cédant le terrain que pas à pas, leur disputant le passage de tous les fossés, profitant de tous les arbres pour faire face a l'ennemi avec les braves qu'il commandait et qui sont rentrés à Saint-George sans munitions ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaparte, t.2 Italie; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.2, p. 140).
Le 11 décembre 1796 (21 frimaire an V), Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Milan, au Général Vaubois : "... Vous voudrez bien organiser les trois demi-brigades que vous avez à Livourne, en former deux bataillons de la 69e; le 3e bataillon sera formé par les troupes qui arrivent de l'Océan et organisées à Milan ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaparte, t.2 Italie; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 236 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.1, p. 282 ; Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1262; Correspondance générale de Napoléon, t.1, lettre 1144).
Après ce premier échec d'Alvinzy, les troupes françaises avaient pris leurs cantonnements d'hiver.
En janvier 1797, nouvelle tentative d'Alvinzy, à qui l'Autriche a reconstitué une armée. Son corps principal, descendant l'Adige, est battu par Bonaparte à Rivoli (14 janvier).
"Le 25 nivôse, le général divisionnaire Dumas, commandant la première division du blocus, écrit au général de brigade Miollis, commandant à Saint-Georges, pour lui donner avis que l'ennemi a passé l'Adige et qu'on doit s'attendre à avoir une affaire le lendemain; sur-le-champ, le général Miollis fait ses dispositions : il envoie deux détachements à Castellaro et Due Castelli pour observer la marche de l'ennemi" (Rapport de Dalons).
Le Caporal Colibeau, déjà blessé le 2 floréal à Mondovi, reçoit une bombe à la tête le 25 nivôse, sous Mantoue, au moment où il entraînait son escouade à l'assaut.
- Combat de Saint-George
Le lendemain 15 janvier 1797 (26 nivôse), le lieutenant de d'Alvinzy, Provera, débouchant du Frioul sur Légano, pousse sur Mantoue et essaye d'enlever aux Français le faubourg Saint-Georges. Cette attaque désespérée est soutenue par une sortie de Wurmser.
"Le 26 (15 janvier 1797), à huit heures du matin, le général Dumas écrit au général Miollis, et lui annonce que les Autrichiens ont été battus et qu'ils ont repassé précipitamment l'Adige. Chacun est prêt de se réjouir de cette heureuse nouvelle : mais cette joie n'est pas de longue durée. Vers les dix heures du matin, quelques hussards autrichiens, couverts de manteaux blancs, se présentent à une portée de fusil de Saint-Georges, sur la route de Castellaro; deux de nos grenadiers, qui étaient le long de la route, occupés à couper du bois, leur parlent, les prenant pour des dragons français; les hussards autrichiens leur disent tout doucement de se rendre prisonniers, les assurant qu'ils ne leur feraient point de mal. Les grenadiers, reconnaissant alors leur erreur, cherchent à s'esquiver, crient aux armes et s'échappent en se jetant dans les fossés; l'un d'eux évite un coup de sabre qu'on lui porte, en passant sous le ventre d'un cheval. Aussitôt le poste voisin prend les armes; les hussards se retirent. On bat la générale, la troupe est prête en un instant. Le général Miollis dispose tout pour une vigoureuse défense, on découvre bientôt une colonne considérable d'infanterie et de cavalerie; c'était la division du général Provera.
Ce général envoie un de ses aides de camp, en parlementaire, pour sommer la place de se rendre dans cinq minutes. Le général Miollis lui fait répondre qu'il ne sait que se battre. Aussitôt, une grêle de bombes et de boulets tombe sur Saint-Georges; la ville de Mantoue se met de la partie, et nous sommes entre les deux feux. Nos soldats restent immobiles sur les remparts. Bientôt les 7e et 8e compagnies du second bataillon, détachées à une ferme, à un mille de Saint-Georges, sur le chemin de Formigosa, sont vivement attaquées; elles résistent pendant quelque temps, et se replient, en se battant, sur le 3e bataillon, qui était à Valdaro. Ce bataillon, commandé par le capitaine Pascal aîné, et ces deux compagnies n'hésitent point d'effectuer leur retraite sur Saint-Georges; ils marchent pendant une heure au pas de charge, à travers les colonnes ennemies, se frayent un passage avec leurs baïonnettes, font 60 prisonniers et pénètrent dans Saint-Georges à l'aide d'une compagnie de grenadiers que le général Miollis leur envoie pour les soutenir. Ils amènent avec eux la pièce de canon qu'ils avaient à Valdaro. La canonnade ne se ralentit point de toute la journée. La garnison de Mantoue essaye de lever le pont-levis pour tenter une sortie; un coup de canon l'oblige à le baisser bien vite. Nos soldats paraissent indignés de ce que l'ennemi n'ose point tenter un assaut. La nuit vient; le feu cesse; notre communication avec la Favorite n'était point interceptée. Le général Dommartin arriva dans la nuit à Saint-Georges et nous annonça du renfort.
Le lendemain (16 janvier), la fusillade commence au dehors, deux heures avant le jour. D'un côé, une partie de la division Masséna et la 57e demi-brigade étaient aux prises avec la division de Provera; et, de l'autre, toute la ligne du blocus depuis Prada jusqu'à Saint-Georges en était aux mains avec les troupes sorties de Mantoue. Six compagnies du second bataillon étaient à la Favorite ; elles se sont battues pendant quelque temps à la baïonnette.
Aussitôt qu'il est jour, le général Miollis ordonne deux sorties, l'une par la porte de la Glacière et l'autre par celle qui conduit à Formigosa; la première, composée de 200 hommes, et la deuxième de 300. Ces 500 hommes fondent avec impétuosité sur l'ennemi. Provéra ne sait plus qu'en penser; il se voit attaqué par ceux mêmes qu'il assiège; il se voit cerné de toutes parts et demande à capituler avec le général commandant à Saint-Georges : on adhère à sa proposition et la capitulation qui a lieu porte avec elle l'empreinte de la loyauté française.
La 69e demi-brigade a eu, dans la journées des 26 et 27 nivôse, 10 hommes tués et 27 blessés. Les citoyens Dubois, Seguin et Marton, sous-lieutenants, ont été en outre blessés. On a repris, lors de la capitulation, le détachement de Castellaro, qui avait été fait prisonnier en entier, ayant été enveloppé par l'ennemi, ainsi que quelques hommes du 3e bataillon, qui avaient été pris la veille en traversant la colonne autrichienne.
Le détachement qui avait été envoyé à Due Castelli s'était replié sur Sainte-Lucie" (Rapport de Dalons).
"Le 14 janvier 1797, sur la nouvelle que l'ennemi a passé l'Adige, la demi-brigade porte des détachements à Castillar et à Due-Castelli. Le 15, des hussards ennemis, couverts de manteaux blancs, se présentent sur la route de Castillar. Deux grenadiers de la 69e, occupés à faire du bois, les prennent d'abord pour des dragons français; mais revenus bientôt de leur erreur, ils s'échappent, se jettent dans les fossés, et n'évitent les coups de sabre qu'en passant sous le ventre des chevaux. Témoin de cette agression, le poste prend les armes et la générale se fait entendre. Mais une colonne considérable d'infanterie et de cavalerie débouche en même temps qu'un officier vient sommer la place d'ouvrir ses portes. Miollis repousse une proposition semblable. Provera ouvre l'attaque et inonde Saint-Georges de projectiles. Mantoue tonne à son tour et la garnison se trouve entre deux feux. Les soldats de la 69e restent immobiles sur les remparts, mais deux compagnies détachées sur la droite de Formiglia sont vivement ramenées sur Valdero. Elles se groupent, se réunissent, s'avancent au pas de charge à travers les colonnes ennemies, et entrent dans Saint-Georges avec leur pièce qu'elles ont sauvée. La canonnade continue, mais la nuit survient et le feu cesse.
Le lendemain, il recommença deux heures avant le jour. D'un côé, une partie de la division Masséna et la 57e étaient aux prises avec le corps de Provera ; de l'autre, toute la ligne du blocus, depuis Prada jusqu'à Saint-Georges, était aux mains avec les troupes sorties de Mantoue. Six compagnies du 2e bataillon, placées à la Favorite, en vinrent plusieurs fois à la baïonnette. Le jour parut enfin; Miollis fit sortir une colonne par la porte de la glacière et tenta une autre sortie par celle qui conduit à Formiglia. Provera, cerné et attaqué par ceux même qu'il assiégeait, perdit courage et capitula. Les deux journées coûtèrent à la demi-brigade 10 morts et 30 blessés" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Les Lieutenants Dubois, Mouton et le Sous-lieutenant (ou Lieutenant) Seguin sont blessés ce jour là. Le Lieutenant Devoisin est blessé à Voldara le 15 janvier 1797 (26 nivôse an V).
A Saint-Georges, le Lieutenant Marton reçoit une balle qui lui traverse les deux joues et lui coupe la langue. Le même jour, quatre lascars détachés en petit poste sont assaillis par les Autrichiens; la résistance serait folle; l'officier ennemi les somme de se rendre. Leur réponse est au bout de leurs fusils, ils font un vacarme infernal, se battent comme des lions jusqu'à ce que l'on vienne à leur secours. L'ennemi est repoussé, ils rentrent dans leurs cantonnements sans souffler mot de l'aventure, ils n'ont rien trouvé là d'extraordinaire ! La bravoure et la modestie sont soeurs.
Deux ans après, en Egypte, un ordre du jour du 16 pluviôse an VII (4 février 1799) émanant de Berthier, Chef d'Etat-major de l'armée d'Orient, portera le fait suivant à la connaissance des troupes : "Le général en chef a donné un des deux cents fusils garnis en argent, accordés par l'ordre du jour du 14 pluviôse aux officiers ou soldats qui se distingueront ou rendront un service essentiel à l'armée, aux citoyens : Pierre Cavart, Mathieu Gay, Jacques Molin et Sébastien Couderet, tous quatre grenadiers à la 69e demi-brigade, qui, par leur sang-froid et leur bravoure, ont empêché les Autrichiens de surprendre les postes avancés du camp retranché de Saint-Georges, après que le général Provera eut passé à Porto-Légnago, au moment où la gauche de l'armée française gagnait la bataille de Rivoli, et dont on n'a connu les noms que depuis l'arrivée de l'armée en Egypte".
Le Caporal Richard, de la 1re du 2, à la Favorite, se précipite avec deux camarades sur la batterie ennemie et enlève un canon. Quelques instants plus tard, le sergent Levreau reçoit un biscaïen dans la cuisse; un cheval passe sans cavalier, il saute en selle et charge.
Parmi tant d'autres, faut-il passer sous silence cet exemple digne d'un La Tour-d'Auvergne : c'est en avant de Saint-Georges, le Sergent Darobs fait une patrouille avec quatre hommes, il tombe dans une embuscade; sommé de se rendre, il rassemble ses forces et, à pleins poumons, jette le cri d'alarme : "Aux armes !". Il est entendu, les camarades sont saufs.
Furent encore cités à l'ordre du jour pendant le siège : le Grenadier Wendeling, du 1er Bataillon, le Sergent Sabattier et le Caporal Simon.
"Dans les premiers jours de pluviôse, on ouvre derechef la tranchée à Saint-Georges ; la 69e demi-brigade y est employée, elle perd un sergent et un caporal" (Rapport de Dalons).
- Capitulation de Mantoue
"La place de Mantoue capitule le 13 du même mois (2 février 97).
Le 14, la 69e demi-brigade est désignée pour y entrer et faire le service sous les ordres du général Miollis. Le plus grand ordre et la plus grande tranquillité régnent en cette place tout le temps qu'elle y reste" (Rapport de Dalons).
"Enfin Mantoue ouvrit ses portes le 1er février 1797. La demi-brigade prit le service de la place, qu'elle fit jusqu'au 28" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Le 4 février 1797 (16 pluviôse an V), la lettre suivante est adressée depuis le Quartier général à Forli par ordre du Général en chef, au Général Serurier; elle indique notamment : "... Les 12e, 64e et 39e demi-brigades achèveront de compléter votre division; cette dernière doit, jusqu'à nouvel ordre, former la garnison de Mantoue ..." (Correspondance de Napolon, t.2, lettre 1454).
"La demi-brigade a reçu ordre de partir de Mantoue le 9 ventôse (27 février 1797) pour aller joindre à Vicence la division que devait commander le général Sérurier" (Rapport de Dalons).
"Elle se mit alors en marche, gagna Vicence ..." (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
On arrive aux premiers jours de mars, et déjà Bonaparte, ayant reçu des renforts, se prépare à envahir la Carinthie et le Tyrol, pour anéantir une sixième et dernière armée autrichienne aux ordres de l'archiduc Charles.
Le 5 mars 1797 (15 ventôse an V), le Général en chef écrit depuis le Quartier général à Mantoue, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Italie : "Vous voudrez bien employer à la place de Mantoue le c[itoye]n Poli capitaine à la 69e demi-brigade" (Correspondance générale de Napoléon, t.1, lettre 1433).
"La demi-brigade ... est partie le 19 de cette dernière ville (Vicence), formant la réserve de la division" (Rapport de Dalons).
Le Chef de brigade Dalons prend le commandement de la 69e le 21 ventôse an V (11 mars 1797).
DALONS (Jean) Né à Toulon le 22 novembre 1749. Soldat au Régiment de Beauce, de 1766 à 1786. Lieutenant au 5e Bataillon du Var, 13 septembre 1792. Lieutenant-colonel en 2e, 20 septembre 1792. Chef de Bataillon, 13 juillet 1793. |
Bonaparte franchit la Piave le 12 mars avec le gros de son armée, dont fait partie la Division Sérurier. A son entrée en Piémont, le Régiment comptait 3,400 hommes présents ; au passage de la Piave, le 22 ventôse an V (12 mars 1797), il n'a plus à son effectif que 1,800 combattants, y compris les absents.
"... le 22 (12 mars), elle a passé la Piave et a suivi successivement tous les mouvements de l'armée, sans avoir l'occasion de se trouver à aucune affaire" (Rapport de Dalons).
"... passa la Piave et suivit tous les mouvements de l'armée sans pouvoir prendre part à aucune affaire" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Après la victoire du Tagliamento (16 mars), Bonaparte repousse son adversaire dans les Alpes.
Le 19 mars 1797 (29 ventôse an V ? sans doute le 19), le Général Guieux écrit depuis Trivigiano au Général au général en chef : "A mon arrivée à Trivigiano, j'ai trouvé cette ville pillée par des soldats de la division Serrurier, la mienne n'a pas été plus sage, et a fini de ruiner ses pauvres habitans; le chef de brigade Auvray me rend compte que des militaires faisant partie de l'avant-garde, et quelques uns de la quatrième y sont entrés malgré la force armée, et ont poussé la scélératesse jusqu'à incendier une maison. Je viens de donner un ordre pour prévenir de semblables excès ; mais je crois qu'un ordre de votre part est nécessaire dans le moment où nous allons entrer dans le pays conquis, et où il est à propos de nous faire aimer.
Le soldat, livré au pillage, a méconnu ses chefs ; un volontaire de la soixante-neuvième a couché en joue le chef de bataillon Arnaud, qui voulait arrêter le désordre : cet individu a été consigné, et on l'a laissé évader. Je vous envoie copie de l'ordre que j'ai donné" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaparte, t.2 Italie; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.2, p. 267).
Le lendemain 20 mars (30 ventôse an V), sur ordre du Général en chef, l'ordre suivant est adressé aux troupes depuis le Quartier général de Palmanova :
"L'armée a passé la rivière de l'Isonzo sous le feu de l'ennemi et à gué; la division du général Serurier sur San-Pietro, la division du général Bernadotte sur Gradisca, où l'ennemi s'était renfermé et fortement retranché. L'ennemi, épouvanté de l'audace des premières attaques, a capitulé sur la première sommation du général Bernadotte. 3700 hommes ont été faits prisonniers, sept pièces de canon et huit drapeaux enlevés. Le général Masséna a fait de son côé 800 prisonniers vers Pontebba. Le général en chef, en louant la bravoure et l'intrépidité des troupes dans les différentes journées qui viennent de se succéder, voit avec déplaisir les excés auxquels se sont livrées plusieurs demi-brigades, soit quelques corps de la division Bernadotte à Cadripo, soit la 69e demi-brigade de la division Serurier. Le général en chef rappelle à tous les généraux l'ordre qu'il a donné de faire fusiller les pillards" (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1607).
Sur le col de Tarvis, Bonaparte fait capituler une Division autrichienne.
Le 5 avril 1797 (16 germinal an V), à 10 heures du soir, une lettre est adressée depuis le Quartier de Scheifling au Général Dombrowski, sur ordre du Général en Chef :
"Je vous préviens, Général, que je viens de donner l'ordre au bataillon de la 69e demi-brigade, qui est à Villach, d'en partir après-demain 18, pour se rendre le même jour à Spittal, où il sera à vos ordres, ce qui, joint avec les 150 hommes de la même demi-brigade qu'avait l'aide de camp Lavallette et à la cavalerie que vous avez, forme un petit corps d'observation que le général en chef vous recommande de ne pas compromettre, mais de vous en servir pour éclairer toute la vallée de la Drave, et avoir, s'il est possible, des nouvelles du général Joubert et marcher à sa rencontre, lorsque vous saurez qu'il arrive à Lienz ..." (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1696).
- Combat de Lienz
De leur côté, les Grenadiers de la 69e, détachés avec le Corps de Joubert dans le Tyrol, ont à soutenir de sanglants combats contre le pays insurgé.
"La 1re et la 3e compagnie de grenadiers ont eu à combattre, le 18 germinal (7 avril 1797), à Lienz, première ville du Tyrol, contre un rassemblement de 7,000 à 8,000 paysans armés. Elles ont délivré 50 soldats français qui y étaient prisonniers ; elles ont perdu, sur le champ de bataille, les capitaines Bayllet et Geoffroi, qui les commandaient, ont eu, en outre, 11 hommes tués et 15 blessés; elles ont été obligées de battre promptement en retraite. Le 3e bataillon marcha à leur secours sous les ordres du général de brigade Zayonchek, mais il n'a pu arriver assez à temps.
Je ne dois point passer sous silence le noble dévouement du nommé Hulerio, sergent de la 1re compagnie de grenadiers, qui consentit à prendre le costume d'un soldat autrichien et s'exposa à traverser des pays insurgés, porteur d'une dépêche à l'adresse du général divisionnaire Joubert. Malgré toute la facilité qu'il pouvait avoir à parler l'allemand, il aura été sans doute reconnu : la dépêche n'étant point parvenue à sa destination et n'ayant de lui aucune nouvelle, il est à présumer qu'il aura été victime de son dévouement.
Tel est le précis historique d'une demi-brigade jalouse du bon ordre et de la discipline, et qui met la subordination au nombre de ses premiers devoirs. Elle espère avoir mérité l'estime des généraux sous lesquels elle a servi, elle mettra désormais sa gloire à conserver cette estime. Si elle a moins perdu dans les combats que les corps qui composaient les divisions actives de l'armée, elle n'en a pas moins souffert; il sera aisé de s'en convaincre, si l'on considère qu'à son entrée en Piémont, elle était composée de 3,400 hommes présents et qu'elle peut, tout au plus, compter aujourd'hui dans son effectif 1,800 hommes, y compris les absents et les présents.
Fontana-Fredda, le 18 prairial, 5e année révolutionnaire (mai 97).
Le chef de brigade commandant la 69e demi-brigade
DALONS".
"Les 1re et 3e compagnies de grenadiers, cependant, joignirent, le 7 avril, un rassemblement de 7 à 8,000 paysans devant Lientz. Elles dégagèrent 50 Français prisonniers, mais furent vivement ramenées. Elles laissèrent sur le champ de bataille les capitaines Geoffroi et Baillot, 11 soldats, et eurent 15 blessés.
Tel est le précis des travaux de la 69e demi-brigade; elle ne cessa de se montrer jalouse du bon ordre et de la discipline, et elle mit toujours la subordination au nombre de ses premiers devoirs. Entrée en campagne avec 3,400 hommes présents sous les armes, elle n'en comptait plus que 1,800 lorsque les hostilités cessèrent.
Le chef de brigade,
Signé : BARTHéMY" (Historique de la 69e demi-brigade d'infanterie de ligne, ancienne 19e de bataille, rédigé par le chef de brigade Barthémy, sur l'ordre du général en chef Bonaparte, après les campagnes de 1796-1797; Archives de la Guerre).
Remarquons que si ce rapport est signé "Dalons", celui publié dans "Histoire régimentaire et divisionnaire de l'Armée d'Italie commandée par le Général Bonaparte" (publié en 1844) est quant à lui signé "Chef de Brigade Barthélémy".
Ont été tués le 7 avril 1797 à Lientz dans le Tyrol les Capitaines Geoffroy et Bayttot (sic, en fait Baillit). Le même jour est signé l'armistice de Leoben qui met fin à la campagne.
En résumé, la 69e, employée au siège de Mantoue, ne figura pas sur tous les champs de bataille de cette campagne légendaire, mais elle se fit une part glorieuse sur ceux où il lui fut donné de combattre; à Saint-Michel, à Mondovi, à Castiglione (le nom de Castiglione est inscrit au drapeau).
Devant Mantoue même, elle se comporta vaillamment aux combats de La Favorite et de Saint-Georges; elle supporta avec abnégation les fatigues d'un siège pénible.
Cette campagne a coûté la vie à bon nombre de Savoisiens de l'ancien 2e Bataillon, parmi lesquels le Capitaine Julliard, de Lugrin, fait prisonnier de guerre pendant la campagne, mort à Gratz, le 31 octobre 1796; le Lieutenant Perréard, d'Annemasse, mort à l'hôpital de Vérone le 21 février 1797; le Lieutenant Adjudant-major Brunier, mort le 9 juillet 1797, à l'hôpital militaire de Trévise. Le Lieutenant Decouz, d'Annecy, est cité dans les rapports pour sa belle conduite. Le Sous-lieutenant Trappier, de Carouge, et le Sous-lieutenant Jacques Chenevier, de Thonon, sont promus Lieutenants après la campagne. En 1797, il ne reste, des Officiers de l'ancien 2e Bataillon du Mont-Blanc, que le Capitaine Pradier, les Lieutenants Decouz, Jacq. Chenevier et Trappier, les Sous-lieutenants Parent et Lugrin.
Dans son Rapport (daté de Vérone le 27 avril 1797 - 8 floréal an 5) sur les évènements qui se sont passés à Vérone, depuis le 28 germinal jusqu'au 7e floréal, le Général de Division Balland écrit : "... Le citoyen Robert, lieutenant à la soixante-neuvième demi-brigade de bataille, chargé d'escorter avec 40 hommes 270 prisonniers hongrois, a été arrêté perfidement, le 29 germinal (18 avril), à Caldiero ; il a été, ainsi que l'escorte, désarmé et pillé; les prisonniers hongrois ont été sollicités à prendre parti avec les Veronais, qui leur proposèrent quinze sous de solde par jour, outre la nourriture; mais ils ont repoussé leurs offres et n'ont pas cherché à profiter de la circonstance, et ont témoigné de l'attachement aux Français, avec lesquels ils ont partagé le vin que les paysans leur apportaient ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaparte, t.3 Venise; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.1, p. 468).
Le 14 juin 1797 (26 prairial an 5), le Général en chef Bonaparte écrit depuis Monbello au Général Berthier : "... Vous ordonnerez que l'on forme les brigades de la manière suivante :
... 4e Division ...
... La 64e de ligne et la 69e, 8e Brigade : Chabran } Serurier ..." (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 1919; correspondance générale, t.1, lettre 1674). Note : en l'absence de Serurier, le commandement intérimaire de la 4e Division est confié au Général Fiorella.
Toujours le 14 juin 1797 (26 prairial an 5), le Général en chef Bonaparte écrit depuis Monbello au Général Berthier : "Vous voudrez bien ordonner de prendre les mesures pour l'organisation prompte du personnel de l'artillerie de l'armée, ainsi qu'il suit :
Il y a dans ce moment-ci 76 compagnies d'artillerie de demi-brigade, desquelles vous ne devez former seulement que 30 compagnie d'artillerie de brigade, chaque demi-brigade de ligne devant avoir sa compagnie de canonniers.
... 69e demi-Brigade : - La 69e, capitaine Stable, et la 69e, capitaine Gavary ..." (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 1921; correspondance générale, t.1, lettre 1677).
Malgré la paix de Campoformio, toujours pas de promotion pour le jeune Joseph Laporte "… à la paix de Campo-Formio il y eut quelques retraites de données et quelques réformes de faites, il resta néanmoins encore beaucoup d'officiers et de Sous-officiers surnuméraires qui ne devinrent titulaires que pendant les campagnes d'Egypte ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le 9 novembre 1797 (19 brumaire an 6), par ordre du Général en chef Bonaparte, une lettre est expédiée depuis le Quartier général de Milan, au Général Vignolle : "... La 69e, qui est de la division Serurier, se rendra à Vicenze, pour faire partie de la division Joubert ...
Lorsque tous ces mouvements seront effectués, l'armée se trouvera donc placée de la manière suivante :
... 5e division, Joubert, à Vicenze 4e d'infanterie légère, 21e idem, 22e idem, 69e de bataille, 85e idem, plus la 11e de ligne, qui sera à Bassano ..." (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2332).
Le même jour, le Général en chef Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Milan, au Général Vignolle : "Vous préviendrez les 18e, 25e, 32e et 75e de bataille qu'elles sont destinées à être les premières pour partir pour l'armée d'Angleterre.
Vous donnerez le même ordre aux 69e, 57e et 58e de bataille ...
... Vous donnerez l'ordre aux généraux ... Joubert ... de se tenir prêts à partir, comme devant faire partie de l'armée d'Angleterre ..." (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2334; correspondance générale, t.1, lettre 2202).
L'Etat des Demi-brigades, établi le même jour, précise que la 69e, destinée pour l'expédition d'Angleterre, comprend 1600 hommes (Correspondance de Napoléon, t. 3, lettre 2335).
Le 11 novembre 1797 (21 brumaire an 6), le Général en chef Bonaparte écrit depuis sont Quartier général à Milan, au Général Vignole : "Vous trouverez ci-joint, Général, l'état des hommes auxquels j'accorde des sabres; vous voudrez bien faire écrire la légende qui est à côé, sur ces sabres, et les leur envoyer. Vous pourrez provisoirement écrire à chaque chef de brigade, et leur donner la liste des hommes qui ont été nommés. Je vous prie aussi de m'adresser une copie de cette liste, telle qu'elle est ci-jointe" (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2347; correspondance générale, t.1, lettre 2220).
Suit l'état nominatif établi par le Général Bonaparte (Correspondance de Napoléon, t.3, annexe à la pièce 2347; correspondance générale, t.1, annexe lettre 2202) que l'on pourra comparer avec ce qui est dit dans l'historique régimentaire ; pour la 69e de Ligne, on note :
- 1er Bataillon, Compagnie de Grenadiers, Vendelin (Vandeling dans l'Historique) Jean, dit Huleric, Sergent (l'Historique dit Grenadier), N°62 : Pour avoir porté une lettre au Général Joubert en traversant l'armée ennemie - un sabre d'honneur.
- 2e Bataillon, Darolle (Darobs dans l'Historique), Pierre -Raymond, Sergent-major (Sergent dans l'Historique), N°63 : - Pour avoir crié "Aux Armes !" en avant de Saint-Georges bien qu'il fût entouré par l'ennemi - un sabre d'honneur.
- 3e Bataillon, Levraud (Levreau dans l'Historique), Sergent-major de Grenadiers (Sergent dans l'Historique), N°64 : - Pour être monté à cheval et avoir chargé l'ennemi après avoir été blessé à la cuisse - un sabre d'honneur.
- 2e Bataillon, 1ère Compagnie, Richard Joseph, Caporal, N°65 : - Pour avoir, à la tête de deux de ses camarades, pris une pièce de canon aux ennemis à la bataille de la Favorite - un sabre d'honneur.
- 3e Bataillon, 1ère Compagnie, Sabatier (Sabattier dans l'Historique) Jean-François, Sergent (Grenadier dans l'Historique), N°66 : Pour avoir tué plusieurs Autrichiens à coups de baïonnette en traversant leur corps pour entrer dans Saint-Georges - un sabre d'honneur.
- 3e Bataillon, Compagnie de Grenadiers, Simon Louis, N°67 : - Pour avoir soutenu avec seize Grenadiers l'effort de l'ennemi à la retraite de Lientz - un sabre d'honneur.
Notons que selon l'article 1er du titre II du Décret du 29 floréal an X (19 mai 1802), "Sont membres de la Légion d'honneur tous les militaires qui ont reçu des armes d'honneur". Mais par suite d'une disposition restrictive, les militaires qui ont eu des armes d'honneur antérieurement au 4 nivôse an VIII (25 décembre 1799) ont été exclus de la récompense accordée à leurs frères d'armes. Ce qui a été le cas pour ceux ayant obtenu cette distinction après la campagne d'Italie.
Sans doute début janvier, Berthier reçoit les instructions du Directoire exécutif, dans lesquelles ont peut lire : "Le directoire exécutif vous a autorisé ci-dessus à faire rentrer à votre armée une demi-brigade d'infanterie légère et trois de ligne, qui étaient destinées à l'armée d'Angleterre ; il vous autorise également à faire rester dans le Piémont les vingt-deuxième et quatrième d'infanterie légère, la soixante-neuvième de ligne et le quatorzième de dragons : ces troupes resteront jusqu'à nouvel ordre cantonnées dans le Piémont" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t.4, Venise; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.2, p. 235). Pourtant, dans dans sa lettre datée du 11 janvier 1798 (22 nivôse an 6), le Général Bonaparte, qui adresse depuis Paris ses instructions au Général Berthier ne mentionne pas la 69e mais la 43e (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2404).
Le 12 janvier 1798 (23 nivôse an 6), un Arrêté du Directoire Exécutif à Paris, fixe la composition de l'Armée d'Angleterre :
"LE DIRECTOIRE EXECUTIF,
Considérant qu'il est instant de réunir sur les côtes toutes les forces qui doivent être employées à l'armée d'Angleterre,
ARRÊTE ce qui suit :
ARTICLE PREMIER
Les divers corps de troupe ci-après désignés seront mis en mouvement pour se rendre sans délai sur les côtes qui bordent la Manche, ou autres lieux de rassemblement désignés par le ministre de la guerre, savoir :
INFANTERIE DE LIGNE
Les 4e, 10e, 16e, 17e, 18e, 25e, 30e, 31e, 32e, 37e, 40e, 43e, 46e, 51e, 57e, 58e, 61e, 62e, 69e, 73e, 75e, 76e, 78e, 84e, 85e, 89e, 96e, 100e et 105e demi-brigades.
INFANTERIE LEGERE.
Les 1re, 2e, 3e, 5e, 9e, 10e, 18e, 20e, 21e, 22e et 25e demi-brigades.
TROUPES A CHEVAL
Les deux régiments de carabiniers ;
Les 1er et 8e régiments de cavalerie ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 17e et 19e régiments de dragons ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 8e, 9e, 10e et 12e régiments de chasseurs ;
Les 2e, 3e, 5e et 8e régiments de hussards.
ARTILLERIE ET GÉNIE
Les 1er et 4e régiments à pied ;
Les 2e et5e régiments à cheval ;
Quatre compagnies d'ouvriers ;
Quatre compagnies de mineurs ;
Deux bataillons de sapeurs et deux corps de pontonniers" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 97).
Dans le "RAPPORT FAIT AU GÉNÉRAL EN CHEF, PAR L'ADJUDANT GÉNÉRAL RIVAUD, SUR LE DÉPART DES COLONNES POUR L'ARMÉE D'ANGLETERRE", daté de Milan, le 16 janvier 1798 (27 nivôse an VI), il est indiqué :
"Le corps d'armée parti de l'Italie pour passer en France et faire partie de l'armée d'Angleterre, sur les côtes de l'Océan, a été composé de cinq divisions d'infanterie, une division de dragons, une brigade de chasseurs à cheval, les chevaux et attelages nécessaires à six pièces d'artillerie légère et six pièces d'artillerie à pied pour les divisions d'infanterie, et pour six pièces d'artillerie à cheval pour la division de dragons. Les chasseurs à cheval n'ont pas emmené de chevaux et attelages d'artillerie.
… Les colonnes d'infanterie ont toutes été dirigées par le Mont Cenis …
L'adjudant général, RIVAUD" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 97.)
Ce rapport est suivi d'un tableau qui indique :
5e Division Général de Division Joubert; 69e Demi-brigade d'Infanterie de ligne : 1673 hommes au moment du départ de Vicence, le 24 nivôse; arrivée prévue à Rennes le 30 ventôse (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 99).
Le 20 janvier 1798 (1er pluviôse an VI), le Ministre de la Guerre Schérer écrit depuis Paris, au Général en chef Bonaparte : "Vous avez pensé, Citoyen Général, dans la conférence que nous avons eue ensemble le 27 du mois dernier, qu'il suffirait de retirer seulement, quant à présent, onze demi-brigades de l'armée d'llalie pour être employées à l'armée d'Angleterre, indépendamment des régiments de troupes à cheval qui sont en ce moment en marche pour se rendre à cette destination, afin de conserver, par ce moyen, vingt-sept demi-brigades en Italie, non compris les deux demi-brigades stationnées à Corlou, ni celles qui se trouvent employées en Corse.
Vous avez désigné, à cet effet, les 4e, 18e, 25e, 32e, 40e, 51e, 57e, 58e, 69e, 75e et 85e demi-brigades de ligne.
Tous ces corps sont en ce moment en marche, dans l'ordre indiqué par le tableau ci-joint...
Salut et fraternité" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 101).
La campagne achevée avec l'armistice de Leoben (17 avril 1797) et le traité de Campo-Formio, l'armée d'Italie évacue alors le Piémont, et se rend à Toulon où nous allons retrouver Giraud prêt à s'embarquer pour l'Egypte.
B/ Campagne d'Egypte (1798-1799-1800-1801)
Après la campagne, Bonaparte conçoit le projet d'organiser une expédition en Egypte; ses idées sont acceptées par le Directoire; le Corps expéditionnaire est rassemblé à Toulon. Un grand nombre d'artistes et de savants accompagnent les troupes. La colonisation et les études scientifiques doivent marcher de front avec la conquête.
- Départ pour l'Orient
Le 5 mars 1798 (15 ventôse an 6), Bonaparte adresse depuis Paris au Directoire exécutif une note dans laquelle il écrit : "Pour s'emparer de l'Egypte et de Malte, il faudrait de 20,000 à 25,000 hommes d'infanterie et de 2,000 à 3,000 de cavalerie, sans chevaux.
L'on pourrait prendre et embarquer ces troupes de la manière suivante, en Italie et en France :
... A Gênes 22e d'infanterie légère ... 1,500 hommes, 13e de ligne ... 1800 hommes ... 69e de ligne ... 1600 hommes ... Généraux Baraguey d'Hilliers, Veaux, Vial } 4,900 hommes ...
... Les demi-brigades avec leurs compagnies de canonniers...
... Tous les corps avec leur dépôt ...
Il faudrait que ces troupes fussent embarquées dans ces différents ports et prêtes à partir au commencement de floréal, pour se rendre dans le golfe d'Ajaccio, et réunies et prêtes à partir de ce golfe avant la fin de floréal ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 114 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.2, p. 249 ; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2429; correspondance générale, t.2, lettre 2322; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 197-198).
Le même jour (5 mars 1798 - 15 ventôse an 6), le Directoire exécutif arrête :
"Article 1er. - Le général commandant les troupes françaises dans la Cisalpine se rendra sur-le-champ à Gênes, avec le général Baraguey d'Hilliers, et se concertera avec le Directoire exécutif de la République ligurienne, pour mettre l'embargo et noliser les plus grands bâtiments qui se trouvent dans le port de Gênes.
Art. 2 - Il fera embarquer sur ces bâtiments :
La 22e d'infanterie légère,
La 13e de ligne,
La 69e de ligne,
Leurs compagnies de canonniers,
Leurs dépôs,
Cent cartouches par homme,
Deux mois de vivres,
Un mois d'eau,
Les généraux Baraguey d'Hilliers, Vial, Veaux et Murat,
Un commissaire des guerres,
Un chef de chaque administration,
Et une ambulance proportionnée au nombre des troupes ...
Art. 5 - ... ledit convoi ... se rendra à Ajaccio, où il restera jusqu'à nouvel ordre
..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2431; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 204).
A la suite d'un mouvement militaire au sein des troupes d'occupation de Rome le 24 février 1798, "les 11e et 12e demi-brigades d'infanterie légère, signalées comme les plus coupables, sont supprimées; leurs éléments seront incorporés dans les 5e, 12e, 14e, 33e, 69e, 88e de ligne" (La Jonquière C. de : «L’expédition d’Egypte, 1798-1801», t. 1. P. 218).
Le 11 mars 1798 (21 ventôse an 6), une lettre est adressée par le Général Bonaparte depuis Paris aux Commissaires de la Trésorerie nationale : "... Je joins ... l'état des demi-brigades qui se trouvent en ce moment à Gênes et en Corse. Je désirerais savoir si la solde des troupes est assurée pour les mois de ventôse et de germinal ...
Etat des troupes qui viennent de recevoir l'ordre de se rendre à Gênes.
... 69e de ligne 1,700 hommes ..." (Correspondance inédite officielle et confidentielle de Napoléon, t.5, Egypte (lettre datée du 25 ventôse an 6 - 15 mars 1798) ; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 122 (même datation) ; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2439 ; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 2328 ; La Jonquière C. de : «L’expédition d’Egypte, 1798-1801», t. 1. p. 216).
Dès son arrivée à Gênes, Berthier s'occupe d'un double objet : organiser et acheminer vers la côte la Division qui doit s'embarquer dans ce port ; donner l'impulsion aux préparatifs maritimes. Le 15 mars 1798 (25 ventôse an 6), il prescrit au Général Leclerc de diriger, le plus tôt possible, de Brescia sur Alexandrie, la 69e Demi-brigade d'infanterie de ligne (avec son dépôt). Il ajoute : "… Vous pourrez, dit-il, insinuer aux chefs de corps qu'ils ne font plus partie de l'armée d'Italie ; qu'ils vont concourir à la grande expédition du général Bonaparte ; mais ce doit être sous le secret …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 292).
Le 17 mars 1798, Berthier adresse une lettre à Leclerc, dans laquelle il lui indique que la 69e enverra son 1er bataillon à Pavie et les deux autres à Tortone (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 292). La 69e Demi-brigade a un effectif de 1.800 hommes ; à cette date, un document, transmis par Bonaparte au Directoire exécutif, porte effectivement la 69e à 1800 hommes (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 129; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.2, p. 262).
Un rapport adressé, le 20 mars, au Directoire par le Ministre de la guerre, détaille, ainsi qu'il suit, l’effectif (hommes présents sous les armes) des troupes destinées à l'expédition : Embarquement de Gênes, 69e, 2000 hommes (La Jonquière C. de : «L’expédition d’Egypte, 1798-1801», t. 1. P. 197).
Le 25 mars 1798 (5 germinal an 6), Berthier, qui est à Gênes, adresse des instructions au Général Baraguey d'Hilliers ; provisoirement, les troupes de l'expédition doivent rester ainsi réparties : "... 69e à Alexandrie ...
Lorsque vous voudrez mettre les troupes en mouvement, vous le demanderez au général en chef de l'armée d'Italie. Quoique vous soyez chargé de diriger et d'ordonner à Gênes tout ce qui tient à l'embarquement de votre division, vous n'en êtes pas moins, militairement, sous les ordres du général en chef de l'armée d'Italie, jusqu'au moment de votre départ …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 303).
Le 9 avril 1798 (20 germinal an 6), le Général Bonaparte écrit depuis Paris au Général Brune : "... Je vous prie aussi de faire partir pour Gênes tous les hommes qui resteraient encore en Italie des demi-brigades suivantes : ... 69e de ligne ...
Ces hommes s'embarqueront à la suite des divisions, qui s'embarquent à Gênes et à Civita-Vecchia, et quand même ces divisions seraient parties, leurs dépôts resteront à Gênes et à Civita-Vecchia, de manière que lorsqu'il y aura 100 hommes réunis, on pourra les faire partir pour rejoindre au lieu où se rend ledit embarquement ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 158 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.2, p. 290 ; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2485; correspondance générale, t.2, lettre 2375; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 313).
Le 14 avril 1798 (25 germinal an 6), le Général Baraguey d’Hilliers adresse à Bonaparte un état de situation de sa Division arrêté au 12 avril : la 69e de Ligne a 1.486 hommes (3 bataillons à Alexandrie) plus sa Compagnie de canoniers (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 317).
Dans le tableau des corps de troupes rassemblés à Toulon, Marseille, Gênes et Civita-Vecchia, certifié conforme par le Ministre de la Guerre Schérer, et daté cette fois ci du 14 avril 1798 (25 germinal an 6), il est indiqué : "... Direction des troupes Baraguey d'Hilliers { Vial Veaux Sur Gênes ... 69e ... 1,305 ... arrivés à leur destination ..." (Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2508; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 355).
Joseph Laporte écrit : "... La paix de Campo-Formio dont les préliminaires avaient été arrêtés et signés à Leoben, presque sous les murs de Vienne, capitale de l'Autriche, après six campagnes célèbres par les sanglantes batailles qui avaient été livrées pendant ce laps de temps, tant en Piémont qu'en Italie et en Allemagne, nous avaient rendus paisibles possesseurs de tout le beau pays situé entre les Alpes et le royaume de Naples, ainsi que de toute l'ancienne république de Venise.
Déjà, la renommée désignait le jeune héros qui nous avait si souvent conduit à la victoire comme le Capitaine le plus accompli, et depuis près de six mois nos vieilles phalanges à l'ombre de leurs lauriers jouissaient de la tranquillité et du repos ; lorsqu'un ordre du Directoire annonça la réunion d'une armée expéditionnaire, alors Bonaparte choisit les généraux et les régiments dont la valeur lui était connue ; toutes les troupes briguaient l'honneur d'y être appelées, et j'ose assurer que mon cœur tressaillit de joie, lorsque je sus que notre demie Brigade avait été désignée par le général en chef pour faire partie de cette expédition.
L'Italie, le paradis terrestre du monde connu, n'avait plus pour moi aucun charme, à l'âge de dix-huit ans on aime assez les grands événements et les voyages. Surtout quand on en a contracté l'habitude de bonne heure, le désir extrême de connaître les différents peuples de la terre, l'amour de la gloire, et surtout l'idée de m'embarquer et de faire campagne sur mer, pour pouvoir un peu parler de tout, m'empêchaient de regretter le beau pays que nous allions quitter.
Le régiment dans lequel je servais étant en garnison à Alexandrie en Piémont, reçut enfin l'ordre de se rendre à Gênes, capitale de la république de ce nom, pour s'y embarquer. Cette ville, à juste titre surnommée la superbe, par à parti à la beauté de ses édifices publics, de ses nombreux palais et autres bâtiments, pour la plupart construits en marbre de différentes couleurs dont l'Italie abonde, que par la bonté et la sureté de son port qui est très bien situé pour le commerce du Levant, le tout bâti au fond du golfe et construit en forme d'amphithéâtre au milieu d'une forêt d'oliviers, de grenadiers, d'orangers, de citronniers, de figuiers et de quantité d'autres arbres à fruits et arbustes d'agréments, offre à l'étranger, un des plus beaux coup d'œil que puisse présenter la nature.
D'autres villes furent aussi désignées pour l'embarquement de l'armée expéditionnaire, telles que Cività-Vecchia, dans les états romains, Marseille ; un convoi se rassembla aussi en Corse, et Toulon fut le port indiqué pour l'embarquement de l'état-major général, des munitions, de l'artillerie, des savants, des artistes, des administrations, des ambulances, d'une partie des troupes et de toutes les forces navales ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le 18 avril 1798 (29 germinal an 6), le Général Bonaparte écrit depuis Paris au citoyen Redon de Belleville, Consul de la République à Gênes : "... Vous trouverez ci-joint, Citoyen Consul, l'ordre pour le départ du général Baraguey d'Hilliers. Il est indispensable que le convoi mette à la voile au plus tard le 7 floréal.
... Il sera formé à Gênes un dépôt pour tous les hommes des ... 69e de bataille ...
... Toutes les fois qu'il y aura 150 hommes de ces différents corps à Gênes, vous les ferez partir pour une destination qui vous sera désignée ... " (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5 et Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 182, avec la date du 19 avril; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.2, p. 314 (lettre datée également du 19 avril) ; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2526; correspondance générale, t.2, lettre 2402 ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 422).
Le lendemain, le Général Baraguey d'Hilliers se voit donner l'ordre de lever l'ancre le 6 floréal ou le plus tard le 7 et de se diriger sur Toulon (Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2528).
Joseph Laporte raconte : "... Aux jours indiqués les divisions de l'armée s'embarquèrent et les différents convois ayant reçu l'ordre du départ, appareillèrent et firent voile ; le nôre sortit du port de Gênes le 8 floréal an 6 (27 avril 1798) ; à trois heures après-midi, le canon des forteresses annonça cet évènement qui fut pour nous une fête.
La marche majestueuse des vaisseaux que nous montions, l'adieu que nous faisions aux habitants de ces pays, accourus de plus de dix lieues à la ronde et placés sur le rivage de la mer, pour jouir d'un si beau spectacle ; le beau sepe de Gênes rassemblé sur les quais, les terrasses des maisons et autres lieux. Et sur ces riants rivages que nous abandonnions peut-être pour toujours, ainsi que l'espoir de revoir notre patrie que nous allions laisser derrière nous, tous ces motifs réunis durent naturellement nous faire impression à mesure que nous nous éloignons du continent d'Europe, et à cette joie bruante et guerrière dût succéder le calme et la réflexion.
Le restant de cette journée fut employé à nous organiser dans notre nouveau domicile, qui au premier coup d'œil ne me parut pas des plus commodes, et pour la première fois de ma vie, il me sembla voir plonger dans les flots l'astre bienfaisant qui nous éclaire ; les fatigues du jour, le roulis du vaisseau et les ténèbres exigeaient que l'on prit du repos, si toutefois il est possible d'en prendre, étant comme les araignées suspendus au plancher dans une toile nommée hamac, baloté et secoué toute la nuit, tantôt la tête haute, tantôt basse, l'on peut aisément deviner que la première dut être longue et que l'on attendait l'aurore avec impatience ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le Général en chef arrive à Toulon le 18 floréal an VI (7 mai 1798) et accélère les préparatifs.
Le Commandant Giraud écrit :
"Toulon, 13 messidor an 6 (sic)
(9 mai 1798).
Buonaparte arrivé hier à Toulon, a passé la revue de la brigade Valentin composée des 32e et 69e Demi-brigades (division Menou); a parcouru les rangs lentement, les mains derrière le dos, examiné tout sérieusement, le port d'armes, comme la tenue; puis, la revue terminée, il a réuni autour de lui en cercle, les officiers et sous-officiers auxquels il a dit dans un langage qui présageait de nouvelles victoires :
"Ai-je tenu parole, mes amis? Il y a deux ans, vous étiez dépourvus de tout dans la rivière de Gênes; vos soldats n'avaient ni souliers, ni vêtements, ni vivres. Les officiers vendaient leurs montres pour se procurer du pain. Aujourd'hui que vous manque-t-il ? Rien, vous êtes pourvus de tout.
- Oui, oui, répondent des centaines de voix.
- Eh bien ! Nous allons marcher à la conquête de l'Egypte, et si nous réussissons, je promets à chaque soldat six arpents de terre à cultiver ou faire cultiver. Jusqu'à présent, vous avez combattu en union avec des cavaliers et des canonniers ; demain vous serez en contact avec une nouvelle classe d'hommes que je vous recommande : les matelots. Dites à vos soldats d'inspirer à nos marins, ce feu, cette énergie qui ont été jusqu'à ce jour le gage de vos succès.
Nous comptons 1657 hommes à l'effectif; nous nous embarquons demain matin pour Malte" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Onze jours plus tard, l'escadre et les bâtiments de transport, au nombre de 500, de toutes forces et de tous tonnages, quittent la rade, emmenant 25.000 hommes de troupe et 7.000 à 8.000 marins.
Les trois bataillons, sur l'ordre du Général Brune, ont été embarqués à bord de différents bâtiments : le Dubois et le Causse entre autres. La 69e est incorporée dans la Division Menou et fait brigade avec la 13e, Général Vial.
Joseph Laporte décrit le départ de l'escadre : "... Enfin le jour arriva et s'annonça devoir être beau et favorable pour notre voyage, un vent frais faisait gonfler les voiles des batimens, le convoi était en bon ordre, nous cherchions en vain à revoir les lieux abandonnés la veille, le ciel et l'eau étaient déjà les seuls objets visibles le littoral de Gênes et les côes de la Provence ne paraissaient plus qu dans le lointain comme un nuage épais, force fut de s'accoutumer à ce nouvel ordre de choses et se borner au désir de découvrir de nouvelles contrées.
La partie de l'armée embarquée à Toulon, montait quatorze vaisseaux de ligne du premier rang, dont un de cent vingt pièces de canon appelé L'Orient, sur lequel l'amiral et Bonaparte éent, ainsi que l'état major général etc ; huit frégates, quelques corvettes, briks, avisos, corsaires et autres bâtiments de commere; le convoi de Marseille s'était déjà réuni à la flotte et le notre (celui de Gênes) s'y joignit le 28 floréal an 6 (17 mai 1798) à la hauteur d'Antibes.
Cette jonction opérée l'escadre et les convois fiirent voile vers la Corse ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le Commandant Giraud écrit :
"à bord du Dubois, le 20 mai 1798.
Le 1er bataillon et l'état-major du 1er bataillon se sont embarqués sur le Mercure ; le 2e qui est le mien, sur le Dubois; le 3° bataillon sur le Timoléon. Le général Valentin, le colonel Brun et l'état-major de la demi-brigade, sont sur le Mercure. Le général de division Menou avec son état-major a pris passage sur le Timoléon.
Qu'allons-nous faire en Egypte : c'est là un mystère dont le secret n'est pas venu jusqu'à moi, simple lieutenant qui allais courir les aventures, loin de notre France bien-aimée que l'on quitte toujours avec regret. Le soldat sait toujours quand il part; il ne sait jamais s'il reviendra. Nous voilà donc entassés sur des vaissaux, ballottés à bâbord et à tribord, suivant le caprice des vents, la fureur des flots; mais nous partageons la haine de notre général en chef contre les Anglais, et l'amour du changement nous inspire à tous une gaieté bruyante qui se traduit par une visite inopinée du général Valentin dans la batterie basse où nous sommes entassés, comme des harengs dans une tonne" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Joseph Laporte raconte la suite de la traversée : "... nous nous trouvâmes près des côes à la pointe du jour, le 3 prairial an 6 (22 mai 1798); le convoi de Corse se réunit à la flotte et nous continuâmes notre route.
Le sept (26 mai 1798) nous passâmes près de l'ile de Capraia, voisine de celle de la Corse, dans laquelle il n'y a que quelques habitations éparses, ne produisant
que des bois de marine et une quantité prodigieuse de chevreuils, cette petite ile dépend de la république de Gênes (Ligurie).
Le huit (27 mai) nous passâme près de l'isle d'Elbe, dépendante du grand duché de Toscane, il y a dans l'isle une ville du même nom, un bon port, plusieurs bonnes bayes où les vaisseaux peuvent s'abritter, le pays est assez peuplé parce que nous distinguâmes plusieurs villages et des maisons éparses
Le 10 (29 mai) au point du jour, nous nous trouvâmes assez près de l'isle de Sardaigne, que nous longeames pendant trois jours, cette isle est plus considérable que la Corse, elle a environ soixante lieues de long sur trente de large, ses hautes montagnes sont couvertes de bois de haute futaie, les valons sont très fertiles en grains, olives, oranges citrons etc ; le bétail y est abondant ayant d'excellents paturages, une quantité de gibiers extraordinaire de toutes espèces, surtout en cailles, lors de leur arrivée en Europe, et de leur retour en Afrique; les alentours de l'isle sont aussi très poissonneux en sardines et thon ; on y pêche aussi du corail, il y a aussi quelques mines, l'air y est malsain et elle n'est guère peuplée, elle appartient aux ducs de Savoie, Cagliari, archevéché, en est la capitale, et il y a en outre plusieurs autres petites villes et villages
..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le 14 prairial an VI (2 juin 1798), le Chef de Brigade Brun est nommé à la 69e Demi-brigade (on lit dans le Carnet de campagne du Cdt Giraud : Colonel du 14 prairial an VII).
Un "État par aperçu des fonds nécessaires pour un mois de solde à l'armée de terre, établi par le payeur Estève, à bord du vaisseau l'Orient, le 18 prairial an VI (6 juin 1798)" indique qu'à cette date, la 69e de Ligne, embarquée pour l'Egypte, compte dans ses rangs 1500 hommes, Officiers non compris (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 508). Une "Situation du personnel de l'artillerie au moment de l'embarquement" indique par ailleurs que l'effectif de la Compagnie de canonniers de la 69e est 3 Officiers et 48 hommes (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. p. 514).
Joseph Laporte poursuit le récit de sa traversée : "... Le 18 (6 juin 1798), nous découvrimes l'isle martime presque déserte, il y a du gibier, de la bonne eau et n'est guère visitée que par les pécheurs et les chasseurs, elle dépend du royaume de Naples.
Le 19 (7 juin), nous apperçumes la Sicile, la plus grande et la plus considérable des isles de la méditerranée, séparée du royaume de Naples par le phare de Messine; elle a environ 70 lieues de long sur quarante cinq de large; c'est dans cette isle qu'est me mont Etna volcan fameux élevé de 16 à 1700 toises au dessus du niveau de la mer; Salerne en est la catale depuis que le tremblement de terre de 1783 a détruit la presque totalité de Messine; cette isle est très fertile et peuplée, nous croisames le long ds côes toute la journée du dix neuf et celle du 20 et nous eumes par là le temps d'admirer ce pays si renommé par sa fertilité, la quantité prodigieuse de chateaux, de petites villes, bourgs et villages Presque tous batis sur des hauteurs, un nombre infini de maisons de campagne, la terre plantée d'arbres de toutes espèces, des champs couverts de récoltes, etc. Tout annonçait la richesse, l'abondance et contrastait avec le sol des isles que nous avions déjà vues; le séjour que toute la flotte fit dans ces parages nous sugéra l'idée que peut-être la conquête de cette isle allait être le début de la campagne et l'armée le souhaitait pour mettre pied à terre, voir ce beau pays et se procurer des vivres frais, car depuis près d'un mois, nous ne vivions qu'avec les vivres de mer qui consistent en biscuit, lard, viande salée, tofich (espèce de mauvaise merluche) mais ce qui nous fatiguait le plus c'était la privation d'eau fraiche; celle que l'on nous donnait répugnait par sa mauvaise odeur, le limon et les vers qui s'y mettent toujours, enfin c'est une eau absolument corrompue, il n'y a que la rareté et le besoin d'étancher une soif excitée par les salaisons qui puissent vous forcer à la boire; nos espérances furent déçues toute la flotte se dirigea vers l'isle de Ligosi, dépendante de celle de Malte, où nous arrivâme le 22 prairial an 6 (10 juin 1798) ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
- Prise de Malte
Le 21 prairial (9 juin 1798), la flotte se déploie en vue de l'île de Malte, et le lendemain le Général Reynier s'en empare. La 69e assiste à la prise de l'ile.
Joseph Laporte décrit la prise de Malte : "... Le même jour, l'escadre et le convoi étant arrivés en face de l'isle de Malte, les vaisseaux allèrent se ranger en ligne de bataille. Devant la ville, hors de portée de canon, d'autres batiments de guerre tels que frégates, corvettes, etc, se placèrent devant les forts et redoutes dont est entourée l'isle; un parlementaire fut envoyé au Grand-Maître de l'ordre, Souverain du pays, par le Général en chef Bonaparte, Commandant de l'expédition, avec sommation de nous remettre l'isle avec toutes ses dépendances; sur son refus partie de l'armée reçut ordre de débarquer et dans un instant la mer fut couverte d'une quantité de chaloupes, remplies de troupes, s'avançant sous la protection des frégates et autres batiments légers de guerre, jusque sous les forts et redoutes des Maltais établis près du rivage à peu de distance les uns des autres pour s'opposer aux débarquements fréquents des corsaires des régences de Tripoli, Tunis, Alger et du Royaume du Maroc.
Au signal convenu, les batiments armés démasquèrent les chaloupes qui s'avancèrent alors audacieusement vers la côe, malgré la canonnade des maltais et la fusillade; on sonda et sitôt que les soldats français eurent acquis la certitude qu'il n'y avait plus que quelques pieds d'eau, sauter dans la mer, aborder le rivage, escalader les batteries, sabrer les canonniers furent l'ouvrage d'un moment; on tourna les pièces contre les fuyards et les troupes légères les poursuivirent l'épée dans les reins jusqu'à la vilette ou ancienne ville de Malte; là le combat recommença mais les Maltais ne purent résister au choc impétueux des Français accoutumés à vaincre, et ils se retirèrent en désordre jusque sous le canon de la la ville capitale de l'isle. Cette ville est très forte du côé de terre, elle a une bonne rade bien fortifiée et un port excellent; nos tirailleurs ne cessèrent la poursuite que lorsque le feu de la place put les atteindre et la nuit mit fin au combat.
Pendant cette même nuit, les batiments du convoi et partie de l'escadre jetèrent l'ancre, dans la baie Saint-Paul, et près de Malte, les troupes désignées pour débarquer, le firent et les vaisseaux de guerre se rangèrent en bataille devant la ville, l'entrée de la rade, et du port; à la pointe du jour, le feu recommença; des pièces de canons avaient été transportées pendant la nuit en face des ouvrages avancés de la ville, les Maltais firent un feu assez bien nourri de mousqueterie et d'artillerie, mais écrasés par les boulets de notre escadre, ceux de nos pièces en position et par une fusillade soutenue et bien dirigée, ils furent chassés de leur position et se retirèrent en toute hâte et avec beaucoup de perte dans la ville; déjà des grenadiers et chasseurs français profitant du désordre et de la terreur des troupes maltaises cherchaient à entrer d'assaut dans la ville; lorsque le Grand-Maître demanda demanda à parlementer pour obtenir une suspension d'armes; ce qui eût lieu, le feu cessa à trois heures après midi, et il fut convenu d'une suspensio d'armes pendant trois jours, après avoir arrêté les principales conditions de la remise de la ville, des fortresses etc.
D'après ce que j'ai dit de la Sicile et ce que l'on en sait, on serait tenté de croire que l'isle de Malte qui est en face et séparée de la première par un détroit de 12 à 15 lieues est aussi fertile, on se tromperait, l'isle de Malte n'est qu'un rocher presque aride, il n'y a que quelques valons qui ainsi que les plus petits coteaux sont propres à la culture, la terre y manquant, car les personnes riches qui veulent avoir des jardins font transporter par la mer, la terre de Gergenti, ville de Sicile, dans la vallée de Marare, qui se trouve de l'autre côé du détroit en face de Malte; il pleut en Sicile et rarement à Malte, cette isle a le climat de l'Afrique dont elle dépend quoiqu'étant extrêmement près de l'Europe, ses productions ne suffiraient pas au besoin de ses habitants seulement pour un mois, ce que l'on y recueille consiste en coton couleur nanquin foncé, d'excellente figues, des oranges renommées, des grenades, des oignons très doux et d'une grosseur prodigieuse, quelques beaux ânes et quantité de chèvres; l'isle a environ 20 lieues de circonférence sur 7 de longueurn elle est peu peuplée à cause de la guerre continuelle des chevaliers et des puissances barbaresques qui effectuent souvent des débarquements, pillent, volent, sacagent tout, emmenant en esclavage hommes, femmes et enfants; pour se garantir de ces incursions, les canonniers et gardes-côes habitent dans des tours crénelées construites près des batteries et dans lesquelles on monte par une échelle en corde, que l'on a soin de retirer à la nuit, et la sentinelle perchée au haut de la tour sur la terrasse, donne l'alarme par le moyen de signaux qui correspondent de tour en tour jusqu'à la ville, et indiquant le lieu du débarquement.
Les malheureux habitants qui demeurent dans l'intérieur de l'isle, épars ça et là, se retirent hors de danger dans des cavernes pour éviter une mort certaine ou un esclavage mille fois plus cruel. Sur les hauteurs de l'isle, il y a plusieurs belles commanderies, ce sont autant de palais et de chateaux forts; de ces hauteurs on peut en temps clair appercevoir la fumée qui sort du mont Etna, situé en Sicile.
Pendant la durée de la suspension d'armes, l'on arrêta les articles de la rédition de l'isle de Malte, de la ville, forteresses etc. et le 28 prairial an 6 (16 juin 1798) à quatre heures après midi, le Grand-Maitre remit les clés de la ville, et l'armée française l'occupa de suite, ainsi que tous les établissements militaires.
L'entrée se fit sans tumulte, les personnes et les propriétaires furent respectés, les troupes maltaises ne furent point considérées comme prisonniers de guerre, au contraire tout ce qui était valide et en état de faire campagne fut réuni à notre armée, au nombre d'environ deux mille hommes, qui firent dès lors partie de l'expédition, et qui embarquèrent ensuite avec nous lors de notre départ de
l'isle, sous les ordres de plusieurs chevaliers de l'ordre de Malte, qui voulurent continuer à servir.
La possession de la ville et de l'isle de Malte était pour nous d'une grande utilité quelque part que nous fussions, c'était un point central de réunion, une ressource pour notre marine et pour toutes sortes d'objets, Malte étant l'entrepô général de tout le commerce de la Méditerranée soit que l'on vienne de l'océan, des côes de Barbarie, de l'Egipte, de la Syrie, d'Alpe, de Constantinople, de l'archipel, des isles ioniennes, du royaume de Naples, de la Sicile, de l'Italie ou de France; le port un des plus beaux qu'il y ait est à l'abri des vents et d'un coup de main, ayant une bonne rade bien défendue; l'isle n'est renommée que par rapport à la ville qui est grande et assez bien bâtie, quoiqu'il n'y ait guère que la grande rue où les voitures puissent circuler, étant construite sur un coteau qui d'un côé fait face au détroit de Sicile et de l'autre au port qui est situé derrière la ville, de l'autre côé du port est un autre coteau plus élevé qui forme une baie profonde, large et qui se prolonge jusqu'à la mer, formant une grande et belle rade naturelle, le coteau est défendu par nombre de forts et redoutes qui battent en pleine mer, dans la rade et même dans le port, y existant plusieurs batteries à fleur d'eau; la pointe du coteau sur lequel est bâtie la ville qui se termine à la mer, sert à fermer aussi la rade ainsi que le port; le tout garni de forts et de batteries pour défendre l'entrée ainsi que l'approche de la ville.
La prise de Malte nous rendit maîtres de plusieurs batiments de guerre, et de dix galères ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Bonaparte organise un gouvernement provisoire et reprend sa route vers l'Egypte, après avoir fait de l'eau et s'être ravitaillé.
Joseph Laporte raconte : "Le général en chef après avoir pourvu à la sûreté de sa nouvelle conquête, et y avoir laissé une garnison française d'environ 6000, pour la sûreté de l'isle ainsi que celle de Ligosi qui la touche, donna l'ordre aux troupes bivouaquées dans l'isle de se rembarquer; cela fait, le convoi qui avait été rejoint par celui de Civita-Vecchia, se
réunit à l'escadre et toute la flotte réunie au nombre de trois cents voiles de toutes dimensions partit le 30 prairial an 6 (18 juin 1798), se dirigeant du côé de l'isle de Candie, laissant derrière elle Malte, dont le commandement fut confié au général de division Vaubois.
C'était un coup d'oeil imposant que de voir cette forêt flottante marchand avec ordre, escortée et protégée, à bas bord et à tribord en proue et en poupe par une escadre en bon état et décidée à se mesurer avec l'ennemi, les batiments de guerre légers et fins voiliers voltigeaient sans cesse pour éclairer notre marche, faire rejoindre les traînards, rentrer dans la ligne ceux qui s'en écartaient, ralentir la marche de ceux qui allaient trop vite, les ordres étaient transmis par le moyen de pavillons servant de signaux. Dans chaque batiment il y avait un tableau explicatif et si on n'obéissait pas de suite, on tirait un coup de canon sur le vaisseau désobéissant, alors la garnison faisait aller l'équipage dont bon nombres étaient romains, génois etc. montant des batiments nolisés dans les différents points de départs.
Les batiments qui étaient en éclaireurs ayant signalé quelques voiles anglaises dans la journée du 5 messidor (23 juin 1798), l'escdre se rangea en bataille pour protéger le convoi ou livrer combat si l'on fut attaqué, mais il ne se passa rien de nouveau les batiments signalés ayant
disparu et nous continuâmes notre route paisiblement ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le 23 juin 1798 (5 messidor an 6), par ordre du Général en Chef, l'ordre suivant est promulgué depuis le Quartier général à bord de l'Orient : "Le général en chef a déterminé le commandement des brigades, dans les divisions, ainsi qu'il suit :
... Division Menou
Le général Veaux commande la 22e légère.
Le général Vial commande la 13e et la 69e de ligne.
L'adjudant général Rambeaud, chargé du détail de la division ..." (Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2706; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 15).
Le même jour (23 juin 1798 – 5 messidor an 6), du fait que les troupes laissées à Malte ont été, en grande partie, prélevées sur les garnisons des bâtiments de l'escadre, Bonaparte décide de reconstituer cet élément de défense; Berthier donne en conséquence les ordres suivants : "... VAISSEAUX ARMEE EN FLUTE. - Dubois et Causse, chacun 40 hommes de la 69e de ligne ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 13).
Joseph Laporte poursuit son récit : "paisiblement ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
- Prise d'Alexandrie
Le 12 messidor (30 juin 1798), les troupiers enthousiasmés peuvent voir à leur réveil les côes d'Afrique; le soir, ils sont devant Alexandrie.
Le lendemain 13 (1er juillet), malgré le vent qui souffle avec violence et la mer agitée, dont les vagues viennent se briser contre les récifs, le débarquement commence. On est éloigné de près de trois lieues du rivage et les hommes font force rames pour lutter contre l'impétuosité et la fureur des flots. La Division Menou, placée à gauche, côtoyant la mer, est la première qui peut descendre à terre.
Les colonnes, fortes de 4,000 hommes, sont immédiatement formées. Après avoir passé en revue les troupes débarquées, le Général en chef donne l'ordre de marcher, sans attendre l'artillerie, sur Alexandrie pour tenter de surprendre cette ville. Il est deux heures et demie du matin. Menou côtoie la mer et forme la gauche. Après quelques escarmouches avec la cavalerie ennemie, on arrive près de l'enceinte de la vieille ville des Arabes.
Dans son rapport adressé, depuis Alexandrie, au Ministre de la Guerre (6 juillet 1798 - 18 messidor an VI), Berthier écrit "… Nous nous embarquâmes sur des canots ; et, à une heure du matin, le vainqueur de l'Italie était en Afrique, à la plage du Marabout, dans le désert, à quatre lieues d'Alexandrie. L'armée n'avait aperçu aucun individu du pays.
Le général en chef passa sa revue ... La division Menou, composée de la 22e d'infanterie légère, des 13e et 69e de bataille, avait environ deux mille cinq cents hommes …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 42-49).
Bonaparte donne l'ordre à chaque colonne de s'arrêter à portée de canon; il désire prévenir l'effusion du sang et se dispose à parlementer, quand des hurlements effroyables d'hommes, de femmes et d'enfants, et une violente décharge d'artillerie font connaitre les intentions de l'ennemi. Réduit à la nécessité de vaincre, le Général en chef fit battre la charge par les Tambours. Les Français s'avancent vers l'enceinte et, malgré le feu des assiégés et la grêle de pierres qu'on leur lance du haut des murailles, on se prépare à escalader l'enceinte; tous, généraux et soldats, s'aidant les uns les autres, ont la même intrépidité. Menou est renversé en tête de sa Division du haut des murailles. Les soldats, excités par l'exemple de leurs chefs, rivalisent d'ardeur. Un des guides, Joseph Cala, devance les grenadiers et arrive le premier sur le rempart où, sans s'inquiéter de la fusillade dirigée sur lui, il aide les Grenadiers Sabatier, de la 69e, et Labruyère à monter, puis leurs camarades.
Berthier, dans son rapport au Ministre de la Guerre (6 juillet 1798 - 18 messidor an VI) mentionne "… les citoyens Sabatier, sergent-major ... La Bruyère, sergent-major; Brueys, sergent; Chauvot, fusilier; Marceau, carabinier; Hébert, caporal; Archevêque, id.; Antoine Buisson, chasseur, et beaucoup d'autres qui seront connus par une liste plus détaillée. Tous ces individus ont reçu du général en chef un grade supérieur sur le champ de bataille …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 42-49).
Dans sa lettre au Général en chef Bonaparte, datée d'Alexandrie, le 4 juillet 1798 (16 messidor an 6), Menou écrit : "... Toutes les troupes, en général, ... méritent les plus grands éloges … On ne peut [déployer] plus d'intrépidité, d'activité, d’intelligence au milieu des plus grands dangers, car les ennemis se sont défendus avec beaucoup de courage et d'opiniâtreté …
La division Menou était chargée de l'attaque de la gauche, où se trouve la partie la plus importante de ce qu'on nomme le Vieux Château d'Alexandrie ... Le général Menou, avec l'adjudant général Rambeaud, étaient au centre avec un bataillon et demi de la 13e et la 69e demi-brigade ...
A l'ordre du pas de charge, les troupes se sont élancées avec une extrême intrépidité, sur leur point d'attaque ... Le centre s'est jeté dans les fossés à la gauche de la grosse tour ; et, sous le feu le plus violent partant de la tour crénelée ct des courtines, percées de grandes et petites embrasures (d'où en même temps on jetait des pierres énormes), il est parvenu à une brèche presque impraticable par laquelle il est monté à l'assaut … ". A la suite de ce rapport, Menou cite le Sergent-major La Bruyère qui, blessé, n’a pas voulu se retirer que l'affaire ne fût finie (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 51).
Les murs sont bientôt couverts de Français, et les habitants qui les défendent se sauvent dans la ville, où la terreur devient générale; Alexandrie capitule; le Général Menou a l'honneur d'y entrer le premier.
Le Commandant Giraud écrit :
"A bord du Généreux, le 1er juillet 1798.
Il est fort heureux qu'il y ait eu du monde à Malte pour nous recevoir. Les portes de la cité Valette se sont ouvertes devant nous sans tirer un coup de canon.
Une partie de la division Bon la 4e légère et les compagnies de grenadiers des 18e et 32e demi-brigades de ligne ont seules concouru à la prise de l'île.
L'ordre de Malte est anéanti, le grand maître renvoyé en Allemagne. Il ne fallait pas perdre de temps à bavarder; une escadre anglaise forte de treize voiles, nous épiait dans les eaux de Naples. Pour lui échapper nous avons repris la mer le 20 juin, et le 1er juillet, par une belle nuit d'été, le timonier du Généreux, à bord duquel je suis monté en quittant Malte, venait à peine piquer deux heures, que le matelot placé en vigie, au bossoir signalait le phare d'Alexandrie. La mer était unie comme une glace. Chacun monta sur le pont, heureux de voir approcher le moment où il pourrait quitter sa prison flottante; deux heures plus tard, nous débarquions sur la plage, à l'anse du marabout, la division Menou se dirigeant sur Alexandrie, en côoyant la mer; la division Kléber (25e légère et 75e demi-brigade de ligne), à sa droite. Pas un souffle dans l'air : l'ombre abandonnant peu à peu les montagnes laissait apercevoir un désert d'au moins trois lieues qu'il fallait nécessairement traverser avant d'arriver au pied de l'enceinte de cette vieille cité arabe" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
A noter que le 2 juillet 1798 (14 messidor an VI), le Lieutenant Moreaux est tué lors de la prise d'Alexandrie, tandis que le Capitaine Aubry est blessé.
Le Lieutenant Liénard est blessé à Alexandrie (pas d'indication de date).
Maître d'Alexandrie, Bonaparte prélève sur la Division la 69e pour garder la ville, ainsi que quelques unités du génie et de l'artillerie.
Le 4 juillet 1798 (16 messidor an 6), Bonaparte décoide de prélever sur la Division Menou la 69e Demi-brigade d'infanterie de ligne et la désigne pour tenir garnison à Alexandrie ; le Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient, reçoit une lettre expédiée depuis le Quartier-général à Alexandrie : "Vous voudrez bien, cit[]général, ordonner à la 69e demi-brigade de ligne de tenir garnison dans la place d'Alexandrie ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 2575; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 75). Forte de 1.800 hommes, la 69e va constituer, avec quelques unités d'Artillerie et du Génie, la principale force défensive de la place.
Le lendemain 5 juillet (17 messidor an 6), Bonaparte écrit depuis le Quartier général d'Alexandrie au Général Berthier : "J'ai accordé dans le temps, Citoyen Général, un sabre au citoyen Hulerie, sergent de grenadiers de la 69e demi-brigade : il ne l'a pas reçu. Je vous prie de lui écrire qu'il le recevra du moment où l'on sera plus tranquille; de le prévenir, en attendant, qu'il jouira de l'avantage de ceux qui ont eu un sabre, qui est la double paye, et de l'en faire jouir" (Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2764; ; correspondance générale, t.2, lettre 2579). Ce sabre d'honneur avait été attribué pendant la campagne d'Italie; l'intéressé a dû porter réclamation pour qu'il lui soit remis, d'autant plus qu'un titulaire d'arme d'honneur a droit à un supplément de solde.
Le même jour, depuis Alexandrie, le Général Vial écrit au Général en chef Bonaparte : "... Le chef de la treizième demi-brigade m'écrit que les postes qu'occupent les troupes sous ses ordres, dans cette place, ne sont point encore relevés, quoique la soixante neuvième demi-brigade soit ici depuis ce matin, et que l'on ait envoyé cinq à six fois, dans la journée, des officiers au commandant de la place, pour le presser de s'occuper de cet objet ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5).
Le 7 juillet 1798 (19 messidor an 6), Bonaparte écrit depuis le Quartier général d'Alexandrie au Général Dugua à Aboukir : "... L'escadre appareille dans ce moment-ci; ainsi elle sera à Aboukir dans la journée. Je lui donne ordre d'approvisionner le fort d'Aboukir et d'y mettre un détachement de la 69e, qu'elle a encore à bord ..." (Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2779; correspondance générale, t.2, lettre 2598; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 126).
Bonaparte se met ensuite en route pour le Caire; Kléber, blessé pendant l'assaut d'Alexandrie, est également laissé dans cette ville avec le convoi et l'escadre, qu'on supposait entrée dans le port. Il tient garnison dans le château d'Aboukir, et dispose d'environ 6,500 hommes de ligne, plus 3,500 hommes formant les équipages des bâtiments de transport, organisés en garde nationale.
La mission est extrêmement périlleuse et exige infiniment de tact avec les indigènes toujours prêts à se révolter; l'ordre du jour de la place, daté du 9 juillet, prescrit "de faire de fréquentes patrouilles, tant de jour que de nuit, organisées d'une manière mixte"; les honneurs militaires "devaient être rendus aux chefs musulmans décorés de l'écharpe tricolore portée sur l'épaule".
Le reste de l'armée se dirige sur le Caire; après avoir défait les Mamelucks au village de Ghebreiss, elle arrive sur le champ de bataille des Pyramides le 21 juillet, à 4 heures du matin, disperse l'armée musulmane et entre victorieuse au Caire le 22 juillet.
Le Commandant Giraud écrit :
"Alexandrie, 10 juillet 1798.
Plus de cinq cents janissaires défendent la ville d'Alexandrie ; la moitié de la population se porte dans les forts, l'autre moitié monte sur les terrasses des maisons attachées aux murailles de l'enceinte. Ainsi disposés, les Egyptiens attendent notre attaque. Elle a lieu sur trois colonnes qui ont l'ordre de s'arrêter à portée de canon : la division Bon à droite; la division Serrurier, à gauche.
Buonaparte désirant prévenir l'effusion du sang, se disposait à parlementer quand des hurlements effroyables d'hommes, de femmes et d'enfants et une décharge d'artillerie firent connaître les intentions de l'ennemi.
Réduit à la nécessité de vaincre, le général en chef fit battre la charge. Nos soldats se précipitent en courant vers l'enceinte qu'ils escaladent sous le feu des assiégés et la grêle de pierres qu'on leur lance des remparts, s'aidant les uns et les autres; en faisant la courte échelle, les premiers rendus en haut des murailles, tendaient la main aux autres; quatre heures après, la farce était jouée, Alexandrie capitulait et le même soir, la place et les deux ports étaient en notre pouvoir.
Le massacre en ville fut effrayant. Nos soldats ne savent pas broncher; ils donnent la mort et la reçoivent avec le même calme.
Il fallait frapper un grand coup, si on voulait étonner son ennemi. La 69e demi-brigade tint garnison au château d'Aboukir, avec 1,000 cavaliers; 2,000 hommes des dépôts, 300 hommes appartenant aux équipages des bâtiments de transport, descendirent à terre pour y être organisés en garde nationale chargée de la sécurité de notre nouvelle conquête.
Kléber blessé a pris le commandement d'Alexandrie, en qualité de gouverneur : Buonaparte nous a fait toucher cinq jours de vivres, et se prépare à nous faire traverser une plaine inculte de vingt lieues, pour gagner l'embouchure du Nil et remonter le célèbre fleuve jusqu'au Caire.
Drôle de population que cette population arabe, turque, ou égyptienne : dans des rues étroites où le soleil ne pénètre jamais, c'est un mélange de costumes et de races diverses; c'est le pêle-mêle, la confusion, l'agitation d'une fourmilière. De temps à autre, un fantôme blanc glisse dans l'ombre ; une porte s'entr'ouvre silencieusement, le temps de tourner la tête, et l'apparition mystérieuse a déjà disparu. Mais que nous importent à nous ces maisons immobiles ? Elles ne peuvent valoir à nos yeux le bivouac qui change chaque jour" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Pour faciliter le service, l'ordre de la place d'Alexandrie du 13 juillet (25 messidor) prescrit que les Dépôts et détachements divers se trouvant à Alexandrie seront annexés à la 69e Demi-brigade, jusqu'à ce qu'ils reçoivent des ordres pour rejoindre leurs corps (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 214).
Le 14 juillet 1798 (26 messidor), l'Ordre de la place décrête : "Il sera remis trois pièces d'artillerie, du calibre de 4, à la 69e demi-brigade pour les diriger sur la ville" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 219)
Le 15 juillet 1798 (27 messidor), l'Ordre de la place organise un Conseil de Guerre présidé par le Chef de Brigade Barthelemy, de la 69e (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 219)
La vie à Alexandrie, où la 69e reste de garde, est délicate et pénible; les indigènes infligent aux soldats les pires vexations; les distributions de vivres ne sont faites qu'à intervalles très irréguliers, et les hommes peinent à se nourrir. Le bois même fait défaut, ainsi qu'en témoigne cette lettre adressée par le Chef de la Demi-brigade à Kléber, commandant de la place :
"Alexandrie, 28 messidor an VI (16 juillet 1798).
Citoyen général,
Tous les jours, les officiers me réclament du bois pour leur compagnie et m'observent que si on leur en faisait une petite distribution quelconque, ils me répondraient que les soldats n'iraient point dévaster des vieilles masures; il me paraît juste que les soldats mangent la soupe, puisqu'ils sont fatigués de service et de corvées.
En conséquence, faites-moi l'amitié de prendre en considération ma demande, et vous obligerez celui qui est avec considération votre frère d'armes.
Barthélémy" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 220).
BARTHÉLÉMY (Etienne-Joseph) Né à Brignoles (Var) le 12 septembre 1757. Soldat au 71e, 1er mars 1772. Congédié, 6 décembre 1784. Chef de Bataillon au 3e Bataillon du Var, 14 septembre 1791. Chef de Brigade à la 69e, 7 ventôse an V. |
Sur ordre de Kléber, le Commissaire des guerres fait distribuer aux troupes du bois de chauffage, qui était chargé sur certains bâtiments mouillés dans le port. Mais cette ressource étant insuffisante, l'Ordre du jour devra réduire de moitié
le tarif des rations de bois accordées aux Officiers; la troupe seule percevra ses rations entières. Voici quel était le tarif réglementaire pour la saison d'été :
... Chef de Brigade et Chef de Bataillon, 30 livres; Capitaine, 25 livres; Lieutenant et Sous-lieutenant, 20 livres; Sous-officier, 4 livres 1/2; Fusilier, 2 livres 1/4. L'Ordre du 21 thermidor (8 août) réduira encore de moitié ces quantités à compter du 26 (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 220).
- Combat de Damanhour
Bonaparte avait prescrit d'organiser une colonne mobile pour assurer les communications de l'armée; le Général Kléber la fait partir le 17 juillet, elle comprend : une Compagnie de Grenadiers et 200 Fusiliers de la 69e, une Compagnie de Grenadiers Maltais et 20 Dragons. Avant le départ de cette colonne, il écrit au Général Dumuy, qui la dirige : "L'organisation de la légion maltaise, Citoyen Général, a été retardée jusqu'ici, malgré votre zèle et votre activité, par le dénuement absolu de cette troupe et la difficulté de pourvoir à ses besoins. Il devient cependant instant de remplir les vues du général en chef concernant la colonne mobile dont le commandement vous est confié.
Je me suis déterminé à conserver à Alexandrie les Maltais et à les occuper aux travaux des fortifications, en vous fournissant cependant à leur place les détachements suivants : 1 compagnie de grenadiers de la 69e demi-brigade, 1 compagnie de grenadiers maltais, et 200 fusiliers ; 20 dragons montés commandés par l'adjudant du 3e régiment de ce corps sera réuni ce soir à 7 heures sur la place d'Alexandrie, où il attendra vos ordres. Je pense, Citoyen Général, que vous feriez bien de vous mettre en route sur les 9 heures, pour vous rendre d'abord à El-Kerioun, de là à Damanhour, d'où vous vous dirigerez sur Rosette, revenant ensuite à Alexandrie par Aboukir. Partout où les circonstances exigeraient que vous laissassiez un poste, vous pourrez de suite l'y établir, en lui donnant des instructions conformes à son objet, et en leur recommandant surtout de se retrancher soigneusement. Je désirerais que cette première tournée ne fût qu'une reconnaissance, et que, d'après le rapport que vous m'en ferez à votre retour, nous puissions prendre une détermination sur l'établissement des postes, conformément à l'intention du général en chef ...". Kléber prescrit d'emporter deux jours de vivres ; il annonce que la colonne trouvera de l'eau à El-Kerioun, Damanhour et Aboukir (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 222-223).
Les 200 Fusiliers sont fournis par la 69e : une lettre de Kléber au Commissaire des guerres évalue l'effectif total de la colonne à 380 fantassins et 25 cavaliers. Il y a en outre 2 pièces de 5.
La colonne quitte Alexandrie le 17 juillet à 10 heures du soir. Dans son rapport adressé à Kléber le 21 juillet (13 thermidor), Dumuy signale un retard de 2 heures dans le départ, occasionné par le fait que les rations destinées aux Grenadiers de la 69e onnt été données à des Fusiliers. "... Il fut impossible de recouvre ces vivres; et malgré les ordres des chefs, les employés dans l'administration, prétendant qu'il était trop tard pour des distributions, refusèrent de se prêter à l'urgence".
La colonne atteint sans sans grandes diflicultés El-Kerioun, où elle est bien reçue et se repose; mais quand elle se remet en marche vers Damanhour, la marche devient beaucoup plus rude. Les Arabes ont comblé tous les puits; les soldats, brûlés par le soleil ardent, sont en proie à une soif dévorante, et il a été impossible de se procurer un chameau, un âne même, pour porter les vivres.
Il faut avancer avec prudence, par crainte des embuscades. A une demi-lieue de la ville, la colonne est attaquée par un corps important de bédouins; Grenadiers et Fusiliers ne perdent pas de temps à tirailler : ils chargent l'ennemi; les Arabes se replient promptement; ils ont fait un mort et un blessé. La colonne arrive à Damanhour, se croyant au terme des privations; les notables de la ville protestent de leurs bons sentiments, et comme le détachement s'apprête à répondre à ces salamalecs, des coups de feu éclatent et une nuée de cavaliers, au-dessus desquels flotte l'étendard de Mahomet, entoure la petite troupe.
Le carré est aussitôt formé et engage un feu nourri; il recule sur Berket-Gitas, arrêtant pendant quatre lieues les attaques de la cavalerie ennemie. Aux portes de la ville, des émissaires accourent et promettent aux Français tout le nécessaire. "Nous n'avons pas d'autre but, leur répond-on, que de vivre avec vous en bonne intelligence, et la République n'a envoyé son armée en Egypte que pour vous soustraire à la tyrannie des Mamelouks". Le détachement passe sous les murs de la ville et répond aux marques de sympathie des habitants.
Des guides conduisent les soldats aux citernes, où enfin ils peuvent se désaltérer, pendant qu'une arrière-garde reste face aux Arabes, qui, depuis Damanhour, n'ont cessé de tirer sur la reconnaissance. Elle reprend le chemin d'Alexandrie, où elle est de retour le 20, après cette marche périlleuse de trente lieues exécutée en moins de soixante heures.
Le Général Dumuy, commandant le détachement, adresse, à l'arrivée, ses félicitations aux hommes qui ont supporté toutes ces fatigues et ces dangers avec un courage et une constance sans égaux.
Dans son rapport du 21 juillet 1798 (3 thermidor an 6), Dumuy écrit : "D'après les événements passés à Damanhour et sur la route en retournant, il est évident qu'il y a des intelligences ...". Effectivement, une enquête ultérieure établit que l'un des guides fournis par le maître de poste d'Alexandrie avait trahi la colonne. Avant l'arrivée à Damanhour, il avait profité d'une halte pour prendre les devants et donner l'éveil aux habitants de cette ville.
Dumuy ajoute, dans son rapport "... Les troupes ont fait une marche pénible et périlleuse et l'ont supportée avec courage et constance; la compagnie de grenadiers de la 69e demi-brigade n'a pas perdu un seul homme; celle des grenadiers maltais a souffert parce qu'elle n'est pas exercée à la marche et qu'elle a fait l'arrière-garde; dans cette position, elle a très bien soutenu le feu de l'ennemi et défendu la colonne ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 225).
La colonne mobile rentre à Alexandrie le 20 juillet, vers 5 heures du matin, après avoir parcouru 30 lieues en moins de 60 heures.
Le général Lannes a remplacé à la tête de notre division, Menou qui, blessé au siège d'Alexandrie, a besoin de repos et commande la province de Rosette, depuis le 6 thermidor an VI (24 juillet 1798).
Le 26 juillet 1798 (8 thermidor an VI), Berthier publie depuis Le Caire un Ordre du jour de l'Armée : "Le général en chef a demandé, par l'ordre du 17 messidor, l'état des hommes tués à raffaire d'Alexandrie. L'état-major n'a encore reç·u que ceux de la 22e demi-brigade légère et ceux de la 69e de ligne.
Les corps qui n'ont pas exécuté cet ordre le feront le plus promptement possible, afin que l'on puisse faire inscrire sur la colonne de Pompée le nom de tous les braves morts à l'affaire d'Alexandrie.
Il est ordonné également à tous les corps d'envoyer les noms de tous les militaires tués à la bataille des Pyramides, afin qu'ils puissent être inscrits sur les Pyramides. Ils exécuteront cet ordre le plus promptement possible ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 294).
Le 30 juillet 1798 (12 thermidor an 6), le Général Bonaparte, depuis son Quartier général au Caire, écrit au Général Kléber : "... Il paraît que vous êtes peu satisfait de la 69e demi-brigade. Faites connaître au chef que, si sa demi-brigade ne va pas mieux, on le destituera ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 284 ; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2880 ; Correspondance générale, t.2, lettre 2680; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 316).
Le 1er août 1798 (14 thermidor an VI), le Capitaine Aubry est blessé à Alexandrie.
Le 3 août 1798 (16 thermidor an 6), le Général Bonaparte, depuis son Quartier général au Caire, écrit au Général Chabot, Gouverneur de Corfou et des îles ioniennes : "... Le premier bataillon de la 69e demi-brigade a reçu un ordre positif de partir lorsque je quittais Toulon; je ne doute donc pas qu'en ce moment il ne soit arrivé ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 294 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.2, p. 428 ; Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 2880 ; Correspondance générale, t.2, lettre 2748; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 322).
Après le désastre d'Aboukir, Kléber prend des mesures pour se protéger d'éventuelles tentatives anglaises. Le 5 août, Kléber prescrit à Dumuy de faire partir, le lendemain soir, la Compagnie de Grenadiers de la 69e, pour venir dans la nuit à Alexandrie. Il lui annonce l'envoi de détachements maltais destinés à compléter la Légion maltaise. "18 thermidor. - … Le général envoya des fonds au général Dumuy, en lui ordonnant de s'emparer des deux mortiers placés dans l'ile en face d'Aboukir et de lui envoyer les troupes de garnison des vaisseaux, ainsi que les munitions arrivées des bords, et une compagnie de grenadiers de la 69e …" (Extrait du journal tenu à l'Etat-major de Kléber - La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 435).
Le 6 août, Dumuy répond que les Grenadiers de la 69e sont l'âme de la colonne mobile, que l'exemple des Français est indispensable pour empêcher les défaillances des Maltais : "... Je suis obligé de mettre dans les postes des grenadiers avec les Maltais. Enfin, le soldat maltais, soit par inexpérience, ou par tout autre motif, n'est passable qu'autant qu'il n'est pas seul ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 436).
Le 7 août 1798 (20 thermidor an 6), Kléber écrit à Dumuy, et donne satisfaction à sa demande : "... D'après tout ce que j'apprends, Citoyen Général, de la conduite des Maltais, je ne puis qu'approuver le parti que vous avez pris de garder avec vous la compagnie de grenadiers de la 69e demi-brigade. Ce qui reste ici de vos Maltais est impotent ou aveugle et ne peut vous être d'aucune utilité ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 436).
"20 thermidor. - Le général fit passer au général Dumuy, qu'il maintenait à Aboukir, des munitions de guerre et une pièce de 5. Il lui donna l'ordre de ne rien négliger pour enlever les deux mortiers que la marine avait imprudemment laissés dans l'ile. Il lui permit de garder la compagnie de la 69e, qu'il était autorisé à emmener avec sa colonne mobile et qui était indispensable pour contenir et encourager les soldats maltais. Il lui envoya également un chirurgien et deux officiers, l'un du génie, l'autre de l'artillerie, et tout ce qui était nécessaire, pour faire en cet endroit un établissement stable ..." (Extrait du journal tenu à l'Etat-major de Kléber - La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 435).
"27 thermidor. - On reçut, dans la matinée, l'avis que 13 vaisseaux anglais étaient à la voile. Le général ordonna aussitôt au citoyen Faultrier de préparer les batteries, de faire rougir les boulets, de disposer ses hommes et ses munitions de manière que, dans l'affaire, ni l'un ni l'autre ne manquent. Le général ordonna au chef de brigade du génie de répartir ses officiers dans les différentes batteries, en y envoyant également les sapeurs et les mineurs. Il ordonna au chef Je brigade de la 69e, au commandant des dépôts et à celui de la cavalerie, de tenir leurs officiers et soldats au camp, pour que chacun J'eux puisse être prêt à la première apparition des Anglais ..." (Extrait du journal tenu à l'Etat-major de Kléber - La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 435).
La présence du Général Dumuy à Aboukir avait eu le double objet d'assurer les communications entre Alexandrie et Rosette et d'empêcher les Anglais de prendre pied sur la côte. Bonaparte ayant assigné une autre destination au Général Dumuy, Kléber lui transmet immédiatement les ordres de Berthier : "… Vous verrez, Citoyen Général, qu'il n'est question que des Maltais et non de la compagnie de grenadiers, qui est à Aboukir, à qui je donne ordre de revenir ici …"
Pour former la nouvelle garnison d'Aboukir, Kléber prescrit au Commandant de la place d'Alexandrie de faire partir, le jour même (16 août, à 5 heures du soir), un détachement de 150 hommes, commandés par 1 Chef de Bataillon, 2 Capitaines, 2 Lieutenants et 2 Sous-lieutenants. Il lui adresse, en même temps, les instructions suivantes destinées au commandant du détachement : "… La compagnie de grenadiers de la 69e, actuellement à Aboukir, rentrera à Alexandrie dans la nuit du 2e au 3e fructidor. Le capitaine de cette compagnie sera porteur du paquet venu de Rosette ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 447).
Par ailleurs, de nombreux marins, après la défaite navale des 2 et 3 août, se retrouvent sans emploi; plusieurs décisions sont prises pour les uliser. Ainsi, le 16 août encore, Kléber écrit, depuis Alexandrie, au Chef de Brigade Barthélémy commandant la 69e Demi-brigade : "... Vous êtes autorisé à recruter parmi les marins 360 hommes, ce qui ferait une augmentation de 15 hommes par compagnie. Vous les choisirez autant que possible parmi les jeunes gens de 18 à 20 ans, et donnerez toujours la préférence à ceux qui témoigneraient de la bonne volonté; à ceux encore qui auraient déjà servi dans quelque régiment ou demi-brigade d'infanterie. Ces hommes seraient à l'instant portés sur l'état de vos revues, armés, équipés et exercés ...".
De son côté, Bonaparte a décidé de doter le Corps expéditionnaire d'une Légion nautique formé à partir des marins disponibles; il charge Kléber d'informer le Chef de la 69e qu'il lui en confie l'organisation.
Aussi, Kléber écrit il dans la foulée, au Capitaine de frégate Martinet, au sujet de la Légion nautique qui doit être formée (16 août) : "... J'autorise le commandant de la 69e demi-brigade à faire passer à ce corps le citoyen Dupond, sous-lieutenant, pour y faire les fonctions d'adjudant·major ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 511).
De son côté, en raison de la faiblesse numérique du détachement maltais, le Général Dumuy ne peut exécuter strictement l'ordre qu’il a recu, et juge nécessaire d'emmener avec lui les Grenadiers de la 69e. Il rend compte à Kléber, depuis Aboukir, des motifs de cette détermination, le 17 août (30 thermidor) : "… Cet ordre porte que je me rendrai avec 500 Maltais, ce qui suppose que je les ai ; mais on a tellement décomposé ce corps à force d'en enlever des ouvriers, des boulangers, des gardiens d'hôpitaux et des domestiques, etc., qu'il se trouve réduit dans ce moment à 326 hommes, y compris les officiers, comme vous le verrez par l'état de situation que vous trouverez ci-joint. Je crois donc, d'après cela, pouvoir garder la compagnie des grenadiers et remplir les intentions du général Berthier en me rapprochant, autant qu'il est possible, du nombre de 500 hommes qu'il m'est ordonné de conduire à El-Rahmânieh. Je suis cependant disposé à rendre les grenadiers, aussitôt que les individus de la légion maltaise me seront rendus ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 448-449).
Le 18 août, tandis que la Demi-brigade va à Aboukir, les Grenadiers, sous les ordres de Dumuy, partent pour Rosette, qu'ils atteignent le lendemain; le 20, ils prennent place dans des chaloupes sur le Nil.
Situation de la 69e Demi-brigade de ligne le 18 août 1798, d'après le "Tableau général des forces de l'armée d'Orient au 1er fructidor de l'an VI de la République française une et indivisible" :
- Garnison d'Alexandrie, Général Kléber :
- 69e Demi-brigade de Ligne (3 Bataillons), au Alexandrie : total de l'effectif, Officiers compris : 1902.
87 Officiers présents, 15 Officiers absents, 3 vacants; 1797 hommes dont 1497 présents sous les armes (4 prisonniers, 10 en congé ou permission, 205 aux hôpitaux, 42 au Dépôt, 126 embarqués : total donné 405 en comptant les Officiers).
- Garnison de Malte, Général Vaubois :
- Canonniers de la 69e Demi-brigade, Fort de Saint-Elme : total de l'effectif, Officiers compris : 51.
3 Officiers présents; 47 hommes présents sous les armes (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 613 et suivantes).
Dans une autre situation, datée du 18 août 1798 (1er fructidor an 6), les Canonnniers de la 69e de Ligne sont donnés avec un effectif de 3 Officiers et 50 hommes présents sous les armes (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 248.).
Le 20 août 1798 (3 fructidor an 6), Kléber écrit, depuis Alexandrie, au Général en chef Bonaparte : "… Voici le parti que j'ai pris avec la surabondance des marins qui se trouvent actuellement dans le port.
On complètera tous les équipages du restant de l'escadre; la 69e demi-brigade recrutera 360 hommes ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 505).
Le même 20 août, le Général Menou écrit, depuis Rosette, au Général Kléber : "Mon cher Général, j'envoie un détachement de cent hommes de ma garnison et la compagnie de grenadiers de la 69e demi-brigade, pour escorter 115.000 francs qu'on fait passer à Alexandrie ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 518).
Le 22 août 1798 (5 fructidor an 6), par ordre du Général en Chef, l'extrait de l'ordre du jour suivant est diffusé parmi les troupes depuis le Quartier général du Caire : "Emplacements de l'armée :
... Garnison d'Alexandrie
69e demi-brigade de ligne" (Correspondance de Napoléon, t.4, lettre 3086).
Le même jour, le Général Kléber écrit, depuis Alexandrie, écrit au Général Bonaparte : "... La soixante-neuvième est sortie de sa léthargie : un homme fusillé, huit ramant aux galères, et quelques autres exemples moins rigoureux, l'ont ramenée à l'ordre, et j'en suis fort content en ce moment ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 6; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 513-514).
Les Grenadiers, sous les ordres de du Muy, parviennent, le 25, à El-Rahmanieh.
- Combat d'El-Rahmanieh
Le 26 août (9 fructidor an 6), le Général Kléber écrit, depuis Alexandrie, écrit au Général Bonaparte : "... Je joins ici l'état de situation de la garnison : pour ce qui concerne la marine, je vous ai mandé dans ma dernière la manière dont je l'ai utilisée, je le répéterai ici :
1°. Trois cent soixante hommes ont été donnés à la soixante-neuvième demi-brigade, ce qui fait une recrue de quinze hommes par compagnie de fusiliers ; on les exerce à force, et, comme ce sont tous jeunes gens, ils se façonnent assez bien à la discipline. ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 6; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 511-512).
L'Ordre du jour de l'Armée, rédigé par Berthier au Caire, le 27 août 1798 (10 fructidor an VI) indique que : "… Le général ordonne que tous les détachements d'infanterie qui étaient restés à bord des vaisseaux de l'escadre, et qui sont à Alexandrie, à Aboukir et à Rosette, se mettent en marche sur-le-champ pour se rendre au Caire, hormis les gens appartenant à la 69e ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 568-569).
Le 29 août 1798, les Anglais font une tentative contre Aboukir; le Journal tenu à l'Etat-major de Kléber porte qu'à 7 heures du soir, on entendit d'Alexandrie une canonnade assez vive. A 9 heures Kléber fait partir son Chef d'Etat-major avec un détachement de Dragons et un Bataillon de la 69e. Ces renforts arrivent après que les Anglais ont été repoussés (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 78).
Le 3 septembre 1798 (17 fructidor), Kléber écrit à Bonaparte : "… J'envoie à l'adjudant général Bribes un renfort de 130 hommes de la 69e demi-brigade, qui était ici en dépôt. Je fais partir aussi environ 100 cavaliers non montés. Il a besoin de monde en ce moment, et il parait en tirer un très bon parti.
Avant-hier au soir, la légion nautique est partie d'ici pour aller à Aboukir, oü elle prend poste. Je ne doute point que ce petit corps ne rende incessamment de bons services …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 80-81.
Peu de jours après sa formation, la Légion nautique se signale par sa valeur. Le Sous-lieutenant Dupond poursuit une fraction arabe avec ses 300 hommes entre El-Rahmanieh et Damanhour, lorsqu'il est enveloppé par 20.000 Turcs. Sommé de se rendre, Dupond dispose ses hommes en carré et répond par une fusillade; il ne recule pas d'un pouce, chaque balle qui part des rangs abat un ennemi. Désespérant de les prendre, les Turcs mettent le feu aux récoltes avec l'intention de les faire périr dans les flammes; le détachement, au milieu d'un champ de maïs, ne bronche pas, il est dans la fournaise et entend les cris de joie des adversaires. Cependant le feu vient mourir aux pieds de ces braves et Dupont rentre à El-Rahmanieh avec 4 hommes tués et 36 blessés, ayant mis plus de 1.200 Turcs hors de combat.
Pour arrêter les attaques des cavaliers turcs, on essaye l'emploi de petites piques de quatre pieds et demi qui se fichent en terre et s'y maintiennent au moyen d'une petite chaînette en fer, fixée à chacune d'elles et se liant d'une pique à l'autre. Ces piques forment une sorte de palissade devant le front des carrés. Chaque soldat porte la sienne en sautoir derrière l'épaule.
Le Commandant Giraud écrit :
"6 septembre 1798.
Le spectacle de notre départ d'Alexandrie le 3 juillet, a quelque chose de pittoresque et d'imposant. Il faut des bêtes de somme pour traîner à la suite de notre armée, des vivres pour les hommes et les animaux. Notre commissaire des guerres, aidé du général Berthier, en eut bientôt réuni un nombre considérable : chevaux de bât, véritables haridelles portant un monstrueux bât rembourré de paille, sous le poids duquel ils plient et s'ensellent avant même d'être chargés ; minuscules mulets chargés de la provision d'eau, d'une docilité extrême, malgré leur réputation d'entêtement proverbial; chameaux hideux portant les bagages de l'armée ; tout un troupeau de chèvres et de moutons conduits par des soldats du train et destinés à être mangés en route" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 7 septembre 1798 (21 fructidor an 6), une lettre est expédiée depuis Alexandrie au Général Bonaparte : "Si, en venant vous dire : on nous doit, sans cesse on nous fait espérer de nous mettre au niveau de toute l'armée, et cette promesse n'est jamais qu'un vain espoir, c'était affaiblir les sentimens de votre estime, seul bien dont nous soyons jaloux, nous ferions, n'en doutez pas, le sacrifice de nos créances comme tant de fois nous l'avons fait de notre sang, satisfaits d'obtenir un regard de vous.
Nous le savons, vos ordres (vous n'en avez jamais donné que pour nous rendre heureux, votre magie sur les coeurs est telle, que chacun voit la patrie là où il sait que vous êtes); vos ordres, disons-nous, soit par les circonstances, soit par une infinité de causes qu'on ne pénètre pas facilement, ne sont pas exécutés.
Pourquoi craindrions-nous de vous donner connaissance que vos volontés ne sont point remplies envers nous, qu'il nous est dû arriéré de solde, gratifications, etc., etc. ? Ne sommes-nous pas avec vous ? N'avons-nous pas toujours été avec vous ? Est-il des individus dans l'armée qui puissent être plus privilégiés que nous ? Nous ne demandons que ce que votre intention est de nous donner, que ce que vous croyez que nous possédons. Nous ne courons point après les richesses; nous ne sommes point des Espagnols, pour traverser les mers pour elles : la gloire de vous suivre et votre estime nous suffisent.
Nous espérons, général, que disons-nous ! les soldats de Bonaparte parlent différemment : la justice de notre demande et vos sentimens s'accordent trop ensemble pour que nous ne soyons pas certains de voir cesser au plus tôt le retard que nous éprouvons. L'état de ce qui nous est dû, se montant à la somme de 144,011 l. 9s. 6d., se trouve ci-joint.
BARTHéLEMI, chef de brigade provisoire ; BERNARD, capitaine ; TUNAS, sous-lieutenant ; LAUDE, sergent.
P. S. L'état énoncé était joint a l'original" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 6).
Malgré l'accord conclu avec l'Emir de Damanhour, la surveillance n'est pas suffisante pour empêcher les saignées que pratiquent souvent les populations riveraines du canal. Elles sont surtout abondantes aux environs de Berket-Gitas, dont les habitants, coalisés avec la tribu arabe des Oulad-Ali, déclaraient vouloir empêcher l'arrivage des eaux à Alexandrie. Pour les punir, Kleber fait marcher contre ce village un détachement de 600 hommes d'infanterie, 50 Dragons et 2 pièces, commandé par le Chef de Brigade Barthelemy, de la 69e. L'ordre donné contient ces prescriptions (27 fructidor an - 13 septembre 1798) : "Vous ferez main basse sur tout ce qui résistera, et vous arrêterez et garderez soigneusement les femmes, les vieillards et les enfants. Les Arabes du village qui périraient dans cette allaire seront décapités par ceux de cette nation que vous aurez près de vous, et leurs têtes, mises à l'extrémité de quelques perches, seront exposées à la vue des passants; après quoi, vous mettrez le feu au village et le ferez détruire de fond en comble ...
Vous resterez dans cette position jusque dans la nuit du 29, où vous rentrerez avec votre détachement et les prisonniers que vous aurez faits.
... Vous sentez combien il sera nécessaire de surprendre et d'investir ce village avant qu'il puisse se mettre en état de défense ... Vous êtes prévenu que la tribu des Oulad-Ali est établie dans ces environs et qu'elle ne manquera pas de venir vous inquiéter dans votre entreprise. Mais vous déjouerez ses projets en observant la plus grande surveillance, en tenant toujours votre troupe réunie et en présentant un front redoutable, partout où ils paraîtront vouloir diriger leur attaque. Vous n'exposerez point votre cavalerie et vous ne vous en servirez qu'en masse. Les vedettes mêmes doivent être soutenues par deux fusiliers. Vous préviendrez votre troupe que tout homme qui s'écarte est un homme perdu ..."
Parti d'Alexandrie le 13 septembre, à 8 heures du soir, le détachement y rentre le 16 : "Il avait exécuté sa mission, peut-être avec trop de sévérité. 50 Arabes avaient été tués; 60 vaches, 10 buffles, 12 chameaux avaient été pris. Le général donna ordre que les chameaux fussent remis à l'artillerie, qui devait les payer 6 louis chacun, suivant l'ordre du général en chef. Les vaches furent destinées à être distribuées à la troupe et aux hôpitaux, et les buffles remis aussi à l'artillerie pour ses transports" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 103-104).
Le 16 novembre 1798 (26 brumaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Directoire exécutif, au sujet de cette expédition : "... A la sollicitation de Mourad-Bey et des Anglais, les Arabes s'étaient réunis et avaient fait une coupure au canal d'Alexandrie, pour empêcher les eaux d'y arriver. Le chef de brigade Barthélemy, à la tête de 600 hommes de la 69e, cerna le village de Birket-Gheytâs, la nuit du 27 fructidor, tua plus de 200 hommes, pilla et brûla le village ..." (Pièces diverses et correspondances relatives aux armées d’orient ; Panckoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 405 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 27 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3632 ; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 3716).
Le 16 septembre (30 fructidor an 6), le Général Bonaparte, depuis le Caire, répond au Conseil d'administration de la 69e Demi-brigade :
"J'ai reçu, citoyens, votre lettre du 21 fructidor, je me fais faire un rapport sur la solde qui vous est due.
L'armée, depuis son entrée en Egypte, a été soldée des mois de floréal, prairial et messidor : elle se trouve encore arriérée des mois de thermidor et fructidor.
La division dont vous faisiez partie a, ainsi que vous, un arriéré antérieur à floréal : conformément à ce qui a été mis à l'ordre du jour, il y a près d'un mois, il faut que vous vous adressiez, pour tout ce qui est antérieur à floréal, à l'ordonnateur en chef.
Si, dans le rapport que le payeur général me fera, il est constaté que vous ayez touché moins de paye que le reste de l'armée, je donnerai sur-le-champ les ordres et je prendrai les mesures pour que vous soyez mis au courant de paye de l'armée. BONAPARTE" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 6; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 379).
Le 2 octobre 1798 (11 vendémiaire an 7), Marmon écrit à Bonaparte : "... La garnison d'Alexandrie est extrêmement souffrante; elle est prodigieusement fatiguée de service, elle ne reçoit pas un sou. Il lui est dû beaucoup plus qu'à toute l'armée, et le mécontentement est frappant dans la 69e. Officiers, soldats, tout le monde se plaint d'une manière amère. Les vivres sont rares et chers et leur existence pénible semble excuser leur dégoût. Ce tableau est exact; j'ai cru devoir vous le mettre sous les yeux ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 126)
Le 6 octobre 1798 (15 vendémiaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "... Vous donnerez l'ordre au 2e bataillon de la 69e de se rendre à Rosette ... quatre compagnies du 2e bataillon de la 69e se rendront à Rosette; le jour suivant, le reste du mouvement s'effectuera ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3427; Correspondance générale, t.2, lettre 3388; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 308).
Le 7 octobre 1798 (16 vendémiaire an 7), Bonaparte prescrit que le 3e Bataillon de la 61e, qui est à El-Rahmànieh, permutera avec le 1er de la 69e qui est à Alexandrie (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 308).
Le 12 octobre 1798 (21 vendémiaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "Je suis peu satisfait de l'inexécution des différents ordres que j'ai donnés, relatifs au départ de Rosette et d'Alexandrie des différents détachements d'infanterie et de cavalerie des corps de l'armée. Voyez, je vous prie, de donner vos ordres de manière à ce qu'ils soient exécutés ponctuellement. Mon intention est qu'il ne reste à Rosette que le 2e bataillon de la 69e [de ligne] 100 hommes du 14e dragons; et à Alexandrie que les 3e bataillons de la 61e, 69e, et 85e [de ligne] et 50 hommes du 14e dragons; cela sans comprendre l'artillerie" (Correspondance générale, t.2, lettre 3429; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 308).
Le 16 octobre 1798 (25 vendémiaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Manscourt, commandant par intérim à Alexandrie : "... Je vous prie de me faire passer le rapport des officiers supérieurs qui ont dit qu'il se murmurait une insurrection dans la garnison. Si une demi-brigade sous mes ordres se soulevait, je casserais le corps et ferais fusiller tous les officiers qui n'auraient pas maintenu l'ordre. Je veux croire qu'on a calomnié la 69e en vous faisant ce rapport" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3482; Correspondance générale, t.2, lettre 3474).
- Combat de Chabour
Mi-octobre, le premier Bataillon est à El-Rahmanieh, le 2e à Rosette, le 3e à Alexandrie.
Le 19 octobre 1798 (28 vendémiaire an 7), le Général Manscourt écrit, depuis Alexandrie, au Général Bonaparte, pour lui faire part de la situation de la place :
"… Ces probabilités de rupture entre la Porte et nous, pouvant faire croire qu'elle va réunir dans peu des forces plus ou moins considérables avec celles des Anglais pour faire une tentative sur cette place, j'ai écrit au général Marmont de me renvoyer au plus tôt le détachement de cette garnison qu'il a sous ses ordres, n'ayant pour le moment à ma disposition que 500 hommes, dont 350 sont en garde.
Ce dénûment extrême provient de ce que j'ai envoyé quatre compagnies du 1er bataillon de la 69e à El-Rahmânieh, d'où j'attends les quatre compagnies du 3e bataillon de la 61e pour faire partir ensuite le reste du 1er bataillon de la 69e, ce qui diminuera nos forces encore davantage jusqu'à ce que le reste du bataillon de la 61e soit venu prendre sa place …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 314-315).
Manscourt informe en même temps Marmont de l'apparition de frégates turques. Il le fait en termes assez alarmés pour que Marmont juge prudent de lui renvoyer immédiatement les détachements du 3e Bataillon de la 69e, qui sont sur le canal.
Marmont écrit à Bonaparte (de Leloha, 28 vendémiaire - 19 octobre) que Manscourt semble tirer "bien vite des conséquences graves" et aller "grand train dans ses conclusions". Il ajoute cependant : "Dans le cas où ce qu'il annonce serait vrai et où un débarquement aurait lieu, je réunirais promptement la 4e et le 1er bataillon de la 69e, qui est à El·Rahmànieh, et 200 hommes de la 25e qui sont ici, et avec ces 1.400 hommes je marcherais sur-le-champ, et, en ne perdant pas un moment, j'en tirerais bon parti, à ce que j'espère ...". Le lendemain, il rend compte à Bonaparte des premiers renforts dirigés sur Alexandrie : "El-Rahmànieh ne courant aucun risque, et les quatre premières compagnies du 1er bataillon de la 69e suffisant pour le moment".
Le 21 octobre 1798 (30 vendémiaire an 7), Marmont écrit, depuis le camp de Leloha, à Bonaparte : "Le général Manscourt me fait part de toutes ses inquiétudes ; elles me paraissent fondées, car il lui est impossible de défendre une place aussi mauvaise et aussi étendue qu'Alexandrie avec une garnison aussi faible que la sienne, attendu même que les quatre compagnies de la 61e n'y sont pas encore arrivées ...
L'étendue du terrain qu'occupent mes troupes me force à les rassembler sur-le-champ ; car, si Alexandrie était attaquée vivement leur éloignement m'empêcherait d'arriver à temps, er, comme je sens de quelle importance il est de mettre parfaitement à l'abri une ville qui contient beaucoup de richesses, je vais marcher à son secours avec ma colonne mobile …
… Je laisse à El-Rahmânieh la légion maltaise : elle suffit, et de reste, pour défendre ce poste ; les eaux l'entourent, et on ne peut y arriver que par deux digues ; mais, pour plus grande sûreté et jusqu'à ce que l'artillerie en soit totalement évacuée, j'y laisserai encore les quatre premières compagnies du 1er bataillon de la 69e, qui y sont maintenant ; elles viendront ensuite me joindre, à moins que vous ne leur donniez des ordres contraires.
J'aurai donc avec moi :
la 4e 700 hommes
1er bataillon de la 69e 450
détachement de la 25e 200
TOTAL 1350 hommes.
Avec ces 1350 hommes et la garnison, je crois Alexandrie en sûreté ; mais ces 1350 hommes, pour l'instant, se réduiront à 1100, à cause des 250 de la 69e qui resteront momentanément à El-Rahmànieh.
L'arrivée de ce secours fera merveille, en ce qu'il relèvera le moral qui me parait un peu abaissé …
Je pense donc prendre le bon parti et que vous le sanctionnerez de votre approbation …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 314-315).
État général des troupes composant l'armée d'Égypte à l'époque du ler brumaire an VII de la République française (22 octobre 1798) : Place de Rosette commandée par le Général Menou (Adjudant-général Jullien) :
69e Demi-brigade de ligne (Rosette) : 30 Officiers et 546 hommes présents sous les armes. Total : 576 hommes (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 697 et suivantes).
Le 4 novembre 1798 (14 brumaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "... Celle de El-Rahmânieh (la garnison) d'un bataillon de la 69e [ligne]. Le général ... Murat (commandera), la 69e de ligne avec l'artillerie qu'il a menée avec lui ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 3612).
Le 5 novembre 1798 (15 brumaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Menou à Rosette : "... Mon intention est ... que la garnison d'El-Rahmânyeh soit formée d'un bataillon de la 69e; que le général Murat ait sous son commandement les deux bataillons de la 69e ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3576; Correspondance générale, t.2, lettre 3623).
Le 8 novembre 1798 (18 brumaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "Vous donnerez l'ordre, Citoyen Général, au dépôt de la 69e demi-brigade de se rendre au Caire, et au général Murat de se rendre à Rosette avec son artillerie et deux bataillons de la 69e. Le général Menou donnera sur-le-champ les ordres pour faire réunir ... à El-Rahmânyeh un bataillon de la 69e ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3587; Correspondance générale, t.2, lettre 3634; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 331 et p. 435).
Les 2e et 3e Bataillons, et avec eux un canon, partent le matin dès la pointe du jour sous le commandement de Murat.
Murat, revenu d'Alexandrie à Rosette, écrit à Bonaparte le 15 novembre 1798 (25 brumaire an 7) : "Je suis arrivé ici avant-hier, mon Général, avec deux bataillons de la 69e demi-brigade, un détachement de la 25e, les trois compagnies de grenadiers de la 19e et 117 hommes des différents dépôts ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 435-436).
Murat reste à Rosette une huitaine de jours.
Le 21 novembre 1798 (1er frimaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "Vous voudrez bien donner l'ordre, Citoyen Général, au général Menou, de faire partir le général Murat avec les deux bataillons de la 69e et son artillerie, pour se rendre à Châbour, par terre, où il recevra de nouveaux ordres.
Dans tous les pays où il passera, il invitera les habitants à payer exactement et sans délai leurs contributions; sans quoi, à son retour, il punira sévèrement les cheiks et leur fera payer le double ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3651; Correspondance générale, t.2, lettre 3750; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 438-439).
Le 21 novembre 1798 (1er frimaire an 7) toujours, le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, à Daure, Commissaire ordonnateur en chef de l'Armée d'Orient : "Je vous prie, citoyen ordonnateur, d'employer tous les moyens qui sont en votre pouvoir pour pousser la confection des capotes dont l'armée a le plus grand besoin dans un moment où les nuits sont si fraîches.
Je désire que :
Les 19e 69e ... viendront après ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 3754).
"Le 4 novembre, les 2e et 3e Bataillons reçoivent l'ordre de se porter, par terre, à Chabour", dit l'Historique régimentaire; il y a erreur de date. En réalité, le 24 novembre 1798 (24 frimaire an 7) , Murat est envoyé par Menou du côté d'El-Rahmànieh, avec ordre de se porter ensuite contre Damanhour; ce même jour, dans l'après-midi, le 2e Bataillon de la 69e arrive à El-Rahmànieh.
Murat occupe Damanhour le 27 novembre. Il en part le 1er décembre à 3 heures du soir, marchant vers Alexandrie. A la nuit, il change de route pour prendre la direction de Deïr, où s'est rassemblée une bande; cette dernière parvient à s'échapper. Après avoir fait reposer sa troupe, Murat se remet en marche à 5 heures du matin; mais, ne parvenant pas à rattraper l'ennemi, Murat décide finalement de rentrer à Damanhour, où il arrive le 3 décembre à 1 heure après-midi. Il y passe la nuit, et arrive le 4 à midi à El-Rahmànieh.
Le jour même, Murat rend compte à Bonaparte de cette pénible expédition et écrit, au sujet de la 69e : "... La 69e demi-brigade est sans le sou. Je vous prie, mon Général, si cela ne dérange pas vos projets, d'ordonner au payeur de cette province de solder au moins une décade aux soldats et un mois aux officiers. Je suis extrêmement content de l'ordre qui a régné dans toute la marche. Ils brûlent de trouver l'occasion de faire taire quelques bruits qui ont couru sur le compte de la demi-brigade ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 438-439)
Quelques heures après, Murat reçoit un ordre de départ immédiat, que lui apporte un Officier des Guides à pied, Félix : "Le général en chef ordonne au général de brigade Murat, qui doit être arrivé à Chabour, de se rendre à Terraneh. Il lèvera, en passant, dans chaque village, les chevaux qu'ils doivent fournir.
A Terraneh, le général Murat passera le Nil et se rendra à Menouf, où il recevra de nouveaux ordres; il expédiera au général en chef un officier pour lui laire connaltre le jour où il devra arriver à Menouf" (Berthier à Murat (13 frimaire- 3 décembre) - La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 439)
Toujours le 5 décembre 1798 (15 frimaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Lanusse, commandant la province de Menouf : "... Le général Murat a ordre de se rendre à Menouf ; il passera le nil à Terraneh. Il a avec lui une pièce de canon et deux bataillons de la 69e. Si vous avez besoin de son secours, vous pouvez le retenir quelques jours ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 3851; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 439).
Conformément à ses ordre, Murat part le 5 décembre, au
matin, d'El-Rahmânieh; il arrive le soir même à Chabour et y passe la nuit. Là, il est instruit qu'une bande de 300 Arabes est campée dans le désert, à peu près à la hauteur de Saouf (Sowaf?); il décide, en partant de Chabour, de tenter un coup de main contre eux. Une fois de plus, les troupes montrent beaucoup d'énergie et d'entrain; mais les Arabes réussissent encore à s'enfuir, abandonnant seulement des bagages et quelques animaux. Cette opération est ainsi relatée dans le compte rendu adressé par Murat à Bonaparte (de Terraneh, 17 frimaire - 7 décembre) : "Le 16, au matin, je me suis mis en marche après avoir ordonné à mes barques de filer jusqu'à Terraneh. Une terreur panique me précédait; j'ai trouvé tous les villages déserts; celui de Sa ouf n'a point imité les autres : son chef est venu au-devant de moi, et tous les paysans, me montrant le désert et les Arabes, m'ont offert de me guider vers eux.
Il était 10 heures du matin lorsque je me suis mis en mouvement et, après deux heures de marche, j'ai aperçu quatre grandes colonnes en mouvement. J'ai ordonné au chef de brigade Barthélémy de se mettre à la poursuite de celle qui filait le plus sur ma droite, avec un bataillon. L'adjudant-général Escale, avec le deuxième bataillon, a poursuivi celle qui était à gauche; et moi-même, avec les deux compagnies de grenadiers, j'ai marché sur celle du centre au pas de charge.
Six cents Arabes à cheval dispersés par bandes formaient l'arrière-garde de l'ennemi; nous commencions à les approcher; mais, effrayés par notre feu et notre contenance, ils ont abandonné huit camps remplis de tous leurs bagages après avoir eu plusieurs hommes tués en fuyant. Je ne voulais pas m'en tenir là, je voulais me rendre maître de 6.000 chameaux qui étaient peu éloignés de moi; mais, malgré tous mes efforts, j'ai vu s'échapper cette précieuse proie. Il m'était impossible de les atteindre avec de l'infanterie, car les Arabes les faisaient marcher aussi vite que des chevaux. Une vingtaine des plus lents seulement sont restés en mon pouvoir, avec trois troupeaux considérables de moutons.
Il était 3 heures après midi; nous étions en marche depuis 7 heures du matin; depuis trois nous marchions dans les sables; le soldat ne pouvait plus aller, nous n'avions plus d'eau. J'ai rassemblé ma colonne, et, après avoir réuni les Arabes; hommes ou femmes, que nous·avions pris, ainsi que les troupeaux, je me suis mis en marche vers leurs camps afin de les brûler. C'est en ce moment, mon Général, que je vous aurais désiré spectateur de tout le mal que nous leur avons fait et que je ne pourrais jamais vous rendre ...
J'ai résolu de laisser reposer mes troupes jusqu'à la nuit et de continuer ensuite ma route vers Terraneh. J'ai marché jusqu'à 3 heures du matin, mais, ayant perdu mon chemin, j'ai attendu le jour à Kafr-Alkam; j'en suis parti à 6 heures du matin. Arrivé au village de Demsil, j'ai pris le chemin du désert avec deux compagnies de grenadiers, pour y faire une pointe et tâcher de harceler l'ennemi dans sa marche. A peine étais-je à l'entrée du désert, que j'aperçus des Arabes; mais ils ont fui, et j'ai continué à marcher, voulant leur enlever une bande de chameaux qui fuyaient devant moi; j'y ai réussi, je vous les enverrai avec plusieurs milliers de moutons".
Et Murat termine ainsi sa lettre : "... Je dois des éloges à la conduite des troupes, principalement à celle des chefs. Il n'est pas de troupe qui marche mieux que la 69e demi-brigade et avec plus de courage ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 440-441).
Au moment où Murat reviens vers Le Caire, Bonaparte prescrit une réduction des garnisons d'Alexandrie et de Rosette. Ainsi, le 6 décembre 1798 (16 frimaire an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Menou, commandant à Rosette : "L'état-major vous donne l'ordre, citoyen général, de faire partir sur-le-champ ... le 3e bataillon de la 69e pour Le Caire ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 3862). A noter que La Jonquière parle du 1er Bataillon (même information dans l'Historique du Corps).
Par jugement du 27 frimaire (17 décembre), le Conseil de guerre d'Alexandrie condamne à la destitution, à un an de prison et à l'incapacilé de servir, un Capitaine de la 69e qui "étant de garde au canal d'El-Rahmànieh et chargé d'arrêter et de remettre pour le service de l'artillerie toutes les barques qui descendraient dudit canal", en a "soustrait 18, moyennant la somme d'un louis d'or chacune" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 423).
Le 9 janvier 1799 (20 nivôse an 7), le Général Bonaparte, depuis son Quartier général au Caire, ordonne la création d'un Régiment de Dromadaires (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3821); Barthélémy, qui a déjà recruté et organisé la Légion nautique, doit fournir 15 hommes, choisis parmi les plus hardis et les plus intrépides, pour former le noyau du Régiment des Dromadaires destiné à enrayer le brigandage des Arabes (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3820 ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 74 ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 75).
Le 21 Nivôse an 7 (10 janvier 1799), le Général en chef Bonaparte écrit, depuis Le Caire, au Général Berthier : "Le général Murat partira, le 23, à la pointe du jour, avec 25 hussards, 25 chasseurs, 50 dragons du 20e.
Sa troupe aura des vivres pour les 23, 24, 25 et 26; il aura avec lui 10 chameaux chargés d'eau, et de l'orge pour ses chevaux pour deux jours.
II aura 69 hommes de la 69e.
II recevra une instruction de moi sur ce qu'il doit faire" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 58).
Par ordre du 23 Nivôse an 7 (12 janvier 1799) Bonaparte promeut le Chef de Bataillon Dupas, commandant les Guides à pied, au grade de Chef de Brigade à la suite de la 69e et lui donne le commandement de la citadelle du Caire en remplacement du Chef de Bataillon Brun, qui est désigné pour faire partie de la commission des grains (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 90).
Le 18 janvier 1799 (29 nivôse an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "... Le 6 pluviôse, le bataillon de la 69e, qui est à la citadelle, descendra en ville. Il sera placé dans une caserne sur la place Ezbekyeh" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3871; Correspondance générale, t.2, lettre 4098; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 90).
Le 20 janvier 1799 (1er pluviôse an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "Vous voudrez bien donner l'ordre au général Murat de partir, trois heures avant le jour, avec 120 hommes de cavalerie et 100 hommes de la 69e, pour se rendre à Qelyoub, tomber sur le camp des Arabes Haouytât, enlever les chameaux, femmes, enfants, vieillards, les amener au Caire, et tuer tout ce qu'il ne pourra pas prendre. Il obligera tous les villages qui auraient des bestiaux à ces Arabes de les livrer; il se fera désigner les deux villages qui appartiennent au cheik des Haouytât; il prendra tous les bestiaux, brûlera la maison du cheik des Haouytât, et lui fera tout le mal possible; il préviendra le cheik-el-beled qu'il doit verser le myry dans la caisse de sa province.
Cette troupe prendra du pain pour demain et après-demain. S'il prévoit pouvoir faire du mal à cette tribu des Haouytât ou des A'ydy, il pourra rester dehors toute la journée d'après-demain. Il me préviendra par un Arabe de ce qu'il aura fait et de la résolution qu'il aura prise, demain au soir" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3880; Correspondance générale, t.2, lettre 4124; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 62).
Le 7 Pluviôse an 7 (26 janvier 1799), Marmont écrit à Menou : "… J'envoie le citoyen Godard, chef de bataillon de la 69e, commander à Aboukir; c'est un bon officier ...
Je porterai, ainsi que vous me le prescrivez, la garnison d'Aboukir à 200 hommes …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 105).
Le 10 Pluviôse (29 janvier), Bonaparte ordonne à Berthier : "Le 22e régiment de chasseurs tiendra garnison au fort Sulkowski ... Les compagnies de la 69e qui y sont rejoindront leur bataillon" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 116). Ce mouvement a lieu le 12 Pluviôse (31 janvier). A cette date, les troupes sont logées dans les nouvelles casernes du fort; les baraques sont déblayées pour que "les convois puissent se rassembler dans le fort".
- Expédition de Syrie
Revenu à Suez, Bonaparte prépare son expédition pour la Syrie. Cette intervention en Syrie s'annonce, comme devant être très fructueuse, pour les avantages à en recueillir. La Division Desaix reste dans la haute Egypte; tous les 3es Bataillons fournissent les garnisons nécessaires à la sécurité de nos postes; un Régiment d'hommes à dos de dromadaires assure la police du sud et fait l'office de gendarmerie; ce sont des hommes choisis par Bonaparte, parmi les plus intrépides.
Nos soldats s'aguerrissent de jour en jour; peu à peu ils se sont familiarisés avec les élans fougueux de la cavalerie turque venant se briser contre leurs carrés bien appuyés. L'idée de se battre tous les jours, de souffrir de la faim, de la soif et d'être privés d'un somme réparateur ne les effraie point. D'autres souffrances les attendent cependant.
L'expédition de Syrie va commencer. Pour arriver en Palestine, il faudra traverser environ soixante lieues de désert d'Alexandrie à Rahmanieh et du Caire à Gaza, ayant la flotte anglaise sur notre flanc gauche ; emporter d'assaut des villes bien défendues, n'ayant ni poudre ni boulets, ni plomb; faire à l'ennemi, une guerre souterraine, sans trêve ni merci, creuser des tranchées et lutter contre la peste qui frappera dans nos rangs un peu à tort et à travers. Telle sera cette expédition de quatre mois. Le Capitaine Giraud, dans son carnet de campagne, nous en donne un aperçu jour par jour.
Les troupes sont rapidement rassemblées. Le 31 janvier 1799 (12 pluviôse an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "... Vous donnerez l'ordre à la 22e d'infanterie légère de partir du Caire, le 15 pluviôse, pour se rendre à Belbeis. Vous donnerez le même ordre à deux bataillon de la 69e [de ligne], au choix du général commandant la division. La compagnie de grenadiers du bataillon qui restera au Caire marchera avec les deux autres compagnies ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 4192; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 129).
Selon l'historique régimentaire, ce sont les 1er et 2e Bataillons qui reçoivent l'ordre de revenir du Caire à Alexandrie dans la Division Lannes.
Un ordre du 13 Pluviôse (1er février) prescrit à 100 hommes du Bataillon qui reste au Caire, de se rendre à Kelioub, pour permettre au Général Leclerc de continuer jusqu'au 17 la levée des impôts et des chevaux; cette troupe remplace les Hussards, l'infanterie et l'artillerie que Leclerc a sous ses ordres et qu'il doit renvoyer au Caire (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 129).
Le 3 février 1799 (15 pluviôse an 7), par ordre du Général Bonaparte, est écrit depuis le Quartier général au Caire, l'ordre suivant : "Le général en chef, par les différents mouvements qu'ont faits les troupes composant l'armée d'Italie, n'ayant eu connaissance que dans ce moment des noms des quatre grenadiers de la 69e demi-brigade qui, par leur sang-froid et leur bravoure, ont empêché les Autrichiens de surprendre les postes avancés du camp retranché de Saint-Georges, après que le général Provera eut passé l'Adige à Porto-Legnago; au moment où l'armée française gagnait la bataille de Rivoli,Accorde au citoyen Pierre Cavard, un des quatre grenadiers de la 69e qui ont eu part à l'action dont il vient d'être parlé, un des deux cents fusils garnis d'argent, destinés par l'ordre du général en chef à récompenser les officiers ou soldats qui se distingueront ou qui auront rendu un service essentiel à l'armée.
En conséquence, aussitôt que les fusils seront faits, il en sera adressé un au citoyen Pierre Cavard.
Il jouira, à dater de ce jour, des deux sous par jour de haute paye dont, conformément à l'article 2 de l'ordre du pluviôse, doivent jouir ceux auxquels le général en chef accorde un des deux cents fusils garnis d'argent" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3935).
Le même jour, le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Dommartin, commandant l'Artillerie de l'Armée d'Orient : "Je vous prie, citoyen général, de faire délivrer au chef de brigade des guides douze mille cartouches en remplacement de celles qu'il a données à la 69e demi-brigade [de ligne]" (Correspondance générale, t.2, lettre 4201).
- Siège du Caire
Le 3e Bataillon reste au Caire sous Dupas, nommé à la 69e, Chef de brigade à la suite. Pendant l'expédition de Syrie, il a à soutenir, lors de la révolte, le siège de la citadelle presque sans aucun moyen de défense et avec une garnison d'éclopés et d'amputés. Pendant trente-quatre jours, il résiste à plus de 10.000 Osmanlis, entrés dans la ville pour faire cause commune avec les insurgés. Il leur prend trois queues de pacha, cinq drapeaux, des sabres, des piques. Ces trophées ornèrent plus tard la voûte du Dôme des Invalides.
- Combat d'El-Arich
Le 6 février, la colonne expéditionnaire, forte de 4 divisions, 900 chevaux et quelques pièces d'artillerie, se met en mouvement pour traverser le désert vers El-Arich.
Jamais étapes n'ont été aussi pénibles; le soir venu, les soldats se laissent tomber de lassitude et s'endorment sans songer à prendre de nourriture. D'ailleurs, le sucre, le café, l'eau-de-vie manquent souvent, les chameaux porteurs de provisions ne pouvant suivre à temps la colonne. On marche des heures et des heures sans trouver une goutte d'eau, et toujours la soif, la soif horrible dévore les troupiers; on trouve bien quelques mares, quelques fonds de puits, où une eau saumâtre stagne, on la boit avec avidité, mais les puits s'épuisent vite et il faut attendre avant qu'une mince nappe de liquide se reforme. Tantôt l'artillerie tombe dans les ravins, tantôt elle doit passer sur des monticules de sable dans lesquels les roues enfoncent jusqu'aux moyeux, on double alors les attelages, les hommes doivent s'appliquer aux roues.
Par contre, les nuits sont fraîches, les registres de la 69e prouvent qu'un bon dixième des soldats sont atteints d'ophtalmies. Les scorpions sont à craindre, et, par surcroît, la fièvre règne en souveraine.
Le 9 février 1799 (21 pluviôse an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Dugua : "Vous prendrez, citoyen général, le commandement de la province du Caire ...
Tous les Français sont logés autour de la place Esbequieh. J'y laisse un bataillon de la soixante-neuvième ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 471; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 90 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 3950; Correspondance générale, t.2, lettre 4230 ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 144).
Le Général en chef quitte le Caire le 10 février 1799. Quatre petites Divisions d'infanterie, et un détachement de neuf cents chevaux, sous les ordres des Généraux Reynier, Kléber, Bon, Lannes et Murat, forment cette armée d'expédition. La Division du Général Lannes comprend les deux premiers bataillons de la 22e légère, des 13e et 69e de ligne. Ses Généraux de Brigade sont Vaux, Robin et Rambaud. La Division compte 2,994 hommes (Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 100).
Au moment où s'achève la concentration de l'armée vers l'isthme de Suez, la composition de l'Armée de Syrie, basée sur des notes, non datées, mais qui semblent avoir été écrites à l'Etat-major de Berthier, est la suivante :
DIVISION KLEBER.
Généraux de brigade: Verdier et Damas (remplacé par Junot, le 10 mars).
2e demi-brigade d'infanterie légère; 1er et 2e bataillons de la 25e de ligne; 1er et 2e bataillons de la 75e de ligne.
DIVISION REYNIER.
Général de brigade: Lagrange.
9e demi-brigade de ligne; 1er et 2e bataillons de la 85e de ligne.
DIVISION BON.
Généraux de brigade : Rampon et Vial.
1er bataillon de la 4e légère; 1er et 2e bataillons de la 18e de ligne; 1er et 2e bataillons de la 32e de ligne.
DIVISION LANNES.
Généraux de brigade : Veaux et Robin.
1er bataillon de la 22e légère; 1er et 2e bataillons de la 13e de ligne; 1er et 2e bataillons de la 69e de ligne.
CAVALERIE, commandée par le général de brigade Murat.
1 escadron du 7e de hussards; 1 escadron du 22e de chasseurs; 3e, 14e et 18e régiments do dragons; 1 escadron du 20e de dragons (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 148).
Après plusieurs jours, on atteint le village d'El-Arich; il est enlevé à la baïonnette et, canonné quarante-huit heures, le fort se rend le 20 février.
Le Commandant Giraud écrit :
"17 février 1799. - Arrivée de la 69e demi-brigade sous les murs d'El-Arich, dont elle fait le blocus avec la 32e; la place capitule le 20 février" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
- Prise de Gaza
Le 22, l'armée se met en marche vers la Palestine.
Le Commandant Giraud écrit :
"22 février. - Reprise de la marche en avant ; les montagnes boisées de la Syrie s'aperçoivent dans le lointain. Des chants guerriers retentissent dans ces mêmes vallons où, jadis, les croisés avaient entonné leurs cantiques de la foi chrétienne" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 25 février, ayant parcouru soixante lieues, elle arrive en vue de Gaza. Les dispositions pour l'attaque sont prises, lorsqu'une députation des habitants vient informer le Général en chef des sentiments accueillants de la population. On pénètre dans la ville, qui renferme pour le plus grand bien des troupes un stock considérable d'approvisionnements.
Le Commandant Giraud écrit :
"25 février. - Entrée dans Gaza" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
- Siège de Jaffa
L'armée se dirige vers Jaffa où l'ennemi rassemble ses forces.
Le Commandant Giraud écrit :
"28 février. - Reprise de la marche dans la direction de Jaffa; marche particulièrement pénible, en raison de la poussière et du vent soulevant des tourbillons d'un sable brûlant. Pendant trois lieues nos soldats poussent les roues, pour dégager les pièces et les caissons qui cependant ont reçu un triple attelage" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 5 mars, les travaux d'investissement commencent.
Le Commandant Giraud écrit :
"5 mars. - Arrivée sous les murs de Jaffa. Une première sommation est adressée à la garnison turque. Pour toute réponse, le chef de la milice, Abou-Saab, fait trancher la tête au parlementaire français.
L'indignation de nos soldats est à son comble; chacun se prépare, à l'assaut qui est ordonné pour le 7 mars" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le lendemain, Bonaparte est arraché aux Turcs par le Lieutenant Meignan, du 2e Bataillon : ce dernier commande sur la gauche de l'armée une garde avancée de 40 hommes de sa Compagnie; le Général en chef fait, à pied, vers huit heures du matin, une reconnaissance, les assiégés l'aperçoivent, font une sortie et se portent vivement sur lui; déjà ils sont prêts de l'atteindre, lorsque Meignan accout avec sa garde, fonce sur les Turcs et parvient, malgré la perte d'une dizaine de ses hommes, à le sauver. Les postes voisins, prévenus, forcent l'ennemi à rentrer dans la place.
Le 7, Bonaparte adresse une sommation à la garnison. Pour toute réponse, le commandant turc Abou-Saab fait trancher la tête à l'envoyé français (notons que Giraud date cet événement du 5 mars).
L'indignation des soldats est à son comble. L'attaque est décidée, la Division Lannes désignée pour monter à l'assaut; les adjudants généraux Netherwood et Rambault ainsi que trois Compagnies de Grenadiers des 69e et 13e se présentent les premiers sur la brèche; officiers et soldats, chacun s'y lance à l'envi; mais, à l'instant où ils vont pénétrer dans l'enceinte, l'ennemi démasque deux batteries et réunit tous ses tirailleurs sur le front. Un combat meurtrier et opiniâtre s'engage sur les remparts. Les femmes, les enfants mêlent leurs cris au bruit des armes, et une grêle de balles, de pierres, de matières enflammées tombent sur les assiégeants; le Commandant Baille et le Capitaine Grasset, du 1er Bataillon, aidés de quelques Grenadiers, parviennent, malgré le feu des croisées et embrasures des tours, à traîner une pièce de canon sur un monticule et à la diriger contre une tour occupée par 300 Osmanlis; bientôt ceux-ci mettent bas les armes.
Le Tambour des Grenadiers, Beaudoin, un des premiers sur la brèche, aperçoit un petit fort sur sa gauche, d'où les Turcs dirigent un feu d'enfilade sur les Français. Beaudoin met sa caisse sur son dos, ramasse un fusil, court à ce fortin avec une quinzaine de ses camarades; ils grimpent sur la terrasse et tâchent de débusquer l'ennemi. Vains efforts; ils roulent alors une poutre voisine, s'en servent pour se glisser dans la cour, et, sous les yeux stupéfaits du général Robin, fusillent les assiégés. Ceux-ci, désemparés par tant d'audace, abandonnent les créneaux, d'où ils inquiétaient nos troupes, et se sauvent dans la ville. La colonne y entre à leur suite, et là une lutte encore plus furieuse s'engage; le Capitaine Rolland, du 2e Bataillon, qui vient d'arriver au Corps, pénètre avec 30 hommes dans la rue du port, voie principale de la ville, il s'en rend maître après un combat acharné, il fait enfoncer les portes des magasins qui constituent autant de petites redoutes.
La Division Bon vient de s'emparer du port, et les assiégés sont placés entre deux feux. Les Turcs, cernés de toutes parts, refusent de se rendre; les soldats, dans leur fureur, en font un horrible carnage, malgré les Généraux et les Officiers, qui veulent mettre un terme à cette boucherie.
A cinq heures du soir, Lannes est enfin maître de Jaffa; on y trouve du sucre, du café, des provisions de toutes sortes ainsi qu'une quantité considérable de pelisses, de châles, de soieries; les soldats voient là une occasion unique d'enrichir leur garde-robe, d'orner un peu leurs vieilles hardes. Dès lors, leur allure martiale s'agrémente d'un piquant cachet d'Orient. Le Tambour-maître Noblet, dit Bel-Air, magnifiquement drapé à la mode mulsumane, avec ses cinq pieds quatre pouces, a fort grand air.
Le 7 mars 1799 (17 ventôse an VII), le Lieutenant Gondouin est blessé à Jaffa.
Dans sa lettre écrite depuis son Quartier général à Jaffa, et datée du 13 mars 1799 (23 ventôse an 7), le Général Bonaparte écrit, au sujet du siège de Jaffa, et plus particulièrement de la journée du 17 ventôse : "... A la pointe du jour, le 17, je fis sommer le gouverneur : il fit couper la tête à mon envoyé, et ne répondit point. A sept heures, le feu commença; à une heure, je jugeai la brèche praticable. Le général Lannes fit les dispositions pour l'assaut; l'adjoint aux adjudants généraux Netherwood, avec dix carabiniers, y monta le premier, et fut suivi de trois compagnies de grenadiers de la 13e et de la 69e demi-brigade, commandées par l'adjudant général Rambeaud, pour lequel je vous demande le grade de général de brigade.
A cinq heures, nous étions maîtres de la ville, qui, pendant vingt-quatre heures, fut livrée au pillage et à toutes les horreurs de la guerre, qui jamais ne m'a paru aussi hideuse.
4,ooo hommes des troupes de Djezzar ont été passés au fil de l'épée; il y avait 800 canonniers. Une partie des habitants a été massacrée ..." (Pièces diverses et correspondance relatives aux opérations de l'armée d'Orient en Egypte; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 2, p. 497; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 119 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 296; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4055; Correspondance générale, t.2, lettre 4294).
Le Commandant Giraud écrit :
"7 mars. - La division Lannes est chargée de l'attaque de front, mais à peine les adjudants-généraux Notherwod et Rambault se sont-ils présentés au pied des remparts qu'ils sont assaillis par les défenseurs, véritable ramassis de Maugrabins, d'Albanais, de Kurdes et de Nègres, poussés au paroxysme de la fureur, pendant que les femmes, les enfants mêlaient du haut des remparts, leurs cris au bruit des armes des combattants, et lançaient sur les assaillants des pierres et des matières enflammées.
Cette attaque allait échouer, lorsque quelques soldats de la 32° demi-brigade (division Bon) découvrirent une espèce de brèche, sur le bord de la mer. Immédiatement, l'ordre fut donné d'attaquer aussi de ce côé, de façon à prendre les assiégés entre deux feux. En un instant, les remparts furent escaladés à l'aide d'échelles.
Les Turcs cernés de toutes parts refusèrent de se rendre. Alors commença l'horrible massacre de Jaffa, malgré l'intervention des généraux et des officiers. On fit de Jaffa l'entrepô de l'artillerie et des munitions que l'armée attendait de Damiette et d'Alexandrie.
Les divisions Kléber, Lannes, Bon et Régnier conduites par Buonaparte, marchèrent ensuite sur Saint-Jean-d'Acre" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Après avoir fait de Jaffa et de son port l'entrepô de l'armée pour l'artillerie et des munitions qu'on attendait de Damiette et d'Alexandrie, Bonaparte, sans prendre même un repos nécessaire, marche sur Saint-Jean-d'Acre, avec les divisions Kléber, Bon, Lannes et Reynier.
- Bataille de Qaquoun
Le 15 mars, l'avant-garde française découvre, en approchant de Zeitah, un corps de cavalerie aux ordres d'Abdallah-Pacha qui, pour retarder la marche de l'armée, a pris position sur les hauteurs de Qaquoum (Ou Kakom), s'appuyant à la montagne de Naplouse, où quelques milliers de Naplousains sont postés.
Lannes a ordre de se porter sur la droite, dans le but de couper le Pacha des Naplousains. Les Divisions Bon et Kléber, formées en carrés, abordent l'ennemi et le mettent en fuite. Mais l'infanterie de la Division Lannes, opposée aux Naplousains, emportée par son ardeur, s'engage imprudemment dans un défilé; les Naplousains se rallient, et attaquent à leur tour. Le Général en chef est obligé de lui réitérer l'ordre de se replier. Le brave Capitaine Bertrand, chargé par l'Adjudant-général Rambaud de porter cet ordre au premier Bataillon de la 69e, le plus compromis, a un cheval tué sous lui en accomplissant sa mission. La Division obéit enfin, les Turcs enhardis font volte-face et des rochers, où ils sont tapis, fusillent, sans courir aucun risque, les échelons en retraite. La 69e a tenu la tête du mouvement en avant et, par conséquent, ferme la marche dans la retraite; elle perd une cinquantaine de ses plus intrépides et parmi eux son commandant, le Chef de brigade Barthélémy, qui tombe, atteint d'une balle à la tête. Il est remplacé le lendemain dans son commandement par Eysseautier, Chef du 2e Bataillon.
EYSSEAUTIER (André) Né à Famon (Basses-Alpes) le 29 septembre 1757. Capitaine au 3e Bataillon du Var, 14 septembre 1791. Chef de Bataillon, 21 ventôse an V. Chef de Brigade à la 69e, 26 ventôse an VII. Mort le 13 floréal an VIII à Alexandrie. |
Maîtresse du champ de bataille, l'armée bivouaque à la tour de Zeitah.
Le Commandant Giraud écrit :
"15 mars. - La 69e demi-brigade tête d'avant-garde se heurte sur les hauteurs de Kakoum, à un corps de cavalerie turque, aux ordres d'Abdallah-Pacha qui, pour arrêter notre marche, s'était appuyé à la montagne de Naplouse. Un combat s'y s'engagea; le colonel Brun (sic) y fut tué" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
"Extrait du Journal de Detroye.
Arrivé à Kakoun, village a trois lieues de Meski, sur la route d'Acre, le général en chef a appris que l'ennemi paraissait en bataille sur la pente des montagnes, à droite et parallèlement au chemin, à trois quarts de lieue.
Le général a fait filer, sur-le-champ, la division Kleber, à une demi lieue au-delà de Kakoun, à un pain de sucre où est une tour; la division de cavalerie s'est mise en bataille entre Kakoun et la division Kleber; la division Bon a continué sa marche sur les pas de la division Kleber; la division Lannes a pris sa marche par la droite.
L'ennemi, qui paraissait nombreux d'environ 2.000 hommes, s'est dispersé dans la plaine en courant vers nous. Quelques coups de canon de la division Kleber les ont fait retirer. La division Kleber, en bataillon carré, s'est mise inutilement à leur poursuite, de concert avec la cavalerie. Pendant ce temps, le général Lannes a surpris l'infanterie ennemie et l'a poursuivie. Le chef de la 69e a été tué; nous avons eu 60 blessés et quelques tués.
L'ennemi s'est enfui avec beaucoup de précipitation par la route des montagnes" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 296).
L'armée s'établit, le lendemain, à Caïffa, au pied du mont Carmel.
- Siège de Saint-Jean-d'Acre
Le 19, elle est à Saint-Jean-d'Acre; le Général Caffarelli fait la reconnaissance de la place, et les préparatifs de siège commencent immédiatement. La ville, protégée à l'ouest par la mer, est sans fortifications régulières et, croit-on, incapable de résistance. Mais Djezzar-Pacha organise la défense; n'a t-il pas juré de sortir vainqueur ou d'être enseveli sous les ruines ! Deux vaisseaux anglais commandés par Sidney-Smith sont embossés sous les murs, canonnant sans relâche les assiégeants. L'artillerie française ne compte que trois pièces de 12 et quelques obusiers. Le Contre-amiral Perré, chargé des travaux d'attaque, fait battre en brèche la tour d'un saillant, face au camp français.
Le Commandant Giraud écrit :
"20 mars. - Arrivée devant Saint-Jean-d'Acre où était enfermée l'armée turque de Djezzar-Pacha. Ouverture de la tranchée à environ cent cinquante toises de la place. Les troupes pratiquent dans le sol, des cavités qui doivent leur servir de baraques, pendant la durée du siège; elles les tapissent de feuillages et les couvrent de branches d'arbres" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Après quelques coups de canon, elle présente une brèche assez satisfaisante et les Grenadiers de la 69e sollicitent comme une grâce l'honneur de monter à l'assaut. C'est le 28 mars. Bonaparte, qui se tient dans la tranchée, hésite à lui donner le signal lorsqu'un hourrah retentit; les Grenadiers de la 69e se sont élancés vers la tour ! ... Ils sont arrêtés par la contrescarpe, le revêtement n'a pas été entamé par une mine restée sans effet. Al'aide d'échelles, ils descendent dans le fossé, mais elles sont trop courtes et ils sont obligés de se laisser tomber de plusieurs mètres de hauteur.
Irrités, excités aussi, par ces difficultés, ces héros se hissent en pyramides humaines et, sous les yeux de l'armée, qui assiste haletante à ces prodiges, ils parviennent au sommet de la tour, malgré le feu des adversaires. Un cri de joie s'élève, répété de Division en Division; hélas, il est tôt suivi d'un autre, cri de terreur et de rage impuissante; un bruit sourd, ... une explosion formidable, ... l'ennemi a miné le sol de la pièce où sont entrés les Grenadiers après leur escalade et, comme ils discutaient la conduite à tenir, la fougasse explose et les projette dans le fossé. Presque tous périssent, les rares survivants reçoivent des armes d'honneur en récompense de leur conduite.
Ces braves étaient commandés par le Lieutenant Mazel, de la 3e Compagnie de Grenadiers, et, à leur tête, Beaudoin, l'enragé Tambour, sa caisse toujours au dos, un sabre à la main droite, donnait le signal de l'attaque.
Le siège dure longtemps, les Turcs, sans cesse ravitaillés par l'escadre anglaise, se battent avec acharnement. Chez les Français, plus héroïques encore, les vivres font défaut, les munitions s'épuisent. Les pertes s'accumulent.
Le Commandant Giraud écrit :
"28 mars. - Ouverture du feu des batteries de brèche. Excités par le souvenir glorieux de l'assaut de Jaffa, nos soldats demandent l'assaut qui est ordonné par Buonaparte le même jour vers quatre heures du soir.
Sir Sydney Smith avec deux vaisseaux mouillait au sud et à l'ouest de la place. Ses boulets firent peu de mal aux assiégeants qui les recherchaient au contraire, pour en pourvoir nos batteries de siège.
Un boulet de 36 était payé 24 sols;
un de 12, 15 sols;
un de 8, 10 sols.
Au cours du siège, l'armée turque de Damas tenta une diversion, dans l'espoir de délivrer Saint-Jean-d'Acre; Kléber fut envoyé contre elle avec 2, 500 hommes. Enveloppé au pied du Mont-Thabor par plus de 50,000 hommes, dont 20,000 cavaliers, ce fut la 69e demi-brigade qui empêcha Kléber de succomber, en prenant l'ennemi en flanc et à revers" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 29 Mars 1799 (9 germinal an VII), le Sous lieutenant Bonhomme est blessé (mort de sa blessure). Le lendemain, le Lieutenant Drapier est tué.
Le 5 Avril 1799 (16 germinal an VII), le Lieutenant Gaudron est blessé (mort à l'ambulance), tout comme le Lieutenant Thomelet (mort en mer le 6 prairial).
Le 8 avril 1799 (19 germinal an VII), les Lieutenants Chaumet, Ginoux, Vincent et Moulin sont blessés à Saint-Jean-d'Acre.
Le 13 avril 1799 (24 germinal an VII), le Lieutenant Chavau est tué ; les Lieutenants Delpech et Parent sont blessés au siège de Saint-Jean-d'Acre.
Le 29 avril (10 floréal), le Chef de Bataillon Sicre, commandant la place de Suez, écrit à Dugua : "... Le détachement de la 69e, qui s'en retournait au Caire, est rétrogradé sur Suez avec tous les chameaux, d'après l'ordre que j'en avais adressé au commandant. Comme je présume que ces chameaux pourraient vous être nécessaires, je les renvoie au Caire, à la réserve de dix qui me sont indispensables, soit pour les envoyer à Bir-Suez chercher de l'eau saumâtre pour la boisson de nos chevaux, ce qui économisera notre eau douce, soit pour les employer suivant les circonstances ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 78).
Le 1er Mai 1799 (12 floréal an VII), le Lieutenant Levraud est tué. Le 6 mai 1799 (17 floréal an VII), le Capitaine Aiguier est blessé à Saint-Jean-d'Acre.
Le 14 Floréal an 7 (3 mai 1799), le Chef de Bataillon Sicre écrit, depuis Suez, au Général Dugua : "... Si vous pouviez nous faire passer 100 ou 200 fusils, pour armer au besoin près de 200 marins qui sont ici, cela éviterait, dans les circonstances, de réclamer du renfort, et me mettrait à même de vous renvoyer de suite les 36 hommes de la 69e que vous m'autorisez à garder ici" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 79).
Le Précis journalier de d'Anthouard rapporte que le 6 mai au soir, "Les grenadiers de la 69e demi-brigade de ligne refusent de marcher" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 473).
Le 7 mai, Bonaparte ordonne un nouvel assaut, il est terrible; Généraux et soldats se jettent avec impétuosité dans les tranchées; une partie des troupes parvient à se loger sous les ruines de la tour et y combat jusqu'au milieu de la nuit.
Le Commandant Giraud écrit :
"7 mai. - Un renfort considérable venant de Rhodes est entré dans la place. Un deuxième assaut est ordonné. Nos soldats aiguisent leurs baïonnettes, les officiers affilent leurs sabres. Une rage folle s'empare de tous, le deuxième assaut dure trois jours, toutes les tranchées sont enlevées jusqu'aux remparts ; les fossés sont escaladés ; c'est un affreux corps à corps, tout aussi terrible qu'à Jaffa.
Le lieutenant Chaumet qui rallie sa compagnie en battant en retraite, reçoit deux blessures coup sur coup; son chapeau et ses vêtements sont criblés de balles. Les pertes de la 69e demi-brigade sont sérieuses; deux lieutenants tués : Taupiac, Chavau; neuf officiers blessés : les capitaines Aiguier, Grosset, Meignan; les lieutenants Parent, Delpech, Moulin, Chaumet, Ginons, Vincent" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Dans le Registre de Berthier, figure un ordre du 18 Floréal (7 mai) nommant au grade de Sous-lieutenant, le Sergent-major Teris, de la 3e Compagnie de Grenadiers de la 69e, pour sa conduite "dans toutes les affaires qui ont eu lieu depuis le siège d'Acre et notamment dans celle de la nuit du 17 au 18 floréal, où deux fois il s'est précipité, seul, dans les boyaux de l'ennemi" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 473).
Le même 18 Floréal an 7 (7 mai 1799), Berthier écrit, depuis le Quartier général, devant Acre, au Général Vial : "… Je donne l'ordre aux éclaireurs de la division Reynier de vous joindre à la tranchée. Vous pourrez renvoyer au camp la 3e compagnie de grenadiers de la 9e, dont vous êtes mécontent…
Par ordre du général en chef" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4118 ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 475 - Note : Il faut probablement lire : 69e, au lieu de 9e. Ce dernier chiffre semble avoir été inscrit par erreur sur le registre de Berthier, auquel est empruntée cette lettre).
Le lendemain, on escalade la brèche, mais alors apparait une seconde enceinte où viennent se briser tous les efforts.
Les soldats de la 69e paient largement leur part de gloire ! Le Fusilier Girial, un des premiers à l'attaque, tombe sous une grêle de pierres; il se relève avec peine, un pan de mur s'écroule sur son dos; le Grenadier Dix, déjà atteint d'un coup de pistolet à Jaffa, reçoit cette fois un biscaïen dans la jambe; le Capitaine Taupiac est tué en tête de sa Compagnie; le Lieutenant Gaudron, couvert de blessures, après s'être battu comme un lion, expire à l'ambulance. Le Sous-lieutenant Lécureux, chargé par l'Adjudant général Devaux de planter à la brèche le drapeau de la 69e, y parvient avec intrépidité et demeure à ce poste tant que les troupes peuvent s'y maintenir. Il sauve, en cette occasion, le drapeau de la 13e Demi-brigade, qui serait infailliblement tombé au pouvoir de l'ennemi après la mort du Sergent-major porte-enseigne.
Les Grenadiers de la Division, Lannes à leur tête, frémissent de rage de ne pouvoir venger tant de camarades tombés sous les coups ennemis. Malgré une pluie de balles, ils réussissent à pénétrer dans la ville; au même moment, Lannes tombe dangereusement blessé, un flottement se produit, ... les moins avancés reculent et 200 Grenadiers sont abandonnés au milieu de la ville; ils savent qu'ils vont périr et sont résolus à vendre chèrement leur vie.
Ils gagnent une mosquée, s'y barricadent, s'y défendent, étroitement bloqués. Sur le point d'être forcés, ils se rendent enfin au Commodore anglais, ... mais combien restent-ils ?
Le siège de Saint-Jean-d'Acre est une des plus belles pages de l'histoire du Régiment, par l'héroïsme dépensé. Le Sergent-major Teris, de la 3e Compagnie des Grenadiers, est promu, on l'a vu plus haut, Sous-lieutenant à la suite de ses exploits; Beaudoin est nommé Sergent, et Poulet, un autre tapin, reçoit des baguettes d'honneur. Le Caporal Chaillard, dont l'habitude était de se distinguer à toutes les affaires, obtient un sabre d'honneur.
Le 8 mai 1799 (19 floréal an VII), le Capitaine Robert et le Sous lieutenant Gemaunes sont tués; le Sous lieutenant Courvoissé est blessé (mort en mer de sa blessure), le Lieutenant Chaumet est blessé. Le lendemain 9 mai 1799 (20 floréal an VII), le Lieutenant Taupiac est tué.
Le Commandant Giraud écrit :
"10 mai. - La retraite s'est opérée pendant la nuit du 9 au 10 mai; plus de 5,000 Turcs jonchent les tranchées, les glacis et les fossés de la place.
L'armée française compte 3,250 hommes mis hors de combat, dont 1,850 tués et 1,400 blessés parmi lesquels dix généraux et deux chefs de demi-brigade.
La division Kléber protège la retraite ; chaque division emporte ses blessés comme elle peut ; soit sur les chevaux des officiers, soit sur des brancards, soit encore sur des fusils munis d'une toile de tente.
La peste augmente d'intensité; ce sont autant de convois funèbres qui encombrent la route, et la traversée du désert se fait avec un convoi de six cents blessés transportés sur les chameaux, les chevaux, les ânes et les mulets de la colonne; sur les derrières de l'armée, la police est faite par la cavalerie de Murat et un détachement de soldats du régiment, montés à dos de dromadaires" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 15 mai 1799 (26 floréal an VII), les Capitaines Grosset et Meignant sont blessés à Saint-Jean d'Acre.
L'armée est épuisée, les blessés encombrent le camp et la peste fait plus de ravages encore que la guerre. Les Corps ont perdu le tiers de leur effectif; les Grenadiers de la Demi-brigade ont été particulièrement éprouvés : la 1re Compagnie a eu 2 Officiers tués, 2 blessés, 28 hommes tués, 60 blessés; la 2e Compagnie qui, sous les ordres de Murat, a repoussé différentes sorties de l'ennemi, a eu 41 hommes mis hors de combat dans la même journée; ses pertes sont de 2 Officiers blessés, 21 hommes tués, 46 blessés; la 3e Compagnie s'est prodiguée : le 10 germinal, elle a secouru un Bataillon de la 32e fortement engagé; le 14, le Lieutenant Mazel est monté avec 25 de ses Grenadiers dans la tour de la brèche, presque tous ont ét tués ou blessés; le 19, à l'assaut sous l'Adjudant-général Rambaud, son Capitaine et son Lieutenant tombent en entrant en ville; ses pertes sont de : 3 Officiers tués, 2 blessés, 24 hommes tués, 38 blessés.
A noter que le 20 mars 1799 (30 ventôse an VII), le Lieutenant Charpentier est blessé à Alexandrie.
Le 27 Floréal an VII (16 mai 1799), le Général Murat écrit, devant Acre, au Général en Chef Bonaparte : "Il est de mon devoir, mon Général, de vous faire connaitre la bonne conduite ... Le chef de bataillon Bernard, de la 69e, qui commandait ce jour-là le poste de la tour, a montré la plus grande intelligence et la plus grande bravoure.
Mon Général, si le succès eût couronné tant de sublimes efforts, tant de traits de valeur, je vous demanderais de l'avancement pour les braves militaires, mais ils n'en ont pas moins les mêmes droits à votre estime et à vos bienfaits" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 660).
Le 17 mai 1799 (28 floréal an 7), le Général Bonaparte fait écrire depuis son Quartier général, devant Acre, au Général Lannes : "D'après les dispositions du général en chef, vous voudrez bien, Général, donner l'ordre à un bataillon de la 69e demi-brigade de partir demain, à trois heures du matin, avec armes et bagages, pour se rendre à Hayfâ, où il tiendra garnison jusqu'à nouvel ordre. Vous ordonnerez au commandant de ce bataillon de porter une quinzaine de blessés sur des brancards qu'ils prendront, en passant, à l'ambulance.
Vous ordonnerez à l'autre bataillon et à tout ce qui restera au camp de la 69e d'en partir avec armes et bagages, le 3o, à quatre heures du matin, pour se rendre à Hayfâ. Ce bataillon est destiné à vous servir d'escorte ainsi qu'au général Bon, aux citoyens Duroc, Croizier, Arrighi, et à tous les blessés qui resteraient dans les divisions. Je leur donne, en conséquence, l'ordre d'être rendus à votre camp le 30, à trois heures et demie du matin. Vous resterez à Hayfâ avec ce bataillon jusqu'à nouvel ordre" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4141; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 533).
Le même 28 Floréal an 7 (17 mai 1799), le Général Berthier écrit, devant Acre, au Chef de Brigade Sanson : "Le général en chef ordonne, Citoyen Commandant, que tous les blessés qui peuvent se trouver dans l'arme du génie partent le 30, à 3 heures et demie du matin.
En conséquence, vous leur ordonnerez de se rendre à la tente du général Lannes, pour partir avec lui sous l'escorte d'un bataillon de la 69e et se rendre à Haïfa" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 533).
Encore le 28 Floréal an 7 (17 mai 1799), le Général Berthier écrit également, devant Acre, au Général Bon : "L'intention du général en chef, Citoyen Général, est que vous partiez le 30 au matin pour vous rendre à Haïfa, ainsi que le reste des blessés qui pourraient se trouver dans votre division.
En conséquence, il est nécessaire que vous soyez rendu le 30, à 3 heures et demie du matin, au camp du général Lannes, pour partir avec lui à 4 heures précises sous l'escorte d'un bataillon de la 69e demi-brigade. Les citoyens Duroc et Croisier partent également avec vous par ce convoi" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 533).
Le Général Berthier écrit également, devant Acre, encore le 28 Floréal an 7 (17 mai 1799), au Commissaire ordonnateur Daure : "… Je vous préviens que je donne l'ordre à un bataillon de la 69e de partir demain 29, à 3 heures et demie du matin, pour se rendre à Haïfa, où elle (sic) tiendra garnison jusqu'à nouvel ordre.
Je lui ai ordonné de prendre, en passant à l'ambulance, les blessés qui resteraient encore à être transportés sur des brancards; Donnez vos ordres en conséquence.
J'ai ordonné au restant de la 69e demi-brigade de partir le 30, à 4 heures du matin, avec les généraux Bon, Lannes, les citoyens Duroc, Croisier, Arrighi et tous les blessés qui resteraient dans les divisions, pour se rendre à Haïfa. L'on se réunira pour partir à la tente du général Lannes …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 535).
Par ailleurs, un mouvement insurrectionnel se dessine dans la Basse-Egypte, et une armée turque va incessamment débarquer pour venir au secours de Djezzar-Pacha.
Le 1er Prairial (20 mai), Berthier ordonne à l'Adjudant général Boyer de faire filer le Bataillon de la 69e avec les Généraux Bon, Lannes, Duroc, etc. et d'y joindre le reste des malades et blessés qu'il n'a pu évacuer par le deuxième convoi, et de faire partir le tout la nuit même (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 538).
Le Général en chef lève le siège dans la nuit du 20 au 21 et commence sa retraite vers le Caire.
"... Le Général en chef savait ce que l'on pouvait penser de la levée du siège de Saint-Jean-d'Acre; il avait entendu les grenadiers de la 69e demi-brigade s'exprimer franchement sur cet objet ..." (Desgenettes, Souvenirs, t. III, p. 255 - In La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 551).3
Combat de Caïffa
Après le siège, un Bataillon de la Demi-brigade est chargé, nous l'avons vu, de transporter sur des brancards, à Caïffa, les malades et les blessés incapables de marcher.
Le Général Berthier écrit, de Tantourah, le 2 Prairial an 7 (21 mai 1799), au Général Dommartin : "L'adjudant général Boyer conduit les 500 blessés sous l'escorte d'un bataillon de la 69e …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 551).
Le Capitaine Albert est à l'arrière-garde avec 25 Grenadiers. Il suit le convoi à deux ou trois kilomètres, les mamelouks d'Ibrahim-Bey, renforcés d'un nombre considérable d'Arabes, tombent sur son détachement. Sans s'étonner, ni de la force, ni de la rapidité de l'ennemi, avec un sang-froid imperturbable, il les reçoit à coups de fusil, les disperse plusieurs fois et résiste jusqu'à ce que la colonne, avertie par la fusillade, ait envoyé à son secours.
Quatre jours après, le reste de l'armée rejoint, à Caïffa, le Bataillon.
- Retour en Egypte
Le 24, la Demi-brigade se trouve à Gaza, elle reçoit l'ordre d'envoyer ses deux premiers Bataillons à Salahieh.
Le 24 mai 1799 (5 prairial an 7), le Général Bonaparte fait écrire depuis son Quartier général à Jaffa, au Général Boyer : "Il est ordonné à l'adjudant général Boyer de partir le 6 à minuit et demi, avec 300 hommes des blessés les plus en état de marcher. Il se concertera à cet égard avec le citoyen Larrey. Il fera rassembler ces 300 hommes à onze heures du soir, dans un lieu qu'il indiquera, et leur fera donner les vivres pour trois jours.
L'adjudant général Boyer joindra à ces 300 blessés les deux bataillons de la 69e demi-brigade, qui prendront également des vivres pour trois jours. Il préviendra les généraux Lannes, Veaux et les citoyens Arrighi, Croizier et Duroc, qui doivent partir avec lui à minuit et demi.
Arrivé à Gaza, l'adjudant général Boyer y prendra 300 blessés, les plus en état de marcher, qu'il joindra aux 300 qu'il emmène de Jaffa. Il prendra à Gaza les vivres strictement nécessaires pour se rendre à El-A'rych; il prendra également le nombre d'outres indispensables pour son convoi; il sentira la nécessité de ménager les vivres et les outres pour l'armée. Il sait qu'un chameau porte de l'eau pour 100 hommes; il se servira à cet effet des ânes et chameaux qui se trouvent dans son convoi.
L'adjudant général Boyer repartira de Gaza le plus tôt possible, avec deux bataillons de la 69e et les 600 blessés, pour se rendre à Sâlheyeh, où il restera avec un bataillon de la 69e et tous les blessés. Le général Lannes et les autres officiers blessés continueront leur marche pour le Caire, avec l'autre bataillon de la 69e.
Si, cependant, l'adjudant général Boyer recevait à Sâlheyeh un ordre direct du général Dugua pour qu'il dût marcher dans une autre partie de l'Egypte, il l'exécuterait.
Il laissera, en passant à El-A'rych et à Qatyeh, les blessés et malades qui se trouveraient trop fatigués pour continuer leur marche. Il est nécessaire que l'adjudant général Boyer arrive le plus tôt possible à sa destination. Partout il marchera et campera militairement et ne souffrira aucun traîneur.
Je joins ici l'ordre pour les deux bataillons de la 69e ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4150; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 560).
Bonaparte écrit également, depuis le Quartier général, à Jaffa, le même 5 prairial an 7 [24 mai 1799), au Général Berthier, Chef de l’Etat-major général de l’Armée d’Orient : "Indépendamment des six jours de vivres que j'ai ordonné que la 69e, qui part ce soir, prenne, c'est-à-dire jusqu'au 12 au soir, vous ferez connaître au chef de brigade de ce corps que, s'il a dans son corps assez de moyens de transport pour en transporter pour quatre jours, ce qui ferait jusqu'au 16 au soir, je donne ordre pour qu'on lui donne ces vivres; la ration pour les quatre derniers jours ne sera composée que de 10 onces de riz.
Vous lui ferez sentir combien il est intéressant, puisqu'ils vont traverser le désert, de prendre ces quatre jours si cela est possible" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 562).
De son côté, le Général Berthier écrit, de Jaffa, encore le 5 Prairial an 7 (24 mai 1799) au Général Dugua : "L'adjudant général Boyer part dans l'instant avec deux bataillons de la 69e; un de ces bataillons continuera sa route pour Le Caire et l'autre restera avec l'adjudant général Boyer à Salheyeh, à moins que les circonstances ne vous obligent à lui donner l'ordre de se porter autre part. Il mène également avec lui 600 hommes qui ont reçu des blessures légères.
Nous avons quitté Acre après avoir bien étrillé Djezzar; notre marche sur l'Egypte se fait avec toute la tranquillité possible. Bientôt, nous serons près de vous avec une armée en très bon état et qui a plus d'ardeur que jamais. Tous nos blessés grièvement seront embarqués pour Damiette.
Je vous embrasse, mon cher Général, en attendant le plaisir de vous voir.
P.-S. - Nous vous portons vingt drapeaux pris dans les sorties, et les 500 prisonniers turcs" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 565).
Quant à l’Ordonnateur en chef Daure, il écrit au Chirurgien en chef Larrey (5 Prairial-24 mai) : "Parmi les blessés qui sont ici, Citoyen, vous voudrez bien en désigner 300 pour être évacués sur l'Égypte par terre et à pied; le général (sic) Boyer les conduira avec une escorte de 2 bataillons de la 69e ...
Vous devez être rigoureux pour compléter ce nombre de 300 blessés; car beaucoup d'entre eux, par paresse ou autrement, pourraient insister pour être embarqués et nous devons être avares des places à donner sur les barques, pour les réserver particulièrement aux amputés et à ceux qui absolument ne peuvent supporter d'autre voie d'évacuation.
Il sera inutile que vous chargiez vos officiers de santé d'accompagner ces blessés; ceux des corps qui servent d'escorte suffiront sans doute ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 568).
De sont côté, le même 5 Prairial an 7 (24 mai 1799), Roize écrit au Général Dugua, depuis Belbeis : "… Je n'ai pas eu, en partant du Caire, 450 hommes d'infanterie, que vous m'aviez marqués sur mon instruction, parce que le bataillon de la 69e et le détachement des dromadaires n'ont pu fournir autant d'hommes qu'on leur en avait demandé. C'est ce qui m'a obligé à ne donner que 115 hommes pour l'escorte du convoi; il m'en restera 260 à 280 pour moi ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 96).
Poussielgue écrit, du Caire, le 15 Prairial (3 juin) à l'Administrateur des finances Reynier qu'on attend à Katieh l'arrivée de deux Bataillons de la 13e et de la 69e, escortant des blessés (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 620).
Boyer, dès son arrivée à Salheyeh (15 prairial-3 juin), écrit à Dugua : "Parti le 6 de ce mois de Jaffa, j'arrive ici dans le moment avec deux bataillons de la 69e demi-brigade, formant une des colonnes d'avant-garde de l'armée victorieuse de Syrie.
J'amène avec moi Abd-Allah, général de la cavalerie de Djezzar, seize colonels d'artillerie turcs et dix-sept drapeaux pris sur l'ennemi.
L'ordre du général en chef est de déposer ces prisonniers dans la citadelle du Caire, de les introduire avec pompe dans la ville, même comme des captifs, enfin d'entrer en triomphe sur la place d'Esbekieh. Étant la première colonne de l'armée qui rentre en Egypte, voyez, Général, combien il est important de donner à notre entrée tout l'éclat et la pompe possibles; cette démonstration est nécessaire à la multitude.
J'avais ordre du général en chef de rester ici avec un bataillon de la 69e et de faire filer l'autre sur Le Caire avec le général Lannes, qui est blessé. Cette disposition était subordonnée à l'état de l'Égypte. Tous les rapports que l'on m'a faits, tant à Katieh qu'ici étant qu'elle est tranquille, je prends le parti de partir demain avec les deux bataillons et, le 19, j'arriverai de bonne heure.
Je laisse ici le général Veaux, Duroc et Arrighi, tous en litière, le général en chef ayant ordonné qu'ils attendent les premiers corps qui rentreront en Egypte; leurs blessures vont assez bien. Nous avons perdu en route Croisier, qui est mort du tétanos à la suite d'une blessure assez grave; le général Bon est également mort.
J'ai écrit de Katieh à Alméras et lui ai fait part de mon arrivée.
Demain la 22e légère, avec environ 200 hommes de cavalerie à pied, arrivent ici. Le chef de brigade Magny qui les commande a ordre de rester ici, il amène avec lui environ 80 prisonniers canonniers turcs.
Je joins à la présente copie de deux duplicata de lettres du général en chef ; je prends ce parti, vu que les porteurs de lettres· n'arrivent pas toujours à leur destination. Je vous remettrai les originaux.
Je laisserai dans l'hôpital de Belbeis tous les blessés que j'ai avec moi; c'est l'ordre que m'a donné le général en chef. Quant aux troupes que je commande et les militaires qui sont dans la caravane, nous jouissons tous d'une santé parfaite; je crois par là que vous nous exempterez de la quarantaine.
Je vous observe que parmi les blessés que l'on m'a confiés il n'y a point de bubons.
Le général Lannes, qui arrivera avec nous, a besoin du plus grand régime de repos; il espère que, dans le cas même où nous serions quarantaine, l'ordonnateur de la santé la lui laisserait faire dans sa maison à Raoudah; il en a d'ailleurs l'ordre du général en chef. Je ne communique: point avec Salheyeh et j'observerai même précaution à Belbeis.
Je vais traverser avec pompe la Charkieh, et j'en dirai beaucoup plus qu'il n'y en a; demain matin je mets à la voile et, vent arrière, je me rends au Caire. Néraud l'adjoint est avec moi" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 621).
Dugua décide d’envoyer du Caire un Bataillon de la 69e Demi-brigade, pour renforcer la garnison de Suez et faire face à tout événement. Le 17 Prairial an 7 (5 juin 1799), il écrit, depuis Le Caire, à Bonaparte : "… J'ai envoyé le bataillon de la 69e à Suez; j'en ferai revenir les Maltais sous bonne escorte, et je les consignerai à la citadelle jusqu'à votre retour, s'ils sont arrivés avant vous …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 109).
"Extrait des ordres de Berthier.
Katieh (19 prairial-7 juin). Ordre aux deux détachements de la 32e et de la 69e qui tiennent garnison au fort de Katieh de partir aujourd'hui avec le quartier général pour se rendre au Caire. Il sera délivré à chacun de ces détachements dix paires de souliers" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 605).
Le Chef de Bataillon du Génie Geoffroy, commandant la province de Charkieh écrit à Dugua, de Belbeis, le 19 prairial (7 juin) : "On parle beaucoup d'une circulaire envoyée par Djezzar aux habitants de l’Egypte et particulièrement aux Arabes; elle porte que notre armée a été entièrement battue et que Bonaparte, attaqué avec le reste de quelques corps, est cerné par la famine et ne lui échappera pas; qu'en conséquence, s'ils se soulèvent contre les troupes de l'Egypte, l'Égypte en sera débarrassée comme la Syrie. J'ai fait démentir tous les faux bruits, en faisant écrire de mon côté, et en faisant beaucoup de menaces à qui voudrait se rassembler". Geoffroy annonce qu'il va partir le lendemain, avec 250 hommes du 2e Bataillon de la 69e pour lever les impôts. Il s'occupe d'évacuer 200 blessés venus de Syrie; il attend 150 pestiférés, pour lesquels on prépare, hors de la ville, une maison de Mameluk (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 622).
La présence du Bataillon de la 69e Demi-brigade à Suez suffit à dissiper les inquiétudes et à empêcher les Anglais de renouveler leurs tentatives; elle produit aussi une heureuse intimidation sur l'esprit des Maltais, dont la désertion est enrayée momentanément. Le Chef de Bataillon Vincent, qui commande la petite colonne de renfort, expose la situation de Suez après son arrivée (lettre expédiée de Suez, le 21 Prairial an 7 – 9 juin 1799) : "… Je n'ai point trouvé les Arabes aux environs de Suez, je ne présume pas même qu'ils y viennent. Ainsi, je suis entré dans la ville tambours battants et drapeau déployé, après avoir fait saler les boyaux de mes soldats à une citerne qu'on rencontre à une lieue de la ville, afin de les conserver plus longtemps. Là j’y fis halte d'une demi-heure, qui fut passée à boire sans interruption et sans dégoût; la sensibilité des sens s'était, je crois, perdue ...
Là où finissent les déserts se trouve Suez; après, est la mer Rouge qui y aboutit en langue : à gauche, c'est l'Asie, les commencements ne sont pas beaux, comme dans toute chose; à droite, les côtes d'Afrique, où les habitants vraisemblablement se tiennent renfermés dans des étuis de cheminée, si on en juge par leur couleur. A Suez même, il ne parait pas qu'on ait quitté de voyager dans les déserts; c'est peut-être encore plus affreux. Voilà, mon Général, une description du site de Suez qu'on n'avait peut-être pas faite avant moi, quoique une partie de l'Institut national y fût venue; je me fais un plaisir et un devoir de vous l'adresser, parce que je sais que les généraux se piquent d’avoir des plans exacts.
Un petit brick anglais est fixé sur ses ancres, à la rade distante à deux lieues de la ville; sur la même ligne, non loin de lui, du côté du Caire sont les bâtiment d'Yambo. On m'a assuré qu'une chaloupe s’était avancée pendant deux fois (sic) pour venir saluer la ville avec un gros canon, portant du 26 ou du27; une unité de plus ou de moins ne fait rien au fait; s'étant aperçu que cela ne fait rien et n’épouvante pas, il a discontinué; au reste, depuis notre arrivée, il a toujours été tranquille. Il s'est fait donner de l'eau de la fontaine de Moïse aux Arabes, en assez grande quantité, ce qui fait croire que sa station ne sera pas longue et qu'il partira avec les bâtiments de commerce turcs. Aucun vaisseau ne peut plus arriver pendant cinq mois, vu la saison des vents contraires.
Depuis notre arrivée, qui était très inutile et qui sera très à charge aux magasins et au commissaire des guerres, dépourvu d'argent et obligé d'acheter l'eau, la ville est très rassurée : l'imagination se fait des montagnes dans des pays où la nature semble en avoir été avare. Le goût de la désertion semble avoir passé aux Maltais, soit qu'on le doive aux mesures qu'on a prises, soit que notre arrivée les console. Le chef, aussi aimable qu'intelligent, est l'ami, le père de cette troupe; et assurément on l'a quitté sans se plaindre de lui; ses officiers sont braves, servent bien, leur conduite est sage et pleine d'honneur; mais les naturels maltais ne peuvent vivre sans crainte sur les terres turques: à la vue d'un turban, ils sont saisis d'une frayeur panique ...
Je pense, mon Général (et je soumets mes pensées à votre sagesse, et à votre amour pour le bien, qui est de tous parfaitement connu) : 100 hommes de garnison à Suez au plus et la marine y suffisent; et même cette garnison devrait être relevée tous les mois. Autrement l'ennui, les privations, la mauvaise qualité des eaux, des aliments y font tomber beaucoup de malades; j'en ferai partir 15 avec le convoi, qui sont déjà ou aveugles ou fiévreux.
Il y avait, dit-on, quelques animosités dans la place, c'est-à-dire un peu de jalousie; journellement elles disparaissent.
Si vous me permettez, Général, de laisser échapper quelques réflexions, je vous dirai qu'il ne nous importe guère de garder Suez, que la marine y devient très inutile. Veut-on favoriser le commerce, le commerce ne voit point le militaire à son entour sans être effrayé; d'ailleurs on faisait auparavant le commerce à Suez sans le secours de la main armée. Vous savez mieux que moi combien les dépenses sont grandes, et combien journellement l'économie devient plus nécessaire; les grands hommes forment de vastes projets, ont des grandes idées, qui quelquefois sont de grandes erreurs.
J'espère, mon Général, vu l'inutilité du bataillon à Suez, la quantité de détachements et de malades que j'ai au Caire, qu'il n'est pas nécessaire que vous m'y laissiez un mois, ainsi séparé. Au surplus je me confie entièrement à votre parole ...
P. S.- Le commandant Sicre m'ordonne de fournir à la caravane 120 hommes et 15 malades, total 135. Sur 290 que j'avais, il m'en reste encore 70. J'espère que vous ne laisserez pas, Général, le drapeau à Suez entouré d'une si modique force" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 106).
Le même 21 Prairial an 7 (9 juin 1799), Dugua écrit, depuis Le Caire, à Bonaparte : "L'adjudant général Boyer est arrivé à El-Qobbet le 19, comme je vous l'ai annoncé par ma lettre du 18. Je n'ai pas été peu surpris de voir qu'il avait ordre de rester à Salheyeh avec un des bataillons de la 69e. Il y a laissé le général Veaux et le citoyen Arrighi, Il a amené un bataillon à Belbeis et l'autre ici, avec la persuasion qu'il devait entrer tout de suite en ville et que la quarantaine était inutile pour lui et sa troupe. Il s'est, sous ce rapport, permis quelques imprudences, dont le citoyen Blanc m'a porté des plaintes, qu'il vous renouvellera sûrement à votre arrivée; et j'ai été obligé d'inviter Boyer à se conformer aux lois que vous avez prescrites sur la quarantaine, que je l'enverrai à la citadelle jusqu'à votre arrivée. Il est impossible de faire entendre raison à tout ce qui revient de l'armée sur cet article. Cependant il a péri au lazaret, à Damiette, 10 personnes dans la première décade de Prairial, dont plusieurs venant de Jaffa …
Je compte que, le 24, le bataillon arrivé avec Boyer aura l'entrée, et elle se fera avec éclat" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 110).
Le 23 Prairial an 7 (11 juin 1799), Andréossy écrit, depuis Belbeis, pour le Général Berthier au Général Dugua : "Le général en chef désire, Citoyen Général, que les divisions soient, casernées de la manière suivante :
... La 19e et la 22e et la 69e (division Lannes) seront casernées au Vieux-Caire ...
Veuillez bien donner des ordres afin que tout soit disposé pour recevoir ces différents corps.
Le général Berthier vous enverra un adjoint pour vous prévenir du jour où vous devrez venir au-devant du général en chef.
Je vous salue, mon cher Général, avec bien de la cordialité, en attendant le plaisir de vous revoir" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 617).
Le Général Desaix écrit, de Siout, le 25 Prairial an 7 (13 juin 1799) au Général Belliard : "J'ai des nouvelles définitives de Syrie; Il parait très clairement que l’armée a pris la première enceinte de Saint-Jean-D’acre; que le général Bonaparte, se voyant peu de troupes à employer à tous les efforts d'une seconde enceinte, surtout très peu de poudre, a pris le parti de se retirer tranquillement. en Égypte. L'adjudant général Boyer est rentré avec la 69e demi-brigade, 200 cavaliers démontés ct autres troupes. Le 19, il a dû être au Caire ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 265).
Les dispositions pour l'entrée de l'armée au Caire sont réglées par l'Ordre du jour de l'Armée, daté de El-Merg, le 25 Prairial (13 juin) : "Le général en chef ayant été satisfait de la conduite de l'armée dans les différents combats qui ont eu lieu pendant l'expédition de Syrie et le but principal qu'il s'était proposé dans cette expédition se trouvant rempli, il ordonne que les différents corps placeront ce soir à leurs drapeaux, pour entrer demain au Caire, des branches de palmiers et que chaque soldat en mettra de même à son chapeau ou à sa casquette. Le général en chef n'ayant pas été satisfait des compagnies de grenadiers de la 69e demi-brigade, il leur défend de mettre des branches de palmier à leurs chapeaux ou casquettes ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 617).
En effet, pendant la retraite de Syrie, une partie de la 69e Demi-brigade de Ligne s'est mutinée; lors de l'entrée de l'armée au Caire, le 14 juin, Bonaparte interdit donc aux trois Compagnies de Grenadiers de la 69e le port des branches de palmiers à leur coiffure.
Le troisième Bataillon, sous les ordres du Général Lannes, rentre au Caire pour y renforcer la garnison en prévision des troubles fomentés par les Anglais. Son arrivée dissipe les inquiétudes et ramène le calme dans la place; le détachement fait une entrée sensationnelle le 14 juin dans la ville, en tête marchent les Sous-officiers portant les drapeaux conquis par le Corps expéditionnaire.
Le Commandant Giraud écrit :
"14 juin. - Défilé dans les rues du Caire des débris glorieux du corps expéditionnaire de Syrie. Des feuilles de palmiers ornent les têtes. Presque tous ces hommes sont sans chaussures. En les regardant, n'est-il pas pas permis de dire qu'il est des défaites triomphantes qui égalent les plus belles victoires" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
André Peyrusse écrit à sa mère (du Caire, 6 Messidor - 24 juin) : "… Les grandes chaleurs avaient éteint les maladies; on avait eu le soin de faire faire des visites et de laisser les malades en arrière. L'administration de la santé eut ordre de venir prononcer sur l'armée ; elle fit constater par les différents chirurgiens et médecins l'état des corps de l'armée et, lorsqu'elle eût reconnu qu'il n'existait plus de symptômes, elle nous accorda l'entrée dans Le Caire.
Le 26 prairial (14 juin), toute l'armée y entra en triomphe; les feuilles des palmiers devaient orner toutes les têtes; il était défendu aux seuls grenadiers de la 69e d'en porter; par un ordre du jour du 6 messidor, sur la réclamation du citoyen Baille, capitaine de la compagnie, le général en chef a justifié cette compagnie. Nous étions escortés par le Divan, la garnison française et turque, et toutes les autorités civiles et militaires du Caire.
Cette campagne peut être regardée comme très funeste à notre établissement; les pertes qu'elle nous a occasionnées ne nous permettent plus de rien entreprendre au dehors et nous avons à regretter de grands hommes et les meilleurs soldats ...
L'armée se repose aujourd'hui de ses fatigues; une proclamation du général en chef lui annonce de nouveaux combats. Quand finirons-nous, grand Dieu ! de nous battre ? Je vous remets ci-joint sa proclamation.
Les notes que j'ai faites sur la campagne de la Syrie sont de la plus grande vérité. Le rapport du général en chef, que j'y joins, vous prouvera combien il faut être menteur en politique" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 625).
Le 15 juin 1799 (27 prairial an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "... Le chef de l'état-major passera demain la revue de la 69e demi-brigade. Il se fera remettre un contrôle par compagnie, où seront nommés les officiers et l'endroit où ils se trouvent dans ce moment-ci. Il me présentera un projet pour égaliser les trois bataillons, réduire les bataillons à cinq compagnies avec quatre officiers et le même nombre de sous-officiers que porte l'ordonnance; s'il arrivait qu'il y eût des officiers de reste, il me proposera ce qu'on en pourrait faire; s'il n'y en avait pas assez, il me proposera des nominations.
Après quoi, il passera une revue particulière des trois compagnies de grenadiers. Mon intention est que nul ne puisse être grenadier de la 69e, s'il n'est dans un de ces cas :
1° S'être trouvé grenadier à la bataille de Mondovi;
2° Avoir eu un sabre, un fusil d'argent ou toute autre distinction;
3° Avoir été éclaireur à l'armée d'Italie ou en Syrie.
Tous ceux qui ne seraient pas compris dans un de ces trois cas rentreront dans les basses compagnies.
Il me remettra également une revue de l'habillement, armement et solde de cette demi-brigade. Il aura avec lui un commissaire des guerres pour constater la situation de cette demi-brigade, au moment de cette nouvelle formation ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4177; Correspondance générale, t.2, lettre 4379; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 670).
Ces mesures, qui mettent en cause l'honneur militaire des Grenadiers, provoquent d'énergiques protestations de la part des Capitaines commandant les Compagnies. Les rapports de ces Officiers sont transmis à Bonaparte par le Chef de Brigade Eyssautier (du Caire, 28 prairial-16 juin) : "J'ai l'honneur de vous transmettre, ci-joint, un rapport historique sur la conduite qu'ont tenue les grenadiers du corps que je commande, dans l'expédition de Syrie.
Je vous prie de vouloir bien le prendre en considération.
Rapport historique de la conduite des grenadiers de la 69e demi-brigade à la campagne de Syrie.
La relation du général en chef sur la prise de Jaffa prouve suffisamment de quelle manière les trois compagnies de grenadiers sont montées à l'assaut.
Il est encore notoire qu'au siège d'Acre elles ont marché plus souvent qu'à leur tour pour repousser les sorties et qu'elles se sont trouvées dans les affaires suivantes :
Le 6 germinal, elle a repoussé une sortie sur notre gauche, du côté de la mer, commandée par le général Robin.
Le 10, elle a repris les mêmes postes, commandée par le même général.
Le 26, elle a repoussé trois fois l'ennemi sur la droite, commandée par le chef de bataillon Pépin.
Le 12 floréal, elle a repris le boyau de la nouvelle mine, par les ordres du général Rampon.
Le 19, repris le boyau de droite, conservé jusqu'au 21, par les ordres du même général.
Le 27, repris le boyau de la nouvelle mine, par les ordres du général Verdier.
1re compagnie
Perte dans la campagne.
Officiers tués 2
Officiers blessés 2
Sous-officiers et grenadiers tués 28
Sous-officiers et grenadiers blessés 60
Total 92
CERTIFIÉ VÉRITABLE
Signé : BAILLE, commandant la compagnie.
2e compagnie de grenadiers.
A la sortie du 6 germinal, elle a repris le poste du Santon, où s'était laissé forcer un capitaine de la 13e demi-brigade, par ordre du général Robin, et elle a conservé ce poste.
Le 10, les mêmes événements.
Le 12 floréal, repoussé l'ennemi qui fit une sortie sur notre gauche pendant qu'on tâtait s'il y avait brèche à la tour.
Le 19, monté à la brèche, conduite par le général Rambeaud, entré presque entièrement dans la ville, y ayant eu 41 hommes hors de combat.
Les 20 et 21, elle a repoussé les diverses sorties, ayant à sa tête le général Murat.
Officiers blessés 2
Sous-officiers et grenadiers morts 21
Sous-officiers et grenadiers blessés 46
Total 69
CERTIFIÉ VÉRITABLE :
Signé: ALBERT, commandant de ladite compagnie.
3e compagnie de grenadiers.
A l'affaire de Naplouse, elle a enlevé le mamelon ci té par le général en chef, et elle a effectué sa retraite avec la première, isolément du corps; la 2e compagnie n'avait point marché.
Le 10 germinal, sous Acre, elle a secouru un bataillon de la 32e à la batterie Grizet, où son capitaine fut blessé, ainsi qu'un bon nombre de grenadiers, et elle a ensuite repris le Santon qui avait été évacué.
Le 16 du même mois, elle a lait, conjointement avec la 1re compagnie, les sorties faites sur notre droite, ainsi que peut le certifier la 9e demi-brigade.
Le 12 floréal, cette compagnie a fait une reconnaissance dans la tour après que la mine eut sauté, et ce par ordre du général Lagrange et du général Bon.
Le 13, cette compagnie était encore désignée par le général Lannes pour y remonter.
Le 14, le lieutenant Mazel, par ordre du général Lannes, est monté au haut de la tour, avec 25 grenadiers pris dans les trois compagnies qui y furent tous tués ou blessés; dans ce moment, une sortie vive était repoussée au Santon par la 3e compagnie.
Le 17, la même compagnie, étant de tranchée, a été encore désignée pour enlever le boyau de droite (et non du côté de la mine). Le général Rambeaud la fit relever du Santon à cet effet. Il faut convenir qu'alors, rebutée sans doute par de si fréquentes attaques où elle avait perdu tous les officiers et n'ayant à sa tête qu'un postiche qui sortait de l'artillerie, cette compagnie a hésité de sauter dans le boyau; c'est la seule faute, et c'est elle qui lui endosse la faute générale, s'il en existe; elle fut réparée de suite.
Le 19, elle a monté à l'assaut avec le général Ramheaud, et est entrée avec dans la ville, où elle a perdu le capitaine et le sous-lieutenant et 7 grenadiers morts et 12 blessés; elle n'a donc pu couper la file puisqu'elle avait dépassé la brèche.
Les 20 et 21, repoussé les diverses sorties qui ont eu lieu.
Le 27, repris le boyau situé devant la nouvelle mine, avec la 1re compagnie, par ordre du général Verdier.
3e compagnie
Perte dans la campagne.
Officiers morts 3
Officiers blessés 2
Sous-officiers et grenadiers morts 24
Sous-officiers et grenadiers blessés 38
Total 67
CERTIFIÉ VÉRITABLE :
Signé : LAPALIS, lieutenant de ladite compagnie.
Tel est, Citoyen Général, le tableau succinct de la conduite des grenadiers de la demi-brigade. Ils ne se seraient pas attendus que le fruit de tant de sacrifices serait l'improbation du général en chef Bonaparte, de celui qui fait la réputation des guerriers. Ils osent croire qu'il a été trompé sur leur compte, mais qu'ils méritent encore l'estime de tout l'armée.
CERTIFIÉ VÉRITABLE :
Signé : ROCHE, chef du 2e bataillon ;
BERNARD, chef du 1er bataillon;
EYSSAUTIER, chef de brigade" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 670).
Le 17 juin 1799 (29 prairial an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "Vous donnerez ordre au général Rampon de passer demain la revue de la 18e [de ligne], et de me donner un projet pareil à celui de la 69e [de ligne]; bien entendu qu'il ne doit pas être question des grenadiers, qui est particulier [sic] à la 69e" (Correspondance générale, t.2, lettre 4387La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 201).
Le 4 Messidor (22 juin), Bonaparte ordonne à Berthier : "Le détachement de la 69e qui est à Suez reviendra le plus tôt possible; il sera relevé par la 1re compagnie du 3e bataillon de la 69e" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 204).
Le 22 juin 1799 (4 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier : "La 69e [de ligne] sera définitivement organisée demain. Le 1er bataillon de la 69e partira le 6 pour se rendre à Mit-Gamar relever le bataillon de la 32e [de ligne], qui se rendra en toute diligence au Caire Les Grenadiers resteront au Vieux-Caire.
Le 2e bataillon de la 69e se rendra à Menouf, hormis la compagnie de grenadiers, pour relever le bataillon de la 25e [de ligne], qui se rendra à sa destination à Katieh ... Le 3e bataillon de la 69e fournira une compagnie à Suez, et la moitié d'une compagnie à Birket-el-Haggi. Le reste restera au Vieux-Caire ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 4429; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 204).
Le 22 juin, dit l'Historique régimentaire, le 1er Bataillon de la 69e est en route pour Mit-Gamar, le 2e est à Menou; la 1re Compagnie du 3e à Suez, la 2e à Birket-El-Haggi, les autres restent au vieux Caire. Le Capitaine Geoffroy, avec 250 hommes du 2e Bataillon, doit prélever les impôs.
Le 23 juin 1799 (5 messidor an 7), le Général Bonaparte, après avoir pris connaissance des documents qui lui ont été envoyés par le Chef de la 69e, écrit depuis son Quartier général au Caire : "Au chef de la soixante-neuvième demi-brigade(Eyssautier).
J'ai reçu, citoyen, votre mémoire historique sur vos compagnies de grenadiers. Votre tort est de ne pas vous être donné les sollicitudes nécessaires pour purger ces compagnies de quinze à vingt mauvais sujets qui s'y trouvaient. Aujourd'hui, il ne faut penser qu'à organiser ce corps, et le mettre à même de soutenir, aux premiers événemens, la réputation qu'il s'était acquise en Italie. BONAPARTE" (Pièces diverses et correspondance relatives aux opérations de l'armée d'Orient en Egypte; Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 74 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 200 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4209; Correspondance générale, t.2, lettre 4442; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 673).
Le même 5 Messidor (23 juin), le Général Robin reçoit ordre de partir avec le ler Bataillon de la 69e pour Mit-Gamar; il doit y prendre le commandement de la province (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 204).
Toujours le même jour, le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire : "Au commandant du génie.
Je vous prie, citoyen, de profiter du départ du bataillon de la soixante-neuvième qui se rend demain à Mit-Kamar, pour y envoyer les officiers du génie qui doivent tracer la redoute que j'y ai ordonnée. BONAPARTE" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 75; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 201).
Le 23 juin 1799 encore (5 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Chef de Brigade Sanson, commandant du Génie de l'Armée d'Orient : "Il part demain, citoyen, pour Mit-Gamar un bataillon de la 69e demi-brigade [de ligne]. Veuillez, je vous prie, profiter de cette occasion pour y envoyer des officiers du génie tracer la redoute dont je vous ai parlé" (Correspondance générale, t.2, lettre 4448).
Le 23 juin 1799 toujours (5 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major de l'Armée d'Orient : "... Le chef de bataillon Godard, chef de bataillon de la 69e, commandera le 3e bataillon; le citoyen Vincent se rendra pour commander en se place le fort d'Aboukir ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 4449; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 204).
Berthier écrit de son côté à Dumuy, le même 5 Messidor (23 juin), pour lui annoncer que la 1ère Compagnie du 3e Bataillon et la 69e partira le lendemain pour Suez, pour relever les détachements de la même Demi-brigade qui s'y trouvent ; "Cette compagnie sera à vos ordres et vous servira d'escorte. Veuillez bien m'indiquer l'heure et le lieu du rendez-vous pour le départ" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 204).
Le 24 juin 1799 (6 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au citoyen Baille, Capitaine de la 1ère Compagnie de Grenadiers de la 69e Demi-brigade : "J'ai reçu, Citoyen, les notes que vous m'avez remises, qui prouvent que votre compagnie ne se trouvait pas avec les deux autres compagnies au moment où je fus mécontent d'elles, et qu'elle venait, au contraire, d'être envoyée par le général Rampon à l'attaque d'un poste où elle a montré le courage, l'impétuosité et la bravoure qui doivent distinguer les grenadiers" (Correspondance inédite officielle et confidentielle de Napoléon, t.6, Egypte et Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 67; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 194 (la lettre est datée dans les deux ouvrages du 4 messidor an 7 - 22 juin 1799; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4212; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 4452; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 673). Baille, on l'a vu, a remis une note sur les engagements de sa Compagnie au siège d'Acre, mentionnant ses pertes : 92 morts et blessés.
Le 28 juin 1799 (10 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire au citoyen Dupas, commandant la citadelle : "... Vous ferez mettre en liberté les citoyens Merel, dromadaire; Dubourg, volontaire au deuxième bataillon de la soixante-neuvième ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 84 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 209 ; Correspondance générale, t.2, lettre 4480).
Le 30 juin 1799 (12 messidor an 7), le Général Bonaparte fait expédier depuis son Quartier général au Caire, au Général Murat la lettre suivante : "Il est ordonné au général Murat de partir demain, avant le jour, avec toute la cavalerie disponible des deux brigades, les trois compagnies de grenadiers de la 69e qui sont à la citadelle, et deux pièces de canon, pour se rendre au village de Berkâch, où il trouvera la tribu des Henâdy. Le général Murat partira avec eux pour se rendre à Terrâneh et de là à Koum-Cheryk.
Le général Lanusse a eu ordre, avec le 15e de dragons, un détachement du 22e de chasseurs, un détachement de dromadaires, un bataillon de la 69e, de se rendre au village de Tanoub pour le brûler.
Le général Destaing doit également être parti le 10 ou le 11 d'El-Rahmânyeh, pour remonter le Nil, dissiper le rassemblement de Mameluks, fellahs, Arabes qui lèvent les impositions dans la province de Bahyreh et nous privent de sommes considérables.
Le général Murat, de Koum-Cheryk se rendra dans la montagne ou à Châbour, afin de faciliter de tous ses moyens les opérations du général Destaing et parvenir au grand but de l'anéantissement de tous ces rassemblements.
Lorsqu'il croira que sa présence ne sera plus nécessaire dans le Bahyreh, il reviendra, soit par le même chemin, soit en passant dans le Delta; il retirera le détachement du 14e de dragons qu'a le général Destaing, et laissera en place le détachement du 22e de chasseurs.
Si les circonstances dans lesquelles se trouverait le Bahyreh le lui faisaient croire nécessaire, il laisserait le 20e régiment de dragons et les trois compagnies de grenadiers de la 69e.
Le général Murat fera prendre des vivres à sa troupe pour quatre jours; il est prévenu que l'ordonnateur en chef a ordre de faire partir demain, pour Terrâneh, du pain pour quatre autres jours; il laissera, à cet effet, au commissaire ordonnateur, et pour servir d'escorte à ces vivres, une demi-compagnie de grenadiers de la 69e.
A moins d'événements inattendus et très-majeurs, l'intention du général en chef est que le général Murat soit de retour au Caire le 24 ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4233; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 253).
Le 1er juillet 1799 (13 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire au Général Marmont : "... Les Ouadis sont venus me trouver : quoique ces scélérats eussent bien mérité que je profitasse du moment pour les faire fusiller, j'ai pensé qu'il était bon de s'en servir contre la nouvelle tribu, qui paraît décidément être leur ennemie. Ils ont prétendu n'être entrés pour rien dans tous les mouvemens du Bahireh : ils sont partis 5oo des leurs avec le général Murat, qui a 3oo hommes de cavalerie, trois compagnies de grenadiers de la soixante-neuvième, et deux pièces d'artillerie. Je lui ai donné ordre de rester huit ou dix jours dans le Bahireh pour détruire les Arabes et aider le général Destaing soumettre entièrement cette province : mon intention est que tous ces Arabes soient chassés au-delà de Marcouf. ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 92 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 216 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4239; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 4499).
Le 24 messidor (12 juillet 1799), le Général Marmont informe Bonaparte au camp des Pyramides qu'une flotte turque est passée à Alexandrie et qu'un corps de 18,000 janissaires turcs est débarqué à Aboukir, sous la protection d'une escadre anglaise. Aussitôt, il est enjoint aux Grenadiers de la 69e, alors à Wardau, de marcher en toute hâte sur Tennareh; de là, ils doivent se rendre à El-Rahmanieh, où la Division Lannes va les rejoindre.
Le 13 juillet 1799 (25 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "Vous donnerez l'ordre au chef de brigade de la 19e [de ligne] de partir demain avec le bataillon de la 9e [de ligne] pour se rendre à Menouf; d'où il partira pour El-Rahmânieh avec le 1er bataillon de la 69e [de ligne] et profitera de la première occasion pour se rendre à Rosette ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 4597; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 313).
Toujours le 13 juillet 1799 (25 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit à nouveau depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "Vous voudrez bien ordonner à tous les hommes de la 69e [de ligne], qui sont au dépôt et en cas de marcher, de se joindre avec tous les hommes de cette demi-brigade qui sont à la citadelle et de partir ce soir pour se rendre en toute diligence à Menouf, où ils seront sous les ordres du général Lanusse. Si le détachement qui est à Birket-el-Hadgi est composé d'hommes de cette demi-brigade, vous ordonnerez qu'on envoie sur-le-champ 15 hommes de la 9e [de ligne] pour les relever" (Correspondance générale, t.2, lettre 4602; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 314).
Enfin, le même jour, Bonaparte écrit à Marmont : "... Un bataillon de la 69e part pour se rendre à EI-Rahmânyeh, où il sera à votre disposition ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4277 ; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 4605; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 317).
Le 14 juillet 1799 (26 messidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général au Caire, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "Vous donnerez l'ordre au général Murat ... de partir ce soir avec toute la cavalerie, les dromadaires et les grenadiers de la 69e, en leur faisant prendre des vivres pour quatre jours, et de se mettre à la poursuite de Mourad-Bey, qui s'est jeté dans le Bahyreh.
Vous le préviendrez qu'un bataillon de la 69e part de Menouf pour se rendre à El-Rahmânyeh renforcer le général Destaing ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4278; Correspondance générale, t.2, lettre 4607; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 318).
Bonaparte apprend alors qu'une flotte turque menace Aboukir. Il fait immédiatement donner des ordres par Berthier (15 juillet 1799) : "… Aux grenadiers de la 69e, de partir de Wardan pour se rendre en toute diligence à Terraneh ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 328).
En arrivant à Terraneh, le 17, Berthier adresse les ordres suivants : "Aux trois compagnies de la 69e, de se rendre en toute diligence à El-Rahmànieh …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 337).
Le 19 juillet 1799, les trois Compagnies de Grenadiers et le 2e Bataillon de la 69e reçoivent l'ordre de se tenir prêts à partir au premier ordre (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 356).
Le 19 juillet (1er thermidor an VII), l'Adjudant major Godard est tué en défendant les redoutes d'Aboukir.
Le 20 juillet 1799 (2 thermidor an 7), le Général Bonaparte fait écrire depuis son Quartier général à EI-Rahmânyeh, au Général Murat : "Il est ordonné au général Murat de se tenir prêt à partir aujourd'hui à deux heures après midi, de faire prendre du pain à sa troupe jusqu'au 6 inclusivement, de faire prendre par ses attelages et servir par ses canonniers une pièce de 3 autrichienne qui se trouve au fort d'El-Rahmânyeh.
Le général Murat est prévenu qu'il aura avec lui les grenadiers de la 69e, et l'ingénieur Picault pour faire des puits où il sera nécessaire" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4291; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 358).
Dans une deuxième lettre, datée du 20 juillet 1799 (2 thermidor an 7), le Général Bonaparte fait écrire depuis son Quartier général à EI-Rahmânyeh, au Général Murat : "Le général en chef ordonne au général Murat de se porter avec la cavalerie, 3 pièces de canon, les grenadiers et le 1er bataillon de la 69e, commandés par le chef de brigade, et les dromadaires, au village de Besentouây; de prendre là des renseignements sur tout ce qui se passe à Aboukir, d'envoyer des espions pour être prévenu des mouvements des ennemis, et d'expédier sur-le-champ des courriers au général Marmont avec la lettre ci-jointe ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4292).
Les Ordres de Berthier du 2 Thermidor an 7 (20 juillet 1799), adressés au commandant des Dromadaires et aux Compagnies de Grenadiers de la 69e leur demandent de se tenir prêts à partir dès réception, et de prendre des vivres jusqu'au 6 au soir inclus; ceux au Général Lannes, de faire prendre des vivres jusqu'au 6 inclus par le 2e bataillon de la 69e et de le tenir prêt à partir à 2 heures avec Murat (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 359).
Ce jour là, dit l'historique régimentaire, le 1er Bataillon, les Grenadiers, la Compagnie des dromadaires, et trois pièces se portent, sous les ordres de Murat, au village de Becentouai. Ces troupes constituent l'avant-garde de l'armée que Bonaparte réunit. Elle doit s'éclairer vers Aboukir et envoyer des espions sûrs afin d'être prévenue de tous les mouvements de l'ennemi. Lannes doit suivre avec le 2e Bataillon, tandis que le 3e ira à Berket.
En vue des futurs combats, chaque homme reçoit cinquante cartouches et deux pierres à feu; deux cent cinquante paires de souliers sont réparties dans la Demi-brigade.
Toujours le 20 juillet (2 thermidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général à El-Rahmânyeh, au Général Marmont à Alexandrie : "Les divisions Rampon et Lannes, Citoyen Général, achèvent d'arriver aujourd'hui. Le général Murat, avec la 69e, la cavalerie, un escadron de dromadaires et de l'artillerie, sera cette nuit sur la hauteur de Lelohâ ..." (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 114 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 237 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4293; Correspondance générale, t.2, lettre 4627).
A 8 heures du soir, il fait écrire au Général Dugua au Caire : "Il paraît, Citoyen Général, que les Turcs nous ont pris le mauvais fort d'Aboukir. Le général en chef a besoin de toutes ses forces pour attaquer l'ennemi. Il vous ordonne de tâcher de réunir 3oo hommes et plus des 18e, 32e, 13e et 69e demi-brigades, qui, d'après les états de situation qui nous sont remis, sont restés au Caire, quoique en état de marcher.
La 18e a 70 hommes restés faute d'armes, 149 convalescents, dont beaucoup en état de marcher. La 32e a 49 hommes restés au Caire sans permission et 169 convalescents, dont beaucoup sont en état de marcher. Il en est de même des 13e et 69e.
Faites passer une revue exacte de tous les hommes en état de marcher appartenant à ces demi-brigades, et envoyez-nous-les par terre, à grandes journées ... Le général en chef ordonne que vous fassiez distribuer des fusils, qui sont à Gyzeh, à tous les hommes des demi-brigades qui sont à l'armée en état de rejoindre et qui n'en auraient pas; enfin, mon cher Général, envoyez-nous le plus d'hommes possible" (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4294; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 362).
Le 21 juillet 1799 (3 thermidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général à El-Rahmânyeh, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "Vous ferez partir, Citoyen Général, demain à la pointe du jour le détachement du 3e bataillon de la 69e [de ligne], pour se rendre à Berket ..." (Correspondance générale, t.2, lettre 4629; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 363).
Le même jour, à 8 heures du soir, il écrit au Général Dugua : "... Faites une revue scrupuleuse, et que tout ce qui appartient à la 22e, même le bataillon qui doit être arrivé de Beny-Soueyf, aux 18e, 32e, 13e et 69e, parte sans le moindre délai ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; ; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 116 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4301; Correspondance générale, t.2, lettre 4637; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 365).
Encore le 3 Thermidor an 7 (21 juillet 1799), Berthier donne l'ordre à l'Ordonnateur en chef Daure : "Vous voudrez bien ... faire distribuer aujourd'hui 1.350 paires de souliers, savoir :
200 paires à la 22e légère ...
250 69e ..." (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 364).
Murat arrive à Becentouai le 4 thermidor (22 juillet) et y trouve enfin de l'eau, de la paille et de l'orge en quantité suffisante. Quelques instants après, il apprend que l'ennemi occupe Aboukir, mais qu'il n'a encore pu s'emparer du fort. Le même jour, Lannes part à deux heures de l'après-midi pour le village de Samadis, sur la route de Berket.
Le 23 juillet 1799 (5 thermidor an 7), le Général Dugua écrit depuis Le Caire, au Général Bonaparte : "Je reçois à l'instant vos lettres du 3 du mois courant ... Je vais passer la revue que vous me prescrivez des dépôs de la dix-huitième, trente-deuxième, treizième et de la soixante-neuvième, et je vous enverrai tout ce que je trouverai disponible ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 7; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 391).
Le 24 juillet 1799 (6 thermidor an 7), le Général Dugua écrit depuis Le Caire, au Général Bonaparte : "D'après vos ordres, j'ai passé hier la revue des dépôs des treizième, dix-huitième, vingt-deuxième, trente-deuxième et soixante-neuvième demi-brigades : j'y ai trouvé huit officiers et deux cent soixante-dix-huit sous-officiers ou soldats en état de marcher. Je vous observe que j'en avais déjà fait partir beaucoup avec le général Rampon. Ces deux cent quatre-vingt-six hommes partiront ce soir pour Embabeh avec les cent hommes d'artillerie que vous me demandez, sous les ordres du chef de bataillon Faure, avec un détachement de vingt-six dromadaires. S'il avait été possible d'obtenir des selles de l'atelier de sellerie, j'y aurais joint des guides et des dragons ; mais les chefs de cet atelier se sont arrangés pour n'en fournir que le 10 ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 7; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 392).
Le même jour, depuis Rahmanieh, le Général Rampon écrit au Général Bonaparte : "Conformément aux ordres qu'il vous a plu m'adresser dans la province d'Alfieli, j'ai mis la plus grande diligence aux dispositions nécessaires, à leur exécution.
Arrivé le 1er du courant à dix heures du matin au Caire, je suis allé coucher le même jour à Embabeh, d'où je suis parti le 2, à huit heures du matin : le bataillon de la treizième a retardé mon départ de quelques heures; cependant, le cinquième jour de mon départ d'Embabeh, je suis arrivé h Rahmanieh, et j'en partirai à quatre heures du soir pour aller coucher à El-Houah, et j'espère rejoindre l'armée le 7 du courant, d'aussi bonne heure que possible.
La totalité des troupes que j'ai avec moi peut se porter à 630 hommes d'infanterie de la treizième, de la trente-deuxième, de la soixante-neuvième, et à soixante-six canonniers d'artillerie légère : tous ces divers détachemens sont extrêmement fatigués et sans chaussure : aussi ai-je eu un mal infini à leur faire faire la route en un si court espace de temps ; j'ai de plus une pièce de canon de 8, dont l 'avant-train s'est cassé en chemin : je le fais arranger ici" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 7; ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 403).
- Bataille d'Aboukir (le nom d'Aboukir est inscrit sur le drapeau), 7 thermidor (25 juillet 1799)
Le 7 thermidor, le Général en chef se décide à livrer bataille; Lannes, sur la droite, se met en mouvement à deux heures du matin, avec ordre d'attaquer la grande montagne de sable où s'appuie la gauche de la première ligne adverse, forte de 2000 hommes et de 6 canons.
La colonne fait un long détour, à cause des dunes, très difficiles à parcourir le long du lac Madieh.
L'ennemi, débordé par cette manoeuvre, songe à fuir, mais déjà la cavalerie de Murat est sur ses derrières; l'affolement des Turcs est tel qu'ils se précipitent du côlé de la mer et presque tous ceux qu'épargnent nos balles vont s'y noyer.
Poursuivant son succès, l'armée continue sa progression et se heurte à la redoute occupée par 9.000 à 10.000 Janissaires. La cavalerie a chargé plusieurs fois, obligeant les troupes à reculer devant elle; mais, prise entre le feu meurtrier de la redoute et celui des chaloupes canonnières, elle est forcée de s'arrêter. La 18e Demi-brigade, qui a repoussé l'ennemi jusqu'au pied de ses retranchements et a engagé un furieux corps-à-corps, est contrainte de se retirer, laissant sur le terrain une vingtaine des siens.
Bonaparte fait alors avancer sur la gauche un Bataillon de la 69e et un de la 22e Légère; à ce moment quelques Turcs sortent sur les remparts pour décapiter les morts et les blessés, et obtenir ainsi l'aigrette d'argent donnée à tout militaire qui apporte la tête d'un ennemi. La cruauté des Turcs met la rage des deux Bataillons à son comble; Lannes en tête, ils sautent dans le fossé et sont bientôt sur le parapet de la redoute. Murat profite de ce succès pour forcer le village, tout fuit; il arrive jusqu'à la tente de Seid-Mustapha, chef de l'armée turque, et court à lui pour le faire prisonnier; Seid va à la rencontre du Général et l'atteint sous la mâchoire d'une balle de pistolet. Murat riposte par un coup de sabre et, après s'être rendu maître du Pacha, le fait conduire à Bonaparte.
"... Le général en chef avait fait avancer un bataillon de la 22e légère et un de la 69e sur la gauche de l'ennemi; le général Lannes, qui était à leur tête, saisit le moment où l'ennemi était imprudemment sorti de ses retranchements; il fait attaquer la redoute de vive force par sa gauche et par sa gorge. La 22e, la 69e sautent dans le fossé et sont bientôt sur le parapet et dans la redoute. En même temps, la 18e s'était élancée de nouveau, au pas de charge, sur l'ennemi.
Le général Murat, qui suivait tous les mouvements, qui commandait l'avant-garde, qui était constamment aux tirailleurs et qui a montré dans cette journée autant de sang-froid que de talent, saisit le moment où le général Lannes lançait sur la redoute les bataillons de la 22e légère et de la 69e pour ordonner à une escouade de charger et de traverser toutes les positions de l'ennemi jusque sur le fossé du fort d'Aboukir. Ce mouvement est fait avec tant d'impétuosité et d'à-propos qu'au moment où la redoute est forcée, cet escadron se trouvait déjà pour couper à l'ennemi toute retraite dans le fort. La déroule est complète. L'ennemi, en désordre et frappé de terreur, trouve partout la baïonnette et la mort; la cavalerie le sabre ; il ne croit avoir de ressources que dans la mer : 6.000 à 7.000 hommes s'y précipitent ; ils y sont fusillés et mitraillés ; jamais spectacle aussi terrible ne s'est présenté; aucun ne s'est sauvé ..." (Relation de Berthier, in La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 413).
Déjà, le Commandant Baille et le Capitaine Bernard sont dans la ville avec leurs Grenadiers; le Sous-lieutenant Syris, de la 5e Compagnie, est assailli par deux Turcs qui le blessent à la tête et veulent l'achever; le Lieutenant Paris, de la même Compagnie, devine leurs intentions, fond sur eux et les tue de sa main. Un volontaire est sur le point d'être décapité, Paris accourt et le sauve en tuant un de ses bourreaux d'un coup de pistolet, éventrant l'autre avec son sabre. Le brave Lieutenant est blessé lui-même peu après par une balle qui lui traverse le bras et le coté gauches.
Le Lieutenant Thoulouze, des Grenadiers, a pénétré des premiers dans la place, il va droit aux canons; aidé par ses Sous-officiers, il tourne les pièces contre les Turcs et contribue essentiellement à leur déroute. Il reconnaît Mustapha-Pacha, un des principaux chefs de l'armée ottomane; avec le Capitaine Robert de la 2e Compagnie, il l'arrache aux soldats qui se disposaient à le tuer et le conduit au Général en chef.
Le Capitaine Albert, au moment où la 69e s'empare de la redoute, aperçoit une colonne turque, qui se glisse le long de la mer pour se sauver dans le fort. Il s'élance de la redoute avec 8 Grenadiers et court sus aux fuyards; au moment de les joindre, un Caporal tombe, deux Turcs à cheval s'avancent pour l'achever. Le Capitaine, d'un bond, est près de l'homme, saisit son fusil, tue l'un des cavaliers, l'autre se sauve; il place le blessé sur un cheval et retourne, avec sa poignée de braves, soutenir le combat contre le détachement ennemi qu'il réussit à disperser.
Les tentes, les bagages, l'artillerie entière sont au pouvoir des Français. Jamais victoire, depuis le début de la campagne, n'a été aussi complète. Le Lieutenant Paris et les Sous-lieutenants Armand et Morin sont blessés le 25 juillet 1799 (7 thermidor an VII) à Aboukir. Le Chef de Bataillon Bernard et le Capitaine Babille furent cités à l'ordre, et Bonaparte signala à l'armée d'Egypte la bravoure exceptionnelle de la 69e Demi-brigade.
Le Commandant Giraud écrit :
"24 juillet (sic). - Bataille d'Aboukir. 20,000 Turcs, dont 7,000 janissaires commandés par le grand-vizir Mustapha étaient débarqués dans la rade et s'y fortifiaient comme s'ils étaient venus pour s'y faire assiéger. Le général Buonaparte les tint enfermés, comme dans une souricière. Il partit précipitamment du Caire, et concentra son armée en face de celle de l'ennemi qui, formée sur deux lignes s'appuyait à la mer à droite et à gauche.
La 69e demi-brigade fait partie de l'aile gauche avec les 18e et 32e, sous le commandement provisoire du général Lanusse.
La première ligne turque fut abordée par Lannes et Destaing tandis qu'elle était tournée par la cavalerie de Murat. En une heure, 8,000 Turcs avaient disparu : dix-huit pièces de canon et cinquante drapeaux tombaient entre les mains des vainqueurs.
La seconde ligne fut enlevée peu après; les 32e et 69e. demi-brigades sautent dans les fossés, gravissent les parapets, emportent les retranchements et font des Turcs un affreux carnage" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
La nouvelle de la victoire parvient en France, par une lettre de Bonaparte adressée depuis le Quartier-général d'Alexandrie au Directoire exécutif et datée du 28 juillet 1799 (10 thermidor an 7) : "... Le général Lanne, avec la vingt-deuxième et une partie de la soixante-neuvième, se porte sur la gauche de l'ennemi ... Le citoyen Bernard, chef de bataillon de la 69e, et le citoyen Baille, capitaine de grenadiers de cette demi-brigade, y dit-il, entrent les premiers dans la redoute, et par là se couvrent de gloire" (Pièces diverses et correspondance relatives aux opérations de l'armée d'Orient en Egypte; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 126; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 251 (lettre datée dans les deux ouvrages du 27 juillet 1799 – 27 thermidor an 7) ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 327 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4323 ; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 4659; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 415). Il est à noter que le Chef de Brigade Magny, de la 22e Légère, contesta cette version des faits, dans une lettre adressée à Bonaparte le 17 août (voir Historique du 22e Léger).
Ce jour là (27 juillet 1799 - 9 thermidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général devant Aboukir, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "Vous donnerez l'ordre au général Lannes de faire partir cette nuit le 3e bataillon de la 69e demi-brigade [de ligne], pour se rendre à Rosette.
Vous donnerez l'ordre au général Menou de faire partir de Rosette, aussitôt après l'arrivée du bataillon de la 69e, le bataillon de la 85e [de ligne] pour se rendre au Caire" (Correspondance générale, t.2, lettre 4652; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 429).
Puis, dans une deuxième lettre, toujours adressée à Berthier : "... Vous donnerez l'ordre au général Destaing de partir de suite pour faire la tournée de la province de Bahireh et acherver la levée des impositions. Il prendra avec lui un bataillon de la 61e [de ligne]; le 3e bataillon de la 69e [de ligne], qui est à Berket, sera également à ses ordres.
Vous lui ferez connaître que mon intention est qu'il laisse toujours en permanence une garnison à Berket" (Correspondance générale, t.2, lettre 4653; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 428).
Enfin, le même jour, le Général Bonaparte, depuis le camp d'Aboukir, écrit au Général Menou : "... Le bataillon de la soixante-neuvième va se rendre auprès de vous pour remplacer celui de la quatre-vingt-cinquième, qu'il est très-urgent de faire passer au Caire ... " (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 126 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 250 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4319; Correspondance générale, t.2, lettre 4657; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 428; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 428).
Cependant, le fort a refusé de se rendre, il tient encore. On est obligé d'établir des batteries pour en commencer le bombardement.
Bonaparte est retourné à Alexandrie aussitôt après la prise de la ville; Lannes est chargé de la conduite du siège; mais la blessure qu'il a reçue sur les remparts ne lui permet pas de continuer les opérations; il est remplacé dans son commandement par le Général Menou.
Ce dernier, le 31 juillet (13 thermidor an 7), écrit depuis Aboukir au Général Bonaparte : "Mon général, j'espère que nous aurons le fort ce soir ou demain matin ; nous sommes sur la contrescarpe ; les ennemis se jettent à la nage et se noient ; quelques Anglais ont été vus sortant par la poterne.
Trois pièces de 24 battent en brèche, une de 12 va être placée sur la montagne en avant du santon.
Un retranchement est fait en avant du dernier village, et allant d'un monticule à l'autre. Tout le monde a parfaitement travaillé, le génie s'est distingué ; hier, le citoyen Magnier, chef de brigade de la vingt-deuxième ; le citoyen Essautier, chef de la soixante-neuvième; et le citoyen Veckel, chef de bataillon de la vingt-cinquième se sont conduits à merveille, ainsi que le nommé Féret, lieutenant de la dix-huitième : ce dernier mérite, général, que vous lui donniez de l'avancement. J'aurai aujourd'hui l'état des volontaires qui se sont distingués.
L'ennemi a perdu hier plus de 800 hommes, nous avons eu environ 80 blessés et 15 morts.
Aujourd'hui, une chaloupe a été coulée bas, un aviso a été touché, et deux bombes de douze pouces sont tombées au milieu de la flotte ennemie.
ABDALLAH-MENOU" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 7; ; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 445).
Le 1er août 1799 (14 thermidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général à Alexandrie, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "... La 69e demi-brigade [de ligne], la 2e d'infanterie légère, les deux bataillons de la 61e [de ligne] tiendront garnison dans l'arrondissement d'Alexandrie. Par là, le général Marmont pourra placer 2 bataillons à Aboukir, un à Rosette, un ou deux dans le Bahireh et 3 ou 4 à Alexandrie.
... Le lendemain de la prise du fort d'Aboukir, le général Rampon partira avec toute sa division pour se rendre à El-Rahmânieh, et, le jour d'après, le général Menou suivra avec toute sa division, bien entendu que la 69e et la 4e d'infanterie légère resteront dans l'arrondissement d'Alexandrie.
... Il sera en outre laissé cinq pièces de 3 ou 4, qui seront données à chacun des bataillons de la 69e et de la 61e, pour servir de pièces de bataillon, conformément à l'ordre du jour" (Correspondance générale, t.2, lettre 4662; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 451).
Le 2 août 1799 (15 thermidor an 7), le fort est en notre possession. Le même jour, le Général Bonaparte fait écrire, depuis son Quartier général à Alexandrie, au Général Menou : "Le général en chef vient de recevoir la lettre par laquelle vous lui apprenez la nouvelle de la reddition d'Aboukir.
... Le général en chef ordonne que vous restiez à Aboukir jusqu'à nouvel ordre avec la 4e demi-brigade d'infanterie légère et le bataillon de la 69e ..." (Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4325; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 454).
Le même jour encore, le Général Bonaparte, depuis Alexandrie, adresse une deuxième lettre au Général Menou : "... Dans la journée de demain, il ne vous restera plus qu'un bataillon de la soixante-neuvième, les trois bataillons de la quatrième légère, et différens détachemens d'artillerie; faites sur-le-champ travailler à démolir les deux villages ... " (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 131; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 256 ; Correspondance de Napoléon, t.5, lettre 4333 ; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 4668).
Le 4 août 1799 (17 thermidor an 7), le Général Menou, depuis Aboukir, écrit au Général Bonaparte : "... L'adjudant-général Valentin est parti hier pour Rosette avec le bataillon de la soixante-neuvième, qui était de l'autre côté de la digue ... " (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 7).
Le 5 août 1799 (18 thermidor an 7), le Général Bonaparte écrit depuis son Quartier général à Alexandrie, au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Orient : "... Vous donnerez l'ordre au bataillon de la 69e [de ligne] qui est à Aboukir, de se rendre de suite à Alexandrie ... " (Correspondance générale, t.2, lettre 4672; La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 472).
Le même 18 Thermidor an 7 (5 août 1799), Menou écrit à Bonaparte : "Mon Général, rien de nouveau ici. La flotte ennemie est toujours dans la même situation; la démolition des villages va son train; le bataillon de 69e va repartir pour Alexandrie; le déblaiement de l'artillerie se fait …" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 457).
- Occupation d'Alexandrie
La 69e rentre à Alexandrie; presque tous ses hommes sont blessés ou malades, le Tambour Chauvet, resté prisonnier des Turcs pendant près d'un mois, revient au Corps dans un état lamentable et les mauvais traitements subis l'obligent à demander sa retraite.
Malgré tout, la bonne humeur subsiste; on souffre pour la France ! Tous ces blessés, ces éclopés, ces rescapés sont les premiers à rire de leurs misères, à chanter, sous le soleil ardent du désert, l'amour et le bon vin. Desgenettes ne rapporte-t-il pas l'acte de ce soldat qui va enterrer dans un cimetière son doigt amputé pour être sûr, disait-il, d'avoir "au moins" un doigt en Terre-Sainte !
De son côté, pendant les trois dernières journées passées au Caire, Bonaparte s'occupe activement, au Caire, de l'habillement des troupes, car les vêtements ont quelque peu perdu de leur caractère militaire. La pratique ayant fait ressortir les inconvénients de la toile, qui a été adoptée l'année précédente, il est décidé que les soldats recevront des effets de drap. Les quantités allouées sont ainsi fixées par un supplément à l'Ordre du jour de l'armée du 28 Thermidor (15 août) :
"BONAPARTE, Général en chef, ORDONNE :
Article Ier. - Il sera accordé aux différents corps de l’armée un nombre d'habillements complets en drap pour l'an VIII, conforme à l'état ci-dessous.
II. - Etant impossible de se procurer la quantité de drap bleu nécessaire, il sera réservé pour l'artillerie et les sapeurs;
Le drap vert, pour la cavalerie;
Le rouge, noir, gris, puce, etc. pour l’infanterie.
III. - L'ordonnateur fera connaître à l'ordre de demain la couleur du drap dont sera habillée chaque demi-brigade : il aura soin que les couleurs nationales se trouvent sur chaque uniforme.
Tableau de ce qui est accordé à chaque corps ...
IV 69e de ligne 2400 ...
V. - Lorsque les draps de cette quantité d'habillements auront été distribués, il sera accordé un supplément aux corps qui n'en auraient pas eu assez : ils enverront, à cet effet, leurs réclamations à l'ordonnateur en chef.
VI. - L'ordonnateur en chef me fera un rapport particulier sur l'habillement de la cavalerie : les hommes de cette arme qui ont été habillés l'année dernière ne le seront pas cette année" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 562 - Note : Ces couleurs sont fixées seulement par l'ordre du jour du 9 Vendémiaire an 8 (1er octobre 1799); la 69e portera l'habit brun, retroussis et parements blancs, passepoil bleu, collet écarlate - voir partie uniformes).
Bonaparte, décidé à quitter l'Egypte, s'embarque le 18 août à 3 heures du matin, sur le Nil; il trouve à El-Rahmanieh les chevaux nécessaires pour se rendre, lui et son escorte, à Alexandrie, où il transmet ses dernières instructions au général Menou.
Le 17 août 1799 (30 thermidor an 7), le Général Bonaparte, depuis le Caire, a rédigé l'ordre du jour suivant : "Etat des fusils, grenades de mérite accordés par le général Bonaparte depuis l'entrée de l'armée en Egypte.
Sabres accordés par le général en chef.
... 23 ventôse. Nollet, sergent-major, grenadier de la soixante-neuvième ; à Jaffa.
... Fusils de mérite accordés par l'ordre du 14 pluviôse.
Aux citoyens Covard, grenadier de la soixante-neuvième : distingué en Italie.
... 23 ventôse. Cheillard, caporal de grenadiers de la soixante-neuvième : à Jaffa.
23 ventôse. Coustion, grenadier de la soixante-neuvième: id.
23 ventôse. Jean Serre, grenadier de la soixante-neuvième: id.
23 ventôse. Marchette, grenadier de la soixante-neuvième : id.
... Beaudot, sergent de grenadiers de la soixante-neuvième : à Aboukir.
...
Baguettes de mérite accordées par l'ordre du jour du 14 pluviose an. 7.
... 23 ventôse. Poulet, tambour de la soixante-neuvième demi-brigade.
... état nominatif des officiers généraux et officiers supérieurs des différens corps, morts à l'armée d'Egypte.
... Officiers supérieurs de l'infanterie.
... Barthelemi, chef de brigade de la soixante-neuvième demi-brigade légère, tué à l'affaire de Zeta, en ventose an 7,
Jannot, chef de bataillon de la soixante-neuvième demi-brigade légère, mort de maladie à Gaza.
Godart, chef de bataillon de la soixante-neuvième demi-brigade, tué à Aboukir ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon, t. 5 complété par La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 4, p. 666).
Le 22 août, le général en chef s'embarquait pour la France, laissant le commandement à Kléber. Le Chef de la 69e, Eysseautier, est chargé par Menou de remettre à Kléber en personne tous les papiers, ordres et documents que le Général en chef a laissés pour son successeur.
Le Général Menou écrit, depuis Alexandrie, le 7 Fructidor an 7 (24 août 1799), au Général en chef Kleber : "… Le général Bonaparte m'a remis tous les papiers et lettres relatifs à votre nomination; j’en charge le citoyen Eyssautier, chef de brigade de la 69e; il a ordre de ne les remettre qu'à vous-même. Le général Bonaparte m'a dit vous avoir donné rendez-vous à Rosette, et, d'après son calcul, vous devez y arriver aujourd'hui ou demain. Mais, en supposant que votre vorage ait rencontré quelque obstacle, je donne ordre à l'adjudant général Valentin, commandant à Rosette, de faire partir sur-le-champ un exprès qui vous portera ma lettre à Damiette, mais non celles du général en chef qui resteront constamment entre les mains du chef de brigade de la 69e, jusqu'à ce qu'il puisse vous les remettre à vous-même, ou que vous lui ayez donné des ordres pour vous les faire passer ou pour vous les porter; il attendra donc à Rosette, si vous n'y êtes pas rendu, que vous lui ayez dicté ce qu'il doit faire…" (Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 627).
Kleber écrit, de Rosette, le 8 Fructidor (25 août 1799), à Menou : "… J'ai reçu le paquet que vous m'avez fait passer par le chef de brigade de la 69e, mon cher Général ; j'aurais bien désiré que vous vous fussiez rendu vous-même ici. Ma présence me semble très nécessaire au Caire: cependant je vous attendrai jusqu'au 10, 9 heures dn matin. Hâtez-vous donc d'arriver afin que nous puissions amplement conférer ensemble …" (Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 632).
Les soldats de la Demi-brigade continuent de mériter les éloges du nouveau commandant des troupes et presque chaque jour ont l'occasion de se distinguer.
Le 17 octobre, le Sergent-major Baudry, avec cinq hommes, va en barque d'Alexandrie à Aboukir, lorsqu'il est attaqué par une chaloupe canonnière d'environ trente hommes d'équipage. A l'abordage, Baudry reçoit un coup de pistolet à l'épaule gauche; sans se déconcerter, il fait exécuter un feu qui tue quelques adversaires et oblige l'ennemi à s'éloigner; on lui crie de se rendre, on le menace de le couler, le Sergent-major enjoint aux Turcs de s'apprêter à combattre; aussitôt, plusieurs décharges de mitraille blessent trois hommes sur six, personne ne veut se rendre; ... mais la lutte est impossible; Baudry fait échouer sa barque sur le rivage et parvient à s'échapper.
La Demi-brigade le 22 Février 1800 |
|
ÉTAT-MAJOR |
|
Brun, Chef de Brigade. Dupas, id, à la suite. Bernard, id. Vincens, id. (école des mathémat.). Poli, Chef de Bataillon. Baille, id. Magne, id. Thirion, Adjudant-major. Tournus,id. Faivre, id. Dupont, id. Bertrand, Quart.-maître en 1er (cap.). Thibaut, id. (Sous-lieutenant). Godelier, Officier de santé. Dutrey, id. |
Ravanat, Officier de santé. Jeannin, Capitaine d'habillement. Bruffier, Lieutenant d'armement. Aubry, Capitaine des éclaireurs. Julien, Lieutenant, id. Delpech, id. Chéris, Sous-lieutenant,id. Nicolas, id., com. les canonniers. Collet, Capitaine à la suite. Lépolard, Capitaine vétéran. Bérenger, Lieutenant vétéran. Bey, id. Rousset, id. Blanchon, id. Gallet, Sous-lieutenant vétéran. |
1er Bataillon |
|
Grenadiers. |
Cazan, Lieutenant. Arnaud, Sous-lieutenant. 5e Compagnie. Aubry, Capitaine. Michel, Lieutenant. Lecureux, Sous-lieutenant. 6e Compagnie. Ledonné, Capitaine. Fousseng, Lieutenant. Morin, Sous-lieutenant. 7e Compagnie. Castillon, Capitaine. Dartigues, Lieutenant. Gallet, Sous-lieutenant. 8e Compagnie. Lemoine, Capitaine. Dupuy, Lieutenant. X..., Sous-lieutenant. |
2e Bataillon |
|
Grenadiers. Albert, Capitaine. Ginoux, Lieutenant. Bahour, Sous-lieutenant. 1ère Compagnie. Aiguier, Capitaine. Seguin, Lieutenant. Devoisin, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Giraud, Capitaine. Parent, Lieutenant. Poupon, Sous-lieutenant. 3e Compagnie. Roux, Capitaine. Gondouin, Lieutenant. Gaillard, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Grosset, Capitaine. |
Nicolas, Lieutenant. Blanc, Sous-lieutenant. 5e Compagnie. Tardieu, Capitaine. Tessier, Lieutenant. X..., Sous-lieutenant. 6e Compagnie. Samson, Capitaine. Lautier, Lieutenant. Quesnel, Sous-lieutenant. 7e Compagnie. Agnely, Capitaine. Brulefer, Lieutenant. Bouley, Sous-lieutenant. 8e Compagnie. Trapier, Capitaine. Rousset, Lieutenant. X..., Sous-lieutenant. |
3e Bataillon |
|
Grenadiers. Dhur, Capitaine. Lapalisse, Lieutenant. Paris, Lieutenant. 1ère Compagnie. Fournier, Capitaine. Monnoyer, Lieutenant. Naux, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Robert, Capitaine. Marlon, Lieutenant. Fauverteix, Sous-lieutenant. 3e Compagnie. Genevay, Capitaine. Daphanier, Lieutenant. Berret, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Argence, Capitaine. |
Charpentier, Lieutenant. Siry, Sous-lieutenant. 5e Compagnie. Tournus, Capitaine. Raibaut, Lieutenant. Artus, Sous-lieutenant. 6e Compagnie. Rolland, Capitaine. Pellicot, Lieutenant. Mailleau, Sous-lieutenant. 7e Compagnie. Ditaud, Capitaine. Blanchon, Lieutenant. Heuzard, Sous-lieutenant. 8e Compagnie. Meignan, Capitaine. Cannelier, Lieutenant. X..., Sous-lieutenant. |
Officiers à la suite |
|
Renaud, Sous-lieutenant. Aiguier, id. Burthy, id. Manem, id. |
Gaffé, Sous-lieutenant. Despausse, id. Guyon, id. Hanck, id. |
Bataillon complémentaire |
|
Grenadiers. X... X... X... 1ère compagnie. Lanaut, Capitaine. Clément, Lieutenant. Gillot, Sous-lieutenant. 2e compagnie. Reynaud, Capitaine. Pelicot, Lieutenant. Reboul, Sous-lieutenant. 3e Compagnie. Vabry, Capitaine. Truchot, Lieutenant. Inglard, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Leroy, Capitaine. |
X... Devoizin, Sous-lieutenant. 5e Compagnie. X... X... Maillot, Sous-lieutenant. 6e compagnie. X... X... X... 7e Compagnie. X... X... X... 8e Compagnie. X... X... X... |
Le Chef de brigade Eysseautier, épuisé par les fatigues de la campagne, entre à l'hôpital et y meurt quelques jours après, le 12 mai.
Le 14 prairial an VIII (3 juin 1800), le Chef du premier Bataillon Brun, promu par Kléber Chef de brigade sur le champ de bataille et placé à la suite de l'Etat-major de l'armée prend le commandement de la 69e Demi-brigade (accès à la biographie du Chef de Brigade Brun sur Wikipédia).
BRUN (Jean-Antoine, baron)Né à Quay (Isère) le 15 avril 1761. Canonnier au Régiment de la Fère du 13 avril 1781 au 12 août 1784. Capitaine au 3e Bataillon de Volontaires nationaux de l'Isère, 24 novembre 1791. Chef de Bataillon au 9e Bataillon de l'Isère, 19 germinal an II. Passé à la 2e Demi-brigade légère, 23 septembre 1795. Passé à la 12e Demi-brigade légère, 29 janvier 1796. Nommé sur le champ de bataille provisoirement Chef de Brigade à la suite de l'Etat-major de l'armée d'Orient par le Général Kléber, le 26 pluviôse an VIII. Placé Chef de Brigade à la 69e, 14 prairial an VIII. Général de Brigade, 10 février 1807. |
Fig. Fusilier de la 69e de Ligne, campagne d'Egypte, d'après H. Knötel |
Fig. Fusilier de la 69e de Ligne en 1800, campagne d'Egypte, d'après L. Rousselot |
Le 14 juin, Kléber tombe assassiné par un musulman; la nouvelle de sa mort jette l'armée dans une profonde consternation; les soldats, qui lui ont voué une affection profonde, veulent prendre les armes pour le venger.
Après la mort de Kléber, l'armée d'Egypte passe sous les ordres du Général Menou; la 69e est placée sous les ordres du Général Lanusse, chargé de la défense d'Alexandrie et du fort d'Aboukir.
Le 20 août 1800 (3 fructidor an 8), le Général Menou, Général en chef, ordonne l'insertion à l'ordre du jour, de la note suivante : "Dans la nuit du 22 au 23 du mois passé (9-10 août 1800), un vaisseau de ligne turc vint se jeter sur les écueils qui environnent Aboùqyr : des frégates et chaloupes ennemies vinrent, pour tâcher de remorquer ce vaisseau, ou au moins sauver l'équipage. Alors le fort d'Aboùqyr fit feu sur les frégates et chaloupes à la portée d'environ mille toises : au même instant le général de division Lanusse, avec son activité ordinaire, arrivait d'Alexandrie après avoir donné l'ordre à plusieurs djermes et canots armés de se rendre à Aboùqyr. Un de ces canots monté par le citoyen Cologne, aspirant, reçut à Aboùqyr quelques grenadiers de la 69e, et de suite alla se placer entre le vaisseau échoué et les frégates ennemies, pour empêcher leurs ch aloupes de sauver l'équipage ; en même temps deux djermes, armées chacune de cinquante hommes de la 69e, vinrent prendre la même place. Une des chaloupes ennemies, plus hardie que les autres, voulut forcer le passage ; elle fut prise à l'abordage par le canot que montaient le citoyen Cologne et les braves grenadiers de la 69e. Alors le vaisseau échoué tira quelques coups de canon sur les embarcations françaises : le vent fraîchit en même temps ; elles furent obligées de rentrer. Le général Lanusse alors ordonna de doubler la charge de poudre des pièces de 24 du fort ; plusieurs boulets portèrent en plein bord du vaisseau échoué, qui amena son pavillon. Le général Lanusse y envoya une chaloupe qui ramena à terre Mohhammed Indjear-bey, directeur-général des arsenaux de Constantinople et second amiral de la flotte ottomane. Il a livré son vaisseau portant quatre-vingt-quatre pièces de canon, aux conditions que son équipage ne serait pas esclave, et que les officiers garderaient leurs armes. A minuit tout l'équipage était à terre, au nombre de cinq cents et quelques individus, parmi lesquels étaient deux Français.
… les braves grenadiers et fusiliers de la 69e ont donné des preuves du plus grand courage : le général en chef leur témoigne surtout sa satisfaction de leur conduite généreuse et vraiment républicaine ; aucun homme de l'équipage ennemi n'a été insulté ; rien n'a été pillé. Quel contraste entre les militaires français et leurs ennemis qui dernièrement encore, ont fait souffrir les tourments les plus cruels à l'aide-de-camp Baudot, fait prisonnier contre tout droit des gens à la bataille de Matariéh !" (Pièces diverses et correspondances relatives aux armées d'orient).
Au 1er vendémiaire an IX (23 septembre 1800), la 69e fait brigade avec la 18e (Général Valentin). Elle a son 1er Bataillon (299 hommes) à Alexandrie, ses 2e et 3e Bataillons (658 hommes) à Rosette.
Le 17 novembre 1800 (26 brumaire an 9), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, de donner l'ordre ... A la compagnie d'artillerie de la 69e faisant partie de la garnison de Malte, qui est à Marseille, de se rendre à Dijon ..." (Correspondance générale, t.3, lettre 5779).
Le 21 janvier 1801, le 1er Bataillon (324 hommes et 18 Officiers) est à la citadelle du Caire; le 2e Bataillon (284 hommes et 15 Officiers) au vieux Caire; le 3e Bataillon (287 hommes et 16 Officiers) à Boulaq et Gizeh.
Pertes subies à l'armée depuis le départ d'Europe jusqu'au 21 janvier 1801 : tués 234; blessés 29 ; accidents 3; malades 104; peste 38; total 408.
- Combat de Madieh
Le 7 mars 1801, une armée anglaise de 20,000 hommes débarque aux bouches du lac Madieh et menace Alexandrie.
Les Généraux Friant et Lanusse disposent de 5,000 hommes à peine; ils tentent avec cette poignée d'hommes de lui barrer le passage à la pointe du lac, sur les hauteurs voisines du camp des Romains le 13 mars 1801 (22 ventôse).
"Le général Lanusse donna ordre à la 69e de s'avancer un peu sur les hauteurs du bord de la mer, pour occuper la droite ennemie. En même temps, avec la 4e légère et la 18e, il prenait hardiment l'offensive. Nous fûmes forcés de battre en retraite" (Affaire du 22 ventôse an IX (13 mars 1801), d'après le Colonel Théviotte).
Après cette attaque malheureuse, la Demi-brigade assure le repli, et son ardeur exemplaire lui vaut les éloges de ses chefs.
"La 69e forme l'arrière-garde de gauche en suivant le bord de la mer, rapporte le général Reynier; elle attend à portée de fusil la droite des Anglais, et exécute dans le meilleur ordre une retraite par échelons qui lui mérite l'admiration des ennemis".
"La 69e fut chargée de faire l'arrière-garde de gauche et de se retirer en suivant les hauteurs du bord de la mer : elle attendit la droite ennemie à petite portée, lui tua beaucoup de monde par son feu bien dirigé et commença la retraite par échelons, en attendant toujours l'ennemi et continuant son feu avec autant de précision qu'à une manoeuvre" (Affaire du 22 ventôse an IX (13 mars 1801), d'après le Colonel Théviotte).
Le Commandant Giraud écrit :
"13 mars 1801.- Affaire sanglante du lac Maadieh, où la 69e demi-brigade, sous les ordres du général Valentin, fit des prodiges de valeur. Il s'agissait d'en chasser 20,000 Anglais débarqués depuis peu, à l'effet de menacer Alexandrie. Magnifique retraite soutenue par la 69e disposée par échelons, à l'arrière-garde" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
- Bataille de Canope
Les Anglais ne profitent point immédiatement de leur victoire. Ils poursuivent lentement leur marche et sont arrêtés par le siège du fort d'Aboukir, dont ils attendent l'enlèvement, tout comme l'entrée en ligne de l'armée turque. Ce qui laissent à l'armée française le temps de se rallier.
Le Commandant Giraud écrit :
"18 mars. - Les Anglais poursuivant lentement leur marche en avant, sont arrêtés par le siège du fort d'Aboukir, dont la garnison était faible et l'armement presque nul. Ce dernier dut capituler devant le corps de débarquement de sir Ralph Abercromby (environ 12,000 Anglais).
Menou, qui est resté immobile au Caire pendant sept jours, arrive au camp sous Alexandrie avec les divisions Régnier et Rampon, qui a remplacé le général Bon, mort de suites de blessures reçues à Saint-Jean-d'Acre, le 10 mai 1799" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Les Anglais viennent occuper devant Alexandrie, de la mer au lac, une solide position défensive, la droite appuyée à la mer, la gauche au lac, les deux ailes flanquées par des chaloupes canonnières, avec des redoutes sur leur front. Ils ont tout avantage à attendre la prochaine entrée en ligne de l'armée du Vizir. Par la même raison, les Français se décident à attaquer le 30 ventôse (21 mars 1801), malgré l'énorme disproportion numérique.
L'attaque ne semble possible que contre la droite ennemie; c'est sur elle qu'est lancée la Division Lanusse. Ce Général lance la Brigade Silly à l'attaque d'une grande redoute devant son front au nord. La Brigade Valentin, 18e et 69e Demi-brigades, doit la déborder et s'avance le long de la mer, mais ayant obliqué, elle se trouva prise pendant l'exécution de son mouvement dans le rentrant entre la redoute et le camp des Romains, où des feux croisés la déciment. Lanusse, voulant la rallier, est frappé à mort; la 69e perd en un clin d'oeil la moitié (voire les deux tiers) de son effectif. Cet insuccès décide du sort de la bataille.
Le Commandant Giraud écrit :
"21 mars. - Attaque des Anglais, la droite appuyée à la mer, la gauche au lac, les deux ailes flanquées par des chaloupes canonnières avec des redoutes sur leurs fronts.
L'attaque n'était possible que contre la droite ennemie opposée au général Lanusse dont l'effectif montait à 1,050 hommes :
Carabiniers de la 63e demi-brigade de ligne. 190 hommes.
Grenadiers de la 32e id. de ligne. 160 id.
La 69e demi-brigade de ligne. 700 id.
Total 1050 combattants.
Si l'armée française avait été bien commandée, c'eût été une victoire, malgré sa faiblesse numérique.
La division Rampon formait le centre avec les grenadiers de la 2° légère, 200 hommes;
la 32e de ligne 100 id.
Avec les garnisons des différents postes occupés par nous, c'étaient 6,000 Français qui allaient combattre 17,000 Anglais.
Menou s'enferma dans Alexandrie et voulut résister quand même. C'était une héroïque folie, car sur un effectif de 6,000 soldats, glorieux débris de la plus vaillante armée, 1,800 étaient clans les hôpitaux, malades ou blessés. En dix jours, nous en perdîmes 800. La brigade Silly avait été lancée à l'attaque d'une grande redoute sur son front, de sorte que la brigade Valentin, - celle dont faisait partie la 69e, - se trouva prise dans le rentrant, entre la redoute et le camp des Romains, où les feux croisés de l'ennemi la décimèrent.
Lanusse, voulant la rallier, y fut frappé à mort.
La 69e perdit en un clin d'oeil la moitié de son effectif. Cet insuccès décida du sort d'Alexandrie qui capitula le 31 août" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 21 mars 1801 (30 ventôse an IX), le Capitaine Béranger et les Lieutenants Teissonnière et Chenevier sont tués; le Sous lieutenant Bourdot, blessé, meurt de ses blessures le 30 germinal. Les Capitaines Monoyer et Pascal, les Lieutenants Louette, Liénard, Charpentier, les Sous lieutenants Bahour et Lecureux sont blessés à Alexandrie en Egyte.
- Capitulation d'Alexandrie
Les Français s'apprêtent à livrer de nouveaux combats, lorsque 30.000 Turcs, 4.000 Anglais, une Division venue de l'Inde par la mer Rouge, cernent Alexandrie. Au Caire, Belliard, assiégé par un ennemi cinq fois plus nombreux, vient de mettre bas les armes.
Le 22 juillet, une revue de rigueur est passée par le Commissaire ordonnateur Duprat pour la 69e; sont présents : 2 Chefs de brigade; 3 Chefs de bataillon; 53 Capitaines, Lieutenants ou Sous-lieutenants; 620 Sous-officiers ou soldats. A la suite : 40 femmes françaises, 3 femmes noires.
Le Lieutenant Parize est blessé à Aboukir le 26 juillet 1801 (7 thermidor an IX).
Menou, après une vigoureuse résistance, doit se rendre à son tour : l'Egypte est abandonnée, les troupes gardent drapeaux, armes et bagages, elle sont évacuées avec les honneurs de la guerre. La capitulation, signée le 2 septembre 1801, ramène en France, sur navires anglais, les débris de la Demi-brigade.
Le Commandant Giraud écrit :
"2 novembre 1801. - L'évacuation de l'Egypte commence. L'armée française réduite à 14,000 hommes en grande partie blessés, rentre en France, sans avoir essuyé une défaite qui ait affecté son organisation, sans avoir subi une capitulation qui ait entaché son honneur et sa gloire" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
De son côté, Laporte décide de quitter l'armée, sans avoir pu bénéficier de la promotion dont il révait : "… beaucoup d'officiers et de Sous-officiers surnuméraires qui ne devinrent titulaires que pendant les campagnes d'Egypte au fur et à mesure des extinctions, mais les batailles et combats multipliés que cette petite armée eut à livrer pendant plus de trois années ayant presque moissonné tous les soldats et n'ayant jamais reçu de recrues depuis la dernière amalgame, on fut obligé de doubler les compagnies fautes de soldats et dès lors encore moins d'avancement, les seules récompenses étaient pour les actions d'éclat, et on donnait des sabres et des fusils d'honneur ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
Le 24 novembre 1801 (3 frimaire an 10), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... ARMEE D'ORIENT
La 69e demi-brigade de ligne [se rendra] à Nice.
Ces demi-brigades de l'armée d'Orient resteront dans la 8e division militaire [Marseille] jusqu'à ce qu'elles soient embarquées, au nombre des deux tiers de la force de la demi-brigade. Elles laisseront un chef de bataillon et plusieurs officiers à Marseille et à Toulon pour rejoindre les détachements qui arriveraient plus tard.
Vous donnerez des ordres pour envoyer, le plus promptement possible, dans tous les endroits où ces demi-brigades doivent tenir garnison, tout ce qui leur est nécessaire" (Correspondance générale, t.3, lettre 6654).
Le 7 Frimaire an 10 (28 novembre 1801), Murat écrit au Ministre de la Guerre : "… Je vous fais passer, citoyen ministre, un rapport du général Quesnel au sujet des plaintes que vous avez reçues contre le citoyen Mazas, chef de la 34e demi-brigade. Il paraît d'après les faits qui s'y trouvent consignés, que ce chef de brigade ne peut plus rester à la tête du corps qu'il commande et qu'il faut en éloigner aussi le chef de bataillon Vidal. Je vous propose, en conséquence, citoyen ministre, de faire remplacer le premier par le citoyen Bernard, de la 69e, fait chef de brigade sur-le-champ de bataille à Aboukir. Sa moralité, ses talents et surtout son esprit de conciliation ramèneraient bientôt le bon ordre dans le corps que vous lui aurez confié. Je vous invite en même temps à faire passer dans une autre demi-brigade le chef de bataillon Vidal" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 215, lettre 874).
Joseph Laporte écrit : "... de retour en France on dédoubla les compagnies à la réception de quinze cents conscrits, et il y eut à cette époque un peu d'avancement ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
De son côté, l'auteur du Carnet de campagne du Cdt Giraud conclut la campagne d'Egypte de la manière suivante :
"La formation du corps expéditionnaire d'Egypte avait désorganisé l'armée d'Italie. Il ne restait guère que des cadres dans les dépôts. La situation était plus grave qu'en 1792, car l'ennemi était à nos portes et l'anarchie régnait à l'intérieur. Il ne restait plus dans les dépôs que des bataillons de recrue s'intitulant pompeusement les auxiliaires de l'armée d'Orient.
Le dépôt de la 69e demi-brigade à l'effectif de 115 hommes était alors à Toulon, avec celui de la 32e ; c'est là où rejoignit Giraud nommé capitaine le 11 germinal, an VII (1er avril 1799)".
Joseph Laporte écrit : "... la paix ayant été depuis peu conclue à Amiens et ma santé étant entièrement délabrée, je bornai mes désirs à pouvoir obtenir mon congé, ce qui me donna assez de peine, attendu que je n'avais pas le temps de service requis, car la loi portait que cette faveur ne serait accordée qu'à ceux qui auraient onze ans de service et il n'y avait dans ce cas là que ceux qui étaient partis en 91, dans les premiers bataillons de volontaires, il me manquait un an et demi, mais la protection dont m'honorait une adjudant-major qui m'avait pris en amitié dès le principe et qui m'avait presque servi de père, ainsi que celle du chef de brigade dont j'étais le seul compatriote dans la ½ brigade, furent cause que j'obtins, après avoir réitéré mes instances, ce que je désirais ; le chef de brigade avait d'autres vues sur moi, et il me l'avait dit souvent en Egypte, je le remerciai de ses bonnes intentions, et me retirai dans le courant de floréal, de l'an dix, dans mes foyers, n'ayant pas encore vingt-deux ans ..." (Joseph Laporte : "Mon voyage en Egypte et en Syrie, Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte" ; PUF, 2007).
La 69e va se reformer d'abord à Aix et Nice.
Le 28 juin 1802 (9 messidor an 10), Bonaparte écrit depuis la Malmaison au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, de donner l'ordre ... à la 69e id de se rendre à Mâcon ... ces troupes ne se mettront en marche que du 10 au 20 thermidor. Vous aurez soin de les faire marcher à petite journée, et de leur donner de fréquents repose pour qu'ils n'éprouvent point de fatigues. Il est aussi convenable qu'avant leur départ, leur organisation soit complétée de 5 compagnies à 9 ; ce qui doit avoir lieu par l'incorporation des bataillons complémentaires ...
Tous ces mouvements ne se feront que dix jours après avoir reçu l'ordre.
Vous aurez soin que la veille du départ, il soit passé une revue de rigueur qui fasse bien connaître la situation des troupes que vous ferez partir. Vous aurez soin que tous les détachements soient bien réunis avant leur départ, et qu'ils marchent dans le plus grand ordre et par bataillon" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1257 ; Correspondance générale, t.3, lettre 6965).
Le 29 juillet 1802 (10 thermidor an 10), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Les neuf compagnies des 4e légère, 21e légère et 59e de ligne qui faisaient partie de la garnison de Lyon, seront remplacées par 2 compagnies de la 78e qui est à Chambéry, 2 de la 28e légère qui est à Montélimar, 3 de la 69e qui se rend à Mâcon, et 2 de la 30e légère qui arrive au Puy" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.3, lettre 3140 ; Correspondance générale, t.3, lettre 7055).
Le 28 fructidor an X (15 septembre 1802), un Arrêté du Premier Consul accorde une arme d'Honneur aux militaires suivants (tous Légionnaires de droit à la création de l'Ordre) :
Paris (Pierre-Guillaume), Lieutenant : - Pour s'être fait remarquer à l'armée d'Egypte dans plusieurs combats et être entré le second dans la redoute d'Aboukir - un sabre d'honneur.
Baudry (Pierre), Sergent : - Pour sa conduite distinguée à l'affaire du 5 vendémiaire an VIII, où il fut attaqué dans sa barque par une chaloupe canonnière turque de 30 hommes d'équipage qui avaient jeté le grappin pour prendre sa barque à l'abordage; il fit une défense telle qu'il parvint à se sauver - un fusil d'honneur.
César (Jean), Caporal : - Etait du nombre des Grenadiers qui se présentèrent volontairement pour aller reconnaître la tour de brèche au siège d'Acre, reconnaissance extrêmement dangereuse et dans laquelle périt la plus grande partie de ses camarades - un fusil d'honneur.
Letuaire (Antoine, dit l'Etoile), Caporal : - Même mention que pour précédent - un fusil d'honneur.
Vincent (Joseph), Caporal : - Même mention que pour le précédent - un fusil d'honneur.
Dans d'autres sources, il est indiqué qu'à la suite de la campagne d'Egypte, des armes d'honneur, fusils, sabres, baguettes, sont accordées à titre de dons nationaux au Lieutenant Paris, blessé antérieurement à Mondovi (3 floréal an IV); au Sergent-major Sabattier (voir plus bas au Bataillon complémentaire), au Sergent Cheillard (voir plus haut en Egypte), au Sergent Baudry et aux Caporaux César, Vincent, Létuant.
Le 20 septembre 1802 (3e jour complémentaire an 10), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "La place de Châlon-sur-Saône n'ayant point de garnison, citoyen ministre, il parait convenable d'y envoyer 2 bataillons de la 69e en en laissant un à Mâcon" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 477; Correspondance générale, t.3, lettre 7170).
D'après les Etats militaires de l'an XI (1802-1803), la 69e est à Macon et fait partie de la 18e Division militaire. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Chefs de Brigade Brun; Chefs de Bataillon Gazaignaire, Poli, Baille, Magne; Quartier maître trésorier Capitaine Bertrand; Adjudants major Thirion, Dupont , Faivre; Officiers de santé Godelier, Rouquier, Dutrey.
- Capitaines : Pascal, Genevay, Aignier, Fournier, Collet, Roux, Thoulouse, Dhur, Aubry, Albert, Tardieu, Castillon, Agnely, Pitaud, Audibert, Giraud, Robert, Grosset, Delabit, Argence, Ledonné, Saison, Rolland, Lemoine, Trapier, Meignan, N.
- Lieutenants : Rousset, Brulfer, Planchon, Dupuy, Parent, Monnoyer, Marton, Teissier, Paris, Lapalisse, Lautier, Cazan, Seguin, Michek, Foussenq, Pellicot, Camelier, Charpentier, Lartigues, Delpech, Nicolas, Brechan, Liénard, Ginoux, Gondouin, Daphaud.
- Sous lieutenants : Artus, Gallet, Nans, Liry, Poupon, Jurquet, Blanc, Theris, Paris, Sauvertey, Bouley, Devoisin, Reboul, Demange, Mailleau, Quesnel, Berret, Gaillard, Bahour, Armand, Lécureux, Morin, Heuzard, N, N, N, N.
La 69e se rend ensuite à Besançon, où elle tient garnison jusqu'à la rupture du traité d'Amiens; le 5 octobre 1802 (13 vendémiaire an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, de donnez ordre à la 69e demi-brigade de se rendre à Besançon ..." (Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.4, p. 391 ; Correspondance générale, t.3, lettre 7196).
Le 30 octobre 1802, le Ministre de la Guerre écrit au Chef de brigade Brun, commandant la 69e :
"Paris, 8 brumaire an XI.
... Le gouvernement a su dans tous les temps apprécier les services distingués de la 69e demi-brigade ...
Dites aux officiers et aux soldats que le Premier Consul met en eux la plus entière confiance. Il sait qu'un corps dont le nom se trouve associé aux victoires les plus glorieuses sera toujours le premier a se distinguer par son respect à la discipline et son attachement au Gouvernement.
Le Ministre de la guerre".
C/ Campagne de 1800
- Formation du Bataillon supplémentaire de la 69e Demi-brigade
Un arrêté du 19 décembre 1799 avait prescrit de former dans chacun des Dépôs de l'armée d'Egypte un Bataillon supplémentaire de 12 Compagnies qui, en fin janvier, devait être porté à 1.000 hommes, au moyen de conscrits appelés à Lyon.
Le 14 février 1800 (25 pluviôse an 8), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Vous donnerez au général de division Chabran l'ordre de se rendre sur-le-champ à Chalon-sur-Saône,pour prendre le commandement des quatorze bataillons de dépô de l'armée d'Orient. Le général Chabran les passera en revue et veillera à leur équipement, armement, habillement et recrutement. Ces bataillons resteront cantonnés à Mâcon, Châlon, Seurre et Saint-Jean-de-Losne. Ils seront exercés deux fois par jour à la manoeuvre.
La division commandée par le général Chabran portera le nom de 1re division de l'armée de réserve. Il sera attaché à cette division trois pièces de 8 et un obusier de 6 pouces, servis par l'artillerie légère, deux pièces de 12, quatre de 8 et deux obusiers, servis par l'artillerie à pied. Le général Chabran aura sous ses ordres deux généraux de brigade et un adjudant général. Son quartier général sera à Chalon-sur-Saône. Il ne recevra directement des ordres que du ministre de la guerre.
... Les bataillons de la 61e, de la 69e et de la 88e, seront commandés par un chef de brigade sortant d'un de ces corps" (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 4594; Correspondance générale, t.3, lettre 4983 ; De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 50).
L'historique régimentaire indique qu'à la même date, Bonaparte, devenu Premier Consul, donne l'ordre au Général Chabran de grouper ces Bataillons, trois par trois, en Demi-brigades provisoires d'Orient (la 2e formée des 61e, 69e, 88e).
Le 8 mars 1800 (17 ventôse an 8), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Moncey, Commandant de la 19e Division Militaire à Lyon : "Faites diriger sur-le-champ sur Chalon-sur-Saône tous les dépôs des demi-brigades ou corps qui font partie de l'armée d'Orient. On m'annonce, entre autres, que celle de la 69e se trouve dans la division que vous commandez" (Correspondance générale, t.3, lettre 5065).
Le Bataillon de la 69e, créé à Chambéry, auquel est incorporé le Bataillon auxiliaire du département de l'Hérault, est un des premiers à rejoindre et se trouve le 21 mars 1800 à Chalon-sur-Saône (51 Officiers, 528 soldats; avec les absents à cette date, 719 hommes).
ARMÉE DE RÉSERVE. – 1re Division. Tableau de la force et de l'emplacement de ladite Division
au 30 Ventôse an 8 de la République française une et indivisible.
Général commandant la Division : CHABRAN, Général divisionnaire.
Aides de camp : TESTE et BERGER, Chefs de Bataillon.
Quartier général :
Adjudant général, Chef de l'Etat-major provisoire : PRÉVOST, Général de Brigade.
Adjoints aux Adjudants généraux : QUESNEL et COLIN, Lieutenants.
DÉNOMINATION DES CORPS |
OFFICIERS | PRÉSENTS sous les armes: sous-officiers et soldats. | COMBATTANTS. | COMPRIS dans l’effectif. | TOTAL DE L’EFFECTIF, officiers compris. | CHEVAUX d’officiers. | EMPLACEMENT des corps. | |||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
présents. | absents. | aux hôpitaux. | en congé ou détachés. | |||||||
Bataillon complé- mentaire |
de la 9e de ligne | 38 | 4 | 466 | 436 | 25 | » | 533 | 9 | à Givry. |
de la 13e de ligne | 60 | 6 | 634 | 610 | 24 | 63 | 787 | 15 | à Mâcon. | |
de la 69e de ligne | 45 | 6 | 528 | 579 | 110 | 29 | 719 | 7 | à Chalon. | |
de la 75e de ligne. | 42 | 4 | 724 | 669 | 25 | 30 | 770 | » | à Sennecv. | |
de la 21e légère. | » | » | » | 600 (1) | » | » | » | » | à Cluny. | |
12e compagnie du 5e d'artillerie à pied | 2 | 2 | 41 | 40 | 9 | 21 | 85 | 4 | à Bourg-Neuf. | |
Détachement d'artillerie, Ecole de Grenoble | » | » | 16 | 16 | » | » | 16 | » | à Bourg-Neuf. | |
TOTAUX. | 187 | 22 | 2,409 | 2,950 | 193 | 143 | 2,910 | 35 | ||
(1) Malgré les demandes réitérées faites au commandant de la 21e légère, il n'a pas été possible d'obtenir la situation du corps qu'il commande. |
Les Généraux de Brigade, Adjudants généraux et Chefs de Brigade qui sont annoncés n'ont point encore paru. Les armes manquent, surtout depuis l'incorporation des Bataillons auxiliaires, qui n'en ont point reçu.
Dans cette même ville, Chabran installe son Quartier-général; sa Division prend le titre de 1re puis de 5e de l'armée de réserve.
Le "Tableau des progrès de l'organisation des dépôts d'infanterie de l'armée d'Orient en bataillons, conformément à l'arrêté des Consuls de la République du 28 frimaire an 8 (19 décembre 1799), depuis le 3 pluviôse (23 janvier 1800) jusqu'au 1er germinal suivant (22 mars 1800)" indique pour la 69e de Ligne : 747 hommes à l'effectif, dont 642 présents; 253 hommes manquent au complet ; "Réorganisé; on y a incorporé le 2e bataillon auxiliaire du département de l'Hérault; ce bataillon est à Châlon" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 602 - Note : Ce tableau a été envoyé au Ministre, de Mâcon, le 24 mars 1800, par l'Inspecteur aux Revues Gaultier).
La situation du 24 mars 1800 donne :
Armée de réserve.
BATAILLONS (bis) DE L'ARMÉE D'ORIENT EMBRIGADÉS.
Infanterie de bataille
61e, 69e et 88e, 2,268 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 612).
Une situation en date du 10 avril donne au Bataillon supplémentaire (de l'Armée d'Orient) de la 69e de Ligne un effectif de 668 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 615 - Note : Cette situation, existant seulement à l'état de minute, ne peut inspirer une confiance absolue).
Le 16 avril, le Bataillon compte 675 présents à l'effectif.
Le 23 Germinal an 8 (13 avril 1800), le Ministre de la Guerre écrit, depuis Paris, au Général Berthier, commandant en chef l'Armée de Réserve : "Suivant une dépêche que je reçois à l'instant, il parait que l'ennemi est parvenu à s'emparer du Mont-Cenis, et même qu'il est descendu en force à Lanslebourg et menace Chambéry. Au premier avis de cette incursion, le général commandant à Lyon a envoyé 400 hommes de troupes de renfort à celles qui s'étaient repliées sur Chambéry.
Le général Vignolle a, de son côté, dirigé sur-le-champ vers le même point la 6e demi-brigade légère, forte d'environ 2,000 hommes; elle arrivera à Chambéry le 1er floréal.
J'ai donné ordre au général Chabran de se tenir prêt à se porter de sa personne à Chambéry, par Genève, avec 1500 hommes, pris parmi les hommes disponibles de la demi-brigade composée des 61e, 69e et 88e; et si cela ne suffit pas pour compléter ce nombre, je l'ai autorisé à prendre un des bataillons d'infanterie légère faisant également partie de sa division.
Je l'ai chargé, en outre, de former un détachement de 100 hommes de cavalerie, pris parmi les escadrons de l'armée d'Orient, et, dans le cas où il ne serait pas possible d'extraire ce nombre d'hommes complètement armés et équipés, il doit prendre ce détachement dans le 7e régiment de chasseurs, qui est à Bourg.
Cependant, je lui ai recommandé de ne se mettre en mouvement que dans le cas où ce nouveau renfort deviendrait indispensable, et de se concerter à cet égard avec le général Turreau, commandant l'aile gauche de l'armée d'Italie.
L'intention du Premier Consul est que vous dirigiez les opérations dans la partie des Alpes qui avoisine le département du Mont-Blanc.
Je préviens en même temps le général Masséna de ces dispositions.
Salut et fraternité.
CARNOT" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 138).
Le 14 avril 1800, le Ministre donne l'ordre au Général Chabran de se "mettre en marche au reçu de la présente, avec le détachement de 1500 hommes d'infanterie et 100 hommes de troupes à cheval ... pour vous diriger avec rapidité sur Genève et, de là, sur les différents points du département du Mont-Blanc où votre présence sera nécessaire ..." (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 138).
Situation des Corps de l'Armée de réserve arrivés dans leurs cantonnements le 26 germinal (16 avril).
Bataillons d'Infanterie de ligne provenant des Dépôs de l'Armée d'Orient.
A Châlons, 69e, 586 présents; 675 effectif.
Signé : VIGNOLLE ("Extraits des mémoires inédits de Victor").
Pour atteindre l'effectif de 1500 hommes, Chabran doit prendre 4 Bataillons, ceux des 9e, 69e, 75e et 88e, et "vu la mauvaise organisation du service des étapes", il est "obligé de faire filer successivement les bataillons" (Chabran au Ministre, 17 avril - De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 138).
- Marche sur Genève
Le 17 avril donc, Chabran, sur l'ordre du Ministre Carnot, met en marche sur Genève, en vue de couvrir au plus tôt le département du Mont-Blanc, les quatre Bataillons des 9e, 69e, 75e et 88e, par Romenay, Bourg, Nantua, Châtillon-de-Michaille, Colonge.
Selon la "Force des corps de l'armée de réserve d'après la situation établie à Paris; le 1er floréal an 8 (21 avril 1800)", la 69e de Ligne a un effectif de 586 hommes présents sous les armes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 621 - Archives nationales AF. IV; reg. 1132).
La tête de colonne de Chabran arrive le 22 avril.
"Je suis on ne peut plus content, écrit-il le lendemain, de la marche de la colonne et de la conduite des troupes".
La situation de l'Armée de Réserve (1ère partie) datée du 5 Floréal an 8 (25 avril 1800) indique :
Armée de Réserve : Berthier, Général en chef.
Bataillons formés des Dépôts d'infanterie de l'Armée d'Orient.
69e de Bataille, à Chalon, 84 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 622 - Note : Une autre situation a été établie la veille, 24 avril, sous une autre forme présentant les effectifs par armes et subdivisions d'armes au lieu de les donner par division. – Elle ne diffère de celle-ci que par quelques détails (Archives nationales AF. IV, registre, 1159.)). A noter qu'une situation établie le même jour à Paris, donc un peu moins fiable, donne la 69e avec un effectif de 586 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 627)
Le 8 Floréal an 8 (28 avril 1800), le Général de Division Chabran écrit, depuis Genève, au Ministre de la Guerre : "Citoyen Ministre,
Mon premier soin ayant été de vous instruire de mon arrivée ici et de la tranquillité qui régnait dans le département du Mont-Blanc, je m'attends à recevoir des ordres qui donnent à ma division et à moi une destination définitive. Je n'ai cessé, d'après vos instructions, de correspondre avec le général en chef de l'armée de réserve, quoique l'ordre du jour du 30 germinal sur la formation de cette armée ne fasse mention, ni des corps qui sont sous mes ordres, ni du commandement que le Premier Consul m'avait conféré.
Malgré toutes les précautions que j'ai pu prendre, malgré le zèle infatigable des officiers, la désertion en route s'est portée à environ 300 hommes Elle peut être, en partie, attribuée au défaut absolu de solde et de souliers. Par toutes mes lettres, j'ai exposé la pénurie de la division sur ces deux objets. Je vous la rappellerai, citoyen Ministre, jusqu'à ce qu'on y aura porté remède ..." (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 140).
Le Bataillon de la 69e est dirigé sur Annecy (29 avril).
- Traversée du Petit Saint-Bernard
Bonaparte ordonne, le 1er mai, à Berthier de pousser Chabran sur le Petit Saint-Bernard, afin d'attirer l'attention de l'ennemi de ce côé. Il accoure se placer à la tête du gros de l'armée pour franchir les Alpes au Grand Saint-Bernard.
Le Chef de brigade Miquel, de la 88e, met en mouvement, le 5 mai, les quatre Bataillons précités, par Faverges, Conflans, Moûtiers, Saint-Maurice et le col, qu'il atteint le 9, dans un état de dénuement pénible. Il a parcouru en montagne
110 kilomètres en cinq jours.
La Division Chabran, parvenue à Aoste le 17, y reste immobile, pendant que l'armée se concentre à Ivrée et assiège le fort de Bard.
- Blocus du fort de Bard
Selon un état de la "Force de l'Armée de réserve en Italie au 1er prairial an 8 (21 mai 1800", le Bataillon complémentaire (de l'Armée d'Orient) de la 69e de Ligne compte 400 hommes pour un effectif total de 500 (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 679).
Le 24, la Division passe par Châtillon, est elle est envoyée, le 25 mai, relever la Division Loison au blocus de cet ouvrage, tandis que Bonaparte marche sur Milan.
Le Bataillon de la 69e (35 Officiers, 339 hommes) passé à la 3e Demi-brigade provisoire, est le 30 à Saint-Martin et le lendemain à Ivrée en liaison avec l'armée. Les Compagnies d'élite sont restées devant la place.
Le 11 Prairial an 8 (31 mai 1800), le Général de Division Chabran écrit, depuis Verrès, au Premier Consul de la République française : "L'attaque du fort de Bard, retardée par le défaut de munitions et le départ des canonniers nécessaires pour servir les différentes pièces, est fixée à demain, d'après l'arrivée d'un caisson de 12 qui vient fort à propos. Tout est ordonné. Je joins ici les diverses instructions que j'ai cru devoir donner. Je compte sur l'intelligence et le zèle de ceux que j'ai chargé de diriger les différentes attaques que je surveillerai de très près. Je compte aussi sur la bravoure des troupes. Tous les efforts seront réunis pour la réussite.
Je vous rendrai, sur-le-champ, compte du résultat.
Je crois devoir, citoyen Consul, vous mettre sous les yeux l'état de situation et de l'emplacement des corps qui composent la division que je commande et je réclame votre attention.
Le général Carra-Saint-Cyr me demande une demi-brigade forte de 1500 hommes. Je me trouve dans l'impossibilité de pouvoir la lui envoyer.
Salut et respect.
CHABRAN
Je suis sûr d'avance, citoyen Consul, que si vous jetez un coup d'oeil sur le triste état ci-joint, vous serez peiné d'y voir 3,000 conscrits pour 4 officiers généraux.
Armée de réserve. – Division du général Chabran.
DENOMINATION des CORPS | OFFICIERS | SOUS-OFFICIERS, SOLDATS présents sous les armes. | EMPLACEMENTS | |||||
présents | absents | Infanterie | Cavalerie | Artillerie. | ||||
3e demi-brigade provisoire | Bataillon complémentaire | de la 88e de ligne | 34 | 375 | à Donnas, en avant de Bard. | |||
de la 75e de ligne | 29 | 283 | Sur les hauteurs de gauche de Bard, batterie d'Albard. | |||||
de la 69e de ligne | 35 | 329 | A Ivrée. |
Certifié très véritable.
Le général CHABRAN" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 533).
Le même 11 Prairial an 8 (31 mai 1800), le Général Chabran expédie, depuis Verrès, ses instructions pour l'attaque du fort de Bard (12 Prairial) : "… AU GÉNÉRAL BRENNIER.
Je vous charge, citoyen Général, de commander l'attaque que j'ai résolu de faire sur le fort de Bard, du côté de Donnas. Le commandant du génie se rendra près de vous pour la diriger; vous aurez sous vos ordres le bataillon de la 88e et les grenadiers de la 69e.
L'attaque se fera sur deux colonnes, l'une de 150 hommes et l'autre de 50
La première tournera la montagne par la gauche, de manière à être rassemblée à 8 h. 1/2 du soir dans la gorge où descend l'escalier qui conduit du fort à la rivière et, à 9 heures, elle gravira le rocher par tous les endroits accessibles, observant toujours le plus grand silence jusqu'à ce qu'elle soit découverte. Il paraîtrait convenable de la séparer en deux corps. L'un de 80 hommes, qui se porterait droit au premier retranchement au-dessous du château, où ils trouveront 30 hommes et un capitaine, qu'il faut prendre ou suivre l'épée dans les reins. Le deuxième corps, de 70 hommes, prendra un peu à gauche pour monter au château et gagner une petite porte qui est tournée du côté de Hone pour tenter de l'enfoncer ou de pénétrer par d'autres voies.
La seconde colonne de Donnas s'avancera par la route pour seconder les autres attaques en s'introduisant soit par la ville, soit par les rochers qui bordent la route, dans les retranchements ennemis. Il faudra aussi une réserve pour les cas imprévus.
Si l'on se loge dans quelques ouvrages, il faudra y tenir ferme. Il ne faudra pas tirer un seul coup de fusil pendant l'attaque: la baïonnette seule doit agir.
L'attaque devant se faire la nuit, le plus grand ordre et le plus grand silence sont indispensables dans tous les mouvements. Vous donnerez vos ordres pour qu'à 6 heures du soir, il ne se tire plus un coup de fusil.
Pour que toutes les attaques aient lieu en même temps, j'ai arrêté que l'artillerie commencerait son feu à 8 heures, le 12 au matin; qu'elle ne cesserait que pour l'envoi d'un parlementaire, à 6 heures du soir; que ce feu recommencerait ensuite par les ordres du général Seriziat (établi dans la ville), vers les 8 heures; qu'il serait de nouveau interrompu pendant dix minutes, et qu'il ne recommencerait que pour tirer à poudre 5 coups, pendant lesquels les troupes de toutes les attaques doivent marcher à l'assaut. Il sera environ 9 heures à ce moment.
Vos tirailleurs feront, pendant la journée du 12, un feu bien soutenu, et vous leur ordonnerez de se régler sur l'artillerie pour cet objet, de manière qu'ils tirent et cessent avec elle. Vous aurez soin de faire prendre de l'eau-de-vie et des cartouches.
J'ai pourvu à l'ambulance; vous retirerez de Saint-Martin les officiers de santé qui vous seront nécessaires ..." (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 534).
La Division attaque le fort dans la nuit du 31 mai au 1er juin. Les Grenadiers de la 69e et le Bataillon de la 88e montent à l'assaut du côté de Dornas, sous le commandement du Général Breunier.
Le fort, qui a rendu si difficile le passage de toute l'armée et que l'on a jugé un moment imprenable, est réduit à capituler à 9 heures du soir.
Le 13 Prairial an 8 (2 juin 1800), le Général Carra-Saint-Cyr écrit, depuis Ivrée, au Général Bonaparte, Premier Consul de la République : "Je crois devoir vous rendre un compte exact de ce qui s'est passé ici, depuis votre départ :
Le 10, l'ennemi ne fit aucun mouvement.
Le 11, un corps assez considérable de cavalerie se porta sur la route de Chivasso à Ivrée et poussa des patrouilles jusqu'à deux lieues et demie de la ville, au delà du pont de Romano.
Le 12, il poussa ces patrouilles de cavalerie encore sur le pont de Romano et d'autres par le pont des Prêtres, sur les villages de Parella et de Samone, aussi à une lieue et demie de distance environ d'Ivrée. Je fus instruit qu'il faisait partir ses reconnaissances de Rivarolo, Saint-Georges, Aglié et environs, où il réunissait un corps de deux à trois mille hommes d'infanterie, quelques troupes de cavalerie et quatre pièces de canon. Les différents rapports, qui me parvinrent, tendant à me prouver que leur intention était de chercher à débloquer le fort de Bard, je redoublai d'activité, je renforçai mes postes et je poussai en personne, hier à midi, une forte reconnaissance au delà du pont des Prêtres, à une demi-lieue de leur avant-poste, mais ils ne se montrèrent point.
Aujourd'hui, ils sont revenus par la même route et ont forcé deux faibles détachements de chasseurs à cheval à se replier sur les avant-postes de mon infanterie.
Si j'en croyais encore les rapports de mes espions, leur projet serait de tenter un coup de main sur Ivrée, mais j'ai peine à me le persuader. Ce qui est beaucoup plus certain, c'est qu'ils emploient tous les moyens pour soulever et armer les habitants des campagnes contre les Français. Déjà plusieurs soldats marchant isolément ont été par eux désarmés, déshabillés et plusieurs {p.92} assassinés. J'ai pensé qu'il fallait couper le mal dans sa racine; la terreur était telle à Ivrée que la plupart des officiers municipaux avaient disparu; plus j'étais faible (alors je n'avais pas encore reçu le second bataillon que m'a envoyé depuis le général Chabran) et plus je crus devoir déployer de vigueur. Je donnai deux heures à tous les habitants de la ville pour déposer toutes espèces d'armes qu'ils pouvaient avoir à leur disposition, à la maison commune; je menaçai les contrevenants à ces ordres des punitions les plus graves, et de prendre, parmi les officiers municipaux, douze otages pour m'assurer de son exécution; le désarmement s'est fait avec célérité et dans le plus grand calme, et cela a produit le meilleur effet. J'ai employé les fusils de munitions et les sabres de guerre à armer mes volontaires qui n'en avaient pas. La nuit dernière j'ai fait désarmer aussi le village de Paôu à trois quarts de lieue d'ici. Je me propose de continuer cette mesure pour différents villages reconnus pour être entièrement dévoués à l'ennemi mais toujours avec prudence et circonspection.
200 et quelques malades ont été évacués aujourd'hui sur Novare; 230 autres sont établis au fort où l'approvisionnement en subsistance est à peu près terminé. Parmi les troupes que j'ai sous mon commandement, je ne puis guère compter que sur 400 hommes de la 12e de ligne, 300 hommes à choisir dans les 69e et 85e, car tout le reste sont des conscrits, et 80 hommes du 7e de chasseurs à cheval. Je ne peux donc pas me dissimuler, citoyen Consul, que le poste qui m'a été confié par le général en chef, ne soit très délicat et peut-être au-dessus de mes forces, mais puisse-t-il au moins me donner l'occasion de vous convaincre de mon sincère et entier dévouement" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 91).
Le 15 Prairial an 8 (4 juin 1800), le Général de Division Chabran écrit, depuis Bard, au Général de Division Dupont, Chef de l'Etat-major général de l'armée : "… En partant pour l'armée, je laisserai dans la citadelle d'Ivrée le bataillon de la 69e, fort d'environ 300 hommes; dans celui de Bard, celui de la 75e, fort de 300 environ, avec un détachement de celui de la 88e; le restant de ce dernier sera employé à la garde des magasins et parcs d'artillerie établis dans la vallée; le tout commandé par le chef de brigade Miquel. J'ai cru devoir prendre ces mesures; je désire que vous et le général en chef les approuviez …" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 542).
Le 9 juin, l'effectif du Bataillon est de 350 hommes. Beaucoup manquant de souliers, sont restés en route; 75 hommes sont, au 9 juin, au Dépôt de Chambéry.
Autre Situation de la Première ligne de l'armée de réserve au 20 prairial an 8 (9 juin 1800).
Force de l'infanterie de la première ligne de l'armée de réserve
Bataillon complémentaire de l'Armée d'Orient, 69e de Ligne, 400 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 539 - Archives nationales, A. F. IV, registre, 1159).
La Division se hâte vers Milan, pour rejoindre Bonaparte qui y entre le même jour, en laissant le Bataillon de la 69e, fort d'environ 300 hommes, dans la citadelle d'Ivrée.
Les communications de l'armée sont assurées et le Premier Consul va achever la campagne par la victoire de Marengo.
Le 2 août, les Bataillons supplémentaires de l'armée d'Orient sont réduits à neuf Compagnies.
Le 11 novembre, les canonniers de la 69e, au nombre de 28, sont incorporés dans la Division du Piémont, commandée par le Général Soult. Quarante-trois hommes venant d'Annecy rejoignent le Corps.
Le 1er janvier 1801, le Bataillon fait partie du Corps d'observation d'Italie et est chargé de la garde des côes en raison du blocus continental.
Par ordre du Ministre du 22 nivôse an IX (12 janvier 1801) est accordée une arme d'Honneur militaire suivant :
Sabatier (Jean-François), Sergent-major au Bataillon complémentaire: — En récompense des services rendus à la République, par ce Sous-officier aux affaires qui ont eu lieu à Saint-Georges, près Mantoue, les 26 et 27 nivôse an V — un fusil d'honneur.
D'après les Etats militaires de l'an X (1801-1802), la 69e Demi-brigade était à l'Armée d'Orient. Les cadres de son Bataillon complémentaire sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Chef de Bataillon Gazagnaire; Quartier maître Martin; Adjudant major Tardieu; Officier de santé N.
- Capitaines : Genevay, Pascal, Dhur, Lanoeuf, Reynaud, Vatry, Giraud, Leroy, Argence.
- Lieutenants : Seguin, Cameilliez, Cazan, Clément, Pélicot, Reybaud, Michel, Truchot, Dartigue.
- Sous lieutenants : Fauvertaix, Artus, Bouley, Gillet, Reboul, Juglard, Demeuge, Devoisin, Maillot.
Le reste est composé des éléments suivants :
- Etat major : Chefs de Brigade Dupas et Brun; Chefs de Bataillon Magne, Poli, Baille; Quartier maître trésorier Capitaine Bertrand; Quartier maître Lieutenant Thibault; Adjudants major Tournus, Faivre, Dupont; Officiers de santé Ravanat, Dutrey, Godelier.
- Capitaines : Toulouze, Aiguier, Lepolard, Trapier, Robert, Pitaud, Meignant, Albert, Fournier, Agnely, Constant, Grosset, Lemoine, Jeannin, Audibert, Pascal, Castillon, Aubry, Collet.
- Lieutenants : Béchan, Dupuy, Lienard, Delpech, Paris, Lion, Genoux, Parent, Gaudouin, Lapalisse, Monnoyer, Bianchon, Marton, Ray, Doychaux, Rousset, Brulfer, Nicolas.
- Sous lieutenants : Morin, Armand, Bahour, Fabre, Gallet, Poupon, Galliard, Blanc, Paris, Naus, Baudouin, Berret, Sery, Theris, Lécureux.
Les Demi-brigades provisoires sont dissoutes le 15 mai 1802 et les éléments dirigés de Tarente sur les garnisons de leurs portions principales pour y être fondus.
III/ Aperçu des campagnes auxquelles prit part le 69e Régiment d'Infanterie (1803-1815)
A/ Le Camp de Boulogne
En Italie, en Egypte, où le Général a emmené 3 Demi-brigades légères et 10 de ligne, la 69e a puissamment contribué à la gloire de ses armes. Elle devait encore faire partie de cette cohorte glorieuse : la Grande Armée.
Le Dépôt de la 69e Demi-brigade tient garnison à Besançon (caserne Saint-Pierre), depuis le commencement de l'année 1802. Le Capitaine Giraud y est retenu par des affaires de famille qui exigent impérieusement sa présence.
Sur proposition du Ministre, en date du 3 floréal an XI (23 avril 1803), est accordée une arme d'Honneur au militaire suivant :
Nollot (Jacques-Joseph), Sergent à la 3e Compagnie des Grenadiers: — En récompense de la bravoure dont il a fait preuve au siège de Jaffa en arrachant les drapeaux qui étaient sur les remparts — un fusil d'honneur. (Retraité comme Sous-lieutenant de Grenadiers à pied de la Garde).
En juillet 1803, la 69e est à Besançon. C'est là qu'un jeune garçon d'origine genevoise, en rupture familiale, décide de s'enrôler dans le Régiment; il s'agit de Louis Sablon, né en 1791, qui nous a laissé des Mémoires sur ses années de service. Voici ce qu'il écrit sur son engagement :
" ... dans ce moment je vais m'engager, vous ne me reverrez plus.
Je sors aussitôt ; ma soeur me rappelle :
- Louis, maman veut ...
Je n'entends pas le reste, je descends rapidement, et me voilà courant de la rue de la Préfecture à la place Saint-Paul, où j'avais vu un régiment faire l'exercice en détail ; là, j'accoste un vieux militaire, qui se trouve être justement le chef de musique du 69e régiment.
- Monsieur, voulez-vous m'engager lui dis-je.
- Toi ?
- Oui, moi, monsieur, je joue la petite flûte.
- Tu es trop petit, nous en avons déjà trois comme toi, me répond-il.
Là-dessus il me quitte, quand j'entend un officier qui portait des épaulettes à graines d'épinards, qui l'appelle :
- François, (c'était le nom du chef de musique), cherchez-moi ce petit garçon.
Effectivement, il me retrouve, me conduit vers ce commandant de bataillon, lequel me toise, me retourne dans tous les sens, et dit à François :
- Emmenez-le chez le capitaine d'habillement, et qu'il soit habillé et équipé avec un triangle, pour qu'il puisse venir à Chamar à la grande parade dimanche.
Oh jamais je n'avais été si heureux. Le dimanche je passai avec plumet, épée au côé, et triangle en mains, rue de la Préfecture ; j'entendis alors ma soeur Jenny qui s'écriait :
- Voilà Louis, voilà Louis, et qui me désignait du doigt à ma mère.
Au nombre de ses élèves, ma mère avait la fille du général d'Oraison, commandant de place : lui ayant dépeint mon caractère, cette demoiselle le dépeignit à son père, qui donna à ma mère de bonnes consolations, lui conseillant de me laisser manger de la vache enragée pendant quelque temps, alors, ajouta-t-il, je le tirerai de là quand vous voudrez, madame. Peut-être l'aurait-il fait, mais il mourut peu après ; de là vient que j'en ai tant mangé de ce quadrupède enragé ; ce coup de tête m'a mené loin, et je reconnais que ce fut une grande faute que je fis là. Ma jeunesse, j'espère, appellera sur moi l'indulgence de ceux qui me condamneraient sans appel ; j'ai payé cher, du reste, ma désobéissance envers mes parents, et si je n'ai pas été très malheureux, j'en suis redevable à une bonne santé, et surtout à l'intervention de la Providence qui m'a aidé considérablement. Je remercie ici tous ceux qui, dans les pays conquis où j'ai passé et chez qui j'ai séjourné, m'ont traité comme leur enfant ; j'en ai rencontré beaucoup de ces gens-là, en Allemagne surtout, où la population est si humaine, si secourable. On est vraiment étonné, lorsqu'on y réfléchit de sang-froid, de penser avec quel coeur, quel empressement, on était accueilli par les Allemands, et combien on était bien traité par eux, comme des parents" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
En juillet 1803 toujours, la 69e Demi-brigade est dirigée sur le camp de Montreuil. Elle part rejoindre les 6e et 25e Légères, aux baraquements d'Etaples sur la Canche, à quelques kilomètres du camp de Montreuil.
Le camp de Montreuil est placé sous le commandement du Général Ney ; s'y trouvent son Quartier général et une partie de sa cavalerie.
Par l'Arrêté du Premier Consul daté du 12 fructidor an XI (30 août 1803), est accordé une arme d'Honneurs aux militaires suivants :
Burty (Joseph), Sergent-major : — Pour s'être distingué aux affaires qui ont eu lieu à Mondovi, où il se précipita un des premiers sur la redoute du Briquet; à Aboukir, 12 Turcs furent tués par lui seul — un sabre d'honneur.
Lombard (Honoré), Sergent : — Pour s'être distingué aux affaires qui ont eu lieu à Castiglione où il fit prisonnier un capitaine autrichien (16 thermidor an IV). Ce Sous-officier contribua particulièrement aussi à la prise d'un vaisseau turc échoué sur les parages d'Aboukir (an VIII) — un sabre d'honneur. (Tué comme Sergent-major à Elchingen).
Chevery (Charles), Sergent : — Qui parvint, le 7 brumaire an V, à la tête de quatre hommes de son escouade, à délivrer sept hommes de la Demi-brigade surpris par un détachement de dix Autrichiens et emmenés prisonniers. Il se précipita sur le détachement avec tant de bravoure qu'il parvint à lui faire mettre bas les armes et à délivrer ses camarades— un sabre d'honneur (accordé du 28 fructidor an X).
Audibert (Jean-Baptiste), Caporal : — Est entré le premier à Saint-Jean d'Acre, battant la charge d'une main et sabrant de l'autre,-dans le boyau de la mine occupée par les ennemis, dont il tua un nombre considérable. A Alexandrie, il fut le premier à escalader les murs lors de la prise de cette ville — un sabre d'honneur (accordé du 28 fructidor an X).
Chaumette (Jean), Sergent : — Le jour de la bataille d'Aboukir, la Demi-brigade ayant reçu l'ordre d'aller attaquer la redoute qu'occupait l'ennemi, quelques Turcs enfermés dans une maison crénelée incommodaient fortement la colonne. Le Général Robin, ayant demandé des hommes de bonne volonté pour aller chasser l'ennemi de ce poste, Chaumette se mit spontanément à la tête de douze Grenadiers; il se munit de la hache d'un Sapeur, qui venait d'être tué, et, malgré que quatre de ses hommes furent tués et huit blessés, il vint à bout d'enfoncer la porte. Soutenu par un renfort de quelques Grenadiers qu'on lui envoya, il parvint à détruire complètement l'ennemi; sauva le Lieutenant Rocle entouré d'ennemis à Lientz — un sabre d'honneur.
Chaillard (Benoît-Quentin), Sergent : — Pour s'être signalé à l'armée d'Orient, particulièrement à Jaffa et à Saint-Jean-d'Acre — un sabre d'honneur.
Serre, Grenadier : — Pour sa bravoure au siège de Jaffa — un sabre d'honneur.
Pichon, Sergent : — Pour ses faits d'armes à la Giando, alors qu'il était à la 166e Demi-brigade — un sabre d'honneur.
Le 24 septembre 1803 (1er vendémiaire an XII), la Demi-brigade devient 69e Régiment d'infanterie. Cet Arrêté des Consuls du 24 septembre 1803 supprime la dénomination de Demi-brigade, pour lui substituer celle du Régiment; il organise les Régiments à trois Bataillons, à huit Compagnies dont un de Dépô; il rétablit la charge de Colonel, et crée un emploi de Major pour commander le Dépô.
A cette date, le 69e est placé dans le Corps de gauche commandé par Ney.
D'après les Etats militaires de l'an XII (1803-1804), le 1er et le 2e Bataillon du 69e Régiment d'Infanterie de ligne est à Montreuil et fait partie de la 16e Division militaire. Le 3e est à Luxembourg et fait partie de la 3e Division militaire. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Colonel Brun; Major N.; Chefs de Bataillon Poly, Baille, Magne; Quartier maître trésorier Capitaine Bertrand; Adjudants major Thirion, Dupont , Faivre; Chirurgiens major Godelier, Rouquier.
- Capitaines : Genevay, Aiguier, Gerard, Fournier, Collet, Roux, Thoulouze, Dhur, Aubry, Albert, Tardieu, Tournus, Castillon, Agnely, Pitaud, Audibert, Giraud, Robert, Delabit, Grosset, Argence, Ledonné, Sainson, Rolland, Lemoine, Trapier, Meignan.
- Lieutenants : Camelier, Blanchon, Monoyer, Parent, Teissier, Paris, Lautier, Cazan, Seguin, Raibaud, Michel, Pelicot, Foussenq, Dartigues, Delpech, Nicolas, Liénard, Gondouin, Daphaud, Ginoux, Bréchan, Jurquet, N., N., N., N., N.
- Sous lieutenants : Poupon, Blanc, Théris, Paris, Devoisin, Fauvertey, Bouley, Réboul, Demange, Quesnel, Gaillard, Armand, Lecureux, Berret, Heuzard, Manem, Guyon, Aiguier, Burty, Renaud, Gaffé, Despaisse, Hauck, N, N, N, N.
Le 4 octobre 1803 (11 vendémiaire an 12), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie,Citoyen Ministre, de donner ordre à deux bataillons de la 6e demi-brigade d'infanterie légère, complétés à 750 hommes, officiers non compris, de se rendre à Montreuil-sur-Mer (département du Pas-de-Calais); le 3e bataillon et le dépô continueront à rester à Givet;
A la 69e demi-brigade, de compléter ses deux premiers bataillons à 650 hommes chacun, officiers non compris, pour se rendre à Montreuil (département du Pas-de-Calais).
Donnez ordre au général Partouneaux de porter son quartier général à Etaples, et de reconnaître le campement qu'il doit faire occuper à ces deux demi-brigades, du moment qu'elles arriveront. Il restera provisoirement sous les ordres du général Soult. Vous donnerez ordre que ces deux demi-brigades partent avec leurs capotes.
Donnez ordre au chef d'état-major du général Ney de se rendre à Montreuil avec le commissaire ordonnateur et les généraux commandant l'artillerie et le génie ..." (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7158; Correspondance générale, t.4, lettre 8106).
"La question d'un grand rassemblement de troupes à portée des côtes de la Manche avait été mise à l'étude dès 1803. Le général Ney fut nommé commandant en chef du camp de Compiègne, puis du camp de Montreuil, lequel formait 3 divisions. La 3e division, sous les ordres du général Patourneaux, comprenait les 25e légère, 27e, 59e et 69e de ligne; ces deux derniers régiments, sous les ordres du général Marcognet, l'artillerie de la division se trouvait à La Fère. On travailla activement aux travaux de défense des ports et, dès décembre 1804, de nombreux ouvrages couvraient Etaples, Wimereux et Ambleteuse" ("Projets et tentatives de débarquement aux Iles Britanniques", par le Capitaine Desbrières).
Cent cinquante mille hommes sont ainsi réunis sous le nom d'"Armée des Côtes" et destinés à envahir l'Angleterre.
Le 21 octobre 1803 (28 vendémiaire an 12), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Le dépôt et le 3e bataillon de la 69e se rendront à Luxembourg ..." (Correspondance générale, t.4, lettre 8170).
Le Commandant Giraud écrit :
"Reims, le 2 brumaire an 12
(25 octobre 1803).
Un commerçant de mes amis qui vient de Boulogne, m'assure que sur les côes de l'océan, il y a bien un rassemblement de cent mille hommes. Je sais d'ailleurs d'une façon positive que vingt-deux régiments sont passés par Reims" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Giraud arrive au camp d'Etaples dans les premiers jours du mois de novembre 1803; il y trouve, nous dit son Carnet de Campagne, le 69e en pleine organisation.
"Au moment où je m'engageai, la guerre était imminente ; l'ordre arriva de partir pour le camp de Boulogne. Le 6e corps, maréchal Ney, fut dirigé sur Etaples, petit bourg à trois lieues de Montreuil sur mer; nous quittâmes Besançon au commencement de novembre 1803, par un temps affreux, la pluie continue pendant les vingt-cinq jours de route. Avant le départ, ma mère vint avec ma soeur me faire ses adieux. Pauvre mère, je ne l'ai jamais revue, jamais.
L'emplacement occupé par notre corps s'étendait sur un grand espace de terrain fraîchement sillonné par la charrue, situé à un quart de lieue du bourg d'Etaples. De cet emplacement assez élevé, on voyait la mer et ses côtes sablonneuses, entourées des dunes stériles de la Picardie. Nous passâmes la première nuit à la belle étoile, (quand il ne pleut pas), sans paille, ni couverture, ni feu ; le lendemain, cinquante hommes par compagnie allèrent à la distribution des vivres des campagne, paille et couvertures comprises ..." ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le Commandant Giraud écrit :
"Du camp d'Etaples, le 22 brumaire an 12
(14 novembre 1803).
Le 69e fait partie de la brigade Roguet avec le 76e de ligne (division Loyson du 6e corps). Beaucoup de troupes sont arrivées ici, depuis que nous y sommes. Elles sont obligées de bivouaquer et de rester à l'injure du temps, faute de baraques pour les recevoir. Notre régiment aurait été dans le même cas, si le 6e bataillon de chasseurs à pied (ex-chasseur des Alpes, ayant constitué en 1795 le noyau de la 6e demi-brigade légère devenue le 6e léger) ne nous eût pas donné l'hospitalité.
Depuis douze jours nous construisons nos baraques et nous n'avons pas encore pu en couvrir une seule. Les matériaux manquent absolument.
Les bateaux plats sont en très petit nombre; il n'y en a guère que quatre dans la baie d'Etaples. Nous nous en servons pour apprendre le maniement de la rame à nos soldats.
Néanmoins les Anglais ne paraissent pas être tranquilles ; nos préparatifs les inquiètent. On assure qu'ils ont envoyé un ambassadeur à Calais, pour faire des propositions, à notre ministre des relations extérieures, M. Talleyrand qui vient d'y arriver. Voici quelles seraient les conditions d'un arrangement, s'il se faisait :
Evacuation par les Anglais de l'île de Malte;
Reddition de Gibraltar aux Espagnols;
Indemnité de quatre cents millions payée à la France.
Le premier consul est à Boulogne; on l'attend incessamment à Etaples pour y passer la revue des troupes" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Les 1er et 2e Bataillons (1177 hommes), commandés par le Colonel Brun, arrivés à Etaples commencent à s'installeurs dans leurs baraquements le 19 novembre (27 brumaire); ces derniers sont au nombre de 4 par Compagnie. Le 3e Bataillon est à Luxembourg, sous le contrôle du Major nouvellement promu.
Le Commandant Giraud écrit :
"27 brumaire an 12 (19 novembre 1803).
Nos baraques sont à peu près construites; elles sont au nombre de quatre par compagnie, sur deux rangs et peuvent contenir seize hommes chacune.
Notre camp qui, à notre arrivée n'était qu'une plage stérile, présente maintenant l'aspect d'une petite ville.
Depuis quelques jours, on ne voit arriver dans la baie que des bâtiments de toutes les grandeurs. Dans le port d'Etaples, on en porte le nombre à trois cents et l'on en attend encore le même nombre" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
"... on fit ensuite des baraques contenant chacune de douze à seize hommes; les musiciens avaient pour eux trois baraques ; dans la première était l'état-major, composé de huit hommes ; chacune des deux autres contenait dix musiciens ; je fus de l'une de celles-ci, mais comme je n'étais pas très propre, vu mon âge, on me fit coucher par terre entre deux nègres, Aly et Mahomet, l'un caisse roulante, l'autre cymbalier ; j'étais bien malheureux entre ces deux hommes de couleur, qui sentaient horriblement mauvais, plus que je ne saurais dire ; enfin, l'on prit pitié de moi, on me classa dans une des escouades de ma compagnie, 5e du 2e bataillon, recommandé à un vieux caporal, nommé Cecoeur. Ce dernier avait fait la campagne d'Egypte avec le Premier Consul; il avait soin de me surveiller pour les soins de la propreté, et j'avais là l'avantage d'être moins souvent vexé que pendant le temps que je passai chez les musiciens ; ce n'était pas non plus tout rose, quoique je fusse mieux.
L'escouade dont je faisais partie était composée de vieux troupiers et de conscrits. L'un de ceux-là, nommé Rousset, appointé, avait été à la prise de Saint-Jean d'Acre ; il ne savait ni lire ni écrire ; il était entré dans un harem et avait pris plusieurs bijoux à une femme turque, entre autres un diamant d'une valeur de 80.000 fr. ; ce joyau était si beau, qu'un soir qu'il le perdit en se déshabillant, il ne le retrouva qu'à la faveur des feux qu'il projettait ; dans les combats ou dans les batailles, ses camarades ne le perdaient jamais de vue, mais aucun d'eux ne savait de bonne amitié où il plaçait son diamant ; sa politique à cet égard, était des plus tortueuses ; on supposait qu'il le cachait entre cuir et chair. C'était un bon soldat ; il a eu sa retraite après Tilsit. Dans son pays, à Pézanace, il vendit son diamant à un colonel, pour la somme de 100.000 francs.
Quant aux conscrits, ils étaient Champenois, Bretons, Alsaciens et pour le plus grand nombre Bizontins; tous ces soldats m'aimaient assez, mais chaque fois que j'allais à la répétition avec les musiciens de l'état-major, ceux qui avaient voyagé ou qui avaient été en garnison à Genève, dans le 17e léger ou le 45e, ceux-là me lançaient des lazzis sur les Genevois à n'en plus finir, cela m'agaçait au dernier point ; il y avait surtout un nommé Stéphens, 1er basson solo, qui m'avait pris en grippe parce que je n'avais pas assez vite consenti à décrotter et cirer ses bottes, et qui, pour cette raison, m'appelait toujours crapaud, mousse ; ce dernier mot me froissait davantage que tout autre, un grand chagrin, par la raison que c'est un terme de mépris dans les flottes.
Ces vexations continuelles me firent prendre la résolution de connaître l'escrime ; je fréquentai en conséquence la salle d'armes, et je me promis de provoquer en duel le premier individu qui m'insulterait de la sorte ; moyennant un sol par jour, je pouvais prendre vingt leçons par mois ; au bout de trois mois je réussissais déjà passablement, et je tenais déjà tête à maint prévô d'armes. Cet exercice me plaisait beaucoup, il contribuait à mon développement physique et je me tenais mieux ; dès lors, aussi, je fus moins exposé à être ennuyé, car ce que je connaissais d'escrime en imposait à certains blagueurs et autres vantards militaires. Toujours j'ai porté haut le nom Genevois, aucun danger ne m'aurait arrêté pour laver une insulte faite à ce nom, surtout lorsque j'étais moins âgé.
Jamais de ma vie je n'ai eu peur ; j'ai eu cinq duels et j'en aurais probablement eu d'autres depuis Iors, si ceux de mes compatriotes qui, dans la Feuille d'Avis de 1853, ont écrit sur mon compte de sales et infâmes mensonges, n'avaient pas été des lâches, comme les nomme fort bien M. Petit-Senn dans ses si spirituelles boutades :
"L'insulteur anonyme change son nom que personne ne connaît, contre celui de lâche que tout le monde lui donne. " La Bruyère, dans ses Caractères, dit à ce sujet : "Personne ne se croit déshonoré d'avoir reçu un coup de pied d'un cheval ou d'un âne, il faut faire de même de la calomnie." Moi, je ne puis admettre cette indifférence, l'application ne peut être admise ; il faut, pour rester dans le juste, conspuer, stigmatiser l'être assez dégradé qui ne voit dans ses semblables que des sujets de jalousie qui le poussent à leur jeter sa bave et ses calomnies, il sait qu'il en reste quelque chose, et La Bruyère sait aussi qu'il y a des humains qui ont ce caractère que, lorsqu'il arrive un revers à quelqu'un, fût-ce même notre meilleur ami, il y a là-dedans quelque chose qui nous plaît ; comment voulez-vous alors que ce meilleur amis distingue le faux du vrai, puisque l'esprit de l'homme penche pour s'encanailler par méchanceté, sans sujet que le mensonge, la basse, la vile jalousie.
J'étais le secrétaire de presque tous les conscrits de mon escouade, peu savaient lire ; je leur disais : "Mais vous n'avez donc pas dans votre pays des Macaire, des Schmitouze, des Viguet ?" Alors, j'étais fier d'être de Genève, le petit Genevois de 12 ans leur était très utile, et ils devenaient bons pour moi dans ces moments-là" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 3 décembre 1803 (11 frimaire an 12), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Le 69e régiment qui est à Etaples n'a encore rien reçu de son habillement de l'an XI ..." (Correspondance générale, t.4, lettre 8370).
Le 19 décembre 1803 (27 frimaire an 12), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Soult, Commandant du Camp de Saint-Omer : "Citoyen général Soult, les détachements du 39e qui vous sont arrivés doivent être à Etaples et camper à côé du 6e léger, le 69e à côté du 25e léger, les 9e léger et 18e, 32e et 96e de ligne doivent faire partie de la division Dupont qui campe à Boulogne; mais qui cependant doit faire partie du corps d'armée du général Ney.
Le 25e léger, les 27e, 59e et 69e doivent être campés à Etaples et former une division ... La 1re division qui part du Havre va se rendre à Etaples. Faites fournir la garnison par les troupes du camp d'Etaples" (Correspondance générale, t.4, lettre 8478).
Le 4 Ventôse an 12 (24 février 1804), Murat écrit au Premier Consul : "Une place de chef de bataillon est vacante au 69e régiment et vous est demandée par le colonel de ce corps, en faveur du capitaine Aubry. Cet officier a fait la guerre en Egypte, avec distinction, il est plein de zèle et de bravoure, il est ancien dans son grade. Vous avez annoncé depuis longtemps que vous lui accorderiez de l'avancement, j'ai l'honneur de le rappeler dans cette circonstance à votre intérêt et à votre bienveillance " (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 41, lettre 1244).
Le Commandant Giraud écrit : "24 germinal an 12 (14 avril 1804);
Beaucoup de troupes arrivent sur les côtes de l'océan, tant à Boulogne qu'à Vimereux, Etaples, Montreuil. La réunion des bateaux plats et des canonnières s'opère chaque jour. On en compte huit à neuf cents dans le port de Boulogne, et l'on en attend encore au premier jour, une division de deux cents.
Depuis que je fais la guerre, je n'ai pas encore vu autant de troupes réunies pour une même. Aux environs d'Etaples, il y a cinq camps de trois régiments chacun, sans compter les troupes à cheval et l'artillerie qui sont cantonnées dans les villages et les fermes isolées" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 18 mai 1804 (28 floréal an XII), un Sénatus-consulte proclame Napoléon Bonaparte Empereur des Français.
Le 21 mai 1804 (1er prairial an 12), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Maréchal Berthier "Mon Cousin, je vois que, dans l'état de situation de l'armée des côtes ... le 69e est à 1,300 hommes; son dépôt peut lui fournir 300 hommes ..." (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7765; Correspondance générale, t.4, lettre 8875).
Le 25 Prairial an 12 (14 juin 1804), Murat écrit au Ministre de la Guerre : "... Mr Mazel, ex-capitaine au 69e régiment, actuellement capitaine de vétérans à Périgueux, m'écrit qu'étant rétabli des blessures qui l'avaient obligé à quitter le service actif, il est en état de le reprendre. Il m'exprime le désir d'entrer dans la garde impériale et le général Gobert le recommande avec beaucoup d'intérêt. Vous savez, monsieur le maréchal, que cet officier s'est fait distinguer en Égypte par son extrême bravoure, particulièrement devant Jaffa et devant Saint-Jean d'Acre. Je désire que vous veuillez avoir la bonté d'accueillir sa demande" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 139, lettre 1397).
"Nous avions exercice tous les jours, des revues de généraux de division. Nous en passâmes une par la maréchale Ney, belle femme blonde, vêtue d'une superbe amazone rouge, ce qui faisait un effet très séduisant et des plus chevaleresque.
Le maréchal, son mari, avait appris de source certaine qu'il avait à Paris des détracteurs au sujet de son corps d'armée qui restait oisif, et que l'Empereur pourrait bien un jour en être informé ; pour détruire l'effet de ces fâcheux rapports, il fit commander une grande manoeuvre dans les fameuses plaines entre Etaples et Francmaçon, dans le courant de juin, le 7; les blés étaient déjà arrivés à une hauteur prodigieuse. A trois heures du matin, 30.000 hommes, cavalerie, infanterie, artillerie, furent réunis jusqu'à cinq heures le soir, et firent de superbes évolutions ; le maréchal Ney commandait lui-même, il possédait la plus belle voix entre tous les maréchaux de France alors vivants, au timbre argentin, qui portait à une distance considérable sans qu'on perdît un mot des commandements, et cette voix il pouvait la soutenir sans aucune fatigue ni altération une journée entière. Le maréchal, connaissant admirablement la stratégie, aurait fait l'admiration du grand Frédéric; tous les soldats l'aimaient comme un père, et il aurait pu les faire manoeuvrer au nombre de 50.000 hommes sur une assiette.
Les essais pour l'embarquement des troupes destinées à opérer la descente en Angleterre se poursuivaient. Au troisième coup de canon, qui se tirait d'heure en heure, 25.000 hommes étaient prêts à mettre à la voile ou à partir à la rame, qu'il fît ou non du vent ; tout ce qui était attaché à la troupe ou à la marine, avait des carabines, mais moi seul, à cause de mes douze ans, n'en avais point, c'était une injustice, je le croyais, et je me montais la tête. L'Empereur, passant une revue des sacs, je pris le parti de lui présenter moi-même ma réclamation, touchant l'octroi d'une arme que je croyais devoir porter aussi bien que tant d'autres. Lorsqu'il fut arrivé près de moi, j'ôai mon chapeau à cornes, et lui dit : "Sire, je n'ai pas de mousqueton." - "Quel âge as-tu ?" - "Sire, douze ans !" - il me passa sa main blanche sous le menton pour me relever la tête que je tenais inclinée, puis il passa et ce fut là sa seule réponse ; néanmoins je ne fus pas moins fier d'avoir été touché de la main du grand homme, car je considérais cela comme un très grand honneur ; j'étais heureux comme si cette main m'avait donné du génie ; en effet, être touché par l'Empereur, duquel le préfet d`Arras disait : "Dieu créa Napoléon et se reposa", était pour moi, préférable aux millions de Rotschild, que je ne considérais plus que comme un vil métal.
Certes, je fus bien heureux ce jour-là, et dès lors je n'eus plus envie, comme cela m'arrivait quelquefois, de retourner chez mes parents; j'aurai eu, du reste, de grandes diffcultés à obtenir mon congé du colonel Brun, lequel était frère d'armes de l'Empereur, qu'il tutoyait sans gêne aucune, surtout lorsqu'il avait bu une bouteille de rhum.
J'avais un compatriote de Carouge, un M. Trappier, qui me voyait avec plaisir ; plus tard, il passa capitaine dans la garde impériale; il aurait pu m'aider de son crédit pour me faire rendre justice et me faire obtenir mon congé, mais il n'en fit rien. Quoique à peu près nul dans la musique, puisque un jour j'étais cymbalier, le lendemain triangle, et un autre jour troisième clarinette, on voyait que j'avais des dispositions, et qu'avec l'étude je pouvais arriver à quelque chose" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e; cité par Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 31).
Le Commandant Giraud écrit : "Du camp d'Etaples, le 8 thermidor an 12
(27 juillet 1804).
Depuis une dizaine de jours, nous sommes sur pied pour recevoir l'empereur, de passage à Montreuil, le 30 messidor dernier. Le régiment s'y est rendu pour former la haie. S. M. ne s'y est point arrêtée et a continué sa route vers Boulogne où elle se trouve en ce moment. Sous peu elle viendra nous passer en revue, car d'après tous les rapports, le but de son voyage est l'inspection des camps qui sont sur les côes. Les ministres de la guerre et de la marine sont passés hier à Montreuil, accompagnés de deux sénateurs; ils vont rejoindre Sa Majesté. D'après tous ces mouvements, on en conclut qu'il y aura du nouveau sous peu" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Après la revue des troupes à Boulogne, l'Empereur distribue ses premières croix d'honneur (16 août 1804).
"La descente en Angleterre était imminente; tous les jours une cinquantaine d'hommes par compagnie allaient sur des péniches apprendre à ramer en pleine mer ; sur vingt de ces péniches, il s'en perdait bien la moitié, corps et bien. Je fus une fois seulement compris dans les cinquante hommes de ma compagnie ; nous revînmes quinze péniches au bout de trois jours et trois nuits, abîmés, moulus, mouillés, des cassins aux deux mains, ayant faim et soif. Comme il y avait du danger, j'aurais pu réclamer l'exception, mais je n'en fis rien ; seulement je réussis à ne pas y retourner une seconde fois. La manoeuvre était une corvée affreuse ; il fallut que les hommes les plus forts se missent au bout de la rame, et les autres suivant leur vigueur du côé de 1'eau ; après trois leçons de ce genre, nos malheureux conscrits s'en allaient par dizaines à l'hôpital, et souvent n'en revenaient pas. C'est pour lors que j'aurais bien voulu avoir mon congé.
Je fus distrait de cette idée par la grande et mémorable revue du 15 août, fête de Napoléon, qui eut lieu au camp de Boulogne. Chaque régiment du camp d'Etaples fut reçu par un autre régiment du camp principal à son arrivée. La fête dura trois jours entiers. Le 69e fut reçu par son hôe, le 28e de ligne ; le rassemblement se montait à plus de 100.000 hommes ; la distribution des croix d'honneur dura toute une journée ; c'est l'Empereur qui les distribuait à chaque homme ; il puisait les croix dans le casque de Duguesclin. Le 69e, qui avait été en Italie et en Egypte, en reçut beaucoup en échange de ses armes d'honneur; la 1re compagnie de grenadiers en eut pour sa part 32, la moitié des officiers qui étaient des braves, des vieux grognards; l'empereur les fit presque tous passer dans sa garde. J'étais vraiment bien heureux d'être dans un régiment renfermant tant de vaillants soldats.
Ayant la tête montée par quelques officiers qui me dirent : "Il faut t'en aller, tu es trop jeune, presque un enfant, tu vas t'encroûter ici, le colonel ne peut pas te garder," je m'en allai un jour, sur leur conseil, auprès du colonel Brun, le menacer, s'il me renvoyait, d'aller me plaindre au général de division Roguet ; mais je reçus de lui, pour cette folle équipée, des coups, des soufflets et je fus envoyé, comme punition, à la garde du camp ; je serais probablement resté là un mois au lieu de quinze jours, si mon sergent-major Pichon ne m'avait réclamé. Mon colonel était un homme sans éducation, brutal, qui ne supportait pas d'observations, et ne comprenait que l'obéissance passive et stricte. Il ne savait que signer son nom, et ne possédait aucune instruction. Son secrétaire, un nommé Engelot, un jour qu'il le traitait durement, lui en fit la remarque, et voyant que le colonel irrité par sa remarque prenait sa canne pour l'en frapper, Engelot le saisit à bras-le-corps en lui disant : "Quittez votre canne, colonel, car sans cela je vous f... par terre et je vous donne une trempée que le diable en prendra les armes." Le colonel quitta à l'instant sa canne, offrit un verre de rhum à Engelot et lui dit : "Voilà comme j'aime les hommes, tu es un bon bougre." Depuis ce moment ils ont toujours été compère et compagnon, et Engelot est resté son secrétaire et son ami intime. Le régiment les estimait tous deux. Le colonel, soldat intrépide, déterminé, avait assisté à plus de vingt combats et batailles, sans avoir jamais été blessé" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le Commandant Giraud écrit : "27 fructidor an 12 (14 septembre 1804).
Napoléon a choisi le 15 août, jour de sa naissance pour faire à l'armée des côes de l'océan, la distribution des croix cle la légion d'honneur qu'il vient de créer et dont la première promotion date du 14 juin dernier.
L'empereur a voulu à cette occasion se montrer à ses troupes dans toute la puissance d'un souverain qui est en même temps un chef d'armée.
A l'extrémité droite de notre longue ligne de baraques, près de Boulogne-sur-Mer, la plage bordée de falaises presque abruptes sur certains points, se courbe en pente douce, de façon à former un cirque demi circulaire. Au centre de ce vaste cirque en amphithéâtre, était un tertre entouré de drapeaux pris à l'ennemi, dans les guerres de la République, du Directoire et du Consulat ; sur ce trône se trouvait un siège en velours sur lequel le nouveau César avait pris place. Les loustics prétendaient que ce siège était celui de Dagobert.
Le 15 août 1804, à neuf heures du matin, la générale se fit entendre dans tous les camps ; les troupes en colonnes pressées, vinrent se ranger autour de ce grandissime hémicycle ; l'infanterie en avant, la cavalerie et l'artillerie derrière, et à midi 100,000 soldats contemplaient le plus magique spectacle que l'on puisse voir.
Lorsque l'empereur parut en avant du siège qui lui était réservé, une salve générale des batteries de terre salua les côtes d'Angleterre, comme pour défier en un champ clos, la perfide Albion; 2,000 tambours battirent aux champs, couvrant à peine les cris enthousiastes d'une armée fascinée, et arrivée au paroxysme de l'exaltation.
Que d'heureux au régiment ! Mais aussi quel désappointement pour beaucoup !" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Et dans une deuxième lettre : "Du camp d'Etaples le 2e complémentaire de l'an 12
(19 septembre 1804).
A la cérémonie de la remise des aigles de la légion, aux troupes du camp de Boulogne, nous n'avons eu au 69e que six marques d'honheur dont deux seulement pour les officiers. Le colonel, m'a-t-on dit, en rentrant le soir dans sa baraque, a fait un second mémoire de proposition pour la légion d'honneur, en faveur de six capitaines. M'a-t-il porté ?... Je l'ignore absolument. Le commandant Magne avec lequel je suis dans de très bons termes n'est pas aimé du colonel; il n'a pas pu, ou n'a pas osé se renseigner.
Le lendemain de cette cérémonie, le colonel recevait l'ordre de désigner huit militaires de son régiment, pour se rendre à Paris, et assister au couronnement de l'empereur; savoir :
Le colonel;
un capitaine;
un sergent-major;
un fourrier;
deux grenadiers;
deux fusiliers" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Les mois d'octobre et de novembre 1804 sont employés par les troupes du camp de Montreuil à réfectionner en maçonnerie leurs baraques, et ce, non gratuitement, ainsi que l'avait cru le Maréchal Ney, car l'on trouve pour cet objet, dans le registre du Maréchal, une dépense de 757 francs au 69e de Ligne (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 8 octobre 1804 (16 vendémiaire an 13), Napoléon écrit depuis Trèves au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des camps : "Mon cousin, faites partir un bataillon d'élite de la réserve d'Arras pour remplacer au Havre les garnisons des bateaux qui étaient montés par des détachements du 69e et du 44e ..." (Correspondance générale, t.4, lettre 9335).
Le Régiment au 13 Octobre 1804 |
|
éTAT-MAJOR |
|
Brun, Colonel. Clouard, Chef de Bataillon. Magne, id. Thirion, Adjudant-major. |
Dupont, Adjudant-major. Godelier, Chirurgien-major. Piogey, Sous-aide major. Héroux, id. |
1er Bataillon |
|
Grenadiers. |
Dartigues, Lieutenant. Aiguier, Sous-lieutenant. 5e Compagnie. Audibert, Capitaine. Delpech, Lieutenant. Franc, Sous-lieutenant. 6e Compagnie. Delabit, Capitaine. X..., Lieutenant. Monnier, Sous-lieutenant. 7e Compagnie. Ledonné, Capitaine. Bréchant, Lieutenant. Moulin, Sous-lieutenant. 8e Compagnie Lemoine, Capitaine. Poupon, Lieutenant. Renaud, Sous-lieutenant. |
2e Bataillon |
|
Grenadiers. Genevay, Capitaine. Blanchon, Lieutenant. Paris, Sous-lieutenant. 1ère Compagnie. Aiguier, Capitaine. Parent, Lieutenant. Gaffé, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Tardieu, Capitaine. Lautier, Lieutenant. Quesnel, Sous-lieutenant. 3e Compagnie. Agnely, Capitaine. Nicolas, Lieutenant. Gaillard, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Giraud, Capitaine. |
Gondoin, Lieutenant. Manem, Sous-lieutenant. 5e Compagnie. Robert, Capitaine. Seguin, Lieutenant. Burty, Sous-lieutenant. 6e Compagnie. Grosset, Capitaine. Surquet, Lieutenant. Despaisse, Sous-lieutenant. 7e Compagnie. Samson, Ccapitaine. Reboul, Lieutenant. Lombard, Sous-lieutenant. 8e Compagnie. Trapier, Capitaine. Théris, Lieutenant. Sourd, Sous-lieutenant. |
3e Bataillon |
|
Etat-major |
|
Duhesme, Major. Girard, Chef de Bataillon. Bertrand, Quartier-maître |
Faivre, Adjudant-major. Rouquier, Chirurgien aide-major |
Grenadiers. Fournier, Capitaine. Monnoyer, Lieutenant. Fauverteix, Sous-lieutenant. 1ère C ompagnie. Roux,Capitaine. Albert, id. Cazan, Lieutenant. Boutey, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Tournus, Capitaine. Raybaud, Lieutenant. Demange, Sous-lieutenant. 3e Compagnie. Pitaud, Capitaine. Michel, Lieutenant. Hancké, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Argence, Capitaine. |
Liénard, Lieutenant. X..., Sous-lieutenant. 5e Compagnie. Rolland, Capitaine. Daplaud, Lieutenant. Roux, Sous-lieutenant. 6e Compagnie. Meignan, Capitaine. Blanc, Lieutenant. Coutier, Sous-lieutenant. 7e compagnie. Guioux, Capitaine. Devoisin, Lieutenant. Lecureux, Sous-lieutenant. 8e Compagnie. X..., Capitaine. Charpentier, Lieutenant. Maisseau, Sous-lieutenant |
Le 14 brumaire an XIII (5 novembre 1804) est dressée à Etaples une liste de nominations à la Légion d'Honneur ; sont concernés : le Capitaine Adjudant major Dupont; le Capitaine de Grenadiers Genevay, les Capitaines Delabit, Grosset, Tardieu, Robert, Castillon, Agnely, Lemoine, Fournier, Audibert, Aiguier, Argence, Pascal, Giraud, Collet; Lieutenants Bréchan, Nicolas, Poupon, Dartigues, Seguin, Delpech, Sous-lieutenants Armand, Demange, Capitaine Adjudant-major Faivre, Sergents majors Oternaud, Giralde, Rigaud, Tranchard, Léonard, Sergents Reboul, Passau, Boulonnier, Silbert, Corq, Caporaux Bertrand, Cretin, Lombard, Savignon, Chrabonnier, Grenadiers Chevan, Noël, Fusiliers Cauvin, Dupressoir, Meunier, Caporal Blanc, Sous-lieutenant Moulin.
Le 25 Brumaire an 13 (16 novembre 1804), au Camp de Montreuil (Maréchal Ney), le 69e de Ligne, qui fait partie de la 2e Division (Loison) est installé au camp des Moulins; il compte 60 Officiers, 1151 hommes, 336 embarqués, 174 aux hôpitaux, total 1721 hommes, 13 chevaux (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 220).
Le 2 décembre, le Pape sacre à Notre-Dame de Paris le vainqueur d'Italie et d'Egypte. Le 5, troisième jour des fêtes du couronnement, les représentants de tous les corps viennent recevoir les aigles au Champ de Mars.
"Vous jurez de sacrifier votre vie pour les défendre, s'écrie le grand Capitaine, et de les maintenir constamment par votre courage sur le chemin de la victoire ! Vous le jurez ! - Nous le jurons ! répondirent aussitôt les colonels et les délégués, en brandissant leurs nouveaux emblèmes et en mêlant leurs acclamations à la voix du canon et au bruit des fanfares.
Ces drapeaux surmontés d'un aigle d'or aux ailes à demi-déployées et tenant la foudre dans ses serres étaient tricolores comme ceux de la République, mais ornés de franges et de broderies d'or" ("Histoire anecdotique du Drapeau français", par Désiré Lacroix).
Le Commandant Giraud écrit :
"Du camp d'Etaples le 14 nivôse, an 13
(4 janvier 1805).
Je viens de faire un détachement de six jours, à l'effet de faire travailler mes hommes, à la construction d'une batterie de côe. Depuis mon retour, à Etaples, nous éprouvons un très gros temps, accompagné de grands froids. La tempête a été si forte en mer, que trois bâtiments anglais se sont échoués sur nos côes ; l'un était chargé de toile et de drap; un autre de beurre et le troisième de sel. On n'a pu sauver que cinq hommes; tout le reste a fait naufrage.
Malgré le mauvais temps, des bâtiments nouveaux nous arrivent chaque jour. Avant-hier, il est entré dans la baie d'Etaples, quarante bâtiments de transport et une division de bateaux plats. On porte le nombre des navires qui sont ici, maintenant à quatre cent cinquante ou cinq cents. La flottille de Boulogne est forte de mille à douze cents bâtiments, tant canonnières que bateaux plats et péniches.
Toute l'infanterie va reprendre le blanc et aura l'habit veste. Dorénavant les cheveux seront coupés ras" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 5 mars 1805 (14 ventôse an XIII), Napoléon écrit depuis Paris au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, tous les régiments qui font partie des trois camps ne peuvent tous fournir 1,800 hommes sous les armes, surtout ceux qui ont des malades.
... Le 69e id [de ligne aurait besoin] : 100 hommes ...
Faites-moi un rapport, corps par corps, sur les régiments composant les trois camps; de leur situation au 1er ventôse, présents sous les armes et aux hôpitaux; de la situation des 3mes bataillons; du nombre d'hommes de la conscription de l'an XIII qu'ils doivent recevoir ..." (Correspondance de Napoléon, t.10, lettre 8393; Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 9635).
Le Commandant Giraud écrit :
"Du camp d'Etaples, le 23 ventôse an 13
(14 mars 1805).
Voilà six jours que nous jouissons du plus beau temps du monde. Nos ennemis les Anglais savent en profiter. Leurs bâtiments, au nombre de vingt-cinq, tant vaisseaux que frégates et bricks sont continuellement en vue et à deux portées de nos canons de terre. Nos canonnières leur tirent de temps à autre et fort loin, quelques coups de canon.
Rien ne peut sortir d'Etaples, pas même les bateaux pêcheurs.
On attend quelques régiments de cavalerie; je ne vois pas trop ce que la cavalerie vient faire ici : ce qui me fait supposer que cette nouvelle ne se confirmera pas.
En attendant, puisque rien ne vient nous assurer d'une levée prochaine du camp d'Etaples, je me décide à me faire construire une baraque derrière celle de mes sous-officiers pour y trouver un abri dans le mauvais temps" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Du camp d'Etaples, le 24 floréal an 13
(14 mai 1805).
La majeure partie de mon régiment s'est embarquée le 18. Ma compagnie était du nombre des unités chargées de surveiller les bateaux-canonniers qu'on renouvelle tous les mois.
On fait de grands préparatifs pour une descente prochaine en Angleterre. Tous les mouvements de troupes se font, je crois, dans le but de faire diversion à l'ennemi. Depuis mon débarquement, je ne vois arriver que canons et caissons d'artillerie. On attend un régiment de chasseurs à cheval et quatre régiments d'infanterie, dont le 76e qui arrive demain" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
L'Empereur ayant prévu une revue du Corps de gauche, dans les premiers jours du mois d'août, le Maréchal Ney fait paraître plusieurs Ordres du jour, concernant la tenue des Officiers, Sous-officiers et soldats. A la date du 26 juin, le Maréchal écrit, au sujet de cette revue : "Je désire que tous les capitaines, lieutenants, sous-lieutenants, sous-officiers et soldats de ligne soient en culottes, guêtres et cols blancs; les colonels, chefs de bataillon et adjudants-majors, en culottes blanches, bottes à l'écuyère, manchettes de bottes et éperons d'argent, conformes au modèle donné pour les officiers d'état-major.
Mon intention est aussi que les sous-officiers et soldats d'infanterie légère aient des demi-guêtres blanches, pourvu qu'il n'en résulte pas une dépense trop onéreuse pour les conseils d'administration" (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 39).
Dans une lettre explicative, le Général Loison écrit au Colonel du 69e de Ligne :
"Sous les armes, les sous-officiers et soldats doivent porter l'habillement prescrit par les règlements, c'est-à-dire l'habit, veste et culotte d'uniforme. Si les sous-officiers portent des vestes en drap fin, elles doivent être façonnées suivant le voeu de l'ordonnance. La coupe de la veste de MM. les officiers doit être de même. Les officiers seuls doivent porter des bottes. Les cheveux des sous-officiers et soldats, musiciens, tambours et sapeurs, doivent être coupés à la manière dite "avant-garde", et les queues à hauteur de six pouces (45 centimètres), ainsi que le prescrit l'ordonnance" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
La désertion est considérable dans les troupes de l'armée de l'Océan. Ainsi, pendant les dix mois compris entre le 1er octobre 1804 et le ler août 1805, le 69e de Ligne compte 224 déserteurs sur 910 hommes incorporés (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Désertion en l'an XIII |
||
Régiments |
Recrues |
Déserteurs |
69e de ligne |
910 |
224 |
Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 148 |
D'après un "Etat sommaire des hommes qui ont fait la guerre dans les différents corps composant l'armée des côtes (Exécution de l'ordre du 12 thermidor an XIII.)", au Corps de Gauche, Division Loison, le 69e de Ligne, sur un effectif de 1828 hommes, en a 421 qui ont déjà fait la guerre (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 145).
Le Tableau des Forces de l'Empire au 16 thermidor an XIII (4 août 1805) indique que le 69e de Ligne a ses 1er et 2e Bataillons à l'Armée des Côtes, Corps de gauche. 1749 hommes sont présents, 79 aux hôpitaux, total 1828 hommes; le 3e Bataillon est à Luxembourg, 3e Division militaire, pour 424 hommes présents, 51 détachés ou en recrutement, 11 aux hôpitaux, total 486 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 3 et suivantes).
Le même 20 Thermidor an 13 (8 août 1805), le Maréchal Ney écrit, depuis Recques, au Général Dupont : "Les colonels des 9e et 32e régiments sont, mon cher Général, les seuls de l’armée qui aient trouvé de l'impossibilité à exécuter les ordres que j'ai donnés pour que les corps puissent être présentés à Sa Majesté dans une tenue uniforme, ils auraient dû, au moins, vous mettre à portée de m'en prévenir plus tôt.
Je vous invite; mon cher Général, à prescrire à ces colonels de faire blanchir un nombre de guêtres grises suffisant pour suppléer aux guêtres blanches, et en ayant soin que la nuance soit, autant que possible, la même ; ils emploieront pour cela un mélange de colle et de blanc dont le colonel du 69e, qui en a fait l'essai, pourra leur indiquer la composition avec la manière de s’en servir" (Alombert P. C. : « Le Corps d’Armée aux ordres du Maréchal Mortier, combat de Dürrenstein », Paris, Berger-Levrault, 1897, p. 357).
D'après la "Situation de l'avant-garde de l'Armée des côtes de l'Océan, à l'époque du 1er Fructidor an 13" (19 août 1805), il y a, dans les Troupes de la 2e Division du Corps de gauche (Loison) le 69e de Ligne, Colonel Brun ; Chefs de Bataillon Clouard et Magne ; 2 Bataillons, 1860 hommes au complet ; 1749 hommes présents à Etaples ; 475 hommes présents au Dépôt de Luxembourg (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 48 et suivantes).
B/ Campagne de 1805
Bouton du 69e de Ligne |
Autres boutons |
L'Angleterre, menacée dans son île, par nos formidables préparatifs, cherche à détourner l'orage en suscitant contre la France une guerre continentale, et forme une troisième coalition, dans laquelle entrent l'Autriche, la Russie, la Suède et le Royaume de Naples.
L'Autriche, prête la première, met sur pied trois armées; en Italie, dans le Tyrol et en Bavière. Cette dernière, dite Armée d'Allemagne, sous les ordres de l'archiduc Ferdinand et de Mack, compte 80000 hommes. Elle pousse jusqu'à l'Iller et occupe vers la mi-septembre 1805 le cours du Danube, la droite (ses principales forces) à Ulm, la gauche à Memmingen, attendant l'entrée en ligne du Corps russe de Kutusow, attardé en Moravie où il se concentre.
L'Empereur connait ces dispositions.
Le 27 août, le Maréchal Ney expédie à ses Généraux leur ordre de marche :
"... La 2e division, aux ordres du général Loison, partira d'Etaples, le 13 fructidor (31 août), à 6 heures du matin, marchant la gauche en tête :
Le 76e régiment d'infanterie de ligne ;
Le 69e -
Le 39e -
Le 6e régiment d'infanterie légère ;
ira, ce même jour, cantonner à Hesdin, en repartira, le 14 (1er septembre), pour suivre sa destination ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 356; H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Un "État des présents sous les armes des bataillons de guerre de tous les corps de l'Armée des côtes de l'Océan en marche vers le Rhin, pour servir à établir la distribution des fonds accordés par l'Empereur pour fournir une paire de souliers par homme et le tiers de l'effectif en capotes", daté du 11 fructidor an 13 (29 août 1805) indique que le Corps de Gauche comprend à sa 2e Division les :
6e Régiment d’infanterie légère, 1770 hommes.
39e Régiment d’infanterie de ligne, 1627 hommes.
69e Régiment d’infanterie de ligne, 1687 hommes.
76e Régiment d’infanterie de ligne, 1784 hommes.
Total : 6868 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 384).
Le 30 août, un Ordre du jour annonce à l'armée sa dénomination nouvelle : l'armée des Côes de l'Océan s'appellera désormais la "Grande Armée".
1/ Opérations du gros du Régiment en 1805
- La marche sur Ulm
Le 69e entre dans la composition du 6e Corps d'armée (Maréchal Ney), son effectif est porté à 1727 hommes, dont 1575 sous les armes. Le 3e Bataillon reste à Luxembourg.
Le Corps d'armée comprend trois Divisions d'infanterie et une Division de cavalerie légère; la 2e Division Loison est formée des Brigades Villatte (39e et 6e Léger) et Roguet (69e et 76e); chaque Brigade est renforcée de six pièces d'artillerie.
Déjà tout s'ébranle aux ordres de Napoléon pour la campagne d'Ulm et d'Austerlitz : le camp de Boulogne est évacué, les 28, 29 et 30 août pour se porter sur le Rhin.
Le 22 Fructidor an 13 (9 septembre 1805), le Ministre de la guerre Berthier écrit, depuis Paris, au Général Gobert, commandant la 3e Division militaire : "Le général Bonnard, commandant la 22e division militaire, Général, m'a transmis la copie ci-jointe d'une lettre écrite par un conscrit de la Sarthe à ses parents, et interceptée par le capitaine du recrutement de ce département.
Il paraît évident, d'après cette pièce, que le nommé H ..... , conscrit dont il s'agit, incorporé dans le 69e régiment, avait la certitude d'y être réformé, si on lui avait envoyé la somme de 200 francs qu'il demandait avec la plus vive instance.
Il résulte de la vérification qui a été faite, que cet individu a, effectivement, été porté sur l'état des hommes de son corps désignés pour la réforme; mais il en a été ensuite supprimé par le motif qu'on n'avait pu s'assurer s'il était réellement épileptique.
Comme le nombre des militaires jugés susceptibles d'être réformés dans le 69e régiment est très considérable, la coupable manœuvre, que la lettre d'H ... doit faire supposer, pourrait avoir eu lieu pour d'autres.
Je vous charge donc, Général, de vous procurer sur cet objet, par les moyens secrets que vous jugerez convenables, tous les renseignements possibles, et de me les adresser ensuite pour me mettre à portée de faire, s'il y a lieu, un exemple capable d'en imposer à ceux qui trafiquent des congés" ((Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 699).
Le 10 septembre 1805 (23 fructidor an 13), Napoléon écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, ... Donnez également ordre aux troisièmes bataillons ... du 69e qui est à Luxembourg ... de faire partir chacun cent hommes pour les bataillons de guerre ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10769).
Le 6e Corps passe par Montreuil, Arras, la Fère, Reims, Nancy, Saverne, Haguenau, Lauterbourg. Les Divisions atteignent le Rhin les 22, 23 et 24 septembre.
Selon les ordres de Ney en date du 23 septembre, la 2e Division doit être cantonnée le 25 à Seltz et le 26 à Lauterbourg (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 26 septembre, la Brigade Roguet est cantonnée à Neeweiler et Scheibenhard.
L'ordre de marche pour la traversée du Rhin sur le pont de bateaux construit près de Lauterbourg, ordre distribué le 26 septembre, est ainsi rédigé : "La troupe marchera, la droite en tête et sur front de section s'il est possible. Dans le cas contraire, elle marchera par le flanc jusqu'à son arrivée sur la rive droite du Rhin, où les sections se formeront aussitôt ...
2e division, sous les ordres du général Loison.
1re brigade (général Villate)
1er bataillon du 6e léger.
2 pièces d'artillerie (1 de 4, 1 obusier).
2e et 3e bataillons du 6e léger.
39e de ligne (2 bataillons).
2e brigade (général Roguet).
69e de ligne (2 bataillons).
6 pièces d'artillerie (1 de 4, 4 de 8, 1 de 12).
76e de ligne (3 bataillons).
Détachement de 12 hussards.
Détachement de 10 gendarmes ...
Les vivres, les subsistances et le personnel de l'administration. Les bagages, en commençant par l'état-major général et suivant l'ordre des divisions et des régiments comme ci-dessus. Les quatre dernières compagnies du 59e fermeront la marche, et serviront d'escorte aux bagages.
Les régiments ne laisseront que 12 hommes et 1 sergent pour escorter les voitures.
L'escadron de gendarmerie fermera la marche.
Un détachement de 20 hommes de la compagnie d'élite du 1er hussards, suivra partout le maréchal commandant en chef. Ce détachement sera relevé tous les cinq jours" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 464 ; E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 231 ; Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 81).
Composition de la Grande Armée au moment où elle a passé le Rhin pour la campagne d'Autriche.
6e corps d'armée au passage du Rhin dans les premiers jours de vendémiaire an XIV.
2e division.
69e Léger, 2 Bataillons, 1746 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 158).
"6e Corps. Emplacements du 4 vendémiaire an 14 (26 septembre 1805).
Quartier général à Lauterbourg ...
2e division (Lauterbourg) aux ordres du général Loison ...
69e id. (Général ROGUET), Neeweiler, Scheibenhard ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 463).
Le 27, on passe le Rhin près de Lauterbourg; l'opération, commencée à 6 heures du matin, est terminée à midi.
"Journée du 5 vendémiaire (27 septembre).
Quartier général : Carlsruhe.
L'armée a passé le Rhin près Lauterbourg. Le passage a commencé à 6 heures du matin pour les troupes et a été terminé à midi ...
2e division (Durlach) ...
69e et 76e Durlach ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 469).
"Journée du 5 vendémiaire (27 septembre).
La division, composée des 6e régiment d'infanterie légère, 39e, 69e, et 76e régiments de ligne, et armée de 8 bouches à feu, est partie à 8 heures du matin pour ses cantonnements, près Lauterbourg, et marchant, la droite en tête, elle s'est dirigée vers le pont établi sur le Rhin, vis-à-vis du village d'Au, territoire de Bade, où elle a passé le fleuve. Elle s'est portée de suite sur Durmersheim, par une chaussée étroite, au milieu d'un bois, a continué sur un terrain cultivé et coupé de plusieurs ruisseaux.
Arrivés à Durmersheim, les 6e et 39e régiments, commandés par M. Le général de brigade Vilatte, et 2 pièces d'artillerie, ont pris la route d'Ettlingen, et se sont rendus dans les villages de Grünwettersbach, Stupferich, Wolfartsweier et Grotzingen, où ils ont été cantonnés. Les 69e et 76e, et le reste de l'artillerie, sous les ordres de M. le général de brigade Boguet, ont suivi la route de Carlsruhe, et ont traversé cette résidence pour se rendre à Durlach, où ces troupes ont été logées.
Le quartier général de la division a été établi dans cette dernière ville" (Extrait du journal des marches, positions et opérations militaires de la division Loison in Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 469).
"Enfin le camp d'Etaples fut levé, la descente ne se faisant pas, après vingt-trois mois passés à coucher sur la paille, ce dont, par parenthèse, nous avions assez. Grâce à Dieu, l'ordre de partir vint comme un coup de foudre, sans éclair ; rien ne nous faisait présumer notre future destination ; nous étions alors en septembre 1805, le 69e de la division Loison reçoit l'ordre de passer le Rhin, à Lauterbourg, sur un pont de bateaux improvisé pour ce passage. J'étais d'une joie folle, on allait se battre, je verrai le plus grand des Capitaines à l'oeuvre, j'assisterai à des batailles, à des sièges. J'avais la tête exaltée par la lecture des campagnes d'Italie, et plus encore par les récits de nos vieux grognards du 69e.
Les Français sont des soldats intelligents, braves par dessus tout, et presque jamais ils ne doutent du succès, aussi doit-on comprendre et supporter la blague de leur part, car ils savent se battre ; dans ce genre n'est pas imitateur qui veut ; les soldats français ont une discipline à eux, un laisser-aller qui s'éloigne entièrement de la manière d'être du soldat russe ou prussien, qui agit comme un véritable automate ; cette discipline, qui s'établit en six semaines chez les troupiers français, ne s'apprend guère chez les autres qu'en dix ans; cette différence provient surtout de ce que, chez les premiers, le point d'honneur et l'amour-propre sont des mobiles permanents, qu'entretiennent le caractère heureux et l'humeur toujours gaie, apanage de la nation française. L'on trouve des blagueurs, des singes, chez tous les peuples, mais au feu, dans la plus grande misère, sans pain ni eau, sans chemises ni souliers, et même sans cartouches, le Français se bat, et dans cette mosaïque, cette anamose de tribulation, il trouve toujours le mot pour rire et des traits d'esprit par dessus cela. Il serait, je crois, impossible de rencontrer ergotteur plus incorrigible à lui opposer. Le vieux Frédéric disait avec raison : "Si je commandais à des Français, il ne se tirerai pas un coup de canon sur le globe sans ma permission"" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
La Brigade Roguet s'arrête à Durlach le 27.
Le 28 au soir, la 2e Division reçoit l'ordre de partir le lendemain, à 1 heure du matin, pour Pforzheim (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 29 dans la journée, la 2e Division est à Vaihingen; elle a marché 10 à 12 lieues conformément aux ordres du 28 (en réalité, les troupes sont parties le 28 à 11 heures du soir).
"Journée du 7 vendémiaire (29 septembre).
Quartier général : Vaihingen.
2e division : Vaihingen.
La division en avant de Vaihingen.
Le 69e régiment, dans la ville ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 478).
Le 30, la 2e Division est établie à la gauche de Stuttgard (au nord), entre cette ville et Cannstadt (H. Bonnal). La Brigade Roguet est à Feldbach (le Corps de Ney arrive à Stuttgart le même jour).
Le 8 Vendémiaire, "La division est partie à 6 heures du matin; elle a passé l'Enz à Enzweihingen, en laissant à droite la chaussée de Stuttgard; elle s'est dirigée sur Ludwigsburg, en passant par Markgröningen.
Le chemin qui conduit de Enzweihingen à Markgröningen est étroit, mal entretenu, et il pourrait être difficile d'y faire passer de l'artillerie, après de très grandes pluies.
Les troupes ont laissé Ludwigsburg à gauche, et ont été gagner la chaussée d'Heilbronn à Stuttgart. Elles se sont dirigées sur cette dernière ville jusqu'à l'embranchement des routes, dont l'une conduit à Cannstatt.
La division a pris position sur le Neckar, de la manière suivante :
Le 6e régiment et 1 bataillon du 39e, à Esslingen.
Le 2e bataillon du 39e, à Unter-Türkheim.
Le 69e, à Felbach et le 76e, à Cannstatt.
2 pièces d'artillerie, à Esslingen, et le reste, en arrière de Cannstatt.
Le grand quartier de la division, dans cette dernière ville.
Les grand'gardes ont été placées sur les routes de Heilbronn, Vaihingen, Schorndorf, Göppingen et Tübingen" (Rapport du général Loison, in : Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 489).
Fin septembre 1805, les Divisions du 6e Corps commandé par le Maréchal Ney, sont organisées de la façon suivante :
1re Division (Général Dupont), avec les Généraux de Brigade Marchant et Rouyère, ayant sous leurs ordres, le premier, le 9e Léger, le second, les 32e et 96e de ligne; en tout 6 Bataillons à 9 Compagnies. Effectif de l'infanterie de la 1re Division : 5,140 hommes.
2e Division (Général Loison), avec les Généraux de Brigade Roguet et Villatte, ayant sous leurs ordres, le premier, le 6e Léger et le 39e de Ligne, le second, les 69e et 76e de Ligne; en tout, 8 Bataillons à 9 Compagnies. Effectif de l'infanterie de la 2e Division : 6,899 hommes.
3e Division (Général Malher), avec les Généraux de Brigade Marcognet et Labassée, ayant sous leurs ordres, le premier, le 25e Léger et le 27e de Ligne, le second, les 50e et 59e de ligne; en tout, 8 Bataillons à 9 Compagnies. Effectif de l'infanterie de la 3e Division : 7,069 hommes.
Brigade de cavalerie (Général de Division Tilly) composée du 10e Chasseurs, du 1er et du 3e Hussards, chacun à 3 Escadrons. Effectif: 1,071 hommes.
Artillerie composée de 13 Compagnies avec un effectif de 1,065 hommes.
Effectif du 6e Corps : 21,250 hommes (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 56).
La Brigade Roguet est à Esslingen le 3 octobre.
Le Commandant Giraud écrit (il y a de nombreuses erreurs dans les dates et les conversions de dates) :
"Neubourg, le 30 vendémiaire an 14 (3 octobre 1805).
L'ordre de se mettre en marche vers le Rhin, date du 5 fructidor (1er septembre).
Le 5 vendémiaire an 14 (4 septembre 1805), nous avions atteint le Rhin que nous passions le lendemain, à Durlach, vers six heures du matin. L'ordre lu aux troupes porte les indications suivantes : " La troupe sera en tenue de parade, habit bleu à revers blanc, culotte blanche, guêtres noires : les grenadiers porteront le bonnet à poil, avec le plumet. Fantassins, cavaliers et artilleurs auront à leurs chapeaux dès branches de chêne, en signe de réjouissance des victoires que l'armée obtiendra sur les ennemis de l'empiré. "
Notre entrée en Allemagne s'effectua au port d'armes, musique en tête.
Le 29, nous avions dépassé Neubourg, marchant au pas de route, le fusil porté à volonté sur l'une ou l'autre épaule. Tout à coup, le chef de bataillon Magne, nous fit serrer les rangs, mettre la baïonnette au bout du canon et prendre le pas cadencé : nous passions près du tombeau de la Tour-d'Auvergne auquel nous rendions les honneurs. Les tambours battirent au champ; les soldats défilèrent au port d'armes; les officiers saluèrent de l'épée.
De son côté, le capitaine Marion (Giraud avait épousé en 1803, la fille aînée du directeur du service des lits militaires de Besançon) aide de camp du général Perretty, mon beau-frère, m'écrit qu'il a passé le Rhin, le 30 septembre, pour gagner Luchwigsbourg, en passant par Rastadt. Nous ne laissons aucune troupe entre nous et le Rhin ; les communications sont interrompues avec Strasbourg.
Nous marchons jour et nuit, ne nous arrêtant pour ainsi dire, que dans les cas d'une impérieuse nécessité. Le jour cela passe encore : un loustic y va de sa romance sentimentale; toute la compagnie fait chorus avec lui : on fume sa pipe de temps à autre, cela tient compagnie. Et puis toutes ces branches vertes qui se balancent au-dessus des coiffures, et ondulent devant les yeux, ça récrée la vue. Mais je ne connais rien de fatigant, comme une marche dans l'obscurité. On dort debout. Si un soldat fait un faux pas, ou butte contre une pierre, il tombe sur le voisin et patatras, voilà toute une file qui roule dans la boue, car le mauvais temps a été presque constant, pendant tout le temps que nous avons traversé la France, du camp de Montreuil à Schelestadt; tantôt une pluie fine et froide; tantôt de la neige à demi fondue dans laquelle on enfonçait jusqu'à mi-jambe.
Nous n'avons ni magasins ni vivres assurés par l'administration. Chacun vit comme il peut, en mettant le pays à contribution. En très peu de temps la contrée fut épuisée tellement nos colonnes se suivaient pressées et rapides. Au bivouac, le vent empêchait souvent d'allumer des feux.
Le 1er octobre, nous arrivions à Stuttgard, où le maréchal Ney avait établi son quartier général. Nous y fîmes séjour jusqu'au 4; la veille, notre commandant de corps d'armée, accompagné du prince Murat nous passait en revue.
En voilà deux, lapins qui n'ont pas froid aux yeux. Ney rappelle en lui, l'âme et le courage de l'armée. Le temps est-il mauvais ; la fatigue extrême ? Dès qu'il paraît, le ciel devient serein, la fatigue disparaît, on le voit partout au milieu de nos rangs, se nourrissant à peu près comme nous, se couchant dans une grange, sur une botte de paille. Avec lui, nous irions partout. - Le prince Joachim Murat rappelle par sa bravoure, son humeur aventurière, les prouesses des chevaliers du temps passé. Beau de valeur et de figure, bien fait, élégant de sa personne, plus que somptueux dans ses vêtements, il ne connaît du danger que le nom" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 6e Corps constitue l'aile droite et va se porter, par Goeppingen (4 octobre), Weissenstein, Heidenheim (5 octobre), sur les derrières de Mack. Le 6e Corps passe aussi à Neresheim, Nordlingen.
L'armée quant à elle défile à travers la Souabe pour se porter, de Strasbourg, Mannheim, Wutzbourg, sur le Danube, à Donauwerth et Ingolstadt, c'est-à-dire sur les derrières de Mack.
Le 8, la cavalerie ouvre la marche sur Gundelfingen.
- Combat de Günzbourg
Déjà nos têtes de colonnes touchent au Danube, que Napoléon franchit en aval d'Ulm sans éveiller l'attention du Général autrichien. Mack en effet est trompé face à l'ouest par les démonstrations de Murat dans la forêt Noire, puis par la présence du 6e corps à Albeck; il fait donc face successivement à l'Ouest puis au Nord, croyant nous voir déboucher par le Val d'Enfer ou par le haut Neckar.
Le 6e corps, à Albeck, sur la rive gauche du Danube, forme pivot et masque la grande conversion exécutée par l'armée pour se rabattre au Sud du fleuve, et couper à Mack les routes de Vienne par la rive droite. Ney, par une pluie glaciale qui tombe depuis plusieurs jours, se met en route sur des chemins détrempés, boueux et difficiles.
Ce mouvement est à peine accompli que Ney reçoit, le 9 octobre, l'ordre de s'emparer du pont de Günzbourg pour se relier au gros de l'armée. Mack, éclairé trop tard, veut le même jour passer à Günzbourg sur la rive gauche, pour gagner par Nordlingen les routes de Bohême. Il est arrêté par le combat de Günzbourg, où le 69e est vivement engagé vers Langenau. Le soir, le 69e de Ligne est placé aux avant-postes.
Dans une lettre rédigée au Quartier général devant Ulm, le 30 Vendémiaire an 14 (22 octobre 1805), le Général Loison écrit encore au Maréchal Ney : "Monsieur le Maréchal,
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint l'extrait de mon rapport du 18 vendémiaire sur la prise du pont d'Elchingen, ainsi que l'état nominatif des braves qui se sont distingués et qui méritent la décoration de la Légion d'honneur ou de l'avancement.
J'ai omis, dans mon rapport de l'affaire du 22, la prise d'un général-major et d'une pièce de canon, ce qui en porte le nombre à cinq ; je vous ai rendu compte verbalement de la conduite des officiers de mon état-major dans cette journée; je ne puis trop vous rappeler combien a été brillante celle de M. Hamelinaye, adjudant-commandant, mon chef d'état-major; vous avez été à même de le juger, ayant été constamment à vos côtés. Je vous prie de solliciter pour cet estimable officier l'avancement qu'il mérite à si juste titre.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur le Maréchal, votre très humble et très obéissant serviteur.
LOISON.
Extrait du rapport de la prise du pont d'Elchingen dans la nuit du 17 au 18 vendémiaire, fait à M. le Maréchal le 18 vendémiaire.
Les 6e et 69e régiments et le 3e escadron du 3e régiment de hussards ont été dirigés sur Ober-Elchingen pour enlever le pont que l'ennemi gardait sur ce point et qui se trouvait défendu par un bataillon du régiment de Sporck et une pièce de canon.
L'escadron de hussards, commandé par le brave capitaine Schoeny, est arrivé le premier sur les avant-postes autrichiens, les a enlevés et a fait 54 prisonniers, dont un officier.
Cette cavalerie, n'écoutant que sa valeur, s'est portée sur le pont, avec la plus grande audace, mais quelques planches enlevées l'ont empêchée de franchir le pont et l'ont forcée d'attendre l'infanterie.
Alors les carabiniers et voltigeurs du 6e régiment d'infanterie légère sont arrivés, ont passé le pont à la baïonnette, ont enlevé la pièce de canon, tué plusieurs canonniers et mit l'ennemi en fuite. Le sieur Stener, sergent-major des voltigeurs, blessé d'un coup de feu au bras droit, n'a pas voulu se retirer et a persisté à donner à sa compagnie l'exemple du courage et du dévouement.
Les nommés Thiébault, caporal, et Gauclair, voltigeur, et Puissant, sergent, se sont portés sur la pièce avec intrépidité et ce sont ces trois braves qui ont pris la pièce de canon.
Les officiers de ces quatre compagnies les ont dirigées avec le plus grand courage et la plus grande intrépidité.
Le général de division, gouverneur,
LOISON" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 370).
Le lendemain, la Brigade Villatte enlève le pont d'Ober-Elchingen, en vue de relier Ney, plus étroitement, au gros des forces.
Le 11, la Division Dupont, restée seule sur la rive gauche du Danube, soutient toute la journée l'effort de 25000 Autrichiens essayant de rejoindre les Russes, qui se sont déjà avancés au delà de Lintz. La nuit arrête le combat, mais Dupont est coupé du reste de l'armée.
Le 5e Bulletin Bis de la Grande Armée, établi à Elchingen, le 15 octobre 1805 (23 vendémiaire an 14) relate : "... le 19, l'ennemi fit une sortie du côté d'Ulm, et attaqua la division Dupont, qui occupait la position d'Albeck. Le combat fut des plus opiniâtres. Cernés par 25,000 hommes, ces 6,000 braves firent face à tout, et firent 1,500 prisonniers. Ces corps ne devaient s'étonner de rien ; c'étaient les 9e léger, 32e, 69e et 76e de ligne ..." (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 437 ; Correspondance de Napoléon, t.10, lettres 9384 ; Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 805; E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 281).
Ney établit les "Cantonnements que le 6e corps d'armée pourra prendre dans le cas seulement où l’ennemi ne serait pas en force sur le front de l'Iller; dans le cas où il serait en force, il occupera la position déterminée dans l'ordre du mouvement du 20.
Au quartier général, à Günzburg, le 20 vendémiaire an XIV (12 octobre 1805) ...
2e division.
6e léger, 39e de ligne à Holzeim
69e id. à Kadeltshofen
76e id à Reinpolzhofen
Rassemblement en arrière de Kadeltshofen ...
Rassemblement général des trois divisions : Falheim ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 625).
Eclairé sur la position exacte des Autrichiens et sur leurs intentions par cette rencontre d'Albeck, l'Empereur décide de faire repasser les autres Divisions du Maréchal au nord du fleuve. Ce mouvement donne lieu à la bataille d'Elchingen où Ney et le 69e se couvrirent de gloire.
- Combat d'Elchingen (figure au drapeau) - 14 octobre 1805.
Le 14 octobre 1805, la Brigade Roguet comprend le 69e de Ligne (Colonel Brun), 1720 hommes et le 76e de Ligne (Colonel Lajonquière), 1800 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 75).
Dès la pointe du jour, par un temps affreux, la deuxième Division gagne Leiben; la tête de colonne et l'artillerie arrivent à 8 heures au débouché du bois près du pont en partie détruit; quelques Grenadiers se portent en avant pour le reconnaître.
"... le pont d'Elchingen était gardé, sur la rive gauche, par 300 Autrichiens avec deux pièces de canon. Onze bouches à feu (sept canons de 8, sept de 4, deux obusiers) leur furent opposées tout d'abord par le maréchal Ney et en eurent facilement raison; mais il n'y avait pas de temps à perdre : sans attendre le succès de la canonnade, le maréchal ordonne au capitaine Coisel, aide de camp du général Loison, de donner l'exemple et de replacer le premier madrier avec l'aide d'un sapeur du 6e léger. Celui-ci a aussitôt la jambe par un boulet ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Ils se saisissent des planches jetées sur le fleuve par l'ennemi, et arrêtées aux pilotis. Mais une Compagnie du 6e et les Grenadiers du 39e n'attendent point et se précipitent sur les poutrelles, tombent sur l'ennemi qui abandonne les maisons du péage.
Loison fait appuyer ses troupes à droite contre le bois. Le Général Villatte doit porter le 6e sur Elchingen et l'Abbaye, le 1er Bataillon du 39e sur la chapelle Saint-Wolfgang.
"... Le pont devenu plus praticable, le général Loison donna l'ordre d'appuyer à droite, et d'adosser aux bois les troupes de la division. Il ordonna en conséquence, au général Villatte, de se porter avec le 6e (léger) et le 39e (de ligne) dans cette position, d'y mettre les troupes en bataille jusqu'à ce que les têtes des colonnes des 69e et 76e régiments (de ligne) eussent débouché et fussent en mesure pour le soutenir, ce qui fut exécuté, à l'exception du retard qu'éprouva le 2e bataillon du 39e, coupé par la cavalerie qui défilait sur le pont ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
"... Le 2e bataillon du 39e, puis la brigade Roguet (69e et 76e) traversent le pont à leur tour et se portent en avant. Les 18e, 19e et 23e dragons passeront successivement ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Les Autrichiens ont l'avantage de la position, ils tiennent le village d'Ober-Elchingen étagé en terrasses au rebord d'un plateau abrupt et couronné par les importants bâtiments du couvent. La pente s'abaisse légèrement au nord vers la chapelle et Unter-Elchingen, et s'élève au nord-ouest vers les bois. C'est au point culminant qu'est massé en deuxième ligne le gros des forces adverses.
Le 1er Bataillon du 39e, accablé par le nombre, est rejeté sur la lisière du bois qui borde le Danube; l'attaque du 6e Léger, par contre, réussit complètement.
Ney, en grand uniforme, paré de ses décorations, franchit le pont, en tête du 69e.
Les 69e et 76e se forment en colonnes et marchent au plateau. La cavalerie doit les soutenir en obliquant à droite.La Brigade pénètre comme un coin entre Saint-Wolfgang, où vient de parvenir enfin le 39e, et le village aux mains du 6e Léger.
"... Le 69e et le 76e ont débouché du pont, chacun d'eux formant alors une seule colonne de régiment, et ils se dirigent sur l'intervalle entre l’abbaye et Saint-Wolfgang. Arrivés là, ils se déploient en éventail à portée de fusil de l'ennemi ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
"... Les 69e et 76e, commandés par le général Roguet, reçurent l'ordre de se former en colonne par régiment et de marcher droit au plateau d'Elchingen, où l'ennemi paraissait vouloir faire plus de résistance.
La cavalerie (légère) reçut l'ordre de soutenir ces colonnes en obliquant à droite ...
Ces mouvements furent exécutés avec intrépidité; M. le maréchal Ney fut constamment au milieu du feu le plus vif" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
"Le lieu où je jugeai pour la première fois de la vigueur qu'apportent les Français au combat, ce fut à Elchingen, le 12 octobre 1805 ; il s'agissait d'enlever une formidable position défendue par 40 pièces de canons et 20.000 Autrichiens ; les canons vomissaient incessamment la mitraille. Le colonel Colbert, le dernier de ce grand nom, qui commandait l'avant-garde à la tête du 26e de chasseurs à cheval, en passant au grand trot près du 69e qui grimpait au pas de course à l'attaque, dit à son ami Brun : "Y es-tu, colonel ? - Pourquoi pas !" répondit il, puis il pique des deux son superbe alezan, charge avec Colbert et taille en pièces les hulans d'Esterhazy ; les pièces de canons furent prises incontinent, et ce fut de la part de l'ennemi une déroute complète. Rien ne peut résister à cette furie guerrière dont les Français ont seuls le monopole.
J'ai vu l'Empereur mouillé, crotté comme un barbet ; sa redingote grise, autant par la boue que de sa couleur naturele ; son chapeau trempé comme une éponge qui lui tombait sur le collet de son uniforme ; ce chapeau n'avait plus de forme. Oh que c'était admirable une Majesté telle que la sienne, qui n'était pas plus épargnée que le dernier de ses tambours. Quelle sublime poésie le premier génie du siècle, l'homme prodigieux en qui les gens de cour, les oisifs, les hommes d'argent, les oligarques de village, les ouvriers d'ateliers ne veulent voir qu'un despote odieux, un conquérant insatiable, tandis que l'artisan, l'artiste, le laboureur et le soldat, dont l'instinct est plus sûr que le nationalisme de ces vains et puissants critiques, ont vu et voient encore l'homme-peuple, le protégé, l'instrument de Dieu ; le produit le plus glorieux de l'émancipation politique, du mérite et du génie ; la personnification de l'esprit d'égalité qui, encore de nos jours (1858), travaille la société européenne toute entière.
Je me rappelle que ce qui m'impressionnait le plus, moi enfant de 14 ans alors, c'était de voir 1'Empereur au milieu du danger, des boulets et de la mitraille, s'exposer comme les braves de 1'armée, et là, déployer son génie pendant la bataille ; son sang-froid et son coup d'oeil d'aigle étaient vraiment admirables, et on comprend, quand on l'a vu soi-même, le fanatisme qu'il pouvait inspirer à ses soldats" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
"Cet intrépide régiment, raconte le commandant Guillaumet, en parlant du 69e, conduit par son digne colonel, M. Brun, monta en colonnes au pas de course sous un feu de mitraille des plus meurtriers. D'aussi loin que put se faire entendre de nous ce brave colonel, il nous cria : " Braves enfants du 6e, tenez bon, voici vos amis du 69e qui viennent à votre aide". Ce régiment et son chef étaient à ce moment dignes d'admiration par leur impassible et constante fermeté. Il est impossible, si on ne l'a vu, de croire que des hommes puissent être aussi braves et aussi calmes dans le péril le plus imminent" (cité par le Capitaine Gremillet : "Un régiment pendant deux siècles").
Parvenue à portée de fusil, la Brigade Roguet se déploie.
Ney projette de couper la route d'Ulm. Le 69e a mission de s'emparer du bois au nord-ouest du village et de se diriger constamment sur la droite des Autrichiens.
"Le maréchal Ney, dit le Général Roguet, me donna ordre de rompre le 1er bataillon par pelotons à gauche, de longer le front de la ligne ennemie, entre le couvent et cette ligne, vers son extrémité droite, de la déborder, de passer entre la tuilerie et le bois. Avec moins de résolution et de calme, cette manoeuvre des plus audacieuses exposait le 69e régiment à être défait en entier ...
Ce beau et hardi mouvement fut exécuté avec la méthode, la régularité et la précision que l'on aurait pu exiger dans un exercice de parade; il eut tout le succès que méritaient les nobles inspirations du maréchal, le dévouement et la bravoure brillante du 69e régiment ....
Notre audace fit une impression telle sur les Autrichiens qu'ils se mirent dans le plus grand désordre et abandonnèrent toute leur artillerie .... " (Mémoires militaires du lieutenant-général Comte Roguet).
"... Les Mémoires du maréchal Ney continuent ainsi : « Roguet rompt par pelotons à gauche avec le 69e, longe intrépidement le front de la ligne ennemie, et reçoit son feu à bout portant» ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Brun eut son cheval blessé. Mais c'est de celui du Colonel Lajonquière, du 76e, que parle Louis Sabon dans ses Mémoires :
"Au combat d`Elchingen, je fus, entre autres, péniblement affecté à la vue du cheval du colonel du 76e régiment. La pauvre bête venait d'avoir la jambe cassée par un biscayen, elle essayait vainement de marcher avec sa jambe qui ne tenait plus qu'au moyen des chairs ; je désirais vivement lui porter secours, mais cela ne me fut pas possible" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Riesch, Lieutenant de Mack, rangé en bataille, sur deux lignes, devant la progression de l'infanterie à droite et de la cavalerie à gauche, forme trois carrés de chacun 4000 hommes et cherche à gagner la route d'Albeck à Ulm en s'appuyant aux bois, soutenu par son artillerie et sa cavalerie.
Ces différents carrés sont attaqués par les 69e et 76e avec succès.
"... Arrivé sur le plateau, M. le maréchal ordonna de s'emparer du bois qui est à gauche (le 69e y marcha) et de diriger constamment les mouvements sur la droite de l'ennemi, ce qui fut exécuté par le général Roguet, les colonels Brun et La Jonquière; les deux premiers eurent leurs chevaux blessés et le troisième eut le sien tué.
Dans le moment où ces deux régiments firent leur attaque sur un carré ennemi, le 18e dragons fit une charge tellement vigoureuse que l'ennemi mit bas les armes ... L'ennemi, qui, à notre arrivée sur le plateau, était en bataille sur deux lignes, voyant les mouvements qui s'exécutaient sur sa droite par notre infanterie et ceux que M. le maréchal avait ordonnés à la cavalerie d'exécuter sur la gauche, forma plusieurs carrés, dont trois forts de 4,000 hommes chacun, et chercha constamment, à gauche, la route d'Albeck à Ulm, en s'appuyant aux bois et soutenu par sa cavalerie et son artillerie.
Ces différents carrés furent attaqués par les 69e et 76e (de ligne) et forcés d'abandonner à ce dernier (régiment) 4 officiers supérieurs, 7 officiers et 111 sous-officiers, canonniers et soldats, 4 pièces de canon et plusieurs caissons. Une colonne de 700 hommes, mise en fuite par le 1er bataillon du 76e, fut entièrement ramassée par le 10e chasseurs à cheval ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
"... « L'ennemi qui, à notre arrivée sur le plateau, était en bataille sur deux lignes, voyant les mouvements qui s'exécutaient sur sa droite par notre infanterie, et ceux que M. le Maréchal avait ordonnés à la cavalerie d'exécuter sur la gauche, forma plusieurs carrés, dont trois forts de 4.,000 hommes chacun (Note : Chiffre exagéré et très éloigné de la vérité), et chercha constamment à gauche la route d'Albeck à Ulm en s'appuyant aux bois, soutenu par sa cavalerie et son artillerie. Ces différents carrés furent attaqués par les 69e et 76e régiments, et forcés d'abandonner à ce dernier 4 officiers supérieurs, 7 officiers et 111 sous-officiers, canonniers et soldats, 4. pièces de canon et plusieurs caissons. Une colonne de 700 hommes (de 1600 à 1800 avec drapeau, selon le colonel Colbert) mise en fuite par le 1er bataillon du 76e, fut entièrement ramassée par le 10e de chasseurs à cheval (Note : Rapport du général Loison) ..... ».
Un carré autrichien, formé entre l'abbaye et le bois, essuie le feu du 76e, résiste à deux charges du 3e hussards, puis du 10e chasseurs, et cède enfin au 18e dragons, au moment où ce régiment débouche sur le plateau ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Le Général Villatte oblique fortement à gauche avec les troupes des 6e et 39e qu'il a pu réunir, et marche contre les deux bois en face de Kesselbronn, entre lesquels passe le chemin qui joint Elchingen à la grande route; il doit y prendre position, pour observer la droite ennemie.
Le Général Roguet, en même temps, se porte avec le 69e et le 2e Bataillon du 76e à hauteur de Kesselbronn, à gauche du boqueteau qui est en face de la route d'Albeck, tandis que le 1er Bataillon du 76e passe entre la route et ce boqueteau pour s'établir en arrière. Le Général Malher (3e Division) est en mesure de soutenir Loison en cas de retraite.
"... Le 69e et le 76e se portent vers la grand'route de part et d'autre du petit bois (Note : Entre le Grosser-Forst et le Käfer-Loch) qui borde le chemin de Göttingen à Haslach. (Le 69e et le 2e bataillon du 76e au Sud, le 2e bataillon du 76e au Nord) ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
"... Le général Roguet reçut en même temps l'ordre de se porter avec le 69e et le 2e bataillon du 76e à hauteur de Kesselbronn, en passant à gauche du bois qui est en face de la route d'Albeck, tandis que le 1er bataillon du 76e, également en colonne, devait passer entre la route d'Albeck et ce même bois et venir prendre position en arrière des 69e et 76e ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
Puis, la Brigade a à s'emparer de la route d'Albeck et des bois en face d'Ober-Haslach et en chasse plusieurs colonnes. De son côté, Villatte doit passer le ravin de Kesselbronn et enlever les hauteurs et le bois en face d'Unter-Haslach.
L'attaque, vigoureusement conduite, met l'ennemi en déroute. Sa cavalerie cherche, par une charge, à arrêter l'infanterie française, elle est reçue par les 69e et 76e formés en carrés.
"... Ce mouvement exécuté, les colonnes furent rejointes par la cavalerie (légère) aux ordres du colonel Colbert, et, après s'être assuré que la division aux ordres du général Malher était en position, pour soutenir en cas de retraite et empêcher que l'ennemi n'inquiétât la gauche de la division, les généraux Villatte et Roguet reçurent l'ordre, le premier, de passer le ravin de Kesselbronn, de s'emparer des hauteurs et du bois qui sont en face de Unter-Haslach, et le second, de s'emparer de la route d'Albeck à Ulm et des bois qui sont en face d'Ober-Haslach, d'en chasser l'ennemi qui y avait réuni plusieurs colonnes soutenues par un corps de cavalerie.
Ces deux brigades attaquèrent vigoureusement l'ennemi qui fut complètement mis en déroute. Sa cavalerie (de l'ennemi) chercha par une charge à arrêter le mouvement de notre infanterie. Elle fut reçue par les 69e et 76e qui avaient formé le carré, et chargée par la cavalerie aux ordres du colonel Colbert, qui de sa main tua un uhlan ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
A l'arrivée des Dragons de Bourcier, Loison poursuit les fuyards jusqu'en face de Jungingen, qu'il fait canonner.
Mais la nuit tombe et le Maréchal ordonne de se retirer sur Albeck; la Division retraite en échiquier, soutenue par la cavalerie. Elle bivouaque, la droite appuyée à Albeck, la gauche vers Goettingen.
Le résultat de la journée est de couper la colonne ennemie dont partie se retire sur Ulm, partie sur Nareushausen. Ney a fait 4500 prisonniers, pris 4 pièces, 12 caissons et plusieurs drapeaux (d'après la Correspondance du 6e Corps).
"Le 13 octobre, l'Empereur se porta au quartier général du maréchal Ney, et ordonna de resserrer encore plus l'armée ennemie, en s'emparant du pont et de la position d'Elchingen (rive gauche).
Le même soir, l'armée française était à deux lieues d'Ulm, formant un cercle autour de la place et partout en présence des postes avancés de l'ennemi. Napoléon donna l'ordre d'attaquer sur tous les points, Le 14 au matin, l'Empereur alla lui-même faire une reconnaissance, et s'avança jusqu'au château d'Adelhausen, à 1,500 toises de la tête du pont.
De ce point élevé, il pouvait observer le mouvement des nombreux tirailleurs français qui, dans toutes les directions, refoulaient vers la place les avant-postes autrichiens, et l'attaque, par le 6e corps, du pont et de la position d'Elchingen.
Cette position était formidable ; le village d'Elchingen s'élève en amphithéâtre sur le flanc d'une colline au bord du Danube. Il est entouré de jardins clos de murs, formant des terrasses superposées. Un vaste couvent couronne la hauteur. Le temps était affreux; le Danube débordait ; le pont, en partie brûlé, venait d'être réparé imparfaitement; 16,000 hommes et 40 pièces de canon défendaient le passage.
Ney, en grande tenue de maréchal, se mit à la tête de la division Loyson. Le 69e de ligne, excité par sa présence, força le passage et culbuta un régiment autrichien qui défendait les accès du pont.
Les Français ne lui laissèrent pas le temps de le couper, ils le traversèrent au pas de course, pêle-mêle avec les fuyards, et se formèrent en bataille au pied de l'escarpement, sous le feu plongeant des Autrichiens. Une nouvelle et impétueuse attaque emporta le couvent retranché où l'ennemi s'était refugié. Les Autrichiens tenaient encore. Une bataille rangée s'engagea sur le plateau. Le reste du 6e corps passa le Danube.
Le 69e, qui avait forcé le passage du pont, continua à s'avancer, soutenu par le 76e de ligne, le 18e dragons et le 10e chasseurs. Deux charges successives de l'ennemi furent repoussées par des feux de bataillon exécutés avec le plus grand ensemble. Enfin à la troisième attaque, et après trois heures de combat, l'ennemi, voyant sa ligne rompue et débordée, évacua la position d'Elchingen et fut poursuivi jusqu'au mont Saint-Michel, en avant d'Ulm" (A. Hugo, France militaire).
Le rapport du Général Loison, plus sobre dans sa forme, précise davantage certains détails; nous croyons devoir le reproduire ci-après :
"Le 22 vendémiaire (14 octobre), à la pointe du jour, la division Loyson se mit en marche pour déboucher par le pont d'Elchingen. La 1re brigade (6e léger et 39e de ligne) ouvrit le feu sur la rive droite. Le pont réparé sous sa protection, le maréchal Ney le franchit aussitôt à la tête du 69e et aux cris de "Vive l'Empereur !". Le 6e léger s'établit à la chapelle Saint-Wolfgang, dans l'abbaye d'Elchingen, à la tuilerie, où il fit 600 prisonniers. Les autres troupes de la division prirent position le long des bois qui bordent le pied de la hauteur. Le 69e tenait la gauche. L'ennemi défait dans un premier engagement, sa cavalerie voulut profiter du moment où la division Loyson arrivait en colonnes et se déployait de l'autre côé du bois pour attaquer.
Le général, faisant former chacun de ses régiments en carré, attend cette cavalerie de pied ferme et la reçoit avec le feu le mieux dirigé. C'est en vain qu'elle redouble ses efforts, elle est obligée de se replier. Le général Roguet, avec les 76e et 69e, se dirige par la grande route, pénètre dans le bois de Morizen et prend position en avant du chemin communiquant à Kesselbrunn ; là, il soutient encore le choc de la cavalerie ennemie qui est de nouveau repoussée. La division Loyson se développa sur le plateau d'Haslach et resta dans cette position".
Le Général Loison fait un autre rapport au Maréchal Ney le 22 Vendémiaire an 14 (14 octobre 1805); il écrit : "La division, partie de la position de Reinpolzhofen le 21 vendémiaire (13 octobre), à 8 heures du soir, se dirigea sur Nersingen et Leiben, où elle arriva dans la matinée du 22. Là, je reçus de vous l'ordre de me porter au pont d'Elchingen et de m'en emparer ainsi que des hauteurs de l'abbaye du même nom. Les têtes de colonnes et l'artillerie arrivèrent à 8 heures aux débouchés du bois qui conduisent au pont ; quelques grenadiers et sapeurs se portèrent en avant pour le reconnaitre ainsi que ses environs. Deux pièces de 8 et un obusier furent placés sur la gauche afin de protéger le rétablissement du pont et de répondre à l'artillerie placée sur la rive opposée. Ces dispositions prises, vous ordonnâtes à M. Coisel, mon aide de camp, capitaine, de poser la première planche, ce qu'il fit, accompagné d'un sapeur du 6e régiment qui eut la jambe emportée d'un coup de mitraille.
Les grenadiers se saisirent alors des planches que M. le général Villatte avait fait apporter de Leiben et de celles que les ennemis avaient jetées dans le fleuve et qui s'étaient arrêtées aux pilotis, et les portèrent sur le pont, mais une compagnie de carabiniers, les voltigeurs du 6e régiment et les grenadiers du 39e, n'écoutant que leur courage, se précipitèrent sur les poutrelles sans attendre qu'elles fussent revêtues de planches et traversèrent le pont de cette manière. Ensuite tombant sur l'ennemi et ses pièces qui battaient le pont, ils le forcèrent, après en avoir tué un grand nombre, d'abandonner les premières maisons derrière lesquelles ils étaient retranchés.
Le pont devenu plus praticable, j'exécutai l'ordre que vous m'aviez donné de faire appuyer à droite et d'adosser au bois les troupes de ma division; j'ordonnai en conséquence à M. le général Villatte de se porter avec le 6e et le 39e dans cette position, d'y mettre ses troupes en bataille jusqu'il ce que les têtes de colonnes des 69e et 76e régiments eussent débouché et fussent en mesure pour le soutenir, ce qui fut exécuté, à l'exception du retard qu'éprouva le 2e bataillon du 39e régiment. coupé par la cavalerie qui défila sur le pont.
Quelques troupes de l'ennemi s'étant retirées avec une pièce de canon sur la route de Thalfingen, j'ordonnai au général Villatte de détacher quelques tirailleurs et quatre compagnies sur sa gauche, afin de les repousser pour n'en être plus inquiété dans son mouvement.
Le 1er bataillon du 39e régiment, commandé par M. Clavel, à l'exception des grenadiers et de la 2e compagnie qui avaient été laissés en avant du pont, se forma en colonne serrée et fut dirigé vers la chapelle de Saint-Wolfgang, avec ordre de s'en emparer et de se porter ensuite sur le plateau de l'abbaye, tandis que le 6e régiment, marchant également en colonne et soutenant les tirailleurs, s'emparait d'Elchingen et de l'abbaye.
Le 1er bataillon du 39e trouva l'ennemi en force et repoussa deux charges de cavalerie ainsi que l'attaque de trois bataillons de grenadiers. Enfin, accablé par le nombre et son second bataillon n'étant point en réserve pour le soutenir, il fut forcé de se retirer à la première position du bois et fut vivement chargé pendant sa retraite par la cavalerie et l'infanterie ennemies. Le bataillon a donné des preuves du plus grand courage et son commandant, M. Clavel, s'est particulièrement distingué.
L'attaque du 6e régiment réussit parfaitement : il s'empara du village et de l'abbaye où il fit environ 800 prisonniers.
Pendant ces différentes attaques, la cavalerie aux ordres de M. le colonel Colbert, ayant passé le pont, fut suivie par le 2e bataillon du 39e régiment, qui vint prendre position à la gauche de son 1er bataillon; elle fut mise elle-même en bataille dans la prairie qui est en face du plateau d'Elchingen.
Les 69e et 76e régiments, commandés par M. le général Roguet, reçurent l'ordre de se former en colonne par régiment et de marcher droit au plateau d'Elchingen, où l'ennemi paraissait vouloir faire plus de résistance ; je donnai également à la cavalerie celui de soutenir ces colonnes en obliquant à droite. Le 2e bataillon du 39e et le restant du 1er reçurent de M. le général Villatte l'ordre de se former en colonne et de regagner les hauteurs de Saint-Wolfgang en marchant de front avec la 2e brigade. Les mouvements furent exécutés avec intrépidité et personne ne peut mieux que vous, Monsieur le Maréchal, rendre justice aux différents chefs qui commandaient ces colonnes, puisque vous fûtes constamment au milieu du feu le plus vif.
Arrivés sur le plateau, vous ordonnâtes de s’emparer du bois qui est à gauche et de diriger constamment les mouvements sur la droite de l'ennemi, ce qui fut exécuté par M. le général de brigade Roguet et MM. les colonels Brun et La Jonquière. Le 1er et le 2e eurent leurs chevaux blessés et le 3e eut le sien tué.
Dans le moment où ces deux régiments firent leur attaque sur un carré ennemi, le 18e régiment de dragons fit une charge tellement vigoureuse que l'ennemi mit bas les armes; le colonel Lefebvre s'est particulièrement distingué.
L'ennemi, qui à notre arrivée sur le plateau était en bataille sur deux lignes, voyant le mouvement qui s'exécutait sur sa droite par notre infanterie, et ceux que vous aviez ordonné à la cavalerie d'exécuter sur sa gauche, forma plusieurs carrés dont trois que je jugeai être forts de chacun 4,000 hommes et chercha constamment à gagner la route d'Albeck à Ulm en s'appuyant aux bois, soutenu par la cavalerie et son artillerie.
Ces différents carrés furent attaqués par les 69e et 76e et forcés d'abandonner à ce dernier régiment 4 officiers supérieurs, 7 officiers. 111 sous-officiers, canonniers et soldats, 4 pièces de canon et plusieurs caissons. Une colonne de 700 hommes mise en fuite par le 1er bataillon du 76e fut entièrement ramassée par les tirailleurs du 10e régiment de chasseurs à cheval.
J'ordonnai ensuite à M. le général Villatte d'obliquer fortement à gauche, avec les troupes des 6e et 39e régiments qu'il avait pu réunir et de s'emparer des deux bois qui sont en face de Kesselbronn, entre lesquels passe le chemin de traverse qui d'Elchingen rejoint la route d'Albeck à Ulm, d'y prendre position et de jeter des tirailleurs sur sa gauche afin d'observer les mouvements que l'ennemi aurait pu faire par la route de Thalfingen. M. le général Roguet avait en même temps reçu l'ordre de se porter avec le 69e et le 2e bataillon du 76e à la hauteur de Kesselbronn, en passant à la gauche du bois qui est en face de la route d'Albeck, tandis que le 1er bataillon du 76e également en colonne, devait passer entre la route d'Albeck et ce même bois et venir prendre position en arrière des 69e et 76e. Ce mouvement exécuté, les colonnes furent rejointes par la cavalerie aux ordres de M. le colonel Colbert et après m'être assuré que la division Malher était en position pour me soutenir en cas de retraite et empêcher que l'ennemi ne vînt m'inquiéter sur ma gauche, j'ordonnai aux généraux Villatte et Roguet de passer, le premier le ravin de Kesselbronn et de s'emparer des hauteurs et du bois qui sont en face de Unter-Haslach, et le second, de s'emparer de la route d'Albeck à Ulm et des bois qui sont en face de Ober-Haslach et d'en chasser l'ennemi qui y avait réuni plusieurs colonnes soutenues par un corps de cavalerie. Les deux brigades attaquèrent vigoureusement l'ennemi, qui fut complètement mis en déroute. Leur cavalerie chercha par une charge à arrêter le mouvement de mon infanterie, elle fut reçue par les 69e et 76e qui avaient formé le carré, et chargée et culbutée par la cavalerie aux ordres de M. le colonel Colbert, qui de sa main tua un uhlan; mon aide de camp, chef de bataillon, M. Michaud, qui prit part à cette charge, tua également un uhlan. Arrivèrent dans ces entrefaites les dragons aux ordres de M. le général Bourcier, deux pièces de 8, une de 4 et un obusier. Je profitai de ce renfort pour poursuivre l'ennemi jusqu'en face du village de Jungingen où sa cavalerie fut vigoureusement canonnée. Ensuite, d'après vos ordres, j'ordonnai la retraite sur Albeck, laquelle se fit en échiquier, soutenue par la cavalerie. La division prit position, la droite appuyant à la ville, et la gauche se prolongeant vers Göttingen qu'occupèrent les dragons aux ordres de M. le général Bourcier.
Les résultats de cette journée sont : la colonne ennemie coupée, dont partie fut obligée de se retirer sur Ulm et l'autre sur Langenau et Nerenstetten, environ 4,500 prisonniers, 4 pièces de canon, 12 caissons, plusieurs drapeaux et un grand nombre de tués et blessés. De notre côté, nous avons à regretter 106 hommes tués dont 6 officiers, et 623 blessés dont 31 officiers.
Vous avez été témoin, Monsieur le Maréchal, de la conduite valeureuse de MM. les généraux de brigade Villatte et Roguet, de MM. les colonels Brun, La Plane, Maucune, Colbert et La Jonquière, des talents qu'ils ont déployés, de la précision des manœuvres de leurs régiments, qui se sont faites comme sur un champ d'exercice. Je vous prie de vouloir bien les recommander à la bienveillante protection de Sa Majesté Impériale et Royale, ainsi que ceux des militaires dont les noms sont portés sur l'état ci-joint et pour lesquels MM. les généraux et chefs de corps réclament de l'avancement ou la décoration de la Légion d'honneur" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 727 - Un rapport semblable a été adressé an prince Murat; la division faisait partie de l'aile droite de l'armée que le prince commandait. Dans ce rapport, en post-scriptum, le général Loison signale la conduite brillante et distinguée de M. Hamelinaye, adjudant-commandant, son chef d'état-major, ct demande pour lui le grade de général de brigade).
Dans son Rapport daté de Söfflingen, le 26 Vendémiaire an 14 (18 octobre 1805), le Colonel Colbert écrit : "... Le 69e régiment ayant enlevé la position, les détachements des deux régiments, formant en tout deux escadrons, se sont portés sur la hauteur, et aussitôt, d'après vos ordres, Monsieur le Maréchal, j'ai fait charger une ligne d'infanterie autrichienne soutenue de 150 cuirassiers qui menaçaient notre infanterie encore mal formée. Le succès n'a point été tel que j'aurais pu le désirer ; malgré la bravoure des chefs et la décision valeureuse des hussards du 3e régiment, ils ont été arrêtés par les cuirassiers qui étaient protégés par les feux de flanc de leur troupe. J'ai dû alors abandonner l'infanterie à vingt pas de laquelle j'étais déjà, pour faire une conversion à droite afin de dégager les hussards ; je crois que sans ce mouvement, ils auraient encore souffert beaucoup davantage ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 727).
" ... Au combat d'Elchingen, le 23 vendémiaire, le 69e régiment de ligne s'est distingué. Après avoir forcé le pont en colonne serrée, il s'est déployé à portée du feu des Autrichiens avec un ordre et un sang-froid qui ont rempli l'ennemi de stupeur et d'admiration" (Extrait du 10e bulletin, Augsbourg, 30 vendémiaire an XIV (22 octobre 1805) - Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 452 ; Correspondance de Napoléon, t.10, lettres 9416 ; Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1029).
Les troupes sont harassées par cette lutte de dix heures. Combien restent sur le terrain, de ceux qui déjà se sont signalés parmi les plus braves ? Le Caporal Cézar, un des héros d'Italie, le Lieutenant Paris, dont on se rappelle la conduite à Aboukir, blessé à mort dans le courant de la journée. Sont également tués le Capitaine Robert et les Sous lieutenants Franc et Lombard. Parmi les blessés, figurent les Capitaines Dupont, Hanecke, Camelier, Giraud, Sibert, Pascal et Oulouse, les Lieutenants Delpech et Perrot, et les Sous lieutenant Labille, Berret, Lanty, Dartigue et Lardière.
Parmi la troupe, ont été tués ou sont morts de leurs blessures les Caporaux Moulin, Montenot, Hayet, Gay, Moulon, le Tambour Mayer, les Fusiliers Meucret, Masson, Vinaise, Lamy, Viégeot, Faerber, Berthelin, le Grenadier Florentz, Sergent Durand, Sergent-major Dewern, Caporal César, Fusilier Boulogne, Grenadier Avril, Sergent Pichon, Fusiliers Nival et Pannier.
Un "État des militaires qui se sont distingués à Elchingen le 22 vendémiaire an XIV" mentionne pour le 69e de Ligne : "IBRY, sergent, mérite de l'avancement.
ROY, sergent-major, porte-drapeau.
CAZAL, caporal de grenadiers, blessé grièvement" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 745).
- Combat de Michelsberg
Dans la nuit du 14 au 15 octobre, Napoléon fait occuper par Ney les hauteurs au Nord d'Ulm, et Lannes passe sur la rive gauche du Danube, pour prendre les positions abandonnées par Ney à l'Est de la ville, vers Haslach.
"J'allais dans un grand village à une lieue de marche ; là je trouvai notre grosse caisse qui venait de mettre cuire dans un four quatorze pains qu'il avait pétris lui-même, quand vint s'y établir une division de dragons pour s'y reposer et s'y sécher. Une sentinelle fut placée par eux pour empêcher qu'on ne sortît le pain du four sans l'ordre du capitaine des dragons, ce qui mit Charles (notre grosse caisse), fort en colère. Ce Charles était Provençal, vieux troupier peu endurant ; il avait fait toutes les campagnes de la République ; les tron-de-l'air ne lui coûtaient rien, ni les coups de sabre non plus, lors même que la partie ne fût pas égale. Il s'était déjà monté la tête contre le factionnaire, et venait de lui dire avec ce ton brusque des militaires : "Je vous fourre dans le four si vous vous avisez de toucher à ces pains," lorsqu'à cet instant sonne le boute-selle ; une division autrichienne arrivait à fond de train sur le village ; cette division s'était séparée de son corps et s'était perdue, et elle mit bas les armes sans coup férir à la vue de nos dragons prêts à lui courir sus. Ces différentes troupes quittèrent alors le village, et nous restâmes les seuls maîtres et possesseurs du pain. Charles et moi, nous y passâmes la nuit seuls, les paysans s'étant enfuis" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 15 à 7 heures du matin, la Division part par la chaussée d'Ulm, jusqu'à hauteur de Jungingen; appuyant alors à droite, elle se porte sur la grande route de Stuttgard. Lannes et Ney attaquent simultanément les hauteurs fortifiée du Michelsberg, qui dominent la ville.
La 3e Division fait son attaque sur le Michelsberg, la Brigade Roguet reste en réserve avec l'artillerie pendant que le Général Villatte marche sur le Spitzberg et s'en empare.
Le soir même, Lannes et Ney sont complètement maitres de Michelsberg, et le 69e a brillamment coopéré à cette attaque.
"Le matin, nous nous rendîmes à Ulm ; là, nous vîmes l'Empereur tout près, au moment où il pointait un obusier de douze sur un grand bâtiment auquel le feu prit de suite" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 16, toute la Division Loison s'établit à l'ouest de la chaussée d'Albeck; huit bouches à feu sont placées dans les intervalles des quatre Régiments.
- Capitulation d'Ulm
Le 17 octobre, Mack capitule.
Le Commandant Giraud écrit (il y a de nombreuses erreurs dans les dates et les conversions de dates) :
"Guntzbourg, le 26 brumaire an 14
(18 octobre 1805).
Aucun poste n'est encore établi dans des divisions qui opèrent en Allemagne; voici cependant quelques indications sur ce que nous avons fait depuis notre passage du Rhin jusqu'à la bataille d'Elchingen qui a eu lieu le 22 de ce mois (14 octobre).
Le 13 vendémiaire, nous avons pris position à Langenau, sur la rive droite du Danube, laissant la lre division seule, sur la rive gauche, à Albeck, en face d'Ulm et à trois lieues de distance de l'ennemi. Le 11, cette division livra à Albeck, un combat prodigieux contre toute l'armée autrichienne. Cette journée fut très glorieuse pour nos armes, mais une des plus pénibles. Le même soir, il fallut se remettre en route pour faire la chasse aux habits blancs, en colonnes par bataillon sur un terrain, coupé, difficile, jonché de casques de fusils et de sacs.
La division Dupont (1re) n'était pas moins très en l'air ; c'est alors que la division Loyson (2e) reçut l'ordre de passer sur la rive gauche du Danube, pour donner la main aux vainqueurs d'Albeck.
Telle était-la situation lorsque Napoléon arrivait d'Augsbourg, le 21 vendémiaire au soir. En vérité, aucune langue ne saurait chanter la gloire de notre empereur. En un clin d'oeil, il a tout vu, et lui, qui n'avait pas quitté ses habits depuis neuf jours, galope à notre tête, radieux de gloire et de satisfaction.
Dès le soir même, la division Loyson prit position à Leiben et à Nassingen. Le lendemain, à huit heures du matin, elle marcha sur le village d'Elchingen; les maisons des pêcheurs et le couvent furent enlevés par le 6e léger et pendant que le 39e adossé à un bois résistait aux charges de la cavalerie autrichienne et cherchait à s'emparer de la
chapelle de Volfang, mon régiment, le 69e, passa le Danube à son tour et se plaça entre ce régiment et la cavalerie de Tilly.
Ces dispositions prises, le maréchal Ney lança la brigade Roguet à l'attaque du plateau d'Elchingen; les deux régiments accolés en colonnes serrées par division. Notre régiment marcha sur l'ennemi, sans tirer un coup de fusil jusqu'à portée de pistolet, puis on fit déployer les colonnes et croiser la baïonnette. Plus de 2,000 prisonniers, un drapeau et deux pièces de canon tombèrent entre nos mains. Tout cela a été le résultat de cinq minutes de combat. Elles ont suffi pour faire perdre au régiment environ quatre cents hommes, tant tués que blessés, et mettre hors de combat quatorze officiers, dont deux tués : le capitaine Robert et le sous-lieutenant Gaffé.
C'est en abordant la lisière est du bois du couvent que j'ai été blessé d'un biscaïen qui m'a fracturé le bras gauche, en perforant les chairs assez profondément.
Depuis quatre jours, il m'a été impossible de prendre une minute de repos. Le chirurgien-major qui m'a posé le premier appareil de pansement m'assure que ce n'est qu'une fracture simple, et que je ne dois avoir aucune crainte de mon bras. J'en accepte l'augure, car depuis ce matin, malgré les fatigues d'une position gênante pour écrire cette lettre, je n'ai ressenti aucune douleur désagréable de mon bras.
Mon intention est de me faire évacuer sur Strasbourg.
En ce moment, on s'occupe de la capitulation d'Ulm, dont on espère être maître avant trois jours.
P.-S. - Avant de fermer cette lettre, j'apprends à l'instant la capitulation d'Ulm. La victoire est à nous. L'ennemi est complètement battu et sous peu, vous apprendrez la défaite complète de l'armée autrichienne. Vive l'empereur ! ...
Nous sommes dans la neige et la boue jusqu'au col, buvant de l'eau très mauvaise et ne mangeant que des pommes de terre; bien heureux encore, lorsqu'après nos fatigues, nous trouvons un peu de paille pour nous étendre et nous reposer dans une maison quelconque. Malgré toutes ces misères, nous avons battu les Autrichiens, leur avons fait 45,000 à 50,000 prisonniers, et pris 100 pièces de canon. Toute l'armée autrichienne est détruite; il ne nous reste plus à battre que les Russes, après quoi nous trouverons le Tyrol pour y ramasser les débris de l'armée autrichienne qui s'y trouve et à laquelle le général Masséna ne fait aucun quartier.
Il faut voir nos victoires pour les croire" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
La garnison d'Ulm sort le 20 octobre et défile devant l'Empereur.
Le 69e de Ligne, fort de 2e Bataillons, fait partie des troupes présentes à la reddition de cette place et à la sortie de la garnison autrichienne, prisonnière de guerre (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 977 In : Bugeaud à Mlle de la Piconnerie. Linz, le 16 brumaire. - D'Ideville, Le Maréchal Bugeaud, t. 1, p. 73).
"A la faveur de la nuit, le prince Charles réussit à s'échapper en faisant une trouée dans nos rangs avec un corps de 600 chevaux, ce qui lui évita d'être fait prisonnier, mais comme dédommagement nous prîmes le général Mack, qui capitula avec 30.000 hommes, lesquels défilèrent devant l'Empereur et l'armée pendant une journée entière. Un hulan, honteux de rendre son cheval avec les pistolets dans les fontes, jeta les siens dans un ruisseau que nos prisonniers franchissaient sur un petit pont. Ils étaient très nombreux, en sorte qu'au bout d'une heure, comme ils suivirent cet exemple, il se forma dans le lit du ruisseau profond de quatre pieds en cet endroit, un pain de sucre de pistolets, qui dépassait d'un pied le niveau de l'eau.
A la nuit close, nous fîmes notre entrée dans la ville d'Ulm; nous fûmes logés chez le bourgeois, une compagnie par maison, et traités à bouche que veux-tu. C'est alors que les populations sont malheureuses suivant qu'elles ont eu une opinion tranchée pour la guerre ou si elles ont manifesté de la haine pour l'ennemi ; c'est alors qu'elles sont surchargées de toutes façons, et qu'on met en oeuvre tous les moyens pour les épuiser. L'humilité convenable vaut mieux assurément, en pareil cas, qu'une soumission malveillante et qui a pour but de satisfaire à cette susceptibilité du caractère humain qu'on est convenu d'appeler le point d'honneur. Les vaincus qui ne savent pas se soumettre à ces lois de la guerre, s'exposent par cela même à être battus, occupés par 1'ennemi victorieux, rançonnés et bafoués par le vainqueur qui se permet alors tous les excès, jusqu'à enlever les biens, les femmes et les filles, et qui, en définitive, ne laisse plus aux habitants conquis que les yeux pour pleurer. "C'est là un résultat des hasards de la guerre," disent les législateurs ; mais ces hasards érigés par eux en lois, les placent au premier rang des bourreaux de l'humanité" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
La pluie n'a pas cessé depuis l'entrée en campagne, les hommes sont couverts de boue, les distributions rares; mais, dès que le Petit Caporal apparait, un immense cri de : "Vive l'Empereur !" éclate. "L'Empereur, disent les soldats, ne fait plus la guerre avec nos bras, mais avec nos jambes".
Depuis trois semaines, chaque jour est un combat, chaque combat une victoire. L'armée autrichienne est anéantie, elle perd 200 canons et plus de 60 drapeaux !
Le même jour, 20 octobre 1805 (28 vendémiaire an 14), au Quartier général impérial, à Elchingen, un ordre du jour est promulgué : "L'Empereur témoigne sa satisfaction au corps d'armée du prince Murat, à celui de MM. les maréchaux Ney, Lanncs et Soult, ainsi qu'à celui du général Marmont et à la garde impériale, pour les marches qu'ils ont faites, pour la patience avec laquelle ils ont supporté les fatigues et les privations de toute espèce, qui ont valu les succès suivants.
Memmingen a capitulé entre les mains de M, le maréchal Soult, donné 5.000 prisonniers, 9 drapeaux, un grand nombre de canons et beaucoup de magasins.
Ulm a capitulé, ce qui a valu 28.000 prisonniers, 18 généraux, 50 pièces de canon attelées, 8.000 chevaux de cavalerie pour monter nos dragons à pied, et 40 drapeaux.
Le passage audacieux du pont d'Elchingen par le corps, d'armée du maréchal Ney, la prise de cette formidable position, ont valu 3.000 prisonniers, dont un général, et plusieurs pièces de canon.
Le combat de Langenau, de Neresheim et la capitulation de Nordlingen, par M. le prince Murat, ont valu 5 ou 6.000 prisonniers, 2.000 chevaux pour remonter nos dragons à pied, plusieurs drapeaux, un grand parc, quantité considérable de canons attelés, 3 lieutenants généraux et 7 généraux majors.
Au combat d'Elchingen, les 76e et 69e régiments d'infanterie et le 18e de dragons se sont successivement distingués.
Au combat d'Albeck, le 9e d'infanterie légère, le 32e et le 96e se sont couverts de gloire.
Aujourd'hui, à 3 heures après midi, la partie de l'armée autrichienne prisonnière dans Ulm, ayant à sa tête son général et chef, défile sur les glacis d'Ulm, devant l'Empereur.
Enfin, l'avant-garde du corps d'armée de Bavière a pris, entre l’Isar et l'Inn, plusieurs pièces de canon et beaucoup de bagages du corps d'armée du général Kienmayer.
Le résultat de tous ces événements glorieux est que l'armée autrichienne, forte de 100.000 hommes, est détruite 50.000 sont prisonniers, 80 drapeaux sont en notre pouvoir, presque toute l'artillerie ennemie et ses magasins.
L'Empereur fait connaître qu'il est content de son armée" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 952 ; E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 281; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 202).
Napoléon continue sa marche sur Vienne. Le 6e Corps est laissé provisoirement devant Ulm.
"Cantonnements du 6e corps d'armée.
Le 30 vendémiaire an 14 (22 octobre 1805).
… 2e division. - La brigade Villatte détachée pour la conduite des prisonniers.
La brigade Roguet, sur la route de Biberach.
Un poste du 69e à Laupheim.
Le 69e à Delmensingen et Stetten. Le 76e à Donaustetten, Gögglingen et Weiler.
Rassemblement près de Donaustetten,couvrant la route de Gögglingen.
Les généraux Loison et Roguet, à Gögglingen.
Un détachement de 30 hommes de cavalerie légère sera attaché à cette brigade, pour éclairer sur Ochsenhausen et Biberach, et pour communiquer avec la cavalerie légère ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1032).
Le 22 octobre, le 69e est à Delmensingen et à Stetten; un petit poste détaché à Laupheim aperçoit, dans la nuit, les patrouilles de l'adversaire en marche sur Biberach.
Le 24, le Régiment a ses Grenadiers et six Compagnies à Laupheim, six autres d'état-major (sic) à Achstetten, deux à Brunn et quatre à Stetten (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1156).
Un "Etat de situation des différents détachements envoyés par les bataillons de dépôt et qui doivent être arrivés à Spire le 18 brumaire et en partir le 19", signé par l'Adjudant commandant Petiet, indique, pour la 2e Division du 6e Corps d'Armée, que le détachement du 69e Régiment d'Infanterie de ligne n'est pas encore arrivé à Spire; il devait y être rendu le 22 Vendémiaire. Mouvement ordonné par deux lettres du Ministre, du 8 Vendémiaire. La colonne de l'ensemble des détachements doit arriver le 8 Frimaire à Braunau (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1170).
Le 25, la Division part de ses cantonnements à 10 heures du matin, la gauche en tête; elle se dirige sur Unter-Kirchberg, où elle passe l'Iller; elle suit la chaussée d'Ulm à Memmingen, où elle arrive dans la nuit.
"L'ordre de partir pour Guntzbourg étant arrivé, nous reçûmes celui d'être prêt pour l'exécuter à 5 heures du soir ; à ce moment le régiment fit une espèce d'émeute au sujet de deux prêts en retard; au commandement de "marche", les grenadiers restèrent en place en criant : "le prêt ! le prêt !" Cela aurait pu devenir sérieux pour quelques-uns d'entre les soldats, mais il y eut de l'ensemble et tous tinrent bon, et ils firent bien, car il aurait ou y avoir des hommes fusillés à l'instant même, ainsi que cela avait lieu dans ce temps-là. Force fut donc au colonel de payer les prêts en retard, et il en fut pour sa honte et les écus de nos morts, qu'il comptait confisquer à son profit, car cette nuit il y eut 300 hommes de moins sous les armes. Cela fait, nous partîmes, et il nous fallut marcher jusqu'à 5 heures du matin, dont trois heures furent employées à franchir des terres labourées ; cette partie de la route, durant laquelle nous eûmes toutes les peines du monde, vu que les guêtres, les sous-pieds et les chaussures se fixaient comme des artichauds en terre, une fois passée, nous éprouvâmes un véritable délassement, et nous nous mettions à courir, quoique nous eussions de la boue sur la chaussée que nous suivions, au moins un pouce au-dessus de la semelle, mais celle-là était liquide.
Pendant cette nuit et durant toute la marche, la division Malher se trouvait aux prises avec plusieurs divisions ennemies, et tout en avançant au pas de course on apercevait l'éclair des coups de fusils, mais nous ne pouvions percevoir le son à cause de l'éloignement où nous nous trouvions des combattants. Près de Guntzbourg, il nous fallut passer à travers un bois où il y avait quantité de morts et de blessés ; au nombre de ces derniers je remarquai particulièrement un sergent du 25e de ligne, frappé mortellement de deux balles à la tête ; il parlait encore, mais il nous fut impossible de le secourir en attendant sa fin prochaine. Il y avait plus de cinquante Autrichiens morts auprès de lui, que l'on pouvait reconnaître à cause du clair de lune qui se faisait de loin en loin.
La guerre est une chose atroce, terrible pour les bourgeois, les paysans, les femmes et les enfants ; quant aux militaires, qui ne demandent que plaies et bosses, c'est autre chose, c'est pour eux, au contraire, une vraie partie de plaisir. Ainsi, en Allemagne et en Autriche, (1805), le pays est dans l'aisance sans être riche, et les femmes sont charmantes ; on ne trouve parmi elles que peu de cruelles ; celles qui sont véritablement vertueuses ont dans le coeur une fibre de plus ou de moins que les autres, elles sont sublimes ou stupides. Prenez entre tous les pays, et vous verrez que les femmes, en temps de guerre, n'ont pas de patrie, elles n'ont que du sexe ; c'est ce qui faisait dire à un troupier, Français et galant, qu'il n'y a que deux belles choses au monde, les femmes et les roses.
Les hommes, en Allemagne, ne sont jamais jaloux de leurs femmes, cela est trop prosaïque pour eux; pourvu qu'ils aient une pipe, de la choucroute et du schnaps, de la bière ou leur dampnondaln, ils sont heureux et satisfaits. La femme, pour eux, n'est que la mère chérie de leurs enfants ; ils sont si religieux et si humains que, lorsque les chemises de nos soldats étaient mouillées, ils ôtaient la leur pour la donner. Bon peuple qui rend le bien pour le mal" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Un "Etat des présents sous les armes au 6e corps d'armée le 4 brumaire" indique que le 69e de Ligne est à la 2e Division; sa force est de 47 Officiers, 1501 Sous-officiers et soldats ; total 1518 (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 769).
Grande Armée à l'époque du 6 Brumaire an XIV (28 octobre 1805).
5e Corps d'Armée. Commandant en chef. Maréchal LANNES. 2e Division du 6e Corps. Général de Division. Loison. 6e Légère; 39e de Ligne; 69e de Ligne; 76e de Ligne. Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 4, p. 711 |
- Opérations dans le Tyrol
Tandis que Napoléon, avec le reste de l'armée, descend le Danube à la rencontre des Russes, et porte les aigles impériales sur les champs d'Austerlitz, le Corps de Ney, après six jours de repos, est chargé d'assurer le flanc droit de la Grande Armée et reçoit la mission plus modeste de chasser l'ennemi du Tyrol. Celui-ci est envahit avec environ 10.000 hommes, dont le 69e.
Napoléon ne peut en effet prolonger sa ligne d'opérations et assurer ses flancs, sans que ce pays soit entièrement evacué par l'ennemi. Aussi intrépides que leur chef, les soldats vont gravir, en novembre, les cols et les cimes escarpés des Alpes.
"Le 20 novembre 1805 (sic), nous fûmes détachés de la grande armée, sous le maréchal Ney, pour aller occuper le Tyrol, très joli pays. Notre corps, le 69e, s'acquitta au mieux de sa tâche, grâce au talent et au grand sens du maréchal. C'était la division Loison qui ouvrit la marche, commencée par Leutzerg" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 3 novembre, l'avant-garde de la Division formée par une Compagnie de Grenadiers et une de Voltigeurs du 69e, auxquelles se joint une Compagnie de voltigeurs du 76e, est dirigée sur Mittelwald; elle rencontre un poste, d'environ 60 hommes du Régiment de l'Archiduc Louis, l'attaque, fait prisonnier l'Officier et 43 hommes. Au bruit de la fusillade, 200 Autrichiens sortent du fort de Scharnitz pour soutenir leur poste; ils sont repoussés et obligés de se replier, non sans faire subir des pertes aux vainqueurs : le 69e a 1 tué (Lieutenant Pélicot) et 2 blessés.
Le Colonel du 69e somme le commandant du fort de Scharnitz de se rendre; il reçoit en réponse une lettre destinée au Maréchal Ney :
"Je suis bien décidé, avec les troupes sous mes ordres, à défendre le poste qui m'est confié, comme il convient à de braves militaires, et je me flatte, par là, de mériter vos suffrages.
C'est la réponse que j'ai l'honneur de vous remettre.
Recevez, Monsieur le Maréchal, l'assurance de ma plus parfaite considération.
Signé : Swinburne,
Lieutenant-colonel du régiment de l'Archiduc-Louis-Infanterie" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Deux jours plus tard, le Lieutenant colonel se retire du fort de Scharnitz.
En attendant, le 3 novembre, les troupes du 6e Corps sont cantonnées en profondeur; l'avant-garde (Brigade Roguet : 69e et 76e, avec le 10e Chasseurs), à Mittenwald (H. Bonnal).
"Le maréchal se porta sur Landsberg et de là sur Innsprück. Le 3 novembre, il atteignait Garmischgau (sur I'Isaar) et, de là, il se porta sur Leutach. La division du général Loyson investit ce poste fortifié, força les 300 hommes qui le défendaient à capituler, et marcha aussitôt sur Séefeld, village situé en avant du pas de Scharnitz" (A. Hugo; France militaire).
L'ordre de mouvement du 6e corps pour les journées du 4 et du 5 novembre est conçu par le Maréchal Ney d'après cette idée que le meilleur moyen de s'emparer des forts de Leutasch et de Scharnitz consiste à les tourner comme a fait Bonaparte, en 1800, pour le fort de Bard, afin d'atteindre Innsbruck, le plus tôt possible, en coupant la retraite aux défenseurs. D'après cet ordre, le Général Loison, avec un détachement du 10e Hussards et ses deux Régiments (69e et 76e), doit marcher, le 4 novembre, de Mittenwald sur Seefeld, en contournant, par l'Ouest, le fort de Leutasch, de beaucoup le moins important des deux ouvrages qui défendent la gorge de l'Isar supérieur. Le 5, la même Brigade doit occuper de bonne heure Innsbruck, après avoir laissé un gros détachement à Zirl, au débouché dans la vallée de l'Inn. Quant à la division Malher, elle doit se concentrer, le 4, à Mittenwald, et y attendre des ordres pour le lendemain (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 200).
Le 4 novembre, la Division se met en marche, de Mittelwald, à 7 heures, vers la montagne de Loethen.
- Prise du fort de Leutasch
Les 69e et 76e parviennent à son pied par des chemins très difficiles. L'avant-garde commence à gravir un sentier à pic et tellement étroit qu'on doit le suivre en file indienne. La descente est presque aussi pénible, on tourna le fort de Leutasch, défendu par un Bataillon de 750 hommes du Régiment de Kinski, un millier de paysans tyroliens et 4 bouches à feu.
Mais le commandant autrichien ayant eu connaissance du mouvement, sort avec un détachement et une pièce; cinq Compagnies du 1er Bataillon vont à sa rencontre, les quatre autres se déployent vers la partie la plus rapprochée du fort avec ordre de repousser toute sortie.
Le 2e Bataillon gagne la vallée, face au fort, le 76e à gauche. L'ennemi canonne vigoureusement les tirailleurs du 69e qui, après avoir passé la rivière de Leutasch, longent le versant opposé et menacent la gauche du fort. Les troupes sont prêtes pour l'assaut lorsque, sur une sommation du Général Loison, le commandant capitule. Le Lieutenant Pichon et le Sous-lieutenant Doumet se sont particulièrement distingués dans cette affaire.
"Le 4 novembre, nous étions devant Scharnitz. Le fort qui porte ce nom est une demi-couronne taillée dans le roc, avec un large fossé appuyé à sa droite par le fort de Leutasch. On devait enlever ces deux postes pour pénétrer dans le Tyrol et les enlever promptement, afin de cacher à l'ennemi notre petit nombre et ne pas lui laisser le temps de se réunir. Le 69e régiment de la division Loison attaqua le fort Leutasch. La colonne, guidée par des chasseurs de chamois, s'engagea dans des sentiers qu'on jugeait impraticables. Surpris par cette attaque imprévue, le commandant se rendit avec trois cents hommes" ("Souvenirs militaires de 1804 à 1814 par M. le Duc de Fezensac").
Le 4 novembre 1805 (13 brumaire an XIV), le Sous-lieutenant Gaffé est tué au fort de Leutach. Le Voltigeur Fraisse et le Caporal Naffoux sont morts le 4 novembre au fort de Lentasch (sic).
- Prise du fort de Scharnitz
Le 5 novembre, la Division part à deux heures du matin pour attaquer le fort de Scharnitz.
Le fameux retranchement de Scharnitz était une espèce de demi-couronne taillée dans un roc, défendue par un large fossé et appuyée à sa droite par le fort de Leutasch.
Loison forme deux colonnes, l'une débordante et l'autre de front.
"... C'étaient les mêmes soldats (le 69e) dont la valeur avait décidé l'affaire d'Elchingen, aucun obstacle ne put les arrêter. Pour se défendre des balles et d'une grêle de pierres que les chasseurs tyroliens faisaient pleuvoir sur eux, ils attachèrent leurs sacs sur leur tête : couverts de cette espèce de bouclier, embarrassés de leurs armes, ils s'accrochaient aux arbustes, aux racines, fichaient les baïonnettes dans les fentes, s'entr'aidaient et gravissaient ainsi d'un roc à l'autre. Les coups de carabine et les quartiers de roche qui écrasaient ou entraînaient au fond du précipice quelques-uns de leurs camarades animaient de plus en plus ces intrépides soldats; ils atteignirent enfin le sommet où les Tyroliens se croyaient tellement sûrs de ne pouvoir être attaqués qu'ils y avaient emmené leurs femmes et leurs enfants. Ils furent dépostés après s'être opiniâtrement défendus, et presque tous furent pris et désarmés. Les aigles du 69e, plantées sur la cime des rochers, servirent de signal à l'attaque de front que le maréchal Ney avait préparée et que celle du 69e par le flanc gauche et par la gorge rendit aussi prompte que décisive" ("Histoire des guerres de la Révolution", Mathieu-Dumas).
"Le 5 novembre, à deux heures du matin, deux colonnes furent dirigées contre le fort de Scharnitz; la première devait tourner ce poste, tandis que la seconde attaquerait de front. Le fort de Scharnitz est situé sur un plateau où l'on ne peut parvenir qu'avec les plus grandes peines et en escaladant des rochers à pic de plusieurs centaines de pieds de hauteur.
Le 69e régiment fut chargé de l'attaque. Les soldats attachèrent leur havresac sur leur tête pour parer l'effet des balles ou plutôt des pierres qui pleuvaient sur eux de toutes les sommités; à couvert sous ces boucliers d'une nouvelle espèce, ils gravirent les rochers en s'accrochant aux pointes, aux arbustes et aux racines, et en enfonçant leur baïonnette dans les crevasses. Arrivés ainsi sur le plateau, au milieu d'une grêle de balles et de mitraille, ces braves soldats s'y formèrent et s'avancèrent ensuite vers les murs qui furent escaladés. lls ne trouvèrent dans le fort qu'une centaine de chasseurs tyroliens et quelques habitants ; le reste des troupes s'était retiré sur Innspruck.
En opérant cette retraite, les Autrichiens rencontrèrent la première colonne que le général Loyson avait dirigée de ce côé pour leur couper la retraite. Après un court engagement, les Français, inférieurs en forces, allaient laisser le passage libre à l'ennemi, lorsque le 69e, qui, maitre du fort de Scharnitz, s'était mis à la poursuite de la garnison fugitive, arriva et changea la face du combat. Pris entre deux feux, les Autrichiens furent forcés de mettre bas les armes ; un drapeau, 16 pièces attelées et 1,800 prisonniers tombèrent au pouvoir des Français" (A. Hugo; France militaire).
"Les forts de Scharnitz et de Neustack, qui commandaient la route que nous suivions, ne nous arrêtèrent pas longtemps ; le général savait qu'il y avait un chemin dans la montagne, et qu'en le prenant on dépassait les positions défendues d'une distance de cent pas ; en conséquence il força le maire de l'endroit à lui donner un guide, en le menaçant de le faire fusiller à minuit s'il ne lui en indiquait pas un ; il était alors 11 heures et demie ; à l'heure dite, nous avions au moins six conducteurs qui nous menèrent par la route cachée, et nous nous emparâmes presque sans combat de la clef de notre route ; il n'y eut de tués à cette occasion qu'un officier qui fut frappé par un boulet, et une huitaine de soldats. Un sergent-major seul fit mettre bas les armes à une compagnie entière en faisant le ventriloque, et la fit prisonnière à son poste" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
"Alors le général Loison envoya le 76e à Seefeld, pour tourner Scharnitz. En même temps, le 69e gravit le hauteurs presque inaccessibles du côé de Leutasch, malgré les balles et les pierres lancées par les chasseurs tyroliens. Les soldats, en s'accrochant aux arbustes, aux racines, en enfonçant les baïonnettes dans les fentes des rochers , parvinrent au sommet où ils plantèrent l'aigle du régiment. A cette vue, la troisième division commença l'attaque de front ; en peu d'instants le 25e léger, soutenu par le 27e, emporta le fort d'assaut.
La seconde brigade (50e et 59e restait en réserve. On prit dans Scharnitz mille huit cents hommes et seize pièces de canon" ("Souvenirs militaires de 1804 à 1814 par M. le Duc de Fezensac").
Cet épisode de Scharnitz fait le plus grand honneur au 69e. Le Fusilier Couillet est mort le 5 novembre à Scharnitz.
Il est quatre heures de l'après-midi; Ney décide d'accélèrer sa marche sur Innspruck. Après avoir laissé au col un détachement de la 3e Division, les troupes prennent le chemin de Seefeld où elles arrivent à 11 heures du soir. Mais l'avant-garde est reçue à coups de fusil par les paysans et s'arrête; les débouchés du village sont gardés, les 69e et 76e bivouaquent en arrière des dernières maisons. Les Caporaux Piot, Munch et Piliger sont morts le 5 novembre à Insprück.
"Le maréchal Ney connaissait fort bien le Tyrol et ses habitants, leur caractère franc ; il avait déjà fait la guerre dans ce pays, ce qui lui servit en cette occasion. Notre avant-garde, forte de 4000 hommes, ayant été lancée un peu en avant, entre Boitzen et Inspruck, près de la rivière de l'Inn, courait le risque d'être coupée ; elle s'arrêta donc pour nous attendre. La position était inquiétante et dangereuse ; une masse de paysans armés de leurs carabines dont ils tirent fort bien, occupaient les hauteurs de tous côés, et pouvaient de là, sans que nous puissions nous défendre, nous tirer au gîte comme lièvre, chaque Tyrolien ayant un Français au but de sa carabine. Leur position était admirable, et ils avaient su la choisir avec un tact remarquable; en plaine, ils n'auraient pu tenir contre nous, mais placés comme nous l'étions, ne pouvant les aborder que par un défilé qui ne permettait pas à plus de 4 à 5000 hommes de déployer, nous aurions été battus à plate couture. C'est alors que le maréchal, qui parlait parfaitement l'allemand, puisque son père était de Sarrelouis, tonnelier de son état, nous sortit par son énergie et sa présence d'esprit, du danger que nous courions, nous, 30.000 Français, d'être détruits, quoique nos adversaires, les Tyroliens, ne fussent qu'au nombre de 10.000. Il entra en pourparlers avec eux, et pour cela s'avança seul à cheval jusque sur un petit pont établi sur 1'Inn, et là mettant le chapeau à la main, leur parla en ces termes : "Que me voulez-vous, braves gens, et pourquoi êtes-vous armés sans ma permission ?" Le maire principal de cette partie du pays fit quelques pas en avant et répondit : "Nous voulons que tu t'en ailles à l'instant même avec tes soldats, ou vois-tu ? ... voilà deux mouchoirs ; l'un blanc, signifie pour nous la paix, l'autre noir, c'est le signe de la guerre à mort." A ces paroles, et aussi en s'entendant tutoyer, le maréchal pâlit de colère, quoiqu'il sut qu'on en use de même avec l'Empereur d'Autriche, la maison de Habsbourg ayant accordé aux habitants du Tyrol ce privilège, lorsqu'ils devinrent sujets de l'empire.
J'étais placé de manière à ne rien perdre de cette conversation, si elle avait eu lieu en français, mais nous avions dans la musique notre fourrier, nommé Florince, de Landau, qui nous la traduisait. Le maréchal donc, enfonçant son chapeau sur sa tête, reprit la parole et dit : "Braves Tyroliens, je vous connais, vous êtes des gens d'honneur, de bons soldats, vous en avez donné les preuves en maintes occasions. Oui, braves gens, je vous rends justice, mais vous avez à faire à une armée de héros, et si vous parveniez à détruire la poignée de braves que vous avez devant vous, Napoléon peut vous en envoyer tous les mois autant. Ceux qui sont présents ne sont pas si maladroits que vous pouvez vous l'imaginer ; ils ont un grand avantage sur votre adresse à la carabine dont vous vous servez à la perfection, car ils se battent de nuit comme en plein jour, et si le cas s'en présentait, ce que je suis loin de désirer, dans votre intérêt, vous auriez la preuve trop fidèle des paroles que j'avance dans ce moment." La colère qui animait le maréchal, sa voix forte et son air assuré, intimidèrent le maire, son interlocuteur, qui pâlissait en l'écoutant ; reprenant alors la parole, il lui dit : "Croyez-moi, soyez prudent, vos familles, vos femmes, vos enfants sont à votre merci; ne faites pas la désolation de tout un peuple de braves gens pour une vaine bravade ; rentrez dans vos habitations, nous respecterons vos biens, votre religion, vos lois, et une sévère discipline sera observée pour faire respecter et préserver votre pays." A ces mots le maire tira son mouchoir blanc, et aussitôt une fourmilière de paysans s'offrit à la vue, puis disparurent s'en retournant tranquillement dans leurs villages. L'histoire, ni aucun bulletin, n'a parlé de cet épisode de la campagne de 1805 ; sans doute s'il se fût agi de traiter avec un général ennemi, il en aurait été fait mention ; c'est pourquoi cela ne figurant nulle part, à ma connaissance, j'ai voulu relater dans ces Mémoires cette quasi victoire du maréchal Ney, bien préférable, je trouve à certains titres, à tant d'autres victoires qui en ont fait un des plus illustres lieutenants de Napoléon.
Le soir du jour où se passa l'épisode que je viens de raconter, arrivés à Mittenwald, (village où il ne se fait que des violons comme à Dutlingen ; loin de là il ne se fait que des souliers), nous fûmes attaqués par ces pauvres Tyroliens, quoiqu'ils eussent dû être prévenus que les Français se battaient de nuit comme de jour ; ils laissèrent sur place environ 1500 des leurs, ces valeureux carabiniers, malheureux fanatiques qui se croyaient invincibles, et il ne fallut pour leur infliger ce revers qu'un détachement de 600 hommes de mon régiment le 69e, et encore en épargnèrent-ils bon nombre par pitié. Il faisait nuit, et pour se battre de nuit il ne suffit pas de n'être que brave et adroit, il faut de plus être déterminé et avoir l'habitude de se battre. Et je dois dire ici que si derrière la cible, dans les tirs, il y avait un chasseur de Vincennes, par exemple, les tireurs ne feraient peut-être jamais un coup de broche, ce qui revient à dire que l'adresse ne peut suffire à la guerre" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e; cité par Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 228).
Le Commandant Giraud écrit :
"Spire, le 14 brumaire an 14
(5 novembre 1805).
Toujours en route, nous marchons douze à seize heures par jour. Tous les militaires de la grande armée s'accordent à dire qu'ils n'ont pas encore fait une campagne aussi pénible que celle-ci. Nous nous arrêtons si peu qu'il nous est impossible de faire blanchir notre linge. Je porte la même chemise depuis quatorze jours. On ne fait aucune distribution de vivres ; nous mangeons ce que le paysan veut bien nous donner et le plus souvent, des racines et de l'eau. Un jour sur neuf, nous couchons dans un palais, les autres jours sur la paille, dans une grange et au bivouac.
Il faut être jeune et avoir un tempérament de fer pour résister à une pareille campagne, au coeur même de l'hiver.
Il fait aussi froid qu'en France au mois de janvier. Tout le pays est couvert de neige et malgré cela, souvent nous nous mettons en route à deux heures du matin.
Nous n'avons plus devant nous que 50,000 Russes qui se battent fort mal, fuient à notre approche et une dizaine de mille d'Autrichiens que nous terrorisons. On assure que le prince Charles fait venir d'Italie 50,000 hommes qui retarderont notre entrée à Vienne. Qu'il se dépêche !... Nous n'avons plus que cinq jours de marche à faire pour nous trouver aux portes de la capitale de l'Autriche. Qu'il prenne garde à la jonction de Masséna avec la grande armée !... Alors plus rien ne nous résisterait.
Malgré leurs misères, nos soldats sont contents. Les Autrichiens sont tellement effrayés de nos armes qu'ils abandonnent les places les plus fortes, sans tirer un seul coup de canon. Ils ne peuvent plus se relever et les Russes qui en ont déjà assez, demandent à retourner chez eux.
D'après un certificat que vient de me délivrer le chirurgien en chef de l'hôpital d'Ulm, je devais être dirigé sur le 3e bataillon de mon régiment, qui est à Luxembourg. Mais ma blessure allant de mieux en mieux et désirant rejoindre ma compagnie, sitôt que je pourrais faire mon service, j'ai sollicité des autorités militaires de cette ville, la faveur de me faire traiter à Besançon. Cette faveur n'étant pas de leur compétence, je serai dirigé par le prochain convoi sur Strasbourg, et on me fait espérer que là, on accédera à ma demande. Dans le cas contraire, je compte toujours me rendre à Besançon sans autre pièce que mon certificat de visite. A moins d'événements imprévus, j'y serai certainement le 6 ou le 7 du mois prochain" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Maréchal Ney et le 6e Corps entrent dans Innspruck le 7 novembre.
"Pendant nos évolutions dans le Tyrol, j'ai pu me convaincre que, pour tenir la campagne, la carabine reste bien en arrière, et devient très souvent un véritable embarras, c'est toute une pharmacie à traîner après soi ; et venez-vous à perdre votre trousse, votre carabine vous devient inutile, elle ne peut plus vous servir. J'en ramassai une qu'un soldat autrichien venait de jeter par terre, à la dernière affaire ; je la vendis avec un violon, très distingué quant au son, en arrivant à Inspruck ; je me fis ainsi une jolie somme de 60 guelders, (monnaie d'Allemagne qui vaut 2 fr. 50 c), savoir, la carabine pour 10 guelders, et le violon pour 50. Grâce à cette aubaine, je pus suppléer au manque d'argent qui se faisait sentir dans notre troupe, par suite de l'absence de notre quartier-maître, qui se trouvait alors en dépôt à Besançon.
C'est ici le moment de parler de ceux qui comptent sur leur adresse pour être bons soldats. J'ai vu de mes yeux de ces bourreaux de crânes, des maîtres d'armes, des spadassins qui, au régiment, sur le terrain d'un duel, faisaient trembler leur adversaire, et qui, eux-mêmes, le jour d'un combat ou d'une bataille, tremblaient, avaient la greulette, et étaient de pauvres soldats durant l'action, et qui même s'esquivaient pendant qu`on s'y préparait. C'est qu'aussi il ne suffit plus de compter sur son adresse sur le champ de bataille, et quoique les Tyroliens ne soient pas de mauvaises troupes, ils rentrent, pour un combat de nuit, dans le grand monceau des soldats autrichiens. C'est un grand préjuge invétéré chez le bourgeois qui, de sa vie, n'a vu le feu que dans la cuisine ou à la cheminée, de croire que lorsqu'on se bat chez soi pour défendre ses foyers, sa patrie, on se comporte mieux qu'ailleurs. Non, cela n'est pas ; car alors comment expliquerez-vous, messieurs les grands bourgeois politiques, ce fait, que nous sommes restés 25 ans chez les autres, et que pendant ce temps toutes les capitales de l'Europe ont dû recevoir la visite de nos aigles ? Malgré cela vous ergottez toujours votre thème, qui n'a pour lui aucune autorité, si ce n'est la preuve du contraire.
Le prince Berthier faisait remarquer à l'Empereur que son premier banquier n'avait pas encore été décoré de l'Ordre de la Légion d'Honneur, et que cependant il lui avait rendu de grands services. "Ah parbleu, répondit-il, je les lui ai bien payés ; il m'a prêté des millions et je lui ai fait gagner des milliards ; ces services-là ne se paient qu'avec de l'argent ; les faits d'armes héroïques, les inventions utiles au bonheur de l'humanité, les découvertes dues au génie, le talent dans les arts, voilà des titres pour mériter la distinction dont vous parlez ; mais à l'argent marié à l'usure allons donc, prince, aujourd'hui vous n'êtes pas lucide. Des serviteurs de boudoirs, d'antichambres, des agioteurs, des spéculateurs, porter la croix d'honneur ce serait rabaisser l'Ordre, et exposer l'homme qui s'en trouverait paré sans l'avoir mérité, au ridicule, à la risée publique, car l'analyse, la dissection arrivent tôt ou tard, et le porteur est traité suivant ses oeuvres. Il n'y a qu'un roi boutiquier qui puisse trafiquer d'une chose destinée au vrai mérite." En cela Napoléon avait bien raison ; c'est ici où la ligne droite fait des heureux, et où le contraire vous plonge dans les plus désolantes perplexités.
La guerre vous donne le droit aux contributions forcées du pays occupé, au cantonnement par le vainqueur, ce que l'on peut dire être la ligne courbe, tortueuse, cachée, que les malheureux habitants du pays ennemi seuls déplorent, mais dont l'histoire ne fait pas mention. N'est-il pas affreux de penser aux conséquences d'un tel fléau sur les prospérités d'une nation ; prospérités qui se trouvent compromises, suivant les cas, non pour peu de temps, mais le plus souvent pour un grand nombre d'années. Des épouses devenues veuves, des enfants orphelins, des vieillards restés sans appui, les habitations détruites, les campagnes ravagées et l'industrie arrêtée, tels sont les résultats que la guerre produit. A la pensée de tant de maux, ne sommes-nous pas en droit de répéter encore, que mieux vaut la paix, fût-ce même au prix de sacrifices compatibles avec l'honneur ; la guerre fait plus de malheureux qu'elle en emporte.
Pour donner un exemple des vexations sans nombre subies par les vaincus, j'ai été à même de savoir qu'un colonel en Prusse (1807), avait à dépenser, par jour, la somme de 18 thalers (un thaler vaut, argent de France, 3 f. 60 c). L'histoire, ni bulletin, ni journal, ne saurait parler de tel fait ; non plus, elle ne dit qu'un tambour français demande, dans son logement, une bouteille d'eau-de-vie ; cette bouteille lui étant apportée par la servante de la maison, il la renvoie disant qu'il faut du cognac, qu'il ne boit pas de l'eau-de-vie de pommes de terre, et il faut que ce soit la propriétaire chez laquelle il se trouve logé, une baronne, qui le serve elle-même. Des exemples semblables que je pourrais multiplier, ne sont que des bagatelles à côé d'autres résultats plus graves que j'ai fait ressortir plus haut, mais qui tendent encore à faire désirer un état de paix constant.
Il est des nations qui vivent sur leur histoire, et qui s'aveuglent sur leur bravoure ; mais les siècles se suivent et amènent avec eux des changements. Les Espagnols doivent-ils se croire de fameux soldats à cause de leur belle défense à Saragosse ? eh bien ! moi qui étais à Saragosse, j'estime que ceux qui ont pris cette ville ont été de beaucoup les plus braves, quoique je ne veuille rabaisser en aucune manière la belle conduite des Espagnols. Ceci me fait penser à ce colonel de hussards qui passait une revue commandée par le grand Frédéric, roi de Prusse. Lui ayant demandé ce qu'il pensait de ses hussards qui avaient en grande partie d'énormes balafres par la figure, le roi lui répondit que certainement c'étaient des braves d'avoir reçu ces blessures, mais qu'il ne pouvait s'empêcher de penser que ceux qui les avaient faites avaient été encore plus braves. Ici le vaincu sert à grandir le vainqueur.
Pour reprendre le fil de notre campagne dans le Tyrol, je dirai que partout où les habitants ont voulu faire résistance, malgré certains points fortifiés qu'ils essayèrent de défendre, et leurs carabines sur lesquelles ils comptaient pour nous arrêter, partout, dis-je, le jour aussi bien que la nuit, ils furent battus à ne pas y revenir. Pendant le cours de cette mémorable campagne de 1805, nous y fûmes traités au mieux ; dans chaque localité les paysans avaient du bon vin, et les soirées se passaient à danser avec les filles de nos hôes, la plupart fraîches et vigoureuses, et de plus amoureuses comme le sont les femmes dans les montagnes et dans les vallées du pays. Pour ma part, je n'avais alors que quatorze ans, et je n'en savais absolument rien par moi-même, ne connaissant pas encore à cet âge ce que c'était qu'un sentiment d'amour. Les filles du Tyrol sont riches de stature et de santé ; elles paraissent froides, mais ne le sont point ; à la danse elles s'animent et elles sont musiciennes. Leurs danses nous séduisaient, à cause de leurs jolies poses ; les "lendler", surtout, ont quelque chose de séduisant. Moi, je leur jouai des waltz, elles me prenaient alors par le menton en signe de rconnaissance, et tous les jours c'était à recommencer. Ce fut vraiment une délicieuse campagne, dans laquelle nous eûmes peu de blessés, et encore moins de morts ; les femmes étaient heureuses d'être possédées par nous, et nos jeunes et braves militaires jouirent pendant sa durée de bien des félicités.
Un épisode vint pourtant troubler notre quiétude. Deux soldats furent fusillés à Inspruck. L'un était un vieux grenadier ayant trois chevrons, qui, dans un état d'ivresse, arracha les épaulettes de son capitaine ; l'autre, qui était artilleur, avait, d'un coup de fusil, tué son camarade de lit, pour s'approprier une somme de 1500 francs qu'ils avaient pillée ensemble; il commit cet attentat de nuit, en traversant un bois, mais il fut vu par un officier qui fit son rapport.
L'exécution eut lieu au moment du départ, ainsi que cela se pratique ordinairement à la guerre ; toute la division Loison était sous les armes ; des paysans creusèrent une fosse pour les deux coupables qui devaient passer devant ; seize soldats et caporaux avaient été commandés pour faire feu ; au roulement du tambour, les condamnés se mettent à genoux ; le vieux soldat était sans connaissance, parce qu`on fait ordinairement boire à discrétion de l`eau-de-vie ; quant à l'artilleur, il refusa de boire et aussi de se laisser bander les yeux. L'adjudant fit avec sa canne un premier signe qui signifiait : en joué, et un second pour : feu ! Les deux soldats tombèrent, le vieux soldat fit entendre un râlement épouvantable, et il fut achevé par un sous-officier qui a pour consigne d'achever celui qui survit ; après que l'exécution fut finie, nous défilâmes musique en tête. II est impossible d'exprimer l'espèce de poésie qu'il y a dans un tel moment, c'est terrible et frappant, puis un quart d'heure après on reprend son état normal et indiffèrent.
Mais, quelle surprise ! Sur le champ de l'exécution il ne se trouva qu'un mort ; l'artilleur, homme d'une énergie surprenante, au moment où la canne de l'adjudant commandait feu, se jeta la face contre terre si à propos, qu'il ne reçut qu'une balle dans le bras droit ; il entendit le râlement de son partenaire, et il put voir quand le sous-officier l'acheva. Est-il possible de déployer autant de force de caractère pour une cause semblable ; au lieu de s'employer au mal, combien il vaudrait mieux voir de tels hommes se livrer au bien ! Il réussit à se sauver à toutes jambes avant qu'on ne l'enterre, et à s'introduire à l'hôpital en qualité de blessé, mais la chose s'ébruitée, il fut traité comme un vil assassin ; on lui donna un bouillon d'onze heures, c'est-à-dire qu'il fut empoisonné" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 9 novembre, la Division Loison (Brigade Roguet : 69e et 76e) met son gros à Innsbrück (H. bonnal).
Ney quitte Innspruck le 9. Le 10 novembre, dans un combat dans la vallée de Sternach, le Capitaine Sainson est tué; le Lieutenant Doumet et le Sous lieutenant Berret sont blessés. Enfin, le Voltigeur Maillard décède le 10 novembre à Steinach.
Le 13, le Sous-lieutenant Doumet, voyant son Capitaine entouré d'une quinzaine d'Autrichiens et déjà blessé, se précipite à son secours; il tue trois des assaillants et réussit à le ramener sur ses épaules.
Le 14, jour où Napoléon arrive à Vienne, le Régiment se trouve à Steinach.
Dans son Rapport à Son Excellence le Ministre de la guerre, Major général, le Maréchal Ney écrit, depuis Inspruck, le 7 Frimaire an XIV (28 novembre 1805) : "Monsieur le Maréchal, je dois rendre à Votre Excellence un compte détaillé des opérations qui ont eu lieu depuis la prise de Leutasch, de Scharnitz et d'Inspruck.
Aussitôt que j'eus reçu des rapports un peu authentiques sur la position de l'ennemi, je pris toutes les mesures que la faiblesse de mes moyens pouvait me permettre de prendre, pour envelopper successivement les corps isolés qui couvraient les principales communications du Vorarlberg et du Tyrol.
Pour mieux juger ces mesures, il faut reprendre de plus haut l'ensemble des opérations.
Lorsque je reçus l'ordre de porter le corps d'armée dans le Tyrol, je n'avais à ma disposition que les
69e de ligne, 76e de ligne de la 2e division;
25e léger, 27e de ligne, 50e id, 59e id de la 3e division ;
150 chevaux du 3e de hussards et du 10e de chasseurs, quelque artillerie commandée par le général Leroux, formant, en tout, 8,000 hommes …
Le 22 brumaire (13 novembre), les rapports annonçaient que l'archiduc Jean tenait le Brenner, et que les troupes du Vorarlberg cherchaient à se réunir à lui; je sentis alors l'importance de prévenir cette jonction, et j'ordonnai à la 2e division de se porter sur Sterzing et d'attaquer le Brenner, le 24 (l5 novembre), si l'ennemi y restait.
Les 50e, 59e de ligne, 3e de hussards et un bataillon du 25e léger remontèrent la vallée de l'Inn pour se diriger, par Nauders, sur Schldanders (haut Adige), afin de chercher à couper toute retraite au prince de Rohan, qui fut sommé de mettre bas les armes.
Je fus informé que le général Saint-Julien avait évacué le Brenner, le 23 (14 novembre), et qu'après s'être réuni, à Muhlbach, aux corps de l'archiduc Jean et du général Ihler, il se retirait, par Bruneckën, sur Klagenfurt, à marches forcées, afin de ne pas être coupé. Les nouveaux renseignements que je reçus à Muhlbach, le 24 (15 novembre), me firent juger que les divisions du Vorarlberg cherchaient à prendre la même direction et qu'elles tomberaient en notre pouvoir si elles nous trouvaient en possession du point important de Botzen, où se réunissent les trois grandes vallées (de la Drave, de l’Adige, de l'Inn) et toutes les communications de la Carinthie, de l’Italie et du Vorarlberg. J'ordonnai, en conséquence, au général Loison de s'y porter avec la brigade Roguet et la cavalerie légère du colonel Colbert. Je fis marcher sur-le-champ le général Vonderweidt sur Brixen avec le 25e et le 27e et ne tardai point à diriger sur le même point le général Malher et le 59e qui reçut (à cet effet) ordre de redescendre la vallée de l'Inn (jusqu'à Innsbruck, et de là, vers Brixen). Par ces dispositions, je portais toutes les troupes disponibles sur le point important, et je les soutenais successivement par tous les moyens que je pouvais réunir. Le 50e fut détaché (de Telfs) pour remonter la vallée de l'Inn, harceler l'ennemi et compléter son investissement du côté de Meran (haut Adige). Le colonel Lamartière (du 50e) entra, le 24 (15 novembre), à Landeck, au moment où l'ennemi en sortait; il prit 40 hommes, 6 pièces de canon et beaucoup de bagages. Son détachement marcha successivement jusqu'à Schlanders, où il était déjà le 27 brumaire (18 novembre).
Ce mouvement du 50e devait être d'abord soutenu par le 59e, mais je m'étais décidé à porter ce régiment (par Innsbruck) sur Brixen.
Au lieu de suivre mes instructions et de poster 6 bataillons à Botzen, le général Loison n'y conduisit, le 26 (17 novembre), qu'un bataillon du 76e, les grenadiers de sa division et un détachement du 25e. Cette petite troupe fut encore dispersée (morcelée) à Morinzing, Saint-Colman, Gries, Signumdseron, Botzen et Cardann, quoique ce général fût informé de l'arrivée de l'avant-garde ennemie à Terlan (Vilpian) et des efforts qu'il faisait pour déboucher.
Le prince de Rohan ayant concerté son mouvement avec les Tyroliens fit attaquer nos avant-postes, le 27 (18 novembre), à 3 heures de l'après-midi, et les repoussa jusqu'au pont de l'Adige. L'ennemi se déployant alors à droite et à gauche, chercha à tourner les troupes qui le défendaient. Malgré leur fermeté, ces troupes, assaillies par les habitants mêmes de la ville (de Botzen) et par des forces supérieures, furent forcées d'abandonner leur poste; elles se retirèrent avec ordre, reçurent à la baïonnette plusieurs charges de cavalerie, tuèrent beaucoup de monde et vinrent prendre position en arrière de Botzen. Au même instant, toute la vallée jusqu'à Teuchs parut couverte de feux et de paysans armés. Ce mouvement inattendu, opéré sur les derrières de nos troupes, décida un mouvement rétrograde.
Le bataillon du 76e, qui a déjà fait avec distinction la guerre des montagnes dans les Grisons, déploya une grande fermeté.
Attaqués de toutes parts, nos soldats ont marché sur les Tyroliens avec audace, les ont dispersés et se sont retirés jusqu'à Kolman et Klausen, sans autre perte que celle d'un capitaine, de 18 hommes tués et de 50 blessés. L'ennemi a laissé environ 200 tués ou blessés sur le champ de bataille.
Le prince de Rohan a profité de ce moment favorable pour filer sur Lavis, où il a passé la nuit.
J'arrivai, le 28 (19 novembre), à Brixen, et donnai de suite l'ordre de se porter sur Botzen, le lendemain, à 6 heures du matin. Les paysans, au nombre de 1,200, commençaient à tirailler avec la tête de la colonne, près de Kolman, lorsqu'on parvint à leur faire entendre le langage de la raison et à les renvoyer dans leurs foyers. Nous arrivâmes, le soir même, à Botzen" (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 224).
Le 20 novembre, le Chirurgien Sous aide major Pioggey est blessé (dans le Tyrol).
Le 22, le 69e atteint Botzen; puis continue sur Villach et Klagenfurth.
A Klagenfurth, Ney opère, le 29 novembre, sa jonction avec l'aile gauche de l'Armée d'Italie, ayant ainsi accompli sa mission. Trois jours après, c'est la bataille d'Austerlitz ! par laquelle Napoléon termine cette campagne prodigieuse. La Grande Armée, partie des bords de l'Océan le 1er septembre, a volé de victoire en victoire; trois mois à peine, et les coalisés vaincus demandent la paix.
"La bataille d'Austerlitz avait été gagnée sans nous. L'ordre nous étant arrivé à Vilach de nous diriger sur Salzbourg, nous traversâmes une série de bons villages, bourgs et petites villes, où nous fûmes traités on ne peut mieux. Je me portais à merveille, malgré mon pantalon de nankin et mon petit habit, sans capote. "Regardez ce musicien, disait le maréchal Ney à son aide-de-camp, regardez-le avec son nankin ; malgré les dix degrés Réaumur qu'il fait, il conserve ses joues vermeilles."" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 4 décembre, le Sous lieutenant Gaffé est blessé à l'attaque du fort de Leutach (il décède le même jour).
Le 10 décembre, à la pointe du jour, comme le Régiment va se mettre en marche, un revenant se présente à la 5e Compagnie du 2e Bataillon et réclame son sac et son fusil pour reprendre sa place dans le rang. C'est le soldat Semartin, gravement atteint à Elchingen et transporté à l'hôpital de Gunzbourg; son extrait mortuaire était parvenu au corps. Aussi ses camarades sont-ils ahuris de le retrouver "à peu près rétabli". Sa conduite lui vaut les épaulettes de Voltigeur; il ne les portera pas longtemps, ce brave est tué, l'année suivante, à Soldau.
Jusqu'à la paix de Presbourg (26 décembre), le Corps n'a plus aucune entreprise importante à exécuter. Les troupes prennent donc leurs quartiers d'hivers. Le 6e Corps n'a pas paru à Austerlitz, mais il s'est couvert de gloire à Gunzbourg, à Albeck, à Elchingen, au Michelsberg; il a fait plus de 14000 prisonniers.
Après la campagne, le Régiment est récompensé en la personne de son Colonel, nommé Commandeur dans l'ordre de la Légion d'honneur, et le Maréchal Ney reçoit, en présence du Régiment qui l'a si bien secondé, le titre de duc d'Elchingen.
Le Régiment, d'abord dirigé sur Salzbourg, prend tout d'abord ses cantonnement à Lauffen.
"Après notre arrivée à Salzbourg, nous prîmes des cantonnements à Lauffen, en Bavière. C'est là que le général Loison, en allant à la chasse, perdit un bras" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le capitaine Giraud est encore à Besançon, dans la famille de sa femme, pour y soigner sa blessure d'Elchingen, lorsqu'il apprend la concentration de la grande armée, au delà du Rhin, dans le but d'une invasion probable du territoire prussien. Sa première pensée, sitôt sa blessure cicatrisée, est de rejoindre le 6e Corps (Ney) auquel il appartient toujours. Mais dans l'ignorance où il se trouve du lieu qu'il doit rallier, .... ne sachant où rallier le 69e, il laisse à Besançon ses gros bagages, son domestique et son cheval, voit le commandant Saint-Germain qui commande dans la place, le 6e Bataillon du Train, et s'entend avec lui, sur les moyens à employer pour se faire expédier ses gros bagages. Il est convenu que Giraud écrira là où ses bagages devront lui être expédiés; que le commandant Saint-Germain profitera à cet effet du premier détachement du Train à destination de l'Allemagne, que son domestique muni de l'argent de poche nécessaire, suivra ce détachement avec le cheval dont il a la garde et la surveillance jusqu'à l'arrivée à destination.
Le Commandant Giraud écrit :
"Strasbourg, le 25 janvier 1806.
La diligence qui fait le service de Besançon à Strasbourg a versé, au détour de la route ; c'est la faute au postillon qui a tourné trop court. Heureusement que la chaussée en cet endroit, n'était pas très élevée par rapport au terrain qui la bordait, sans cela, nous aurions fait une culbute qui aurait pu nous coûter cher. Une dame cependant a été relevée le crâne fendu et une contusion au bras droit. En ce qui me concerne, j'en ai été quitte pour une légère luxation de la cuisse droite. Cela ne pouvait pas être autrement, vu que les six voyageurs que contenait la diligence à l'intérieur sont tombés sur moi.
En arrivant à Strasbourg, j'ai donc dû garder la chambre pendant trois jours et n'ai pu m'occuper de mes affaires qu'aujourd'hui. Toute la journée j'ai parcouru les bureaux des autorités militaires de Strasbourg pour avoir des renseignements sur la position qu'occupe actuellement le corps du maréchal Ney, sous les ordres duquel se trouve mon régiment; personne n'en a la moindre notion.
Le maréchal Kellermann, chez lequel je me suis présenté dans la matinée, n'en a lui-même aucune donnée. Je suis donc ici, dans la plus grande incertitude sur le lieu où je dois rejoindre mon bataillon, et sur la date de mon départ.
Le chef d'état-major de la 5e division militaire que j'ai vu ensuite croit que le 6e corps est en Italie. Mais pourquoi serait-il en Italie, quand je l'ai quitté en Allemagne, il y a deux mois ? Il doit, en conséquence, me comprendre au nombre des officiers qui ont à conduire demain un convoi de conscrits dirigés sur Vérone, en motivant sur l'ordre de route que je rentrerais à ma compagnie, si je rencontrais mon régiment en route. Il n'est pas bien sûr pourtant que je sois de ce convoi ; il en référera au maréchal, et il m'engage à revenir ce soir à son bureau, vers dix heures, pour savoir d'une façon certaine ce que l'on fera de moi.
Ceci fait, j'eus l'idée de me rendre chez le commissaire des guerres, pour lui demander un collier (voiture à cheval), destiné à transporter mon porte-manteau dont j'étais embarrassé, surtout si je devais faire la route à pied, car mon cheval est resté à Besançon, sous la sauvegarde de mon domestique qui a l'ordre de me rejoindre, seulement lorsque je lui aurai indiqué ma destination.
- Quand partez-vous ? me demanda-t-il.
- Demain, répondis-je.
- Et pour aller où ?,
- En Allemagne, ou ..., en Italie ... je ne sais au juste ; je ne le saurai que ce soir.
- Dans ce cas, je ne puis rien pour vous, n'ayant rien à prescrire de l'autre côé du Rhin; mais je vous recommanderai.
Puis il se mit de suite à écrire. Je croyais qu'il s'occupait de ma lettre de recommandation et j'attendais. Pas du tout, il griffonnait des chiffres sur un brouillon de papier. Je pris alors congé de lui.
Le commissaire des guerres m'accompagna très poliment jusqu'à la porte de son cabinet, oubliant qu'il avait promis de me recommander à un de ses collègues.
Il va sans dire que je ne suis plus retourné à son bureau, lui ayant dit que je partais le lendemain.
Sa Majesté était ici le 22. La ville de Strasbourg lui a fait une magnifique réception. Le lendemain, S. M. a passé la revue des troupes, parcouru les différents quartiers de la ville et est partie ce matin, à neuf heures et demie pour Paris.
P. S. - Avant de mettre ma lettre à la poste, je suis allé ce soir, ainsi qu'on m'y avait invité, au bureau de l'état-major général. Je pars toujours demain, mais ce ne sera pas sur Vérone que je serai dirigé, mais bien sur Landau, pour de là gagner Luxembourg qui est le lieu de garnison du dépôt du 69e" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Luxembourg, le 6 février 1806.
Luxembourg est actuellement privé de toutes ses troupes. On a fait partir, il y a trois jours, pour Mayence, tout ce qu'il y avait de disponible. C'est là où l'armée dite du Nord, se concentre pour passer sur la rive droite du Rhin.
On ne sait que penser ici de tous ces mouvements de va-et-vient. Nous nous perdons en conjectures.
Mon bras me fait toujours souffrir, surtout par les temps de pluie et de mauvais temps. Les muscles du poignet sont toujours raides et ne laissent que peu d'espoir de guérison d'ici quelque temps. L'emploi de capitaine à la compagnie départementale du Doubs était vacante à mon départ de Besançon ; si la gêne de mon bras continuait, peut-être me déciderais-je à établir un mémoire pour l'obtenir, me basant sur ce que ma blessure d'Elchingen me met hors d'état de servir activement" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 9 février 1806, les Chefs de Bataillon Clouard et Magne sont faits Officiers de la Légion d'Honneur; le Caporal Cazal et le Grenadier Cranouf sont faits Chevaliers.
Le Commandant Giraud écrit :
"Luxembourg, le 18 février 1806.
J'apprends que mon domestique a vendu le cheval, dont je lui avais confié la garde à Besançon. Comment cet homme a-t-il pu à ce point abuser de ma confiance ? Avant mon départ, je lui avais mis en poche l'argent nécessaire pour la nourriture de mon cheval, et faire sa route. Il aurait dû être ici le 13. Non seulement, il me vole, mais il me compromet en ne rejoignant pas le dépôt de mon régiment à la date que je lui ai fixée.
J'écris au capitaine de gendarmerie de Besançon pour faire arrêter Baptiste et le conduire ici, comme un fripon doublé d'un déserteur. Je doute qu'on retrouve l'acheteur qui aura certainement pris la poudre d'escampette, avant qu'on puisse mettre la main sur lui. C'est là pour moi, une perte sèche d'environ 1200 francs.
Toutes réflexions faites, j'abandonne l'idée de me faire admettre dans la compagnie départementale du Doubs. Les médecins me font espérer que les bains de Bourbonne me feront recouvrer la force du bras.
On me dit que le 6e corps a quitté Vienne le 29 décembre 1805, pour se diriger sur Klagenfurth. Les mouvements de nos armées du midi au nord et de l'est à l'ouest, ne me font pas bien augurer des suites de la campagne qui va s'ouvrir. Je crains bien qu'au moment où on s'y attendra le moins, on soit obligé de faire un mouvement rétrograde pour se porter sur quelque province turque.
Le général Loyson est remplacé par le général Marchand, à la tête de la 2e division du 6e corps" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 69e est, avec le 6e Corps, dirigé le 23 février 1806, par Teissendorf, Aibling, Weilheim, Lausterg, sur Augsbourg.
Le Commandant Giraud écrit :
"Luxembourg, le 31 mars 1806.
N'ayant que très peu d'occupation ici, je lis volontiers les gazettes en désoeuvré, plutôt qu'en politicien. Le Moniteur de l'Empire publie les promotions de la légion d'honneur. Ma surprise a été grande de ne pas me voir compris dans les récompenses accordées au régiment; j'ai quatorze ans de service et autant de campagnes. On décore des jeunes gens, parce qu'ils sont près du soleil. Encore une injustice et un passe-droit à mon égard. Cela, me pousse à la misanthropie.
Afin de faire valoir mes droits, j'ai écrit au commandant Magne, non pas pour intervenir en ma faveur auprès du colonel et implorer sa protection, mais pour lui mettre sous les yeux, mes services de guerre. J'ai l'âme trop élevée pour m'avilir au point de demander, comme une grâce, une récompense que j'ai la prétention d'avoir méritée.
Si je tente quelques démarches, ce sera à l'empereur que je m'adresserai dorénavant. Il est toujours bon de remonter à la source de toutes choses" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 69e passe les mois de mai, juin et juillet à Leutkirch.
"Nous allâmes ensuite à Leutkirch, jolie petite ville bavaroise. Je fus placé avec discernement dans les plus mauvais logements ; un pauvre diable de tisserand me nourissait et je couchais à l'hôpital ; personne ne prenait fait et cause pour le petit Louis, le Genevois ; j'étais dénué de tout, souliers, chemises, pantalons, tous mes effets étaient usés et mis en loque ; personne ne recevait la paie, pas même les officiers.
Mes collègues, les musiciens, avaient tous des maîtresses ; mon camarade de lit, dans le nombre de ses bonnes amies, en avait une qui lui donnait six kreutzer par jour, mais moi je n'avais rien de pareil à attendre de personne ; j'étais si niais, que la fille du maître d'école qui, le premier jour de notre arrivée, m'avait d'abord fait cadeau d'une bague en or, au bout de la semaine elle me la reprit pour la donner à notre fourrier Florince, en me disant que j'étais trop jeune pour apprécier ce qu'elle valait, et que d'ailleurs je pourrais la perdre ; c'est Florince qui m'a conté cela le jour de notre départ ; il était âgé de 22 ans, elle de 16, et au moment de partir il avait perdu ses couleurs par suite de sa connaissance, tandis que moi je conservai les miennes, auxquelles je tenais beaucoup.
Le colonel Brun logeait au château chez le bailli, lequel avait une femme charmante ; pauvre bailli ! Tous les militaires étaient à Leutkirch comme des coqs en pâté. Un d'eux, nommé Hantz, rentrait tous les soirs très tard, ensorte que la jeune fille de son logement devait l'attendre pour savoir s'il désirait quelque chose ; elle dit un soir à Hantz, qui était très joli garçon, que c'est bien laid d'aller chercher ailleurs ce qu'il trouverait chez lui. Ah ! ma bonne petite, lui répond-il, vous n'êtes qu'une enfant. Mais elle, de lui répondre alors : "Pour dire cela, vous devriez vous en assurer avant tout." Bref, mes camarades étaient tout à fait heureux, ce qui n'était pas mon cas.
Enfin, je fus pris en pitié par la jeune fille d'un pharmacien, à peu près de mon âge ; la chose était sans conséquence entre nous, la pitié n'est pas de l'amour ; elle suggéra donc à un officier qui demeurait chez ses parents, de m'envoyer dans ma compagnie, 5e du 2e bataillon, qui était cantonnée dans un riche village près de Kempten. Etant arrivé, l'ordre fut donné de me distribuer tout ce qui me manquait.
A cette occasion, j'eus un échantillon de ce que j'ai appelé la ligne courbe en temps de guerre, et je pus ainsi voir comment les choses les plus minimes servent d'occasion.
J'avais été chargé par mon colonel de remettre une lettre au capitaine d'article, au reçu de laquelle je fus immédiatement confié aux soins d'un vieux caporal, chargé de me faire faire la distribution de ce qui m'était nécessaire. Ce caporal, aussi rusé que les recruteurs sous Louis XIV avait en mains quatre billets de logement, le premier pour être logé et nourri; avec le deuxième il se rendit à un grand quart de lieue dans la montagne, mais le paysan refusa en disant qu'il payait 30 florins à la commune pour n'avoir personne à loger. "Cela ne me regarde pas, je suis ma consigne, répond le caporal ; mais si vous ne voulez pas le loger, il faut que vous lui donniez pour des chemises et des pantalons." Comme le paysan était riche, il remit à mon caporal quinze aunès de belle toile, lui toucha la main, et le fit boire de l'eau-de-vie, tant il éprouvait de contentement de s'en tirer à si bon marché. Dans les deux autres endroits pour lesquels il avait des billets de logement, il fit la même chose, et ce fut par l'emploi de ces moyens que j'obtins ce dont j'avais un urgent besoin, dans l'espace de moins d'une semaine. Voilà un très petit échantillon de la ligne courbe en temps de guerre ; personne n'est dans le secret de ces détours tortueux qui affligent un pays occupé par l'armée envahissante, tout se passe dans la coulisse ; et, pourtant, il ne faut pas croire que les Français étaient détestés, bien au contraire ; c'était à ne pas croire, le jour du départ, avec quels adieux touchants les populations se séparaient de nous ; on aurait plutôt cru voir des parents, des frères se séparant des leurs, plutôt que de penser que c'étaient des ennemis. Les jeunes femmes, les vieillards, pleuraient comme des enfants ; plusieurs de ces jolies paysannes, à notre départ de notre dernier cantonnement en Bavière, près de Kempten, étaient dans un état des plus intéressants, mais le regret que certains d'entre nous éprouvaient à partir s'effaçait en voyant les amoureux, du pays qui, avec leurs bonnes figures germaniques, avaient l'air de dire aux partants : soyez tranquilles, on en aura soin. Enfin, au son du tambour du départ, chaque paysan, verre et bouteille en mains, trinquent et souhaitent à tous victoire et santé. Ces souhaits faits sincèrement, je le pense, furent exaucés, car la campagne de Prusse qui s'ouvrit au moment où nous partions, ne fut pour notre armée qu'une suite continuelle de triomphes" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le Commandant Giraud écrit :
"Luxembourg, le 26 mai 1806.
Je viens de recevoir la réponse du commandant Magne; si je n'ai pas été compris dans les dernières récompenses de la légion d'honneur, c'est que le colonel n'avait été informé ni de ma blessure, ni de mon retour inopiné en France. Il paraît que j'ai eu le tort de ne pas l'en prévenir moi-même, comme si un officier blessé pouvait faire plusieurs lieues pour se mettre à la recherche de son chef de corps, sur un terrain effondré, sans savoir où le trouver ? ... Alors, à quoi servent donc les états fournis par le service de santé, après chaque action de guerre ? En supposant que j'aie eu des torts, étaient-ils suffisants pour me priver d'une décoration à laquelle je crois avoir tous les droits ? Quand on veut se défaire de son chien, on dit qu'il est enragé.
Plus que jamais, je suis décidé à abandonner un métier ingrat, prendre ma retraite dès que je le pourrai et mettre ainsi un terme à toutes les injustices qui me sont faites.
Une décision du 26 mars 1806 donne le shako à toute l'infanterie, en remplacement du chapeau. Les grenadiers conservent le bonnet à poil garni d'une plaque en cuivre, orné d'une guirlande blanche et surmonté d'un plumet rouge. Les habits sont un peu raccourcis pour la troupe. Les officiers conservent l'habit long. Les parements sont rouges à pattes blanches pour tout le monde : grenadiers, fusiliers et voltigeurs.
Pourquoi ces deux compagnies d'élite par bataillon, constituées l'une avec des hommes d'une grande taille, l'autre avec de petits hommes ? Les soldats des compagnies du centre ne marchent-ils pas, ne combattent-ils pas, ne se font-ils pas tuer, aussi bien et aussi bravement que les hommes dits d'élite ? ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 22 juin 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, je vous envoie un travail sur l'emplacement que doit occuper la Grande Armée au moment de sa rentrée en France. Vous me proposerez une meilleure répartition, à peu près dans les mêmes divisions, si vous y entrevoyez quelque économie pour le service, soit pour les lits, soit pour le fourrage, soit pour le casernement
... 6e corps du maréchal Ney
6e et 5e divisions militaires
... Luxembourg 69e légère (note : comprendre de Ligne) Luxembourg" (Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12352).
Le Commandant Giraud écrit :
"Augsbourg, le 1er juillet 1806.
Un détachement de troupes de toutes armes quittait Luxembourg le 21 juin dernier, escortant un convoi de capotes neuves et de souliers de rechange à destination de Mayence. J'ai suivi et me voici depuis hier, à Augshourg où j'ai rallié le 69e qui occupe différents cantonnements, sur la rive gauche du Lech et aux environs de cette ville.
Une reine, qui est, - dit-on, - fort belle et très entreprenante, a revêtu l'uniforme des dragons prussiens, visite les troupes, prononce des discours et enflamme tous les coeurs. Si les femmes s'en mêlent, il y a encore de beaux jours pour la galanterie française.
On m'apprend que toutes les compagnies d'artillerie à pied, en ce moment à la grande armée vont être portées à 220 hommes.
Les deux compagnies du 1er à cheval qui forment le dépôt de Valence, et celles du 3e à cheval qui sont à Strasbourg, ont l'ordre de rallier Augsbourg. Si on en croit les bruits qui courent, la grande armée va être doublée de ce qu'elle était, avant son passage du Rhin, en 1805.
Pour venir de Besançon à Augsbourg les moyens de transport sont les suivants : 1° la diligence qui fait le service de Besançon à Strasbourg, 2° les voitures de réquisition ou les courriers de l'armée qui vont de Strasbourg au quartier général impérial.
Par le courrier, il en coûte vingt sols par lieue de France ; soit quarante sols par poste, ou quatre francs par poste d'Allemagne de quatre lieues" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 27 juillet 1806, le 69e est bivouaqué sur la route d'Ulm, à Heidenheim. Il est à la 2e Division (Général Marchand) du Corps Ney, avec les 6e Léger, 39e et 76e.
Le Commandant Giraud écrit :
"Augsbourg, 12 août 1806.
Notre armée est maintenant parfaitement organisée et équipée. Tous les états de l'Allemagne qui ne sont pas nos alliés doivent trembler ; car seraient-ils tous coalisés et gouvernés par un seul homme pour agir avec ensemble, qu'ils ne pourraient nous résister. Nos ennemis n'auront jamais les jambes des Français et il est difficile de connaître les mouvements d'une armée qui se bat du matin au soir dans un endroit, le lendemain dans un autre, distant du précédent de quinze à dix-huit lieues.
Frédéric le Grand avait raison quand il disait qu'avec 50,000 Français il ferait le tour du monde.
Jamais notre armée n'a été plus nombreuse, mieux organisée et approvisionnée de tout.
Notre empereur est vraiment un homme extraordinaire.
Nous partons demain pour Wurtzbourg. Je suis parfaitement outillé pour voir les Prussiens face à face, et faire campagne, pendant un hiver rigoureux. J'ai acheté un nouveau cheval; je possède cinq louis dans ma poche, et à la fin du mois, il me sera dû onze cents francs.
Tous les bureaux de poste sont fermés sur la ligne que l'armée va suivre.
Les fortifications de certaines places fortes qui avaient été démolies, en exécution du traité de Presbourg sont relevées, et en avant se tient un cordon de vedettes qui ne permet pas d'en approcher.
Il paraît que la forteresse de Braunau restera à la Bavière, en indemnité de tout ce que nous lui dépensons pour la nourriture de la grande armée.
Le frère du maréchal Berthier est passé à Augsbourg ces jours derniers, se rendant à Vienne, pourimposer à l'empereur d'Autriche certaines conditions de paix qui doivent décider de la reprise des hostilités.
Le général Loyson sous les ordres duquel se trouve le 69e a eu dernièrement une main emportée en chassant la grosse bête dans les montagnes de la Souabe" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 22 septembre, de nouveau, le Régiment campe à Leutkirch près de Memmingen. Le 24, la droite de l'armée, composée des Corps Soult et Ney et d'une Division bavaroise, se réunit à Bayreuth.
2/ Détachement du 3e Bataillon à la Division Lorges
Un Décret du 9 novembre avait prescrit la création de deux Divisions avec des fractions des troisièmes Bataillons. Les trois Compagnies du 69e (Grenadiers, 1er et 2e Fusiliers), complétées à 100 hommes, forment avec celles du 76e un Bataillon de marche qui entre dans la composition de la Division Lorges, réunie à Juliers.
Chargées pendant la guerre des communications de l'armée, ces unités ne sont dissoutes que le 11 juillet 1806. Les hommes du Régiment sont versés dans des Bataillons de guerre, puis les cadres rentrent au dépôt.
Le 11 juillet 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de la Grande Armée : "Mon Cousin … La division du général Broussier est composée de 9,000 hommes qui se composent de détachements des 6e, 9e, 15e et 25e d'infanterie légère (la CGN parle elle des 9e, 15e et 25e de Ligne), 76e, 21e, 27e, 30e, 33e, 39e, 51e, 59e, 61e, 69e, 12e, 85e et 111e de ligne : ordonnez que cette division soit dissoute et que ces détachements se dirigent à l'heure même, du lieu où ils se trouvent, par la route la plus courte, pour se rendre à leurs bataillons de guerre de l'armée ..." (Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10478 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12461).
C/ Campagnes de 1806 en Prusse
La Prusse avait mal accueilli la Confédération du Rhin, dont Napoléon s'était déclaré protecteur. Humilié et déçu dans ses espérances, excité par les sentiments belliqueux de ses sujets, Frédéric-Guillaume réunit une armée de 120.000 hommes sous les ordres du Duc de Brunswick et du Prince de Hohenlohe. Secondé par l'Angleterre, la Russie et la Suède, il croit pouvoir briser l'épée de César ! Il somme Napoléon d'évacuer les Corps restés en Allemagne après 1805. L'Empereur repousse cet ultimatum et ordonne le rassemblement de l'armée.
Le 26 septembre 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au GÉNÉRAL Gobert, Commandant de la 3e Division militaire à Metz : "Monsieur le général Gobert, faites partir un capitaine du 69e, un sergent, 2 caporaux et 110 hommes avec un tambour de ce régiment.
Faites partir un lieutenant, un sergent, 2 caporaux, un tambour et 110 hommes du 57e régiment.
Donnez-leur deux paires de souliers dans le sac et une capote par homme, ces détachements partiront sous l'ordre du capitaine du 69e pour se rendre à Mayence, sans séjour" (Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 13110).
Le 2 octobre, à Wurtzbourg, Napoléon apprend que les Prussiens ont envahi la Saxe et se concentrent derrière le Thuringerwald. Sous le couvert du 1er Corps (Bernadotte), qui étend ses cantonnements, Napoléon rassemble son armée encore disséminée.
Début octobre, le 69e est cantonné aux environs de Bayreuth où se sont réunis les Corps de Ney et Soult, ainsi qu'une Division Bavaroise; ces troupes doivent marcher sur Hof où elles doivent être rendues le 9 otobre. Le centre, comprenant les Corps Bernadotte et Davout, la Garde impériale et la réserve du grand-duc de Berg, débouche par Bamberg sur Cronach pour se porter, par Schleitz, sur Géra. La gauche, sous Lannes et Augereau, se dirige sur Saalfeld. L'Empereur manoeuvre par sa droite, pour déborder la gauche de l'ennemi.
Le 6 octobre, le 69e quitte Bayreuth pour marcher avec le Corps d'armée et derrière le Corps Soult, par Hof, sur Plauen. L'armée tout entière, concentrée aux sources du Mein, s'ébranle pour tomber sur le flanc et les derrières des Prussiens; tandis qu'ils défilent d'Iéna par Erfurth sur Eisenach, comptant eux-mêmes se rabattre sur nos lignes de communication.
"Le 8 octobre 1806, la Saxe était déjà envahie par 60.000 Français, dont faisait partie notre division, 6e corps, maréchal Ney, en logement à Eisenach : là, nous battîmes les dragons saxons, troupe superbe de tenue et au physique ; l'action fut dirigée par le prince Murat. L'Empereur, lorsqu'il descendit de voiture pour entrer dans le château de cette ville, qui est très remarquable, ne fut pas peu surpris d'en voir descendre un grenadier de sa garde, les deux mains pleines de couverts d'argent, gravés à ses armes. L'histoire ne dit rien de ce hardi pillard. On peut bien pardonner à celui qui voie un chou, quand soi-même on s'empare de tout un jardin.
Il était curieux de voir l'armée française à l'entrée de cette campagne ; une fièvre ardente, un enthousiasme frénétique la possédaient ; il semblait que les paroles du duc de Brunsvick, en 1793, disant qu'"il ne fallait laisser pierre sur pierre dans Paris," vibrassent encore et dussent être effacées par le sang prussien ; et, certes, ils l'ont bien payé, ces pauvres Prussiens Il semblait que nous eussions reçu un rendez-vous d'honneur, à voir l'animation qui régnait dans nos marches, qui quelquefois étaient de 15 1ieues par jour, et que rien n'arrêtait, ni malades, ni traînards, parce que jamais Français n'a manqué à un rendez-vous donné" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 10 octobre, le 6e Corps arrive à Saalfeld pour y passer la Saale et se joindre à la colonne du centre.
Le 13, l'armée française réunie sur la rive droite franchit les ponts dans la nuit et prend position autour d'Iéna, en face du plateau occupé par une flanc-garde ennemie.
Parti d'Auma à neuf heures, le 6e Corps, "à son arrivée à Géra, dut continuer, après une courte halte, son mouvement sur Roda, où il parvint à la nuit, excédé de fatigue; malgré la difficulté du chemin, il avait fait dix grandes lieues sans s'arrêter" (Général Roguet).
Son avant-garde, composée de la Brigade de cavalerie Colbert, des deux Bataillons de Grenadiers et Voltigeurs réunis, de tous les corps de troupe et du 25e Léger, parvient à Iéna vers minuit et bivouaque en arrière de la ville.
- Bataille d'Iéna
Le 69e de ligne n'a, à Iéna que ses quatre Compagnies d'élite. Le Capitaine Giraud est en réserve avec le reste de son régiment.
Le 14, Lannes commence l'attaque à 6 heures du matin, malgré un brouillard épais qui masque les mouvements des deux adversaires, et réussit à refouler le Corps prussien Hohenlohe; l'ayant fait renforcer, vers onze heures, Ney, avec sa fougue habituelle, jette son avant-garde dans le combat "afin d'avoir au moins quelque part aux glorieux événements qui se préparaient" (Ney à l'Empereur), car les deux Divisions du 6e Corps ont quitté Roda au matin seulement et arrivent présentement sur le Dornberg, à 2 kilomètres au sud de la ligne de bataille.
"Aussi, le 14 au matin, il fallait voir la vallée de Iéna pour avoir un magnifique spectacle ; plus de 100.000 hommes de toutes armes étaient en marche, sans autre bruit que celui des caissons, des cuirasses, et de la marche des chevaux. Non, il n'y a pas eu depuis de plus belle exposition que celle que je vis là de mes yeux.
Au milieu de tout cela, dans cette étroite vallée, on voyait l'Empereur et son cortège qui filaient dans un silence complet ; à son aspect, chaque corps s'arrêtait pour le voir passer. Jamais poésie semblable ne m'a frappé ; le brouillard, qui était de la partie, laissait le soleil, de loin en loin, animer et compléter le tabeau, qu'une imagination tant riche soit-elle ne saurait se représenter. L'Empereur, avant la bataille, trouva encore le temps d'écrire au roi de Prusse : "Si j'étais à mon début dans la carrière militaire, si je pouvais craindre les hasards des combats, le langage que je tiens à Votre Majesté serait tout à fait déplacé ; mais Votre Majesté sera vaincue, et sans l'ombre d'un prétexte elle aura compromis le repos de ses jours et l'existence de ses sujets." Cette lettre resta sans réponse.
Le jeune général Colbert, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, commandait l'avant-garde du 6e corps ; s'étant aventuré, il traversa avec sa cavalerie et son artillerie légère, une partie de la ligne de l'armée prussienne, en taillant en pièces tout ce qui voulait l'arrêter. Il reçut à cette occasion une verte réprimande de l'Empereur, dont les plans pouvaient être contrariés par cet excès de zèle ; c'est pour cela qu'aucun bulletin n'a parlé de cette action brillante, dans laquelle le général réussit à sortir victorieux d'une position dangereuse, en déployant une audace qui lui fit braver mille morts ; pendant quelque temps, il ne fut bruit parmi nous que de ce fait d'armes, qui fit le plus grand honneur à ce jeune général.
Une heure avant la bataille, nous allions d'un train magique ; toutes les figures étaient enluminées comme si nous eussions bu, mais il n'en était rien, c'était l'assurance de la victoire qui faisait luire pour ainsi dire chaque visage ; comme pour s'étourdir il se faisait un grand bruit d'armes. Dans de semblables moments, le cerveau est surexcité, et partant son individu ; on éprouve un frémissement incompréhensible, se rattachant au présent et à l'avenir à la fois, et qui est inhérent à notre nature dans certaines occasions solennelles de la vie d'un homme" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le Maréchal pousse ses Voltigeurs sur Vierzehn-Heiligen, centre du front ennemi, ses Grenadiers sur le bois d'Altenbourg, le 20e Léger, plus à gauche encore, sur le bois d'Iserstaedt.
Les Voltigeurs, avec l'aide de deux Régiments de Lannes, peuvent s'emparer de leur objectif et s'y maintenir sous le choc d'une Division prussienne, qui parvient toutefois à enlever les bois aux autres Bataillons de Ney, trop compromis.
Mais l'entrée en ligne à gauche du 7e Corps (Augereau), derrière lequel le 6e s'avance pour occuper le terrain conquis, celle de Soult, qui se rabat à droite, oblige Hohenlohe à la retraite.
De tout le Régiment, seuls les Grenadiers et Voltigeurs ont contribué à la victoire. Le Lieutenant Nicolas et le Sous lieutenant Bernachot ont été blessés.
Ney exécute la poursuite jusqu'à Weimar, et bivouaque en arrière de la ville.
"Pendant la marche le brouillard s'était levé, et il faisait un temps superbe, lorsque nous atteignîmes le plateau d`Iéna ; là, un vieux grenadier de la garde, qu'un boulet avait frappé au bas ventre et qui, par ce fait, était blessé à mort, me demanda de l'eau ; malheureusement je n'avais ni bidon, ni gourde, et le cours d'eau le plus rapproché était à une demie-lieue au moins, ce qui fit que je ne pus le satisfaire ; cela lui aurait épargné bien des souffrances puisqu'il serait certainement mort de suite s'il avait bu, ses intestins s'échappant par sa blessure. Je me le rappelle toujours : il possédait une de ces belles figures de troupier français, avec de grosses moustaches et de forts favoris. Je dus le laisser étendu sur les sacs des Prussiens, lesquels étaient arrangé avec grand soin comme s'ils avaient dû revenir les prendre après la bataille gagnée par eux; mauvaise plaisanterie, fanfaronne; à 5 heures, le soir, ce pauvre grenadier avait été vu d'une partie de l'année qui arrivait sur le plateau, il continuait à demander à boire.
Je retrouvai mon 69e en bataille, il allait s'ébranler à son tour ; j'avais ramassé une jolie carabine prussienne sur le champ de bataille, ce que voyant le vieux capitaine Monnier me dit en me frappant sur l'épaule : "Tu es un bon bougre, toi, car de tous les musiciens tu es le premier que je vois depuis huit jours." Il est vrai que, n'ayant aucun intérêt, ni consigne, ni bravoure non plus à rester près du danger, les musiciens sont comme les corbeaux, ils n'aiment pas la poudre, ils la fuyent donc à toutes jambes, et ne rejoignent leur corps que quand leur instinct conservateur leur apprend que tout danger est passé.
Dans ce même moment l'Empereur approchait de notre régiment qui, n'ayant pas encore donné, se réjouissait de prendre part à la bataille. Napoléon, accompagné d'un grand cortège, allait au petit pas, quoiqu'il fût exposé aux boulets qui arrivaient à toute volée au milieu de son état-major. J'étais placé à dix pas de lui et de son chef d'état-major Berthier qui, à l'arrivée de chaque boulet au milieu de son cortège, lui disait : Sire ! Ce mot, je le lui entendis dire trois ou quatre fois, ce qui n'empêchait pas l'Empereur de continuer Ia même direction, quand, tout à coup, on voit le maréchal Ney suivi d'un hussard chargé de drapeaux, qui vient dire à Napoléon que sur tous les points la bataille était gagnée.
Dès ce moment, il ne se tira plus un seul coup de canon et de fusil, et l'Empereur partit pour Weimar où nous le suivîmes. Pour ma part, je dételai et montai ensuite un vieux cheval d'artillerie d'un caisson prussien, car j'étais moulu de fatigue, ayant fait quatorze lieues dans la journée. A onze heures du soir j'arrivai à Weimar, la ville fut livrée d'instinct au pillage le plus furibond qui se pût voir. L'Empereur était logé chez la duchesse de Weimar, à son château, ce qui fit qu'il fut respecté ainsi qu'elle. On mit le feu à un magasin de comestibles dans lequel il y avait plus de 1500 tonneaux de rhum, eau-de-vie, champagne, essence de térébenthine ; les soldats, afin d'être plus vite servis, tiraient à coups de fusil sur les tonneaux ; quand l'incendie fut devenu général dans les caves, les soldats se mirent à tirer tout dehors avec des crochets, et comme la ville est en pente, tout allait à la dérive ; c'était un coup d'oeil effrayant de voir ainsi sauter en flammes et se répandre, le contenu de nombreuses barriques de vitriol et d'huile roulant dans ses rues rapides.
Vers les minuit je quittai la maison où j'étais, à cause du fracas qui s'y faisait, et parce que je n'avais pas à manger, ce dont j'avais le plus grand besoin. Sachant que les quartiers isolés, quand on les trouve, sont les plus favorisés dans de semblables occasions, je m'arrêtai dans une rue déserte où régnait un silence de cimetière, et j'avise une allée noire dans laquelle je m'enfonçai l`épée à la main, semblable à don Quichotte contre les moulins à vent; ayant entendu des voix de femmes, je frappai brusquement à une porte en disant : "Officier ! " A ces mots, on ouvre doucement, et je me trouve en face de deux jeunes demoiselles de 17 à 18 ans, pâles, la figure décomposée, qui me regardent et me demandent ce que je veux. "Moi et mes camarades nous voulons à manger," répondis-je ; alors la plus hardie et en même temps la plus jolie, reprend la parole et me dit : "Faites ici tout ce que vous voudrez de nous, mais qu'on respecte notre vieille mère qui est malade"; j'entrai alors chez elles, et elles me servirent de la bière, de l'eau-de-vie et du jambon, et je fis un charmant souper. N'entendant rien dans cette rue déserte, je ne voulais pas rester plus longtemps, et je prétextai que mes camarades avaient probablement perdu ma piste et que j'allais à leur recherche. Ces demoiselles voulaient bien que je laisse mon petit paquet, mais je leur observai qu'un militaire ne peut faire ainsi sans être puni; je sortis avec la promesse de revenir bientôt. A une trentaine de pas de la maison, je rencontre notre facteur aux lettres, nommé Bertin, charmant jeune homme de 25 ans, parlant mieux l'allemand que moi, et que je connaissais depuis Besançon. Je racontai mon aventure à Bertin. "Oh ! conduisez-moi là, je vous prie, me demanda-t-il. Mais, lui dis-je, je ne retrouverai pas la maison;" il y mit tant d'insistance qu'enfin je le conduisis, après quoi je m'esquivai en disant que j'allais revenir. J'ai su depuis qu'il avait eu une correspondance très suivie avec ces demoiselles, et qu'elles avaient été on ne peut plus aimables à son égard, ce que je comprends sans peine après une bataille comme celle de Iéna ; il me remercia beaucoup de lui avoir fait connaître cette maison; mais vraiment, cela n'en valait pas la peine, le sacrifice était nul, car j'avais seize ans alors, j'étais encore dans les jobards, et pour pareille occurence j'étais trop niais et trop pudibond. Ce fut très heureux pour ces demoiselles qu'il en ait été ainsi, car elles auraient pu avoir des hommes dépravés à loger qui leur auraient fait subir des violences, au lieu qu'il n'y eut en cette occasion que sympathie réciproque.
Je retournai dans mon ancien logement, j'y trouvai de mes camarades qui avaient trouvé du champagne et qui m'en firent boire plus que je n'aurais dû ; j'aimais cette douceur que je ne savais pas si enivrante, et j'y pris tellement goût, que le matin je n'étais plus dans mon état normal.
Ayant ramassé une bobine de ruban argent et or sur une place près d'un moulin, je voulus en faire présent à deux paysannes qui étaient sur le seuil de leur porte, mais à ce moment le grand quartier-général descendait à pied une rue très rapide ; chacun de ceux qui le composaient tenait son cheval par la bride ; le grand maréchal Duroc me saisit en passant par les deux oreilles et s'amusa à me frapper au point que son aide de camp dut me dégager de ses mains. Je me sauvai alors sous une porte cochère ; je dois dire qu'à cette époque j'étais très petit de taille et assez gros" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le même jour, Davout a battu, à Auerstaedt, l'armée principale aux ordres du Roi et de Brunswick. A quatre heures du soir, les deux déroutes se confondent.
Dès lors commence une poursuite où nos fantassins fournissent d'incroyables étapes et supportent des fatigues surbumaines, laissant parfois notre propre cavalerie.
- Prise d'Erfurth
Du 10 octobre au 11 novembre, le 69e bivouaque constamment. Le 15 octobre, Ney arrive à dix heures du soir devant Erfurth, qui capitule et ouvre ses portes le 16.
"En partant de Weimar, notre régiment fut dirigé sur Erfurt, qui capitula à notre arrivée" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
A midi, il quitte la ville, où il laisse comme garnison son Bataillon de Grenadiers, et atteint Graefen-Tonna.
Le 6e Corps repart le 17 au matin, marche toute la journée et, après un long repos à Sondershausen, toute la nuit sur Nordhausen, où il se refait, le 18, d'une étape de quinze lieues.
Le 19, la Division Marchand quitte son bivouac à six heures et parvient à Hasselfelde. Le 20, elle est à Halberstadt, enfin, le 21, à Gross-Germersleben, à une journée de Magdebourg, objectif de Ney.
"De là (Erfurt), nous nous dirigeâmes sur Berlin, où nous fîmes une fort belle entrée. Les habitants étaient comme pétrifiés de honte, et nos Alsaciens, qui savaient par coeur toute leur ancienne gloire historique, leur vomissaient à ce sujet les choses les plus mortifiantes, mais ces fanfaronnades déplurent à toute l'armée ; on peut pardonner cela aux Français, mais on ne le peut passer à d'autres, l'esprit n'y est pas.
La misère était à son comble dans Berlin ; nos musiciens de corvée pour aller chercher le pain de munition étaient assaillis par de jeunes Prussiennes qui leur offraient tous leurs charmes pour une ration de pain ; quelle misère ; quelle immoralité ; mais aussi la faim ! O la guerre ; voyez, peuples et gouvernants, c'est votre ouvrage; c'est votre jactance trop précoce, vos vieux souvenirs du grand Frédéric, votre insolence, en 1793, de dire qu'à votre arrivée à Paris vous ne laisserez pierre sur pierre, qui a causé tous vos malheurs et les nôres. Ah pauvre nation, vous l'avez payé cher; je le sais, j'étais là, témoin oculaire et quelquefois même acteur dans toutes les vexations que le vainqueur vous a imposées, et vous, calmes, résignés et soumis, vous n'avez pas une seule fois levé l'étendard de la révolte, alors que cela aurait été beau et juste, et que vous aviez le bon droit pour vous ; mais non, malgré votre bon droit, comme vos voisins ne vous aimaient pas, si vous vous étiez révolutionnés, ils auraient laissé faire, et vous auriez été partagés comme une pomme, sans opposition" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
- Blocus de Magdebourg
Le 22 commence le blocus de Magdebourg, où 20.000 fuyards se sont réfugiés. La Division est en avant de Schleibnitz, au sud-ouest de la place.
Le 23, elle se rapproche et s'installe entre Gross-Ottersleben et Schmarsleben.
Quatorze jours après le début des hostilités, Napoléon a réglé à jour et heure fixes, comme pour une parade, l'entrée de son armée dans la capitale ennemie ! Le 25 octobre, le Maréchal Davout en prend possession et, le 27, l'Empereur y fait une entrée triomphale.
Le 30 octobre 1806, depuis Berlin, Napoléon écrit au Général Dejean, Ministre Directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean ... Faites partir de Mézières ... 150 hommes du 69e ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 752 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 13374).
Le 31, 99 hommes du 69e venant de Luxembourg par Mayence arrivent à Berlin, sont passés en revue par l'Empereur et forment, avec des détachements des 25e Léger, 50e et 59e, un Bataillon provisoire qui constitue la garnison de la ville.
Précisons que par Décret du 21 octobre 1806, l'Empereur a entretemps décidé de former à Berlin la Division de Grenadiers d'Oudinot, organisée à 7 Régiments : les Grenadiers et Voltigeurs du 3e Bataillon du 69e entrent dans la composition du 1er Bataillon du 5e Régiment (9e Bataillon).
Le 31 octobre 1806, Berthier écrit au Général Hulin : "... Les 274 hommes du 25e d'infanterie légère, les 99 hommes du 69e, les 103 hommes du 59e, les 314 hommes du 50e formeront un bataillon qui fera la garnison de Berlin jusqu'à nouvel ordre ; ils feront partie du corps du maréchal Ney, ils l'attendront à Berlin.
On nommera un chef de bataillon. Avoir soin de leur faire donner ce qui est nécessaire et les caserner dans un lieu qui sera appelé caserne du maréchal Ney ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 754 - Note. Minute de la main de Berthier).
Le 4 novembre, le Major-général ordonne au Gouverneur d'Erfurt de diriger sur Wanzleben les Compagnies d'élite du 6e Corps, laissées à la garde de la place.
Le siège de Magdebourg touche à sa fin. Par de petits combats d'avant-postes, la Division Marchand s'est peu à peu rapprochée des glacis et du Closterberg.
"Pendant la nuit, rapporte Ney au Major général (Lettre du 7 novembre), des postes d'observation s'approchent de la place sur les deux rives de l'Elbe, de manière qu'aucune patrouille ne peut en sortir : à la diane, ces postes rentrent derrière la première chaîne de vedettes : ils sont tous relevés à cette même heure et restent doublés pendant le jour.
Il règne dans le service beaucoup d'exactitude et il en est résulté que l'ennemi, après avoir tenté plusieurs sorties, n'a pu parvenir à nous faire un seul prisonnier".
La nuit du 4 au 5, la 2e Division prend les armes. L'ennemi tente une attaque entre huit et neuf heures et est vivement repoussé.
Le 8, un armistice est conclu, le lendemain les portes sont occupées par les Français. Le 11, divisée en quatre colonnes, la garnison défile de neuf heures du matin à trois heures de l'après-midi; 54 drapeaux, 5 étendards, 20 généraux, 800 officiers, 22.000 hommes, 700 canons tombent au pouvoir de Ney.
"A ce moment, chaque jour voyait ravir au roi de Prusse une arme, une position militaire, une forteresse ; l'heure fatale venait de sonner pour ce malheureux royaume. La place forte de Magdebourg fut bombardée par le 6e corps dont je faisais partie ; le maréchal Ney s'y couvrit de gloire. J'ai vu sur les glacis de cette forteresse, les compagnies prussiennes se former en rond pour recevoir les adieux de leurs officiers, qui brisaient leurs épées de honte et de colère ; d'après la capitulation ils pouvaient rentrer dans leurs familles. Ce dut être navrant, déchirant pour eux, qui étaient au nombre de 23.000 hommes dans la place, et qui ne purent pas tirer un coup de fusil pour sa défense.
Les villages sont rares et les grandes routes possèdent peu d'auberges ; sans les Juifs qui sont intrigants pour gagner de l'argent, l'on ne trouverait rien dans ce pays des choses les plus nécessaires à la vie ; les maisons sont en chaume, et il n'y a que le baron du village qui a le droit d'avoir une cheminée sur ce qu'ils appellent le château ; c'est cela qui indigna tellement un vieux grenadier de la garde qui, dans son logement où la fumée sortait par la porte et les fenêtres, avait été fumé comme un jambon, étant sur la grande route sans fumée alors, s'arrêta, et désignant avec affectation les forêts de bouleaux et les sables perpétuels du pays, prononça ces mots qui passeront à la postérité : Et ils appellent cela une patrie ! Les Polonais, malgré leur pays misérable, sont intelligents, braves, bons soldats, cavaliers intrépides, bons musiciens, poètes ; ce sont les premiers soldats du monde pour prendre une ville d'assaut" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
- Entrée à Berlin
Le 12 novembre, la seule Division Marchand quitte la place avec l'artillerie, pour se rendre à Berlin, en trois groupes qui arrivent les 16, 17 et 18. Elle emmène les trophées pour les présenter à l'Empereur. Elle passe par Moeckern, Ziésar, Brandenburg, Potsdam.
Le 17, le 69e entre à Berlin.
D/ Campagne de 1807
A peine l'Empereur est-il à Berlin qu'il décide de poursuivre sur la Vistule les débris des Prussiens ; il va y rencontrer l'armée russe.
Napoléon a établi sa ligne d'opérations sur l'Oder, de Stettin à Glogau.
Les Russes entrent seulement en campagne : 55,000 hommes, sous Beningsen, sont établis, le 25 novembre, entre Pulstuck et Varsovie. Leur deuxième armée, 36.000 hommes, sous Buxhaewden, est encore en marche, loin en arrière ; 15.000 Prussiens, sous Lestocq, occupent Thorn.
Le 2 décembre, les 3e, 4e, 5e et 7e Corps viennent occuper Varsovie et Praga.
Le 30 novembre, Ney a mis son Corps en mouvement de Posen sur Thorn. Le 1er décembre, le 69e (1ère Division, Général Marchand; 1ère Brigade Ligier-Belair, 6e Léger, 39e ; 2e Brigade Wondeweidt, 69e et 76e de Ligne) est à Gnesen, le 4, à Inowraclaw.
Le 6, le Maréchal Ney, en vue de reconnaître les abords de Thorn, fait monter dans des barques 400 hommes du 14e et les Grenadiers et Voltigeurs du 69e et du 6e Léger. Cette troupe, placée sous le commandement du Colonel Savary, traverse la Vistule, qui charrie d'énormes glaçons, et s'engage contre l'ennemi, maître de l'autre rive. Avec l'aide de bateliers polonais qui la dégagent des glaces et précipitent dans le fleuve les Prussiens s'opposant au débarquement, elle les repousse et s'empare de la ville.
Ney écrit à Berthier, le 7 décembre 1806 : "Le 6 décembre, la tête de mes troupes arrive à Podgorze, vis-à-vis Thorn. Le colonel Savary à l’aide de quelques bateliers polonais avait déjà pris sur la rive droite, au-dessus de Thorn, quelques bateaux dont l’ennemi plusieurs jours avait s’était emparé … avec 400 hommes se son régiment et les voltigeurs et grenadiers du 69e et du 6e léger, il passe sur la rive droite de la Vistule. L’ennemi fit une forte résistance … Il y a eu dans cette affaire une vingtaine de Prussiens tués ou blessés et autant de pris ; de notre côté nous avons eu 5 blessés. La principale colonne ennemie qu'on évalue à 4.000 hommes, aux ordres du général L'Estocq, s'est retirée dans ta direction de Königsberg ; l'autre sous Graudenz ..." (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 83).
"Nous sommes maîtres de Thorn depuis hier (6 décembre). Le 6e léger, les voltigeurs et grenadiers du 69e et un détachement du 14e de ligne commandé par son colonel, M. Savary, ont attaqué, tourné l'ennemi et emporté le poste ... On s'occupe de la réparation des deux parties du pont que l'ennemi a brûlé ; le dégât est considérable, mais j'espère rendre le pont praticable à l'artillerie avant quatre jours; en attendant, les bateaux servent au passage de la Vistule ... Le colonel Savary (du 7e corps d'armée) mérite les plus grands éloges pour son intelligence, son zèle et sa valeur; c'est à lui particulièrement qu'on doit la prise de Thorn" (Rapport du Maréchal Ney au Major général en date du 7 décembre, cité par H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 40e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE, daté de Posen, le 9 décembre 1806, raconte : "Le maréchal Ney a passé la Vistule et est entré le 6 à Thorn. Il se loue particulièrement du colonel Savary, qui, à la tête du 14e régiment d'infanterie et des grenadiers et voltigeurs du 69e et du 6e d'infanterie légère, passa le premier la Vistule. Il eut à Thorn un engagement avec les Prussiens, qu'il força, après un léger combat, d'évacuer la ville. Il leur tua quelques hommes et leur fit 20 prisonniers.
Cette affaire offre un trait remarquable. La rivière, large de 400 toises, charriait des glaçons ; le bateau qui portait notre avant-garde, retenu par les glaces, ne pouvait avancer ; de l'autre rive, des bateliers polonais s'élancèrent au milieu d'une grêle de balles pour le dégager. Les bateliers prussiens voulurent s'y opposer : une lutte à coups de poing s'engagea entre eux. Les bateliers polonais jetèrent les prussiens à l'eau, et guidèrent nos bateaux jusqu'à la rive droite. L'Empereur a demandé le nom de ces braves gens pour les récompenser …" (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 124 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettres 11423).
Le Corps tout entier passe sur la rive droite. Il fait partie de 1'armée de la basse Vistule, aux ordres de Bernadotte, et il a devant lui Lestocq, avec le dernier corps prussien.
Tandis que l'Empereur attaque les Russes sur l'Ukra, Ney est chargé d'éloigner de l'Ukra les troupes de Lestocq et de les séparer de l'armée russe. Ney poursuit Lestocq dans sa retraite sur Strasbourg, puis sur Lautenburg et Soldau.
Les 16 et 17 décembre, le Régiment se trouve à Ostrowitz et à Bieltch (Biezun); du 18 au 22, il bivouaque sur la rive gauche de la Drevens, à Dobrzyn.
Le 22 décembre, le Maréchal Ney informe le commandant du 1er Corps d'Armée que le 6e Corps prendra poste le 25 sur Mlawa; la 2e Brigade (69e et 76e de Ligne) ira à Rypin (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 23, la Brigade s'installa à Gurzno, d'où le Colonel de Bülow vient d'être délogé par les 6e Léger et 39e.
- Combat de Kudsburg.
Le 24, après avoir chassé de Kudsburg (Kumsbrock) le détachement von Kall, elle oblique à gauche poursuivant les derniers éléments de la colonne von Diericke qui a été chargée de reconnaître le 6e Corps.
Pendant ce temps, les deux armées russes font leur jonction devant l'Empereur qui les bat à Pulstuck.
- Prise de Soldau
Composition du 6e Corps du Maréchal Ney au 25 décembre :
1ère Division, Général Marchand : 6e Léger, 39e, 69e et 76e de Ligne, 8 Bataillons, 12 pièces, 6393 hommes.
2e Division Vandamme : 25e Léger (3 Bataillons ; fort d’environ 1800 hommes, il est porté en route pour rejoindre l’armée), 27e, 50e et 59e de Ligne, 9 Bataillons, 12 pièces, 4546 hommes.
Artillerie et Génie, 1121 hommes.
Cavalerie légère, Général Colbert : 3e Hussards et 10e Chasseurs : 6 Escadrons, 706 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 296).
Le 25, au point du jour, Vonderweidt marche sur Soldau, où 6.000 Prussiens se sont retranchés, et s'empare de la ville par surprise.
"La réussite de ce coup de main est due à ce fait, que le général Lestocq, mal renseigné par sa cavalerie, avait disposé d'avance toutes ses forces pour résister à une attaque venant de l'ouest, de la direction de Lautenburg, tandis que la brigade du 6e corps se présenta par la route du sud, et presque de suite agît très vigoureusement de l'est à l'ouest, c'est-à-dire du côé exactement opposé à celui où elle était attendue. Elle trouva dès lors la lisière est de Soldau assez mal défendue, et en profita pour pénétrer dans la ville et s'y installer" (Revue d'histoire, "La manoeuvre de Pulstuck").
Lestocq a en effet placé la Brigade Diericke sur la Pierlawka, à cheval sur la route de Lautenburg, et compte, avec la Brigade Rembow, attaquer dans leur flanc gauche les Français ainsi maintenus de front. Il n'a laissé dans la ville aux ordres du Général Hartmann que les Tirailleurs du Régiment de Ruchel et une batterie de 12.
Située au milieu d'un marais impraticable, la position ne peut être assaillie au sud-ouest que par la chaussée de Kyschienen, large de 8 mètres et longue de 700, dont les approches sont défendues par deux batteries, tirant l'une d'enfilade, l'autre d'écharpe.
Une seconde chaussée, plus méridionale, relie les villages de Kurkau et de Niederhof et permet d'entrer au bourg par le sud. Pour ménager la retraite des éléments poussés vers l'est, on n'a pas fait sauter les ponts.
"Vers dix heures du matin, les premiers tirailleurs de la division Marchand apparurent sur la route qui vient de Kudsburg par Riwocin et Kurkau. Le général Vonderweidt fit faire alors une première tentative pour enlever Niederhof par la chaussée de Kurkau, mais l'artillerie... enfilait ce long défilé de 800 mètres et fit échouer l'attaque. La brigade française porta alors son effort contre Kyschienen, dans l'espoir de gagner ensuite Soldau par la chaussée nord. Les tirailleurs de Rüchel furent facilement chassés de Kyschienen; en se retirant par la chaussée, ils furent suivis pied à pied par les voltigeurs du 69e appuyés par deux compagnies du 76e qui franchirent le pont sous un feu très vif. Etant donné la confusion qui régnait sur la chaussée, où les troupes des deux partis étaient mélangées, le général Hartmann ne crut pas devoir faire entrer en action la batterie de 12 et lui donna l'ordre de battre en retraite. Les deux pièces qui étaient sur la chaussée eurent une partie de leurs chevaux et de leurs servants tués et tombèrent entre les mains du 69e. L'infanterie du 6e corps put dès lors pénétrer dans la ville et s'y installer avant que l'ennemi ait eu le temps de faire une résistance sérieuse" (Revue d'Histoire).
Les Prussiens luttent à la baïonnette dans les rues; comme le Porte-drapeau du 69e tombe mortellement atteint, le Sergent Dubreuil (le Sergent Dubreuil, engagé volontaire de l'an XIII, est, à cette occasion, proposé pour le grade de Sous-lieutenant) se précipite vers lui, ramasse l'aigle qui se dresse de nouveau dans la mêlée.
"La brigade Vonderweidt venait de réussir un de ces coups de main où excellait l'infanterie de la Grande Armée, et dont les annales renferment de si nombreux exemples" (Revue d'Histoire).
Mais, Dierike, averti, revient vers la porte d'Allemagne, et, après une préparation d'artillerie, son infanterie "poussa jusqu'à la porte, pénétra dans la ville par une entrée latérale et parvint à progresser jusqu'à la place du Marché; mais, là, elle se heurta à une résistance très énergique des 69e et 76e de ligne, dont une partie occupait les maisons; les assaillants durent rétrograder et repasser en désordre la porte d'Allemagne. Les Français les poursuivirent de près, mais dès qu'ils voulurent déboucher de Soldau, ils tombèrent sous le feu des canons de Diericke et furent contraints à rentrer dans la ville" (Revue d'Histoire).
Lestocq, informé à son tour, donne l'ordre à son lieutenant de tenter une nouvelle attaque.
"Vers 5 heures du soir, alors que la nuit était déjà presque complète, la brigade Diericke dut pousser une seconde fois vers la porte d'Allemagne, tandis qu'un bataillon tournerait la ville par le nord ... Des deux côés, l'infanterie prussienne, en arrivant aux maisons, fut reçue par une fusillade nourrie, et, comme elle fut obligée de battre en retraite, il ne se produisit plus jusqu'à minuit, du côé prussien, que des tentatives partielles qui ne furent pas poussées à fond" (Revue d'Histoire).
Ont été blessés au combat de Soldau le Capitaine Meigna, les Lieutenants Chaumet, Martinet, Paris, et le Sous lieutenant Faré. Parmi la troupe ont été tués le Grenadier André, le Fusilier Briam, le Grenadier Bouquet, les Fusiliers Bentz, Baver, le Voltigeur Choquert, le Caporal Chamat, le Fusilier Champion, le Voltigeur Débaziel, le Grenadier Dutertre, le Voltigeur Fauchey, les Fusiliers Guezaudel, Grisner, le Tambour Henry, le Caporal Jabot, le Fusilier Knapp, le Voltigeur Kisteler, les Fusiliers Moeple, Némon, les Voltigeurs Person, Roussel, le Fusilier Strub, le Voltigeur Zatillon.
Voici le rapport que le Colonel fait de cette brillante affaire au Général Vonderweidt, commandant la 2e Brigade de la 2e Division du 6e Corps :
"Monsieur le Général,
D'après les dispositions à notre arrivée devant Soldau, la compagnie de voltigeurs du régiment que je commande et celle du 76e étant mises en marche pour attaquer la tête du pont et s'en emparer, j'ordonnai à M. Dufour, sous-lieutenant de grenadiers, de précéder ces compagnies ayant sous ses ordres les sapeurs et les quinze grenadiers du régiment destinés à rendre le passage praticable, détruire les palissades et autres obstacles, qui auraient pu arrêter leur marche.
A leur apparition, l'ennemi fit sur eux un feu des plus vifs d'artillerie et de mousqueterie. Aussitôt, les sapeurs et les grenadiers aux ordres de M. Dufour, suivis de près par les compagnies de voltigeurs, fondirent à la baïonnette sur 200 hommes établis en avant du pont, les culbutèrent malgré leur opiniâtre résistance, passèrent le pont, dont on avait ôé les madriers, et marchèrent au pas de charge sur deux pièces de canon, qui s'opposèrent à leur passage. M. Dufour arriva le premier à la batterie avec ses grenadiers, tua de ses mains le capitaine qui la commandait, fît plusieurs prisonniers, dont un officier, força le reste à la fuite et s'empara des deux pièces de canon. A l'exemple de ce trait de bravoure peu ordinaire, les voltigeurs passèrent les ponts et la digue, et entrèrent dans la ville malgré le feu le plus vif de la mousqueterie et de six pièces d'artillerie, placées à la droite de la digue, qui flanquait le pont.
M'étant aperçu que l'ennemi, avec un corps de 400 hommes d'élite, était venu se placer entre la ville et les ponts pour couper les voltigeurs qui étaient dans la ville et les deux ponts et les faire prisonniers, je passai de suite les ponts à la tête du régiment, en colonne par section, et marchai sur lui au pas de charge. L'ennemi, en voyant arriver le régiment, fit un feu des plus vifs d'artillerie et de mousqueterie, mais bientôt déconcerté par l'intrépidité et le sang-froid des compagnies de grenadiers qui formaient la tète de colonne, il se dispersa et abandonna ses positions.
Le régiment entra en ville et se mit en bataille sur la place, après quoi je portai des compagnies aux principales avenues de la ville pour protéger les voltigeurs qui continuaient à se battre au dehors, prévenir toute tentative de la part de l'ennemi et assurer par là la conservation de la place.
Quelque temps après, l'ennemi voulant reprendre la ville de vive force, se rallia, forma quatre colonnes d'environ 1.000 hommes chacune, fit quatre attaques, successivement les unes après les autres, sur tous les points, mais il fut repoussé très vigoureusement de toutes parts à la baïonnette.
Dans ces différentes attaques, qui ont duré jusqu'à 1 heure du matin, l'ennemi a perdu un drapeau, 220 tués dont 10 officiers, entre autres un aide-de-camp du général Lestocq qui commandait une colonne et qui reçut une blessure grave. Le régiment a eu dans cette affaire 25 tués dont un officier, 98 blessés dont 2 capitaines et 2 lieutenants. Je n'ai qu'à me louer, Monsieur le Général, de la conduite distinguée qu'ont tenue dans cette affaire tous les militaires du régiment que je commande ainsi que les trois compagnies du 76e qui étaient sous mes ordres et particulièrement MM. Clouard et Magne, chefs de bataillon, et les officiers des compagnies de grenadiers et voltigeurs. Je vous envoie ci-joint un état nominatif de ceux qui se sont spécialement distingués en vous priant de solliciter en leur faveur la bienveillance du gouvernement et l'obtention des récompenses que je demande pour eux.
Il vous suffit, Monsieur le Général, de connaître les positions avantageuses qu'occupait l'ennemi et les difficultés que le régiment a éprouvées dans cette affaire pour reconnaître combien l'audace et l'intrépidité qu'il a montrées rendent sa conduite honorable et distinguée.
Brun".
"Les ponts (Ney parle ici des ponts sur lesquels reposait de distance en distance la digue servant de chaussée) étaient en partie détruits; 2 pièces de 12 enfilaient la chaussée et une batterie de 6 pièces la battait de flanc. Tous ces obstacles ont été surmontés avec une extrême audace. Les voltigeurs du 69e ont passé les ponts, sur les poutres, sous un feu très vif. 3 compagnies du 76e suivaient et les 2 pièces de 12 ont été enlevées à la baïonnette. L'affaire alors est devenue très chaude. L'ennemi a opposé une résistance opiniâtre; mais enfin, poussé de rue en rue à coups de baïonnette, il a été entièrement jeté hors de la ville ... Le général Lestocq, furieux d'être chassé d'une position qu'il jugeait inattaquable, a réuni ses officiers et leur a fait jurer de reprendre la ville pendant la nuit. Et en effet depuis sept heures jusqu'à minuit, il a fait quatre attaques successives qui ont été vivement repoussées quoique l'ennemi y ait montré un courage tenant du désespoir ... Les 69e et 76e ont rivalisé de courage ..." (cité par H. Bonnal).
Le Régiment a les honneurs du Bulletin officiel (46e Bulletin, daté de Golymin le 28 décembre 1806) : " ... Le 26, l'ennemi s'étant concentré à Soldau et Mlawa, le maréchal Ney résolut de marcher à lui et de l'attaquer. Les Prussiens occupaient Soldau avec 6.000 hommes d'infanterie et un millier d'hommes de cavalerie; ils comptaient, protégés par les marais et les obstacles qui environnent cette ville, être à l'abri de toute attaque. Tous ces obstacles ont été surmontés par les 69e et 76e. L'ennemi s'est défendu dans toutes les rues et a été repoussé partout à coups de baïonnette. Le général l'Estocq, voyant le petit nombre de troupes qui l'avaient attaqué, voulut reprendre la ville. Il fit quatre attaques successives pendant la nuit, dont aucune ne réussit. Il se retira à Neidenburg. Six pièces de canon, quelques drapeaux, un assez bon nombre de prisonniers, ont été le résultat du combat de Soldau. Le maréchal Ney se loue du général Von der Weid, qui a été blessé. Il fait une mention particulière du colonel Brun, du 69e, qui s'est fait remarquer par sa bonne conduite ..." (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 138 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.2, p. 106 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettres 11514).
"A Soldaut, ils coupèrent le pont, mais à la faveur de la nuit, le 25 décembre, nos sapeurs le rétablirent ; la ville fut occupée par nous à 2 heures du matin ; le 69e et le 76e en furent maîtres sur tous les points sans qu'il fût nécessaire de donner un coup de baïonnette, mais bien après une fusillade soutenue, qui valut au colonel Brun des compliments mérités de la part de l'Empereur, qui avait envoyé là un général sans énergie, lequel faillit faire manquer l'expédition ; elle ne réussit que parce que le colonel prit tout sous sa responsabilité. Nous étions seulement 5000 combattants sans artillerie pour en poursuivre 14.000 ; nous entrions de plus en plus dans la vieille Prusse qui est enclavée dans la Pologne" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 26, la Brigade bat encore les Prussiens à Dzialdow, et les rejette sur Niedenburg.
Vers 2 heures du matin, l'ennemi se retire sur Niedenburg, en décrivant un grand cercle autour de Soldau.
"C'est à ce moment que plusieurs de nos meilleurs musiciens gagistes quittèrent spontanément le régiment pour aller s'engager dans l'armée d'Italie, qui occupait un meilleur pays que la Pologne. Trois d'entr'eux laissèrent à la grande halte leurs instruments sur la grosse caisse ; l'embarras du maître de musique fut grand dans cette circonstance, surtout pour le remplacement de celui qui tenait l'emploi de clarinette en fa, qui a tout le chant à soutenir. Moi je n'étais encore que cymbalier; on me remit cette clarinette à porter, persuadé qu'on était que ces musiciens nous reviendraient, qu'ils s'étaient oubliés dans une auberge.
Il n'en fut rien ; mais moi je m'amusais dans chaque logement à jouer de cette clarinette qui me plaisait beaucoup ; un musicien de notre régiment, m`ayant entendu jouer par coeur tous les airs du répertoire, dit au chef de musique que je pouvais remplacer Olivier, celui qui était parti, gagiste à 90 fr. par mois. Effectivement, je pouvais tenir cet emploi ; j'avais un son remarquable que je ne tenais pas de l'étude, mais qui m'était naturel, ayant une organisation précoce et particulière pour cet instrument ; il me fut donc prescrit de remplacer le manquant, et à dater de ce moment, le jour que nous entrâmes à Posen, je jouai cette petite clarinette, au grand étonnement des musiciens, de ceux surtout qui détestaient les Genevois. Les gagistes qui avaient été en garnison à Genève, ne pouvaient pardonner à ceux de Genève d'avoir fait brûler Michel Servet ; ils m'appelaient pour ça le "petit brûleur de médecin" ; moi, pauvre ignorant, à cet âge où les enfants vont encore à 1'école, je ne connaissais rien de l'histoire de mon pays, et je répondais à ceux qui m'attaquaient tare pour bare ; ce ne fut que lorsque notre 1er basson, nommé Stéphens, m'apporta le Dictionnaire abrégé de Baillé, ouvert à la page 345, que je lus ce qui suit, et que j'appris à connaître l'histoire du malheureux Servet ; je lus : "Le 28 octobre, cet infortuné médecin fut condamné à être brûlé tout vif ! " je m'aperçus alors que je n'étais qu'un petit ânichon ; plus tard, je me vengeai de tous les mots désagréables qu'ils débitaient sur mes compatriotes, et entr'autres de celui-ci : Genevois, quand je te vois, rien je ne vois ; je répondis un jour à l'un d'eux : "Je vous ferai voir quelque chose, moi que vous traitez si mal."
Stéphens me disait encore : Genevois, quand je te vois, je ne vois que vanité et égoïsme devant moi. Je lui répondais alors : " Mais quand je vais à la maraude je partage avec vous poules, pommes, etc.". "Oui, c'est vrai, me répondait-il, mais tu n'es pas Genevois pur sang, ta mère est Marseillaise, je connais mieux que toi tes compatriotes, j'ai été très bien reçu à la loge des F. M. de l'Union des Coeurs et de l'Amitié, et dans plusieurs cercles ; j'ai aussi donné plusieurs concerts à Genève. Mais les dames et les demoiselles y sont trop peu naturelles, la puderie, les préjugés les rendent détestables ; l'instruction y est remarquable, mais pour une république, l'éducation n'y est pas supportable ; on y parle beaucoup d'égalité, je n'ai pourtant, de ma vie, vu pays où elle se pratique si peu. Il y a, d'après M. Galiffe, une douzaine de noms nobles et qui le sont réellement, mais toute cette quantité de dames et de demoiselles qui veulent faire croire qu'elles sortent de la cuisse de Jupiter, parce qu'elles ont de l'argent, de la morgue, et qu'elles dédaignent sans raison aucune votre salut, à vous artistes, je te prie de croire qu'elles n'en sortent nullement, et que ce ne sont que des filles de marchands et enfants de la balle, voilà tout. N'allez pas croire pour tout cela que je méprise cette classe-là, bien au contraire, je les estime hautement, mais je méprise le chemin suivi par elles qui, loin de faire oublier d'où elles sont parties, le rappelle davantage. La véritable noblesse est libre, douce, familière, populaire ; elle se laisse toucher, aborder, et de cette manière, loin de perdre, elle ne peut que gagner à être vue de près, car son caractère noble et facile inspire le respect et la confiance, et nous apercevons mieux qu'elle a de la supériorité, sans pour cela être obligés de nous faire petits. La fausse noblesse, ou, pour trancher le mot, la roture, au contraire, est farouche, inaccessible, et par ses grands airs elle prétend se donner ce qui lui manque, mais elle ne réussit qu'à en imposer aux sots."
Ce n'était pas avec moi que Stéphens tenait ce langage, celui-ci était un érudit personnage qui s'escrimait à qui mieux mieux sur notre compte avec notre première flûte solo, nommé Olivier ; pour moi, j'étais peu et même pas du tout capable de prendre fait et cause dans ces conversations, aussi me taisai-je, ce qui était le plus sage. Dans ce temps, les musiciens gagistes avaient presque tous reçu une bonne éducation, la musique avait pour eux un charme qu'elle n'a plus de nos jours, c'était alors de l'art, aujourd'hui ce n'est que du métier, la vénalité envahissant tout.
M. Stephens avait été reçu chez Mme de Staël, ce qui ne l'empêchait pas de critiquer Mme Necker, sur le bannissement de la musique dans son livre de l'Education pour les demoiselles, où elle dit que la musique développe les passions. "Oui, disait Stephens, c'est pour cela qu'à Genève les demoiselles se marient sans amour, indifféremment avec un bossu, pourvu qu'il soit riche, ou n'importe avec quel cousin imbécile ou pas beau, s'il jouit d'une grande fortune ; une seule passion, celle de l'argent, les aveugle à ce point-là. Qu'en dites-vous, mon cher M. Olivier ?" Celui-ci, qui était cupide et d'une vénalité excessive, était l'opposé de son interlocuteur; c'était chaque jour de semblables discussions sur nos pauvres et nos riches Genevois. Stéphens disait : " Un de ces quatre matins, ceux-ci auront à subir une révolution, le peuple en aura raison tôt ou tard ; l'aristocratie républicaine est de dix mille points plus arrogante que celle des Etats absolus ; cela doit être : plus l'on est minime dans le monde, plus on cherche à paraître." Toutes ces conversations m'éclairaient, et je trouvais une grande différence entre nos musiciens gagistes et les sapeurs, qui n'ont de l'esprit que dans leur barbe, et les tambours-majors et tambours-maîtres que dans leur canne ; toutefois, on aurait certainement pu enfermer quelques-uns de nos musiciens avec leur instrument, une fois le solo terminé, sans que la conversation en eût souffert, elle y aurait même gagné. Mais les deux champions que j'ai nommés avaient des moyens naturels, de la mémoire, et comme ils avaient beaucoup vu, lu et entendu, c'étaient des encyclopédies portatives ; j'aimais à me trouver et à loger avec eux, malgré l'antipathie qu'ils professaient à l'égard des Genevois.
Cependant ils rendaient toute justice à mes concitoyens pour beaucoup de choses; entr'autres ils convenaient que c'étaient les premiers comptables de l'époque, les premiers horlogers du monde ; s'ils ne sont pas généreux, ils savent devenir riches, et malgré leur adoration pour l'or et l'argent, ils n'ont jamais fait la traite des nègres comme les Anglais. Olivier ajoutait qu'on ne savait pas tout.
Tous deux admiraient Jean-Jacques Rousseau, et un jour que nous étions logés chez un curé, en Pologne, qui ne savait pas un mot de français, ils se mirent à parler latin avec lui, et lui firent comprendre que j'étais Genevois. Ils furent étonnés alors de voir ce brave homme m'examiner de la tête aux pieds en me disant : "Oh ! que je suis heureux de voir un compatriote du grand Rousseau, le citoyen de Genève, de l'homme immortel ; " il faisait un signe de croix chaque fois qu'il prononçait son nom, et quoique je fusse de la ville de Calvin, il me serrait les mains de joie et de bonheur; la tolérance ne pouvait pas s'oublier devant une si franche admiration ; je pris part au souper, sur la prière du curé, ce qui vexa un peu les deux gagistes qui furent pourtant très polis, et qui s'exécutèrent de bonne grâce.
Le lendemain, sur la grande route, la conversation roulait sur le bon curé et Jean-Jacques Rousseau, le grand citoyen de Genève, lorsque, tout à coup, le général Marcognier arrive à la tête de la brigade et commande au colonel Brun de faire charger les armes. Depuis le grand matin nous avions fait route presque côe à côe avec une division d'infanterie prussienne, et une brigade de hulans prussiens. Justement, j'avais pris un superbe cheval dans une ferme, lequel était tout harnaché, sauf la bride, mais j'avais toujours avec moi un filet-bride, et comme je savais par routine monter à cheval comme un Polonais, je chargeai avec nos dragons. La division d'infanterie mit bas les armes, après avoir tiré une vingtaine de coups de feu pour simuler une résistance, et pour avoir l'air de ne s'être pas rendus sans défense ; les hulans firent mine de vouloir dégager, mais ce n'était qu'une comédie, ils se sauvèrent. Le général Roguet me confia la garde des prisonniers à moi seul, ils étaient bien au nombre de 1500 au moins. Je me conduisis en cette circonstance bien comme bravoure, mais je dois regretter d'avoir forcé deux officiers prussiens à me donner leurs écharpes, insigne de leur grade ; toutefois, ce n'étaient que des blancs-becs, mais il en était de même de moi, puisque je n'avais pas mes seize ans révolus. Comme ils ne firent qu'une faible résistance, cela m'enhardit à demander à l'un d'eux sa capote verte à grand colet qui me faisait envie ; il fut tellement indigné de cette demande de ma part, qu'apercevant au loin un officier de dragons français, il courut auprès de lui et lui conta en très bon français la conduite infâme que j'avais tenue à son égard ; aussitôt l'officier tira sa grande latte et me courra sus ; heureusement pour moi, j'avais un excellent coursier, grâces aux jambes duquel je rejoignis mon 69e, qui avait pu voir la conduite du petit Genevois. Je ne fis aucun embarras ; c'est ignoble, brave sans blague aucune, voilà l'esprit qui régnait alors et dont j'avais ma part. Je vendis mes deux écharpes à un Juif pour 16 francs, elles en valaient au moins 60, mais je n'aurais pu m'en défaire à ce prix, ce dont j'aurais été très heureux pourtant ; j'avais une si grande honte de ma conduite cupide deux jours après, que si elles avaient été encore en ma possession, j'aurais préféré jeter ces écharpes plutôt que de les vendre. Si ces Mémoires devaient tomber entre les mains de ces deux officiers ou de leurs parents, je les prierais de me pardonner pour ma coupable action envers eux ; j'ai pour excuse que j'étais sans pain et sans argent, et encore si jeune !
L'armée prussienne avait cessé d'exister dès ce jour ; l'armée russe, au contraire, se montrait à nous au nombre de 100.000 hommes. La Prusse fut frappée d'une contribution de 160 millions. L'heure de la grande guerre venait de sonner, j'allais voir les Russes de près" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 28 à 7 heures du soir, Ney adresse au Major général, depuis Soldau, un rapport dans le but de lui faire connaître ses dispositions pour la journée du 29 décembre : le Général Colbert, avec les 3e Hussards et 10e Chasseurs, 4 Compagnies de Voltigeurs des 69e et 76e, et 1 Compagnie d'artillerie légère, ira de Neidenburg sur Willenberg; il sera suivi de la Brigade Marcognet. Le Général Marchand enverra, de très bonne heure, sa lère Brigade de Mlawa sur Willenberg, par Janow, tandis que sa 2e Brigade se portera de Soldau à Neidenburg (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Les 28 et 29 décembre, la Brigade Von der Weidt, précédée par les Grenadiers et Voltigeurs, marche sur Neidenburg et Willenberg, suivie du reste du 6e Corps.
Le 30 décembre, l'armée prit ses cantonnements d'hiver; la droite à Wittemberg, la gauche dans la direction de Zebwabno; le corps Ney sur la haute Ukra jusqu'à Osterode, ayant Bernadotte à sa gauche sur la Passarge.
Le Maréchal Ney, encore à Neidenburg, fait part de son projet à l'Empereur, le 31 décembre 1806, dans un rapport au major général, dont nous donnons l'extrait suivant :
"Demain, 1er janvier 1807, la Brigade du général Marcognet (69e et 76e) quittera, à Ortelsburg, la grande route de Koenisberg pour se diriger sur Passenheim et appuyer à la droite de celle du général Labassée (27e et 59e) qui occupera, ce même jour, l'intervalle de terrain de Hohenstein à Passenheim ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Ney continue à s'avancer sur Koenigsberg; aussi le 69e ne jouit pas longtemps d'un repos pourtant bien gagné. Le 1er janvier, formant l'arrière-garde derrière la Brigade de cavalerie Colbert, il se remet en marche sous les ordres du Général Marcognet, commandant provisoirement la 2e Brigade, sur Ortelsburg et Passenheim. Le même jour, ordre est expédié, de Pultusk, au Maréchal Ney, de prendre ses cantonnements à Neidenburg, de couvrir Thorn et de se concerter pour le reste avec le Maréchal Bernadotte.
Situation du 6e Corps - janvier 1807 Source : Quintin - Eylau (Livrets de situations de la Grande Armée conservés au SHD, Département Terre, sous la cote C2-617) |
Le 6, Ney reçoit l'ordre de s'arrêter et de couvrir Thorn. Le 69e est cantonné à Ortelsburg. Ses Compagnies d'élite entrèrent dans la composition de deux des six Bataillons créés par Ney pour assurer le service d'avant-postes du 6e corps.
Vers la mi-janvier 1807, le 6e Corps a la composition suivante :
Avant-garde, sous le Général Colbert, avec le 3e Hussards, le 10e Chasseurs, 6 Bataillons d'élite et 1 Compagnie d'artillerie légère.
2e Division (Général Marchand) : Brigade Bélair (6e Léger, 39e de Ligne) ; Brigade Marcognet (69e et 76e de Ligne).
3e Division (Général Gardanne) : Brigade Roguet (25e Léger et 27e de Ligne) ; Brigade Labassée (50e et 59e de Ligne).
Les six Bataillons d'élite du 6e Corps sont commandés par des chefs choisis et ont pour les diriger le Colonel Lamartinière (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 353).
Le 14 janvier, le Maréchal Ney fait partir de Bartenstein pour Varsovie le Colonel Jomini, son premier Aide de camp, porteur d'un rapport qu'il doit remettre au Major général. Jomini atteint le grand quartier général de Varsovie, le 18 janvier (distance de 250 kilomètres parcourue à raison de 60 kilomètres par jour) : "... Le général Marcognet continuera d'occuper Passenheim et Bischoffsburg avec les 69e et 76e de ligne ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le Maréchal a poussé à 70 kilomètres plus au nord que les instructions de l'Empereur le lui prescrivaient. Celles-ci sont réitérées. Le Corps est d'ailleurs harassé par quinze jours d'escarmouches constantes.
Le mouvement de retraite commence le 18. Le premier Bataillon du Régiment recule à Bredinken, le second à Bischofsburg. Le 19 janvier, les Fusiliers Duhaul, Thiébault et Kingle sont tués à Sorguitten. Le lendemain, c'est au tour du Fusilier Félix, toujours à Sorguitten. Le 21, les deux Bataillons réunis refluent sur Passenheim; le 22 sur Neidenburg.
Le 22 janvier 1807, Grouchy écrit au Général Colbert, de Passenheim : "D'après votre lettre, mon cher général, je me suis rendu de Bischoffsburg, où j'étais fortement pressé par l'ennemi, à Passenheim, où vous devez également, m'avez-vous écrit, vous rendre ce soir. J'ai occupé Gross Ranchen tout aujourd'hui, pour couvrir votre marche. Je laisse en outre à Passenheim un régiment de dragons et un bataillon du 69e, afin de vous soutenir si vous n'arrivez que demain et êtes poussé. Ces troupes ne partiront de Passenheim que quand elles auront eu de vos nouvelles.
J'occupe avec deux autres régiments de ma division la route de Passenheim à Jedwabno, éclairant la partie de Willenberg évacuée depuis longtemps par nous" (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 284).
Le même 22 janvier 1807, à 6 heures du soir, le Maréchal Ney expédie depuis Allestein son rapport au Major général : "... Le 69e et le 76e et les quatre régiments de dragons du général Grouchy se repliaient, le 20 et le 21, de Bischoffsburg sur Passenheim; cette colonne arrivera aujourd'hui à Neidenburg ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2; Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 138).
"Nouvelles dispositions pour l’emplacement du 6e Corps, en conséquence du mouvement prononcé de l'ennemi sur le Corps d'armée du prince de Ponte-Corvo, et dans le but de couvrir la droite du 1er Corps et de lui laisser le temps de reprendre l'offensive.
Hohenstein, le 23 janvier 1807, à onze heures du soir.
L'ennemi paraissant diriger ses forces sur le Corps d'armée du prince de Ponte-Corvo, il est essentiel de couvrir sa droite et de lui laisser le temps de reprendre l'offensive.
En conséquence, les dispositions suivantes seront exécutées les 24 et 25 du courant ...
Le 69e restera à Neidenburg ..." (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 475).
Cependant, la pointe hardie du 6e Corps vers le nord a suggéré à Beningsen l'idée de prendre une offensive vigoureuse contre la gauche française, en masquant la droite par deux divisions. Il s'est retiré de Tyhoczin sur Rhem et de là s'est porté sur Heilsberg et Mohrungen, où il rencontre, le 25 janvier, le corps de Bernadotte.
Cette offensive inopinée des Russes contre 1'armée de la basse Vistule (Bernadotte) oblige l'Empereur à réagir. Aussitôt, Napoléon quitte ses quartiers d'hiver, dirige les 3e, 4e, 6e et 7e Corps dans le flanc gauche des Russes pour tomber ensuite sur leurs derrières et les jeter à la mer. Ney, sans soutenir Bernadotte, qui doit reculer, sert de rideau au rassemblement du gros.
L'Empereur, espérant attaquer les Russes en flanc et à revers, accourt avec ses troupes de la haute Vistule sur la haute Alle. Tandis que Napoléon pousse les Russes vers Eylau, Ney est détaché sur Lubstadt pour essayer de couper Lestocq qui, de Freystadt, cherche à se réunir à Benningsen par Mohrungen.
Le 31 janvier, le Corps de Ney en entier se porte en avant de Neidenburg sur Hohenstein; le 1er février, sur Allenstein.
Le même 1er février 1807, à midi, Murat écrit, depuis Willenberg, à Napoléon : "… Je laisse ici le 69e ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 5, p. 96, lettre 2812).
Le 4, Ney se dirige sur Schlitt. Mais Beningsen, instruit à temps, bat en retraite entre la Passarge et l'Alle.
La Grande Armée se jette à sa poursuite, Ney est spécialement chargé, en longeant la Passarge, de séparer le corps prussien de Lestocq du gros adverse.
- Combat de Deppen
Le 5 février, Ney culbute Lestocq à Deppen, et le repoussait jusqu'à Lubstadt (Liebstadt), sans, toutefois parvenir à le couper. Lestocq parvient à gagner la route de Mehlsack. Le Fourrier Charrigant, et les Voltigeurs Mirus et Transon sont tuès le 5 février 1807 près de Deppen.
"J'eus alors une seconde occasion de parler à l'Empereur, pendant un séjour que nous fîmes, nous autres musiciens, dans une mauvaise bicoque nommée Walterdorf. Nous étions occupés à faire cuire des pommes de terre, lorsqu'un aide de camp vint à nous commander d'évacuer immédiatement l'emplacement que nous occupions; nous lui fîmes observer qu'aussitôt les pommes de terre cuites, nous nous en irions, mais il nous dit que c'était le logement de l'Empereur ; il me désigna avec un autre jeune musicien pour rester à les faire cuire. Napoléon entra sur ces entrefaites, et me demanda, à moi le petit Louis, avec sa basse voix : "Qu'as-tu là ? - Sire, des pommes de terre, à votre service." Il en sortit une, mais elle n'était pas encore cuite; nous dûmes les laisser. Je m'en consolai, j'avais vu l'Empereur et il m'avait parlé, et quoique mon estomac fût vide, j'étais satisfait et j'avais la tête montée au point que j'aurais supporté bien davantage encore.
Cette nuit de Waltersdorf fut affreuse pour toute l'armée, à cause du froid, et par le manque de pain et d'eau; l'Empereur la passa dans l'emplacement que nous lui cédâmes, ses équipages n'étant pas encore arrivés. Pendant cette même nuit il tomba quatre pieds de neige, et l'armée russe qui se trouvait devant nous, profita de cette circonstance pour décamper. La garde impériale se mit alors à sa poursuite, et il y eut entre elle et l`arrière-garde ennemie, une série de combats des plus meurtriers.
Je me rappelle encore comme si c'était hier, le triste spectacle que présentait la route que les deux corps se disputèrent ; elle était couverte de cadavres qui, pour la plupart, avaient déjà été dépouillés par les paysans, et la route en était tellement couverte, que nous étions obligés, tant par la difficulté de marcher à cause de la neige, que par la quantité considérable d'hommes tués, de poser nos pieds quelquefois sur ces cadavres. J'en ai vu un qui avait été tellement foulé, que les os de sa poitrine étaient en grande partie cassés, ensorte que celui qui posait son pied sur ce corps perdait son équilibre, parce qu'il ne présentait pas de résistance ; eh bien cela prêtait à rire à se tenir les côtes aux Français. C'est cet esprit qui fait la force ; et ce spectacle n'était pas restreint, il s'étendait sur un espace de plus de trois quarts d'heure, et il y avait là couchés pêle-mêle Français et Russes. Nous vîmes un soldat de cette nation assis sur la neige, il avait la jambe cassée, il ne se plaignait aucunement ; derrière lui, à une trentaine de pas, quelques-uns de nos soldats avaient tué un boeuf pour en avoir la fressure ; (en guerre les Français gaspillent énormément : ils tueront un boeuf pour en avoir la cervelle, et avec une poêle et des oignons, voilà un déjeuner improvisé dans l'instant) ; notre Russe s'était traîné jusque vers lui, et avec ses ongles avait dépecé et ensuite mangé outre la graisse qui se trouve entre les côtes ; j'ai vu cet homme de mes yeux, après 48 heures il était encore vivant ; l'armée l'avait nommé le "Russe au boeuf".
Manquant de vivres, nous étions toujours en maraude ; le jour du combat dont je viens de parler, nous fûmes assez heureux pour trouver assez forte la glace d'une rivière qui se trouvait sur notre route, ce qui nous permit d'entrer dans une île qui aurait été épargnée sans le gel intense qui nous en donna la clef. Là, nous remplîmes deux traîneaux de moutons, oies et jambons, en même temps que des pommes de terre, puis nous nous dirigeâmes sur un grand village que nous avions aperçu. Par un bonheur des plus complets nous y vîmes entrer en même temps que nous notre brave 69e ; l'adjudant-major nous désigna une maison pour nous, musiciens, et pour les sapeurs, mais la fatalité, jalouse de nous avoir favorisé, y envoya au même instant une compagnie qui fit, par l'ordre de son capitaine, main basse sur toute notre maraude. Nous venions de nous entendre, et tout le monde mettait la main à l'oeuvre pour faire un souper de Gargantua, quand l'ordre arrive de partir à l'instant ; le canon grondait, il était 7 heures du soir, 7 février 1807 ; un guide nous conduisait par un chemin où il y avait un demi pied de neige ; nous laissâmes là les moutons et les pommes de terre, et l'on partagea les jambons. Je montai un petit cheval polonais qu'on nomme Kjoniak dans le pays ; j'avais eu pour ma part deux oies, mais on m'en vola une en route ; mes collègues de la musique avaient tous pris la poudre d'escampette, et à mon tour j'avisai un village pour y faire rôir mon oie. Il était alors minuit, je me dirigeai sur une petite maison, au-devant de laquelle il y avait un restant ele feu allumé, entretenu par le vent ; j'en amoncelai les tisons, et aussitôt il flambait. Je vis alors un spectacle terrible : c'était celui de la maison au seuil de laquelle mon feu brûlait qui était encombré de morts, mais comme j'étais habitué à voir toutes sortes de scènes pareilles, je n'en tins compte, et pour entretenir mon feu j'entrai dans l'intérieur de la maison, où je dus renverser un banc sur lequel se trouvaient deux Russes morts, pour me procurer du combustible. J'établis ensuite mon quartier général devant le foyer, et je suspendis mon oie par une ficelle que j'attachai à une espèce de long bâton que je fixai en terre. Je dus encore aller chercher du bois dans la maison, et je revis encore tous les morts qu'elle contenait ; ils étaient à peu près une soixantaine, tous Russes sans exception. Je retrouvai du combustible, et par ce moyen j'amenai à point la cuisson de mon oie, puis je me mis ensuite à la dévorer comme un loup affamé.
J'étais ainsi en vue de l'armée, et je pouvais apercevoir les Russes, qui tiraient un coup de canon toutes les dix minutes chaque fois que la lumière de la pièce éclairait alentours. Ils cherchaient une issue pour battre en retraite; le but de Napoléon était de les faire prisonniers, aussi avait-il donné l'ordre de tout recevoir de l'ennemi, de ne rien rendre, et son armée était là, immobile, au nombre de 100.000 hommes, y compris mon 69e, à vingt-cinq pas de moi seulement, et pas un seul de ces hommes ne vint se chauffer à mon feu, ni me demander la moitié de mon repas. C'était merveilleux de voir, à la lueur des coups de canons isolés tirés par les Russes, reluire les innombrables baïonnettes de nos soldats, les cuirasses et les casques de nos troupes à cheval ; il régnait en même temps un silence que rien n'interrompait que le grondement isolé d'un pièce de canon. Vraiment c'est magique qu'un seul homme puisse exercer une discipline aussi absolue, aussi complète que celle dont j'eus une idée dans cette nuit. L'Empereur seul avec son état-major diminué par la mitraille, allait au petit pas, parlant bas de crainte de faire manquer l'opération.
Heureusement pour eux, les Russes réussirent à trouver un débouché sur Koenigsberg, seconde capitale de la vieille Prusse, après la nuit la plus noire qui se pût faire ; ils ne réussirent dans leur dessein que le matin du 8 février 1807, à 3 heures" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
- Bataille d'Eylau
Ney le suit à courte distance, lui faisant subir des pertes énormes, et, le 8 février, dans l'après-midi, Lestocq arrive au village d'Althoff, dans le voisinage d'Eylau, à la gauche du champ de bataille. Ney le talonne.
A 6 heures du soir, depuis Althof, Ney écrit au Major général : "... La 2e brigade de cette division (69e et 76e, général Marcognet) reste en avant d'Althof ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Beningsen a établi son armée sur la ligne Schloditten-Serpallen. Napoléon est venu l'y attaquer, projetant de tourner la gauche russe, grâce à l'intervention de Davout, qui, à 4 heures du soir, est parvenu à Schmoditten, sur les derrières de la droite ennemie.
C'est à ce moment que Lestocq, retraitant devant Ney, rencontre le 3e Corps, le bouscule de Schmoditten sur Klein-Sausgarten.
Ney, qui, le matin, était encore sur la route de Kreutzburg vers Orchen et a été retardé par quelques engagements de flanc-gardes et par la neige tombant à flocons épais, apparait à Schmoditten.
Un 2e rapport, en date du 9, sans doute écrit par le Chef d'Etat-major de Ney, le Général Dutaillis, raconte : "... Le 6e corps, aux ordres du maréchal Ney, se dirigeait sur Kreuzburg lorsqu'il rencontra, en avant de Pompicken, un corps prussien qui parut vouloir faire résistance.
Les dispositions de Monsieur le Maréchal lui firent abandonner ce projet. Il effectua sa retraite, par Leissen, Graventien, cherchant à brûler le pont sur le ruisseau qui passe près de Drangsitten, traversa Althof, y laissant quelques fantassins qui se cachèrent dans les maisons, de sorte que le maréchal, se portant sur ce village avec son état-major et n'étant précédé que de quelques tirailleurs (éclaireurs) de son escorte, fut assailli d'une grêle de balles qui interrompirent quelques instants sa marche. A l'arrivée d'une pièce de canon, l'ennemi évacua de suite (le village) et fit sa retraite sur Schloditten.
Le 6e léger et le 39e de ligne (1re brigade de la 1re division) traversant rapidement le village (d'Althof) purent prendre position en avant de Schloditten, entre ce village et la route de Koenigsberg, le 6e à la droite du 39e, le 1er bataillon du 6e et le 2e du 39e formant des crochets (défensifs), l'un face à Eylau, l'autre, à Schloditten.
Les autres troupes furent disposées de la manière suivante :
La 2e brigade (69e et 76e) de la 1re division, en arrière de Schloditten, en partie couverte par la cavalerie du général Lasalle, placée à la gauche du village et à quelque distance.
Les 50e et 59e (2e brigade de la 2e division) en arrière de la 2e brigade de la 1re division, le premier ayant la gauche appuyée à un bois, et ses deux bataillons étant de part et d'autre du chemin de Hoff à Schloditten. Les 25e léger et 27e de ligne (1re brigade de la 2e division) ainsi que les dragons, en réserve derrière Althof avec quelques piquets de cavalerie en observation à Graventien et Drangsitten.
Cette position fut prise à la tombée de la nuit. On tira plusieurs coups de canon dans la direction d'Eylau, ignorant si l'ennemi l'occupait encore, et dans celle de Anklappen et de Kuschitten ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Devant cette menace pour ses communications, le Maréchal russe ordonne la retraite. L'arrière-garde veut s'installer à Schmoditten pour permettre l'écoulement de l'artillerie. Six Bataillons de Grenadiers tentent d'y pénétrer; mais les 6e Léger et 69e tiennent le village et les accueillent par des feux à bout portant, puis les poursuivent à la baïonnette.
C'est donc le 6e Corps qui livre le dernier combat. A 10 heures du soir, le feu cesse; les Prussiens se retirent sur Friedland, les Russes sur Koenigsberg; les Français, harassés, bivouaquent sur le terrain par un temps épouvantable.
"Lestocq, débouchant à Althof, à l'extrême gauche de l'armée française, défila le long du bois qui est à gauche d'Althof, à Schmoditten. Les grenadiers prussiens, qui formaient la tête de colonne, aperçurent les Russes se retirant vers Koenigsberg, et coururent pour les soutenir.
L'arrière-garde ennemie voulut s'arrêter et prendre position au village de Schmoditten, pour que les blessés et l'artillerie eussent le temps de filer; mais ce village était déjà occupé par l'avant-garde de Ney. Six bataillons de grenadiers russes voulurent y entrer, mais le 6e d'infanterie légère et le 69e de ligne les reçurent par une décharge à bout portant, à la suite de laquelle ils croisèrent la baïonnette et les culbutèrent. L'arrière-garde ennemie continua alors sa retraite en désordre".
"... Trois colonnes russes, profitant de la nuit, vinrent attaquer le 39e et le 6e léger; celle de gauche, principalement, réitéra plusieurs fois ses attaques, sans succès, sur le 6e léger, qui ne répondit à la dernière qu'à bout portant. La contenance ferme de ces régiments fit abandonner à l'ennemi le projet d'une nouvelle attaque. Les Russes se retirèrent en désordre, laissant un grand nombre de tués et de blessés sur le champ de bataille ..." (2e rapport; H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
"Pour qui n'a pas assisté à la bataille d'Eylau, il est impossible de se faire une idée de la bravoure des Français et de la fermeté des Russes ; aussi Napoléon disait-il, en parlant de ces derniers : Que quand ils sont tués il faut encore les pousser pour les faire tomber, leur discipline leur défend de quitter les rangs vivants ou morts ; métaphore des plus applicables à ces soldats. J'avais déjà vu plusieurs champs de batailles, mais celui d'Eylau que j'allai voir en compagnie de tous les curieux de l'armée fit sur moi un effet plus grand qu'à l'ordinaire, c'était indescriptible. J'avais seize ans à peine, j'étais donc susceptible, plus que d'autres, d'éprouver à la vue d'un pareil massacre une impression profonde, qui fit que j'en perdis le besoin de boire et de manger, et que je ne sentis plus la fatigue que j'éprouvais. Au bout de peu de temps je repris mon insouciance ordinaire, et je revis tout en beau comme par le passé, quoique j'eusse sous les yeux un tableau hideux, dégoûtant, monstrueux ; il neigeait avec cela, puis il dégelait. On voyait là couchés plus de soixante bataillons carrés qui avaient été hâchés par la mitraille et aussi par des charges de la grosse cavalerie des Russes ; chacun était mort à son poste, depuis le soldat jusqu'aux serre-files, sergents-majors et officiers. La plupart des curieux reconnaissaient dans les morts des "pays", des enfants de son village, des amis de collège ; tout cela faisait les frais de la conversation du jour, à la manière française, avec force réflexions, souvent plaisantes et spirituelles, mais peu consolantes, vu qu'il s'en fallait de beaucoup que tout soit terminé.
Le village de Serpallen, celui de Sausgarten, où je fis cuire et où je mangeai mon oie, Eylau, qui est le plus grand de ces trois villages, et le cimetière de ce dernier, étaient encombrés de morts, et avaient offert aux Russes des points où ils firent une résistance héroïque. Je vis en cette occasion un grenadier français, de la garde impériale, qui tenait un Russe (aussi de la garde) au collet, tandis que celui-ci tenait le Français par son toupet ; dans cette position respective le Français avait passé sa baïonnette au travers du corps de son ennemi, et celui-ci, de son côé, lui en faisait autant ; dans cet épanchement militaire réciproque, tous deux avaient donné et reçu la mort. Un acharnement sans exemple avait présidé à cette boucherie, qu'on est convenu d'appeler la bataille des 20.000 morts; seize généraux français y furent tués, c'est la plus sanglante qui ait eu lieu sous l'Empire.
Le maréchal Ney n'ayant pas perdu beaucoup de monde dans son 6e corps, fut chargé de la retraite ; elle commença à midi pour le 69e, qui était tout à fait de l'arrière-garde ; les Russes nous laissèrent tranquilles. Tous les caissons dépourvus de gargousses et de boulets furent abandonnés, faute de chevaux ; on dut laisser aussi les malheureux blessés qui ne purent être placés dans les voitures disponibles ; parmi celles qu'on ne put emmener se trouvait une voiture à deux places, qui servait la nuit de dormeuse à l'Empereur ; les soldats qui la connaissaient trouvaient toutes sortes de prétextes pour s'en approcher et l'examiner. Une compagnie du génie fut chargée de réunir toutes les voitures et tous les véhicules que nous laissions dernière nous chargés des blessés qui l'étaient le plus grièvement. On ne sait si c'était dans l'intention de barrer la route que ce rassemblement fut ordonné, ce qui ne semble pas probable puisque la retraite pouvait s'effectuer sur une ligne présentant au moins une lieue de largeur ; toutefois est-il que nous fûmes bien surpris et stupéfaits d'entendre une détonation formidable, ressemblant à plusieurs coups de tonnerre ; c'étaient les blessés qui sautaient avec le matériel abandonné, mais Dieu seul, l'Empereur et le capitaine du génie surent si cet événement arriva par accident ou par préméditation.
Pendant cette retraite nous finîmes de ravager le pays que nous avions déjà parcouru avant la bataille ; l'eau des étangs ne pouvait nous servir pour faire la soupe, car elle était verte, nauséabonde et infecte, à cause des cadavres des Russes que nous y avions jetés ; nous devions donc la remplacer par la neige fondue" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
D. et B. Quintin notent au total pour le Régiment 2 hommes mortellement blessés.
Tard dans la soirée, Ney rédige ses ordres pour le lendemain : les 69e et 76e doivent être à Althof (H. Bonnal).
Le lendemain, Murat, soutenu par Ney, poursuit les Russes jusqu'à Koenigsberg. Ney s'arrête sur les bords de la Frisching, en couverture du gros de l'armée installé à Eylau.
Le 10 février 1807, le Sous lieutenant Berret est tué près de Soldau. Le même jour, le Colonel Fririon prend le commandement du 69e de Ligne (accès à la biographie du Colonel Fririon sur Wikipédia).
FRIRION (Joseph-François, Baron)Né à Pont-à-Mousson (Meurthe) le 12 septembre 1771. Volontaire au 48e, 1er février 1791. Sous-lieutenant (par le pouvoir exécutif), 15 septembre 1791. Lieutenant à la 62e Demi-brigade, 13 mai 1792. Capitaine de Grenadiers, 3 nivôse an III. Adjoint à l'Etat-major général de l'armée du Rhin, 15 germinal an VIII. Chef de Bataillon (sur le champ de bataille), 15 floréal an VIII. Chef de Bataillon à la 38e, 12 vendémiaire an IX. Major au 39e, 30 frimaire an XII. Colonel du 69e, 10 février 1807. Général de Brigade, 22 juin 1811. Mis à la retraite par Louis XVIII. Rappelé à l'activité en 1830. Mort en 1849. |
Le 11 février, le 69e de Ligne est mis par le Maréchal Ney à la disposition du Prince Murat, à la demande de celui-ci, pour aider à la prise de Wittenberg.
Murat écrit à Napoléon, de Gros Lauth, le 11 février 1807, à 7h30 du matin : "… J'adresse à Votre Majesté les rapports que je reçois à l'instant des généraux Lasalle, Grouchy et Milhaud.
Je vais marcher avec deux divisions de dragons et toute la cavalerie légère et le 69e régiment d'infanterie sur Wittenberg ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 5, p. 110, lettre 2826).
De son côté, toujours le 11 février 1807, le maréchal Ney écrit, depuis Romitten, au Ministre de la guerre : "S. A. le grand-duc de Berg m'a envoyé hier soir un de ses aides de camp, pour m'inviter à mettre de l'infanterie à sa disposition, afin de s'emparer de Wittenberg. J'ai fait observer à Son Altesse que le passage de la Frisching, qu'il a effectué avec la seule cavalerie, n'ayant que le seul pont de Gross-Lauth pour retraite en cas d'événements, me paraissait contraire aux instructions de Votre Altesse et aux intentions de l'Empereur. Cependant pour ne pas compromettre le grand-duc, qui était aux prises avec l'ennemi, j'ai ordonné que le 69e régiment d'infanterie se rendit de suite au pont de Gross-Lauth. J'ai envoyé, avant le jour, un de mes aides de camp au-delà des postes occupés par le 69e régiment, pour reconnaître la position du corps de cavalerie de S. A. le grand-duc ..." (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 236).
Encore le 11 février 1807, à 5 heures du soir, Murat écrit, depuis Wittenberg, à Napoléon : "J'ai poussé ma pointe jusque sur Ludivigswalde ; j'ai fait tirer du canon sur quatre ou cinq mille hommes de cavalerie qui étaient adossés à ce village et qui semblaient protéger la retraite de l'infanterie qui avait couché à Tharau et à Wittenberg ; craignant d'engager une affaire, j'ai fait faire halte, et à la nuit, les dragons et la division Lasalle iront prendre leurs cantonnements en arrière, ainsi que le 69e régiment que j'avais amené ici. Il me parait bien étonnant que l'ennemi ayant, dit-on, le projet de se battre encore à Koenigsberg, ne défende pas comme avant-postes tous les villages qui sont à une lieue et demie de cette ville, car je suis sûr qu'il évacuera cette nuit Ludwigswalde. Je ne puis avoir aucune nouvelle de Koenigsberg, les Russes gardent tous les paysans qui en approchent. Je n'ai encore aucun rapport de mes reconnaissances sur Wehlau. Je rentrerai cette nuit de ma personne à Gros Lauth.
Voici l'emplacement de la cavalerie et son instruction. Le général Lasalle occupera Wittenberg avec quatre régiments ; il établira le général Bruyère à Schönmohr, où il est déjà depuis deux heures. Le général Guyot à Wickbold, entre Wittenberg et Ludwigswalde ; le général Durosnel à Wernsdorff. Le général Bruyère éclairera la route de Wehlau; le général Guyot, celle de Koenigsberg ; le général Durosnel, celle de Mahnsfeld, par une brigade de dragons qu'il fera établir à Tharau et il soutiendra lui-même de Jesau le général Lasalle. Le général Milhaud restera à Weissenstein, observant la route de Wehlau et de Koenigsberg. Le général Grouchy occupera Gros Lauth avec le 69e régiment. Les cuirassiers n'ont pas quitté Mülhausen …" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 5, p. 113, lettre 2828).
Le 69e va s'établir, tout d'abord, en position de repli, au pont de Gross-Lauth.
Le 12 février 1807, à 2 heures, Murat écrit, de Gros Lauth, à Napoléon : "Dans ce moment le général Lasalle me fait prévenir que l'ennemi se montre en force sur tous les points et qu'il a l'air de vouloir nous déborder par nos ailes, afin d'enlever ce qui se trouve trop avancé sur Ludivigswalde. Je fais monter toutes les divisions à cheval afin d'être prêtes à soutenir ce qui serait forcé de se replier. Ce que fait l'ennemi est tout naturel, il fera sur nous une forte reconnaissance qui peut avoir deux buts : celui de savoir positivement si toute l'armée est sur Wittenberg, et celui de masquer sa retraite ; c’est ce que nous apprendrons bientôt. Le 69e prend aussi les armes et sera prêt à se porter partout où les circonstances l'exigeront ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 5, p. 117, lettre 2832).
Le 13 février 1807, à midi, Murat écrit, depuis Gros Lauth, à Napoléon : …" je vais faire porter le 69e dans le bois en arrière de Wittenberg, pour protéger la retraite du général Lasalle, s'il était forcé de se retirer. Dans aucun cas l'ennemi ne parviendra pas à nous tourner ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 5, p. 120, lettre 2835).
Le 14 février 1807 à 6 heures, Murat écrit, depuis Gros Lauth, à l’Empereur : "... J'ai repris le plateau en avant de Ludwigswalde, ainsi que le village de Wernsdorf, d'où le 69e a chassé environ 6 escadrons ennemis ..." (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 5, p. 122, lettre 2837; Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 242).
Le 16 février, les Compagnies de Voltigeurs du Régiment sont à Gross-Lauth avec la Brigade du Général Guyot.
Ce même 16 février 1807, le Général Ney écrit, depuis Gross-Lauth, au Général Lasalle : "… Vous ne laisserez à Gross-Lauth que la brigade du général Guyot, ainsi que les compagnies de voltigeurs du 69e de ligne …" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 247).
Le 17, Napoléon prend la résolution de rétrograder sur les bords de la Passarge en attendant le printemps. Ney doit former les avant-postes du dispositif sur l'Aile de Guttstadt à Allenstein.
Le Maréchal Ney dit, dans son Ordre du jour du 22 février 1807, concernant les dispositions générales pour le 23 : "Par suite des ordres de Sa Majesté, le 6e corps occupera Guttstadt et Allenstein, placera son parc, ses magasins et ses ambulances dans un point intermédiaire d'Allenstein à Osterode. La troupe sera cantonnée de manière à pouvoir se réunir en deux marches à Osterode, point de rassemblement général de la Grande Armée. En conséquence...
La brigade du général Marcognet, les 69e et 76e ainsi que l'état-major de la 1re division, à Guttstadt. Lieu de rassemblement de la division, Guttstadt ..." (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 270).
"Après Eylau, l'armée cantonna sur la Passarge".
"Après quelques jours de marche nous avions atteint un pays plus épargné, les vivres alors furent distribués ; tout homme reçut son quart de pain. Nous étions tous sales, abîmés, sans souliers, et de plus couverts de vermine, mais malgré cela nous étions toujours gais et dispos, chantant et disant choses plaisantes" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Les Compagnies d'élite du 3e Bataillon du 69e viennent de rejoindre la Garde avec le Corps de réserve Oudinot.
Le Régiment se reporte sur Preuss-Eylau, près du moulin à vent, ayant à dos les routes de Pompicken et de Landsberg. L'ennemi, qui s'est avancé jusqu'à Heilsberg, attaque sans cesse; 400 cavaliers qui, le 26, avant la nuit, se présentent pour la seconde fois devant le village de Scharnick, sont repoussés jusqu'à Wolfsdorf; une reconnaissance du 69e sur Petersdorf rencontre une troupe de 200 chevaux qui cherche à enlever les petits postes.
- Premier combat de Guttstadt
Le 26, une offensive partielle de Beningsen oblige Ney à abandonner Guttstadt.
- Combat d'Altkirch
Le 28, vers 3 heures de l'après-midi, une colonne de cavalerie forte de 1.000 à 1.200 chevaux débouche par Gronau sur Altkirch; le Général Marcognet dispose le Régiment de façon à faire croire qu'il a peu de monde.
L'ennemi exécute une charge furieuse : la trombe s'avance au grand galop; impassible, sans un coup de feu, le 69e attend de pied ferme. Elle est à 50 mètres, dans les Compagnies, rien ne bouge, le poitrail des chevaux est à 20 pas à peine du premier rang, un feu de salve déchire l'air; l'effet en est tellement meurtrier que l'ennemi rebrousse chemin laissant sur le terrain un grand nombre des siens.
Le Commandant Giraud écrit :
"Ottenstein le 2 mars 1807.
Nous avons franchi l'Oder le 1er décembre et nous voici en Pologne. Quel pays ! La misère y coudoie le luxe le plus opulent. A notre approche, le son d'une cloche se fait entendre; les habitants courent se terrer clans les bois. Le village dans lequel nous sommes aujourd'hui est d'une saleté repoussante.
Depuis plus de deux mois, nous faisons des marches forcées dans des chemins boueux, sur un terrain marécageux que les convois de l'artillerie et des bagages de l'armée, ont défoncé. La plus mauvaise nuit fut celle qui précéda le combat de Mohrungen. Un vent des plus violents nous fouettait le visage; une pluie mêlée de grêle tombait par paquets. Nous avons fait seize lieues cette nuit-là, accablés par la fatigue, la faim et le sommeil.
Le jour de la prise de Magdebourg, le capitaine Marion m'a présenté au général Pernetty, dont il est l'aide de camp. Il désirait voir aussi mon colonel; le temps et ses occupations l'en ont seuls empêché. Cette entrevue ne m'aurait pas été inutile; dans les circonstances présentes, elle aurait pu me valoir une proposition à l'avancement. On n'en donne pas beaucoup dans ce moment-ci.
Est-il bien nécessaire que je fasse l'historique des affaires que nous avons eues avec l'ennemi depuis notre passage de l'Oder ? Les gazettes ont dit mieux que je ne saurais le dire. Néanmoins voici ce qu'il faut retenir de la campagne de cette année. Dès le mois d'août 1806, la rupture avec la Prusse était inévitable : mais l'empereur ne reçut l'ultimatum de cette puissance que le 7 octobre. Le 25 décembre; notre brigade (69e et 76e) combattait à Soldau, centre de la position occupée, par le général autrichien Lestocq. Cette petite ville couverte par un marais impraticable que l'on traverse par une digue longue et étroite de sept à huit cents toises, était défendu par 14,000 ennemis. La ville fut occupée par nous, à trois heures du matin, et j'eus l'honneur de m'emparer d'un drapeau pris à l'ennemi, pendant la poursuite de ma compagnie.
La défaite de Lestocq a été complète. Les 69e et 76e se mirent à la poursuite des fuyards qui furent conduits l'épée dans les reins jusqu'à Mohrungen.
Le 6 février, mon régiment était à Liebstadt; le lendemain, il reprenait sa marche en se dirigeant sur Kreutzbourg à la poursuite des Prussiens, couchait le 7 à Landeberg et arrivait trop tard le 8, pour prendre part à la mémorable bataille d'Eylau. Le général Marchand ne put mettre en ligne que sa 1re brigade (6e léger et 39e de ligne) et seulement à la chute du jour.
Depuis que je fais la guerre, je n'ai pas encore vu d'affaire aussi chaude que celle du 8. Les Russes ont perdu environ 20,000 hommes, dont 15,000 restés sur le champ de bataille. Nos pertes ont été également très conséquentes. Sur un espace d'une lieue, le terrain était jonché de morts; la terre qui était couverte de neige avait changé sa couleur en rouge. Hélas ! si le sang de tant de braves versé pour une cause qui n'est pas la leur, pouvait inspirer aux souverains qui se font la guerre, le désir de faire la paix pour mettre fin à de si grandes calamités !
La poste est interceptée depuis quelques jours. J'en attribue la cause au mouvement rétrograde occasionné par la concentration de notre armée.
Le 20 du mois précédent, la grande armée a quitté les positions qu'elle occupait autour de Koenigsberg. Le manque de vivres qui s'y est fait sentir dans la région, en paraît être le seul motif.
On dit que nous allons prendre nos quartiers d'hiver sur les bords de la Vistule. Nous en avons tous un bien grand besoin; le 21 janvier dernier, je ne me suis déshabillé que pour changer de chemise. Je suis à bout de force. Si la guerre devait continuer ainsi longtemps encore, je demanderais ma mise à la retraite, je ne voudrais pas me retirer cependant, sans avoir l'aigle de la légion d'honneur" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
- Deuxième combat de Guttstadt
Le 3 mars, l'Empereur ordonne au 6e Corps de reprendre Guttstadt; les Russes l'évacuent en abandonnant leurs magasins.
Le 4 mars au soir, Ney rend compte du combat qui s'est engagé dès le matin et une partie de la journée ; ce rapport est envoyé le 5 mars 1807, depuis Guttstadt, au Ministre de la Guerre : "J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Altesse que l'ennemi continue d'occuper avec environ 40.000 hommes d'infanterie et cavalerie la position de Launau ; mais je ne puis distinguer ce qu'il y a vers Heilsberg, quoique les fumées des bivouacs annoncent la présence d'une réserve. Les avant-postes bordent la forêt, de la route de Launau à Freymarkt, jusque vis-à-vis de Peterswalde et de Zechern. Les sentinelles de part et d'autre et les vedettes à cheval sont à demi-portée de pistolet. Je puis écraser toute cette troupe à coups de mitraille ; mais j'ai défendu de tirer un coup de canon ni de fusil, parce que si le maréchal Soult appuyait mon attaque sur Launau, je ne crois pas que l'ennemi puisse sauver ni infanterie ni canons ...
Voici les dispositions que j'ai prises ce matin pour me concentrer davantage et être en mesure de repousser toute agression de la part de l'ennemi.
Le 59e est venu remplacer le 50e, que j'ai placé en seconde ligne derrière Zechern et Peterswalde ;
Le 6e d'infanterie légère est venu prendre position à la tête du bois pour remplir l'intervalle de Zechern à Peterswalde.Le 76e a remplacé ce régiment à Schmolainen ;
Le 27e de ligne à Peterswalde ;
Le 25e d'infanterie légère à Mawern, Rosenbeck et Gronau, soutenu par le 39e à Altkirch ;
Le 69e, à Guttstadt ;
La cavalerie légère du général Lasalle à Zechern et Peterswalde ; il y a aussi deux régiments de dragons dans ce dernier endroit ; les deux autres sont en réserve à Schmolainen ;
Les 3e hussards et 10e chasseurs à Mawern, Rosenbeck et Gronau, communiquant avec les troupes du maréchal Soult à Benern.
J'attends les ordres de Sa Majesté et la troupe est prête à marcher à l'ennemi" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 298; Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 434).
Le 5, le 69e cantonne à Guttstadt.
Le 6 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, à Daru, Intendant général de la Grande Armée : "Monsieur Daru, faites une circulaire à tous les commissaires des guerres, pour leur faire connaître les points sur lesquels ils doivent diriger les hommes isolés des différents corps d’armée, ainsi que les bagages et effets desdits corps. Vous y joindrez l'état des corps qui composent chaque corps d'armée, conformément au tableau ci-joint ...
6e corps
... 69e de ligne ...
Dépôts à Fordon ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14497).
Le Commandant Giraud écrit :
"Schweidnitz, le 8 mars 1807.
On ne sait que croire de toutes les nouvelles qui se débitent ici. Les unes sont à la paix et disent que c'est pour cela que nous évacuons la Silésie; les autres sont à la guerre et assurent que le roi de Prusse, n'ayant pas voulu la paix, l'empereur de France cède à celui de l'Allemagne toute la Silésie et la Pologne qui sera gouvernée, ce dernier pays seulement, par l'archiduc Charles" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
La Division Oudinot accompagna, le 9 mars, la cavalerie de Murat, en reconnaissance sur Willemberg.
"Les cosaques, au nombre de 10.000 cavaliers, nous harcelant sans relâche, Murat dit à ce sujet à l'empereur : "Sire, j'en fais mon affaire, si vous me donnez carte blanche, avec un régiment d'infanterie qui ait fait la campagne d'Egypte, et qui ait soutenu des charges de cavalerie des Mamelucks" ; Napoléon lui donne le 69e. De suite nous prenons l'initiative, nous partons pour Bischoffbourg, vieille Prusse, ville riche que nous pillions de fond en comble, ce qui nous refit sous tous les rapports ; mais il ne nous était plus permis de fermer l'oeil ni jour ni nuit, à cause des cosaques qui entraient continuellement en ville, et contre lesquels nous tirions soit par les fenêtres des maisons dans lesquelles nous étions postés. Nous avions bien une brigade de dragons en vedette pour assaillir l'ennemi, mais leurs chevaux étaient si mauvais et glissaient tellement par les 15 à 20 degrés de froid qu'il faisait, qu'ils ne nous étaient d'aucun secours. En une seule fois, ils furent vengés; une division de cuirassiers fut placée dans la plaine aux environs de la ville, et les cosaques, ne pouvant faire la différence entre les deux troupes, à cause des manteaux blancs qu'elles avaient toutes deux, ayant fondu sur nos cuirassiers (les croyant dragons), ceux-ci en tuèrent 5000, et s'escrimèrent si bien que pendant huit jours ils en eurent mal aux bras.
L'ordre de battre en retraite arriva peu après, une belle nuit ; à ce moment le froid était si intense, que plus de 500 hommes en ont porté des marques ; pour ma part, j'en souffris peu, sauf que j'eus le talon gauche un peu atteint par la gelée. Le quartier-maître m'avait donné un cheval, que je montai après que je me fus arrangé une selle ; plus tard je vendis ce cheval pour 70 francs, ce qui me fut une heureuse aubaine. A cette époque, j'atteignais mes seize ans et demi; j'avais une santé de fer, j'étais gai, sobre lors même qu'il y avait profusion, n'aimant pas l'eau-de-vie, ni les femmes; c'était le cas de m'appliquer le proverbe espagnol : mirare et non roquare, car je n'avais qu'une seule idée touchant l'amour, qui me portait à ne pas aller au delà du simple regard, quand une femme me plaisait; aussi est-ce en grande partie à cette façon de quitter la table de Cupidon avec un fort appétit, que j'avais l'apanage d'une santé florissante. Je restai jusqu'à l'âge de vingt ans en possession de ce sentiment, qui me faisait m'éloigner de cette sensualité animale, dont je voyais les effets si fatals à mes jeunes camarades du régiment ; il me semblait que la possession d'une femme m'enlèverait le prestige, la poésie dont je me plaisais à la voir entourée par mon imagination. Certes, l'on me bafouait pour cela, mais j'en riais ; si je résistais, c'est que mon tempérament et mes goûts m'y portaient, et la preuve, c'est que je conservai les mêmes idées à l'égard de l'amour jusqu'à l'âge que j'ai dit, à Madrid. J'avais aussi une certaine coquetterie au sujet de mes belles couleurs que j'aurais perdues, et de mes dents qui seraient devenues jaunes et laides, choses que l'on pourrait traiter de fadaises, mais, je le répète, cela entrait dans mes goûts ; et lorsque j'ai su ce que c'était, j'ai trouvé que j'avais bien fait d'en user si tard. Par contre, la musique me séduisait bien autrement, et j'avais pour elle une passion véritable ; cet art pur, mélancolique et poétique me devenait de jour en jour plus nécessaire, et les illusions célestes qu'elle vous prête avaient de jour en jour plus de charmes pour moi. Plusieurs de mes camarades me donnèrent raison de ma préférence ; quelques dames dans les logements que je fis essayèrent de me faire dévier de mes idées, mais aucune n'y réussit. Je fréquentais plusieurs salons qui m'étaient ouverts, et j'étais l'objet de leurs conversations, une grande timidité leur inspirait certains sarcasmes, et je dus supporter différents épigrammes, lorsqu'elles virent les sentiments que j'avais à l'égard du sexe. Le petit Louis, dont mes camarades contaient l'histoire à qui voulait l'entendre, faisait malgré cela des jaloux à peu de frais et sans prétentions. Une autre chose encore : je m'aimais avant tout, sans être un Narcisse pourtant, car la risée et le ridicule ne m'auraient pas manqué.
A force de marcher, l'armée arriva dans un pays où il y avait des vivres pour elle ; Elbingue, Ostorode, Gutstadt, renfermaient de forts magasins. Le général Marchand commandait notre division, le colonel Brun passait général, il était remplacé par le colonel Frierrion, homme doux, instruit. Je priai mon père de lui écrire pour me recommander, ce qu'il fit, mais sans résultat, car je continuai à rester avec mes trois francs de haute paie par mois et mon prêt de soldat, quoique ce fusse moi qui conduisait le chant avec ma petite clarinette en fa ; j'étais indispensable, mais doux, timide, craintif, content de tout et le coeur sur la main, ensorte que j'étais heureux et que je ne me plaignais à personne ; mes collègues les musiciens me trouvaient par trop bonasse, et ils me disaient que je devrais déserter le régiment pour m'engager dans une autre musique, où j'aurais été plus apprécié et payé davantage. Le vieux chef de musique François quittait le corps pour s'en aller chez lui ; celui qui le remplaça fut le père Lemoine, qui avait 55 ans ; il jouait du basson, et était compositeur.
Malgré que le pays fut meilleur sous le rapport des vivres, nous n'avions pourtant que trois livres de pain pour quatre hommes, et encore était-il rempli de son et de paille ; nous suppléions à ce qui nous manquait par la maraude. Nous trouvâmes dans un château à dix-huit lieues de notre résidence, des tas immenses de pommes de terre ; les paysans semaient des pois dans la nuit, mais le jour nos musiciens allaient à leur recherche, et entre deux, en rapportaient une assiette pleine.
Une jeune fille de vingt ans, dans l'espace de six mois, a hérité de onze fermes, et si elle n'avait pas eu un sergent pour bon ami, elle serait morte comme ses parents, de faim ou de maladie; le sergent fut tué, sans cela elle l'aurait pris pour mari, car elle l'aimait comme un sauveur" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
- Combat de Lingnau
Le 12, à Lingnau, près de Guttstadt, il est attaqué par deux Régiments de cavalerie russe.
Le même 12 mars 1807, Ney écrit à Berthier : "A 3 heures de l'après-midi une colonne de 1.000 chevaux, moitié hussards, moitié cosaques, a débouché par Gronau sur Altkirch ... ; le général Marcognet a disposé le 69e régiment de manière à faire croire qu'il n'avait que peu de monde ; ... l'ennemi a fait une charge furieuse et s'est abandonné jusqu'à quinze pas de ce régiment dont il a essuyé le feu à bout portant. L’effet en a été tellement meurtrier que l'ennemi en se sauvant a laissé 23 chevaux et un grand nombre d'hommes sur le champ de bataille" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 21).
La conduite du 69e lui vaut une fois de plus une mention au bulletin :
"La Grande Armée est toujours dans ses cantonnements, où elle prend du repos. De petits combats ont eu lieu souvent entre les avant-postes des deux armées. Deux régiments de cavalerie russes sont venus, le 12, inquiéter le 69e dans son cantonnement de Lingnau, en avant de Guttstadt. Un bataillon de ce régiment prit les armes, s'embusqua et tira à bout portant sur l'ennemi qui laissa 80 hommes sur la place ..." (18e bulletin, Osterode, 14 mars 1807 - 66e Bulletin de la Grande Armée; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 186 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12036).
Ce jour là, le Capitaine Dartigues est blessé aux avant-postes d'Alkirken. Le Fusilier Jourdin est tué près de Altkirch.
Le lendemain 13 mars 1807, l'Empereur écrit depuis Osterode, à M. Cambacérès : "Mon Cousin … Un régiment de hussards russes s'est approché hier, de nuit, du cantonnement du 69e, qui l'a attiré dans une embuscade et lui a tué 80 hommes …" (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12022 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14602).
Le Commandant Giraud écrit :
"Schweidnitz, le 19 mars 1807.
Schweidnitz, une des plus fortes places de la Silésie, a capitulé après trois jours de bombardement. Le prince Jérôme qui a visité nos batteries, disait à l'empereur qu'elles ressemblaient à des bâtiments démâtés. En effet, chaque jour tout était démonté, pour éviter les coups de l'assiégé qui tirait dix à douze coups contre un des nôres. Nous tirions surtout la nuit, à l'aide de points de repère bien choisis.
Nous avons eu énormément de peine dans ce siège, où la terre à remuer pour former un épaulement était plus dure que le marbre; elle était tellement gelée que les outils cassaient. Ce n'est donc qu'avec beaucoup de persévérance, et une ferme volonté de réussir que nous avons pu nous établir sous les murs de la place. Notre perte n'a été que de six canonniers et de quelques servants auxiliaires d'infanterie.
Il nous reste encore quatre sièges à faire, ou plutôt à reprendre, car ceux qui allaient déjà grand train, n'ont été que suspendus. Ces places sont :
Neisse; Kosel;
Glatz; Silberberg.
Il faudra deux mois, si l'ennemi ne reçoit aucun secours.
Nous avons perdu beaucoup d'officiers d'artillerie dans les dernières affaires. Cela ne pouvait pas être autrement; c'est l'artillerie qui a tout fait, tout soutenu. Dans une de ces affaires, plus de cent bouches à feu ont vomi la mort dans les rangs ennemis, pendant plus de deux heures. Le mot de l'empereur est donc bien vrai : l'artillerie est toujours le premier corps" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 20 mars, le Fusilier Chaumont est tué près de Altkirch.
Le 22 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Maréchal Kellermann, commandant un Corps de réserve de Gardes nationales : "Mon cousin, mon intention est de compléter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs de la division Oudinot à un effectif de 150 hommes. Je désire en conséquence que vous fassiez réunir, conformément au tableau ci-joint, différents détachements d'hommes. De 5 pieds 4 pouces pour les grenadiers et de 4 pieds 11 pouces ou 5 pieds bien constitués pour les voltigeurs. Ces détachements peuvent partir sans sous-officiers, en désignant les meilleurs sujets pour en faire les fonctions pendant la route. Après en avoir passé la revue et avoir pourvu à ce que leur habillement et armement soient parfaitement en état, vous les ferez conduire par des officiers d'état-major, pour Thorn ...
69e de ligne 70 [Pour les grenadiers] 49 [Pour les voltigeurs] ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14811).
Le 31 mars, depuis Osterode, Napoléon décide d'accorder 18 aigles d'honneur, dont neuf aux Officiers, et neuf aux Sous officiers et soldats, aux Régiments qui se sont distingués à Eylau. Il écrit au Maréchal Berthier : "Vous enverrez à chaque maréchal ce qui, dans les dispositions suivantes, concerne son corps d'armée, et sans que l'un connaisse ce qui regarde l'autre.
1° Il est accordé aux régiments dont l'état suit 18 aigles de la Légion d'honneur, dont 9 aux officiers et 9 aux sous-officiers et soldats qui se sont fait remarquer par leur courage et leur bonne conduite, depuis le commencement de la guerre de la quatrième coalition :
… 69e ... d'infanterie de ligne ...
Du moment que les maréchaux auront reçu ma décision, ils ordonneront à chaque général de division de réunir chez lui les colonels et chefs de bataillon de chaque régiment, ainsi que les généraux, de brigade, et de dresser un procès-verbal qui constate les individus qui méritent le mieux la décoration. Ce procès-verbal sera envoyé au maréchal commandant le corps d'armée, qui le transmettra, avec ses observations, au major général. Tous ces procès-verbaux devront être arrivés avant le 6 avril. Le 7, le major général me les soumettra …" (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12240 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 145013).
En avril, le Colonel Brun est nommé Général de brigade; le Régiment passe sous le commandement de Joseph Fririon (Note de l'auteur de l'Historique : la plus grande partie des notes qui vont suivre, notamment la relation de la bataille de Friedland et les premières années de la campagne d'Espagne, sont extraites du volume : "Le général J. Fririon", par le Capitaine J. Fririon. Les notes du Général ont été publiées par son fils en 1853. Nous en devons la communication à l'extrême obligeance de Mlle Fririon, petite-nièce du Général).
Emplacement des troupes de l'Empire français à l'époque du 1er avril 1807
|
||||
Numéros des Régiments, et noms des Colonels |
Majors, Chefs de Bataillon et Quartiers-maîtres |
Numéro des Bataillons |
Emplacement, et conscription de l'an 1807 |
Division Militaire |
69e Fririon |
Duneme |
Major |
|
3e |
Le 4 avril 1807, sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur, les Capitaines Meignand et Lautier, l'Adjudant major Fauverteix, le Lieutenant Paris, le Voltigeur Blot, le Sergent de Voltigeurs Lagier, le Caporal Métayer, les Grenadiers Foucard et Desrieux.
Le 6e corps occupe toujours Guttstadt, se reliant à droite au 3e Corps (Davout); la gauche est gardée par des postes couvrant la forêt d'Amt-Guttstadt. Le 69e, qui jusqu'alors faisait Brigade (2e) avec le 76e, constitue avec le 6e Léger la première Brigade (Général Maucune).
"Le 69e de ligne et le 6e léger sous les ordres du général Maucune formaient la 1re brigade de la 1re division, commandée par le général Marchand qui appartenait au 6e corps dont le chef était le maréchal Ney. Le 6e corps faisait partie de la grande armée qui, aprés avoir conquis la Prusse, s'était avancée contre les Russes. La grande armée était alors cantonnée entre la Passarge et la Basse-Vistule. Le 6e corps occupait Guttstadt, se liant à sa droite par des patrouilles au 4e corps commandé par le maréchal Davout; la gauche était gardée par des postes couvrant la forêt d'Amt-Guttstadt, et à trois ou quatre lieues derrière cette gauche se trouvait le 2e corps commandé par le maréchal Soult. Le 6e corps était donc tout à fait en l'air, surtout à sa gauche, car à droite il avait la rivière l'Alle devant son front. C'est dans cette position que le colonel FRIRION prit le commandement de son régiment dans le courant d'avril 1807" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Commandant Giraud écrit :
"Schweidnitz, le 18 avril 1807.
La division Marchand devient la 1re du 6e corps, en remplacement de la division Dupont détachée pour former la garnison d'Ulm. Le général de brigade Roguet passe à la division Bisson et est remplacé à la division Marchand par le général Marcognet; enfin les 39e et 69e de ligne permutent entre eux, de sorte que la brigade Marcognet (2e brigade de la 1re division) sera formée dorénavant des 76e et 39e de ligne, et la brigade Maucune des 6e léger et 69e de ligne.
L'empereur profitant du répit, que la rigueur de la saison impose aux deux armées, a fait dresser la liste des militaires qui s'étaient fait distinguer par le courage depuis le commencement de la guerre et susceptibles de faire partie de la légion.
Le 10 courant, cette liste était envoyée à Sa Majesté. Le colonel Fririon, notre nouveau chef, m'y a porté le troisième, et je suis nommé membre de la légion d'honneur par décret du 14 avril 1807.
L'avancement dans tous les corps de troupes est considérable. On ne voit à la grande armée que des colonels et des chefs de bataillons nouvellement promus. On prétend que ce n'est pas fini et que d'autres promotions vont suivre.
Le chef d'état-major du corps d'armée nous annonce que le maréchal Masséna a battu les Russes, à Ostrolenka. Un officier russe prisonnier me disait hier : Nous serons des amis bientôt. Sur quoi s'était-il fondé pour me tenir un pareil langage ?...
Après Eylau l'arrière-garde ennemie voulut s'arrêter et prendre position au village de Schmoditten, pour que les blessés et l'artillerie eussent le temps de filer. Mais ce village était déjà occupé par l'avant-garde de Ney (6e léger et 69e de ligne). Six bataillons de grenadiers russes furent culbutés et obligés de battre en retraite en désordre" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 18 avril 1807, à Finkenstein, "Le maréchal Bérthier propose à l'Empereur de décider que les bataillons de dépôt des 12e, 59e et 69e de ligne seront sous les ordres du maréchal Kellermann, et qu'en vertu du décret du 21 mars 1807, ils lui adresseront périodiquement leurs situations"; Napoléon répond : "Accordée" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 1044).
Le Commandant Giraud écrit :
"Bielau, devant Neisse, le 22 avril 1807.
La grande armée ne manque de vivres nulle part; les Russes attaqués de tous les côtés, ne savent où donner de la tête.
Le prince Jérôme avait promis à Marion de venir au siège de Neisse. Le mauvais temps l'en a empêché. Nos tranchées sont remplies d'eau et de neige. Les épaulements sont pour ainsi dire de neige. Notre feu a commencé depuis sept jours; deux magasins à poudre ont sauté; plus d'un quart de la ville est brûlé" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Selon un "Etat sommaire des Hommes du 6e Corps d’Armée prêts à combattre", daté de Guttstadt, le 25 avril 1807, le 69e de Ligne, à la 1ère Division, compte 1317 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 155).
Selon un "Etat dressé en conséquence des dispositions de la lettre de S. E. le Maréchal Ney en date du 26 avril courant", le 69e Régiment d'infanterie de ligne a, à cette date, 2 hommes rayés des contrôles, absents depuis trois mois sans autorisation; 11 hommes absents depuis moins de trois mois et rayés provisoirement; 6 hommes reconnus déserteurs et jugés par contumace; 9 hommes prisonniers de guerre (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 57).
Le 29 avril 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général Dejean : "Formez un bataillon provisoire du 59e et du 69e. Formez ce bataillon de 1,200 hommes, en faisant fournir 600 hommes par chacun des deux 3es bataillons, et en détachant quatre compagnies de chacun des bataillons, les compagnies complétées chacune à 160 hommes. Nommez un des deux chefs de bataillon pour le commander, et dirigez ce bataillon par le plus court chemin sur Berlin. Si les grenadiers et voltigeurs de ces deux 3cs bataillons ne sont pas à la Grande Armée, faites-les-y comprendre.
Je vois avec plaisir que le 2e régiment des fusiliers de la Garde est parti le 2 1 avril.
Je ne suis pas étonné que les 59e et 69e aient été oubliés à Luxembourg ; je n'ai pas d'états de situation. Mon dernier état de situation est du 1er février. C'est une paresse bien condamnable. Ai-je jamais eu plus besoin d'avoir sous la main les éléments qui peuvent me faire connaître l'état de mes forces ? Les bureaux de la guerre dorment. Ils savent cependant bien l'importance que j'y attache. Que je sois sur la Vistule ou sur la Seine, qu'est-ce que cela leur fait ? Ils doivent m'envoyer ponctuellement les états de situation. Je suis fâché d'avoir à leur répéter cela si souvent" (Correspondance de Napoléon, t.15, lettre 12485 ; Correspondance de Napoléon, t.15, lettre 12485 ; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 1074 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15456).
Le 30 avril 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, j'ai fait sur les états de situation suivantes au 1er avril les observations suivantes :
... Le 3e bataillon du 12e de ligne est à 879 hommes et celui du 14e à 672. Je ne sais pas si les compagnies de grenadiers et voltigeurs de ces 3es bataillons sont à la Grande Armée. Si elles n'y sont pas, faites partir 3 compagnies du 12e et 2 du 14e complétées à 200 hommes ; mettez ces 1 000 hommes sous le commandement d'un chef de bataillon et envoyez-les sur-le-champ à Berlin. J'ai prescrit de pareilles dispositions pour le 59e et le 69e par mon courrier d'hier ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 1080 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15472)
Le Commandant Giraud écrit :
"Breslau, le 1er mai 1807.
Le siège de Neisse s'avançait, lorsqu'il y a quatre jours, le capitaine Marion a reçu l'ordre de rentrer à Breslau et de remettre le commandement de l'artillerie de siège au commandant Guérin. Ce contre-ordre l'a vivement impressionné, d'autant plus que presque tout était fini, et qu'il n'y avait plus qu'un peu de peine à se donner.
Aujourd'hui, Marion n'en est pas fâché, car à peine l'ami Guérin avait il visité nos batteries, en prenant possession de son commandement, qu'un boulet de plein fouet lui emportait la tête. Il lui sauvait la vie s'il était resté.
Et voilà à quoi tiennent les hasards de la guerre. Marion devait être tué ce jour-là, ou tout au moins blessé, au lieu et place de Guérin.
Les troupes qui forment le blocus de Dantzig ont pris à l'abordage un bâtiment anglais chargé de poudre et de boulets pour cette place" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 5 mai est constitué le Corps de réserve du Maréchal Lannes, formé des Grenadiers d'Oudinot, qui a rejoint la Garde en réserve à Osterode, puis à Finkenstein (23 mars), et de la Division Verdier. Lannes s'installe à Marienburg comme soutien éventuel de Lefebvre assiégeant Dantzig. Cette place capitule le 26.
- Combat d'Amt-Guttstadt
Le 8 mai 1807, le Maréchal Ney écrit, depuis Guttstadt, au Ministre de la Guerre : "… Je fais tracer aujourd’hui les positions que les régiments occuperont d’ici à quelques jours.
Les corps baraqueront séparément, mais assez rapprochés pour présenter des masses en cas d'attaque. Cette disposition est plus convenable au terrain que j'ai à défendre. Les divisions forment des échelons entre elles, couvrent les principales communications de Liebstadt et Deppen et peuvent se réunir très promptement dans les positions défensives indiquées pour chacune d'elles.
Voici l'emplacement des campements par régiment :
1ère division
1ère brigade, le général Maucune, à Amt-Guttstadt : 6e d'infanterie légère, sur les hauteurs en arrière d'Amt-Guttstadt ;
69e de ligne, dans la position de Kosten.
Cette brigade couvrira alternativement les postes avancés vers Zechern et jusqu’à Peterswalde inclusivement ..." (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 69).
Le 8 mai donc, la Brigade Maucune se rend à Amt-Guttstadt, le 6e Léger avec l'artillerie sur les hauteurs en arrière de cette ville, le 69e dans la position de Kossen, où il établit ses baraquements, elle pousse des postes avancés vers Zechera jusqu'à Peterswald.
"Une grande maraude par ordre fut improvisée, à trois heures du matin, dans le mois de mai ; le général Marcognier la commandait. Nous surprîmes un village rempli de cosaques qui se sauvèrent à notre approche ; j'entrai dans une bicoque et j'y trouvai une pauvre femme avec son enfant au sein ; j'allai pour lui prendre sa vache, mais elle se mit à pleurer, ce qui me décidait à la laisser, quand, malheureusement pour elle, le général passant par là me dit : " Emmène, mon brave, emmène ; " j'ai souvent déploré cette action, d'avoir enlevé à cette femme et à son enfant leur soutien, mais le général ajouta encore : " Mieux vaut tuer le diable qu'être tué par lui. " Un des premiers, j'arrivai à Gustadt, je pus emmener ma vache au logement de mon escouade, chez un cloutier qui en fit une salaison, ce dont nous fûmes tous bien contents ainsi que lui.
Notre camp était situé à deux lieues de la ville ; le 69e avec le 6e léger avaient fait différents ouvrages de défense, fossés à la Vauban (il n'y a que les Français pour tirer parti de tout); il y avait jusqu'à des rues de Tivoli, des cafés de la belle limonadière, de Frascati, etc.
Les Russes étaient à portée de pistolet, dans un bois de sapin. Ils promettaient une bouteille d'eau-de-vie à tous ceux qui leur amèneraient un Russe blessé ou malade ; je trouvai moyen d'en conduire moi seul un, que je plaçai entre les deux avant-postes; ayant crainte d'une ruse, pour venir le chercher ils prirent la précaution de doubler tous les postes voisins ; la bouteille promise fut donnée, mais l'officier de garde à l`avant-poste la prit, et lorsque vint le moment de la boire je fus oublié ; j'eus la satisfaction d'avoir fait un acte d'humanité, et d'avoir eu le courage de l'exécuter ; on en parla le soir au camp, et j'en fus flatté.
A mon retour à Gutstadt, étant embarrassé pour remiser un cheval que nous avions maraudé, moi et mon camarade de lit qui était Champenois de Bar-sur-Aube, et qui avait la manie des chevaux, la maison que nous habitions n'ayant point d'écurie, nous le logeâmes sur un petit corridor ; peu après, nous entendons un grand bruit, c'était notre cheval qui, par son poids, avait enfoncé un trapon qui formait le corridor, et qui était passé dans la cave ; nous le retrouvâmes sain et sauf, n'ayant rien de cassé, mais impossible de lui faire remonter les escaliers ; nous replaçâmes le trapon, et il était assez solide pour supporter le poids de deux hommes; nous descendîmes un peu de paille de la toiture à notre cheval pour le faire manger. Dans le même moment, un officier d'ordonnance bavarois apercevant du crottin de cheval dans ce corridor, y amena son cheval ; patatras, à l'instant il passe par le même chemin que le nôtre.
Ce pauvre cavalier bavarois n'en fait ni une ni deux, il descend ôter la selle, la chabraque de sa monture, et s'en va laissant celle-ci, jolie jument de trois ans ; mon camarade qui s'y connaissait, avise à sortir au plus tôt ces deux chevaux de leur cave. Aussitôt nous nous armons de pelles et de pioches, et nous supprimons l'escalier pour les faire remonter. La jument de notre Bavarois était marquée aux armes de Bavière, vive, bien jambée, l'oeil vif. Charve, mon camarade, va trouver un de ses "pays", chasseur à cheval du 26e régiment, et lui fait un troc contre un petit cheval cosaque et trois louis de retour. La bonne action du malade russe nous avait porté bonheur." ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Le 12 mai, le Lieutenant Avisse est blessé dans une affaire près de Dantzig.
Le 28 mai 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, je vois dans l'état de situation de l'intérieur au 1er mai que vous m'avez envoyé ...
Faites partir ... du 69e qui est est porté pour 400 hommes, 200 hommes ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 1157 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15751).
Composition du 6e Corps du Maréchal Ney au 31 mai 1807 :
1ère Division, Général Marchand : 6e Léger, 69e, 39e et 76e de Ligne, 10 Bataillons, 6673 hommes.
2e Division Bisson : 25e Léger (3 Bataillons), 27e, 50e et 59e de Ligne, 9 Bataillons, 6448 hommes.
3e Division, Général N. : En formation ; 1510 hommes.
Artillerie, Génie et Gendarmerie, 24 pièces, 1331 hommes.
Cavalerie légère, Général Colbert : 3e Hussards, 10e et 15e Chasseurs : 9 Escadrons, 935 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 302).
Le Général russe décide de profiter de la position du Maréchal Ney en avant de l'armée pour détruire son Corps. Le 5 juin, les Russes se présentent, à la pointe du jour, à la gauche du bois d'Amt-Guttstadt. Le 6e Corps, 15.000 hommes, a devant lui une armée de 60.000 hommes; presque tous les postes sont enlevés, tant l'attaque est soudaine.
Bennigsen, dans ses Mémoires, raconte : "… Le prince Bagration marcha avec rapidité sur Altkirch. Quand il l'eut atteint, il y trouva le général Marcognet avec la 2e brigade de la division, composée des 39e et 76e en position, qui fut bientôt renforcée par la brigade, composée des 6e et 69e de ligne, qui accoururent le premier d'Amt-Guttstadt et le second de Kossen. Le prince Bagration, pour ne pas donner le temps à l'ennemi de faire arriver encore plus de troupes, l'attaqua sur deux points dans cette position avantageuse …" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 141).
Les Cosaques, passant en même temps l'Alle entre Guttstadt et Allenstein, viennent brûler les villages en arrière et s'emparent de Guttstadt, où se trouve une partie des bagages. Après une fusillade d'une heure devant le camp, le 6e Corps commence sa retraite, par échelons et très lentement, pour venir prendre position à Ankendorf, où il passe la nuit.
"Le général russe résolut de profiter de l'isolement du maréchal Ney en avant de l'armée pour enlever son corps. Le colonel FRIRION s'était aperçu du mouvement des Russes et en avait averti le maréchal. Le 5 juin, au point du jour, les Russes au nombre de 60,000 marchèrent sur le 6e corps qui n'était que de 15,000 bommes présents sous les armes, et l'attaquèrent par la gauche du bois d'Amt-Guttstadt, de sorte que sur ce point tous nos postes furent pris. - Les Cosaques passant en même temps l'Alle entre Guttstadt et Allenstein vinrent brûler les villages sur nos derrières et s'emparèrent de Guttstadt où se trouvaient une partie de nos bagages. Il fallut se hâter de concentrer le corps d'armée, afin d'être en état de percer les forces considérables des Russes qui pouvaient et devaient le tourner. Après une vive fusillade de tirailleurs pendant une heure devant notre camp, le 6e corps commença sa retraite en colonnes par échelons et très lentement. Il est inconcevable que pendant cette retraite lente le général russe n'ait pas osé exécuter son projet d'envelopper les 15,000 hommes du maréchal Ney. Après avoir fait deux lieues en retraite, le maréchal au lieu de se rendre le jour même sur la Passarge pour entrer en ligne avec l'armée s'arrêta à Ackendorf, y prit position et y passa la nuit, qui aurait pu nous être fatale, car le maréchal n'étant appuyé d'aucun côé, les Russes avaient encore le temps de porter leurs forces derrière nous, à droite et à gauche, et de nous attaquer à la fois de toutes parts au point du jour. En définitive la Providence nous favorisa" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
"Nous nous attendions chaque jour à une attaque générale. Tous les matins, le maréchal Ney partait à la pointe du jour pour le camp à une grande lieue de Gutstadt. Enfin, le 5 juin, à trois heures du matin, les Russes au nombre de 80.000 hommes, attaquèrent sur tout la ligne le 6e corps, qui ne comptait pas plus de 14.000 hommes ; moi, curieux et très ardent, je laissai mon sac et ma petite clarinette à mon camarade Charve, et me voilà parti pour le camp, sans penser que je ne reviendrais plus à Gutstadt.
Les Russes avaient mis le feu à notre camp, qui brûlait on ne peut mieux ; le régiment ayant été placé en tirailleurs, et moi ne le retrouvant pas, j'allai me placer sur une hauteur ; là les Russes me tiraient dessus, mais les balles ne voulurent pas de moi, tandis qu'il y en eut qui allèrent frapper de nos hommes placés loin derrière moi dans les bas-fonds, qui leur étaient très favorables pour faire le service de tirailleurs. Plusieurs officiers m'injurièrent de ce que je m'exposais ainsi, et finirent par me chasser de cet endroit, depuis lequel j'avais fort belle vue et qui me plaisait à cause du danger qu'il y avait d'y rester. J'appuyai donc à droite, et j'arrivai au milieu de l'invincible compagnie des voltigeurs, qui se trouvait retranchée derrière un monticule, et qui se défendait en faisant un feu nourri. L'officier qui commandait me dit quelque chose de mortifiant sur mon titre de Genevois et sur la bravoure d'un musicien ; cette dernière remarque étant juste, je m'en inquiétai peu, mais je lui répondis qu'il se trompait sur mon compte, et qu'il avait tort de me mettre à la même liasse que les autres, que je n'avais pas plus peur que lui. "Donnez-moi un fusil, et vous verrez que le petit Genevois se tapera bien ; moi, lui dis-je, je n'ai peur de rien. - Ah vous voulez un fusil ! - Oui. - Eh bien ! vous allez en avoir un, mais il faut le gagner ; tenez, voyez-vous ce Russe couché par terre, à trente pas d'ici du côté de l'ennemi, je crois qu'il est mort, je vais vous donner le sergent Robert, un légionnaire qui tiraillera pendant que vous irez prendre le fusil et les cartouches du Russe." J'avais alors un habit d'uniforme de l'institution du Prytanée, qui pouvait me faire prendre pour un élève en chirurgie; le Russe couché par terre avait une balle qui, entrée par le front, lui traversait la tête, il était mort, quoique encore chaud; le sergent Robert ne cessa de tirer tout le temps que je mis à sortir les cinquante cartouches qui étaient dans sa giberne-ceinture ; il ne cessait de me dire : dépêche-toi, mais cela me faisait rire. Je revins dans la compagnie faisant l'admiration de tous les voltigeurs, tous vieux soldats d'élite ayant été à Marengo, Saint-Jean d'Acre, Ulm et Iéna, et parmi eux mon vieux Rousset, le soldat au diamant.
Les Russes ayant reçu l'ordre d'avancer, et Gutstadt venant d'être pris et pillé, deux fois par les Français et deux fois par les Russes, notre compagnie fut obligée de battre en retraite ; je tirais très juste avec mon gros fusil russe, et chacun me prodiguait les bravos à chaque Russe qui mordait la poussière ; nous étions si près les uns des autres, qu'on distinguait la couleur des yeux de l'ennemi ; je n'avais plus de cartouches pour charger mon fusil, mes cinquante y avaient passé; je demande alors à un voltigeur de m'en prêter; c'était un Strasbourgeois, il était en joue : "regarde tans ma chiperme", me répond-il; il en restait une seule entre cuir et bois, je la prends, je charge, je mets en joue, et je reçois au même instant deux balles dans le bras gauche ; mon canon de fusil était si chaud que je ne pouvais plus le tenir que par la bretelle; je le jettai donc et je battis en retraite comme tout le monde sans être pansé que par un soldat qui me serra fortement le bras avec ma cravate, pour empêcher que je me perdisse trop de sang. Mon camarade Charve revenant sur ces entrefaites de Gutstadt avec mon sac et ma petie clarinette, me fit boire de l'anisette qu'il avait pillée à une cantinière d une compagnie de cosaques, pour me réconforter un peu, puis il me conduisit au chirurgien-major; celui-ci sonda ma blessure en introduisant un doigt de chaque main dans chaque extrémité du trou pour qu'ils se rencontrassent. Quelle joie pour moi, la balle avait passé sans toucher l'os ; il me pansa avec de la paille fraîchement arraché dans un champ, et enveloppée fortement avec ma cravate, car dans les guerres on manque de tout, l'utile c'est du luxe. Je fus envoyé à cinq lieues pour me faire mieux panser" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Ont été blessés le 5 juin à la bataille de Guttstadt le Chef de Bataillon Mandeville, les Lieutenants Faré, Gaillard, Monnier et Moulin. Le Voltigeur Triébert et le Caporal Thiat ont été tués de même que les Fusiliers Pigassou et Dest.
Le Commandant Giraud écrit :
"Frankestein, le 5 juin. 1807.
Neisse a capitulé, Kosel bloquée depuis quatre mois ne demande qu'à se rendre ; Dantzig s'est rendue avec des vivres pour plus de cent mille hommes. Cette conquête nous assure la possession de toute la Prusse; elle pourrait bien faire accélérer nos opérations militaires, car à elle seule, cette forteresse occupait bien 60, 000 hommes.
Marion compte retourner avec le général Vandamme dès que le siège de Glatz sera décidé. La garnison de cette place est bonne, nombreuse (plus de 8,000 hommes bien reposés). Nous ne pouvons guère que lui opposer 900 à 1,000 hommes. Je ne sais comment nous avons pu échapper à l'ennemi; Marion tout le premier, aurait dû être pris deux fois.
La garnison de Kosel qui s'est rendue ne quittera la place que dans un mois. Dès maintenant, nous disposons de quatre-vingts bouches à feu, pour entreprendre le siège cle Glatz. Le général Pernetty est chargé de diriger l'artillerie. Il faut nous attendre à de fréquentes sorties qui rendront ce siège bien plus intéressant que les précédents" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le lendemain, le mouvement se continue, les masses russes venant constamment se briser contre nos carrés sans parvenir à les entamer; après avoir franchi le pont de Deppen, le 6e Corps se trouve enfin en ligne avec l'armée.
"L'ennemi ne parut que quand notre retraite fut commencée. Avec ses forces énormes, il attaqua avec acharnement notre flanc gauche seulement, mais notre direction de retraite resta libre. Nos troupes se couvrirent de gloire : elles formèrent des carrés par échelons contre lesquels les masses russes vinrent constamment se briser, et ayant franchi le pont de Deppen se trouvèrent enfin en ligne avec l'armée" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
- Combat de Deppen
L'ennemi tente de franchir ce pont, mais ses assauts furieux et réitérés échouent contre la bravoure des défenseurs.
"Le 6 juin, les Russes reprennent les hostilités et essayent de surprendre Ney à Deppen. Ils sont repoussés avec perte ; Napoléon s'ébranle à son tour et pousse vigoureusement vers l'Alle".
"L'ennemi vint ensuite attaquer ce pont. Ses attaques furieuses et réitérées échouèrent contre la bravoure de nos soldats. Dans ces brillants combats de Guttstadt et de Deppen le colonel FRIRION se signala par son intrépidité à la tête du 69e" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
"Notre 6e corps opéra sa retraite par le pont de Deppène, retraite admirable dont le maréchal Ney se tira avec le plus d'honneur, ne laissant ni un canon, ni un caisson à l'ennemi, ce qui rendit plus grand encore le respect et l'affection que nous avions pour lui.
Le lendemain de ce jour, le 6 juin, l'Empereur arrivant d'Elbingen, du plus loin qu'il vit un blessé (c'était moi), grâce à la voiture du cantinier, envoya un aide-de-camp demander qui j'étais, où j'avais été blessé, et à quelle heure; je répondis le plus succinctement possible, comprenant l'importance d'être bref lorsqu'il s'agissait de renseigner l'Empereur. Plusieurs cavaliers de son état-major vinrent me regarder de près, puis tournaient bride en disant : Je ne le connais pas; c'était mon habit du Prytanée qui faisait des siennes" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Ont été blessés à la bataille de Deppen le 6 juin 1807, les Capitaines Demange et Lemoine. Le Voltigeur Perrin est indiqué tué à Guttstadt le même jour.
Le 8 juin, l'Empereur, qui a donné aussitôt l'ordre de concentration de l'armée derrière la Passarge, arrive à Deppen et fait reprendre l'offensive.
- Troisième combat de Guttstadt
Le 69e se distingue encore à la reprise de Guttstadt d'où les Russes sont chassés après une lutte acharnée (9 juin). Le Fusilier Mougeot a été tué.
"Le 8 juin l'empereur arriva à Deppen et fit prendre aussitôt l'offensive à son armée. Le colonel FRIRION se distingua encore à un nouveau combat à Guttstadt, à la suite duquel les Russes furent chassés de cette ville et ne cessèrent de battre en retraite devant l'armée française" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Beningsen, ayant échoué contre Ney, craint de se trouver en présence de toutes les forces de l'Empereur et bat en retraite sur Heilsberg.
Napoléon le poursuit et se dirige sur Eylau, pour le couper de Koenigsberg. Lannes, à l'avant-garde, est déjà à Donnau le 13 et, vers le soir, signale la présence des forces russes descendant l'Alle vers Friedland.
L'Empereur décide de porter, le lendemain, la Garde, Ney et Victor sur ce point.
Le 13, le 69e bivouaque près du village de Kuschitten.
- Bataille de Friedland (au drapeau), 14 juin 1807
Le 14 juin, Napoléon remporte la victoire de Friedland, qui met fin à la guerre. Le nom de Friedland figure au drapeau du 69e, et l'importance de son rôle dans cette journée nous impose l'obligation de donner quelques détails extraits des documents officiels.
Le 14, vers trois heures du matin, la Division Oudinot, tête de colonne de Lannes, arrive devant Friedland.
Beningsen, croyant n'avoir affaire qu'à un Corps, avant de poursuivre sa retraite, décide de l'écraser et fait repasser son armée sur la rive gauche de l'Alle.
Lannes, renforcé par quelques Divisions, réussit à se maintenir.
Les Grenadiers enragent d'être cloués sur place. Derrière l'ennemi, il y a l'Alle : "Je leur mettrais le cul à l'eau si j'avais du monde, mais j'ai usé mes grenadiers", est venu dire Oudinot à l'Empereur.
Parvenu sur le terrain, à midi, le Maréchal Ney reçoit l'ordre de marcher en colonne, tambour battant, pour aller prendre position à l'extrême droite de l'armée. La première Division est mise en bataille sur deux lignes dans la plaine : la 1re Brigade, 69e et 6e Léger en avant, les 39e et 76e à 200 mètres en arrière; la 2e Division à gauche de la première. Jusque-là les Russes se sont tenus à observer; Ney, impatient de combattre, fait placer quelques pièces de canon à l'angle du bois de Sortlack et fait ouvrir le feu.
L'artillerie ennemie riposte avec une telle supériorité qu'en un instant les pièces sont démontées, les caissons sautent et les deux lignes sont fort maltraitées. Au bruit de cette canonnade, l'Empereur fait abriter le corps d'armée dans le bois jusqu'à nouvel ordre. Les Russes détachent alors une nuée de tirailleurs qui ne cessèrent de faire un feu très vif; quelques hommes seulement y répondent de la lisière.
A cinq heures du soir, l'armée française a achevé de prendre sa formation; un premier coup de canon donne le signal, aussitôt répété par trois salves d'une batterie de 20 pièces, tandis que l'artillerie double ses feux et les dirige sur la gauche des Russes, pour favoriser le mouvement du 6e Corps chargé de l'attaque principale de ce côé.
Ployé en colonne par Division, à distance de section, le 6e Corps s'ébranle à cinq heures et demie. Il se dirige du bois sur le clocher de Friedland, dont la pointe se détache sur le ciel et sert à le guider, car le terrain lui cache la ville.
I.a première Division, l'arme au bras, s'avance à grands pas dans la plaine, ayant à sa gauche la 2e Division en bataille sur deux lignes.
Ce mouvement rapide coupe la retraite aux tirailleurs russes et aux masses chargées de les soutenir; la majeure partie est acculée à la rivière, elle s'y précipite et plus de la moitié y périt.
L'ennemi pris au dépourvu, la victoire n'aurait pas balancé si le terrain avait permis de marcher droit sur le clocher, mais à cent pas de la ligne russe, la tête de colonne est arrêtée par un coude de la rivière, caché au fond d'un ravin profond et escarpé. Aucun coup ennemi n'est perdu et éclaircit les rangs. On marche par le flanc pour dépasser le ravin et faire ensuite un à droite pour reprendre la direction primitive, mais on se heurte à la deuxième division.
Les Russes parviennent à tirer des renforts de leur centre et à établir une batterie de 30 canons sur la rive droite de l'Alle. Aussitôt, une grêle de boulets et de mitraille accable le front et le flanc droit de la 1ère Division.
Le 69e sert de cible; le moment est critique; deux caissons sautent, l'artillerie est démontée, le terrain en un instant jonché de morts et de blessés.
Les deux Chefs de Bataillon sont hors de combat, les Officiers jalonnent l'emplacement de leurs sections. Le Colonel, au milieu de son Régiment, comme un drapeau, rassure ses soldats forcés de se résigner, pour le moment, à cette halte sanglante. Il tombe, frappé au côé gauche d'un biscaïen; il n'y a plus d'Officier supérieur; un Capitaine prend le commandement du 69e et est aussitôt mortellement atteint.
L'ennemi lance à ce moment sa cavalerie sur le flanc gauche et pénètre jusque dans les rangs décimés.
Le Porte-aigle du Régiment est alors frappé, un Caporal s'étend sur le drapeau pour le protéger de son corps; le Colonel lui fera donner la croix.
Ney, la voix tonnante, est au plus fort de la mêlée.
Enfin, la Division Dupont, qui n'a pas encore donné, traverse les troupes débandées et refoule l'ennemi dans Friedland. Les carrés se reforment. Sénarmont ouvre le feu, à courte distance, avec une batterie de 36 pièces sur les troupes russes qui s'entassent dans la ville, et Ney, avec le 69e, entre enfin dans Friedland, par la route d'Eylau, en même temps que Dupont y pénétre par celle de Koenigsberg. Il est 8 heures du soir.
Lannes et Mortier, restés sur la défensive, se portent en avant à leur tour et les Grenadiers peuvent enfin prendre leur revanche en jetant dans l'Alle, dont le pont brûle, les derniers Bataillons.
Les débris de l'armée russe se retirent sur le Niémen, où ils font leur jonction avec Lestocq, chassé de Koenigsberg par Murat.
"Le 14 juin le 6e corps arriva à midi près de Friedland, où l'on se battait depuis le point du jour. L'empereur ordonna au maréchal Ney de marcher en colonne, tambour battant, pour aller prendre position à l'extrême droite de l'armée. La 1re division fut mise en bataille sur deux lignes dans la plaine : la 1re brigade, 6e léger et 69e de ligne en avant, et la 2e brigade, 39e et 76e de ligne, à deux cents pas derrière la première ligne; la 2e division fut placée à gauche de la 1re. Jusques là les Russes s'étaient tenus à nous observer. Notre armée n'ayant pas fait encore ses dispositions d'attaque devait attendre des ordres en silence; mais le maréchal Ney impatient de combattre fit placer quelques pièces de canon à l'angle du bois qui se trouvait sur notre droite et fit tirer immédiatement sur les Russes. Ceux-ci ripostèrent avec une telle supériorité sur ce point de mire qu'en un instant toutes les pièces furent démontées, les caissons sautèrent, et les deux lignes du 6e corps furent fort maltraitées. Au bruit de cette canonnade l'empereur fit ordonner au maréchal de ne rien entreprendre et de cacher son corps d'armée dans le bois jusqu'à nouvel ordre. Les Russes ayant vu ce mouvement détachèrent devant ce bois une nuée de tirailleurs qui ne cessèrent de faire un feu très-vif, auquel il ne fut opposé que quelques tirailleurs sur la lisière. A cinq heures du soir l'armée fut disposé pour la bataille et le 6e corps désigné pour l'attaque principale sur la gauche des Russes fut ployé en colonne par division à distance de section, et eut pour point de direction le clocher de Friedland. A cinq heures et demie cette colonne s'ébranla au pas accéléré ayant à sa gauche la 2e division en bataille sur deux lignes.
Ce mouvement rapide coupa la retraite aux tirailleurs russes et aux masses qui les soutenaient; la majeure partie fut acculée à la rivière, elle s'y précipita et plus de la moitié y périt.
L'ennemi se trouvant pris au dépourvu et n'ayant pas prévu qu'il serait attaqué sur ce point, la victoire n'aurait pas balancé un instant si le terrain nous eût permis de marcher droit sur le clocher sans dévier, mais notre tête de colonne arrivée à cent pas de la ligne russe fut arrêtée par la rivière faisant un coude dans un ravin profond et escarpé qu'on ne voyait pas. Le colonel FRIRION avait prévenu le maréchal de ce coude et de ce ravin, mais les ordres de marche restèrent tels qu'ils étaient. Nous recevions le feu de l'ennemi dont aucun coup n'était perdu dans notre colonne profonde et nous perdions une foule de braves.
Il eût fallu marcher par le flanc pour dépasser le ravin et faire ensuite un à droite pour reprendre la direction du clocher; on essaya enfin ce mouvement mais les lignes de la 2e division l'empêchèrent. Pendant ce temps les Russes purent faire arriver des forces de leur centre et établir une batterie de trente canons sur la rive droite de l'Alle. Aussitôt une grêle de boulets et de mitraille accabla le front et le flanc droit de la 1re division. Le moment est terrible; deux de nos caissons sautent, notre artillerie est démontée, le terrain est à l'instant jonché de soldats abattus par les projectiles, les deux chefs de bataillons du 69e sont mis hors de combat, plusieurs officiers de ce régiment sont tués. Le colonel FRIRION placé au centre de son régiment comme un drapeau rassure ses soldats forcés de se résigner pour le moment à cette halte sanglante et étourdis par les détonnations; par son attitude noble et guerrière, il leur donne l'exemple de ce froid courage qui ne le quitta jamais dans les dangers et tombe au milieu d'eux frappé au côé gauche d'un biscaïen. Tous les officiers supérieurs du 69e étant tués ou blessés, un capitaine prend le commandement du régiment; il est aussitôt tué. La cavalerie russe pénètre au milieu de nos rangs déchirés par les boulets et la mitraille; un caporal du 69e sauve l'aigle en se couchant dessus pour le cacher et le protéger de son corps.
Mais l'empereur était là. Il fit avancer de formidables batteries avec la division Dupont qui était fraiche, et les Russes ayant épuisé tous leurs moyens sur la colonne formée par la 1re division furent écrasés. La victoire fut complète.
Dans cette bataille mémorable on se battit de part et d'autre avec une bravoure admirable. Sur ce champ de carnage les Russes étaient couchés, morts ou estropiés, marquant toujours leurs trois rangs, et aucune plainte ne se faisait entendre des blessés, tant est vrai ce qu'un auteur a dit, qu'il faut écorcher un Russe pour émouvoir sa sensibilité.
La famille Fririon eut à déplorer des pertes douloureuses dans cette bataille. Outre le colonel FRIRION qui avait reçu une blessure profonde, son frère François Fririon capitaine de grenadiers au 39e fut tué d'un boulet; Alexis Fririon lieutenant adjudant-major au 15e de ligne également tué d'un boulet; son frère Charles Fririon lieutenant au 39e fut blessé et fait prisonnier" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
"A cinq heures du soir, la ligne de l'armée française avait achevé de se former dans l'ordre suivant :
Les troupes de Ney tenaient la droite, ayant derrière elles en réserve la division de dragons de Latour-Maubourg; le centre était occupé par le maréchal Lannes, qui avait pour réserve les dragons de Lahoussaye et les cuirassiers saxons ; le maréchal Mortier tenait la gauche, où il était soutenu par la division de dragons de Grouchy et par une division de cuirassiers. La garde et les troupes du général Victor formaient la réserve.
La gauche de l'ennemi s'appuyait à la ville de Friedland; sa droite se prolongeait jusqu'à la hauteur de Heinrichsdorf; ce développement avait une étendue de une lieue et demie.
A cinq heures, un premier coup de canon donna le signal, aussitôt répété par trois salves d'une batterie de vingt canons. Puis, sur toute l'étendue de la ligne, éclatèrent les roulements de l'artillerie, qui doublait ses feux en les dirigeant sur la gauche des Russes, afin de favoriser l'attaque du maréchal Ney.
En même temps, les deux divisions d'infanterie de celui-ci sortaient massées du bois qui, jusqu'alors, avait caché leurs dispositions.
On les voyait, l'arme au bras, s'avancer à grands pas dans la plaine, en prenant leur direction sur le clocher de Friedland.
La division de gauche Bisson se développait lentement en échelons. Ce n'était pas avec elle que Ney voulait d'abord entamer l'attaque, mais avec celle de droite, afin d'opérer ensuite une conversion à gauche. Les cinq régiments de la division Marchand précédaient donc, et, se rapprochant de l'Alle (6e léger, 69e, 39e, 76e, 31e léger), ils marchaient en une colonne par divisions, masse épaisse et profonde d'environ 5,000 hommes, sur un front de 60 à 80 baïonnettes. Son mouvement faisait replier avec rapidité une nuée de tirailleurs ennemis qui fuyaient devant elle. Tout à coup sa marche fut arrêtée pu un coude de l'Alle. Elle l'avait aperçu seulement quand elle était sur le point d'y toucher. Il barrait le passage, et dans ses flots se débattaient une multitude de fantassins russes qu'elle y avait poussés. Notre attaque a été si brusque, que 2,000 hommes au moins ont été forcés à coups da baïonnette de se jeter dans l'Alle où ils se sont noyés" (Ney, rapport du 15 juillet 1807).
"Une grêle de mitraille accabla son front et vint fouetter son flanc droit, exposé aux pièces russes placées de l'autre côé de la rivière. En un clin d'oeil, dans le 69e régiment, le colonel Fririon tomba frappé d'un biscaïen et ses chefs de bataillon furent mis hors de combat.
Qu'on se figure les soldats ainsi placés sous une grêle de projectiles, quand des nuages de fumée dérobent à leur vue les chefs, et qu'étourdis par les détonations, ils cessent d'entendre les commandements.
L'ennemi, qui s'y attendait, en profita pour lancer sur la colonne une charge de cavalerie. Elle vint tomber sur son flanc gauche avec la rapidité du vent. Des cavaliers passèrent même en bondissant entre les intervalles des régiments et un porte-aigle du 69e se jeta par terre, afin de couvrir de son corps le drapeau qu'il portait (le colonel Fririon lui fit donner la croix).
Toutefois notre infanterie, hérissée de ses baïonnettes, soutint le choc avec sa masse inébranlable. - Plus d'une heure avait été employée pour avancer d'environ 500 toises. La division Marchand, dégagée de ses blessés, avait refoulé la gauche des Russes. - Rapprochée de la ligne ennemie, notre ligne échangeait avec lui sur tout son front un feu terrible d"artillerie et de mousqueterie. Ney commence à plier à l'arrivée de la garde impériale russe. Le désordre se mettait dans notre ligne. A sa droite, devant les rangs ouverts et déchirés de la division Marchand, la cavalerie russe, épiant l'occasion, avait chargé soudain; deux ou trois régiments, saisis d'une terreur panique à son approche, s'étaient renversés ; leur masse tourbillonnait en cohue informe, sans toutefois se disperser encore, et le général Marchand se précipitait au milieu du désordre en leur criant d'arrêter. La division Dupont intervint à propos et fit reculer les Russes.
Après une demi-heure d'efforts, Marchand avait rallié une partie de ses régiments et les poussait au combat. Bagration essayait de lutter dans l'avenue d'Eylau. Ney et Marchand le poursuivaient, brisant une dernière arrière-garde aux portes de la ville. Cette demière ligne reculait, harcelée, assaillie vivement par les décharges de nos tirailleurs qu'animait la victoire. Quand les cartouches commencèrent à leur manquer, "Des munitions, des munitions !" criaient-ils, en revenant en foule.
Le 59e fut chargé d'enlever la position.
Nous entrâmes dans Friedland".
Ont été tués ou blessés à Friedland :
Officiers tués |
Officiers blessés et morts des suites de leurs blessures |
Officiers blessés |
Sous-officiers et soldats |
Capitaine Castillon, Sous lieutenant Oternaud |
Tardieu, Chef de bataillon, mort le 5 août; Audibert, Capitaine, mort le 5 juillet; Delpech, Capitaine, mort le 29 juin. |
Colonel Fririon ; Chef de bataillon Magne ; Capitaines Fournier, Brucker, Lemoine, Sibert, Poupon, Vignier, Reboul, Seguin; Lieutenant (Adjudant-major) Dufour; Lieutenants Chapelin, Delpech, Cros, Hantz, Poirot ; Sous-lieutenants Bernachot, Chaillard, Goulley, Davennes, Dupuy, Lambert, Thomas |
Grenadiers Bernard et Boberiet, Fusiliers Bergot, Blanpain, Brasley, Sergent Combe, Caporal Capion, Sergent Doyen, Fusiliers Gross, Lechartier, Mesnil, Voltigeur Mineur, Fusiliers Pothier, Perrot, Grenadiers Raverdeau, Rhomer, Gupeau, Caporal Terrié, Grenadiers Jung, Kubler, Fusilier L'Hivert, Voltigeur Vilette |
Les 14 et 15, le Régiment bivouaque sur le champ de bataille.
Le 16, il se retire sur les hauteurs en arrière d'Eylau.
Le 24, il cantonne au village de Veiliski et dans ses environs.
Le Commandant Giraud écrit :
"Neisse, le 6 juillet 1807.
La garnison de Glatz a capitulé après avoir perdu huit à neuf cents hommes tués ou blessés, et autant de prisonniers. Elle défilera devant nous le 24 de ce mois, à moins que la paix ne soit conclue d'ici là.
Au retour clu printemps, l'Empereur, après s'être affermi, sur la Vistule par l'occupation de Dantzig, de Thorn, de Modlin et de Praga, songeait à reprendre l'offensive, lorsqu'il fut prévenu que Beningsen allait tenter d'enlever le corps du maréchal Ney. Après des manoeuvres où les deux généraux déployèrent une grande habileté et après plusieurs combats très meurtriers, qui coûtèrent encore la vie à 15 ou 18,000 hommes, sans qu'il n'y eût rien de décidé, une faute commise par Beningsen et dont Napoléon profita avec son habileté accoutumée, procura à nos troupes la victoire de Friedland, le 14 juin 1807.
L'armée russe dispersée prit la fuite dans le plus grand désordre, d'abord sur le Pregel, puis sur le Niémen.
Les Français eurent à regretter 1,500 morts et 4,000 blessés; mais les Russes perdirent 30,000 hommes, toute leur artillerie et leurs bagages. Le Tzar nous croyant arrivés sur le Niémen et la Pologne russe disposée à se soulever, se hâta de demander la paix. Les deux empereurs se virent le 25 juin 1807 sur un radeau construit sur le Niémen et passèrent ensemble vingt jours à Tilsitt, où la paix fut conclue le 7 juillet.
Le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III auquel il ne restait plus que Mesnel, perdit ses provinces polonaises. - Les premières formeront avec la Hesse, la Poméranie et une partie du Hanovre, le royaume de Westphalie qui sera donné à Jérôme Bonaparte; les provinces polonaises seront érigées en grand duché de Varsovie et données au roi de Saxe. - Dantzig fut déclarée ville libre, avec une garnison française. - Les duchés d'Oldembourg et de Mecklembourg seront rendus à leurs possesseurs, sous la condition que les ports de ces deux états seront occupés par nos troupes jusqu'à la paix générale.
Alexandre Ier, vaincu à Austerlitz en 1805, à Eylau et à Friedland en 1807, ne perd rien de son territoire; mais il a souscrit à tous les arrangements faits par Napoléon, a reconnu tous les roitelets qu'il avait couronnés et a pris l'engagement de rompre toutes relations de commerce avec l'Angleterre" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 9 juillet, les articles de la paix de Tilsitt sont signés, la campagne est terminée.
"A Thorn, sur la Vistule, où je fus envoyé (à pied bien entendu), j'entrai à l'hôpital, et je fus très bien soigné et considéré à cause de mon petit fait d'armes, qui me valut des permissions de sortir quand je voulais. Doué d'un appétit dévorant, j'allai chez un boulanger, ma ration m'étant insuffisante; la boulangère, qui était jeune, me dit qu'elle ne recevrait d'argent qu'à mon entière guérison; mais l'ordre d'évacuer sur Dantzick étant arrivé, elle ne voulut rien recevoir. Il en fut de même de la demoiselle d'un apothicaire, qui m'avait donné de la charpie très douce; aux yeux d'une belle, un bras en écharpe a un certain attrait qui recommande celui qui le porte. - Merci, ô vous, aimable boulangère, et vous jeune demoiselle, recevez ici l'expression de ma vive rconnaissance pour votre générosité envers le petit Louis; s'il pouvait se faire que vous lisiez ces Mémoires, vous verriez que j'ai gardé souvenir de votre bonne action à mon égard, et qu'elle n'est pas mise en oubli par moi, ni même par mes enfants, qui se rappelleront toujours, que vous soyez Polonaises ou Prussiennes.
Tous les blessés qui pouvaient marcher furent acheminés sur Dantzick, grande place forte et port de mer sur la Baltique; notre bateau descendit la Vistule, et lorsque nous passâmes sous le fort de Gaudenz on nous tira dessus, mais sans que nous fussions atteints, les pièces étant trop haut placées. Ce fort ne s'est rendu qu'à la paix de Tilsit.
Nous fûmes tous logés dans un grand village nommé Coval, dont les maisons n'avaient plus que les quatre mûrs; les habitants étaient nourris par les soldats en logement; tristes hôes et tristes convives Ce village avait été pillé et dévasté par les assiégés et par les assiégeants. Là, nous fûmes passés en revue par le général Rapp, lequel s'écria à ma vue : "Un musicien blessé ? c'est chose rare. " Le capitaine des voltigeurs, Nicolas, lui ayant observé que j'avais été blessé en me battant contre les Russes, fusil en mains. " Eh ! bien, me dit le général, que veux-tu, mon ami ?" La timidité m'empêchant de répondre, il reprit : " Veux-tu aller à Genève, c'est bien loin, mais tu auras trois sous par lieue ?" Je le remerciai et lui dis : "Je n'ai plus à Genève de grands parents." Je n'osai plus rien dire; le capitaine ne disant plus mot non plus, mon voisin me dit : " Demandes la croix, tout le monde au régiment dit que tu la mérites. " Le général ayant à ce moment salué le capitaine Nicolas et tous les blessés, remonta à cheval, et je ne l'ai jamais revu, et n'ai obtenu la croix d'honneur non plus. Voilà ce qu'on gagne à être timide et d'avoir le coeur droit, sans intrigue, car tous mes collègues chef de musique, sans avoir fait comme moi toutes les campagnes sous Napoléon, l'ont obtenue, malgré qu'ils n'ont jamais été au feu, ni tiré peut-être un seul coup de fusil sur l'ennemi, mais leur colonel les appréciait assez pour voir dans leurs bons services qu'ils la méritaient, il la leur faisait donner sans difficulté aucune ; seul, je crois, de tous les chefs de musique, j'en ai été privé, parce que j'avais le caractère franc, et que je dédaignais d'être courtisan et flatteur. Je me consolai de mon mieux, et, comme le philosophe Antisthène, je me disais : Le seul bien qui ne peut nous être enlevé, est le plaisir d'avoir fait une bonne action" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
En juillet 1807, le 69e compte 2581 hommes, sous le Colonel Fririon; le 1er Bataillon est commandé par le Chef de Bataillon Magne, le 2e par le Capitaine Giraud (par intérim) et le 3e par le Chef de Bataillon Duthoyat. Il fait partie de la 1ère Brigade (Maucune), de la 1ère Division (Marchand) du 6e Corps (Ney).
Le 69e est dirigé sur la Silésie.
"La paix ayant été conclue à Tilsitt, des ordres furent expédiés pour évacuer la Prusse orientale excepté les places fortes. Le colonel FRIRION fut envoyé avec son régiment en Silésie, où les suites de sa blessure lui causèrent de grandes souffrances et le mirent dans un état qui inspira de vives inquiétudes" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
"La paix venait d'être signée à Tilsit par les deux Empereurs. - L'ordre arriva de quitter Dantzick, et de nous diriger sur la Silésie ; notre point de cantonnement était Steinau, petite ville de 4000 âmes. La première compagnie de grenadiers et le colonel occupaient la ville; le reste du régiment était dans les villages des environs.
MM. Stéphens et Olivier étaient toujours à leurs pupitres de 1er basson solo et de 1re flûte; frondeurs aristarques au suprême degré, et quoique m'étant très opposés, ils ne pouvaient s'empêcher de dire que j'aurai dû être récompensé pour ma bravoure à Gutstadt. La première répétition me fut favorable, je lisais à première vue tous les morceaux que M. Lemoine arrangeait pour la musique d'harmonie.
J'étais logé chez un libraire, jeune ménage. Les musiciens se faisant des visites entre eux, deux vinrent me voir au moment du déjeûner, et furent très irrités contre moi à la vue de mon modeste repas, consistant en café au lait sans sucre, mais avec du sirop en échange; ils me dirent que je gâtais les logements, et ils me montèrent la tête, me disant qu'il fallait du sucre et de l`eau-de-vie. Le lendemain je veux obtenir cela; le bourgeois voulait bien, mais la jeune femme s'y opposa, en me disant que ce qu'on me donnait était déjà trop bon pour un gamin, un morveux comme moi; cela m'irrita tellement, que je cassai, en jetant à travers une porte vitrée, toute la vaisselle qui avait servi au déjeûner; la femme voulut se jeter sur moi, mais son mari l'arrêta en lui disant : " Malheureuse, que vas-tu faire ?" lui s'en fut alors à la mairie et me rapporta un billet de logement pour un vétérinaire qui demeurait dans le faubourg. Excellente maison, nourriture parfaite ; l'hôe était ravi d'avoir un musicien chez lui, sa dame aussi ; ils me traitaient comme leur enfant. Je passai l'hiver avec ces braves gens, et je dois dire que tout le régiment n'eut qu'à se louer des soins soutenus dont il fut l'objet dans ce cantonnement. Certes, la reconnaissance est de tous les sentiments humains celui qui résiste le mieux, et pour ma part j'en conserve une bien vive aux personnes qui m'ont rendu service pendant que j'étais militaire. Je saisirai cette occasion pour parler d'un brave brigadier du train, qui me facilita l'accès d'une mare d'eau, dans laquelle les hommes et les bêtes ne pouvaient trouver de bonne eau qu'après avoir franchi une partie de la mare contenant de la boue. Ce brave brigadier me prêta son cheval sans me connaître, ce qui me permit d'atteindre l'eau propre dont je remplis ma gourde et bus une large part. Dire que cela valait son pesant d'or ne serait pas assez évalué ; il faut avoir supporté une chaleur de 26 degrés Réaumur, sans vivre, depuis trois jours, sans sommeil depuis une semaine et avoir autour de soi des camarades morts ou mourants, pour se faire une idée juste d'un service de ce genre. Le mois de juin en Pologne est brûlant.
A Steinau, tous les soldats avaient des bonnes amies ; les Français se faisaient passer pour des fils de familles riches, les officiers ne venaient à la ville qu'en voiture ou sur le cheval du bourgeois. Les promesses de mariage aux jolies Silésiennes ne manquaient pas, mais rien n'était plus incertain, tandis qu'au contraire les baptêmes étaient nombreux. Après un certain temps passé en ce bourg, nous fûmes envoyés à Lüben, à quatre lieues de là ; c'est une jolie petite ville avec son château où le colonel Frierrion logeait ; les bourgeois y sont presque tous riches. La musique ayant été commandée pour faire ses répétitions au château, lorsque le colonel vint pour y assister, la première chose qu'il dit fut : " Ah vous Sabon, vous avez été blessé en allant piller, qu'alliez-vous faire là ?" Je n'osai répondre à une pareille apostrophe, me sentant tout troublé; mon camarade Charve, qui était faible musicien-soldat trombone, n'osa non plus prendre ma défense, non plus que les autres musiciens qui, sauf les gagistes, n'étaient que soldats. Je dus en conséquence ronger mon frein, quoiqu'il y eut encore au nombre des présents le sergent Robert, que j'avais tant émerveillé par ma bravoure ; voilà les résultats de la discipline militaire qui plane toujours sur l'esprit du soldat avec son : " Pas d'observations ; voyons parlez ", ou bien encore : " Taisez-vous ", et qui ne sort pas de ces termes là ; l'on reste muet de hiérarchie.
Je fus plus heureux à la répétition après laquelle le colonel me fit noter pour passer à la première revue, dans 1'état-major, avec 60 francs de haute paie et deux galons au collet de mon habit ; j'étais bien heureux, la vanité était caressée, et la nature matérielle satisfaite.
Après mon licenciement, je fis une visite au colonel, qui y fut très sensible, afin de le remercier de sa bonté pour les appointements qu'il me fit accorder" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
Ont été fait Chevaliers de la Légion d'Honneur le 1er octobre 1807, l'Adjudant major Chevalier; les Capitaines Ginoux, Reboul, Ledonné, Raibaud, Monoyer, les Lieutenants Gailhard de Senislhac et Jurquet; les Capitaines Despesse, Monnier, Dupas, le Caporal Royer, le Grenadier Guiltin, le Voltigeur Vessière, le Caporal Verw, le Lieutenant Sourd, le Lieutenant de Grenadiers Farey, le Lieutenant Roy, le Sous-lieutenant Supuy, l'Adjudant sous officier Philibert, les Sergents Vezé, Portel, Witz, Baudimant, Guillin, Caire, le Caporal Eynard, le Chef de Bataillon Pouteaux, le Voltigeur Neuville.
E/ Le 69e en Allemagne; Campagnes de Portugal (1808)
- Formation du 11e Provisoire
Napoléon avait sommé le Portugal d'adhérer au Blocus continental; comme le Régent refuse, Junot passe les Pyrénées avec 30.000 hommes et entre dans Lisbonne. Il doit être soutenu par l'Espagne, avec qui l'Empereur a conclu un traité.
L'attitude douteuse de Charles IV fait craindre pour les communications de l'armée de Portugal et, le 5 novembre 1807, l'Empereur ordonne la création à trois Divisions du Corps d'armée de l'Océan, placé sous Moncey. Douze Régiments provisoires sont formés : ils ont quatre Bataillons de quatre Compagnies de 150 Fusiliers empruntés aux troisièmes Bataillons qui doivent continuer à s'administrer pour leur compte.
Celui du 69e, qui garde ses deux Compagnies d'élite avec Oudinot en Allemagne, devient 3e du 11e Provisoire (avec les 3e, 9e et 85e). Il ne reste que trois Compagnies au Dépôt à Luxembourg.
Les 11e et 12e Régiments constituent la troisième Division à Mézières. Dès le 15 novembre, les premières unités, rassemblées hâtivement, commencent à partir, par voitures, sur la route de Sedan à Bordeaux, où l'organisation s'achève. Les Régiments gagnent successivement Bayonne par étapes et le Corps pénètre en Espagne le 5 janvier 1808. Il s'installe aux environs de Vitoria, où parviennent des détachements de complément, par Bataillon de marche.
Moncey est dirigé sur Burgos, puis sur Aranda, où Murat, Lieutenant de l'Empereur, le rejoint. Le 20 mars, le Bataillon du 69e franchit avec la troisième Division la chaîne de Guadarrama, au défilé de Somo-Sierra, et gagne Madrid quelques jours après l'entrée triomphale de Murat. Il y reste en garnison et participe à la répression de la terrible insurrection du 2 mai.
Le 15 mai 1808, depuis Bayonne, l'Empereur écrit au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée : "Mon cousin, mon intention est que le 12e régiment provisoire soit supprimé et qu'il soit incorporé dans le 11e de la manière suivante : 1er bataillon, 3 compagnies du 85e et une compagnie du 69e ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1873 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17902).
Le même 15 mai 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois l'état par lequel vous me faites connaître ce que chaque régiment a fourni aux régiments provisoires qui sont en Espagne, et que 2500 hommes restent encore à fournir. Mon intention est que ces 2 500 hommes soient contremandés. Ainsi, les régiments, à dater de la notification du présent ordre, n'enverront plus rien aux détachements qu'ils ont en Espagne. J'ai en conséquence ordonné les modifications suivantes dans l'organisation des régiments provisoires :
Le 12e provisoire sera supprimé et incorporé dans le 11e provisoire qui sera composé de la manière suivante :
1er bataillon, 3 compagnies du 85e et 1 compagnie du 69e ...
Ayez soin de faire faire la rectification sur vos états" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17909).
Après la capitulation de Baylen, le 22 juillet, Madrid est évacué, et Moncey retraite au nord de l'Ebre. Le manque de cohésion des Régiments provisoires n'a pas permis d'en tirer de bien grands services et, le 1er juillet, l'Empereur décide de les transformer en Régiments définitifs : le 11e Provisoire et les trois Bataillons au Dépôt de Bayonne constituent, le 10 septembre, le 118e.
- Création des 4e et 5e Bataillons du 69e
Napoléon réorganise son Infanterie par le Décret du 18 février 1808 et compose chaque Régiment de cinq Bataillons. Les deux premiers gardent leurs Voltigeurs et Grenadiers et leurs quatre premières Compagnies; les 5e, 6e et 7e forment le 3e Bataillon qui passe (sur le papier) ses Compagnies d'élite (à Dantzig avec Oudinot) et ses quatre premières (avec Moncey) au 4e Bataillon; ses trois dernières au 5e, dit de dépôt, renforcé d'une unité d'un Corps à quatre bataillons.
Le 18 février toujours, le Colonel Fririon est fait Officier de la Légion d'Honneur, puis Baron de l'Empire le 19 mars.
"Pour le récompenser de sa conduite admirable à la bataille de Friedland, l'empereur le nomma officier de la Légion d'honneur le 18 février 1808, et baron de l'empire avec dotation en Westphalie, le 19 mars, jour de sa fête" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 18 février 1808, "On propose à Sa Majesté d'autoriser le sieur Holtzberger, sergent au 69e régiment d'infanterie de ligne, à passer au service du grand-duc de Berg"; Napoléon répond : "Accordé" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1620).
Le 17 mars 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée : "Voulant donner une preuve de notre satisfaction aux officiers et soldats de notre Grande Armée pour les services qu'ils nous ont rendus, nous avons accordé et accordons par la présente en gratification aux corps d'infanterie dont l'énumération suit la somme de 6 340 000 francs. Notre intention est que vous fassiez connaître aux conseils d'admnistration desdits corps que cette somme doit être distribuée entre les officiers et soldats qui se trouvaient aux batailles d'Ulm, d'Austerlitz, d'Iéna, d'Eylau et de Friedland entendant que ceux qui se sont trouvés à trois de ces batailles recevront deux jours de solde en gratification et que ceux qui ne se sont trouvés qu'à une ou deux de ces batailles ne reçoivent qu'un jour de solde ; ceux qui auraient été blessés, soit à trois, soit à une seule de ces batailles recevront trois jours de gratification au lieu de deux. Lorsque ce travail sera ainsi proposé par le conseil d'administration on donnera autant de jours et de mois qu'il sera possible avec la somme qui aura été assignée au corps. Les colonels ni les majors ne sont pas compris dans la distribution de ces gratifications qui s'arrêtera au grade de chef de bataillon ou d'escadron inclusivement ...
ANNEXE :
... 6e corps
69e id 100 000 ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17415).
Le même 17 mars 1808, à Paris, "On rend compte à Sa Majesté de la perte faite à l'ennemi, par le 69e régiment de ligne, d'une somme de 21.710 francs, et on lui demande ses ordres sur le remboursement de cette somme"; l'Empereur répond : "Renvoyé au major général" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1720 - Note. Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l'Empereur, du 16 mars 1808 »).
- Les éléments restés en France
Le Commandant Giraud écrit :
"Drogelwitz, le 21 avril 1808.
Un décret du 18 février 1808 porte le nombre des bataillons par régiment d'infanterie, à cinq au lieu de trois : 4 de guerre et 1 de dépôt. Les bataillons de guerre sont de six compagnies dont une de grenadiers et une de voltigeurs. Le bataillon de dépôt compte seulement quatre compagnies de fusiliers. Il n'y a plus par régiment qu'un drapeau porté par un lieutenant désigné sous le nom de porte-aigle. Au 69e, celui-ci a douze ans de service, et a fait les quatre campagnes d'Ulm, d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland. Il lui est adjoint deux braves, anciens soldats illettrés ayant de douze à quinze ans de service, portant les galons de sergents, les épaulettes écarlates et un casque de carabiniers dont la chenille est rouge pour l'un (2e porte-aigle) et blanche pour l'autre (3e porte-aigle). La réorganisation du régiment a eu lieu le 1er de ce mois; je suis placé à la 2e compagnie du 2e bataillon. Le commandant Magne est toujours à la tête du 1er bataillon. Le colonel fait une nouvelle répartition de cantonnement. Ma compagnie occupe Steinau, à huit lieues de Drogelwitz.
Tout le pays que nous parcourons est inondé, de sorte que toutes les communications sont interrompues depuis huit jours.
Le baromètre politique est à la guerre; les préparatifs qui se font l'annoncent à brève échéance. Les derniers événements survenus en Espagne et à Rome paraissent en être la cause. L'Empereur ne se lassera donc pas de faire des rois ? ... Il s'épuise en présents et en donations de toutes sortes, en faveur de ses généraux, des chefs de corps et des chefs de bataillon bien en cour ; pourquoi ne pense-t-il pas aussi à la classe des officiers inférieurs, à celle qui peine le plus dans toutes les opérations de guerre ? Il est vrai que le nombre en est si considérable qu'il ne peut donner à tous" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Les quatre Compagnies de Fusiliers du nouveau 4e Bataillon étant entrées dans la composition du 118e, sont provisoirement remplacées par ordre du 1er septembre par celles du 5e, supprimé momentanément.
Le Régiment en 1808 |
|
éTAT-MAJOR |
|
Fririon, Colonel, Bayan, Officier-payeur. Chaillard, 1er Porte-aigle. |
Bourdet, Chirurgien-major. Bouvette, Aide-major. Lancome, Sous-aide-major. |
1er Bataillon |
|
Mandeville, Chef de Bataillon. |
Fauverteix, Adjudant-major. 3e Compagnie. Jourdain, Capitaine. Collard, Lieutenant. Labric, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Raybaud, Capitaine. Roy, Lieutenant. Allard, Sous-lieutenant. Voltigeurs. Roux, Capitaine. Ibry, Lieutenant. Roux, Sous-lieutenant. |
2e Bataillon |
|
Rolland, Chef de Bataillon. Grenadiers. Armand, Capitaine. Monnier, Lieutenant. Lhullier, Sous-lieutenant. 1ère Compagnie. Turquet, Capitaine. Sourd, Lieutenant. Huot, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Grasset, Capitaine. Hanck, Lieutenant. Labaig, Sous-lieutenant. |
Dufour, Adjudant-major. 3e Compagnie. Gaillard, Capitaine. Soulier, Lieutenant. Deuster, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Poupon, Capitaine. Thouvenin, Lieutenant. Chastaignac, Sous-lieutenant. Voltigeurs. Giraud, Capitaine. Moulin, Lieutenant. Patru, Sous-lieutenant. |
3e Bataillon |
|
Duthoya, Chef de Bataillon. Grenadiers. Guioux, Capitaine. Lambert, Lieutenant. Rohmer, Sous-lieutenant. 1ère Compagnie. Beuzard, Capitaine. Dubreuil, Lieutenant. Ménard, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Ledonné, Capitaine. Pichon, Lieutenant. Lauty, Sous-lieutenant. |
Reynaud, Adjudant-major. 3e Compagnie. Blanc, Capitaine, Collin, Lieutenant. Descorailles, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Coutier, Capitaine. Bernachot, Lieutenant. Léonard, Sous-lieutenant. Voltigeurs. Reboul, Capitaine. Baudry, Lieutenant. Callet, Sous-lieutenant. |
Etat-major du dépôt |
|
X..., major. |
Jaré, Adjudant-major. Lécureux, id. Petit Didier, Chirurgien aide-major Lebescauté, id., Sous-aide-major. |
4e Bataillon |
|
Grenadiers. Burty, Capitaine. Fournier, Lieutenant. Delavergne, Sous-lieutenant. 1ère Compagnie. Terre, Capitaine. Cauvet, Lieutenant. Neuville, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Guay, Capitaine. Chaubry, Lieutenant. Rose, Sous-lieutenant. |
3e Compagnie. Jolimay, Capitaine. Deletang, Lieutenant. Delage, Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Lacassaigne, Capitaine. Chevalier, Lieutenant. Lemoine, Sous-lieutenant. Voltigeurs. Lautier, Capitaine. Fiancette, Lieutenant. Hancké, Sous-lieutenant. |
5e Bataillon |
|
1ère Compagnie. Quesnel, Capitaine. X..., Lieutenant. Vast-Vimeux, Sous-lieutenant. 2e Compagnie. Seguin, Capitaine. X..., Lieutenant. Rolland, Sous-lieutenant. |
3e Compagnie. Demange, Capitaine. Thomas, Lieutenant. X..., Sous-lieutenant. 4e Compagnie. Tarisson, Capitaine. Souchet, Lieutenant. Mège, Sous-lieutenant. |
Détachement de recrutement |
|
Argence, Capitaine. Loqueneux, Lieutenant. |
Doumet, Lieutenant. Chapelle, id. |
Officiers à la Suite |
|
Grosset, Capitaine de Grenadiers. | Reboul, Capitaine de Grenadiers |
Le 8 juin 1808, à Bayonne, "Le général Clarke rend compte que le major du 69e régiment d'infanterie de ligne sollicite l'autorisation de faire escorter par un détachement de vingt cinq hommes, sous le commandement d'un officier, un convoi considérable de shakos qu'il est chargé d'envoyer de Luxembourg aux bataillons de guerre de ce régiment à la Grande Armée en Silésie" ; l'Empereur répond : "On les fera escorter par 100 hommes qui recruteront les bataillons de guerre. Ces shakos partiront quand ce détachement sera prêt" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1978).
Le Commandant Giraud écrit :
"Steinau, le 11 juin 1808.
J'ai quitté avec regret mes hôtes de Drogelwitz. J'y étais assez bien. Ils ont eu aussi du regret de me voir partir, et j'en juge du moins par leurs paroles d'adieu. Il ne faudrait pas cependant les juger d'après les apparences, car l'Allemand, essentiellement positif, n'a aucune franchise dans le caractère.
L'emploi de chef de bataillon est toujours vacant au 2e, de sorte que j'en exerce encore le commandement par intérim. J'exerce aussi à Steinau les fonctions de major de place ; mes occupations sont donc multiples et très variées. Du matin au soir, je n'ai pas un seul moment de repos.
On parle de guerre. L'artillerie file vers la Haute-Silésie. Dès demain, on va compléter le soldat à cinquante cartouches et quatre pierres à feu de rechange.
Le 19, j'ai l'ordre d'envoyer un détachement de huit hommes par compagnie pour aller travailler, au camp de Glogau où nous devons être rendus le 1er juillet prochain. Cette place doit être gardée en dépôt par nos troupes, jusqu'à ce que la Prusse ait complètement exécuté les clauses du traité de Tilsitt. Si j'en juge d'après les apparences, nous n'y ferons pas un long séjour; de là, on nous fait espérer que nous nous rendrons en Bohême. Jolie perspective !...
Et le colonel qui me demande mon avis sur l'espèce d'effets à laisser par les hommes à notre petit dépôt de Glogau, en cas d'un ordre de mouvement précipité ?... Ne le sait-il pas mieux que moi, lui qui a entre les mains tous les rapports des commandants de compagnie ? ..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 23 juin 1808, l'Empereur rédige des "PROJETS ET NOTES RELATIFS A L'ORGANISATION DE L'INFANTERIE ET DE LA CAVALERIE"; il écrit :"3° NOTE ...
5e régiment de marche :
1er bataillon, à Nancy, six compagnies. 840
2e bataillon, à Mayence, neuf compagnies. 1.260
2100 ...
Réunir cette division à Magdeburg.
4° GRANDE ARMÉE.
PROJET DE FORMATION DE RÉGMENT DE MARCHE.
Infanterie.
1er régiment de marche. 1.860 ...
5e Id. 2.520 ...
PROJET DE DÉCRET.
Article premier. Il sera formé six régiments de marche de la Grande Armée ; ils seront organisés conformément au tableau ci-annexé.
Art. 2. Toutes les troupes qui doivent composer ces régiments seront bien habillées, bien armées, enfm mises en bon état et prêtes à partir de leur garnison le 1er août prochain.
Art. 3. Le 1er régiment de marche se réunira à Hanau ...
Le 5e – à "
Art. 4. Nos ministres de la guerre, de l'administration de la guerre et du Trésor public, sont chargés de l'exécution du présent décret ...
9° 5e RÉGIMENT DE MARCHE OU RÉGIMENT DE MARCHE DU 6e CORPS ...
3e bataillon de 6 compagnies.
Deux compagnies, Luxembourg, à 140 hommes chacune, du 69e de ligne. 280
Deux compagnies, Phalsbourg, à 140 hommes chacune, du 6e d'infanterie légère. 280
Une compagnie, Verdun, à 140 hommes, du 25e d'infanterie légère 140
Une compagnie, Bayonne, à 140 hommes, du 31e d'infanterie légère. 140
840
Total 2.520 ...
59e 2
76e 2
69e 3
6e corps, Luxembourg ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2037 - date présumée, en raison de la lettre adressée le même jour à Clarke).
Le 30 juin 1808, à Bayonne, le Maréchal Berthier informe l'Empereur que "Le colonel du 69e régiment demande un congé de quatre mois pour M. Demange, capitaine dans ce régiment, qui a des affaires de famille pressantes à régler"; "Accordé", répond Napoléon (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2057).
Le 6 juillet 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, il sera formé trois brigades composées de régiments de marche, sous les ordres du maréchal Kellermann. La 1re brigade se réunira à Wesel, la 2e à Mayence et la 3e à Strasbourg ...
La 2e brigade qui se réunira à Mayence sera composée des 3e et 6e régiments de marche, composés chacun de détachements des 3e et 6e corps de la Grande Armée qui ont besoin d'être renforcés pour être portés au complet.
Le 6e régiment de marche sera composé de 2 bataillons :
1er bataillon : 3 compagnies de 140 chacune du 69e, 3 compagnies du 59e et 1 compagnie de 140 chacune du 76e ...
Cette brigade se réunira à Mayence ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2077 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18486).
Le Commandant Giraud écrit :
"Au camp de Glogau, le 10 juillet 1808.
Le 69e occupe au camp de Glogau différents emplacements qui sont : Beuthen, Neustadt et Pobschetz. Nous avons eu beaucoup de peine à nous y installer et nous procurer le nécessaire. Pendant huit jours, j'ai couché sur la paille et sans l'honnêteté de mon hôte qui a bien voulu me prêter un lit, j'y coucherais encore.
Nous commençons seulement à y être passablement. Depuis le 1er, date de notre arrivée, nous allions prendre nos repas à Glogau même, distant de trois quarts de lieue du camp de mon bataillon. Aujourd'hui nous avons notre pension au camp ; ce qui est peut-être plus onéreux pour notre bourse, mais en tous les cas, bien plus commode que d'aller chercher matin et soir nos repas au loin.
Nos soldats vivent chez l'habitant; les transports de toute nature sont assurés par voie de réquisition. Malgré la mauvaise qualité du drap d'uniforme et la confection défectueuse de l'habillement, mes hommes n'ont jamais été mieux habillés.
Nos occupations deviennent de plus en plus grandes. Nous avons deux fois par jour théorie des officiers et sous-officiers, sans compter le service du jour et les détails du métier. Les chaleurs sont très fortes depuis quelques jours; on a de la peine à rester dans sa baraque quand les planches échauffées rendent la température étouffante. Si cela continue, nous aurons ici beaucoup de malades.
Le colonel Fririon est un brave et digne homme; il ne fait rien à mon bataillon sans me consulter. J'ai dîné chez lui dernièrement avec le capitaine Demange et sa femme qui vient de rejoindre son mari, pour participer aux fatigues et au danger de nos excursions.
La vie des camps est infiniment plus salutaire que la vie des cantonnements. Malheureusement, nos baraques laissent passer l'eau, et quand il pleut, nous sommes mouillés comme des canards.
Le chef de bataillon qui nous manque n'est pas encore arrivé. On prétend que la place sera donnée à un commandant attaché à l'état-major, ayant servi comme capitaine au régiment et qui demande à y rentrer. Avec le colonel Brun, on connaissait toutes les propositions, faites par lui, dans le régiment; avec le nouveau, qui ne se fait aider par personne, rien ne transpire; de sorte que nous ne connaissons pas le nom du capitaine appelé à commander le 2e bataillon, c'est-à-dire le mien.
Madame Demange ne veut plus quitter son mari, dût elle aller aux Indes et même aux antipodes. C'est une héroïne dont on voit peu d'exemple" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Au camp de Glogau, le 5 août 1808.
Depuis un mois, nous n'avons pas eu un moment à nous; les exercices nous occupent huit heures par jour; puis dans l'intervalle d'un exercice à un autre, la théorie aux officiers et aux sous-officiers.
Cette-besogne est un peu dégrossie maintenant; mais on vient de nous en tracer une autre : l'école des tranchées. Nous allons chaque jour travailler devant la place de Glogau, comme s'il s'agissait d'une place qu'on voudrait assiéger. Les gabions et les saucissons (fascines) sont prêts pour ouvrir la tranchée.
Les bourgeois s'étonnent de nous voir faire ces préparatifs ; nous ne le sommes pas moins qu'eux" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
F/ Marche vers l'Espagne (1808)
"Le 15 août 1808, le 6e corps reçut l'ordre de quitter la Silésie dès le lendemain et de se diriger en poste sur l'Espagne. Des chariots étaient disposés sur toute la ligne de route et les hommes ne faisaient que changer de voiture" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"En écrivant ces mémoires, je n'ai pas voulu me donner pour auteur, loin de moi une pareille prétention, mais j'ai simplement entendu vous rapporter les faits particuliers qui me sont arrivés pendant un séjour de près de six années en Espagne et dire avec impartialité ce qui s'est passé dans toutes les affaires où le 69e régiment d'infanterie de ligne, auquel j'appartenais, a pris une si glorieuse part.
Au moment où commence ce récit, en août 1808, la Grande Armée était cantonnée dans la province de Silésie, d'après les arrangements pris entre la France et la Prusse, lors de la paix de Tilsitt (Note : Napoléon prolongeait l'occupation de la Prusse pour la forcer à régler la question des contributions de guerre et faire vivre son armée en partie sur le pays ennemi. En tout cas, même après l'évacuation du territoire prussien, il entendait garder les places de Glogau, Stettin et Custrin pour, le cas échéant, pouvoir intervenir rapidement et efficacement). J'étais sergent à la compagnie de voltigeurs du 3e bataillon, et notre division, que commandait le général Marchand, occupait depuis deux mois le camp de Glogau. Les militaires, chacun le sait, doivent toujours s'attendre aux changements, mais un repos prolongé de dix mois nous avait fait oublier qu'on peut, d'un instant à l'autre, recevoir l'ordre de départ : officiers et soldats se laissaient aller à la douceur du pays, mais le réveil n'allait pas tarder à se faire entendre.
Le 15 août 1808, le général Marchand passa en revue les régiments de sa division, en l'honneur de l'anniversaire de la naissance de Sa Majesté l'empereur Napoléon : l'aspect des troupes était magnifique et, lorsque le défilé fut terminé, le général fit former en carré les 6e léger, 69e, 76e et 39e de ligne et leur fit le discours que l'on tient toujours en pareille cérémonie; mais il termina en disant: "Cette journée a commencé par une manifestation guerrière, elle se terminera de la même façon". Nous nous demandions, en rentrant dans nos baraques, ce que signifiaient ces paroles, lorsque le bruit se répandit que la Grande Armée partait le 17 août; mais le soldat avait si bien perdu l'habitude de recevoir de tels ordres qu'il déclara le bruit non fondé et se livra avec joie à des jeux divers au milieu d'une grande affluence d'habitants et de femmes et de jeunes filles, qui toutes affectionnaient d'une façon particulière le militaire français. Et pourtant le bruit fut confirmé le soir même; nous sûmes par des plantons que le colonel Fririon, notre chef de corps, avait reçu des instructions pour l'exécution du grand mouvement qui s'opéra deux jours après.
Personne, d'ailleurs, ne connaissait notre destination définitive; la majorité inclinait à penser que nous allions marcher sur l'Autriche et commencer les hostilités avec cet empire, d'autres soutenaient que nous allions rentrer en France; enfin chacun, sauf les initiés, désirait être de deux jours plus vieux pour savoir quelle route on prendrait. Enfin le 17 août, à quatre heures du matin, les quatre régiments de la division se formèrent sur le front de bandière; devant nous était une multitude de voitures assez grandes, arrivées pendant la nuit; nous ne pouvions croire à pareille aubaine, mais on nous invita à y monter, et nous nous y entassâmes au petit bonheur au milieu des éclats de rire et des cris (Note : "On employait tous les moyens pour précipiter notre marche, surtout les chariots qu'on mettait en réquisition pour nous transporter et nous donner la facilité de faire 16 à 18 lieues par jour" - Mémoires militaires du général baron DELLARD, p. 260). Ces voitures nous conduisirent au trot à six lieues de Glogau à un emplacement où tout était préparé pour faire reposer et manger les hommes; après une grande halte, de nouvelles voitures nous conduisirent à une étape plus loin et ainsi de suite. Cette façon de voyager, d'abord du goût de la troupe, ne tarda pas à nous fatiguer énormément, de sorte que l'on fut heureux le jour où il fallut reprendre le sac et suivre le ruban de queue (Note : "En moins de quinze jours l'infanterie du 6e corps est venue de Glogau sur les bords du Rhin. Ce peut être une belle opération pour la célérité des opérations militaires de faire courir la poste à une armée, mais à coup sûr elle ne sera jamais du goût des pauvres diables qu'on expédie ainsi" - Journal de Fantin des Odoards, p. 176, 178-182). Bientôt il fut évident que nous rentrions en France; cette pensée consolait un peu ceux qui venaient de faire le plus grand des sacrifices, c'est-à-dire de quitter leur famille, car beaucoup d'entre nous avaient femme et enfants sans avoir contracté le lien de l'hyménée. Ce n'est pas étonnant : il n'existe pas, toutes les nations le reconnaissent, d'homme plus aimable et plus galant que le militaire français, et les Silésiennes, si douces, si tendres, rendaient justice, en grand nombre, au mérite des enfants de la victoire" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 69e est mis en route sur Mayence, touche 1.000 paires de souliers.
Le Commandant Giraud écrit :
"Bamberg, le 25 août 1808.
Nous avons reçu l'ordre de quitter le camp de Glogau le 15 août, à cinq heures du soir. Le lendemain, nous étions en route à quatre heures du matin, montés sur des charrettes de réquisition destinées à nous transporter rapidement du côé de Mayence où nous devons être rendus le 31 du courant.
Nous faisons donc la route en poste, parcourant 18, 20 et quelquefois 25 lieues par jour. Nous ne nous arrêtons même pas la nuit, pour chercher, par un sommeil réparateur, un adoucissement à des fatigues incessantes. Cahotés comme nous le sommes par les soubresauts des voitures, nous ne pouvons nous tenir ni debout, ni assis sans tomber les uns sur les autres. Une marche à pied serait certainement bien moins fatigante; mais il paraît que nous n'arriverions pas à temps. Tout le 6e corps voyage de cette façon.
Où allons-nous ?...
On prétend que nous sommes destinés à renforcer notre armée d'Espagne.
J'espère qu'on ne nous fera pas voyager en poste, pendant que nous traverserons la France" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 1er septembre, le 6e léger et le 69e de ligne arrivèrent à Coblentz : nous étions tellement fatigués de notre voyage en voiture que beaucoup d'hommes ne pouvaient marcher qu'en s'appuyant sur leurs fusils; il fallut faire une halte de plusieurs jours. Les ordres du ministère de la guerre n'étaient d'ailleurs pas encore arrivés et il fallait les attendre. Bien qu'ayant quitté la France depuis dix-huit mois à peine, je peindrais difficilement le plaisir que j'éprouvai en la revoyant; les aimables et bonnes Allemandes ne me parurent plus que des femmes ordinaires lorsque j'entendis nos charmantes Françaises parler ma langue maternelle" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Mayence, le 2 septembre 1808.
Le 69e a reçu l'ordre de quitter Mayence, le 3 septembre. Tout le 6e corps se rend à Bayonne en trois colonnes. La 1re division (Marchand) : 6e léger, 69e, 39e et 76e, forme la colonne de droite, les quatre régiments se suivent à un jour d'intervalle" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 9 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, vous trouverez ci-joint deux états de situation relatifs à l'armée d'Espagne. Vous verrez que les 24 régiments qui composent la division Sébastiani, et les 1er et 6e corps qui se rendent en Espagne, ont besoin de 27 000 conscrits, pour être portés au grand complet. Ces 24 régiments, qui forment aujourd'hui un effectif de 68 000 hommes, formeront alors un effectif de 94 000 hommes.
Dans cet état, tous les régiments sont portés à 5 bataillons, parce que mon intention est de former les 5es bataillons pour tous les régiments qui sont en Espagne.
... 6e corps. 1re division :
... Le 69e de ligne recevra 200 hommes de son dépôt, 300 conscrits à Bayonne, 600 à son à son dépôt ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2274 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18865).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 9 septembre, la feuille de route du régiment arriva; les plus clairvoyants avaient déjà deviné que nous allions en Espagne, et le 10 au matin tous les voltigeurs se mirent à crier, dès que les tambours eurent cessé de battre: "En route pour Madrid".
Je ne parlerai pas de notre traversée de la France, que nous fîmes cette fois par étapes; les habitants de toutes les villes rivalisèrent de générosité pour recevoir des soldats couverts de gloire, et partout nous fûmes accueillis en frères" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Par Metz, Orléans et Bordeaux, le 69e doit gagner Bayonne, où 500 conscrits lui seront réunis. Dans cette ville, un petit dépôt est créé avec le 4e Bataillon, que renforceront 800 conscrits (fin août 1808).
"A Coblentz, la marche continua par simples journées d'étape sur Reims, Paris, Bordeaux et Bayonne. L'Empereur avait ordonné que les corps de la Grande Armée fussent reçus dans toutes les villes de France avec une pompe digne des héros qui venaient de s'immortaliser dans cette admirable campagne de 1807.
Le 69e de ligne devait traverser la Champagne et était composé en grande partie de soldats de cette province. Il était défendu aux colonels, sous peine de destitution, de donner des permissions; cependant, il était bien certain qu'après une longue absence du sol de la patrie et avoir échappé aux dangers inséparables d'une guerre aussi meurtrière, nos soldats ne résisteraient pas à la jouissance d'embrasser un père, une soeur, un frère et de leur raconter leurs nombreux et glorieux combats. En cette circonstance délicate, le colonel FRIRION, plein de générosité, sut allier le devoir de l'humanité à la rigueur du service militaire. Il n'hésita pas à prendre sous sa responsabilité de faire imprimer des permissions pour tous ceux qui en demanderaient; il y fit mettre que l'homme se rendrait chez lui avec armes et bagages, et en promettant sur son honneur de rejoindre le corps à Villers-Cotterets le 26 septembre, sous peine d'être déclaré déserteur et d'être condamné à mort. Les soldats partirent pleins de reconnaissance pour leur digne colonel et tous, sans en excepter un seul, se firent un honneur d'être fidèles à l'heure fixée.
La marche de nos troupes à travers la France fut un véritable triomphe : partout les autorités et les populations remplies d'enthousiasme et d'admiration se portaient au-devant de nos régiments; nos aigles étaient couronnées et les habitants, se mêlant à nos soldats dans d'immenses banquets sur les promenades publiques, fêtaient avec bonheur nos glorieuses victoires. A l'entrée du 69e dans la capitale, les autorités vinrent au-devant du régiment; il fut reçu par le corps municipal de la ville de Paris à la barrière Saint-Martin. Les aigles furent ornées de couronnes d'or, et officiers et soldats furent accueillis avec ivresse dans un magnifique banquet au milieu des jardins de Tivoli.
Le colonel Fririon se rendit chez le duc de Feltre, ministre de la Guerre, et fit part des permissions qu'il avait accordées en Champagne : "Vous avez joué gros jeu, lui dit le ministre. - Oui, Monseigneur, répondit le colonel FRIRION, mais ce jeu a sauvé 600 braves soldats à l'armée" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Commandant Giraud écrit :
"Paris, 27 septembre 1808.
Le passage du 69e à travers la France n'a été qu'une véritable marche triomphale : harangues, vivats, chansons patriotiques; à chaque-étape, des fêtes ; partout des fleurs jetées aux héros de la grande armée; partout les villes et les campagnes rivalisèrent de zèle pour recevoir dignement ceux que les hasards de la guerre envoient en Espagne, affronter de nouveaux périls.
Nous espérions que l'Empereur nous passerait en revue à Versailles; mais S. M. est partie le 22 pour Erfurth où elle doit avoir une entrevue avec l'empereur de Russie, à l'effet de traiter des affaires du Nord. Dieu veuille qu'il réussisse et que de notre côé, nous puissions terminer celles du Midi.
Mon voyage a été très bon. La voiture ne m'a nullement fatigué; j'y ai dormi comme j'ai pu, et j'étais par moment si fatigué que j'y ai dormi aussi bien que dans les lits des grands seigneurs polonais.
Je vais profiter de cette journée pour voir Paris que je ne connais pas et visiter les principales curiosités de la capitale" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Le Mans, le 9 octobre 1808.
D'après les on-dit, je prévois que la guerre d'Espagne ne sera pas heureuse; je désire cependant qu'elle se termine au mieux des intérêts de la nation. Avant son départ de Paris, Sa Majesté l'Empereur a nommé à tous les emplois vacants dans le corps auquel j'appartiens (le 6e Ney). Notre régiment et le 6e léger qui constituent ma brigade (Maucune) sont les seuls qui n'ont rien obtenu. Toutes les troupes ayant eu de l'avancement, soit dans la légion d'honneur, soit dans le grade, ont eu le bonheur de passer la revue de l'empereur ; c'est ce qui explique pourquoi le 69e n'est pas allé à Versailles et a été tenu à l'écart. Lorsque Sa Majesté voyait un capitaine qui commandait un bataillon, - ce qui est mon cas, - il demandait au colonel s'il commandait par intérim depuis la nouvelle organisation ; si la réponse était affirmative, il ordonnait de le faire reconnaître de suite.
Il faut avouer que je n'ai pas de chance. Je commande par intérim le 2e bataillon du 69e depuis la nouvelle organisation; mais n'ayant pas assisté à la revue, je n'ai attiré l'attention de personne et j'en suis encore à attendre une nouvelle occasion de promotion. Décidément, la roue de la fortune ne tourne pas pour moi.
Le maréchal Ney vient de me faire dire par mon colonel que le cheval me sera interdit dès qu'on aura pourvu mon bataillon d'un titulaire pour le commander, et cela, sous le prétexte fallacieux qu'en Espagne je ne pourrai pas me servir d'un cheval, en raison des difficultés d'un pays montagneux et raviné.
Encore une perte sèche de vingt-cinq louis qu'on m'impose !..." (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Niort, le 18 octobre 1808.
Le chef de mon bataillon vient d'être nommé ; c'est le beau-frère du ministre de la guerre.
Les campagnes en Allemagne m'ont un peu gâté. J'avais toujours un cheval entre les jambes; il faut maintenant me débarrasser de celui que je possède pour me remettre à la marche. Ce sera l'affaire de quelques jours.
Quand le colonel Fririon a su que je n'avais plus mon cheval, il m'a offert cle monter un des siens, de préférence à son domestique. J'ai refusé ; je monte seulement dans sa voiture, quand il m'offre une place à côé cle lui... pour causer" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le régiment arriva à Bayonne le 31 octobre et fut logé dans les maisons avoisinant la porte d'Espagne; le 6e léger prit aussi ses cantonnements en ville, l'autre brigade dans les faubourgs" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Saint-Geour (Saint-Geour-d'Auribat, arrondissement de Dax (Landes) ; route de Bordeaux à Bayonne), le 1er novembre 1808.
J'ai profité de mon passage à Bordeaux pour y faire tous les achats nécessaires à la campagne, de crainte de ne pas les trouver à Bayonne, ville pour laquelle nous nous mettons en route demain; à l'aube.
Nous sommes ici dans un mauvais village avec quatre cents hommes cle la garde impériale.
On croit que l'empereur passera ici cette nuit. Les chevaux de poste sont tout prêts pour le conduire à Bayonne.
Dans le midi, le vin est de toutes les réjouissances publiques. Quelle différence avec le nord, où les ovations sont fleuries, et en quelque sorte, plus poétiques !" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
- Revue de Marrac
Le Capitaine Marcel écrit :
"L'Empereur était à Bayonne, et il passa la division en revue le lendemain 1er novembre dans une plaine hors de la ville : il parla aux soldats, accueillit les demandes, fit plusieurs promotions et donna la croix d'honneur à divers officiers, sous-officiers et soldats. Il était impossible de voir de plus belles troupes. Notre régiment, le 69e, était à trois bataillons qui comptaient en tout plus de 2 000 hommes (Note : 69e régiment de ligne. Officiers présents, 59; troupe, 2235 - Archives nationales); j'étais au 3e bataillon, qui avait pour chef le commandant Duthoya, officier capable, plein de bravoure et d'honneur, et ayant toute la confiance du soldat et en même temps de ses chefs. Je ne voyais autour de moi que fgures martiales, respirant le dévouement à la France et à l'Empereur ; s'il avait fallu aller au bout du monde, nous y eussions suivi nos officiers, voltigeurs en tête. Quant à notre colonel, j'en aurai parlé suffisamment quand j'aurai dit que toute récrimination, comme il s'en élève souvent chez les vieux soldats, s'apaisait à ces mots : "Le colonel Fririon l'a dit"" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
"Le 69e arriva le 2 novembre à Bayonne, et le lendemain l'Empereur le passa en revue dans le parc du château de Marrac. Le régiment étant en bataille, l'Empereur ordonna de le former en colonne par peloton, de le serrer en masse sur le centre de la colonne, et de former les compagnies sur un rang. Puis s'adressant au colonel : "Combien avez-vous d'hommes à l'effectif ? - 2.235, non compris les officiers. - Et combien de présents? - Le même nombre, 2.235. Il n'y manque, Sire, que la corvée du pain qui va rentrer. - Bien, très bien, reprit l'Empereur, on ne peut mieux. Vous méritez des éloges. Voilà un beau et brave régiment; je le connais depuis longtemps." Et l'Empereur attacha longtemps sur tous ces hommes dont la plupart, pour ne pas dire tous, étaient couverts de blessures, un regard d'attendrissement et de fierté" (Fririon).
"En disant ces mots l'empereur attacha longtemps sur FRIRION un de ces sourires plein de bonté, de satisfaction, de bienveillance, un de ces regards enfin qui pénètrent au fond du coeur et dont le souvenir ne s' efface jamais.
Le 69e, en effet, depuis le remplacement des pertes éprouvées dans la campagne de 1807 ne comptait pas un seul homme absent, pas un seul homme en arrière. - Le colonel FRIRION s'empressa de profiter de l'accueil si flatteur de l'empereur pour demander des récompenses en faveur des militaires du régiment qui s'étaient signalés. Ces braves étaient en grand nombre; néanmoins, grades, décorations, tout fut accordé aux instances du colonel qui ne voulut oublier personne, excepté lui-même" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
- Entrée en Espagne
La revue terminée à quatre heures du soir, le 69e part aussitôt pour Saint-Jean-de-Luz, et entre en Espagne le 4 novembre 1808. Son effectif est de 2,581 hommes. Il a pour Colonel le brave Fririon, qui le commandait déjà à Friedland ; comme Chefs de Bataillon : au 1er Bataillon, le commandant Magne; au 2e, le commandant Giraud; au 3e, le commandant Duthoyat. Il fait partie de la 1ère Brigade (général Maucune) de la 1ère Division (Marchand) du 6e Corps (Maréchal Ney).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 2 novembre, nous fîmes étape à Saint-Jean-de-Luz, et le lendemain nous traversâmes Irun, franchîmes la Bidassoa pour aller prendre gîte à Jartzun. Ce bourg n'est qu'à sept lieues de la frontière, mais déjà nous étions frappés du changement dans les moeurs et le costume des habitants, de l'air sombre et sauvage des hommes, de la saleté et de la pauvreté des maisons.
Parti avec l'officier chargé de faire le logement du régiment pour m'occuper de ma compagnie, ma besogne fut vite faite : les officiers furent logés par huit ou dix dans les meilleures maisons, moins propres que les écuries de France; quant à la troupe, elle fut mise en entier dans un couvent évacué depuis peu par les moines et où il n'y avait que les murs. Je fis observer à l'alcade qu'il était nécessaire de fournir de la paille pour les soldats, il me dit que les habitants n'avaient point de paille longue et qu'il n'en existait, dans ce pays, que de la hachée; il fallut donc s'en passer (Note : Les bivouacs de ce pays (l'Espagne) dans lequel on ne peut se procurer d'autre paille, pour se reposer, que celle qui est hachée - Souvenirs et campagnes d'un vieux soldat de l'Empire, par le commandant Parquin, 310). Aussi, à l'arrivée du régiment, nos hommes trouvèrent un peu dur un pareil gîte, eux qui depuis deux ans étaient couchés si mollement et habitués aux soins et attentions de ces bonnes Allemandes (Note : Les Espagnols n'étaient plus les paisibles habitants des plaines de l'Allemagne, où un soldat français isolé faisait la loi à tout un bourg - De Rocca, Mémoires sur la guerre des Français, p. 42); ce n'était pourtant qu'un commencement, et ils devaient en voir bien d'autres pendant leur séjour en Espagne; bien peu, parmi les soldats qui y sont restés pendant les six ans que nous y avons fait la guerre, devaient coucher deux fois dans un lit. Nous n'eûmes rien d'intéressant pendant les trois jours de marche qui suivirent notre entrée en Espagne; il n'était nullement question de l'armée anglo-espagnole, mais plus nous avancions, moins nous trouvions d'habitants : les villages devenaient de plus en plus déserts, et sans les coups de feu qui retentissaient de temps en temps, tirés sur nos traînards, on aurait pu croire la contrée inhabitée" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Régiment va payer largement sa part de travaux et de souffrances, de gloire aussi, dans ces sanglantes campagnes où l'héroisme patriotique des ennemis fit échec à la vaillance disciplinée de nos meilleures troupes. Sur cette terre d'Espagne qui, pendant cinq ans, fut le tombeau de tant de braves. Il va lutter contre tout un peuple soulevé pour défendre son indépendance; hommes et femmes, moines et paysans prennent les armes et se jettent avec des cris de haine contre l'envahisseur. Chaque jour, une nouvelle insurrection; les bois, les fossés, les ravins cachent les guérillas qui sement la mort; les isolés sont massacrés. Chaque buisson devient embuscade, chaque maison citadelle, chaque village forteresse.
L'habileté des Généraux, le courage et l'endurance des troupes feront gagner aux Français des batailles, mais finalement échoueront devant ces obstacles insurmontables suscités pour la défense de la Patrie !
En face de forces supérieures, dans des pays difficiles, sans pouvoir espérer ni secours ni retraite en cas d'échec, au milieu de populations fanatiques et féroces, les soldats furent admirables de stoïcisme, ils comprirent que faire la guerre ce n'est pas seulement se battre et mourir, c'est encore souffrir, avoir faim et soif, c'est surtout : obéir.
G/ Campagne d'Espagne (1808-1809)
L'Empereur, à l'entrevue de Bayonne, a décidé le Roi Charles IV et le Prince des Asturies Ferdinand VII à se démettre de la couronne d'Espagne (10 mai 1808). Il désigne le Roi de Naples, Joseph Bonaparte, pour occuper désormais le trône de Madrid.
Mais le peuple ressent vivement l'injure faite à sa dynastie, et c'est dans la Péninsule un soulèvement général. Le nouveau souverain, aidé de Bessières et de Junot, est chargé de la pacification.
La conquête triomphale est bientôt suivie de deux désastres : les capitulations de Dupont à Baylen, de Junot à Cintra. Napoléon décide de venger ces injures. Le 12 octobre, il annonce la suppression de la Grande Armée d'Allemagne qui prend le nom d'Armée du Rhin, sous le commandement du Maréchal Davout, et il concentre 250.000 hommes sur les Pyrénées.
Trois armées ennemies occupent le nord de l'Espagne. Celle de la gauche, sous le Général Blake, rejointe par la Division la Romana (Romana (don Pedro Caro y Sureda, marquis de la). Né en 1761 à Palma. Officier de marine passé au service de terre en 1793. En 1807, commanda le corps d'observation mis à la disposition de Napoléon au Hanovre. Revint en Espagne après Espinosa en 1808, mourut subitement le 23 janvier 1811 au quartier général de Wellington) le 3 novembre : 45.000 hommes de Galice et des Asturies dans la Biscaye; celle d'Estramadure : 13.000 hommes sous Castelar, en marche sur Burgos; celle du centre : 30.000 Andalous, Castillans et Valençais sous Castanos vers Calahorra.
Une armée de réserve, que dirige Palafox, a ses 30.000 Aragonais et Valençais échelonnés sur l'Aragon, de Caparroso à Saragosse.
Enfin les 20.000 Anglais de Sir John Moore, débarqués en Portugal, se dirigent sur Almeida; 13.000 hommes, sous David Baird, restent à la Corogne.
Le 2 novembre, Napoléon arrive à Bayonne, avec l'élite de son armée d'Allemagne, afin de rétablir notre situation compromise par les capitulations de Baylen et de Cintra. Les armées espagnoles nous ont refoulés jusqu'à l'Ebre qu'elles bordent. C'est au centre, contre l'armée d'Estramadure, que l'Empereur va porter ses premiers coups, et ils sont prompts et décisifs suivant l'ordinaire.
- Opérations contre l'armée d'Estramadure
Le 3, la Grande Armée prend l'offensive : le centre, 2e Corps, suivi de la Division Marchand, est porté sur Vitoria; la droite (Lefebvre et Victor, 1er et 4e Corps), sur Valmaseda; la gauche, Moncey (3e Corps) et Ney (demi-6e), sur Logrono et Calahorra.
Marchand reçoit l'ordre de réunir ses troupes à Tolosa.
La présence d'un corps ennemi de 26.000 hommes à Logrono motive les ordres du 4, à minuit, pour les mouvements du 5. La Division doit se mettre en marche sur Logrono pour atteindre ce point le 7 au plus tard. Le 69e est le lendemain soir à Tolosa.
Mais, le 6, Marchand, qui, de Tolosa, gagne Mondragon, est arrêté à cette ville et doit s'y rassembler afin d'être prêt à porter secours à Lefebvre, qui, dans la vallée de Durango, vient de subir un échec à Valmaseda et se retire devant Blake sur Bilbao. Toutefois il doit se tenir prêt à gagner Vitoria à la première alerte.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 7 novembre, nous fûmes à Tolosa, capitale du Guipuzcoa, jolie ville dans une vallée agréable et fertile et entourée de montagnes élevées. Tous les habitants n'avaient pas quitté leurs demeures, aussi put-on se procurer des vivres et on nous fit une bonne distribution de très bon vin. Le lendemain nous partîmes pour Burgos en traversant de hautes montagnes par une route fort belle et bien entretenue. Comme nous traversions Pancorbo, l'Empereur descendait de visiter le fort situé sur des rochers si rapprochés de la ville que la montagne ne laisse que juste la place de la route : nous étions d'ailleurs surpris de voir qu'un pareil passage n'était pas défendu. Napoléon traversa le régiment, causant avec les soldats et les félicitant de leur entrain : "Vous portez un fameux numéro, disait-il, et il faut l'apprendre aux Espagnols. " Et tous de rire et de crier : " Vive l'Empereur ! " En traversant le bataillon, il prit la moitié d'un biscuit sur le sac d'un voltigeur et le mangea de bon appétit : un instant après, un mameluk apporta à ce voltigeur un fort beau gâteau et deux bouteilles de bon vin de Bordeaux, que l'escouade vida à la santé du grand Napoléon" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Lefebvre ayant battu son adversaire à Guénés le 7, l'Empereur peut masser ses forces pour soutenir Bessières devant Burgos.
Le 8 novembre 1808, Napoléon écrit, depuis Vitoria, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne, à Vitoria : "Donnez l’ordre au général Marchand de faire partir la 1re brigade [Maucune] de son infanterie, aujourd'hui 8, pour arriver dans les villages près Vitoria. Elle prendra position dans les villages au débouché de la plaine, à une lieue de Vitoria. La moitié de son artillerie suivra le même mouvement, ainsi que l'artillerie de la division Bisson" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14452 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19214).
La première Brigade de Marchand (Maucune, 6e Léger, 69e) cantonne donc dans les villages, au débouché de la plaine, à une lieue de Vitoria.
Une colonne ennemie a arrêté le 2e Corps en avant de Burgos. Maucune, le 9, à huit heures du matin, reçoit l'ordre de tenir sa Brigade prête, et, à onze heures, il part pour Miranda. La Division y est concentrée.
Le 10, à sept heures du matin, Ney, avec les trois Régiments (6e , 31e Légers, 69e de Ligne) de la 1ère Brigade de la 1ère Division Marchand, quitte Miranda pour Bribriesa qu'il atteint le jour même. Soult, qui remplace Bessières au 2e Corps, a enlevé Burgos à midi au Corps d'Estramadure.
A onze heures du soir, le 69e arrive en arrière de la ville. Il s'est brillamment comporté dans cette affaire.
Le lendemain, la 1ère Brigade de la 1ère Division Marchand campe au nord de Burgos, où Ney établit son quartier général. La 2e Brigade (39e et 76e de Ligne) rejoint le gros du 6e Corps près de Burgos, le 12 novembre (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3)
De son côé, l'Empereur, pour exploiter ce succès, veut rejeter le 2e Corps sur Reinosa, dans le dos du Général Blake repoussé par Lefebvre. Battu le 11 par Victor à Espinosa, Blake parvient à s'échapper, le 13, de Reinosa sans se laisser accrocher par Soult; il est poursuivi jusqu'à Santander, et se dérobe vers l'ouest.
Le Régiment reste du 10 au 15 à Burgos. Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 12, nous arrivâmes devant Burgos. Une lieue et demie avant d'entrer dans cette ville, nous vîmes le champ de bataille où, l'avant-veille, notre avant-garde avait atteint l'arrière-garde de l'armée espagnole et en avait détruit 3 ou 4000 : les conscrits que nous avions reçus dernièrement, n'avaient point encore vu de morts, et ils craignaient tellement de marcher sur les cadavres qu'ils faisaient de longs détours, lorsqu'ils en rencontraient, à la grande joie des anciens qui les criblaient de plaisanteries (Note : Cf. E. Blaze, t. VII, p. 75). Nous entrâmes fort tard dans la ville qui était complètement déserte, ce qui indisposa le soldat (Note : Presque tous les habitants avaient fui et comme on se logea militairement, c'est-à-dire comme on put et sans indication des autorités locales qui avaient disparu, il en résulta une dévastation abominable - Souvenirs militaires du colonel Degonneville, p. 97) : nous fûmes logés dans des couvents qui n'avaient pas pu, faute de temps, être entièrement vidés par les moines et où les soldats trouvèrent une si grande quantité de cierges que les plus belles illuminations que l'on fait à Paris n'ont rien de comparable à celle que le 69e fit pendant deux nuits à Burgos; il y avait des cierges qui mesuraient douze pieds de haut sur deux de circonférence (Note : Il était nuit close quand nous y sommes arrivés, tombant de faim et de fatigue. A la lueur de mille et mille cierges que tenaient en main les pillards circulant en tous sens dans les rues, spectacle d'un effet extraordinaire, le régiment (31e de ligne) a été conduit dans un couvent abandonné - Fantin des Odoards, p. 188, 189, 190). Les couvents sont les plus beaux bâtiments d'Espagne, quoique les moines soient excessivement sales; il faut d'ailleurs juger des richesses immenses que renfermaient ces cloîtres, non par le luxe qui y règne, mais par la profusion d'or et d'argent qui y existait.
Burgos, capitale de la Vieille-Castille, est une ville de 10 à 12000 habitants qui avaient d'ailleurs disparu en totalité. Bâtie sur le torrent de l'Arlanzon que borde la belle promenade de l'Espolon, elle possède de magnifiques églises, des places superbes et des fontaines nombreuses et d'une grande beauté ; elle est la patrie du Cid. Privés de tout, par suite de la fuite de la population, nos soldats ne tardèrent pas à envahir les maisons pour se procurer ce qu'il leur fallait : les meubles leur servirent de bois de chauffage, et la ville présenta bientôt l'aspect qu'elle aurait eu après un assaut. Les officiers fermaient les yeux; il fallait vivre (Note : Comme il n'a pas été question de distribution de vivres et la faim parlant très haut, nos soldats sont allés grossir le nombre des pillards - Fantin des Odoards, p. 190.
Abandonnée par la population ... partout la ruine, la famine, le désespoir, la peste - Mémoires du général baron Thiébault, t. IV, p. 285, 286.
Les soldats avaient profané les tombeaux du monastère de Las Huelgas, sépulture des rois de Castille, où ils pensaient qu'étaient renfermés des trésors - Pion des Loches, Mes Campagnes, p. 248.
Ils portaient, pour s'éclairer dans le pillage, d'énormes cierges qu'ils avaient trouvés dans les couvents voisins - Mémoires sur la guerre des Français en Espagne, par De Rocca, p. 19).
Notre division attendit pendant deux jours que les divisions plus en arrière vinssent nous remplacer afin de nous permettre de marcher en force sur les Anglais qui faisaient espérer aux Espagnols que nous ne dépasserions pas les plaines de Castille" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Burgos, le 12 novembre 1808.
Nous traversons la ville de Burgos à la course, sans nous y arrêter; tout est silencieux; une lumière s'aperçoit à une fenêtre du rez-de-chaussée d'une maison : c'est le bureau de poste. Vite, je demande du papier à mon sergent-major; j'y cours, je tire un crayon de ma poche, je mets mon chapeau sur mes genoux en guise de secrétaire, et me voilà à écrire mes impressions sans m'inquiéter du régiment qui file toujours, et que j'aurai probablement bien de la peine à rattraper. Et dire que ce sera souvent ainsi, en Espagne.
Avant-hier les Espagnols ont reçu un petit acompte sur ce qui leur revient pour tout le mal qu'ils nous font. Nous ferons mieux une autre fois. Ils ne perdront rien pour attendre" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Par ordre impérial du 13, à 3 heures du matin, le 69e et les quatre autres Régiments de la Division sont passés en revue par l'Empereur, avec tout le Corps Ney, dans la plaine au nord de Burgos sur le chemin de Madrid.
"Le 13, l'empereur passa encore en revue le régiment à Burgos et lui accorda de nouveau des décorations" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 14, l'Empereur passa une nouvelle revue dans la plaine où coule l'Arlanzon. Il s'arrêta devant le régiment et complimenta le colonel sur le nombre d'hommes sous les armes et sur notre belle tenue : notre bataillon, le 3e du 69e, exécuta le maniement des armes au commandement du capitaine Bernachot des grenadiers qui remplaçait le chef de bataillon malade. L'Empereur nous exprima encore sa satisfaction en disant : "Les Champenois savent toujours faire sonner les capucines, même sous la neige et les boulets" : il faisait allusion au grand nombre d'hommes de la Marne et de l'Aube que contenait le régiment et à leur fière contenance à Eylau. Puis il mit pied à terre, fit battre un ban et remit lui-même quatorze croix d'honneur à des militaires du 69e, aux acclamations des officiers et de la troupe.
Le lendemain, par une pluie battante, nous prenions la route de Saragosse et nous traversâmes l'Aragon sans qu'il arrivât rien de remarquable. Cette province est une des plus grandes de l'Espagne, l'air y est pur et sain. Le sol est fertile près des rivières, notamment le long de l'Ebre et produit du vin, des olives, du safran, mais partout ailleurs il est sablonneux : l'eau bonne à boire manque, mais nos soldats s'en préoccupaient peu, car ils trouvaient en trop grande abondance d'ailleurs, le jus de "l'arbre tortu" ; c'est ainsi qu'ils appelaient la vigne" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Opérations contre Castanos
Ce n'est que le 14, au soir, que Napoléon, l'armée de la gauche étant momentanément hors de cause, organise sa manoeuvre contre Castanos, jusqu'alors immobile. Il lance toute sa cavalerie vers le sud et la fait suivre du 6e Corps pour, au besoin, forcer le passage du Duero, à Aranda, pour se rabattre ensuite par Almazan sur les derrières de Castanos.
Dans la soirée, le maréchal Ney reçoit l'ordre du Major général d'amener son corps d'armée, le lendemain 15 novembre, au nord et près de Lerma.
Le 15 novembre, le Régiment présente la situation suivante : 1ère Division, Général Marchand; 1ère Brigade, Général Maucune (avec le 6e Léger), 59 Officiers, 2235 hommes; 1 Officier et 63 hommes détachés aux Equipages; 1 Officier et 22 hommes aux hôpitaux. Total : 2571 hommes. 1er Bataillon, commandant Magne; 2e, commandant Giraud; 3e, commandant Duthoyat.
Le même jour, Ney part avant l'aurore, les troupes disposent de quatre jours de pain et laissent tous leurs impedimenta à Burgos; il atteint Lerma dans la soirée où rejoint la Division Dessolles (12e Léger, 43e, 51e, 55e et 26e Chasseurs) après la marche (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
Le 16, à cinq heures du matin, Marchand se porte sur Aranda et l'occupe le soir, sans résistance; l'ennemi l'a évacué dès deux heures du matin. Le 69e campa sur la rive gauche du Duero, route de Madrid.
Le 18, à midi, il est prescrit à Ney de partir le lendemain sur Soria. Lannes, avec le Corps Moncey et la Division Lagrange, doit attaquer Castanos à Calahorra le 22. Le même jour, Ney devra s'emparer de Soria, y intercepter la route de Madrid à Pampelune et se rabattre même sur Calatayud ou Medina-Celi.
L'Empereur conserve la Garde à Burgos et y rappelle le 1er Corps, qui y parvient le 20. Puis, couvert par le 4e Corps, il part à la suite de Ney avec le 1er et la Garde.
Le 19, Marchand a quitté Burgos à six heures du matin et bivouaque à la gauche de San-Estevan, gardant les directions de Soria et d'Almazan. Le 20, à la pointe du jour, il repart pour aller occuper Berlanga et la rive droite du Duero, près Hortezuela. Le 21, il entre à Almazan, qu'il trouve complètement vide d'habitants, et s'installe la droite à la ville, rive droite du fleuve, et la gauche se prolongeant dans la direction de Soria.
Le 22, à quatre heures du soir, tandis que la Division Dessoles entre à Soria par la route de l'Ouest, 3 Régiments, dont le 69e, de la Division Marchand, y pénétrent par la route du Sud. Dans ce chef-lieu de province, les têtes sont, dit-on, très volcanisées; la résistance est cependant faible. Le 69e campe en arrière et à droite de la ville.
Les 23 et 24, Ney, croyant sa mission terminée, demeure à Soria. On entend toute la journée le canon vers Tudela. Le 24, à trois heures du soir seulement, des instructions lui parviennent, il doit gagner Agreda pour couper la retraite à Castanos, mais ne disposant plus que de deux heures de jour, il ne part que le lendemain.
A cinq heures, il se met en route. L'étape est harassante. "On entre ici, dit le Journal de marche du 6e Corps, dans des montagnes rocailleuses et arides. Le chemin y est affreux, on fait une grande lieue sur des monceaux de rocs".
Marchand atteint la ville fort tard, à neuf heures du soir, et campe route de Cervera. Le 26, Napoléon apprend la grande victoire remportée par Lannes le 23, et la déroute de Castanos; le mouvement de l'armée devient désormais inutile et Ney suffit à la poursuite.
L'Empereur marche sur Madrid, le 4e Corps lui sert de flanc-garde mobile à gauche.
Le Régiment arrive à Tarazona, brisé de fatigue.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 25 novembre, notre bivouac fut établi à trois quarts de lieue de Saragosse, et les compagnies de voltigeurs de la division reçurent l'ordre de se porter aux avant-postes; il y eut quelques coups de fusil échangés et l'on croyait que nous attaquerions le lendemain, mais, dans la nuit, le corps du maréchal Ney, dont nous faisions partie, fut avisé d'avoir à gagner rapidement Madrid. Bien que les étapes fussent longues et fatigantes, nos hommes étaient pleins de joie à la pensée de se mesurer avec ces fiers Castillans, qui, jusqu'ici, n'avaient pas donné signe d'existence et avaient abandonné les plus grandes villes comme les plus petits villages.
On disait que l'armée espagnole et l'armée anglaise se portaient sur la capitale pour s'opposer à ce que nous y entrassions. Hélas ! plût au ciel que les Anglais se fussent décidés à nous attendre ! Combien de courses ils nous eussent évitées et que la guerre d'Espagne eût été promptement terminée ! Mais ils étaient loin de remplir les promesses qu'ils avaient faites aux Espagnols. D'ailleurs quelle puissance eût osé se mesurer avec 200000 Français qui venaient de soumettre les meilleures troupes du Nord ? Le nom seul des vainqueurs de Friedland était suffisant pour jeter la terreur dans les rangs ennemis" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 27, il marche sur Saragosse, et campe à Gallar, car Ney a appris que le Corps Moncey est aux talons des fuyards. "Nos troupes sont extrêmement fatiguées, dit le maréchal, elles ne cessent de marcher depuis mon départ de Burgos. J'ai fait plus de 100 lieues.... ". Depuis plusieurs jours, seuls les Régiments de Marchand peuvent achever l'étape prévue.
- Investissement de Saragosse
Le 28 et le 29, la Division Marchand est autour d'Alagon. Moncey, revenu, et Ney combinent l'investissement de Saragosse. Le Régiment doit prendre part, en deuxième ligne, à l'assaut du 1er sur le Monte-Torrero. Aussi se rapproche-t-il de la place. A Pedrola le 28, il est à Peraman le 29, à Las Casetas le 30.
- Poursuite de Castanos
Mais, le 1er décembre, l'Empereur réitère à Ney son ordre de poursuivre Castanos, et Marchand se met en route derrière la Division Maurice Mathieu sur Madrid par Calatayud.
"Le 6e corps dont faisait toujours partie le 69e se trouvait le 30 novembre à l'investissement de Sarragosse, lorsqu'il reçut l'ordre de partir subitement pour Madrid en se mettant à la poursuite du général espagnol Castanos qui prenait cette même direction" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 69e n'arrive que le dernier et au milieu de la nuit à Epila, où la Division est déjà réunie. Le 2 et le 3, il fait séjour à Calatayud, la fatigue des troupes étant extrême; le 4, il campe en arrière de Sisamon, le 5, à une lieue en arrière d'Alcolea, le 6, à Mirabueno, le 7, à Torija, le 8, à Guadalaxara, à deux jours de Madrid, où il peut prendre quelque repos; car la marche devient sans but; la Grande Armée a forcé, le 30 novembre, la passe de Somo-Sierra et enlevé Madrid le 4 décembre.
Ces trente-cinq jours de marche, à la recherche d'un ennemi insaisissable, sans que puisse être tiré un seul coup de fusil, sauf sur quelques paysans fanatiques, font plus d'honneur à la discipline d'une troupe que les actions de guerre les plus brillantes. Et, à peine arrêté, au point méridional de sa route, le 69e va, vers le nord, recommencer une aussi longue série d'étapes.
Le Commandant Giraud écrit :
"Madrid, le 11 décembre 1808.
Quel drôle d'aspect que celui de ce pays-ci. Les rues étroites et tortueuses des cités que nous traversons, les fenêtres grillées; les portes cadenassées, l'air sévère, méfiant et sombre des habitants : tout cela attriste l'âme.
Le 12 novembre nous étions à Burgos, où nous sommes entrés à la suite des troupes du maréchal Soult, par une pluie battante, après une marche pénible dans les défilés, à travers des chemins rocailleux, détestables. La ville n'était déjà plus qu'une vaste solitude. De tous les côés ce n'étaient que voix s'interpellant, à la recherche de vivres et d'ustensiles de cuisine, pour la soupe qui s'est faite dans la nuit, en dehors de la ville.
Le lendemain, une marche rapide, à peine arrêtée au défilé de la Somma-Sierra nous conduisait à Madrid, où nous sommes arrivés hier, 10 décembre. Sitôt arrivés, des officiers d'état-major accompagnés de quelques soldats inscrivent à la craie, ou à l'aide de fumerons des inscriptions sur les murs, telles que celles-ci : Quartier des dragons. Maison du général Maucune ; Place de rassemblement.
" - Par ici le 69e ! cria une voix : celle du capitaine de Fezensac, aide de camp du maréchal Ney.
Et je pris immédiatement possession du pâté de maisons qui m'était réservé, en y inscrivant à mon tour, au charbon sur les murs d'un couvent : Casernement de la 2e compagnie du 2e bataillon du 69e de ligne.
Dès le début de la guerre d'Espagne, j'en avais déjà dans l'aile. Ici point de champ de bataille sur lequel on succombe avec honneur et gloire; mais partout le poignard d'un assassin qui vous guette, caché dans un coin, ou derrière une broussaille. Ici le fanatisme religieux, l'exaltation de l'indépendance poussée au paroxysme, une nation animée et soutenue par l'argent de l'Angleterre lutte contre des soldats qui ont vaincu jusqu'à ce jour toutes les armées de l'Europe coalisée. Malheur aux soldats que la faim force à sortir des rangs pour marauder; ou à tous ceux que la maladie ou une blessure empêche de suivre leur régiment, ils sont impitoyablement massacrés et leur mort n'est qu'une cruelle et longue agonie" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 6e Corps demeure au repos à Guadalajara jusqu'au 12 décembre et son chef en profite pour reconstituer les approvisionnements et assurer les réparations à l'habillement, à l'équipement, etc ... D'après un rapport du Duc d'Elchingen au Major général et en ayant recours aux souvenirs du Colonel Sprunglin, alors Capitaine adjoint d'Etat-major, on constate que le 6e Corps d'armée présente, à la date du 8 décembre 1808, la composition et les effectifs suivants :
... 1re Division, Général Marchand (6.480 hommes).
1re Brigade, Général Maucune : 6e d'Infanterie légère (Colonel Lami), à 3 Bataillons de 6 Compagnies; 69e de Ligne (Colonel Fririon), à 3 Bataillons de 6 Compagnies (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
- Entrée à Madrid
Le 13 décembre, Marchand reçoit l'ordre de quitter Guadalaxara pour remplacer à Madrid le 4e Corps; le 14, il parvient à Alcala; le 15, à deux heures du soir, à Canillas, près la Venta-Espiritusanto, à une demi-lieue de la capitale. Le 69e y est caserné, mais est dispensé de tout service de garde.
"Le 69e arriva à Madrid le 15 décembre ..." (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 14 décembre 1808, notre corps d'armée arriva devant Madrid, où l'on paraissait avoir voulu établir quelques fortifications ; un petit mur d'enceinte, analogue à celui de l'octroi de Paris, avait été crénélé comme si cette ville eût été susceptible de défense. Mais 200 canons furent mis en batterie sur les hauteurs entourant la ville et il fut enjoint aux autorités d'ouvrir incontinent les portes, sinon la ville serait réduite en cendres (Note : D'après Bigarré,Gonneville et le maréchal Jourdan, l'artillerie ouvrit le feu sur le parc du Retiro et la Puerta del Sol - Cf. Mémoires du maréchal Jourdan, p. 98; Souvenirs de Gonneville, p. 101; Mémoires du général Bigarré, p. 230-231; Pion des Loches, p. 252). Elle se rendit à l'instant et nos phalanges immortelles y entrèrent, musique en tête. Nous reconnûmes les dispositions qui avaient été prises pour la défense : plusieurs maisons avaient leurs entrées barricadées les cours et les rues avaient été dépavées et les pierres portées aux étages supérieurs pour nous être jetées par les fenêtres. Le plus grand nombre des bourgeois était parti et on nous logea dans des casernes remplies de vermine où fort heureusement nous ne couchâmes qu'une nuit : le régiment se porta le lendemain à deux lieues de la ville, dans un petit bourg dont j'ai oublié le nom mais où nous fûmes parfaitement.
Madrid est une très belle ville, dont les rues seraient agréables si elles étaient plus propres et mieux pavées; il y a plusieurs places superbes, notamment la Plaza Mayor; la promenade du Prado est magnifique et ornée de fontaines de marbre avec de belles statues. Le Manzanarès, petit ruisseau sur lequel Philippe II fit jeter un grand et splendide pont, coule à quelque distance" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 19, à onze heures du matin, l'Empereur passe en revue les troupes de Madrid dans la plaine entre Chamartin et cette ville. La Division est à gauche, face à la Garde, la 1ère Brigade en première ligne.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 17 décembre, troisième revue de l'Empereur sous les murs de Madrid (Note : Le commandant Balagny place cette revue le 19 décembre. "L'Empereur, dit-il, désireux de s'assurer de l'état des troupes qu'il destinait à la conquête de Lisbonne et ne dédaignant pas peut-être de donner aux habitants de Madrid le spectacle d'une manifestation grandiose de sa puissance, ordonna le 18 une grande revue de l'armée pour le milieu de la journée du lendemain" - Commandant Balagny, t. III, p. 336 et 337). Tous les habitants qui étaient restés vinrent examiner les manoeuvres de la troupe : ils s'extasiaient en voyant défiler ces vieilles moustaches devant leur chef invincible et en entendant ces cris, ces acclamations qui partaient du coeur du dernier soldat. Que durent-ils penser, eux qui n'avaient jamais vu que des moines dont l'air hypocrite et cafard peint bien la noirceur de leur âme !
Sur tous les murs étaient affichées des proclamations espagnoles et anglaises, où l'on assurait aux bourgeois et aux paysans que plus notre armée avancerait, plus tôt elle serait réduite à capituler comme à Baylen. Les auteurs de ces proclamations voulaient parler de la lâche capitulation du général Dupont, qui avait livré 10000 jeunes conscrits envoyés plutôt pour maintenir l'ordre que pour livrer bataille. Dès que nos soldats surent la signification de ces affiches, ils les arrachèrent; mais bientôt elles furent remplacées par une proclamation qu'ils lurent avec de grandes acclamations : "Espagnols, disait cette affiche, je viens vous offrir la paix et vous délivrer du joug où une classe de moines inutiles vous tenait asservis depuis des siècles. Je vous avais envoyé des moutons, vous les avez lâchement égorgés; je vous amène mes lions du Nord. Espagnols, soumettez-vous, ou bien ils vous dévoreront" (Note : Proclamation bien connue, mais qui fit peu d'effet sur les Espagnols)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
"...et en repartit le 19 pour franchir la montagne de Guadarrama, le 6e corps servant d'avant-garde à l'armée française marchant à la rencontre des Anglais qui ne cessèrent de s'enfuir pour regagner leurs vaisseaux" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le jour commençait à paraître et mon sang était tellement figé dans mes veines que je fus une demi-heure sans pouvoir mettre un pied devant l'autre; enfin je parvins à marcher et ce ne fut que trois heures après que je rejoignis la route que l'armée avait prise et de laquelle je m'étais écarté depuis sept ou huit heures du soir.
Si, au cours de mes campagnes, j'ai supporté bien des instants pénibles, cette nuit doit avoir le premier rang dans le nombre. Lorsque j'arrivai au bataillon, mes camarades me donnèrent un pain de munition que je dévorai, et une goutte d'eau-de-vie répara mes forces. Le régiment s'apprêtait à monter le Guadarrama, montagne la plus élevée d'Espagne (Note : C'est la chaîne la plus connue de toutes celles du centre de l'Espagne, non qu'elle soit la plus haute, mais elle borne l'horizon de Madrid du superbe hémicycle de ses roches de granit ... Ses pentes sont escarpées ... elle est dressée en véritable mur entre les deux Castilles, et ce n'est pas sans peine qu'on a pu construire la route qui la traverse - Elisée Reclus, Géographie universelle, t. I, p. 672-673) sur laquelle passe la route : je ne ferai pas la description des souffrances que nous endurâmes en faisant cette ascension, ce me serait impossible. Qu'il me suffise de dire qu'en dépit d'une terrible tempête de neige je n'éprouvai pas la moindre fatigue, tandis que plusieurs soldats du bataillon eurent les doigts des pieds gelés (Note : ... L'Empereur voulut passer sur le champ la montagne; le temps était affreux, de la neige à flocons, un vent épouvantable, un verglas abominable. L'Empereur prescrivit aux dragons de la Garde d'avancer; les soldats, arrivés au quart de la montée, revenaient en disant : "Il est impossible d'aller plus loin." L'Empereur, ayant glissé, s'écria : "F. métier" - Journal du maréchal De Castellane, t. I, p. 40.
Cf. les Guerres d'Espagne sous Napoléon, par E. Guillon, p. 102; Gonneville, p. 106; Balagny, t. III, p. 453; Blaze, p.35 et 36). Nous arrivâmes tard au village de San Antonio où nous prîmes gîte; quelques habitants étaient restés dans les maisons et nous fournirent d'abord d'assez bonne grâce du pain, du vin et de la viande de cochon qui nous firent oublier les maux de la journée. Mais un fusilier du bataillon serrant de trop près une jeune beauté, celle-ci poussa des cris, qui attirèrent les Espagnols restés dans la localité : sans l'intervention du chef de bataillon, les choses auraient très mal tourné pour les habitants; tout s'apaisa, mais il nous fut dès lors impossible de nous procurer ce dont nous avions besoin pour le lendemain. Il est vrai que nous nous passâmes de leur permission" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Opérations contre les Anglais
C'est ce jour-là 19 décembre que Napoléon, pour répondre au mouvement de l'armée de Portugal sur Valladolid menaçant ses communications, prend le parti de jeter Ney le lendemain vers Médina del Campo, pour couper les Anglais du Portugal. Le 21, il suivrait avec le gros de l'armée.
Le 20, Ney doit se mettre en route à la pointe du jour, mais les instructions lui parvennent trop tard, la Division Marchand ne peut partir qu'à onze heures et atteint dans la nuit Navalquefigo, après avoir couvert cinquante kilomètres. Les voltigeurs du 69e sont à l'avant-garde.
- Traversée du col de Guadarrama
Le lendemain, la Division ne peut faire que trente kilomètres et gagne seulement Espinar, en traversant, au prix de vives souffrances, le col de Guadarrama.
"Le temps était horrible; il tombait de la neige, qui, mêlée, par un vent des plus impétueux, à un sable fin, coupait la figure et empêchait d'ouvrir les yeux pour se diriger... C'était une tempête, mais des plus violentes... La tourmente continuait avec une telle furie que les compagnies de la queue du régiment s'égaraient, et qu'il fallait des haltes continuelles pour les réunir ...
... On racontait des choses effrayantes sur ce passage et sur les pertes qu'avaient éprouvées les troupes qui nous précédaient... Cette journée doit être regardée comme une des plus rudes que jamais troupe en marche ait pu éprouver : hommes et chevaux ne pouvaient plus aller" (sources documentaires de Rembowski).
"Nous avions remarqué, raconte le Chirurgien Larrey, que |e mercure était déjà descendu dans le thermomètre de Réaumur à 9 degrés au-dessous de zéro. Les vents étaient au nord plein; il était tombé, les jours précédents, une assez grande quantité de neige; aussi, à mesure que nous nous élevions sur la montagne, le froid, déjà très vif, augmentait sensiblement et progressivement, au point que les hommes et les animaux perdaient l'équilibre, tombaient dans le chemin, et plusieurs étaient entraînés sur sa pente rapide par des tourbillons épais de grésil ou de neige. Quelques-uns, perclus par le froid, restaient sur les bords de la route, sans pouvoir se relever ...".
"La tourmente, dit Jomini, Chef d'Etat-major du 6e Corps, allait en augmentant à mesure que les colonnes approchaient du sommet; pour s'en faire une idée, il faut avoir été surpris par une de ces fameuses tourmentes du mont Genis, devenues proverbiales dans les Alpes, et nous en souffrîmes au point de regretter presque les boues de Pulstuck et les glaces d'Eylau.
Le vent tourbillonnait en sorte de trombe et, chassant la neige avec violence, enleva plusieurs hommes dans les précipices.
J'arrivai ... plus mort que vif, convenant n'avoir jamais enduré d'épreuve aussi rude".
Et pour faire cette marche épouvantable, la Division Marchand, écrit Ney ce jour-là, manque "absolument de souliers".
Là où la Garde, où la Division Lapisse ont un instant balancé, exigeant l'intervention personnelle de l'Empereur, le 69e est passé l'un des premiers sans hésitation.
Le 22, la tourmente continue; la queue du Corps d'armée ne peut faire que dix-sept kilomètres. La Division Marchand arrive à Martimmunoz.
Par suite de ces difficultés, l'armée s'échelonne sur une distance de 126 kilomètres, il faut de trois à quatre jours pour la faire serrer.
A l'issue de la marche du 22 décembre, le maréchal Ney écrit d'Arevalo au Major général :
"... Emplacement des troupes pour le 23 décembre.
Le Général Marchand, à Médina del Campo.
6e légère, 69e, 39e et 76e de ligne, à Médina del Campo ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
Le 23, le 69e, passé à huit heures à Arevalo, atteint Médina del Campo dans l'après-midi.
Mais, pendant ce temps, l'armée anglaise a dévié sur Mayorga, vers le nord, surpris la cavalerie de Soult à Sahagun et obligé le 2e Corps, resté seul dans le Léon, à se concentrer à Carrion.
- La course de Benavente
Le 24, Ney lance une forte avant-garde sur le pont de Tordesillas, la Brigade Colbert et cinq Bataillons de la Division Marchand, commandés par le Major Magne du 69e. Elle y arrive à six heures du soir. Le reste de l'infanterie campait à Rueda.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Les jours suivants, nous traversâmes de fort jolies villes, telles que Médina del Campo et Tordesillas : cette dernière ville est située sur la rive droite du Douro, que l'on passe sur un pont d'une hauteur extraordinaire. Le régiment fut logé dans la ville où s'était arrêté aussi l'Empereur; la compagnie de voltigeurs du bataillon fut commandée de service au logement de Sa Majesté. Deux heures après, Napoléon fit appeler plusieurs des voltigeurs de garde et leur fit une ample distribution de jambons et de lard trouvés dans un magasin abandonné par les Anglais et qui avait été constitué dans une des dépendances de la maison qu'occupait justement l'Empereur : "Merci, Sire, dit le voltigeur Besnard, le plus grand farceur du régiment, mais si les Goddem nous offrent des jambes en supplément, nous sommes sûrs de les rattraper avant qu'ils puissent se rembarquer". Ce bon mot et l'éclat de rire de Napoléon firent la joie du 69e pendant l'étape suivante" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Maréchal Ney acquiert la certitude que Valladolid est évacuée. L'Empereur a donc perdu tout espoir de couper les Anglais de leur base, puisqu'ils ne sont pas, comme il le croyait, à Valladolid. Ce premier bond, de Madrid au Duero, est sans résultat.
Il va tenter la même manoeuvre, en se portant à toute allure sur Astorga, pendant que Moore attaque Soult. C'est la "course de Benavente", suivant l'expression en usage chez le soldat pour qualifier cette semaine de surhumains efforts.
La neige a cessé de tomber, mais la pluie, sans interruption, déferle par averses torrentielles, chassée par les rafales d'un vent glacial. Il fait un peu moins froid, sans doute, mais le dégel a transformé la campagne en marais, les routes en bourbiers profonds. Parfois, les hommes enfoncent jusqu'au genou, jusqu'à la ceinture même; certains, dans les derniers jours, périrent enlisés.
Et la marche, malgré tout, se précipite, "véritable chasse passionnée et haletante" (Balagny, "Compagne de l'empereur Napoléon en Espagne") ; l'armée va couvrir, de Madrid à Astorga, plus de 350 kilomètres à la vitesse moyenne de trente-un par jour.
Le 25, la Division atteint Tordesillas; le 26, Torrelobaton.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Quoique le temps fût extrêmement mauvais, nous faisions de fortes journées pour atteindre l'ennemi; malgré des chemins affreux, il ne laissait point trop de bagages, mais il perdait beaucoup de chevaux; la moindre infirmité qui les empêchait de suivre était un motif pour que les Anglais les fissent périr. Nous serions certainement arrivés à joindre cette armée si elle n'eût pas coupé tous les ponts qu'elle laissait derrière elle et qu'il fallait rétablir, attendu que le plus petit ruisseau n'était pas guéable alors" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
L'avant-garde est parvenue à Medina-del-Rio-Seco. Alors l'Empereur donne l'ordre à Soult de se retirer devant les Anglais; à Ney de poursuivre dans leur flanc droit, tandis que lui-même gagnera leurs communications. Mais, à ce moment déjà, les Anglais se sont dérobés vers l'Esla.
Le 27, à midi, le 6e Corps, rassemblé à Médina, est lancé sur la route de Valderas. A la nuit close, le 69e s'arrête à Geinos de Campos, le 28 à Valderas. Cette journée est la plus exténuante, mais les soldats ont vu l'Empereur se porter à l'avant-garde, c'est l'annonce de la bataille prochaine et ils redoublent d'ardeur.
Le 29, tandis que la cavalerie cherche à passer l'Esla, Marchand est maintenu au repos à Valderas. Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous passâmes par Rio Seco où, quatre mois avant, le général Bessières, commandant 14000 Français, défit 50000 Espagnols et leur prit 30 pièces de canon. Quand nous atteignîmes la rivière d'Esla à trois quarts de lieue de Benavente, le pont était coupé. Quoique la rivière fût débordée partout, 400 chasseurs de la Garde, commandés par le général Lefebvre-Desnoëttes, apercevant de l'autre côé la cavalerie anglaise qui formait l'arrière-garde, furent emportés par cette valeur qui caractérise le vrai Français et passèrent à la nage la rivière pour aller se mesurer avec au moins 4 000 hommes; ils ne purent résister au nombre et furent obligés de se retirer après avoir perdu le général Desnoëttes fait prisonnier et 150 hommes (Note : Les 550 chasseurs de la Garde se laissèrent entraîner à poursuivre différents échelons du 3e dragons légers anglais qu'ils amenèrent jusque sous les murs de Benavente. Au moment où Lefebvre-Desnoëttes lançait ses cavaliers à la dernière charge, il vit déboucher sur son flanc gauche le 10e hussards anglais soutenu par le 7e de même arme. Il commanda demi-tour par pelotons et les chasseursrevinrent à toute allure au gué de l'Esla. Une bousculade se produisit au passage du gué; plusieurs cavaliers se noyèrent, d'autres furent sabrés, Lefebvre-Desnoëttes fut pris avec 45 hommes. Les Français perdirent 9 tués, dont 4 officiers, 96 blessés dont 7 officiers et 43 prisonniers ; les Anglais eurent 12 tués et 73 blessés.
Cf. Balagny, t. IV, p. 48, 49, 50, 51, 52)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 30, aucun gué n'ayant été trouvé praticable sur l'axe de marche, la Division doit se porter en face de Benavente pour passer la rivière à Castro-Gonzalo. Partie à six heures, elle arrive à ce point dans la journée. Pendant la réparation du pont, dont l'ennemi a fait sauter deux piles, elle attend un peu au sud, à Barcial-del-Barco.
Mais les soldats s'impatientent, toute la Division descend à l'aide d'échelles sur les débris qui encombrent le lit de la rivière et remonte de même de l'autre côé. Elle entre le soir dans Benavente à la lueur de l'incendie du château allumé par les Anglais; les hommes peuvent se reposer et se sécher un peu.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le pont était difficile à réparer, mais, là où se trouvait l'Empereur, les obstacles étaient bientôt levés : en un instant les poutres, les madriers, les échelles arrivèrent de toute part et, quoiqu'on ne pût passer qu'un à un, en deux heures 4 000 hommes se trouvaient de l'autre côé. Comme Benavente est situé dans une assez belle position, nous croyions que ces messieurs les Goddem nous attendraient, mais, à notre arrivée, ils avaient déguerpi. Nous trouvâmes des chasseurs de la Garde que les Anglais avaient laissés à l'hôpital; Napoléon fut les visiter et leur dit que leur général avait commis une imprudence, mais qu'il n'ignorait pas que c'était sa trop grande bravoure qui la lui avait fait faire; il donna à chaque blessé cinq pièces de 20 francs" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 31, parti à huit heures du matin, Marchand arrive à Puente de la Vizana sur l'Orvigo, à quatre heures et demie du soir; le pont est rompu; il faut passer à gué.
"Arrivés à un gué au-dessous de Puente de la Vizana, raconte Dautancourt, Colonel des Chevau-légers, nous y trouvâmes un régiment de notre infanterie de ligne arrêté. Nous offrîmes la croupe de nos chevaux à ces braves camarades, et, en deux ou trois traversées, nous en passâmes ainsi une forte partie.
Mais ces lenteurs s'accordaient mal avec l'impatience et l'intrépidité de ces vaillants soldats. Aussi les uns, déshabillés en partie, les autres n'en prenant pas le temps, malgré le froid, s'élancèrent-ils dans cette rivière; ils eurent de l'eau jusqu'au dessus des reins. Parvenus au delà, nous les vîmes se secouer, tordre leurs habits et se rémettre gaiement en marche; ce ne fut pourtant point sans nous adresser quelques railleries, sur ce que, nous annonçaient-ils, nous ne trouverions pas le soir de fourrage pour nos chevaux, tandis qu'eux dormiraient tranquillement sans foin et sans soucis".
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous partîmes de Benavente le 31 décembre à 8 heures du matin : il avait neigé d'abord puis ensuite fortement gelé. L'Empereur avait été averti que le pont de Castro-Gonzalès, sur la même rivière de Benavente, était sauté et qu'il ne pouvait être réparé promptement, les brèches faites dans les arches étant très larges; il prit le galop et arriva au moment même où le maréchal Ney venait de donner l'ordre au régiment de passer à travers la rivière qui, étendant son lit fort au loin, faisait présumer qu'elle était guéable. Un guide qui était avec l'Empereur nous indiqua un point où l'Esla, se divisant en trois branches, nous permettait de passer plus facilement. On forma la haie et le passage commença : l'eau était extrêmement froide, et nos vieilles moustaches commençaient à grogner lorsque les soldats virent l'Empereur entrer à pied dans la rivière et leur montrer le chemin. Ce ne fut dans tout le régiment qu'un cri de "Vive l'Empereur !" L'enthousiasme fut général et, en une demi-heure, toute la division fut de l'autre côé. Ce point de passage ne fut plus connu dans l'armée que sous le nom de "Gué de l'Empereur". Mais notre guide se perdit un peu avant la nuit, de sorte que, pour nous réchauffer, nous pataugeâmes plus de deux heures dans une prairie pleine d'eau avant de retrouver notre chemin.
Nous arrivâmes tard dans le misérable village où nous devions coucher : nous étions transis ; aussi, malgré les protestations des quelques habitants qui n'avaient pu fuir à temps, nos soldats eurent vite fait d'allumer de bons feux avec le bois que l'on put trouver soit dans les maisons, soit ailleurs. Le vin était rare, les Anglais étant passés par là, mais on en trouva assez pour que les sous-officiers du bataillon pussent boire à minuit à l'année nouvelle et à la gloire du régiment et de l'Empereur" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
La Division passe la nuit autour d'Alija et repart le 1er janvier 1809 au matin sur la Baneza, y passe vers midi et couche autour de Castrillo de las Piedras.
L'Empereur arrive à Astorga le 1er janvier au soir. La cavalerie du Maréchal Bessières poursuit le gros de l'armée anglaise sur la route de Villafranca ; la cavalerie du Général Franceschi poursuit le marquis de La Romana sur la route de Ponferrada. Le Quartier-général du Maréchal Ney est à la Baneza. La Division Marchand est arrêtée entre la Baneza et Astorga et occupe les villages de Bastos,Toralino, Castrillo de las Piegas et Riego de la Vega.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 1er janvier 1809 nous trouva sur le chemin d'Astorga : nous comptions que l'ennemi nous attendrait dans les défilés par où l'on pénètre en Galice, mais il n'en fut rien et nous entrâmes sans coup férir dans Astorga, la ville la plus ancienne du royaume de Léon et ceinte encore de vieux remparts élevés par les Maures.
Nous fûmes cantonnés dans les environs, et le temps était si pluvieux qu'il nous fallut rester dix jours dans ces pauvres villages avec des châtaignes sèches pour toute nourriture (Note : Toutes les troupes étaient horriblement fatiguées et n'avançaient plus qu'au prix de souffrances tellement vives que beaucoup de soldats, absolument épuisés et désespérés de ne pouvoir suivre, s'étaient suicidés sur la route - Balagny, t. IV, p. 96, 97, 98). Ce fut là que nous commençâmes à prendre la vermine, car les poux étaient en si grande quantité que nous passions les journées à nous les tuer les uns les autres" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Signalons qu'entre temps, le Régiment a reçu quelques renforts : en décembre trois Compagnies de marche ont été dirigées sur Madrid pour le 6e Corps.
Mais l'Empereur a reçu de graves nouvelles de France et d'Autriche; de plus les Anglais lui échappent : "Ils doivent, dit-il, de la reconnaissance aux obstacles qu'a opposés la montagne de Guadarrama et aux infâmes boues que nous avons rencontrées".
D'ailleurs, Soult est arrivé à Astorga et suffit dès lors à poursuivre. Ney reçoit, le 2, l'ordre de se réunir dans cette ville et de se tenir prêt à soutenir le 2e Corps.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le corps d'armée du maréchal Soult, fort de 30000 hommes, arriva le 3 janvier à Astorga; il était en majeure partie composé des troupes qui avaient fait la campagne de Portugal et avaient été ramenées en France par les Anglais, après la capitulation du général Junot; nous les avions rencontrées à Saintes alors qu'elles débarquaient et que nous marchions sur Bayonne. Ce corps d'armée ne s'arrêta point et prit le chemin des Asturies afin de pouvoir arriver sur les derrières de l'ennemi, mais les eaux avaient tellement monté dans les vallées de ce pays montagneux qu'elles empêchèrent l'exécution de ce mouvement bien conçu. Le maréchal Soult ne put joindre l'armée anglaise qu'à Lugo, mais alors il ne la quitta plus et la harcela tout le long du chemin jusqu'à la Corogne où elle parvint à s'embarquer.
L'Empereur avait appris sur ces entrefaites que la guerre était sur le point d'éclater en Allemagne : il quitta l'armée à Astorga pour retourner en France" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
"Après une marche pénible dans des chemins affreux et par un temps épouvantable, le 6e corps arriva à Astorga pendant que le 2e corps se dirigeait par le royaume de Léon sur cette même ville; mais soit que le maréchal Soult qui se trouvait à Saldanha, ville située presque au pied des montagnes des Asturies et par conséquent à plus de soixante lieues du grand quartier-général de l'empereur qui était aux environs de Madrid, eût reçu les ordres trop tard, ou que pour arriver à Astorga dont il était éloigné d'une vingtaine de lieues, il eût à parcourir avec son armée, l'artillerie et les bagages, des chemins creusés par des ornières profondes au milieu des champs trempés par la pluie qui, à cette époque, tombait depuis plusieurs jours par torrents, les Anglais laissant en arrière tout ce qui pouvait les embarrasser purent par des marches forcées s'affranchir des désastres que leur eùt occasionnés l'arrivée avant eux à Astorga des 2e et 6e corps; ils les y devancèrent de quelques heures ct continuèrent leur retraite sur la Corogne; le 2e corps fut mis à leur poursuite pendant que le 6e corps fut chargé d'éclairer le pays du côé du Portugal et d'envoyer sa 1re division en Galice" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
De nouveaux renforts sont envoyés au Régiment : le 12 janvier, après une revue de l'Empereur, part de Valladolid le 4e Bataillon de marche vers Astorga. Il est suivi le 18 du 9e Bataillon de marche, et le 20, du 13e Bataillon de marche. Chacun de ces Bataillons ammène quelques hommes aux 69e.
L'Empereur, le 16 janvier, quitte Valladolid, et, le 23, rentre aux Tuileries, en vue de la préparation d'une campagne contre l'Autriche. Il a chargé Soult de diriger une expédition en Portugal, pendant que le 6e corps contiendra la Galice et les Asturies. De janvier à mai 1809, le 69e va cantonner et opérer aux environs d'Astorga.
- Opérations en Galice
La division se repose jusqu'au 7 janvier; les 7 et 8, elle marche sur Villafranca, pour assurer les communications de Soult qui reconduit Moore à la Corogne, où les Anglais font tête, mais ils sont battus et obligés de s'embarquer en perdant toute leur artillerie (20 janvier 1809).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Deux bataillons du régiment furent logés dans un couvent armé de vieux canons en fonte hors d'usage : mon bataillon fut détaché au village de Valthuile de Arriba, où nous arrivâmes affamés, fatigués et transis. Le pays était fertile en vins, aussi le premier soin de nos soldats fut-il de s'en approvisionner amplement ainsi que de pain de maïs et de viande salée de porc et de mouton que l'on trouva en abondance; les habitants ne disaient rien et paraissaient craintifs. Mais le cantonnement ne répondait pas au reste; nous étions logés dans des maisons si pauvres et si sales que les cochons y habitaient également et que nous eûmes des combats à livrer pour les expulser. Il n'y a dans ces maisons de Galice ni meubles, ni lits, ni ustensiles de cuisine, et les serfs de la plus malheureuse partie de la Pologne sont plus propres et ont un sort plus heureux que celui des Galiciens qui habitent ces montagnes. Ce qui me gênait le plus dans ces cahutes, c'est qu'il n'y a point de cheminée (Note : Pour rendre le séjour de Burgos moins triste, j'arrangeai avec des cheminées un bel appartement - Mémoires du général baron Thiébault, t. IV, p. 313) ; le feu se fait au milieu de la chambre, et la fumée, qui ne sort qu'avec peine par une ouverture faite à la toiture, se répand en si grande quantité dans la maison qu'à peine y peut-on résister, et on est sûr, si on y reste quelques jours, d'en sortir fumé comme un jambon de Mayence. Mais les quelques jours de stationnement que nous fîmes là nous permirent de réparer un peu notre chaussure; les quatre cinquièmes du régiment marchaient pieds nus" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 13 janvier, Ney se porte sur Lugo et pousse Marchand vers Orense, sur les talons des Espagnols de la Romana, qui ont échappé au 2e Corps.
Le 14, la Division part sur deux colonnes : le 69e est à celle de gauche, qui passe par Ponferrada et Val des Orres.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 16 janvier nous reçûmes l'ordre de prendre à gauche de la grande route afin de joindre quelques régiments du marquis de la Romana qui se dirigeaient sur Orense. Nous prîmes par Ponferada et, après avoir traversé des vallons où les arbres commençaient déjà à fleurir, nous couchâmes dans un village où les soldats découvrirent un magasin d'effets militaires, habits, chemises, souliers : un de mes hommes m'apporta une paire de souliers qui me fit plus de plaisir que deux louis d'or" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat de la Rua-sur-le-Riosil
Le 16, le Régiment a un engagement avec l'arrière-garde du Marquis de la Romana et la défait complètement à la Rua-sur-le-Riosil. C'est, à vrai dire, la première fois qu'il a à combattre depuis son entrée en Espagne.
"Le 16 janvier 1809 le colonel FRIRION battit l'arrière-garde de la Romana à la Rua sur le Riosil ..." (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le lendemain nous sûmes que l'arrière-garde de ce corps espagnol qui allait à Orense n'était qu'à une demi-lieue de nous; le général Maucune fit commander une section de voltigeurs pour presser le pas et tâcher de joindre cette troupe. C'était justement ma section que commandait le lieutenant d'Avesnes. Nos soldats, qui brûlaient du désir de connaître enfin ces fameux Espagnols, marchèrent avec une telle vitesse que nous ne tardâmes pas à voir l'ennemi. Le lieutenant divisa sa section en deux, prit le commandement de l'une pour se porter vers la droite, et confia l'autre au sergent Bralé, un de mes compatriotes de Bar-sur-Seine; le général Maucune qui marchait avec nous, à cheval, ne tarda pas à nous précéder, ce qui était très imprudent. Nous marchions sans réfléchir que le régiment était extrêmement en arrière de nous et que, dans de pareils défilés; si l'ennemi l'eût voulu, il pouvait nous surprendre facilement. Mais le général désirait faire rendre cette troupe sans coup férir et il lui criait : "La paix, la paix" en agitant un mouchoir blanc; les Espagnols ne bougeaient pas et, nous voyant arrivés à portée de mousquet, nous répondirent par une décharge, qui, heureusement, n'atteignit personne. Je vis que nous avions affaire à une mauvaise troupe, mais je reconnus aussi la faute que nous avions commise en nous avançant si précipitamment sans être soutenus. Je dis à Bralé d'embusquer ses hommes derrière des arbres et d'inquiéter l'ennemi en attendant le reste de la compagnie; les Espagnols firent bonne contenance tant qu'ils virent que nous n'étions pas 30 hommes, mais lorsqu'ils s'aperçurent du mouvement que faisait le lieutenant et qu'ils virent la compagnie s'avancer au pas de charge, ils disparurent si vivement que nous ne pûmes les joindre que le lendemain.
Ce soir-là nous couchâmes à la belle étoile dans la vallée de Sobradello" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat de Puebla de Tribes
Le 17, il met en fuite, au passage du Bibey, un Corps espagnol d'un millier d'hommes. Un pont est sur le Bibey, à l'est de la Puebla de Tribes. Ce pont et la route sont très étroits, et des rochers presque inaccessibles commandent le passage. Le Général Mendizabal est à la tête de ce Corps d'Espagnols, arrière-garde de la 3e Division de l'armée de gauche.
"... et le 18, en approchant de Rio-Bibey, il mit en fuite un corps de troupes espagnoles" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 18 janvier, le Voltigeur Bablin est tué au pont de Bibey.
"Le général Marchand est arrivé à Orense le 21, rapporte le Maréchal à Berthier; l'état affreux des chemins qu'il a eus à traverser a retardé sa marche de deux jours et ne lui a pas permis de se faire suivre de son artillerie. Ce général a trouvé, à une lieue en avant de Puebla de Tribes, 1.000 à 1.200 hommes d'infanterie espagnole qui, placés dans une position inattaquable, voulaient lui disputer le passage d'un pont.
La route, en cet endroit, est tellement resserrée qu'il fallait défiler par un pour aller à l'ennemi, ce qui n'a pas empêché les voltigeurs du 69e de traverser le pont à la course et de gravir les rochers pour en débusquer l'ennemi, qui, épouvanté de cette attaque audacieuse, s'est sauvé à vau-de-route, laissant une trentaine d'hommes sur le terrain. Nous avons fait 40 prisonniers; quatre de nos voltigeurs ont été blessés".
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le lendemain, à peine avions-nous fait une lieue que nous trouvâmes les Espagnols en position en arrière d'un pont (1); le lieu était parfaitement choisi, car 600 hommes bien commandés auraient pu en empêcher 4000 de passer, mais ce n'était que des Espagnols et nous voyions leurs officiers faire des efforts, les brutaliser même pour les faire mettre à leurs postes. Le chemin qui conduisait à ce passage offrait juste assez d'espace pour que quatre soldats pussent marcher de front et il nous était impossible de prendre à droite ou à gauche, le chemin étant pratiqué dans le roc : le pont lui-même était barricadé. Nos voltigeurs arrivèrent à un bout et reçurent deux décharges fort bien garnies, mais les cornets sonnèrent à l'instant la charge, et alors aucun obstacle ne nous arrêta; nous passâmes ce pont avec tant de vitesse que les Espagnols n'eurent ni le temps de recharger leurs armes ni celui de s'échapper. Nous eûmes 3 voltigeurs blessés, l'ennemi eut 5 tués et plus de 50 prisonniers. Le reste des 1 500 Espagnols qui défendaient ce passage imprenable se dispersa dans la montagne et il fut impossible de le joindre (Note : Les voltigeurs du 69e de ligne, par une attaque aussi rapide qu'audacieuse, décidèrent l'affaire en quelques instants; l'ennemi fut chassé de ses rochers après avoir perdu une soixantaine d'hommes; les voltigeurs du 69e n'eurent que 4 blessés - Balagny, t. IV, p. 297-298.
Pour ce combat de Puente de Bibey, voir aussi la lettre du maréchal Ney au major général datée de Lugo le 25 janvier 1809). Pour ma part, je pris un chef de bataillon, que je fis garder par un caporal jusqu'à l'arrivée du régiment pour qu'il ne lui soit fait aucune insulte (Note : Marcel fut cité à l'ordre de l'armée pour avoir passé le pont le premier et avoir fait plusieurs prisonniers, dont un chef de bataillon)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Après ce combat, le Colonel Fririon s'étant écarté isolément pour faire une reconnaissance, entre dans une maison qu'il suppose abandonnée. Tout à coup, il se trouva environné d'une vingtaine d'Espagnols; avec un sang-froid imperturbable il leur crie dans leur langue : "Vous êtes mes prisonniers, et je vous somme de vous rendre". Stupéfaits, les soldats déposent leurs armes et se rendent; un quart d'heure seulement après, arrive un détachement.
"Après ce combat FRIRION s'étant écarté isolément pour faire une reconnaissance du pays et étant entré dans une maison située sur une route se trouva tout à coup seul au milieu d'une vingtaine de soldats espagnols. Conservant son sang-froid dans cette position critique : " Vous êtes mes prisonniers, s'écria-t-il en espagnol et je vous somme de vous rendre." Les soldats stupéfaits déposèrent leurs armes dans un coin de la chambre et se constituèrent prisonniers, quoique ce ne fut qu'un quart-d'heure après que nos troupes arrivèrent sur ce point" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"On nous fit coucher dans des villages remplis de vin, de volailles et de cochon salé, sur lesquels nos hommes firent promptement main basse, mais les maisons étaient de véritables turnes où les pourceaux habitaient pêle-mêle avec les paysans. Le lendemain, au départ, j'avais un pan de mon habit coupé et je ne doutai pas que la veille, ayant mis un morceau de pain dans la poche, les cochons me l'avaient mangé dans la nuit avec le morceau de drap.
Le temps continuait à être affreux, les moindres ruisseaux étaient devenus torrents et le chemin n'existait plus : nous suivions à peu près la direction que chaque hauteur indiquait et plusieurs soldats faillirent périr. Les fusils étaient dans un tel état que rien ne pouvait les faire partir (Note : Fusil du modèle 1777, corrigé en l'an IX (1801). Dans les meilleures conditions de temps sec, la proportion des ratés était de un sur dix à douze coups. Par la pluie ou même simplement par temps de brouillard mouillé, il devenait impossible de faire feu - Lieutenant-colonel J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, Introduction, p. 36) : aussi attaquions-nous à la baïonnette sans nous préoccuper de ce que faisait l'ennemi. En arrivant au village de Villa del Rio Frio, où nous devions séjourner, nous prîmes 300 hommes et plusieurs officiers qui se rendirent sans résistance. Parmi ces
officiers se trouvait un prêtre nommé don Juan Benito, que je fis loger avec moi ainsi que trois capitaines espagnols qui m'avaient plu. Lorsque nous fûmes un peu secs et que l'estomac fut garni, nous fîmes raconter au senor don Juan les motifs qui l'avaient amené à suivre le régiment où il était : sa hideuse figure et son originalité nous avaient fait présumer que son histoire devait être curieuse.
Il nous dit qu'il était de Villafranca et s'était mis aumônier du 1er régiment de la Reine parce qu'il avait été obligé de quitter son pays; ayant eu en effet, pendant plusieurs années, la direction des consciences des soeurs d'un couvent de Bernardines, une jeune novice de seize ans était devenue éperdument amoureuse de lui et il n'avait pu, comme le bon Antoine, résister à la tentation; il avait alors fait évader cette fille du couvent et, avec le consentement du colonel, l'avait amenée au régiment où elle passait pour sa soeur. Pendant qu'il nous parlait, je le considérais et ne pouvais concevoir comment une femme avait pu s'éprendre d'un homme aussi mal tourné : il avait au plus quatre pieds trois pouces, des membres énormes, un visage large surmonté d'un nez épaté, des yeux gros comme des noyaux de cerises, une bouche à avaler des oeufs d'oie et avec cela plus de dents. Je lui demandai comment il se faisait qu'à son âge, car il avouait trente-six ans, il fut ainsi édenté; il me répondit qu'une de ses tantes, qui l'avait élevé, lui avait fait tellement manger de dragées et de sucreries qu'il avait perdu toutes ses dents en bas-âge: mais un des officiers espagnols lui dit : "Senor curé, je crois que si vous n'aviez jamais mangé que des sucreries, vous auriez encore toutes vos dents, mais ce qui vous les a fait perdre doit être quelques onces de mercure." M. le curé ne répondit pas, mais ajouta : "D'ailleurs l'ingrate Anita m'a quitté et elle vit maintenant avec un officier qui est malade dans la maison voisine." Je désirais vivement connaître la femme qui avait pu se passionner pour un être aussi laid que don Benito et je demandai à un des officiers de me présenter cette dulcinée, me disant qu'une figure, sans être jolie, plaît toujours à seize ou dix-sept ans. Nous nous rendîmes donc à la maison voisine, où nous trouvâmes cette jeune personne appuyée sur un mauvais grabat où était couché un homme à la figure distinguée qui souffrait d'un très violent accès de fièvre. Anita pleurait amèrement, mais ses manières douces et charmantes m'enchantèrent, et je la trouvai belle comme un ange. Anita était d'une taille petite mais faite au tour; deux sourcils d'ébène surmontaient ses yeux noirs, vifs et magnifiques; son teint, bien que bruni, n'en était pas moins frais, enfin une bouche où les amours semblaient se rassembler et qui montrait, lorsqu'elle l'ouvrait, non pas des dents mais de véritables perles. Je comprenais ce qu'elle me disait mais je m'expliquais avec peine, mêlant du français et de l'allemand à très peu d'espagnol. Je la fis supplier par un des officiers espagnols de venir partager notre souper et de ne pas rester dans un lieu où, jusqu'alors, elle avait été respectée, mais où il était presque certain que les soldats lui manqueraient lorsqu'ils seraient échauffés par le vin. Après bien des résistances, elle céda à nos sollicitations, à la condition que le moribond, qu'elle disait être son mari, serait transporté dans notre chambre : ce que nous fîmes aussitôt. Si je ne pouvais m'exprimer en espagnol, mes yeux parlaient suffisamment et je fis tout ce que l'on fait en pareille situation auprès d'une femme aimable : attentions, soins, prévenances, rien ne fut négligé. Le mal avait accablé le malade, mais la fièvre, en diminuant, lui procura un profond sommeil.
Bien que paraissant affectée de la situation de son prétendu mari, Anita ne laissa pas de bien souper. Je lui faisais des protestations de la plus sincère amitié et tout cela par gestes; les officiers espagnols s'aperçurent de la passion que cette fille m'avait inspirée et se retirèrent, sitôt après avoir mangé, dans la chambre qui leur était assignée : j'avais une mauvaise paillasse dont j'offris le partage à la belle, et elle se décida après de vives instances.
J'avoue que, dans cet instant, j'aurais désiré avoir un palais où les sophas les plus riches ornent les appartements, pour les offrir à cette divinité qui me fit oublier les fatigues de la journée. Je prodiguai à ma charmante amie les caresses les plus tendres, et comme je fus payé de retour ! Quand nos transports se furent apaisés, je lui demandai comment elle s'était décidée à suivre le senor don Benito; elle me répondit que, mise au couvent à l'âge de dix ans pour que son frère possédât toute la fortune de ses parents, elle n'avait jamais pu s'accoutumer à la vie monastique et qu'elle n'avait pu s'échapper qu'en se mettant à la discrétion de cet homme. "Si j'avais pu prévoir, me dit-elle, la révolution qui vient de s'opérer, je n'eusse jamais accordé mes premières faveurs à un être aussi affreux. !" A six heures, le tambour nous annonça qu'on allait se remettre en route. Je crois qu'il n'eût pas fallu beaucoup solliciter cette épouse d'une nuit pour l'engager à me suivre; cependant, sur une légère proposition que je lui en fis, elle me témoigna une sorte de désir de rester pour soigner le malade : je ne répétai point ma demande et ne fus point fâché de la voir rester pour prodiguer des soins à un malheureux dont la situation était vraiment pénible.
Nous marchâmes sur Orense par des chemins de traverse et arrivâmes dans des villages où les habitants furent surpris de nous voir et encore plus étonnés en constatant que nos soldats ne leur faisaient aucun mal : ils croyaient en effet, d'après ce que les prêtres et les moines leur avaient dit, que nous massacrions tout le monde et mangions les enfants; la plupart de ces paysans avaient des espèces de blaudes (Note : Expression champenoise pour désigner des blouses) en paille très bien faites et les garantissant parfaitement de la pluie.
Le 20 janvier nous arrivâmes à Orense, où le 6e léger était depuis la veille, et qui était vide d'habitants" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
A Orense, Marchand conserve le 39e et le 3e Bataillon du Régiment et porte les deux autres avec le 76e entre Allariz et Orense afin de vivre plus à l'aise.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Cette ville, située sur le Minho que l'on passe sur un superbe pont, présente cette particularité qu'une partie de la ville, située au pied de la montagne, éprouve toute la rigueur de l'hiver tandis que les autres quartiers jouissent des douceurs du printemps. J'allai avec Bernardot, sergent de grenadiers du bataillon, visiter deux fontaines qui sont sur un point très élevé et distantes de trois pas l'une de l'autre; celle de droite, faisant face au couchant, donne une eau limpide et glacée tandis que celle de gauche est si chaude qu'on ne peut y plonger les mains. J'essayai d'en boire et me brûlai : pendant que nous riions et plaisantions, nous fûmes salués d'un coup de feu qui effleura Bernardot; nous ne pûmes découvrir celui qui l'avait tiré" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 27, il a l'ordre d'occuper en outre Tuy, Pontevedra et Santiago, puis Vigo, Lugo et la Corogne.
Le Capitaine Marcel écrit (les dates ne correspondent pas avec celles des historiques régimentaires) :
"Le lendemain, le régiment arriva à Tuy, dernière ville de la Galice, bâtie sur la rive droite du Minho; la rive gauche du fleuve est en Portugal ; nous espérions y prendre des cantonnements, car notre colonel en avait été nommé gouverneur et nous n'avions plus d'armée à combattre, tout était dispersé. Un ancien officier espagnol qui parlait français vint au-devant du régiment et pria le colonel Fririon de ne point traiter les habitants avec rigueur, car ils étaient épuisés par le séjour des troupes espagnoles et portugaises; il l'assura que nous ne manquerions de rien. Ce vieil invalide offrit au colonel le somme de 80000 francs que la ville avait mise à sa disposition pour faire face aux achats de subsistances pour le régiment : il le supplia de garder pour lui cet argent, s'engageant à payer lui-même les fournitures nécessaires avec l'aide de quelques autres généreux habitants de la ville. Mais s'il y a eu des généraux avides en Espagne, le colonel du 69e sut montrer qu'il y avait encore des officiers qui servaient uniquement pour la gloire et l'honneur de la patrie. Il refusa noblement et renyoya le vieil Espagnol en l'assurant que le régiment saurait se comporter avec discipline sans qu'il fût besoin d'acheter son chef. Le lendemain, la parade eut lieu sur la grande place de la ville : lorsque le colonel parut, les soldats mirent leurs shakos au bout des baïonnettes et le saluèrent de leurs acclamations, qui furent répétées par les habitants venus en grand nombre pour voir la cérémonie" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 3 février, le Régiment occupant la ville de Tuy, le Colonel est nommé gouverneur de cette province (voir ci-dessus).
"Le 3 février le colonel FRIRION fut nommé gouverneur de la province de Tuy. Dans la ville de ce nom un habitant lui dénonça les sommes qui se trouvaient cachées dans les caisses de l'administration espagnole; mais FRIRION dont la probité sévère égalait le courage ne daigna profiter de cet avis que pour demander aux autorités espagnoles une paire de souliers et du vin pour chacun de ses soldats, ce qui fut exécuté avec empressement. FRIRION s'étant emparé du port de la Guarda, les habitants crurent que les Français avaient l'intention de saisir un bâtiment chargé d'objets précieux, et lui proposèrent de fortes sommes pour tout racheter. Toujours noble et pur, FRIRION leur répondit que ce bâtiment étant espagnol, il le respecterait ainsi que toute propriété de l'Espagne. Ces beaux actes de désintéressement dignes du grand coeur dont ils émanaient inspiraient sur les lieux où ils s'accomplissaient de l'estime, du respect et de l'affection pour le nom français; mais la guerre occasionne tant de maux, et les représailles qu'elle entraine à sa suite surtout lorsque les populations s'en mêlent sont si difficiles à éviter, qu'il est rare qu'il ne s'y commette de part et d'autre des actes de spoliation et de barbarie qui ne font que rehausser davantage le beau caractère de ceux qui comme FRIRION, fidèles à la loi de l'honneur et du devoir, laissent à leur patrie et à leur famille l'héritage d'un nom sans tache et dont on peut être fier en toute sûreté devant ses amis comme devant ses ennemis" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Mais le 2e Corps s'enfonce en Portugal, le 6e va rester seul jusqu'au mois de juin à la pointe de la Galice; à l'extrémité d'une ligne de communications de plus de 300 kilomètres; il doit avoir fort à faire pour déjouer les ruses et les embuscades tendues à chaque instant par les partisans.
Le Capitaine Marcel écrit (les dates ne correspondent pas avec celles des historiques régimentaires) :
"Mais il nous fallut partir le 2 février; je quittai avec regret mon logement, qui est bien le meilleur que j'aie occupé en Espagne. J'étais, avec un camarade, chez un chanoine fort aimable, qui avait une infinité d'attentions pour nous: il nous comblait d'excellents vins de Malaga et de Peralta et toujours mille douceurs pour le dessert. Nous fîmes successivement étape à Vigo, puis à Redondella (Note : Petit port de mer sur la route de Saint-Jacques de Compostelle à Tuy), où nous trouvâmes l'avant-garde du corps de 30000 hommes du maréchal Soult, destiné à l'expédition de Portugal. Nous traversâmes également la jolie petite ville de Pontevedra, renommée pour la pêche qu'on y fait des anchois, et nous arrivâmes enfin le 13 février à Saint-Jacques de Compostelle, célèbre par le pèlerinage qu'on y fait. On plaça la brigade dans le couvent de Saint-Martin. Le prieur était né dans la Biscaye française et il vint causer avec ses compatriotes; il me dit que ce couventétait un des plus riches de l'Espagne, qu'il avait un revenu au moins aussi grand que trois départements français, que plus de 700 moines y résidaient mais, qu'à la nouvelle de l'arrivée des troupes, ils s'étaient réfugiés dans leurs familles. Les dépendances de ce repaire de fainéants eussent pu contenir aisément 10000 hommes; les caves étaient si vastes et si bien garnies qu'on fit pendant deux mois la distribution de vin au régiment sans qu'elles fussent épuisées. C'est bien le lieu où le soldat a été le mieux traité : chaque homme recevait par jour trois quarterons de bonne viande, une bouteille de vin, une livre et demie de pain de munition, quatre onces de pain blanc pour la soupe et des légumes; mais ils n'étaient couchés que sur un peu de paille et dans des corridors. La plus exacte discipliné régnait, tous les habitants étaient tranquilles, et nous nous félicitions des avantages que cette campagne, que nous nous imaginions presque terminée, nous avait procurés. Combien cruelle était notre erreur !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dans le courant de février, le 6e Bataillon de marche quitte la ville de Valladolid pour Lugo, amenant quelques hommes supplémentaires au 69e.
Le 20 février 1809, le Chef de Bataillon Duthoya, l'Adjudant major Fauverteix et le Capitaine Dartigues sont faits Officiers de la Légion d'Honneur; l'Adjudant major Reynaud, le Capitaine Heuzard et les Lieutenants Pichon et Bayan sont faits Chevaliers.
Le 6 mars 1809, le Général Marchand adresse au Maréchal Ney le rapport d'une expédition dirigée par son ordre contre les villages insurgés de Villagarcia et Carril. Un bataillon du 69e et deux compagnies du 39e de ligne avaient marché de Santiago contre un rassemblement hostile campé sur une hauteur de la rive gauche de l'Ulla, au sud-ouest du pont de Padron. "Tout cela a été bientôt enlevé. Ils ont tiré (les insurgés) deux coups de canon à mitraille, ont encloué leurs (deux) pièces et se sont sauvés.
On les a poursuivis jusqu'à Villagarcia, où ils se sont embarqués à la hâte sur des bâtiments, mais ils n'ont pu le faire si promptement qu'on n'ait eu le temps d'en tuer un grand nombre. On a compté 540 morts; on a brûlé Villagarcia et Carril, qui étaient deux petites villes assez jolies. On a également brûlé tous les bateaux qu'on a pu rejoindre. Il y avait à Villagarcia une superbe maison, dont on avait fait un atelier de cartouches très complet et très bien approvisionné; on y a mis le feu et tout a été consumé. On a trouvé aussi (à Villagarcia) un magasin à poudre assez considérable, qu'on a fait sauter. On a trouvé une grande quantité de cartouches dans différentes maisons de campagne fort jolies, et on a mis le feu partout. On prétend que parmi les morts il y a au moins dix prêtres, qui étaient les capitaines des insurgés. On a vu aussi un officier en habit rouge, qu'il a été impossible de joindre. Nous n'avons eu dans tout cela que trois blessés légèrement, dont deux par l'explosion du magasin à poudre et un par un de ses camarades en déchargeant son fusil". (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
- Combat de Ledesna
Le 10 mars, le Régiment rencontre un corps d'insurgés au pont de Ledesna; il reste maître du terrain.
Le 14 mars, le Maréchal Ney adresse, depuis La Corogne, un rapport au Prince de Neuchâtel, dans lequel il lui fait part des derniers événements en Galice ; il écrit notamment : "... le général Marchand détruisait de grands rassemblements sur l'Ulla, à Villagarcia et vers Caldas; cette opération donna lieu à cinq affaires principales, dirigées par le général Lorcet et le colonel du 69e régiment. Les insurgés furent plusieurs fois tournés et surpris; ils perdirent dans les divers combats plus de 1.800 hommes et six pièces de 3; huit prêtres au moins furent trouvés parmi les morts ..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 23 mars, le Chirurgien aide-major Lespagnol est blessé en escortant des blessés à Saint-Jacques (Galice).
Le Commandant Giraud écrit :
"San-Yago, le 24 mars 1809.
Les courriers ne marchent pas; je suis sans cesse par monts et par vaux, escaladant les montagnes, dégringolant dans les ravins, à la recherche des guérillas. L'empereur a quitté l'Espagne en février dernier. Tant pis ! Car il n'est prodigue d'avancement que pour ceux qui se font blesser sous ses yeux.
Le commandant Magne vient d'être nommé major au 50e de ligne; il est remplacé par notre capitaine d'habillement, Rolland. En voilà un qui a de la chance !... Etre resté cinq ans sans paraître aux bataillons de guerre et être tout à coup bombardé officier supérieur; c'est à dégoûter du métier, les vieux serviteurs. Cette nomination a surpris tout le monde, et moi, tout le premier.
Ma situation est très précaire, car, en définitive, une nouvelle campagne peut me mettre dans le cas de prendre ma retraite, comme capitaine, et alors que deviendrai-je avec une pension aussi modique que celle affectée à ce grade ? Le temps, j'espère, arrangera tout cela.
Nos chefs qui reçoivent de temps en temps des domaines ou des gratifications, sont contents de leur sort et se soucient fort peu du nôre. Ils disent, comme le colonel Fririon qu'il faut toujours être content de son sort et ne jamais se plaindre. Pourtant, celui qui n'est que baron, veut être comte. Tout cela fait rire" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Reboul est blessé le 12 avril 1809 au combat de Pontevedra (Galice). Le lendemain 13 avril, les Fusiliers Hérard et Daruel ainsi que le Grenadier Collot sont tués à Corcubion.
Le Capitaine Marcel écrit (les dates ne correspondent pas avec celles des historiques régimentaires) :
"De retour à Saint-Jacques, nous apprîmes que le brigandage et les assassinats gagnaient toute la province (Note : Tout le pays situé entre l'Ulla et le Minho prit les armes - Mémoires du maréchal Jourdan, p. 197) : tous les hommes rentrant des hôpitaux et voyageant isolément étaient massacrés; les deux premiers bataillons du régiment étaient partis pour une expédition. Nous reçûmes l'ordre de nous rendre le lendemain dans la vallée de Redondella et, au premier coup de fusil tiré sur nous par les paysans, de mettre tout à feu et à sang. Les proclamations adressées partout aux habitants des campagnes n'avaient servi de rien; à chaque défilé nous recevions des fusillades dont l'écho retentissait à plusieurs lieues : ces endroits escarpés étaient couverts de paysans qui poussaient d'horribles hurlements. Soit qu'ils tirassent mal, soit qu'ils tirassent de trop loin, il était rare que nous eussions un homme blessé; seulement les voltigeurs, obligés à un service de flanqueurs très pénible, étaient harassés. Le premier pont que nous rencontrâmes sur la route était barricadé et défendu par plusieurs canons et une troupe nombreuse (Note : Combat du Pont de San-Payo, sur le Soto-Mayor. Le pont était défendu par là division espagnole du général Morillo). Les voltigeurs reçurent l'ordre d'enlever ce pont et, quoique entravés par des arbres, des charrettes et des pierres énormes, nos braves franchirent en un instant ces obstacles; mon compatriote, le sergent Bralé, passa le premier et perça de sa baïonnette les quelques canonniers restés à leur poste. La majeure partie des Espagnols se sauva dans la montagne; on prit néanmoins plusieurs prêtres et moines qui portaient dans leurs ceintures, avec des crucifix, des pistolets et des sabres. Tous furent passés par les armes, car on avait trouvé plusieurs soldats du 6e léger et des dragons empalés et mutilés : les uns n'avaient plus d'yeux ni de langue; à d'autres le nez, les oreilles et les ongles avaient été arrachés; enfin quelques-uns avaient les parties génitales dans la bouche, raffinement de cruauté bien digne des féroces conquérants du Pérou. Je vous demande si, après le tableau que je viens de vous tracer, nos malheureux soldats, qui n'avaient pas demandé à venir en Espagne, avaient des ménagements à garder avec de tels barbares !
Nous brûlâmes plus de soixante villages dans cette vallée. Dans un hameau près de Redondella, une jeune personne de seize à dix-huit ans, belle comme un ange, n'ayant point voulu se soumettre aux désirs effrénés de quelques soldats et ayant vu mourir son père et sa mère, préféra périr dans les flammes plutôt que de retomber entre leurs mains. Je m'approchai de cette maison mais ne pus y pénétrer car la porte était barrée par le feu: un voltigeur m'apporta une échelle, que je fis appliquer contre le mur et, en arrivant à l'étage au-dessus, je vis cette jeune fille à genoux, les mains jointes, invoquant le ciel qui allait recevoir dans un instant son âme immortelle. Je la priai avec les plus vives instances de se jeter sur des matelas et de la paille que les soldats amoncelaient sous les fenêtres, et je lui jurai qu'elle serait respectée et conduite à Saint-Jacques avec tous les égards que l'on devait à son sexe et à son malheur; mais rien ne put la décider : elle me remercia en disant qu'elle voyait qu'il existait encore parmi nous des coeurs sensibles, mais qu'ayant vu périr les auteurs de ses jours, rien ne l'attachait plus à la terre et que la mort seule avait des attraits pour elle ! ... Je me décidai à descendre et la maison s'écroula quelques instants après ! ... Je ne puis encore aujourd'hui me rappeler cette scène sans verser des larmes de douleur.
Toutes ces atrocités s'oubliaient lorsque nous étions rentrés dans notre garnison. Nos soldats s'installaient sur les places de Saint-Jacques, étalaient les dépouilles des localités pillées et, à l'exemple des Romains, après avoir échangé entre eux ce qui leur convenait, déployaient le linge damassé, les soieries, les tapis, les joyaux, les pierres précieuses (Note : C'était une habitude courante dans l'armée d'Espagne. La foire sera bonne, disaient les soldats quand ils revenaient du pillage de quelque localité avec un butin considérable); souvent les objets de la plus grande valeur étaient laissés pour peu de chose.
Malgré la défense expresse faite aux habitants de ne rien acheter aux soldats pour ne pas les engager à se charger de butin, ils ne pouvaient s'empêcher de convoiter ce qu'ils voyaient et ils achetaient sans songer que, quelques jours après, ces mêmes objets redeviendraient la propriété du vendeur.
Tous les jours des bataillons étaient détachés pour de semblables expéditions; les 2e et 3e bataillons furent envoyés pour incendier Caldas del Rey (Note : Caldas del Rey est sur la route de Saint-Jacques de Compostelle à Tuy), jolie petite ville sur la grande route d'Orense, à 10 lieues de Saint-Jacques de Compostelle : plusieurs soldats ayant été mutilés près de cette ville, les habitants en furent rendus responsables et se sauvèrent dans la montagne. Au moment où les deux bataillons allaient entrer en ville, quatre bourgeois, dont l'alcade, se présentèrent au colonel Fririon et lui dirent : "Senor, nous connaissons les ordres dont vous êtes porteur et nous ne pouvons résister à la force, mais mes administrés m'envoient pour vous jurer que la ville est innocente des assassinats qu'on a commis et que, seuls, quelques bandits en sont coupables. Nous vous supplions d'avoir des égards pour nous qui nous sommes toujours montrés amis des Français, les avons bien reçus et avons fourni exactement les réquisitions. Nous n'ignorons pas la conduite que vous avez tenue à Tuy, et c'est pleins de confiance dans les sentiments généreux qui vous animent que nous réclamons justice". Le colonel Fririon crut reconnaître l'innocence des bourgeois de Caldas del Rey et nous fit faire demi-tour sans exécuter l'ordre qu'il avait reçu. Nous étions déjà à deux lieues de la ville lorsque deux de ces mêmes bourgeois, montés sur de superbes mulets, gagnèrent au trot la tête du régiment et prièrent le colonel de bien vouloir arrêter et venir avec eux à quelques pas en dehors de la route; ils enlevèrent alors de leurs selles des espèces de sacoches qu'ils offrirent au colonel. Ces sacoches étaient pleines d'or et d'argent et pouvaient contenir de 15 à 20 000 francs. Le colonel Fririon demeura stupéfait tout d'abord, puis, jetant un regard de mépris aux deux Espagnols, il leur dit : "Messieurs, si j'ai épargné votre ville, c'est que vous m'avez persuadé de son innocence; si j'avais pensé que les habitants eussent coopéré à l'assassinat de nos soldats, j'eusse mis à exécution l'ordre dont j'étais porteur. Remportez votre or et dites à vos compatriotes que je sers non pour l'argent mais pour la gloire de la France". Un bienfait n'est jamais perdu, dit-on; en effet, quelque temps après cette expédition, nous fûmes heureux de n'avoir pas détruit cette ville, car, y arrivant un soir par un temps abominable, nous fûmes très bien reçus et hébergés, et le maréchal Ney félicita notre colonel d'avoir su la conserver.
Nous espérions toujours prendre un peu de repos toutes les fois que nous retournions à Compostelle, mais il était écrit que nous ne devions plus en avoir. Comme nous revenions d'une expédition et traversions un vallon détourné, le sergent Charpentier (Note : Le sergent Charpentier était né aux Riceys (Aube) et était compatriote de Marcel) du bataillon, chargé de commander l'arrière-garde, entendit des cris déchirants poussés par une femme; il courut du côé où ces cris se faisaient entendre et trouva trois hommes du 2e bataillon qui avaient saisi une superbe fille et, malgré sa résistance, s'apprêtaient à lui ravir ce qu elle avait de plus précieux. En voyant le sergent, ces hommes la lâchèrent et, pour ne pas retomber aux mains de ces satyres, elle se sauva avec une telle précipitation qu'elle tomba dans un ruisseau dont le courant l'emporta; Charpentier s'élança à son secours et parvint à la retirer de l'eau tandis qu'elle l'accablait de remerciements et lui criait qu'il irait directement au Paradis. Mais cet acte d'humanité faillit coûter cher au malheureux sergent, car la colonne avait disparu, il se trouvait seul et, sans égard pour ce qu'il venait de faire, les paysans lui tirèrent une volée de coups de fusil qui, fort heureusement, ne l'atteignirent pas. Sa fureur était extrême lorsqu'il rejoignit le bataillon.
Quoiqu'il n'y eût que trois mois que nous fussions à Compostelle, nous étions très bien avec les bourgeois et passions des soirées fort agréables dans les maisons les plus riches. Plusieurs bals furent donnés par la ville et rendus par les officiers. Un jour je me promenais avec un de mes compatriotes, le sergent Arguinier du 76e dont le bataillon venait d'arriver dans la ville; nous rencontrâmes une charmante demoiselle, nommée dona Pedrita, qui venait d'une maison de campagne avec sa mère : nous les saluâmes, et la mère, qui paraissait aussi éveillée que la fille, dit tout haut qu'elle n'avait jamais rencontré dans les Espagnols des hommes aussi gais et aussi riants que les Français (Note : Les femmes espagnoles manifestaient en général un goût fort prononcé pour les officiers et soldats français: "Yo me muero por la genta de tropa francese" (Je me meurs pour le militaire français) était la phrase habituelle d'accueil qui faisait la joie de toute l'armée - Voir Blaze p. 42, note). Quoiqu'elle ne nous adressât pas la parole, je lui dis que nous rencontrions rarement en ce pays des dames qui eûssent une aussi jolie tournure et aussi ressemblante à celle des Françaises. Ceci les flatta et, comme nous arrivions devant leur logement, la mère nous invita à entrer pour nous rafraîchir. La senora Nunez, car c'était son nom, était veuve d'un capitaine, et sa fille unique nous enchanta littéralement lorsqu'elle pinça de la guitare; j'étais justement logé chez don Pimentel, un de leurs parents, ce qui fit que je fus invité à retourner chez elles : je n'en fus pas fâché, car tout ce qu'il y avait de mieux à Saint-Jacques se réunissait deux fois par semaine dans cette maison. Je puis affirmer que j'ai passé là d'agréables moments: nous chantions, nous riions et surtout nous dansions des séguedilles, des boléros, des fandangos; cette dernière danse paraîtrait fort indécente en France, car toutes les postures de la danseuse sont extrêmement lascives.
Quoique heureux avec Pedrita, je fis bientôt connaissance d'une nièce de mon hôe, la gracieuse Pépita; cette aimable personne venait régulièrement rendre visite à son cher oncle, ancien chanoine fort riche et vrai réjoui bon temps. J'étais si bien avec cet homme qu'aussitôt que la gentille nièce était arrivée, il m'envoyait chercher et, si je tardais un peu, il me gourmandait du peu d'empressement que je mettais à me rendre auprès d'une jolie femme : le compère ignorait bien ce qui se passait.
J'aimais surtout la recommandation qu'il me faisait toujours d'accompagner sa nièce jusqu'à la porte; je vous demande un peu si j'avais besoin que cet épais Espagnol m'enseignât ce que la politesse française exige. J'occupais une chambre à l'entresol et, arrivée devant ma porte que j'avais eu soin de laisser entr'ouverte, Pepita ne se trompait jamais; la servante que je payais grassement avait soin d'aller ouvrir et fermer la porte cochère en criant fort : "Buena noche, senorita" : je laissais la belle enfant seule un instant afin d'aller souhaiter le bonsoir à mon chanoine et je rejoignais ma charmante Pepita qui, affligée de dix-huit printemps, était jolie et fraîche comme la rose naissante et sur les lèvres de laquelle les abeilles diligentes eussent pu venir chercher le parfum du jasmin et de la violette. Nous suivions le cri de la nature et, sans nous laisser éblouir par les rayons trompeurs de la vertu, nous ne laissions pas faner ces fleurs passagères que la jeunesse fait éclore; tranquille au sein du plaisir, j'oubliais peines, chagrins, fatigues et dangers, et c'est ainsi que, pendant trois heures tous les deux jours, nous passions les moments les plus fortunés" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Prises de Cé et de Corcubion
Le 20 avril, le Régiment s'empare de Cé et de Corcubion, il chasse à coups de canon vingt chaloupes et une frégate anglaise qui transportent des renforts.
"Le 20 avril il s'empara de Cé et Corcubion, d'où il chassa à coups de canon vingt chaloupes canonnières et une frégate anglaise, et fit brûler un dépôt de trois mille fusils anglais" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
- Combat de Carracedo
Le 27, huit compagnies du Régiment mettent en déroute, sur les hauteurs de Carracedo, un Corps de 3.000 Espagnols débarqués du Danemark où ils étaient au service de la France; les révoltés payent chèrement leur insoumission.
"Le 27 avril, avec huit compagnies de son régiment, il trouva sur les hauteurs de Carracedo un corps de trois mille hommes de troupes espagnoles qui venaient du Danemarck où, servant pour la France, elles étaient commandées par le général Fririon, frère du colonel ; à la nouvelle de la guerre d'Espagne elles s'étaient soulevées contre le général, avaient massacré sous ses yeux son officier d'ordonnance et tenté d'assassiner le général lui-même. Le colonel FRIRION avait eu connaissance de ces horribles détails, et avait fait prévenir Morillo, le chef espagnol, que pour venger ce làche attentat il ne ferait pas de quartier. Ayant observé que les Espagnols avaient négligé de se garder sur leur droite, FRIRION envoya vers ce point un détachement par des sentiers couverts, avec ordre d'attaquer avec impétuosité aussitôt que le combat aurait commencé sur le front. Ces dispositions réussirent à souhait. L'ennemi attaqué vigoureusement de front et surpris sur sa droite fut mis en déroute. FRIRION tint parole : on ne fit aucun prisonnier et on leur tua trois cents hommes.
Dans les nombreux combats de cette guerre, nos soldats combattant par détachements ont toujours manoeuvré dans des pays difficiles; toujours livrés à eux-mêmes, ayant à lutter contre des forces supérieures sans pouvoir espérer ni secours ni moyens de retraite en cas d'échec, et au milieu de populations devenues féroces et fanatiques, ils ont tout bravé avec une énergie héroïque, et jamais on ne leur a donné le moindre éloge !" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit (les dates ne correspondent pas avec celles des historiques régimentaires) :
"Il y avait deux mois et demi que nous étions à Saint-Jacques avec le 3e régiment de hussards et le 15e régiment de chasseurs; cette cavalerie avait presque épuisé les fourrages, et la rentrée des réquisitions se faisait si difficilement qu'on envoya un escadron du 3e de hussards au petit port de mer de Camarignès (Note : Camarignès ou Camarinas, petit port de mer au nord du cap Finisterre), avec ordre de presser la rentrée dès approvisionnements. Cet escadron, fort de 65 hommes, arriva le soir dans le bourg, fut très bien reçu mais, dans la nuit, 64 cavaliers furent égorgés; il n'y en eut qu'un qui échappa à la barbarie des Espagnols parce que, logé chez une veuve à laquelle il avait beaucoup plu, il fut caché dans un coffre par cette femme qui avait été instruite dans la soirée du projet criminel qu'on avait conçu (Note : Les mesures prises par le maréchal Ney, loin d'abattre les habitants, amenèrent des représailles plus violentes encore. Des escadrons entiers furent égorgés par des habitants, des paysans, dans l'espace d'une nuit - De Rocca, Mémoires sur les guerres des Français en Espagne, p. 109-110). Trois jours s'étaient écoulés sans avoir de nouvelles de ce détachement qui n'était pourtant qu'à 8 lieues de Saint-Jacques; on commençait à craindre ce qui était arrivé lorsque le hussard échappé au massacre arriva en racontant l'assassinat. Le général Marchand fit immédiatement partir notre bataillon aux ordres du commandant Duthoya, un des plus braves officiers de l'armée et dont le désintéressement était connu. Il avait l'ordre, après s'être assuré de la véracité des faits, de brûler tout le village et de passer tous les habitants au fil de l'épée.
En arrivant près de ce bourg, nous ne pûmes plus douter de l'insurrection générale de ce pays; tous les habitants, mêlés à quelques soldats du marquis de La Romana, armés de fusils, de faulx, de fléaux, nous attendaient sur les montagnes : une lieue avant d'arriver, nous reçûmes la décharge de deux pièces de canon et plus de 4 000 coups de fusil; nous n'eûmes pas un seul homme de touché et, ce voyant, cette masse indisciplinée se sauva en poussant des cris affreux. Nos soldats qui étaient sans sacs (Note : Le soldat du Premier Empire portait un lourd chargement. Foy rapporte qu'ayant fait peser le sac, le fourniment, la giberne, le fusil, le sabre, la capote, les dix jours de biscuit et les quatre jours de pain, il avait trouvé que, sur trois soldats, l'un portait 58 livres et demie (28 kil. 360), l'autre 62 livres, et le troisième 63 (31 kil. 93) - Journal de Foy, 10 septembre1810) et pouvaient manoeuvrer rapidement, coupèrent la retraite à la plus grande partie des insurgés et tout fut passé à la baïonnette, femmes, enfants, il n'y eut point de grâce. Nous entrâmes dans le bourg et vîmes un trou où les 64 hussards avaient été jetés. Que l'on juge de la fureur de nos soldats ! Je crois inutile de retracer les horreurs qui furent commises dans cette malheureuse journée. A l'exception de quelques vieillards et de quelques femmes, tout le monde était parti de Camarignès; mais plusieurs bateaux étaient encore dans la rade et attendaient notre arrivée pour quitter leurs dieux lares. Nous courûmes au port et, dès qu'ils nous aperçurent, nous entendîmes les cris de désespoir qu'ils poussaient pour faire hâter leur départ; ils préféraient se mettre à la merci des flots plutôt que d'être victimes de la fureur des soldats. Plusieurs se noyèrent en se précipitant trop vite dans les barques dont les marins faisaient force de rames afin de gagner promptement le large et éviter les balles qu'on leur tirait. La ville fut livrée au pillage et le feu mis dans plusieurs endroits; nous brûlâmes 14000 fusils et fîmes sauter quantité de poudre que les Anglais venaient de mettre à terre. Enfin on battit le ralliement ! Il fallait voir arriver les soldats, l'un chargé de percales, l'autre de toiles de Hollande, d'autres de draps superfins, quelques-uns avaient leurs shakos remplis d'onces d'or (Note : L'once d'or ou quadruple valait deux doubles pistoles, c'est-à-dire plus de 80 francs, sa valeur a du reste varié. La piastre valait 5 fr. 43) et de piastres, plusieurs pliaient sous le poids de l'argenterie en vaisselle. Quelques infortunés habitants, qui n'avaient point voulu quitter la demeure de leurs aïeux, s'étaient cachés dans les greniers; les flammes les en chassèrent. Les soldats s'en servaient pour apporter leur propre butin dans le camp, mais tout cela ne retardait que d'un instant le terme de leur vie; malgré leurs larmes, malgré leurs prières et leurs protestations d'innocence, malgré même le désir qu'avaient certains soldats d'épargner ces victimes, il fallait exécuter l'ordre inexorable. Hommes et femmes, et ces dernières après avoir subi les derniers outrages, allaient rejoindre leurs compatriotes immolés quelques instants auparavant.
Nous quittâmes enfin ce lieu d'horreur et fûmes bivouaquer à une lieue. Je venais de m'installer pour la nuit lorsqu'un de mes hommes m'amena une femme qu'il venait de trouver dans les rochers. Cette malheureuse, quoique âgée d'environ trente-quatre ans, était fort belle, et l'affliction qu'elle paraissait éprouver, la douleur qui la rendait comme folle, excitaient davantage l'intérêt; je lui fis, avec bien de la peine, prendre du bouillon et du vin, puis elle s'assoupit quelques heures. Lorsqu'elle s'éveilla, elle me sembla plus tranquille et je la questionnai : "La journée d'hier, me dit-elle, me coûte mon mari, mon fils et ma fille, victimes de vous autres, hélas ? Pourquoi m'avez-vous épargnée, puisque vous avez tué mon cher fils qui avait tant de bontés pour moi et que j'adorais. La mort des autres ne m'est rien à côé de celle de mon fils." Je fus touché de l'état de cette mère infortunée et, lorsque le jour parut, je la reconduisis à quelque distance du camp afin qu'elle ne fût pas la proie des soldats; je lui remis des vivres, et j'avoue que je la quittai le coeur serré" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Siège de Lugo
Pendant que le Maréchal Ney se rend dans les Asturies, deux Bataillons du Régiment se dirigent sur Lugo, où se trouvent déjà le 76e, un Escadron de Dragons et quatre pièces de canon. Cette faible garnison commandée par le Général Fournier, lutte avec avantage contre 14000 Espagnols descendus des montagnes pour assiéger la ville. Il y a de nombreux combats autour de la place; les troupes font des prodiges de valeur et d'audace.
"Pendant que le maréchal Ney se rendait dans les Asturies, le colonel FRIRION fut envoyé le 12 mai avec deux bataillons de son régiment à Lugo où se trouvait le 76e de ligne, un escadron de dragons et quatre pièces de canon. Cette faible garnison lutta avec avantage contre quatorze mille Espagnols descendus des Asturies qui vinrent assiéger la ville. FRIRlON se couvrit de gloire dans les combats qui eurent lieu autour de cette place contre ce corps considérable. C'est en ce moment qu'arrivèrent à Lugo les troupes du maréchal Soult, sans canons, sans voitures et poursuivies par les Anglais; elles se ravitaillèrent dans cette ville et se mirent en route pour rentrer en Espagne après avoir perdu le Portugal" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 19 mai 1809, le Lieutenant Collard est blessé au combat de Lugo (il décède le 24), de même que le Lieutenant Thouvenin. Sont également tués ce jour là le Fusilier Prad et les Caporaux Philippe et Gibier.
L'armée du maréchal Soult arrive le 20 mai à Orense. L'avant-garde marche aussitôt sur Lugo afin de délivrer cette ville resserrée vivement par un corps de 18 à 20000 hommes, tant du corps de ligne de La Romana que de l'insurrection galicienne sous les ordres du général Mahi. Le Général Fournier, qui commande dans Lugo, a résisté jusqu'alors aux efforts de ses nombreux adversaires malgré la faiblesse de la garnison, mais il a épuisé tous ses moyens de subsistance lorsque l'avant-garde du maréchal Soult se présente, le 22, devant les assiégeants (Victoires et Conquêtes des Français, Paris, Panckoucke, s. d., t. XIX, p. 44.)
"Notre arrivée à Lugo a été un coup de bonheur inouï pour trois bataillons du 6e corps, qui, étroitement bloqués par 20 000 insurgés, allaient être forcés par la famine de mettre bas les armes ou de tenter une retraite qui ne pouvait que leur être fatale" (Fantin Des Odoards, p.239).
Le Capitaine Marcel écrit (les dates ne correspondent pas avec celles des historiques régimentaires) :
"Pendant cette expédition, les deux autres bataillons du régiment avec un bataillon du 76e se trouvèrent bloqués à Lugo par 12000 Espagnols. Le général de cavalerie Foumier-Sarlovèze commandait cette place, entourée de vieux remparts tombant en ruines. Les Espagnols cernèrent la ville hors de portée des balles et envoyèrent au général un parlementaire exigeant que la place soit remise en leur pouvoir le jour même, sinon ils monteraient à l'assaut et alors plus de quartier. On ne daigna pas, bien entendu, répondre à une aussi ridicule fanfaronnade; cependant la situation n'était pas bonne, car il n'y avait guère que quinze à seize cents braves pour défendre une enceinte ouverte par peut-être plus de 40 brèches impossibles à réparer.
Le général Fournier convoqua alors les principaux officiers et, en leur présence, remit le commandement au colonel Fririon, en lui disant : "Colonel, vous êtes plus à même que moi de défendre la ville, car je suis officier de cavalerie et ne m'y connais pas. Ordonnez ce qui est nécessaire d'être fait, je vous seconderai de tous mes moyens, je prends tout à mon compte. On arma tout ce qui était Français, convalescents, domestiques, soldats du train; chacun eut son poste assigné sur le rempart et se mit à réparer les brèches qui étaient devant soi, de sorte qu'à minuit la ville était en état de défense, contre des Espagnols s'entend. La garnison ne disposait que de quatre petites pièces d'artillerie légère et de 60 cartouches par homme, mais les soldats défirent les balles, les coupèrent en huit, afin que chaque coup de fusil portât. L'enthousiasme était général, et chaque soldat répétait que la garnison de Lugo ne capitulerait pas. "Moi, disait l'un, je me charge, s'ils viennent ici pour monter à l'assaut, d'en larder six pour ma part. - A chaque coup de fusil, disait un autre, j'en abats deux ou trois. " On brûla des maisons qui pouvaient favoriser l'approche de l'ennemi en dehors des remparts, on coucha sur les murailles et on ne dormit que d'un oeil. Ce qui inquiétait le plus le colonel Fririon, c'est qu'il craignait de manquer de vivres. D'ailleurs, les Espagnols qu'on se proposait de si bien recevoir ne bougèrent pas et se contentèrent d'envoyer tellement de parlementaires que le colonel, fatigué de ces menaces absurdes, répondit au général espagnol "que le premier parlementaire qui viendrait serait pendu et que, comme Rodrigue, qui ne craint point la mort ne craint pas les menaces". Le troisième jour, au lever de l'aurore, le camp espagnol était levé; instruits de l'approche de l'armée du maréchal Soult qui rentrait de Portugal par Orense, les Espagnols s'étaient retirés dans les montagnes, leur refuge habituel" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Il est convenu entre Ney et Soult que le 6e Corps s'engagera dans le nord de la Galice pour détruire les insurgés et les établissements anglais, pendant que le 2e descendra l'une des rives du Minho pour joindre et écraser le marquis de la Romana et couvrir le 6e Corps. En conséquence, le Maréchal Ney rassemble son Corps d'armée à Santiago-de-Compostelle.
Le Capitaine Marcel écrit (les dates ne correspondent pas avec celles des historiques régimentaires) :
"Ce fut au sein de ces délicates distractions que nous apprîmes qu'un bataillon du 6e léger, envoyé à Villafranca pour correspondre avec Astorga, après s'être battu jusqu'à la dernière cartouche, avait été en partie massacré et le reste fait prisonnier : ces 600 hommes avaient lutté pendant trois jours contre 6000 assaillants. En même temps, nous étions avisés qu'un corps de 8 000 Espagnols, partant de Vigo, devait marcher sur Saint-Jacques et enlever la garnison (Note : La situation était mauvaise, beaucoup de garnisons étaient pour ainsi dire bloquées. "Marchand est presque assiégé à la Corogne et au Ferrol, Maurice Mathieu à Oviédo et à Gijon, Maucune à Compostelle et Fournier à Lugo. Tous ne savent de l'ennemi que ce qu'ils peuvent voir par leurs propres yeux - Jean Morvans, le Soldat impérial, t. II, chap. II, p. 114). Le maréchal Soult, qui opérait dans les Asturies, envoya un bataillon du 76e qui était à la Corogne pour nous renforcer : les paysans nous assuraient que ces troupes n'étaient qu'à deux lieues de nous, et pourtant le général Maucune envoyait chaque jour des chasseurs à cheval en reconnaissance, qui rentraient sans avoir rien rencontré. Un matin pourtant, un chasseur du 15e, parti avec un lieutenant et six de ses camarades, revint blessé : la patrouille était tombée dans le gros des ennemis, il en avait seul réchappé. La garnison se mit sur ses gardes et, pendant plusieurs nuits, les soldats dormirent avec leurs armes pendant que de forts piquets veillaient" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat de Santiago (Saint-Jacques de Compostelle)
Le 23 mai 1809, les Espagnols commandés par le général Carrera se portent sur Saint-Jacques de Compostelle. Leur effectif est d'environ 16000 hommes : 8000 soldats et 8000 paysans armés (Mémoires du maréchal Jourdan, p. 202.). Le Capitaine Lemoine est tué dans les combats à Santiago. Sont également tués le Sergent Largier, le Grenadier Liros, les Fusiliers Thieslin, Tissu, les Grenadiers Guérin et Helmel, le Sergent major Gauthier, le Grenadier Guillin, les Sergents Enock, Carré, Bouchon, et le Tambour Bergue.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Enfin, le 23 mai 1807 (sic), nous reçûmes l'ordre de toucher les vivres de plus grand matin qu'à l'ordinaire; on distribua de l'eau-de-vie et le général Maucune donna l'ordre à notre bataillon de se préparer à marcher avec deux bataillons du 6e léger : le dernier bataillon de ce régiment restait pour garder la place. Nous partîmes vers les dix heures du matin, les compagnies de voltigeurs à l'avant-garde. Ma compagnie, que commandait le capitaine Lemoine, marchait derrière celles du 6e léger. Mon lieutenant, M. d'Avesnes, était très faible et marchait avec difficulté; malade à l'hôpital depuis deux mois, il s'était relevé quand il avait su que nous allions à l'ennemi et avait repris sa place au milieu de nos braves voltigeurs. Malgré les représentations amicales du capitaine et des sous-officiers, il ne voulut pas s'arrêter lorsque le général donna à l'avant-garde l'ordre d'engager le combat. Le gros de l'emnemi était en position à un tournant de la grande route; deux colonnes, pouvant compter 3900 hommes chacune, étaient massées sur des coteaux assez élevés à droite et à gauche et, sur un mamelon en face de nous, était placée l'artillerie. Les tirailleurs espagnols, bien qu'en très grand nombre, plièrent devant les voltigeurs du 6e, mais la route, pleine de sinuosités, empêchait la compagnie de manoeuvrer, et nos canons ne pouvaient guère inquiéter les leurs qui nous faisaient beaucoup de mal. Pour brusquer l'affaire, le capitaine Lemoine nous fit déployer, se mit en tête de la compagnie et arriva au pas de charge; malgré les boulets et la mitraille qui pleuvaient, nous nous précipitâmes sur les pièces, mais, par le plus grand des malheurs, dix pas avant d'arriver sur la batterie, le brave Lemoine fut tué par un biscaïen. Les réserves ennemies, voyant l'audace de ces 200 hommes, avancèrent et firent sur nous un feu tellement vif que nous eûmes bientôt le tiers de notre monde hors de combat et dûmes nous retirer dans un petit bois pour nous rallier. Je vis rapporter le lieutenant d'Avesnes, qui était tombé de fatigue et serait devenu la proie de l'ennemi sans le courage de quelques voltigeurs qui coururent à la baïonnette sur les Espagnols qui arrivaient en hurlant et purent, en le chargeant sur leurs épaules, sauver leur lieutenant. D'autres hommes étendirent au pied d'un arbre le corps du capitaine Lemoine. Toute la compagnie était plongée dans le plus profond abattement et les voltigeurs disaient : "Nous avons perdu notre père. " Le capitaine Lemoine était connu dans tout le 6e corps pour sa belle conduite à Guttstadt, le 6 juin 1807 : le maréchal Ney l'avait en grande estime et l'Empereur l'avait fait officier de la Légion d'honneur après Friedland. Nous ne pouvions retenir nos larmes en songeant qu'il ne nous conduirait plus au combat et que nous n'entendrions plus sa voix. Le sergent-major, vieux soldat d'égypte, prit le commandement de la compagnie, car notre lieutenant avait été emporté en arrière et le sous-lieutenant n'était pas là. "Camarades, nous dit le sergent-major, ne perdons pas courage et ne songeons qu'à venger le capitaine : malgré les boulets et la mitraille, nous courrons sur les pièces et elles seront à nous. " Il y avait aussi à la compagnie un sergent nommé Lagier qui était depuis vingt-deux ans au 69e et avait fait toutes les campagnes avec le capitaine Lemoine ; resté en arrière avec quelques hommes, il accourut en apprenant la mort du chef qu'il aimait; en proie à un désespoir profond, il s'agenouilla devant le cadavre qu'il contempla et salua militairement; puis il prit la croix du capitaine, sachant que l'honneur français exige que ce prix de la valeur ne soit pas abandonné aux hasards des combats, en présence d'ennemis aussi sauvages que les Espagnols. Quelques instants après, frappé d'une balle qui lui brisa les deux cuisses, il expirait à son tour. Pendant ce temps, pressé par les circonstances, le général Maucune avait peu à peu été amené à déployer ses trois bataillons en tirailleurs, de sorte qu'il ne nous restait plus de réserve. Il y avait sept heures que nous soutenions, sans en être ébranlés, le feu d'un ennemi six fois supérieur; le général venait d'être blessé et il était bien difficile d'opposer une plus longue résistance car nous étions très affaiblis par nos pertes et, sur nos flancs, s'avançaient deux colonnes qui menaçaient de nous cerner. Nous commençâmes donc la retraite en bon ordre, profitant de toutes les positions avantageuses pour attendre l'ennemi et lui servir des feux de mousqueterie et d'artillerie qui le rendaient timide (Note : Le général Maucune, qui était à Saint-Jacquesde Compostelle avec quatre bataillons, le 15e chasseurs et 6 piècesde canon, n'hésita pas à se porter au-devant du général Carrera et à livrer bataille; après un engagement long et meurtrier, le général dut se retirer. Parmi les blessés se trouvait le général Maucune et parmi les tués plusieurs officiers distingués - Mémoires du maréchal Jourdan, p. 202.)
Le terrain fut défendu pied à pied jusqu'à la ville, et nos bagages et nos ambulances eurent le temps de filer sur la route de la Corogne où était notre quartier général. Il était presque nuit lorsque nous arrivâmes à Saint-Jacques; notre bataillon, qui formait l'arrière-garde, fut relevé par celui du 76e. Nous traversâmes la ville par sections et, quoique l'ennemi ne fût pas encore arrivé, dans toutes les rues les habitants, qui étaient si bien avec nous le matin même, nous fusillaient au passage par les croisées et par les soupiraux des caves : la compagnie de voltigeurs du 76e eut 30 hommes hors de combat en moins d'une demi-heure. Je manquai d'être brûlé par la poudrière qui était à l'entrée de la ville et à laquelle on mettait le feu au moment où nous entrions; trois soldats furent grillés et, le lendemain, je vis ces malheureux marchant pieds nus par une chaleur excessive, n'ayant qu'une chemise sur le corps qui était couvert de cloches et aussi noir que celui d'un nègre.
Nous primes position près d'une petite rivière, à deux lieues en arrière de la ville, pour y attendre l'ennemi et résister jusqu'à ce qu'on nous envoyât des renforts (Note : Le maréchal Jourdan dit que la colonne du général Maucune se retira près de Sirgoeyra, derrière la petite rivière de la Tambre). La chaleur avait été brûlante dans la journée, mais la nuit fut si froide que des glaçons pendaient le matin à nos moustaches; il en est ainsi dans cette partie de l'Espagne : de neuf heures du matin à huit heures du soir, à peine peut-on supporter la chaleur et, jusqu'au lendemain matin, le froid est vif. Nous comptions sur une visite matinale de messieurs les pouilleux d'Espagnols, mais, contents sans doute de leur succès de la veille, ils firent sonner les cloches toute la journée et nous laissèrent bien tranquilles. Au rapport fait par le commandant Duthoya avec les sergents-majors, il fut reconnu que nous avions perdu 5 officiers et 126 hommes dont 21 restés morts sur le champ de bataille. Le grenadier Guyotot, né comme moi aux Riceys, avait été blessé d'une balle dans l'épaule : nous voulions l'emporter, mais sa blessure le gênait tellement que je le fis placer dans une maison où je comptais qu'il serait bien; les ignobles soldats espagnols lui firent les mille horreurs, lui arrachant les moustaches et les cheveux, le frappant à coups de crosse, de sorte qu'il mourut bien plutôt des suites de ce traitement barbare que de sa blessure. Nous ne reçûmes de secours que lorsque le maréchal Ney revint des Asturies" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 30 mai, le Fusilier Leclerc est tué à Betauzor.
Le Capitaine Marcel écrit :
"En rentrant de son expédition, le maréchal Ney félicita la garnison (de Lugo) et le général Fournier, mais cet officier général, aussi modeste que courageux, lui dit : "Monseigneur, c'est au zèle et au dévouement du colonel Fririon et de ses braves soldats que vous devez la conservation de Lugo". Le duc d'Elchingen réunit les deux divisions et renvoya le régiment à Saint-Jacques de Compostelle, où les Espagnols n'étaient restés que deux jours. A notre approche, la plupart des bourgeois se sauvèrent, car ils craignaient de justes représailles en raison de leur lâche conduite au moment du dernier combat, mais nos soldats ne commirent aucun dommage. Les jeunes beautés qui avaient embelli notre séjour étaient parties et nous ne les revîmes plus.
Nous retrouvâmes, à notre grand étonnement, quelques blessés qui n'avaient pu être emmenés et que nous croyions bien avoir été massacrés. De ce nombre était un officier, le capitaine Collin du 6e léger, que nous avions laissé dangereusement blessé et que les médecins n'espéraient pas guérir.
Je dois vous raconter l'aventure extraordinaire qui arriva à cet officier. Lorsque les secours de l'art et surtout sa jeunesse et sa vigueur l'eurent tiré du sommeil léthargique où il avait été plongé pendant quelques jours, il commença à faire mille questions sur le lieu où il se trouvait, sa blessure, en un mot sur tous les sujets qui intéressent si vivement l'homme qui se sent revivre. La religieuse chargée de le soigner, lui répondit avec autant de modestie que si elle n'avait pas contribué essentiellement à sa guérison et autant d'exactitude que si elle ne l'avait pas quitté un seul instant. Il voulut voir celle qui lui donnait avec tant de complaisance les détails qu'il demandait avec tant d'avidité. Il entr'ouvre les rideaux! Quelle est sa surprise en apercevant à côé de son lit une personne charmante qui ne paraissait pas avoir plus de dix-huit ans : des yeux où se lisaient la bonté et la candeur, un regard timide et caressant, en un mot une de ces physionomies tendres, spirituelles et mélancoliques qui ont un attrait plus puissant que la beauté ; joignez-y une taille souple et admirable, un maintien noble, des grâces toutes naturelles et rendues plus piquantes par la nécessité de les chercher sous un habit qui irritait les désirs. M. Collin, étonné de trouver un être aussi charmant dans l'asile de la douleur, le fut bien plus encore quand il sut que cette religieuse, qui s'appelait Adelina, avait été sa seule garde pendant qu'il avait perdu connaissance, qu'elle avait passé ses journées à le servir, ses nuits à le veiller avec une patience et un courage admirables; en un mot, il lui devait la vie.
Né avec un de ces tempéraments de feu qui rendent les hommes si aimables mais en même temps si malheureux, le capitaine Collin n'envisageait la reconnaissance que comme un dévouement, et tous ses sentiments se transformaient en passions: il crut qu'il ne témoignerait jamais assez de reconnaissance à celle qui lui avait témoigné tant de dévouement. Il n'osait plus accepter ses services, voulant déjà commencer, disait-il, à s'acquitter des dettes immenses qu'il avait contractées. Il ne pouvait souffrir qu'elle le veillât et exigeait qu'elle allât prendre du repos, mais bientôt il n'en fut plus pour lui. Une passion violente s'empara de son coeur et, malgré tous ses efforts, il fut impuissant à la dissimuler; il s'en aperçut un jour à la réserve subite d'Adelina et, craignant de tout perdre, osa se déclarer. Adelina repoussa son amour, mais au prix de quelles souffrances cachées ! Quand le service m'en laissait le temps, j'allais souvent visiter le capitaine Collin et j'étais témoin des soins que lui prodiguait celle qu'il aimait : quelquefois elle pansait la plaie et j'y voyais tomber quelques larmes, qu'elle s'efforçait en vain de retenir et de cacher; quant au capitaine, il ne lui parlait pas, mais ses regards étaient brûlants et son silence passionné. Adelina était soutenue par une piété réelle, le souvenir de ses voeux, mais ce qui devait arriver arriva : elle céda, mais le jour qui fut pour son amant le comble de la félicité, fut pour elle le comble du désespoir. Les préjugés religieux, les plus tyranniques de tous, jetèrent l'épouvante dans sa conscience et livrèrent cette âme douce et timide à la mortelle activité des remords. Elle ne put résister à une affliction aussi aiguë : tant de trouble, de combats d'amour, de regrets, de désirs, de nuits de veille passées auprès de son amant, ruinèrent une constitution déjà faible; une fièvre violente s'empara d'elle et la conduisit rapidement au tombeau. Le désespoir du capitaine Collin fut effrayant : après un accès terrible, il tomba dans une sorte de prostration, ne dormant plus, mangeant à peine et regardant toujours fixement un point de la chambre où il était couché. Un jour que nous lui reprochions amicalement son indifférence pour nos soins, il nous dit: " Mes amis, je vous suis reconnaissant des consolations que votre amitié me prodigue, mais elles sont inutiles, car Adelina est revenue : elle m'a annoncé que je ne tarderais pas à la rejoindre, et même en ce moment elle est là et vous avez interrompu l'entretien que j'avais avec elle." En même temps il désignait de la main un fauteuil vide placé dans un coin de la chambre. Je dois avouer que, bien que nous fussions affranchis depuis longtemps des ténèbres de la superstition, ces paroles nous glacèrent d'effroi et, malgré nous, tous nos regards se portèrent vers le fauteuil : Collin ne s'occupait d'ailleurs plus de nous et, les yeux fixés vers l'apparition invisible pour nous autres, semblait continuer une conversation surnaturelle" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat de San-Payo
Le 7 juin, Ney arrive au pont de San-Payo, où il bat 13000 Espagnols, disposant de deux mortiers et neuf canons.
"Ce pont est le pont de San-Payo, où s'était déjà livré un combat en avril et qui avait été détruit par les Espagnols. Il y avait là 10 à 12000 Espagnols dont 4000 soldats, le reste paysans, le tout aux ordres du général Noronha, qui prenait le titre de général en chef de l'armée du Minho. Les Anglais avaient 2 vaisseaux et 5 frégates dans la baie de Vigo ; ils en avaient fait débarquer les équipages qui défendaient la ville ainsi que des retranchements élevés à la pointe de Rande" ("Campagnes du Capitaine Marcel"; note page 64).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Ce même jour, 7 juin 1809, le maréchal Ney arriva à Saint-Jacques avec son état-major et donna l'ordre de départ pour le lendemain. Le 10, nous arrivâmes devant le pont de San Pablo que l'ennemi avait coupé : il s'était retranché derrière les rochers qui avoisinent le pont et, comme la mer remonte jusqu'à ce pont qui est près de l'embouchure d'une petite rivière, la position était très forte. Le maréchal Ney envoya à marée basse un aide de camp pour reconnaître si l'endroit où il espérait passer était guéable; les Espagnols firent un feu continuel sur cet officier, les balles tombaient autour de lui comme la grêle et je ne puis me figurer comment il ne fut pas criblé. Il revint fort heureusement, après avoir rempli sa mission, et rendit compte qu'il était possible de passer, bien que l'on enfonçât jusqu'à la ceinture dans la vase et le limon que la mer laissait en se retirant. Le lendemain, à quatre heures du matin, quatre compagnies de grenadiers et quatre compagnies de voltigeurs, dont la mienne, se rendirent à l'endroit guéable reconnu par l'officier. Arrivés au bord de la mer, nous vîmes les Espagnols qui prenaient des dispositions pour que le bain que nous nous disposions à nous offrir ne fût pas agréable pour tout le monde : nos colonnes étaient formées et nous allions nous mettre à l'eau lorsqu'un officier d'état-major, arrivant au galop, nous apporta l'ordre de ne pas attaquer et de revenir" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Après sa victoire, Ney se dispose à chasser les ennemis de tout le littoral de la Galice; mais il reçoit avis que Soult, retiré sur la Castille, l'abandonne à ses propres forces, sans aucun avertissement.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous apprîmes que le roi Joseph avait envoyé aux maréchaux Ney et Soult l'ordre d'abandonner la Galice et de se porter sur Madrid que menacait l'armée anglo-portugaise ; il ne s'agissait que d'une bagatelle de 130 lieues à faire. Nous fîmes donc demi-tour et revînmes encore à Saint-Jacques de Compostelle, où le régiment ainsi que le 6e léger restèrent quelques jours pour assurer l'évacuation entière du pays à nos blessés, malades et à nos bagages. Ce fut avec une profonde surprise que nous vîmes le capitaine Collin debout et, quoique non encore guéri, revenir prendre sa place à la tête de sa compagnie.
Le surlendemain, le 69e partit pour la Corogne avec un bataillon du 6e léger, justement celui de l'infortuné Collin. Les habitants de la Corogne donnèrent une fête publique où s'étaient rendues toutes ces femmes méprisables qui conservent, dit-on, les moeurs d'une ville en les corrompant. Nous les examinions en parcourant le bal, deux officiers du 6e léger et moi, lorsque nous fûmes surpris de voir, parmi ces Laïs, une jeune personne dont la ressemblance avec Adelina était frappante. Nous courons vers un troisième officier et lui demandons s'il veut que nous lui montrions le portrait de la maîtresse de Collin, probablement plus exact et sûrement plus réel que celui dont ce malheureux était obsédé: l'officier vient, regarde, et bientôt sa surprise égale la nôre. L'idée nous vient aussitôt de profiter d'une circonstance aussi singulière pour mettre un terme aux maux de notre ami. Persuadés que le fantôme qui le poursuivait ne tiendrait pas contre l'objet réel que nous lui opposerions et que son imagination serait désabusée lorsque ses sens seraient frappés, nous nous déterminâmes à lui présenter, sous les habits d'Adelina, celle qui en avait la figure; nous convînmes avec la courtisane du déguisement qu'elle devait prendre, du lieu où elle devait se rendre, du signal auquel elle devait obéir quand elle devrait avancer, de son attitude, de sa démarche, en un mot de tout ce qu'exigeait le rôle qu'elle devait jouer. Nous allons trouver Collin et lui demandons une preuve d'amitié : "Nous partons, lui disons-nous, et peut-être ne nous reverrons-nous plus; bien que nous vous sachions encore à peine rétabli, venez souper avec nous, coeurs sensibles qui vous aimons. " Il n'ose refuser, il arrive, on se met à table Il n'avait pas dit un mot et le repas allait finir lorsque, pour provoquer l'émotion nécessaire à ce que nous voulions obtenir, nous lui parlons du jour fatal où il reçut le dernier soupir de son amante. Sans nous répondre, il sourit, regarde fixement un lieu peu éclairé qui était vis-àvis de lui et, étendant les bras, fait le geste d'attirer à lui et de serrer dans ses bras l'objet que son désir lui réalise. Nous donnons à l'instant le signal, et la fausse Adelina entre : il l'aperçoit, recule précipitamment, frissonne et s'écrie : " Mes amis, mes amis, sauvez-moi, je suis perdu ! Je n'en voyais qu'une et voici que j'en vois deux ! " Nous voulons lui démontrer son erreur, il ne nous entend pas, tombe en convulsions et meurt quelques heures après en prononçant Le nom d'Adelina. Le lendemain matin, nous le conduisîmes au champ du repos avec tous les honneurs dus à son grade : les soldats de sa compagnie réclamèrent l'honneur de porter eux-mêmes le corps de leur brave capitaine" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Evacuation de la Galice
Cessant d'être soutenu par l'armée de Portugal et exposé à être attaqué de toutes parts, Ney évacue la Galice, ce qui est exécuté immédiatement, sans que l'ennemi tente de s'opposer à son passage dans les défilés.
"L'habillement et la chaussure des troupes étaient usés, les officiers sans argent, les ressources des corps épuisées et la solde due depuis huit mois. Voilà dans quel état nos troupes quittèrent la Galice qui aurait pu leur fournir d'abondantes ressources" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 27 juin, les Sergents Jourdans et Hugoniot sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le jour même nous partîmes, en laissant avec bien des regrets quelques officiers et soldats dont les blessures ne permettaient pas le transport. J'eus l'occasion de revoir quelques années après plusieurs de ces malheureux qui avaient pu échapper à leurs geôliers, et qui déclarèrent qu'après notre départ, on les mit sur un ponton où ils furent indignement traités. Nous traversâmes Bettanzos (Note : Betanzos, sur la rive gauche du Mandeo, n'est pas un port de mer, puisque situé à environ une lieue et demie de la côe - Carte itinéraire de l'Espagne à 1/140000e dressée en 1823), joli petit port de mer dont les magasins étaient si bien fournis, qu'après que le corps d'armée eût reçu pour huit jours de vivres, les employés, ne pouvant tirer parti du reste, le livrèrent au pillage. Le camp fut en un instant garni de viande salée, de riz, de pain, de farine, de lard, de vin, d'eau-de-vie, en un mot de toutes sortes de comestibles. Nous passâmes aussi à Lugo, où nos bataillons avaient été bloqués, et où l'on distribua du biscuit anglais; je n'en ai jamais vu d'aussi blanc et d'aussi bien fait : quand on en mettait un dans le vin, il devenait comme une brioche de six sous et on m'a assuré que l'eau employée pour faire la pâte était savonneuse. Nous revîmes Villafranca et Cacabellos, que nos soldats saluèrent de leurs malédictions : soit que les habitants se fussent sauvés au passage du corps du maréchal Soult, soit qu'ils ne fussent pas revenus depuis leur première évacuation, ces localités étaient désertes comme à notre arrivée" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Arrivé à Benavente, le 6e Corps d'armée reçoit ordre de se porter en toute hâte vers le Tage, afin de se réunir à l'armée du centre et d'arrêter les anglais en marche sur Madrid.
En effet, Wellington, qui a défait Soult le 11 mai à Oporto l'a rejeté, a été libre de s'avancer vers la capitale par la vallée du Tage. Il approche de Talavera. Le Roi Joseph, marchant à sa rencontre, a envoyé à Soult et à Ney l'ordre de descendre du Douro sur les derrières de l'ennemi.
Le Commandant Giraud écrit :
"Benavente, le 6 juillet 1809.
Toujours détaché avec ma compagnie et ne pouvant que rarement profiter des courriers qui partent tous du quartier général de notre division, je suis souvent obligé de profiter d'un détachement qui rentre en France. L'officier qui le commande porte alors mes lettres pour les mettre à la poste de Bayonne, ou à Bordeaux, à moins qu'il ne soit pris ou arrêté en route par les guérilleros qui ne manqueront pas de le pendre haut et court.
Les capitaines Reboul, Grasset et Poupon partent aujourd'hui pour Luxembourg où ils vont attendre la liquidation de leur retraite.
Le colonel me fait connaître que le maréchal Ney lui demande un mémoire de proposition pour l'avancement dans tous les grades et qu'il me propose pour chef de bataillon.
Les Espagnols nous détestent ; il n'y a de soumis que ceux qui sont contenus par nos troupes. Il faut même se méfier de ceux qui nous font bon accueil.
Nous sommes restés dans la province de Galice du mois de janvier 1809, au 16 juin suivant, vivant de réquisitions, mal nourris, mal couchés.
A Astorga, les petites et belles Espagnoles que nos soldats saluaient en passant, y répondaient par une grimace et des sottises, montraient leurs belles dents blanches et quelquefois le poing.
Les Espagnols, regrettent les cloches de leurs églises que l'on a transportées en France pour en faire des canons à notre usage" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel écrit :
"En quittant Astorga, nous entrâmes dans le royaume de Léon, dont les habitants n'avaient pas fui. Le 20 juillet, à Zabaguessa, il y eut revue du commissaire des guerres ; plusieurs officiers et soldats partirent pour le dépôt qui était à Luxembourg afin d'obtenir leur retraite. Pendant dix jours, le régiment prit ses cantonnements à Santa Christiana de Polvorosa, près de Benavente, puis l'ordre arriva d'entrer en Estramadure, afin d'arrêter les Anglo-Portugais qui se dirigeaient sur la capitale de l'Espagne que n'occupaient que quelques troupes françaises. Nous marchions à grandes journées, maisle 69e était dur à la fatigue et le soldat de bonne humeur : " Nous allons enfin nous regarder dans le blanc des yeux avec messieurs les Goddem", disaient en riant les voltigeurs.
A Toro, jolie petite ville située sur le Douro à 6 lieues de Zamora, nous fûmes logés dans un des nombreux couvents de la ville; deux bataillons étaient au couvent des capucins : quelques-uns de ces derniers étaient restés, quoique tremblants de peur, et nous firent boire d'excellents vins. Nous traversâmes aussi le village de Fuentes de Saonos, renommé pour ses vignes, et, au sommet d'une côe, nous aperçûmes soudain, à 4 lieues devant nous, les tours des majestueux édifices de la fameuse Salamanque. Le 69e entra musique en tête dans cette ville par la rue qui conduit à la Plaza Mayor, et, en attendant que le logement fut fait, le colonel nous fit former sur la place. Je n'avais, jusqu'alors, rien vu d'aussi beau et d'aussi régulier que cette place, qui peut contenir 2000 hommes en bataille et 8000 en colonne; sept rues principales y aboutissent, les maisons bâties à l'entour sont absolument uniformes, un balcon de fer fait le tour de la place, quelques pointes de fer marquant seulement la séparation de chaque propriétaire. Des voûtes, ouvertes sur la place par de grands arceaux, en font une promenade d'autant plus agréable que la fraîcheur y règne par les plus grandes chaleurs ; sous ces voûtes sont de très jolies boutiques contenant des marchandes encore plus jolies : on pouvait y admirer en particulier une belle cordière et une charmante marchande de bonbons. Les bustes en marbre des rois d'Espagne jusqu'à Charles IV étaient tous placés en ordre à hauteur de l'entresol, on y avait même ajouté Joseph Napoléon, mais les Espagnols l'en arrachèrent après notre départ et, après l'avoir traîné dans les plus sales ordures, le brisèrent. La cathédrale nous parut un chef-d'oeuvre d'architecture : le portail sculpté est comme celui de Reims, l'intérieur est d'une très grande richesse et la tour peut être comparée à celle du Panthéon de Paris. Les Espagnols appellent Salamanque la " Mère des Vertus, des Sciences et des Arts" On prétend en effet qu'il y existe vingt-quatre collèges; nous n'y vîmes que cinquante-sept couvents, tant d'hommes que de femmes, tous situés dans les endroits les plus salubres et les plus agréables. La plupart de ceux de religieuses étaient habités, mais on n'y envoya personne : nos soldats furent logés dans ceux d'hommes qui étaient tous évacués et, comme il n'y avait ni bois ni paille, ils pourvurent à leur installation à la façon habituelle ; quand, au bout de trois ans, l'armée quitta la région, ces édifices, où régnaient le luxe et l'opulence, étaient presque entièrement détruits ou brûlés.
Notre séjour à Salamanque ne fut malheureusement pas de longue durée; après avoir reçu quatre jours de vivres qu'il fallut d'ailleurs faire durer pendant vingt jours, nous prîmes la route de Puerto-Bagnos. Notre première étape fut San Pedro de Rosado, à 7 lieues de Salamanque: il fallut camper en plein air dans un terrain sec, aride, garni de chênes verts, où nos soldats s'installèrent en maugréant. Un de mes camarades du 2e bataillon, Leblanc, vint partager avec moi une bouteille de bon vin qu'il avait emportée et me raconta qu'il avait couché, à Salamanque, dans une maison si honnête qu'on lui avait pris, pendant la nuit, son habit, son shako et son fusil, probablement pour qu'il ne fût pas trop chargé en route. Le lendemain on cantonna à Bagnos, où les soldats trouvèrent beaucoup de vin et une si grande quantité de cassonade que, toute la nuit, le vin chaud nous fit oublier nos fatigues. Un vieillard me raconta que ce produit était apporté de Portugal par des contrebandiers, qui en faisaient là un dépôt où les arrieros venaient s'approvisionner.
Les chaleurs étaient excessives : nos soldats, à part quelques égyptiens, avaient surtout fait campagne dans le nord de l'Europe et les supportaient assez difficilement; aussi, comme le vin était en abondance, la peau de bouc, le bidon, la gourde étaient toujours remplis et aussi souvent vidés. Je n'ai jamais vu en Languedoc ou en Roussillon de vin aussi fort, aussi épais et aussi noir que dans ce pays; les soldats étaient entrés dans les foudres jusque par-dessus la tête; aussi, malgré l'eau et le savon qu'ils employèrent pour se nettoyer, ils furent teints de la couleur chère à Bacchus pendant au moins quinze jours" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 6e Corps arrive trop tard, le 4 août, à Plasencia; car le Roi vient de subir un échec, le 28 juillet, à Talavera; mais Ney peut du moins enlever à Wellington le fruit de sa victoire, en l'obligeant à se replier au Sud du Tage. Ney reçoit alors l'ordre de rétrograder vers Salamanque.
"Dans cette marche nos hommes n'ayant ni pain ni viande vivaient de froment récolté qu'ils écrasaient entre des pierres pour en faire de la farine, ou le faisaient griller" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
- Combat de Banos
Isolé de nouveau, le 6e Corps est chargé de combattre les insurgés de la Vieille Castille, commandés par le Duc del Parque, qui, des Asturies, a rejoint devant Ciudad-Rodrigo les troupes anglaises de Beresford; il rencontre, le 12 août, sir Robert Wilson en position à Banos, le bat et continue sa route sur Salamanque.
Le Commandant Giraud écrit :
"Salamanque, le 25 août 1809.
C'est à n'y rien comprendre. Nos correspondances ne sont pas plus faciles en pays de plaines que dans les montagnes de la Galice. Je ne sais si le capitaine Grasset qui s'était chargé de porter mes lettres à Bayonne, a pu passer la frontière; car les communications sont toujours interceptées.
Nous sommes ici comme l'oiseau sur la branche. Nous restons rarement huit jours dans le même endroit. Il faut espérer que l'empereur trouvera d'autres moyens que celui des armes, pour pacifier l'Espagne et mettre fin à une guerre très malheureuse pour les deux partis, et interminable peut-être, en raison de la résistance qu'on nous y oppose. Partout, nous n'y dormons que d'un oeil.
Dans une expédition que nous venons de faire, contre les Anglais, les Espagnols, les Portugais, nous avons éprouvé des privations inouïes. A notre approche, les habitants désertaient les villes et les villages, emportant tout, faisant le vide, en avant de nous. Cela nous a mis dans une disette extrême, de sorte que nous avons manqué de tout ce qu'il y a de plus commun partout : l'eau. Oui !... l'eau... Néanmoins les Anglais ont été battus et se sont retirés en Portugal, avec les troupes de cette nation. Les Espagnols ont été battus également et se sont retirés en Andalousie.
Actuellement, nous jouissons d'un repos relatif. Ce repos sera-t-il de longue durée ?... Je ne le crois pas...
Le bruit court que l'empereur doit revenir en Espagne, en y amenant un gros renfort. Nous aurons peut-être le bonheur d'être passés en revue par lui. Qu'il y vienne donc et au plus vite. Car si mon colonel ne tient pas sa promesse, je suis décidé à quitter la partie et à prendre ma retraite. J'en ai par dessus les épaules de la guerre telle que nous la faisons ici" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 30 juillet, nous arrivâmes, à Plasencia, où nous apprîmes la victoire de Wagram; nos soldats comptaient bien la célébrer comme il convient, mais il n'y eut pas de distributions : il ne restait pas 20 habitants dans la ville, et les troupes du maréchal Soult, qui nous précédaient, avaient tout saccagé. Le régiment fut placé dans un couvent où il y avait au moins 1000 balles de coton pesant bien 600 livres chacune : les hommes poussent des cris de joie et se font de bons lits de coton; je m'installe dans une cellule et me couche lorsque j'entends crier au feu. Tout le coton brûlait avec une rapidité telle qu'il fallut sauter par les fenêtres : quatre hommes du bataillon furent brûlés vifs. Nous laissâmes tranquillement flamber le couvent et passâmes la nuit à la dure sur la place voisine. Ce fut avec plaisir, d'ailleurs, que nous quittâmes cette ville : l'air était empesté et malsain; les Anglais avaient laissé dans l'hôpital 1 500 malades avec des chirurgiens et des médecins, et, malgré les soins dont ils étaient entourés, ils mouraient comme des mouches.
Ce fut à ce moment que se présenta l'occasion d'anéantir totalement l'armée anglaise sans que ni hommes ni chevaux ni bagages pussent s'échapper (Note : L'armée espagnolede Cuesta (40000 hommes) venait de passer le Tage à Almaraz et à l'Archobispo.Wellington,concentré à Plasencia, opérait le 20 sa jonction avec le général Cuesta. Un corps hispano-portugais de 6000 hommes, commandé par le général anglais Wilson, marchait par les montagnes sur Escalona. L'armée de Béresford se tenait sur les frontières de Portugal vers Almeïda, et une partie de l'armée de La Romana était à Ciudad-Rodrigo, tenant les cols entre Salamanque et Plasencia. Du côé français, le 3e corps (Soult) était à Salamanque et Zamora, le 5e (Mortier) à Valladolid, le 6e (Ney) à Benavente, Astorga et Léon. Le plan des Anglais et des Espagnols était de forcer les Français à s'éloigner du Tage afin de donner à Venegas la facilité de passer le fleuve et de se réunir à eux pour marcher sur Madrid. Il s'agissait donc d'empêcher cette réunion, ou du moins de la retarder le plus longtemps possible en attendant le secours du duc de Dalmatie, et de déterminer dans quelle direction devait marcher ce maréchal - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 251-252).
Cette armée suivait dans la plus parfaite sécurité la route de Badajoz à Madrid, ne pouvant croire qu'une armée qui se trouvait au 1er juillet en Galice pût, malgré un repos de dix jours à Benavente, faire un trajet de 130 lieues en montagne avec une nombreuse artillerie en moins de dix-sept jours et arriver à temps pour l'empêcher de s'emparer de la capitale. Il paraît donc que l'armée française qui se trouvait devant les Anglais et qui était inférieure en nombre, devait rétrograder à petites journées jusqu'au jour de notre arrivée sur les derrières de l'ennemi. Le mouvement fut parfaitement exécuté comme il était convenu entre le roi Joseph et les maréchaux Soult et Ney, et nous arrivâmes derrière l'armée anglaise, qui marchait toujours, à trois petites journées d'elle (Note : Le mouvement du maréchal Soult devait être décisif puisqu'il plaçait le général anglais entre deux armées et l'on pouvait d'autant mieux compter sur sa réussite que l'ennemi n'avait, pour couvrir son flanc gauche et ses derrières, que des détachements laissés par le général Cuesta au col de Banos - Victoires et Conquêtes, t. XIX, p. 290). Mais le maréchal Jourdan, major général de l'armée du roi, ayant reçu quelques renforts, décida Sa Majesté à ne point laisser envahir Madrid, ce qui produirait mauvais effet sur les Espagnols et l'assura de la presque certitude du gain de la bataille : peut-être aussi y eut-il d'autres motifs que je ne connais pas qui décidèrent le roi Joseph à attendre les Anglais à Talavera de la Reina (Notes : Nous sûmes seulement le 10 août que notre mouvement depuis Salamanque avait eu pour but de nous porter sur les derrières de l'armée anglaise, qui, attaquée de front par le roi Joseph en personne, pouvait ainsi se trouver dans une position désespérée; nous sûmes aussi qu'une grande bataille venait d'être livrée à Talavera et que, soit mésintelligence entre nos maréchaux, soit lenteur dans notre marche de flanc qui aurait dû être très rapide, soit enfin habile manoeuvre du général anglais, nous venions de voir s'évanouir les plus belles espérances - FANTIN DES ODOARDS, p. 258 259). L'armée française prit position hors de la ville, la gauche appuyée au Tage; l'armée anglaise resta sur les hauteurs, la droite au pont magnifique jeté sur le fleuve; le général anglais avait peut-être appris que nous arrivions à grandes journées sur ses derrières et empêchions sa retraite par la route de Lisbonne ou celle de l'Estramadure, aussi s'était-il ménagé celle de l'Andalousie par la Sierra Morena, tout au moins pour sauver ses hommes en abandonnant l'artillerie. Chose extraordinaire, après avoir fait 130 lieues au moins en si peu de temps, nous mîmes quatre jours pour faire 20 lieues sur un chemin très facile : à chaque instant on s'arrêtait sous prétexte de réparer l'artillerie; on présume qu'il y eut jalousie entre les maréchaux, chacun voulant marcher à volonté. Le roi, fatigué d'attendre et stimulé par d'autres généraux ambitieux qui voulaient seuls acquérir de la gloire, fit attaquer. Je ne puis donner de détails exacts sur la fameuse bataille de Talavera, ne m'y étant point trouvé, mais, d'après ce que m'en a dit plus tard le général Foy, les Français, quoique moins nombreux que l'ennemi, y firent des prodiges de valeur. Ils durent charger à la baïonnette pour enlever des retranchements qu'on aurait pu faire évacuer en les tournant : le champ de bataille nous resta, mais nous perdîmes au moins autant de monde que l'ennemi (Notes : A Talavera nos troupes ont fait des prodiges de valeur. Au lieu de temporiser, de manoeuvrer et d'attirer l'ennemi hors du terrain avantageux qu'il avait choisi et fortifié, on l'a abordé de front, et cela sans ensemble et par des attaques partielles et successives. On dit que le roi a voulu avoir à lui tout seul l'honneur de la journée; on dit que Jourdan, jaloux de Soult, n'a pas voulu de sa coopération et a agi en conséquence; on dit que le maréchal Soult s'est hâté le moins qu'il a pu dans sa marche de Salamanque au Tage pour ne pas faire trop pour la gloire d'un autre; on dit que le maréchal Ney, qui n'aime pas le maréchal Soult, n'a obéi que lentement et malgré lui à celui-ci et qu'il est cause que notre armée est arrivée trop tard à Puente del Arcobispo - FANTIN DES ODOARDS, p. 265). Les Anglais se retirèrent par le chemin qu'ils s'étaient réservé, après avoir eu soin de faire sauter le pont. Nous étions si mal renseignés que nous ne sûmes rien de ce qui se passait à douze lieues de nous : ce fut un courrier du roi qui vint à Naval-Moral nous annoncer le gain de la bataille et la fuite des Anglais par le chemin de l'Archobispo (Note : Lettre de Napoléon à Clarke. "Schoenbrunn, 18 août 1809. Quelle belle occasion on a manquée ! 30000 Anglais à 150 lieues des côes devant 100000 hommes des meilleures troupes du monde ! Mon Dieu ! Qu'est-ce qu'une armée sans chef !" - Correspondance de Napoléon, t. XIX, p. 424, lettre 15680). Ce village est sur la rive droite du Tage, près d'un pont bâti par les Romains : la division se dirigea sur ce pont et bientôt notre avant-garde s'engagea avec 30 000 Espagnols que les Anglais avaient laissés à l'Archobispo avec 30 pièces de canon pour couvrir leur retraite : eux étaient déjà à 5 lieues de là. Le duc de Dalmatie n'eut pas plus tôt notre brigade sous sa main qu'il ordonna de chercher un gué et fit passer 1.500 dragons qui, en moins d'un quart d'heure, mirent cette masse en déroute et prirent plusieurs milliers d'hommes et tous les canons: le reste se sauva dans les montagnes ou dans les arbres où la cavalerie ne pouvait les atteindre (Notes : Après Talavera,Wellington resta dans ses lignes jusqu'au 2 août, puis évacua Talavera en y abandonnant 5000 blessés et malades. Soult, descendu de Zamora avec les deux corps de Mortier et de Ney, débouchait du col de Banos et marchait par Plasencia et Navalmoral pour se jeter entre Wellington et les ponts d'Almaraz. Trop tard malheureusement ... ce fut seulement le 5 août que les trois corps d'armée se succédèrent en colonne sur la route de Plasencia à Navalmoral. Soult ne put atteindre que l'armée espagnole le 8 août à Puente del Arcobispo. L'infanterie espagnole chargée par les dragons de Caulaincourt fut rompue et dispersée. mais Wellington était sauvé, il put rentrer en Portugal - (E. GUILLON, les Guerres d'Espagne sous Napoléon, p. 141-142. Cf. Victoires et Conquêtes, t. XIX, p. 293; cf. Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 267). Les voltigeurs du régiment prirent le village mais furent arrêtés devant le pont garni de deux tours d'où partait une fusillade très vive; le colonel fit avancer les sapeurs, qui enfoncèrent à coups de hache les portes des tours, puis nous montâmes en haut et tous les Espagnols qui y furent trouvés, furent précipités sur les pointes des rochers qui sortent du fleuve. Nous bivouaquâmes dans une plaine sans ombre ni eau car, avant de se sauver, les paysans avaient rempli les fontaines de chaux pour les tarir; mais les soldats mirent la main sur au moins 20000 moutons qui s'étaient échappés et erraient au hasard. Je n'ai jamais vu pareil gaspillage de viande : au lieu de tuer ce dont ils avaient besoin, les hommes trouvaient plaisant de couper un gigot sur un mouton vivant qui s'enfuyait sur trois pattes pour aller mourir un peu plus loin; il fallait leur pardonner, depuis plus de huit jours ils n'avaient pas mangé une miette de pain. On lut à l'ordre que le corps d'armée retournait à Salamanque pour y prendre des cantonnements et on se mit en route le lendemain. C'est à ce moment que nous vîmes jusqu'où pouvait aller le patriotisme sauvage des Espagnols : toutes ces belles plaines, couvertes de grains prêts à être moissonnés, étaient en cendres partout où nous devions passer; en moins d'une heure les villages, à vingt lieues à la ronde, étaient informés de notre arrivée et de la route que nous suivions. Dans chaque localité, un homme de garde était posté sur l'élévation la plus haute et la plus proche du bourg : il était muni d'une hotte de paille qu'il attachait à une longue perche et, aussitôt qu'il voyait notre avant-garde déboucher, il y mettait le feu : ce signal se répétait jusqu'à la ville principale de l'arrondissement et de la province. Un bataillon portugais vint mettre le feu au bourg de Bagnos quelques instants avant notre passage et dans la rue même où nous devions passer : l'artillerie qui voulut passer quand même au galop dut y renoncer, non sans avoir abandonné quelques pièces qui furent consumées : les caissons de munitions durent attendre que le feu fût complètement éteint et la rue déblayée. Ce bataillon se posta ensuite à un col de la montagne et attendit notre arrivée; ne supposant pas qu'il fût possible à la cavalerie de charger sur un terrain hérissé d'énormes rochers, il comptait faire quelques décharges sur l'infanterie et se sauver. C'était le 3e régiment de hussards qui formait l'avant-garde et le maréchal Ney se trouvait justement avec l'escadron de tête; le maréchal commanda immédiatement la charge à cet escadron, qui, malgré les rocs énormes, tomba avec tant de vitesse sur les Portugais qu'ils ne purent faire grande résistance ni empêcher que 50 hommes fussent sabrés; le reste gagna lestement la partie de la montagne inaccessible à la cavalerie: le 3e hussards eut à regretter la perte de six braves cavaliers, dont un adjudant sous-officier (Note : L'avant-gardedu 6e corps rencontra l'arrière-garde du général Wilson à Aldea-Nueva del Cainino, à l'entrée du col de Banos. La position de l'ennemi, quoique très forte, fut emportée au premier choc. Le 3e régiment de hussards exécuta une belle charge, dans laquelle bon nombre de Portugais furent sabrés et faits prisonniers. Ces derniers se rallièrent sur les hauteurs de Banos dans une position très forte, que, malgré une chaleur excessive, les Français ne balancèrent pas à attaquer - Victoires et Conquêtes des Français, t. XIX, p. 297-298. Cf. Mémoires du maréchal JOURDAN, p.296).
En arrivant à Salamanque après tant de fatigues, chacun crut entrer dans la terre promise; on distribua du pain, du vin, et, comme les soldats avaient quelques sous en poche, ils se mirent à visiter les tavernes de préférence aux belles églises : deux jours après notre retour, vous n'eussiez pu croire que c'étaient les mêmes hommes qui venaient de faire 200 lieues par une chaleur cuisante et, la plupart du temps, sans pain et sans eau. Notre séjour à Salamanque ne fut d'ailleurs pas de longue durée; six jours après, le régiment alla s'installer à Zamora, à 14 lieues de Salamanque, au sein d'un pays fertile et près des célèbres mines de turquoises. Le bataillon fut logé dans un couvent qu'avaient occupé avant nous des soldats espagnols : on commença un nettoyage complet du bâtiment, mais ce fut en vain, on ne peut rendre propre ce que des Espagnols ont habité; lorsque nous quittâmes Zamora à la fin du mois d'août, on pouvait toujours ramasser les puces à la pelle dans notre couvent. Nous cédâmes la place au 6e léger et allâmes occuper Ledesma avec le 3e hussards : au moment où les fourriers des hussards arrivaient en ville pour faire le logement, ils surprirent 30 Espagnols du régiment de la Reine; les fourriers les chargèrent sans hésiter, en sabrèrent un bon nombre et ramenèrent un prisonnier. Nous fîmes un séjour assez long dans Ledesma, puis le régiment entreprit une tournée dans les environs pour éloigner et tâcher de détruire la bande de don Julian (Note : Don Julian (Sanchez), l'un des plus fameux chefs des guérillas de l'Espagne, "toujours intrépide et toujours infatigable" nous dit Thiébault dans ses Mémoires (t. IV, p. 534). J'ai été longtemps, à Salamanque, la voisine de don Julian et, à part la terreur qu'inspiraient ses hommes, je n'ai rien autre chose à dire sur lui si ce n'est qu'il avait une grande réputation de bravoure et même de probité. Il pouvait exécuter son projet de me prendre en sacrifiant plusieurs personnes de mon escorte; je lui sais gré de ne pas l'avoir tenté - Mémoires de la duchesse D'ABRANTèS, t. VIII, p. 336) qui commençait à devenir gênante" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 18 août, Ney adresse un rapport au Roi Joseph, dans lequel il lui expose les opérations effectuées par des fractions du 6e corps d'armée aussitôt après son arrivée à Salamanque.
"J'appris, à mon arrivée à Salamanque, qu'il existait des rassemblements vers Ledesma, soutenus par la garnison de Ciudad Rodrigo, et que l'insurrection se manifestait également du côé d'Alba de Tormes et de Penaranda, où des compagnies de contrebandiers à cheval infestaient le pays, le mettaient à contribution et interceptaient les communications.
Je dirigeai, les 16 et 17 août, le 27e de ligne, avec un détachement de dragons, sur Alba de Tormes et Penaranda, le 76e de ligne et un détachement de dragons sur Ledesma.
Ces expéditions avaient le double but de réprimer la révolte et de faire arriver des vivres à Salamanque pour la subsistance de l'armée.
Les rapports qui me sont parvenus annoncent que la partie d'Alba de Tormes et de Penaranda commence à jouir de quelque tranquillité et que les habitants sont portés de bonne volonté à satisfaire aux besoins des troupes.
Les bandes de cavalerie insurgée se sont dispersées et ne paraissent plus.
La situation n'est pas aussi satisfaisante aux environs de Ledesma. Le 76e a eu à soutenir dans ses excursions plusieurs petits combats, dans lesquels il a tué ou fait prisonniers une cinquantaine d'insurgés. Les habitants des villages, à quatre et six lieues en avant (à l'est) de Ledesma, abandonnent leurs habitations à l'approche de nos troupes, ce qui rend la réunion des vivres difficile dans cette partie. La ville de Ledesma se conduit bien.
Une brigade d'infanterie (9e léger et 69e de ligne, général Maucune) et les deux régiments de cavalerie légère (3e de hussards et 15e de chasseurs, général Lorcet) sont depuis quelques jours établis à Fuente Sauco et communiquent avec les troupes du général Kellermann, en position à Toro.
Demain et jours suivants, je fais occuper Zamora par une brigade d'infanterie (1re de la 1re division, général Maucune) et la brigade de cavalerie légère (général Lorcet); une autre brigade d'infanterie (2e de la 1re division, général Marcognet; 39e et 76e) sera à Toro. Le général Marchand (commandant la 1re division) s'établira à Zamora, avec mission de surveiller la droite (amont) de la Tormes et la gauche (aval) de l'Esla, de culbuter tous les partis ennemis qui se présenteraient sur son front et de pousser des reconnaissances sur Benavente.
Je reste ici avec la 2e division (général Mermet) et la brigade de dragons (colonel Ornano). Ma communication avec le maréchal Soult est presque impossible avec de simples détachements; il faut au moins une brigade d'infanterie pour pénétrer jusqu'à Banos, parce que la garnison de Ciudad Rodrigo occupe, par des camps volants, toutes les positions voisines de Montemayor et de Valdelacosa. D'ailleurs, le maréchal duc de Dalmatie, par sa lettre de Plasencia, datée du 16, m'écrit que son intention n'est pas de laisser des troupes à Bejar et au col de Banos.
Le général Kellermann, avec qui je suis en relation, m'annonce qu'il viendra incessamment me voir afin de concerter quelque opération pour chasser les troupes de La Romana au delà de l'Esla.
Je désirerais, avant de donner suite à un grand mouvement, connaître les intentions de Votre Majesté". (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
- Combat de Saumunoz
Le 17 septembre, le 69e tombe près de Saumunoz sur un chef de guérillas : don Julian; une violente action s'engage, d'où le Régiment sort vainqueur. Le Fusilier Moulins est ramassé sur le terrain, percé de douze coups de lance, ce qui indique l'acharnement de tels adversaires.
Ont été tués ce jour là le Grenadier L'armurier, les Fusiliers Chadellier, Louvent, Laloue, Ladurelle, les Grenadiers Michaud, Patroy, le Caporal Remy, les Fusiliers Sardin, Voirain, les Voltigeurs Coutant, Baudry, le Fusilier Mouchot.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 17 septembre, nous échangeâmes une fusillade continuelle avec les partisans et bivouaquâmes le soir près du village de Saumonos; avant de faire rompre les rangs, le colonel défendit expressément aux soldats de s'écarter, en raison de la présence de la guérilla. Mais aucune distribution n'avait été faite : aussi, malgré les ordres donnés, aussitôt les faisceaux formés et les rangs rompus, plusieurs soldats s'éloignèrent pour aller chercher des vivres; ils n'étaient pas à un quart de lieue du camp qu'ils furent assaillis par les lanciers de don Julian, qui, selon la bravoure habituelle des Espagnols, trouvant ces hommes sans armes, les lardèrent à coups de lance au lieu de les faire prisonniers. Dix-sept hommes furent ainsi victimes de leur désobéissance : parmi eux se trouvaient deux de mes compatriotes des Riceys, les fusiliers Rémy et Sardin du 1er bataillon; j'allai saluer une dernière fois leurs cadavres lorsqu'on les rapporta au camp, et pus constater que chacun de ces malheureux était percé de plus de trente coups de lance. Après cette tournée, le régiment ne revint pas à Ledesma mais rentra à Salamanque où il resta jusqu'au 15 octobre. Ce jour-là, tout le corps d'armée, à l'exception du 50e régiment qui resta pour garder les dépôs, se mit en route pour marcher contre le duc del Parque qui avait réuni 35000 pouilleux que nous ne craignions guère (Note : Le duc del Parque commandait une partie de l'ancienne armée du duc de La Romana (Victoires et Conquêtes, t. XIX, p. 299). Le duc del Parque n'était qu'un parjure fanfaron - Mémoires du général BIGARRé, p. 259)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat de Banovarez
Le 22, à Banovarez, il attaque l'arrière-garde du Duc del Parque, dont les 40000 hommes se trouvent aux environs de Tamamès.
Le 25 septembre 1809 encore, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, vous trouverez ci-joint l'idée d'un rapport pour justifier la levée des 36 000 conscrits que je viens d'ordonner. Vous trouverez également la répartition de ces 36 000 conscrits. Ajoutez à votre rapport une considération sur la grande quantité de conscrits qui restent sur les années passées, écrivez-en même le nombre s'il en reste effectivement 500 000, dites qu'il y en a 800 000. Il est nécessaire que cette phrase soit bien frappée, parce qu'elle fera une grande influence sur l'étranger.
Napoléon
Décret « de distribution » répartissant les 36 000 conscrits par place forte ou régions militaires
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
Article 1er
La distribution des 36 000 conscrits levés en vertu du sénatus-consulte du […] octobre, sera fait ainsi qu’il suit :
... Seront dirigés sur différents dépôts, savoir :
... 200 au 69e ...
Relevé de la distribution des 36 000 conscrits suivant l’ordre numérique des régiments employés à l’armée d’Espagne :
... Infanterie de ligne
... 69e à son dépôt 200 ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22176).
Le 1er octobre, le 69e, le 6e Léger et la cavalerie légère font leur entrée dans Salamanque.
Le Commandant Giraud écrit :
"Salamanque, 5 octobre 1809.
Le 4 août, le 6e corps atteignait Plasencia, dans le but d'empêcher le roi Joseph d'être battu à Talavera par Wellington qui s'était porté sur Madrid, par la vallée du Tage. A cet effet, nous descendîmes le Douero sur les derrières de l'ennemi qui ne put profiter de sa victoire et dut se replier au sud du Tage.
Nous voici donc de retour à Salamanque, après une absence qui n'a pas duré moins d'un mois. Bientôt, nous serons aux prises avec l'armée espagnole de d'El-Parque qui, des Asturies, a rejoint devant Ciudad-Rodrigo, les troupes anglaises, de Beresford.
Nous sommes ici dans la plus grande ignorance de ce qui se passe, en Allemagne, et même de ce qui se passe dans l'intérieur cle l'empire français.
Une gratification de cent mille francs vient d'être payée aux officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de l'armée en Espagne. J'ai eu pour ma part, douze cents et quelques francs que je voudrais bien faire passer en France, avec une dizaine de livres en lingot d'argent que j'ai conservé pour en faire des couverts. Cet argent est un des plus beaux qu'on puisse trouver en Espagne" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
- Bataille de Tamamès
Le 17, le 6e Corps (9000 hommes, 800 chevaux, 16 canons) se met en marche sur Tamamès et coucha à Matella.
Le 18 octobre, le Corps d'armée commandé par le plus ancien général de division (Marchand), en l'absence du Maréchal Ney, retourné à Paris, part à la pointe du jour en poussant devant lui les postes de couverture. La ville de Tamamès est défendue par 2.000 fantassins embusqués derrière les murs. A Sauchon, il trouve un camp de 5000 à 6000 hommes, levé la veille.
Marchand (le comte Jean-Gabriel), général de division, né le 11 décembre 1765, général de brigade en 1800, général de division après Austerlitz, se distingua à Guttstadt le 6 juin et le 13 juin à Friedland. Chevalier du mérite militaire de Wurtemberg et grand cordon de la Légion d'honneur. Après Fuentès d'Onoro fut rappelé et commanda une division dans l'expédition contre la Russie : se distingua à Valoutina et à la Moskowa. Rentré en France et commandant la 7e division militaire dans le Midi. Reprit Chambéry aux Autrichiens. Chevalier de Saint-Louis en 1814 et commandant de la 1re subdivision de la 7e division militaire à Grenoble (Tables du Temple de la Gloire. Paris, Panckouke, s. d., t. XXVI.) En 1814, Marchand passait pour un ennemi déclaré et personnel de Napoléon. Accusé d'avoir livré Grenoble à l'Empereur en 1815, il fut mis en jugement en 1816 et acquitté. Il rentra dans l'armée après 1830 et devint pair de France sous la monarchie de Juillet |
L'ennemi occupe un rideau très escarpé, situé à une portée de canon de l'autre côé du bourg, sur la crête des montagnes, hautes, raides, rocailleuses, couvertes de ronces; en arrière et à gauche la pente devient douce et se perd insensiblement jusqu'à un très beau plateau derrière lequel toute la cavalerie est en bataille. C'est de ce côé, l'autre étant impraticable, que l'attaque principale est dirigée. Maucune en est chargé avec le 69e, le 6e Léger, un Bataillon de voltigeurs et cinq pièces de canon; le 3e Hussards et le 15e Chasseurs en soutien.
Marcognet, avec les 39e et 76e, est chargé du centre; la gauche (25e Léger) est dirigée par le Général Labassé.
Les trois masses se mettent en marche en même temps, en colonne par peloton. Près de 15000 hommes se trouvent opposés au Général Maucune; les 69e et 6e Léger s'avancent sans tirer un seul coup de fusil; l'ennemi, qui a sept pièces sur son front, les laisse gagner jusqu'à une petite portée de mitraille. Au premier coup de canon, le 3e Hussards et le 15e Chasseurs s'élancent ventre à terre, sabrent les canonniers et restent maîtres des canons, au milieu d'une grêle de balles. A ce moment, la cavalerie ennemie met sabre au clair et en une charge furieuse veut prendre les troupes assaillantes en flanc et en queue. Le 3e Bataillon du 69e fait demi-tour et la reçoit si bien qu'elle rebrousse chemin. Les 69e et 6e Léger ne sont plus qu'à trente pas de l'ennemi qui, à l'abri des rochers, les écrase de ses feux, sans qu'il soit possible de lui répondre; le centre, pris d'enfilade, éprouve des pertes énormes. Le moment est périlleux.
Sa tête de colonne étant repoussée, le Colonel fait mettre le Régiment en bataille sous le canon.
Après cet insuccès, la retraite est décidée, et pendant que le 15e Dragons exécute des charges répétées, le mouvement commence dans le plus grand ordre et avec un sang-froid admirable.
Voici le rapport du Général Marchand sur les journées des 17 et 18 octobre :
"Le 17 de ce mois, je me suis mis en marche avec 9,000 hommes d'infanterie, 800 chevaux et l6 pièces de canon pour me porter sur Tamamès, où l'on prétendait que l'armée du duc Del-Parque était campée. Le même jour, nous avons couché à Matella. Le lendemain, nous nous sommes mis en marche à la pointe du jour en poussant devant nous les différents postes que nous rencontrions.
A Sauchon, nous avons trouvé un camp de 5 à 6,000 hommes qui avait été levé la veille. Arrivés à Tamamès, nous avons trouvé la ville occupée par 2,000 hommes d'infanterie embusqués derrière les murs. En arrière de Tamamès, à une petite portée de canon, règne un rideau extrêmement escarpé qui forme la position où l'ennemi avait établi toute son armée, qu'il masquait facilement derrière la position et dans des bois qui l'appuyaient à sa droite. Il ne nous avait encore montré que 3 ou 4,000 hommes. J'ai ordonné d'attaquer la position en négligeant le village. Le 25e léger a commencé l'attaque de gauche et le 39e et le 76e ont pris par le centre. Le 6e et le 69e attaquèrent à la droite avec la cavalerie légère; deux régiments formaient la réserve. L'ennemi nous a alors montré au moins 25,000 hommes d'infanterie, 3,000 cavaliers et 25 à 30 pièces de canon. L'attaque du centre et de la gauche a trouvé un terrain qui présentait des difficultés à peu près insurmontables, et en outre un ennemi quatre fois nombreux comme nos troupes. Aussi nos soldats, après de vains efforts, ont été obligés de se replier. Pendant ce temps, l'attaque de droite, dirigée par les généraux Maucune et Lorcet, avait paru obtenir des succès; la cavalerie légère venait de s'emparer de 7 pièces de canon dans une charge; mais, sur ce point comme sur les deux autres, nous nous sommes encore vus accabler par le nombre, et il a fallu renoncer à continuer une attaque extrêmement désavantageuse pour nous. Nous sommes revenus prendre position au point d'où étaient parties nos colonnes d'attaque, et nous y sommes restés deux heures avant de commencer notre retraite qui devait s'opérer à travers un pays de chicane, des forêts continuelles et de très mauvais défilés. Malgré tous ces obstacles, notre retraite s'est faite avec cet aplomb qui caractérise les vieux soldats. L'ennemi n'a jamais pu nous entamer, quoique obligés de faire une retraite par le flanc. Nous avons environ 700 hommes hors de combat et malheureusement beaucoup d'officiers".
Voici le rapport que le Général Marchand adressa au Maréchal Jourdan, pour être mis sous les yeux du roi : "L'ennemi occupait une crête très-escarpée, à une petite portée de canon de Tamès : cette crête s'élevait par la droite de l'ennemi, et se liait à des montagnes impraticables. Vers sa gauche, elle arrivait par une pente douce jusqu'à un très-beau plateau, derrière lequel toute la cavalerie ennemie était en bataille. C'est de ce côté que l'attaque principale a été dirigée. Le général Maucune en était chargé avec le 6e d'infanterie légère, le 69e de ligne, un bataillon de voltigeurs et 5 pièces de canon. Le général Lorcet soutenait cette attaque avec le 3e de hussards et le 15e de chasseurs ; le 15e de dragons était en arrière, en réserve.
Le général Marcognet était chargé de l'attaque du centre avec les 39e et 76e, qui formaient deux colonnes. L'attaque de gauche était dirigée par le général Labasset, ayant sous ses ordres le 25e régiment d'infanterie légère ; les 27e et 59e de ligne et le 25e de dragons étaient placés en réserve.
Ces trois colonnes se sont mises en marche en même temps. Dès que l'attaque a été commencée, l'ennemi, qui jusque-là avait masqué toutes ses forces, les déploya devant nous. Une masse de 15 mille hommes était opposée au général Maucune, qui s'est avancé l'arme au bras ; l'ennemi avait de ce côté, sur son front, 7 pièces qui n'ont commencé leur feu qu'à la petite portée de mitraille ; elles n'ont eu le temps que de tirer chacune le premier coup : le 3e de hussards et le 15e de chasseurs sont arrivés ventre à terre sur elles, ont sabré les canonniers et se sont emparés des pièces, au milieu d'une grêle de balles. La cavalerie ennemie, que cette colonne laissait sur sa droite, chargeait dans ce moment, et la prenait en flanc et en queue ; le 3e bataillon du 69e a fait demi-tour à droite, et a reçu cette cavalerie par une fusillade si vive, qu'elle a bien vite rebroussé chemin. Le général Maucune avançait toujours ; il n'était plus qu'à trente pas de l'ennemi qui était en bataille, retranché derrière les rochers ; sa troupe souffrait, sans pouvoir faire beaucoup de mal à l'ennemi. C'est là que le mouvement rétrograde s'est prononcé, et il était impossible d'emporter ce point devant des forces si supérieures en nombre ; le 2e s'est alors avancé pour soutenir la retraite de cette colonne, qui est venue se rallier derrière lui. La cavalerie ennemie, pendant ce moment, inquiétait la nôtre qui était beaucoup trop faible. Le 15e de dragons, qui était en réserve, s'est avancé, a fait une très-belle charge, et a repoussé cette cavalerie, après lui avoir sabré une centaine d'hommes.
Des 7 pièces prises, nous n'en avons ramené qu'une ; les traits des autres avaient été coupés ; nous avons été obligés d'abandonner une des nôtres, qui avait été démontée.
Pendant que cela se passait sur la droite, les colonnes du centre et de la gauche étaient aux prises de leur côté ; elles gravissaient avec peine le coteau, hérissé de difficultés ; la pente était parsemée de rochers derrière chacun desquels étaient embusqués des soldats ennemis, qui tiraient à coup sûr. La crête était couronnée de troupes qui nous faisaient également beaucoup de mal. Le 25e léger, qui formait la gauche, avait rencontré des forces beaucoup trop supérieures, et en appuyant à droite il s'était joint à la colonne du centre ; l'ennemi avait à sa droite 4 pièces qui prenaient ces deux colonnes en écharpe : toutes ces difficultés n'arrêtaient point nos soldats ; ils étaient au moment d'arriver au sommet, lorsque le mouvement rétrograde de la gauche a engagé les chefs à ordonner la retraite Une plus longue obstination de leur part n'aurait pu avoir qu'un effet extrêmement nuisible ; jamais nous n'eussions pu nous maintenir dans cette position avec le peu de monde qui y serait arrivé. Toutes nos troupes sont alors revenues se placer à la position qu'elles occupaient avant l'attaque. Nous sommes restés deux heures en présence de l'ennemi, pour panser nos blessés et les mettre en route. Nous avons eu la satisfaction de les emporter tous.
A trois heures après midi, nous avons commencé notre retraite ; les 27e et 59e de ligne étaient chargés de la soutenir. Nous avions des défilés et des bois à traverser pendant deux lieues. L'ennemi est alors descendu des rochers, et a montré assez d'acharnement à nous poursuivre ; mais il a été contenu avec un sang-froid admirable : nos bataillons semblaient être à l'exercice. C'est dans la retraite surtout que nous avons fait beaucoup de mal à l'ennemi. Notre perte a été de 1,300 hommes tués ou blessés" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 7, p. 8).
"Le 18 octobre 1809, le 6e corps commandé en l'absence du maréchal Ney par le plus ancien général de division arriva devant ce bourg occupé par trois ou quatre mille Espagnols; leur armée était derrière, ayant sa droite sur la crète d'une montagne haute, raide, couverte de ronces et de rochers à l'abri desquels sc trouvaient les Espagnols; leur ligne se prolongeait sur cette crête qui continuait à être rocailleuse jusqu'à la gauche; ensuite la pente devenait douce et s'effaçait insensiblement dans la plaine. - Nous arrivâmes en colonne près de Tamamès et en face de la gauche de l'ennemi. Le général ordonna à trois régiments, les 39e, 76e de ligne et 25e léger, d'attaquer la droite en gravissant la montagne par le terrain le plus difficile. En même temps la 1re brigade de la 1re division, accompagnée de la cavalerie, se mit en mouvement en colonne par peloton pour attaquer l'ennemi par son flanc gauche. Notre cavalerie légère chargea et prit sept pièces de canon qui tiraient sur nous. La 1re brigade arrivée près des Espagnols fut foudroyée par leurs feux de mousqueterie et d'artillerie; notre tête de colonne ne présentant que le front d'un peloton fut écrasée par les feux convergents de l'ennemi, et le centre enfilé par les projectiles éprouvait des pertes énormes sans pouvoir riposter dans un pareil ordre. La confusion se mit dans nos rangs déchirés et nos troupes se retirèrent en désordre poursuivies par les Espagnols. Pendant ce temps notre attaque sur la droite de l'ennemi échouait de la même manière. Le moment était périlleux, mais le colonel FRIRION par sa haute capacité et son coup d'oeil militaire avait prévu ces fatales conséquences; après avoir aperçu notre tète repoussée, il avait mis son régiment en bataille sous le canon de l'ennemi, arrêté la poursuite des Espagnols et nos troupes en fuite purent se rallier à l'aide de ces dispositions" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Armand et le Sous lieutenant Lambert ont été tués le 18 octobre 1809 à Tamamès; les Capitaines Coutier et Gaillard, les Lieutenants Chaumet, David, Collin, Tisset, Garnier et Roblin, et les Sous lieutenants Cayet, Monnin et Thomas sont blessés.
Parmi la troupe, on note le Fourrier Aleman, le Grenadier Argnault, le Sergent Bazin, le Fusilier Blaude, le Voltigeur Bonnin, le Fusilier Ribance, les Voltigeurs Benezet, Cornu, le Grenadier Capon, le Fusilier Cocke, le Voltigeur Duhaut, les Fusiliers Dubraye, Debure, le Caporal Doré, le Voltigeur Demade, le Fusilier Detz, les Voltigeurs Devarsy, Heiraut, Malaisé, Marchand, les Fusiliers Hoyaux, Leclerc, Lamiral, Masson, Sauret, Simonot, Noblot, Rigauld, Pielte, Pourbaix, les Grenadiers Keiffre, Lentz, Lobstein, Paris, les Caporaux Martin, Simon, Pontailler, les Fusiliers Menut, Millon, Vivargent, Vinage, Tailleur, Philippe.
Les troupes ont fait, ce jour-là, près de cinquante kilomètres, sans compter les mouvements sur le champ de bataille.
Le Commandant Giraud écrit :
"Tatamès, 20 octobre 1809.
Le maréchal Ney obligé de s'absenter pour quelque temps, a cédé le commandement de son corps d'armée au général de division Marchand. Il a sous ses ordres 9,000 hommes, d'infanterie, 800 chevaux, et 16 pièces de canon.
Le 17, nous nous mettions en marche sur Tatamès où campait l'armée du duc d'El-Parque; environ 4,000 Espagnols embusqués derrière des murs. Le 25e léger a attaqué par la gauche; les 39e et 76e ont pris par le centre, le 6e léger et le 69e de ligne ont attaqué la droite avec la cavalerie légère. Nous y avons été battus et obligés de rétrogader à travers un pays de chicane, de forêts interminables et de très mauvais défilés.
Malgré ces obstacles, notre retraite s'est effectuée en très bon ordre, avec l'aplomb qui caractérise les vieux soldats.
Les lieutenants Tesset et David, ainsi que le sous-lieutenant Monnin y ont été blessés" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le duc d'Elchingen était alors à Paris, et le corps d'armée était sous le commandement du général de division comte Marchand. Nous prîmes le chemin de Tamamès, mauvais village situé au pied d'une chaîne de montagnes escarpées et élevées, la Sierra de Santa-Maria, à sept lieues de Ciudad-Rodrigo et à onze lieues de Salamanque; nous y allâmes en deux étapes. Le 18 au matin, on put apercevoir l'armée ennemie perchée sur la montagne; la chaîne de montagne se terminant à notre droite et la pente étant assez douce, la majeure partie des forces espagnoles s'y était portée et le reste était placé au-dessus des rochers à une telle distance qu'on n'avait rien à redouter de ce côé : le point d'attaque était donc tout indiqué. Notre brigade, commandée par le général Maucune, fut placée justement à l'extrême droite avec les deux régiments de cavalerie légère : son étendue en bataille tenait un espace où l'on aurait dû placer par échelons les deux divisions, puisque c'était l'endroit où la montée était la plus facile; au lieu de cela, le général Marchand prit des dispositions contraires et plaça les autres brigades tout à fait à gauche en face des endroits les plus inabordables de la montagne, tant par la raideur des pentes que par l'épaisseur des broussailles qu'il fallait traverser. Malgré tout, nos soldats attaquèrent avec l'impétuosité particulière à la nation française, bien convaincus qu'en dépit de sa position avantageuse et de sa supériorité en nombre, l'ennemi allait être enlevé à l'instant (Note : Tamamès est une petite ville sur la route de Salamanque à Ciudad-Rodrigo. ... Une armée sous le duc del Parque était sortie de Portugal pour s'emparer de Salamanque et menacer Madrid. Le général Marchand, auquel Ney, absent par congé, avait laissé le commandement du 6e corps, s'avança à sa rencontre. Il eut le tort de l'attaquer entre Ciudad-Rodrigo et Salamanque, dans une position assez forte, à Tamamès, et dut abandonner le terrain après des pertes sensibles le 18 octobre (E. GUILLON, les Guerres d'Espagne sous Napoléon, p. 146.)
Le général Marchand, au lieu de demander du secours au général Kellermann et d'attendre l'ennemi dans la plaine de Salamanque, se décida à l'aller attaquer sur un terrain montueux coupé de ravins et couvert de bois et de rochers, très avantageux à des troupes médiocres - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 279). Toutes les compagnies de voltigeurs passèrent en tête de la brigade, et le général nous ordonna d'enlever les pièces avec l'aide de la cavalerie. Nous nous élançâmes aux cris de : "Vive l'Empereur !" et n'essuyâmes qu'un moment le feu dirigé sur nous, car nous ne tardâmes pas à être abrités en arrivant au pied de la hauteur. Nos hommes montaient avec une rapidité telle qu'on avait peine à les suivre, et nous fûmes sur les canons en même temps que la cavalerie, qui, tournant d'abord à droite, venait prendre l'ennemi sur son flanc gauche et par derrière. Dix pièces étaient déjà en notre pouvoir tandis que l'aile gauche cherchait vainement à monter : après quelques décharges, le feu prit aux herbes sèches, se communiqua aux broussailles, et il lui fallut redescendre, car les cartouchières des blessés commençaient à sauter. Au lieu de reconnaître la faute qu'il avait commise et de la réparer promptement en faisant appuyer ces régiments de notre côé, le général Marchand ordonna, je ne sais pourquoi, de battre en retraite (Note : Une masse de 15000 hommes était opposée au général Maucune qui s'est avancé l'arme au bras. Il n'était plus qu'à trente pas de l'ennemi qui était en bataille, retranché derrière des rochers. Sa troupe souffrait sans pouvoir faire beaucoup de mal à l'ennemi. C'est là que le mouvement rétrograde s'est prononcé et il était impossible d'emporter ce point devant des forces si supérieures en nombre - Rapport du général Marchand au maréchal Soult, cité dans les Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 280). La manoeuvre était pourtant toute simple et sans danger puisque l'ennemi ne pouvait plus descendre de la position qu'il occupait et que, de notre côé, il était en déroute. Quoi qu'il en soit, nous n'en fûmes point prévenus et nos voltigeurs continuèrent à marcher en avant : mais ils ne tardèrent pas à être arrêtés par le gros de l'ennemi qui ralliait ses fuyards et tenait bon, ayant aperçu, du haut de la montagne, le mouvement rétrograde du corps d'armée. Nos compagnies se maintinrent longtemps, espérant voir arriver la brigade pour les soutenir, mais bientôt les tirailleurs espagnols avancèrent en nombre et débordèrent tellement que nous fûmes coupés : il fallut faire demi-tour et c'est alors seulement que nous vîmes que le gros de nos forces était loin et en retraite. Chaque compagnie chercha alors à rejoindre précipitamment son corps, il y eut confusion et nous aurions été gravement compromis sans le sang-froid et la décision du brave Duthoya, mon chef de bataillon, qui, malgré les ordres des généraux, arrêta et fit déployer son bataillon près duquel la cavalerie et nos voltigeurs vinrent se rallier. Les masses espagnoles furent arrêtées net et, avec l'aide du 3e hussards et du 15e chasseurs, le 3e bataillon du 69e couvrit la retraite, faisant une telle contenance que les Espagnols ne se risquèrent pas à chercher à l'entamer. Cette malheureuse affaire coûta 1800 hommes au corps d'armée et au régiment, en particulier, 250 hommes et 18 officiers dont 6 furent tués. Avant de quitter Salamanque, on avait payé aux sergents-majors deux mois de solde arriérée, et ils n'avaient pas eu le temps de faire le prêt aux compagnies; plusieurs furent tués ou pris, et tout cet argent fut perdu : un malheur ne va jamais seul" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
L'armée rentre à Salamanque très éprouvée. Elle en repart le 24 septembre (sic - octobre ?), se dirigeant sur Villabuena; le 69e bivouaque, le soir, en avant du village.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous revînmes encore à Salamanque pour l'évacuer deux jours après et prendre position à Toro, derrière le Douro, en attendant les ordres du roi Joseph. Huit jours après, les troupes de Madrid vinrent à Avila, et les Espagnols qui étaient entrés à Salamanque après notre départ se retirèrent dans la montagne; nous apprîmes que ces bêtes féroces n'avaient point fait de prisonniers et que les malheureux blessés laissés par nous à Salamanque, avaient été entassés sur des bûchers et brûlés vivants. Nos soldats se promirent d'user de représailles et de ne plus faire de prisonniers s'il leur tombait des Espagnols entre les mains. Nous rentrâmes d'ailleurs à Salamanque et fûmes quinze jours tranquilles mais chagrinés de service comme si nous eussions eu une armée terrible en face et près de nous.
Bientôt on fit les préparatifs d'une nouvelle évacuation; les soldats murmuraient, car ils prétendaient, avec assez de raison, que notre corps d'armée de 20000 hommes battrait sans peine les 35000 pouilleux du duc del Parque, si on les tenait en plaine. Les troupes du roi Joseph étant revenues à Madrid, l'armée espagnole avança de nouveau par la route d'Alba de Thormès et gagna la plaine de Medina del Campo, menaçant ainsi d'empêcher notre jonction avec les troupes du Nord, jonction que nous devions opérer à Valladolid. Le général Marchand avisa de cette marche le général Kellermann (Note : Fils du maréchal de ce nom. Je désirais depuis longtemps le connaître, sachant le rôle qu'il avait joué à Marengo, dont le succès, dans un moment désespéré, lui fut à peu près dû. C'était un petithomme, d'apparence chétive et maladive, ayant le regard intelligent mais faux. C'était un concussionnaire impitoyable; sous des prétextes politiques, il faisait plonger dans les anciens cachots de l'inquisition les plus notables habitants soumis à sa domination, ce qui constituait le quart de l'Espagne, puis il entrait en composition avec les familles pour rendre ses prisonniers à la liberté, à prix d'argent qu'il mettait dans sa poche (Souvenirs militaires du colonel DEGONNEVILLE, p. 143). A propos de quelques sommes levées par lui à Valladolid, il fit au général Thiébault cette réponse : "S'étaient-ils imaginé que j'avais passé les Pyrénées pour changer d'air ?" - Mémoires du général THIéBAULT, t. II, p. 278, note) qui commandait à Vitoria, et celui-ci lui conseilla d'évacuer Salamanque, de suivre sur son flanc l'armée ennemie et surtout de ne rien engager tant qu'il ne lui serait pas arrivé quatre régiments de dragons qu'il allait lui amener dans le plus bref délai. Quatre jours après, en effet, nous vîmes paraître les 3e, 6e, 15e et 25e dragons, qui, sortant des cantonnements où ils étaient depuis six mois, avaient des chevaux magnifiques capables d'écraser seuls toutes les armées espagnoles réunies. Pendant deux jours que nous restâmes au bivouac sur la rive droite du Douro, ce ne fut que réjouissances : cavaliers et fantassins vidèrent ensemble un nombre de peaux de bouc aussi considérable que le nombre d'hommes dont l'armée était composée. On voulait attirer le plus possible les Espagnols dans les plaines de Castille mais, avertis du renfort que nous venions de recevoir, le gros de leurs forces ne dépassa pas Médina" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 6e Corps, renforcé de 30000 hommes, passe provisoirement sous les ordres du Général Kellermann. Le Duc del Parque, entré à Salamanque après le départ des troupes françaises, fait occuper Alba de Tormès. Jusqu'au 18 novembre, il se borne à intercepter les communications de l'armée, à lui dresser des embuscades et surtout à exciter les paysans à prendre les armes contre les Français. Enfin, le 19, il se décide à faire occuper Cuita-Lapiedra par une avant-garde; le 22, il y groupe le gros de ses forces.
- Combat de Médina del Campo
La même jour, Kellermann rassemble ses troupes à Médina del Campo. Quelques kilomètres en avant, il rencontre l'ennemi en marche sur Médina. Les dispositions sont aussitôt prises pour l'attaque, mais après deux ou trois charges de cavalerie, del Parque refuse le combat et rentre dans sa première position.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 25 novembre, nous nous mîmes en route, nous portant sur leurs derrières; on rencontra dans cette journée quelques traîneurs que nos dragons sabrèrent mais, quand l'avant-garde entra dans Médina, on apprit que l'ennemi en était parti le matin: nous couchâmes ce soir-là à Cenos del Campo. Un espion, que nous avions pu avoir par hasard, nous dit que le duc del Parque était à Piedraïta, où il voulait nous attendre. Lorsque, le lendemain, nous nous mîmes en route, les soldats disaient : "On va enfin rattraper ces braves et leur faire payer le plus cher possible la faute de Marchand à Tamamès". Nous leur imposions silence en riant mais étions aussi impatients qu'eux. A 3 heures du soir, les voltigeurs traversaient Piedraïta (Note : Le 26 novembre, le général Kellermann atteignit l'avant-garde du duc del Parque qui fut forcé de se retirer vers Salamanque ... Le lendemain le général français dirigea son infanterie par Fresno et par Canta de la Piedraïta et porta la cavalerie à la Boveda sur la route de Salamanque - Victoires et Conquêtes des Français, t. XIX, p. 305), les dragons étaient à plus de deux lieues en avant et toujours personne : le désir de joindre l'ennemi et de l'exterminer rendait les soldats infatigables, et ils auraient voulu que l'on marchât nuit et jour, tant ils craignaient que l'ennemi ne gagnât les montagnes et leur échappât" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat d'Alba de Tormès
Toutes ses troupes réunies, Kellermann se porte, le 27, à la poursuite de l'adversaire qui se retire sur Alba de Tormès.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 27 novembre se passa de même" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Kellermann atteint l'ennemi le 28, à trois heures de l'après-midi. Les Espagnols sont en position, partie sur la rive droite de la Tormès, en avant d'Alba, partie sur la rive gauche. La cavalerie, sans attendre l'infanterie, chargea avec une telle promptitude qu'en un instant les colonnes ennemies sont enfoncées; elles prennent la fuite sans échanger un coup de fusil et vont se réfugier dans Ciudad Rodrigo.
"... FRIRION combattit encore le 28 novembre à Alba de Tormès, où il prit huit canons ... " (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 28, on se mit en marche à 6 heures du matin et, à peine avions nous fait trois quarts de lieue, que nous commençâmes à voir plusieurs postes ennemis surpris et massacrés par notre cavalerie; puis ce fut un grand nombre de traîneurs, sales, couverts de haillons, sans souliers et remplis de vermine. On envoya des détachements dans les villages voisins du chemin pour ramener tous ces fuyards : on en forma un bon détachement que l'on confia aux voltigeurs du 1er bataillon : ce ne fut pas long et, pendant cinq lieues, la route fut couverte de plus de victimes que n'en avaient fait les féroces bourreaux de Tamamès et de Salamanque. On fit une grand'halte au village de Babilafuente où se trouve l'embranchement des routes d'Alba de Tormès et de Salamanque : pour donner le change au duc del Parque, le général Kellermann dirigea sa cavalerie sur la route de Salamanque, se doutant bien que ce mouvement serait aperçu par l'arrière-garde ennemie et que le duc resterait alors dans Alba (Note : Le général Lorcet, qui commandait l'avant-garde, fit une telle diligence que, le 28 à deux heures de l'après-midi, il atteignait l'arrrière-garde du corps espagnol qui se retirait de Salamanque dans la direction d'Alba de Tormès; le duc del Parque occupait cette ville et avait disposé ses troupes sur les deux rives de la Tormès - Victoires et Conquêtes des Français, t. XIX, p. 306).
Le stratagème réussit; la cavalerie n'eut pas fait un demi-quart de lieue qu'elle rétrograda et revint sur la route prise par l'ennemi, suivie par l'infanterie qui marchait aussi vite qu'elle le pouvait. Les avant-postes espagnols furent très surpris de nous voir déboucher : ils crurent d'abord que ce n'était qu'une simple reconnaissance, mais bientôt, convaincus du contraire, ils avertirent leur général qui fit revenir en toute hâte ses régiments. A mesure que nos dragons arrivaient, on les formait derrière de petits monticules où ils ne pouvaient être aperçus. Je puis décrire ce combat sans omettre le plus petit détail, car je me trouvais auprès du général avec ma compagnie qui avait marché aussi vite que la cavalerie; nous étions postés sur un mamelon très élevé auprès de la rivière et rien ne pouvait échapper à nos regards. Il était près de trois heures du soir, le général Kellermann s'impatientait et envoyait ordonnance sur ordonnance à la colonne d'infanterie pour la faire arriver, mais elle ne pouvait venir plus vite, marchant déjà à un pas plus qu'accéléré (Note : L'avant-garde attendit du renfort. L'attaque de toute la ligne ennemie ne tarda pas à avoir lieu et fut exécutée avec tant de vigueur et d'impétuosité que les Espagnols lâchèrent pied aussitôt; leur cavalerie tourna bride sans échanger un coup de sabre et repassa la rivière en désordre. L'infanterie fut sabrée et abandonna cinq piècesde canon. Après un nouvel engagement de notre cavalerie avec une seconde ligne espagnole, l'ennemi se retira sur une hauteur. La cavalerie se borna à le tenir en échec en attendant l'arrivée de la brigade d'infanterie du général Maucune. Il était nuit lorsque celui-ci fut en mesure de seconder les efforts de la cavalerie. Cependant, malgré l'obscurité qui permettait à peine de se diriger par des chemins et des passages inconnus, le général Kellermann n'hésita pas à faire exécuter l'attaque qui devait terminer la journée. Les Espagnols, formés en carrés, lâchèrent pied au premier choc. Kellermann trouvant le plateau abandonné suivit les fuyards au bruit confus des voix et entra presque aussitôt qu'eux dans la ville d'Alba de Tormès. Là, tombant sur la queue de la colonne ennemie sans tirer un coup de fusil, il lui tua 200 hommes à la baïonnette, se rendit maître du pont et enleva l'artillerie qui le défendait. Les Espagnols profitant des ténèbres se dispersèrent dans les bois et dans les vignes voisines, de manière que le lendemain il fut impossible au général Kellermann de suivre leurs traces et d'achever leur destruction comme il se l'était proposé - Victoires et Conquêtes des Français, t. XIX, p. 307-308).
Lassé d'attendre et désirant vivement culbuter l'ennemi avant que la nuit vînt lui donner sa protection, il se décida à faire charger la moitié de sa cavalerie, laissant l'autre moitié en réserve. Les hussards et les chasseurs prirent la droite, les dragons le centre et la gauche, et cette cavalerie, marchant en bataille, suivit le fond des vallons en manoeuvrant toujours à couvert, de manière que le canon de l'ennemi ne pouvait l'atteindre; elle arriva ainsi au pas tout près des masses espagnoles, puis on commanda "au trot" en débouchant et "au galop" en même temps que "sabre à la main" à petite portée de pistolet. Il faut s'être trouvé dans une pareille situation pour décrire l'effet que produit sur un vrai Français l'aspect de deux troupes qui vont s'entrechoquer et dont le sort va être décidé dans un instant; lorsqu'on participe activement au combat, chacun est occupé uniquement de son devoir et ne pense à rien d'autre; mais lorsqu'on est simplement observateur, c'est tout autre chose : on éprouve une angoisse terrible, surtout quand l'acharnement est le même de part et d'autre : si l'ennemi recule, une satisfaction profonde s'empare de vous; si l'ennemi avance, une rage folle vous saisit et vous voudriez être acteur et vous ruer sur ceux qui avancent. Mais ici nous n'eûmes pas le temps d'éprouver tous ces sentiments : les Espagnols eurent à peine le temps de faire une décharge qu'ils furent enfoncés et sabrés, et une déroute complète s'en suivit. Plus de 3 000 Espagnols furent sabrés, puis le général fit sonner le ralliement : les canons, les caissons, les drapeaux, tout arrivait sous l'escorte de nos dragons et de nos hussards; on ne faisait point de prisonniers : plusieurs officiers généraux et supérieurs demandaient grâce en offrant des bourses pleines d'or, mais il n'y eut pas de pardon. Notre infanterie n'arrivait toujours pas et, une colonne d'environ 10000 Catalans paraissant vouloir continuer la résistance, le général donna l'ordre à la cavalerie de charger encore une fois. Nos cavaliers s'approchèrent au pas de cette masse qui criait : "Vive Ferdinand VII ! A mort les soldats du tyran !" et, malgré un terrain pierreux où les chevaux avaient peine à se tenir debout, ils culbutèrent tout : la nuit tombait et beaucoup d'Espagnols s'échappèrent en gagnant la rivière et les bois de chênes verts qui se trouvaient en arrière. Enfin, nos régiments parurent : un bataillon du 6e léger et mon bataillon, celui du commandant Duthoya, furent chargés d'enlever la ville à la baïonnette. Tandis que nous descendions les pentes à la course pour nous y rendre, six obusiers, postés sur la hauteur, nous appuyaient en faisant un feu terrible. Les soldats espagnols qui gardaient la ville n'étaient pas sur leurs gardes; soit qu'ils n'eussent pas été prévenus de la déroute, soit qu'ils comptassent sur les 10000 Catalans pour les protéger, ils paraissaient fort tranquilles et buvaient dans les tavernes lorsque nous arrivâmes à la porte d'Alba. La première sentinelle fut percée de dix coups de baïonnette avant qu'elle n'eût crié "qui vive", la compagnie de garde à la porte jeta ses armes pour se sauver plus vite et la panique se répandit partout. Les soldats espagnols étaient si égarés qu'ils nous prenaient pour des leurs; les bagages, les chevaux, l'artillerie, tout voulait s'enfuir à la fois, de telle sorte que les rues furent bientôt obstruées, surtout aux environs du pont; les maisons étaient remplies d'Espagnols qui ne nous reconnaissaient qu'aux coups de baïonnette qu'ils recevaient, les rues étaient jonchées de cadavres (Note : Cette journée peu connue, où toute une armée fut détruite par huit régiments de cavalerie, ne nous coûta que 18 tués et 57 blessés. Les ennemis laissaient sur le terrain 3000 tués ou blessés et entre nos mains 15 canons, 15000 fusils, plusieurs drapeaux et 2000 hommes - E. GUILLON, les Guerres d'Espagne sous Napoléon, p. 147).
On se logea militairement et, comme les habitants étaient restés et s'empressèrent de donner des vivres, les maisons furent respectées. Cependant quelques bourgeois vinrent se plaindre à notre colonel de ce que plusieurs soldats du 69e s'étaient introduits dans un couvent de femmes pour le piller. Le colonel y envoya l'adjudant-major de mon bataillon, M. Fauverteix, et je le suivis : on nous ouvrit les portes; dès que les pillards aperçurent celui qu'ils appelaient "le Père Bàtonniste", parce qu'il usait plus volontiers du bâton que des punitions, ce fut une fuite générale; ils escaladèrent les murs, passèrent par les fenêtres et en cinq minutes la place était évacuée. Nous vîmes alors une trentaine de femmes fort jolies qui se pressaient les unes contre les autres comme les brebis à l'approche du loup. Ces jeunes nonnes tremblaient et nous appelaient leurs sauveurs; elles nous supplièrent de rester toute la nuit, et chacune s'empressait pour nous offrir des bonbons, du sucre et toutes sortes de pâtisseries. Présumant que, vu le grand nombre d'officiers, nous aurions tout juste de la paille là où nous étions logés, l'adjudant-major fit placer une garde d'un caporal et de quatre hommes à la porte du couvent, et nous montâmes près de nos charmantes hôesses tout heureuses de nous posséder; elles nous établirent deux lits si bons que je n'en avais pas encore trouvé de pareils en Espagne, mais je dormis peu car je passai une partie de la nuit avec les jeunes religieuses, dont plusieurs me parurent préférer la vie mondaine à la vie monastique.
A la pointe du jour, nous rejoignîmes le régiment et je vis des malheureux Espagnols étendus dans les rues, percés de coups de baïonnette et qui avaient passé sans mourir une nuit aussi froide. Nous passâmes le pont jeté sur le Thormès et suivîmes les traces des fuyards qui avaient gagné la montagne ; nous trouvâmes quantité de voitures, de bagages, des canons, des obusiers : les compagnies de voltigeurs des 1er et 2e bataillons furent envoyées sur les flancs pour ramasser les fuyards qui s'étaient écartés de la route et, en moins d'une heure, elles en ramenèrent plus de 600 : le capitaine Callet, des voltigeurs du 1er bataillon, ne voulait pas les fusiller avant de savoir si l'ordre était le même que la veille, mais le général Lorcet (Note : Lorcet (baron Jean-Baptiste), né le 18 mars 1768. Général de brigade de cavalerie le 30 juillet 1799. Fit les campagnes de 1806 et 1807, où il donna les preuves d'un brillant courage. Envoyé en Espagne, se distingua à Alba de Tormès et à Fuentès d'Onoro. Revenuen France, fit les campagnes de 1812, 1813 et 1814. En 1814 le roi le créa chevalier de Saint-Louis et le nomma au commandement de Saint-Malô. Après les événements du 20 mars, fut nommé lieutenant-général de cavalerie - Tables du Temple de la Gloire, t. XXVI), commandant la brigade de légère, qui arrivait à ce moment, cria : "N'épargnez pas cette canaille, expédiez-moi cela". Cette parole n'était pas achevée que les voltigeurs avaient commencé le feu. Le duc del Parque, voyant que nous lui rendions la pareille, écrivit le soir même au général Marchand qu'il jurait de respecter les prisonniers à l'avenir, mais qu'il le suppliait d'épargner ceux qu'il ferait. Tout ce qui fut pris depuis fut conservé, mais les soldats n'oublièrent jamais leurs camarades torturés et brûlés, et tout Espagnol pris par les éclaireurs, les flanqueurs, en un mot loin des yeux des généraux, fut, comme par le passé, impitoyablement massacré.
Nos trophées, pour la journée du 28, furent six drapeaux et 18 canons; 8 000 Espagnols furent tués par la cavalerie et l'infanterie, et cette armée, forte de 35000 hommes, fut dispersée pendant au moins six mois. L'armée française perdit seulement 17 hommes dont un seul fut tué qui était justement un adjudant sous-officier, frère du colonel du 15e dragons. Si je n'avais pas été témoin de ce fait, je serais comme beaucoup d'autres, je douterais de la vérité, mais mon unique but est d'être vrai et j'écarte loin de moi tout esprit de partialité susceptible de m'aveugler. La cavalerie ne nous étant plus d'aucune utilité en pays de montagne, le général Kellermann resta avec ses dragons à Alba de Thormès et fit connaître au commandant militaire de Salamanque le résultat de l'affaire du 28; les autorités civiles ayant paru douter de la véracité de ce fait que 1500 cavaliers avaient battu et dispersé 35000 hommes, on commanda de corvée 500 paysans pour venir enterrer les morts bien reconnaissables à la noirceur de leur peau et à la vermine qui les couvrait" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Régiment, après avoir bivouaqué à Zamora, Toro, Simancas, arrive à Sando le 2 décembre et y prend position.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 1er décembre, nous couchâmes à Santa-Maria, village au pied de la montagne de Tamamès, et le lendemain nous repassâmes sur le lieu du combat où le soldat le moins intelligent put reconnaître la faute commise par notre général. Nous ramassâmes encore 500 fuyards, qui furent gardés prisonniers bien qu'il leur ait fallu reconnaître que nos blessés avaient bien réellement été brûlés.
Le général Marchand reprit le chemin de Salamanque avec la 2e division et l'autre brigade de notre division; quant au 69e et au 6e léger, ils furent cantonnés à Ledesma et dans les environs. A Ledesma je fus logé chez une charmante veuve, dona Rosa de Pax : cette femme, quoique approchant de la quarantaine, était fraîche et encore très belle; elle était très instruite et je trouvais avec elle grand plaisir dans sa conversation qui était savante et spirituelle. Elle avait des soins infinis pour moi et me disait souvent que je ressemblais beaucoup à un de ses fils qui était officier dans un régiment espagnol. Elle n'avait pas de plus grande satisfaction que lorsque je l'accompagnais à la messe; aussi rien ne me manquait; j'étais toujours comblé de sucreries, de pastilles, de rosquillas, pâtisseries ne se fabriquant que dans les couvents de religieuses. J'avais pourtant en ce moment une fort jolie petite femme, avec laquelle je passais des moments très agréables : c'était une cantinière du régiment, nommée Reine, petite fille qui, sans être jolie, me plaisait pour sa vivacité; elle vivait avec un tambour du 1er bataillon qui la surveillait de près de sorte que je ne pouvais la voir que quand son bataillon était de service. Malgré tout, je revenais encore de préférence près de mon hôesse qui avait des charmes particuliers qui me la faisient aimer; ce qui me chagrinait, c'est que, malgré toutes les précautions que je prenais, dona Rosa savait presque toujours lorsque je lui faisais des infidélités" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 5 décembre, le Fusilier Lagula est tué à Formasella.
Le 16 décembre, le 69e est toujours posté en couverture à Ledesma, avec le 3e Hussards, au nord-ouest de Salamanque.
"... et le 1er janvier 1810 à Rollan contre les guérillas" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon). Le Lieutenant Klein est blessé le 1er janvier 1810 à Salamanque.
Fig. Voltigeur du 69e de Ligne, 1810 (dessin de D. Davin) |
Le Commandant Giraud écrit :
"Salamanque, le 29 janvier 1810.
On parle d'un prochain mouvement dans la Galice. S'il se fait, comment correspondre avec les parents et les amis laissés en France ? La poste n'y est établie nulle part.
Enfin, le voilà conquis ce fameux grade de chef de bataillon après lequel je soupire depuis si longtemps et si impatiemment attendu (Giraud est promu chef de bataillon le 28 décembre 1809). Je remplace à la tête du 2e bataillon, le commandant Rolland mort de maladie.
Les renforts nous arrivent : 68,000 hommes ont franchi les Pyrénées avec le maréchal Masséna qui, réunissant sous ses ordres, trois corps d'armée (le 2e, le 6e et le 8e) a pour mission de pénétrer en Portugal, par la rive droite du Tage, pendant que le maréchal Soult y entrera par la rive gauche.
Il faudra veiller au grain, pour que les Portugais ne me percent pas la peau.
On assure que l'empereur nous reviendra aussi sous peu, la paix imposée à l'Autriche lui donnant quelque repos. Sa présence vaudra ici toute une armée, les Espagnols ne l'aiment pas et espèrent que sa présence mettra fin aux maux dont ils souffrent.
Il ne faut pas trop se fier à leurs démonstrations d'amitié; ce sont des feintes... On s'accorde à dire que cette dernière campagne sera la dernière et qu'avant peu, nous jouirons des bienfaits de la paix.
Qui vivra verra.
De Valladolid, à Salamanque, il n'y a point de grande route; on ne suit que des chemins de traverse, presque impraticables, dans les mauvais temps, pour l'artillerie. La ville de Salamanque, célèbre par son université, est moins grande que Valladolid; elle renferme, ainsi que toutes les villes et les bourgs de ce royaume,une immensité de vastes maisons religieuses, aujourd'hui habitées par nos soldats; sa place, ainsi que les églises conservées, sont superbes.
La rivière de Tormès arrose ses murs au midi et va se jeter dans le Douero au-dessous de Zamora, sur les frontières du Portugal. Les Anglais nous laisseront-ils y entrer sans coup férir ? Je ne le pense point. Dans tous les cas, nous allons commencer, à leur barbe, le siège de Ciudad-Rodrigo ; cette place prise, nous irons de l'avant ...
Ma promotion au grade supérieur m'engage à poursuivre une carrière que j'aurais cependant bien désiré voir finir, il y a quelques mois. Il faut deux années de grade, pour toucher la retraite du grade donton est titulaire, au moment où on quitte l'armée. Je verrai à me retirer dans deux ans.
Nous sommes sur les frontières du Portugal ; nous nous attendons à chaque instant à recevoir l'ordre de pénétrer dans ce royaume pour en chasser les Anglais qui causent la ruine de l'Espagne et du Portugal.
Je tiens les postes avancés. Ce n'est pas une petite chose que d'être livré à soi-même, et de se procurer des vivres, des fourrages, pour les hommes, et les chevaux et cela où l'on peut. Ce n'est pas agréable, et c'est très épineux pour un coup d'essai.
Nous avons devant nous, deux places fortes ; Ciudad-Rodrigo, place espagnole à quatre lieues de mon cantonnement, et Almeida, place-frontière du Portugal à quatre lieues de Rodrigo. Cette dernière est plus forte que l'autre. L'attirail de siège est arrivé à Salamanque, et nous devons faire incessamment celui de Rodrigo. Je n'en ai pas bonne opinion; je crains que ce siège ne réussisse pas, l'armée anglo-portugaise, forte de 60,000 hommes, nous épiant et n'étant qu'à une faible distance de nous.
Quand nous partirons d'ici pour faire ces deux sièges, qui sait, quand j'aurai le loisir d'écrire" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 30 janvier 1810, la Division rentre de nouveau à Salamanque.
Le 31 janvier, la position du 6e Corps est la suivante :
A Salamanque et dans les villages environnants, le Quartier-général, trois Régiments de la 1ère Division (39e, 69e, 76e) et le 3e Hussards (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous quittâmes Ledesma le 1er février 1810 pour nous rendre à Salamanque, et ce ne fut pas sans peine que je vis pleurer mon hôesse; quoique les militaires passent pour avoir le coeur dur, je vis l'instant où mes larmes allaient couler : elle me fit cadeau d'un joli portefeuille sur lequel elle avait brodé une superbe rose, je l'ai conservé précieusement et je le revois toujours avec un nouveau plaisir.
Le 2 février, je fus nommé sous-lieutenant et, à ma grande joie, dans ma compagnie même : Je pris de suite le service mais ne devais avoir confirmation de mon grade que le 27 décembre, après la funeste campagne de Portugal.
Quand la brigade arriva à Salamanque, le maréchal Ney était de retour de Paris; on m'a même assuré qu'il se trouvait chez l'Empereur lorsque le rapport sur le combat de Tamamès arriva, et que Sa Majesté lui avait dit : "Si vous étiez resté à votre poste, votre corps d'armée n'eût pas éprouvé cet échec". Tous les officiers allèrent lui faire une visite de corps et il félicita le 69e et le 6e léger de leur brillante conduite devant l'ennemi : à la grande satisfaction des officiers du 3e bataillon, il remercia notre commandant, M. Duthoya, d'une façon particulière et lui dit : "Commandant, c'est à votre habileté et à la bravoure de votre bataillon que je dois la conservation de plusieurs centaines de mes soldats et de mon artillerie".
Le lendemain on toucha douze jours de biscuit ..." ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Pendant ces marches, les troupiers, sans pain ni viande, vivent de froment qu'ils font griller ou qu'ils écrasent entre des pierres. Le pays, cependant, peut fournir d'abondantes ressources, des troupeaux entiers de boeufs paissent à l'état sauvage dans de vastes plaines. Le Colonel Fririon reçoit l'ordre de se saisir du plus grand nombre possible de têtes de bétail pour la subsistance du Corps d'armée. Des battues sont organisées, mais les soldats sont mal exercés à ce genre de chasse; le résultat est pitoyable, force est donc de se rabattre sur les boeufs domestiques, ce qui attise encore la haine des paysans.
Les vêtements et les chaussures des hommes sont hors service, les ressources des Corps épuisées, la solde due depuis huit mois ! Une lettre du Duc d'Elchingen dira mieux ce que peut être la guerre dans de telles conditions :
".... Les insurgés s'emparent des villages, fusillent les alcades, inspirent la terreur, s'emparent des hommes de dix-huit à quarante ans; ils se donnent des drapeaux et prennent le titre d'Armée de Navarre et de Biscaye; ces corps sont excessivement difficiles à détruire, vivent partout, connaissent parfaitement le pays et sont renseignés sur tous nos mouvements. Ils se retirent, se divisent et ne se battent que lorsqu'ils le veulent; ils sont réellement les maîtres du pays alors que nous ne le sommes que des points que nous occupons. Il est impossible de lever un sou de contributions sur soixante-dix lieues de pays conquis. Tout est détruit, les moulins sont mis en pièces : la "Volonté nationale" fait face à l'envahisseur".
H/ Campagne contre l'Autriche, 1809
- Formations créées par le 69e
Les Grenadiers et les Voltigeurs du 4e Bataillon du 69e (ancien 3e Bataillon) entrent, depuis le 21 octobre 1806, dans la composition du 1e Bataillon du 5e Régiment des Grenadiers et Voltigeurs d'Oudinot.
Le 4e Bataillon fournit quatre Compagnies de Fusiliers au 2e Bataillon du 6e Régiment de ligne (2e Brigade, 2e Division du Corps Oudinot, 2e Corps d'armée). Elles s'ajoutent aux deux Compagnies d'élite passées à ce Bataillon après deux réorganisations successives.
Le 5e Bataillon envoie deux Compagnies au 1er Bataillon de la 13e Demi-brigade provisoire du Corps de réserve.
- Organisation de la nouvelle armée
En voyant Napoléon aux prises, en Espagne, avec des difficultés imprévues et obligé de retirer d'Allemagne et d'Italie des renforts pour les porter sur l'Ebre, l'Autriche juge le moment favorable pour reconquérir ses provinces perdues. Le comité militaire de Vienne confie 200000 hommes à l'Archiduc Charles avec pleine liberté d'action en Allemagne; 40000 hommes sous l'Archiduc Ferdinand sont chargés de contenir Russes et Polonais, tandis que l'Archiduc Jean et 60000 hommes reçoivent la mission de tenir en respect les troupes françaises de Dalmatie et d'Italie.
Revenu d'Espagne, Napoléon procède lui-même à la formation d'une nouvelle armée.
La Division Oudinot, à laquelle appartiennent les Grenadiers et les Voltigeurs du 4e Bataillon du 69e, est en garnison à Hanau à la fin de l'année 1808.
Le 5 décembre 1808, à Madrid, l'Empereur ordonne : "... 2° Le corps du général Oudinot sera composé de trente-six bataillons des régiments ci-après, savoir des 4e, 6e, 9e, 16e, 25e, 27e, 17e, 21e, 24e, 26e et 28e d'infanterie légère ; des 8e, 95e, 96e, 4e, 18e, 40e, 64e, 88e, 27e, 39e, 45e, 59e, 69e, 76e, 24e, 54e, 63e et 94e de ligne, et des 46e, 28e, 50e, 75e, 100e et 103e de ligne.
Les bataillons des tirailleurs corses et des tirailleurs du Pô y seront joints, ce qui en portera le nombre à 36.
Chaque bataillon sera réuni, enfin, à six compagnies et à 840 hommes.
Tous les hommes sortant des hôpitaux et appartenant aux régiments de marche formés en France resteront à la suite des compagnies de grenadiers et voltigeurs du corps d'Oudinot, et, lorsque les quatre compagnies de fusiliers seront arrivées, elles seront incorporées dans ces compagnies.
3° Aussitôt que deux compagnies de ces 4es bataillons seront complétées au dépôt à 140 hommes chacune, le ministre de la guerre nous en rendra compte, pour que nous donnions l'ordre de les faire rejoindre avec les chefs des bataillons et adjudants-majors.
Au 10 janvier, le ministre de la guerre nous fera connaître ceux de ces 4es bataillons qui peuvent fournir deux compagnies de 140. Les deux autres compagnies auront joint avant le 20 février, de manière qu'à cette époque chaque régiment de l'armée du Rhin ait ses quatre bataillons de six compagnies chacun et d'un effectif de 3.360 hommes, et que le corps présentera trente-six bataillons ou 30.000 hommes.
4° Ce corps sera partagé en trois divisions de douze bataillons chacune.
Les bataillons seront embrigadés sous le nom de demi-brigades d'infanterie, dont quatre d'infanterie légère et huit d'infanterie de ligne, commandées par les majors ...
La 1re demi-brigade d'infanterie de ligne sera composée des 4es bataillons des 8e, 24e et 25e ...
La 6e des bataillons des 59e, 69e et 76e ...
La 2e division sera composée de la 2e demi-brigade d infanterie légère et des 4e, 5e et 6e d'infanterie de ligne ...
5° Aucun mouvement ne se fait par le ministre de la guerre, qu'il ne m'en ait présenté le projet et qu'il n'ait eu mon approbation" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2522).
Le même 5 décembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Chamartin, au Général Lacuée, Directeur des Revues et de la Conscription militaire, à Paris : "Mon intention est de renvoyer les compagnies de grenadiers et de voltigeurs des 4es bataillons des régiments qui font partie de l'armée du Rhin à leurs régiments, pour former le cadre des 4es bataillons, et d'augmenter insensiblement ces 4es bataillons des quatre autres compagnies, de manière que l'armée du Rhin, qui est composée de vingt et un régiments, le soit de quatre-vingt-quatre bataillons ; ce qui, avec les huit bataillons qui forment le corps des villes hanséatiques, fera quatre vingt-douze bataillons, ou un effectif de près de 78,000 hommes, et, avec la cavalerie et l'artillerie, près de 110,000 hommes. Le corps d'Oudinot ne serait plus alors composé que des compagnies de grenadiers et voltigeurs des régiments ci-après, savoir : 6e, 9e, 16e, 25e, 27e, 17e, 21e, 24e, 26e, 28e d'infanterie légère ; 8e, 95e, 96e, 4e, 18e, 40e. 64e, 88e, 27e, 39e, 45e, 59e, 69e, 76e, 24e, 54e, 63e, 94e d'infanterie de ligne. Mon intention serait que les compagnies restant des 4es bataillons de ces corps y fussent réunies ; ce qui compléterait vingt-huit bataillons. J'y joindrais les 4es bataillons des 46e, 28e, 50e, 75e, 100e et 103e ; ce qui porterait ce corps à trente-quatre bataillons, qui, à 840 hommes chacun, feraient près de 30,000 hommes. Pour compléter le nombre de 30,000 hommes, j'y réunirais les bataillons des tirailleurs du Pô et des tirailleurs corses ; j'en formerais trois divisions de douze bataillons chacune ; ce qui ferait un beau corps qui pourrait, si cela était nécessaire, renforcer l'armée du Rhin et la porter à 140,000 hommes, laissant les 4e, 46e, 18e de ligne, 24e et 26e légers, ce qui fait cinq régiments, pour la défense du port de Boulogne et de la Bretagne, et me laissant ainsi la faculté de diriger sur l'Allemagne les 4es bataillons des 48e, 13e, 108e, etc ..." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14535 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19446).
D'autre part, le 13 février 1809, l'Empereur a donné l'ordre à Clarke de "compléter les douze demi-brigades du corps du général Oudinot" à l'aide de douze Bataillons de marche tirés des Dépôts. Napoléon écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la guerre : "Monsieur le général Clarke, le corps du général Oudinot, au lieu d’être partagé en trois divisions, ne le sera qu’en deux. À cet effet, la 3e demi-brigade légère et la 4e demi-brigade de ligne feront partie de la 1re division ; la 5e et la 6e demi-brigade de ligne feront partie de la 2e division. Le général Claparède commandera une de ces deux divisions. Comme il paraît que chaque corps ne pourra fournir que deux compagnies de fusiliers au grand complet, jusqu’à ce que la conscription de 1810 ait complété les cadres, chaque bataillon ne sera que de 560 hommes, chaque demi-brigade de 1 680 hommes, chaque division de 10 000 hommes, et le corps entier de 20 000 hommes. Lorsque les 5e et 6e compagnies de fusiliers pourront être envoyées, je verrai si je dois former une 3e division, ou laisser seulement le corps à deux divisions.
... Le 8e bataillon sera composé de deux compagnies du 59e, de deux du 69e, et de deux du 76e ...
Ces douze bataillons de marche seront réunis du 1er au 15 mars à Strasbourg.
Vous donnerez ordre que chacune de ces compagnies soient complétées à 140 hommes.
Donnez ordre que les dépôts fournissent à chaque homme une capote et 3 paires de souliers, dont deux dans le sac et une aux pieds.
Si les dépôts ne pouvaient compléter ces compagnies, ils en enverront toujours les cadres, avec tout ce qu’ils ont de disponible, et vous ferez connaître ce qui manquerait, afin que je le fasse tirer des conscrits de ma Garde.
Vous donnerez ordre que tous les détachements de ma Garde qui doivent partir de Paris, pour porter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs au grand complet, soient prêts à partir le 15 pour se rendre à Strasbourg. Ils seront formés en bataillons de marche. Vous prescrirez aux différents commandants de ma Garde d’en passer la revue, de n’envoyer que des hommes qui sachent faire l’exercice à feu, et de les faire habiller de l’uniforme d’infanterie légère, avec les boutons des régiments où ils doivent entrer ; on me les présentera à la parade du 16, et ils partiront le 17.
J’ai donné ordre au corps du général Oudinot de se réunir à Augsbourg.
Si le général Claparède est encore à Paris, donnez-lui l’ordre de se rendre à Strasbourg186 pour y attendre ces détachements, et exécuter les ordres qui lui seront donnés. Il sera chargé de mener cette colonne.
Par ce moyen, il y aura entre Strasbourg et Augsbourg de quoi compléter les 12 brigades du corps du général Oudinot, à 12 compagnies chacune, c’est-à-dire à 20 000 hommes. Comme il y aura 12 demi-brigades, il faudra 36 chefs de bataillon et adjudants-majors. Présentez-moi la nomination de ceux qui manquent, et vous les dirigerez sur Strasbourg, pour de là rejoindre le corps. Il faudra 12 majors, le corps en a huit ; c’est quatre à envoyer. Il faut 6 généraux de brigade ; faites-moi connaître ceux qu’il faudrait envoyer.
Il faut à chaque division 18 pièces de canon, c’est-à-dire 36 pour les 2 divisions. Le corps en a 18 ; faites-moi connaître la situation du parc de l’armée du Rhin, et s’il peut fournir les 18 autres pièces.
Ainsi, à la fin de mars, j’aurai au corps du général Oudinot 20 000 hommes, 36 pièces de canon avec caissons et double approvisionnement, un général de brigade d’artillerie, deux compagnies de sapeurs, une compagnie de pontonniers, un colonel du génie, trois officiers du génie, 6 000 outils attelés, 40 caissons d’infanterie, 20 par division, la division de cuirassiers Espagne, et la brigade de cavalerie légère composée de 3 régiments que j’ai attachés à ce corps. Ce qui fera un corps de près de 30 000 hommes.
Il faut qu’il y ait un commissaire des guerres par division, et deux adjoints, et les chefs de service nécessaires. L’armée du Rhin a en personnel de quoi organiser tout cela ..." (E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2767 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20016).
C'est ainsi que le 4e Bataillon du Régiment doit fournir 280 hommes, mais en réalité il n'en expédia au 8e Bataillon de marche (le 69e et le 76e fournissent chacun deux Compagnies de leurs dépôts) que 170 en deux Compagnies. Ce détachement quitte Luxembourg le 27 février et arrive le 6 mars à Strasbourg, où se fait la concentration de tous les contingents.
Le Général Claparède, mis par l'Empereur, comme on l'a vu, à la tête de cette formation nouvelle, reçoit l'ordre de tenir le 8e Bataillon prêt à partir le 15 mars. Mais la Division tout entière quitte Strasbourg ce jour même et atteint Augsbourg le 25.
Le détachement (8e Bataillon de marche) pour sa part suit les étapes suivantes : le 16, Biberach; le 17, Hornberg; le 18, Rottweiss; le 19, Bahlingen; le 20, Riedlingen; le 21, Ehringen; le 22, Ulm; le 23, Günzbourgs; le 24, Zusmarshausen; le 25, Augsbourg.
Le 8 mars, par ordre de Napoléon, a été créé un 13e Bataillon de marche. Le 11 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, j'ai vu hier les détachements des 32e, 58e et 121e formant un bataillon n°13 destiné pour les 63e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e, 100e et 103e. Faites partir ces 600 hommes pour Strasbourg ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2916 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20330). Rappelons que ces renforts sont destinés au Corps de réserve du Général Oudinot, à Augsbourg. Le 13e Bataillon de marche part donc de Paris le 14, arrive à Strasbourg le 30 et passe de suite 80 hommes dans les rangs du 69e.
Toujours le 8 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois votre lettre du 6 avec l'état qui y est joint. Je vois que la force des 12 bataillons de marche du corps du général Oudinot est de 6 300 hommes et qu'il manque 3 000 hommes pour les compléter. Ces 3 000 hommes seront fournis par ma Garde ...
Vous donnerez des ordres pour la formation d'un bataillon provisoire qui sera composé :
de 250 hommes du 32e
150 hommes du 58e
300 hommes du 121e
300 hommes du 122e
Total 1 000 hommes et qui portera le nom de bataillon de marche d'Oudinot n°1
Ces 1 000 hommes seront distribués entre les régiments suivants
... 80 hommes au 69e ...
Les détachements de ma Garde partiront habillés. Vous enverrez à cet effet au conseil d'administration les numéros de régiments où ils doivent être incorporés, afin qu'on fasse faire leur uniforme, et qu'on y mette les boutons de ces régiments. Par ce moyen, le corps du général Oudinot recevra un renfort de 8 300 hommes, et il manquera peu de choses à son complet, en présents sous les armes. Quand le corps du général d'Oudinot aura reçu ces 8 000 hommes, vous me ferez connaître ce qui pourrait manquer au complet des compagnies, et s'il y a moyen de le tirer de quelques dépôts, où se trouveraient des conscrits des 4 années antérieures à 1810" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2899 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20291).
A Augsbourg, la Division Oudinot reçoit, conformément à l'ordre de l'Empereur du 8 mars, le détachement composé des soldats les plus grands et les plus petits de la Jeune Garde. Quatre-vingt-un d'entre eux, comme on l'a vu, portant déjà le numéro 69, sont incorporés dans le 2e Bataillon (2e Division Tharreau du Corps Oudinot).
Situation de la Division Oudinot au 9 mars 1809 (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20309) :
Divisions |
Brigades |
1/2 Brigades |
Bataillons |
Présents |
Détachements tirés des conscrits de la Garde |
Compagnies de fusiliers formant les 12 premières compagnies de marche |
Détachement formant le 13e bataillon de marche |
Totaux
|
Manque au complet de 560 par brigade |
Excédent sur le complet |
|
Par bataillon
|
Par 1/2 brigade
|
||||||||||
2e division général Tharreau |
2e brigade le général |
6e 1/2 brigade d'inf. de ligne Major Courtois | 59e de ligne |
197 |
86 |
201 170 148 |
50 |
534 535 511 |
1580 |
26 |
|
En résumé, le 2e Bataillon de la 6e Demi-brigade d'infanterie de ligne est composé de 204 anciens Grenadiers et Voltigeurs, 81 conscrits de la Jeune Garde, 170 du 8e Bataillon de marche, 80 du 13e. En tout, de 535 hommes du 69e d'infanterie.
En outre, l'Empereur ordonne au Dépôt de constituer par un appel ultérieur les 5e et 6e Compagnies du 4e Bataillon.
Napoléon décide également la création de 16 Régiments provisoires; le 5e Bataillon du 69e doit envoyer deux Compagnies de 140 hommes au 1er Bataillon du 12e Provisoire organisé à Metz. L'Empereur écrit, le 3 mars 1809, depuis Paris, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, je vous envoie le projet de formation d’une réserve de régiments provisoires, sur lequel je désire que vous me fassiez un rapport. Faites-moi connaître si je n'ai rien oublié et s'il y a des changements qu'il soit convenable de faire pour épargner des marches aux troupes. Enfin présentez-moi des états qui m'apprennent si les 5es bataillons pourront fournir ces quatre, trois ou deux compagnies pour concourir à ladite formation. Les 10,000 hommes de réserve que forme ma Garde sont destinés à compléter les 5es bataillons et à les mettre à même de fournir les hommes nécessaires. Il faut donc qu'une colonne des états que vous ferez dresser indique le nombre d'hommes qui leur manquera, après avoir épuisé tout leur monde ; cette colonne sera la colonne de distribution des 10,000 hommes de la Garde. Il ne vous échappera pas que, par ce moyen, j'aurai 6,000 hommes à la Rochelle, 3,000 en Bretagne, 9,000 à Paris, 5,000 au camp de Boulogne, 2,500 pour la défense de l'Escaut, 2,500 pour garder Wesel, 5,000 à Strasbourg, 2,500 à Metz et 10,000 Français en Italie; total, 45,500 hommes.
NAPOLÉON
Annexe
PROJET DE FORMATION D'UN CORPS DE RÉSERVE
1
Il sera formé une réserve de seize régiments provisoires composée des compagnies des cinquièmes bataillons qui seront complétés avec les conscrits de 1810;
2
... Le 12e régiment sera composé de 3 bataillons formés de 3 compagnies des 5es bataillons des 59e, 69e, 100e, 103e, 76e et 105e. Il se réunira à Metz ..." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14838 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20195).
Ces formations nouvelles n'ont aucune administration, car les Compagnies sont toujours considérées comme détachées de leur Corps.
Le 21 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis La Malmaison, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur Je général Clarke, mon intention est que les convois de conscrits réfractaires partis du Mans pour Boulogne soient dirigés sur Sedan, Mézières et Metz.
Je suppose que par suite des mesures prises pour établir des garnisaires dans les départements de l'Ouest, il rentrera environ 2400 conscrits réfractaires. Mon intention est que le premier mille qui rentrera soit réparti entre le 14e régiment d'infanterie de ligne, le 12e de ligne, le 26e d'infanterie légère, le 24e léger, le 100e de ligne et le 103e dont les dépôts sont à Sedan, Metz ou Mézières, et les 59e et 69e dont les dépôts sont à Luxembourg.
Je désire que cette répartition ait lieu à raison de 300 par régiment, qui seront distribués de la manière suivante :
... La 6e centaine [sera dirigée sur le] 69e de ligne ...
Les huit secondes centaines seront distribuées de même, et ainsi de suite. Quand le nombre aura dépassé 2 400, vous m'en rendrez compte pour que je puisse indiquer de nouvelles directions.
Vous en donnerez avis à ces regiments pour qu'ils soient prêts à recevoir ces conscrits, et qu'ils puissent sur-le-champ les habiller et les faire filer sur les bataillons de guerre qu'ils ont au-delà du Rhin ..." (Le 21 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis La Malmaison, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur Je général Clarke, mon intention est que les convois de conscrits réfractaires partis du Mans pour Boulogne soient dirigés sur Sedan, Mézières et Metz.
Je suppose que par suite des mesures prises pour établir des garnisaires dans les départements de l'Ouest, il rentrera environ 2400 conscrits réfractaires. Mon intention est que le premier mille qui rentrera soit réparti entre le 14e régiment d'infanterie de ligne, le 12e de ligne, le 26e d'infanterie légère, le 24e léger, le 100e de ligne et le 103e dont les dépôts sont à Sedan, Metz ou Mézières, et les 59e et 69e dont les dépôts sont à Luxembourg.
Je désire que cette répartition ait lieu à raison de 300 par régiment, qui seront distribués de la manière suivante :
... La 7e centaine [sera dirigée sur le] 26e léger ...
Les huit secondes centaines seront distribuées de même, et ainsi de suite. Quand le nombre aura dépassé 2 400, vous m'en rendrez compte pour que je puisse indiquer de nouvelles directions.
Vous en donnerez avis à ces regiments pour qu'ils soient prêts à recevoir ces conscrits, et qu'ils puissent sur-le-champ les habiller et les faire filer sur les bataillons de guerre qu'ils ont au-delà du Rhin ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2978 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20478).Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20478).
En avril, le 13e Provisoire se rend à Strasbourg pour être endivisionné avec les 11e et 12e et être porté "sur les derrières de l'armée et partout où il serait nécessaire" (Napoléon).
Enfin, l'envoi des 5e et 6e Compagnies des 4e Bataillons est décidé. Le dépôt du 69e fait partir son contingent de 280 hommes le 10 avril à destination de Strasbourg, où il arrive le 17. Il contribue à la formation d'un autre 8e Bataillon de marche destiné au renforcement ultérieur du 6e de Ligne.
Dans l'ordre de bataille de la Grande Armée signé le 30 mars par Napoléon, le 69e d'Infanterie forme le 2e Bataillon de la 6e Demi-brigade d'infanterie de ligne, Major-commandant Courtois; 2e Brigade Lesuire, 2e Division Tharreau du Corps d'Oudinot, placé sous le haut commandement du Duc de Montebello (2e Corps d'armée).
Dès le 15, il est vrai, Oudinot, autorisé à effectuer quelques mutations parmi ses officiers, met sa 2e Division aux ordres du Général Claparède à la place du Général Tharreau, passé à la 1ère Division.
Pour que, dans ces unités de compositions si diverses, chaque Régiment ait son emblème, l'Empereur dote chaque Bataillon d'un enseigne. Ce sont de petits drapeaux faits d'un simple morceau de serge tricolore portant d'un côé le numéro de la Demi-brigade et de l'autre le numéro du Bataillon. Exemple : 4e Bataillon du 69e d'Infanterie de ligne, et, au revers : 6e Demi-brigade de ligne.
- Débuts de la campagne
Comme en 1805, Napoléon se propose de marcher sur Vienne par le Danube; il sait les Autrichiens massés en Bohême, sans connaître exactement la répartition de leurs forces. Le 30 avril, il expédie au Major-général Berthier l'ordre de se tenir en arrière du Lech si l'offensive autrichienne a lieu avant le 15 avril, et de se concentrer autour de Ratisbonne si aucun mouvement ennemi ne s'est produit.
Les Autrichiens ouvrent la campagne, le 10 atteignent l'Inn et, le 16, l'Isar, leur gros à Landshut.
Oudinot mis, dès le 11, aux ordres de Masséna, commandant le 4e Corps, est dirigé par Berthier, le 13, à huit heures du soir, d'Augsbourg sur Ratisbonne, puis rappelé à onze heures et demie, par ordre de l'Empereur.
Napoléon arrive à Donauwerth le 17; il trouve son armée disséminée sur un front de 140 kilomètres et donne immédiatement l'ordre à sa droite (Davout) et à sa gauche (Masséna et Oudinot) de serrer sur le confluent de l'Abens occupé par son centre (Duc de Dantzig).
Le 18, le Bataillon du 69e, fort de 14 Officiers et de 468 hommes, est envoyé avec le Corps d'Oudinot sur Freising pour occuper les ponts de l'Isar et gagner le plus vite possible Pfaffenhofen, qui est atteint le 19 après un petit combat.
- Combat de Pfaffenhofen
La Brigade de Le Suire, avant-garde de Masséna, se heurte au village défendu par six Bataillons ennemis et deux Régiments de Dragons. Malgré une vive attaque, "les vieux grenadiers et voltigeurs donnèrent une nouvelle preuve de leur bravoure; dans les charges successives qui eurent lieu, les jeunes conscrits ont fait preuve de bonnes dispositions" (Général Oudinot au Duc de Rivoli, 19 avril). Cette marche de l'aile gauche française a pour but de couper la retraite de l'archiduc Charles.
Le 20, laissée seule à la disposition de Masséna, la Division Claparède atteint Freising dans la soirée, rétablit le pont de l'Isar détruit, l'occupe et pousse la 2e Brigade sur la route de Landshut jusqu'à Marzling, où elle bivouaque.
- Combat de Landshut
Le 21, Napoléon, poursuivant son mouvement, rejette sur Landshut les Corps de réserve autrichiens, commandés par Hiller.
La Brigade Le Suire, avant-garde du 4e Corps, reprend le matin sa marche sur Landshut. Le Bataillon de tête culbute les quatre cents hommes qui occupent la porte de la ville et Claparède pénétre, à cinq heures du soir, dans Landshut, évacué par l'ennemi.
Le 22 avril, jour de la bataille d'Eckmühl, la marche est reprise à trois heures et demie du matin par les premiers éléments de Masséna, qui atteignent Eckmühl dans la soirée, sans coup férir.
Le 23, la Division s'empare du pont de Straubürg et envoie sur les deux rives du fleuve de nombreuses reconnaissances.
Après la prise de Ratisbonne, Napoléon se met à la poursuite d'Hiller par la rive droite du Danube, avec Vienne pour objectif.
Le 26 avril, Claparède, qui a bivouaqué sur la route de Passau, entre dans la ville après une faible résistance de 400 Autrichiens au pont de l'Inn. Celui-ci est réparé rapidement par l'Infanterie et là Division effectue son passage, vers sept heures du soir, campe sur la rive droite et se porte le lendemain sur Linz, où se trouvent réunis les débris des troupes d'Hiller et de l'Archiduc Louis.
- Combat d'Ebersberg
Masséna est prévenu, le 1er mai, de la présence de l'ennemi vers Schaerding. Le 2, il atteint Efferding et, le 3, poursuit sa marche. La 1ère Brigade, formant la tête d'avant-garde, soutenue de près par la Brigade Le Suire, rencontre les Autrichiens postés sur les hauteurs en arrière du village d'Ebersberg, défendant le passage de la Traun.
Avec une bravoure incomparable, la Division parvient jusque dans le village, mais, malgré les assauts répétés, ne peut s'emparer de la lisière opposée.
N'espérant aucun secours de Masséna avant trois heures, elle résiste victorieusement à une contre-attaque de dix Bataillons autrichiens et subit le feu d'un ennemi six fois supérieur en nombre.
L'Empereur encourage ses soldats : "La Patrie vous regarde, leur crie t-il, sachez mourir pour elle".
L'arrivée de la Division Legrand, vers trois heures de l'après-midi, permet l'assaut du château d'Ebersberg, qui est enlevé après un combat des plus sanglants. Claparède perd 1500 hommes.
Le Capitaine Delabit est blessé (il dédède 10) tout comme le Sous lieutenant Versilier. Parmi la troupe ont été tués le Fusilier Bequin, le Sergent Bertin, les Voltigeurs Chauvet, Floquet, Hanké, Mouillère, Mathieu, Moulin, Portier.
Au bivouac, le soir, l'Empereur vient féliciter les troupes qui ont emporté la position avec un si bel élan et s'y sont maintenues avec une opiniâtreté digne de vieux soldats.
Du 4 au 17 mai, la Division marche sur Vienne, sans combat.
Le 10, elle a été rendue au Maréchal Lannes (2e Corps) et est chargée, le 19, d'occuper là capitale de l'Autriche.
- Passage du Danube
Dès son entrée dans la ville, Napoléon étudie les moyens de passer le Danube pour écraser au plus tôt l'armée de l'Archiduc Charles, déjà affaiblie par ses défaites récentes. Des ponts sont établis entre les deux rives et l'île Lobaü.
Relevé par la Division Friant, Claparède passe les grands ponts dans la nuit du 21 au 22 mai et ne prend pas part à la première journée d'Essling.
- Bataille d'Essling
L'Archiduc Charles, ayant projeté de laisser les Français franchir le fleuve, pour les battre ensuite, a établi son armée sur le front Strebersdorf-Wagram.
A trois heures du matin, Claparède, ayant effectué son passage, occupe le centre du 2e Corps, déployé dans l'espace libre entre Aspern, tenu par la cavalerie, et Essling, aux mains de Boudet.
A trois heures et demie, la bataille commence.
A sept heures, le Corps de Lannes s'ébranle avec Breitenlee pour objectif, ayant pour mission de séparer l'ennemi en deux tronçons, les Divisions en colonnes ou en carrés, Claparède à gauche et un peu en arrière.
Le village va être atteint, malgré le feu de 42 pièces, quand une contre-attaque dirigée par l'Archiduc Charles lui-même arrête la marche qui dégénère en combat de feu. Les Cuirassiers dégagent une peu l'infanterie qui souffre beaucoup, mais elle se maintient solidement sur le terrain conquis.
Vers midi, Aspern tombe aux mains des Autrichiens qui poussent sur Essling des charges furieuses.
Le 2e Corps subit sans se laisser entamer le choc de 9 Bataillons autrichiens et de toute la réserve de cavalerie contre-attaquée heureusement par le Général Mouton.
A deux heures, sur l'ordre de l'Empereur, la Division repasse dans l'île Lobau avec le gros des troupes et bivouaque le soir en première ligne de l'armée. Elle a perdu son commandant de Corps d'armée, le Général Claparède est blessé, la "division avait beaucoup souffert" (Buat).
Le 69e a le Lieutenant Poupinet, tué; le Chef de Bataillon Pouteaux, le Capitaine Giraud et le Sous lieutenant Brun blessés. Parmi la troupe ont été tués le Fusilier Baguet, le Voltigeur Sugnar, le Caporal Gobert, le Voltigeur Loiseau, les Fusiliers Laluc et Parigot. Il devient nécessaire de lui donner des renforts supplémentaires.
Le 31 mai 1809, l'Empereur écrit, depuis Ebersdorf, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin ... Faites partir ... en même temps du 69e, et du 3e léger 300 hommes
300 hommes
Dirigez tous ces détachements qui doivent former un fonds de 2300 hommes sur Osoppo où ils se réuniront et de là rejoindront les divisions Molitor et Boudet.
... Enfin, faites partir de tous les régiments dont les dépôts se trouvent dans votre gouvernement tout ce qu'ils auraient de disponible ... en réunissant tout cela en masse à Osoppo, pour renforcer la Grande Armée" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21101).
Le 31 mai, Claparède remplace Friant à Vienne.
Le 1er juin 1809, l'Empereur écrit, depuis Ebersdorf, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "Mon cousin, écrivez au général Moulin que je vois dans l'état de situation de la place d'Augsbourg au 27 mai qu'il y a un bataillon de marche de 900 hommes. Il faut le faire partir pour l'armée, ainsi que les détachements des 43e, 59e, 69e, 76e, 3e et 57e de ligne, qu'il a dans la place suffisamment de monde ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3199 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21108).
En outre, des ordres sont donnés pour une importante levée de 40000 hommes, Conscrits levés sur la classe 1810, mais aussi sur les classes 1806 à 1809, afin de compenser les pertes du début de la campagne, et renforcer l'Armée, de manière à remplacer les soldats arrivés à Vienne entre le 22 mai et le 15 juillet. Ainsi, le 10 juin 1809, l'Empereur écrit depuis Schönbrunn au Général Clarke pour lui donner le détail de cette opération particulièrement complexe; lettre accompagnée de 3 Etats différents très détaillés. Concernant le 69e de Ligne, l'Empereur ordonne : "... Les 1500 hommes des conscrits des 4 années destinés pour la cavalerie, et les 1500 hommes des mêmes années destinés pour l'artillerie formant 3000 hommes seront employés à renforcer le corps d'Oudinot. Les trois régiments des côtes de La Rochelle fourniront trois autres mille hommes qui auront la même destination ; ce qui renforcera de 6000 hommes le corps d'Oudinot conformément à l'état A ..."; la répartition qui suit indique que 1500 hommes seront dirigés sur le Dépôt du 82e de Ligne, tandis que le Dépôt de ce Régiment devra envoyer "200 hommes au 4e bataillon du 69e de ligne". Par ailleurs, une annexe intitulée "Répartition des 40 000 conscrits de l'appel supplémentaire de 1810" donne la composition de la 13e Demi-brigade provisoire : 59e de ligne; 69e id.; 76e id.; 100e·id.; 103e id.; 105e id. complété à la Division St-Hilaire; 6e léger qui doit recevoir 25 hommes; 24e id.; 25e id.; 26e id.; 16e id.; 96e de ligne; au total elle doit recevoir 25 hommes. Il est par ailleurs précisé que l'on doit porter "les 24 compagnies à 3360 hommes" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21182).
Napoléon s'est aussi préoccupé des suites des incursions possibles des Autrichiens en Bohême ; il a créé à cet effet, à Hanau, sous le commandement de Junot, un "corps de réserve". La 13e Demi-brigade provisoire citée ci-dessus, endivisionnée avec les 5e, 9e et 10e, est mandée de Strasbourg, sous le commandement du Général Despeaux et arrive à Hanau à la fin de juin.
Des nominations sont faites pour remplacer les Officiers tués ou blessés. Oudinot prend le commandement du 2e Corps; le Général Frère remplace Claparède, à l'ambulance, et Ragoût, commandant d'armes de Vienne, est mis à la tête de la 2e Brigade à la place de Le Suire, appelé à d'autres fonctions.
Le 25 juin, Frère présente sa Division à l'Empereur qui le félicite sur la bonne tenue de ses hommes. Il écrit, d'ailleurs, le lendemain que "les Viennois n'avaient jamais vu de si belles troupes".
- Deuxième passage du Danube
La bataille indécise d'Essling mérite une revanche. Dès le 27 mai, les ponts ont été consolidés; la Division Frère fortifie le Tabor, à partir du 1er juillet, toutes les dispositions sont prises pour entrer dans le Marchfeld.
Napoléon trompe l'Archiduc Charles sur le point qu'il a choisi pour le passage et lance ses ponts au sud d'Enzersdorf.
La Division ne doit quitter Vienne que le 2 à minuit, après avoir été remplacée par le Corps de Vandamme. Elle traverse, le 3, à neuf heures du soir, le premier bras du fleuve et le deuxième, le 4, à onze heures du soir, dans l'ordre de bataille. Elle s'établit au débouché du pont, en deuxième ligne, derrière Tharreau.
- Bataille de Wagram
La 1ère Division rompt à huit heures du matin pour faciliter aux autres troupes le débouché des ponts; elle se heurte, à neuf heures, à un Bataillon de Chasseurs, solidement soutenu par de l'artillerie et retranché dans le château de Sachsengang.
Frère, en échelon en arrière et à gauche, fait tomber la défense et, ayant opéré, après avoir dépassé le château, une conversion à gauche, se trouve en première ligne.
Les Autrichiens sont installés sur les hauteurs de la rive nord de Russbach et leur déploiement, ponctué par les postes avancés de Wagram et de Baumersdorf, domine le Marchfeld.
Le 5 juillet, dès le matin, l'Archiduc Charles et Napoléon sont au contact. Ce dernier, vers midi et demi, vient lui-même donner au 2e Corps Rutzendorf et Grosshofen comme points de direction; le 3e Corps est à droite, le 4e à gauche, la Garde en réserve.
Le Corps Oudinot, sur trois lignes, la Division en tête, s'ébranle vers une heure. La progression vers l'objectif est lente mais continue jusque vers sept heures et demie; Frère aborde alors de front les lisières de Baumersdorf, défendues par le Général autrichien Hardegg et trois Bataillons disséminés en paquets de Tirailleurs et efficacement protégés par des tranchées.
Vers huit heures, Oudinot tente l'enveloppement, mais la nuit étant venue, il ramène son corps à l'ouest de Grosshofen et bivouaque sur trois lignes.
Pendant la nuit, l'Empereur ordonne à Oudinot d'essayer avec Davout l'enveloppement de l'Archiduc Charles.
Le combat commence de grand matin, presque aussitôt Masséna est très menacé à la gauche et l'Empereur, confiant dans son énergie, accable l'ennemi au centre par le feu d'une batterie de 100 pièces et une attaque des trois Divisions de Macdonald.
Les Autrichiens battent en retraite et Frère occupe Baumersdorf; il s'arrête au nord du Russbach et bivouaque à Sauring.
Le Général Oudinot, blessé, est fait Maréchal de France; Frère, également blessé, est remplacé par Dupas et le Bataillon du 69e perd 10 hommes.
Les pertes à Wagram sont les suivantes :
Journée du 5 juillet : Sous lieutenant Brun, tué; Chef de Bataillon Descottignies, Capitaines Burty, Terre; Lieutenants Delétang, Fournier; Sous lieutenant Delage, Hanké, blessés.
Parmi la troupe ont été tués le Voltigeur Bachelier, le Caporal Fèvre, le Voltigeur Jolly, Le Fusilier Jobert, le Fusilier Philippart, le Sergent Lagesse, les Grenadiers Petit et Veiskoff, les Fusiliers Porstard et Jissermain.
Journée du 6 juillet : Lieutenant Faré.
A noter que le Lieutenant Lardière est également donné blessé à Wagram en 1809.
Les Autrichiens se retirent en Bohême. La poursuite commence dès le lendemain. L'Archiduc Charles, atteint les 10 et 11 juillet à Schellendorf, fait demander un armistice, signé à Znaïm, le 12.
Le 15 juillet 1809, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke ... Voici mes observations sur la 3e division militaire. Le 59e peut offrir une compagnie de 100 hommes, le 69e, le 76e, le 96e, le 100e, le 103e, le 9e, le 24e, le 26e d'infanterie légère peuvent fournir le même nombre. Cela fera un bataillon de marche de la 3e division militaire, fort de 8 à 900 hommes, que vous dirigerez sur Vienne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3308 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21511).
Le 7 août 1809, les Capitaines Lacassaigne, Terre, Guay, Jolimay sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur.
Cantonnée à Léopoldau, près de Kagran, la Division Dupas sert d'antenne nord au rassemblement de l'armée.
Des renforts sont appelés de France, les restes du 5e Bataillon du 69e rejoignent le 6e de Ligne et les cadres sont comblés à l'aide des Officiers venant de différents Régiments provisoires licenciés.
Le 14 octobre, le Corps d'Oudinot passe aux ordres de Davout et, le même jour, le traité de Vienne met fin à la guerre.
Le territoire autrichien est évacué en trois périodes.
Du 15 au 18 novembre, la division occupe les environs de Saint-Poelten et de Moelk et, le 15 décembre, par ordre de l'Empereur, le 2e Corps se replie sur Augsbourg et Ulm.
En janvier 1810, la Division gagne Rastadt et tient garnison à Strasbourg, au mois de mars de la même année.
La 6e Demi-brigade ne quitte Strasbourg pour l'Espagne qu'avec Drouet d'Erlon, vers le mois de juillet.
Le 13e Demi-brigade provisoire, appelée à Ratisbonne le 30 juillet 1809, puis à Vienne, revient à Metz en août 1810, pour y être licenciée.
Signalons qu'après la campagne, le Caporal Bertrand (Jean-Baptiste) fut proposé par le Colonel Saint-Cyr, commandant la 6e Demi-brigade, où était incorporé le 4e Bataillon, pour être décoré de l'Ordre Impérial des Trois Toisons d'Or. "Ordre exclusivement militaire créé en 1809 après Wagram, par Napoléon, pour consacrer la gloire des régiments qu'il avait conduits lui-même à la victoire.
"Mes aigles, explique-t-il au colonel Lejeune, ont conquis la Toison d'Or des rois d'Espagne et la Toison d'Or des Empereurs d'Allemagne. Je veux créer pour l'empire français un Ordre Impérial des Trois Toisons d'Or. Ce sera mon aigle aux ailes déployées, tenant suspendu dans chacune de ses serres une des toisons antiques qu'elle a enlevées et elle montrera fièrement en l'air, dans son bec, la Toison que j'institue".
Extrait des statuts.
Art. 6. - Les aigles des régiments dont l'état est ci-joint et qui ont assisté aux grandes batailles de la Grande Armée seront décorées de l'Ordre des Trois Toisons d'or. (Le 69e figure sur cet état).
Art. 7. - Chacun de ces régiments aura le droit qui se transmettra jusqu'à la postérité la plus reculée d'avoir un capitaine, lieutenant ou sous-lieutenant, commandeur; et, dans chacun de ses bataillons qui étaient à l'armée, un sous-officier ou soldat chevalier.
Bien qu'aucune décoration n'ait été définitivementconférée, des listes de propositions furent établies" (l'Ordre impérial des Trois Toisons d'Or, par le commandant Taurignac).
I/ Campagne de Portugal, 1810-1811
Le traité de Vienne imposée à l'Autriche permet à Napoléon de renforcer l'armée d'Espagne et d'imprimer aux opérations une impulsion plus vigoureuse en envisageant notamment la conquête du Portugal, qu'occupe Wellington avec une force de 70000 Anglo-Portugais.
Masséna, amenant avec lui deux Corps d'Allemagne, est mis à la tête d'une armée de 60000 hommes ; le 6e Corps, dont le Maréchal Ney vient reprendre le commandement, lui est rattaché. Il a donc sous ses ordres trois Corps d'armée.
Drouet d'Erlon (9e Corps) doit le rejoindre avec 20000 hommes: la 6e Demi-brigade, dont fait partie le 4e Bataillon du 69e, est à la 1ère Division (Général Claparède) de ce Corps.
La situation de l'armée est fort précaire, et si l'arriéré de la solde se paye petit à petit, si les Dépôs envoient à peu près en temps voulu des effets et des hommes, les vivres et les moyens de transport font de plus en plus défaut.
Masséna reçoit la mission de pénétrer en Portugal par la rive droite du Tage, pendant que Soult, venu d'Andalousie, y entrera par la rive gauche. Les mouvements commencent le 10 février.
Le Capitaine Marcel écrit :
"... le 10, nous nous mîmes en route pour Ciudad-Rodrigo où, d'après ce qu'avaient assuré certains Espagnols au maréchal Ney, nous devions entrer sans coup férir (Note : Le maréchal Ney ayant repris le commandement du 6e corps, toujours cantonné dans la province de Salamanque, fit un mouvement vers Ciudad-Rodrigo. Le 13 février, les Français commencèrent à jeter quelques obus dans la place et sommèrent le gouverneur de se rendre. Celui-ci ayant déclaré qu'il n'ouvrirait les portes de la ville que lorsqu'il se verrait réduit à la dernière extrémité, le duc d'Elchingen replia ses troupes et se cantonna entre Ciudad-Rodrigo et Salamanque jusqu'à ce qu'il eût réuni les moyens d'agir plus efficacement - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 9) ..." ("Campagnes du Capitaine Marcel").
"La conquête du Portugal ayant été résolue, Masséna fut nommé général en chef de l'armée d'expédition. Le 6e corps en fit partie. Masséna prit pour chef d'état-major général le général de division baron Fririon qu'il estimait et qu'il chérissait depuis longtemps. L'empereur approuva ce choix en disant : "Voilà des chefs d'état-major comme je les aime. " - C'est avec une joie bien vive que les deux frères Fririon se trouvèrent réunis à la même armée après avoir combattu si longtemps loin l'un de l'autre" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Masséna veut d'abord s'assurer des deux places fortes de Ciudad-Rodrigo et d'Almeïda, situées sur le flanc droit de sa ligne d'opérations : la rive droite du Tage; il prend donc comme objectif la première de ces deux villes.
- Reconnaissance de Plasencia
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous arrivâmes le 13 devant cette forteresse, mais les portes en restèrent closes. étant allé avec le capitaine Callet sur un point dominant pour mieux découvrir les fortifications, nous fûmes salués par quelques boulets et trois ou quatre coups de mitraille qui faillirent nous faire payer cher notre curiosité.
On envoya un parlementaire au gouverneur qui, n'ignorant pas qu'il nous fallait d'autres préparatifs pour entrer dans la place, ne fit guère attention à nos propositions; quelques compagnies de la garnison sortirent et tiraillèrent toute la journée : le régiment resta deux jours au bivouac dans des champs, hors de la portée du canon, et nous eûmes extrêmement froid car le bois était rare; les maraudeurs rapportèrent peu de chose. La veille de notre départ on fit jeter pendant la nuit une centaine d'obus sur la ville : le peuple dut être alarmé, car on entendit un grand brouhaha et des cris perçants.
Nous reprîmes finalement la route de San-Felicès et de Ledesma, mais, pendant que la 2e division retournait à Salamanque avec le maréchal et que trois régiments de notre division allaient à Ledesma, le régiment fut arrêté à Vitigondino où il cantonna ainsi que dans plusieurs petits villages environnants; le 3e bataillon fut dans le bourg même avec le colonel; nous nous trouvions à trois lieues au plus des postes de l'armée anglaise qui occupait les environs d'Almeïda. Comme c'était la première fois que ces localités étaient occupées par l'armée française, nous fûmes très bien. J'étais logé chez un riche fermier que l'on appelait le tio (Note : Tio, oncle) Redondo; ce brave homme et sa femme n'avaient point d'enfant, mais avaient adopté une nièce, qui, sous ses vêtements de paysanne, était jolie comme un amour; elle n'avait que quatorze ans et était d'une innocence comparable à celle de cette Annette que Marmontel a su si bien nous peindre (Note : Allusion au conte de MARMONTEL, Annette et Lubin, d'où fut tiré le livret de l'opéra-comique joué avec grand succès d'abord en 1762, puis en 1789). Comme nous n'étions point habitués à faire de longs séjours dans les cantonnements, nous ne nous amusions pas à filer le parfait amour quand nous rencontrions quelque belle. Au bout de deux ou trois jours je voulus, comme toujours, aller au fait, mais l'innocente à qui j'avais à faire, n'entendant rien à mes manoeuvres, m'évita et finit par ne plus venir dans ma chambre lorsque j'y étais; je cessai donc toute tentative et la regardai avec indifférence : j'étais prévenant pour l'oncle et la tante, qui, de leur côé, avaient mille attentions pour moi et souvent, sans qu'ils pussent se douter que je les comprenais, je les entendais dire à leur nièce que j'étais bon enfant, fort honnête et qu'ils me confieraient bien la maison. Je fis semblant de causer avec des voisines et bientôt je vis que Manuelita me recherchait : je ne doutai plus du gain de ma cause et renouvelai si bien mes attaques et avec de si bonnes dispositions que je finis par faire goûter à ma jeune amante et à goûter moi-même les plaisirs les plus délectables de l'amour. Jugez-en : une fille de quatorze ans, jolie, ayant la fraîcheur de cet âge et une gorge naissante dure comme du marbre. Ce fut la femme, de toutes celles que j'ai connues alors, qui me coûta le plus de regrets lorsque je dus partir.
Dans les premiers jours de mars (Note : Ces immenses préparatifs, toujours si difficiles en Espagne et dans des contrées si éloignées des frontières de France, furent encore retardés et contrariés par des pluies continuelles et le mauvais état des chemins - Journaux des sièges faits et soutenus par les Français dans la Péninsule, par J. BELMAS, t. III, p. 213 et passim. La place de Ciudad-Rodrigo fut investie. Don André Herrasti en était gouverneur - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 321), le maréchal Ney ayant reçu les pièces de siège, les munitions et le matériel nécessaires pour le siège de Ciudad-Rodrigo, nous reçûmes l'ordre de nous rapprocher de cette ville et d'arrêter les convois pouvant venir à la garnison du côé de la Castille; nous allâmes, à deux lieues de Tamamès, occuper le village de Maïllo, au milieu des bois et des montagnes et où nous ne trouvâmes que des charbonniers. Combien j'eus de peine, au moment du départ, à consoler ma petite femme : elle voulait à toute force me suivre ou tout avouer à son oncle et à sa tante, afin qu'ils me donnassent tout ce qu'ils possédaient pour que je restasse. Je ne parvins à la consoler qu'en lui assurant que nous n'allions faire qu'un détachement de deux jours pour revenir ensuite : le lendemain matin je m'évadai comme je pus pour n'être pas témoin de ses larmes.
Nous ne trouvâmes, dans nos nouveaux cantonnements, que des vieilles gens : toutes les filles s'étaient sauvées dans les bois pour mettre leur vertu à l'abri; mais les soldats du 69e organisèrent une traque qui nous ramena un bon nombre de ces divinités : de demoiselles qu'elles pouvaient être, elles devinrent immédiatement dames sans avoir contracté le sacrement de mariage au pied des autels.
J'étais logé dans une des belles maisons de Maïllo et, malgré cela, il fallait chaque jour faire la chasse aux poux pendant deux heures; si ce n'eût été les pluies continuelles, nous serions tous allés bivouaquer au milieu des champs.
On paya au régiment la gratification de cent mille francs que l'Empereur avait accordée à chaque régiment ayant fait les dernières campagnes d'Allemagne (Note : Sur les contributions de guerre imposées à la Prusse, nous apprîmes que, par ordre de l'Empereur, il avait été prélevé cent millions de francs pour être distribués à l'armée de la manière suivante : tout individu, sous-officier et soldat, ayant fait la campagne d'Iéna, avait droit à 15 francs; s'il avait fait en outre celle d'Eylau, à 30 francs; celle de Friedland à 45 francs; enfin, chaque soldat qui avait été blessé dans une des campagnes de Prusse ou de Pologne recevait le maximum des trois sommes. Ce fut l'ordonnateur en chef de l'armée, Villemanzy, qui eut le travail de la répartition - PARQUlN, p. 149, 150). Ce fut le général Maucune (Note : Général Maucune, homme de peu de capacité, quoique très brave soldat - Mémoires du duc DE RAGUSE, t. IV, p. 138) qui donna la somme à notre conseil d'administration : notre dépôt, qui avait touché l'argent à Luxembourg, le remboursa à son notaire. Il ne faut point être étonné en voyant ce général posséder une bourse si bien garnie : il était du nombre de ceux qui servaient plutôt pour l'argent que pour la gloire et il entrait parfaitement dans les vues de l'Empereur qui avait donné l'ordre à plusieurs généraux d'appauvrir l'Espagne le plus qu'ils pourraient; l'Empereur entendait bien d'ailleurs que ces sommes fussent versées dans les caisses de l'état, tandis que ces messieurs remplissaient leurs coffres-forts. Si au moins ces sangsues eussent dégorgé de leur plein sur le pauvre soldat à qui il était dû quinze ou vingt mois de solde, elles lui auraient rendu service ainsi qu'à la France qui s'épuisait à envoyer des fonds que les bandes espagnoles pillaient presque toujours (Note : On affirme que le fameux Mina enleva en huit mois, sur la route de Vitoria, pour quarante millions d'argent monnayé venant de France). Mais il n'en était rien et jamais épigraphe ne fut plus véridique que celle que les soldats crayonnaient un peu partout dans leurs cantonnements : "Espagne, trésor des généraux, ruine des officiers, tombeau des soldats". Certes il y avait de nobles exceptions, mais pour un Fririon, un Ney, combien d'oiseaux de proie !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
A la date du 20 mars 1810, le 6e Corps présente la situation suivante :
- 1ère Division d'Infanterie : Général Marchand
- 1ère Brigade : Général Maucune
6e Léger (2 Bataillons) : 1500 hommes
69e de Ligne (3 Bataillons) : 1828 hommes (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 21 mars, le 1er Bataillon du Régiment et un Escadron du 11e Dragons poussent une reconnaissance jusqu'à Plasencia ; ils ne rencontrent que quelques cavaliers et des petits groupes de partisans qui s'enfuient dès leur approche.
Le 29 mars 1810, le Lieutenant Ibry est blessé lors d'un affaire à Saumunoz.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nous quittâmes enfin Maïllo pour nous rendre à Tamamès, que nous trouvâmes toujours abandonné : nos hommes qui ne touchaient que de la farine, avec laquelle, faute de fours, il était impossible de faire du pain, commencèrent à démolir le village; le 10 avril nous quittâmes cette sale localité où nous commencions à être fort mal pour nous rapprocher de Ciudad-Rodrigo : à partir de ce moment il n'y eut pour ainsi dire plus de bons moments pour l'officier et le soldat pendant tout le temps que nous restâmes en Espagne.
Le maréchal Masséna, prince d'Essling, vint prendre le commandement en chef des trois corps d'armée, savoir : le nôre toujours aux ordres du maréchal Ney, le 2e commandé par le général Reynier et le 8e par Junot, duc d'Abrantès; cette armée prit la dénomination d'armée de Portugal. Le maréchal Ney établit son quartier général à San Felicès et le corps d'armée bloqua Rodrigo. Pendant plusieurs jours, on s'occupa de former les camps, de ramasser les vivres qui pouvaient se trouver aux environs : l'ordre était de construire des baraques pour se garantir de la pluie qui tombait continuellement, mais ce fut difficile car il fallait aller chercher le bois à plus de deux lieues et il était impossible de trouver de la paille; les soldats n'arrivaient pas à se sécher" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"San-Munas, près Salamanque, le 22 avril 1810.
Depuis que je suis chef de bataillon, je n'ai pas vu le colonel. J'ai toujours été détaché et réduit à mes seules inspirations. Ce n'est pas une mince préoccupation que celle de se procurer des vivres pour tout un bataillon et 200 hommes de cavalerie sous mes ordres. Quand je n'avais que ma compagnie, je n'avais à penser qu'à elle. Ma besogne est donc sextuplée, puisque j'en ai six auxquelles il faut songer.
Le général Marchand a quelque confiance en moi. Comme j'occupe le poste avancé, il me demande les renseignements chaque jour; m'a offert tout l'argent dont j'aurais besoin pour, l'espionnage. J'ai déjà envoyé quelques espions en Portugal et l'état-major paraît satisfait des indications que je lui ai fournies sur la position de l'armée anglaise.
Ciudad-Rodrigo et Almeida sont deux places fortes sur les flancs de notre base d'opérations. Il nous faudra en faire le siège.
Quand sortirons-nous de ce maudit pays ?" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 25 avril 1810, le 6e Régiment de marche, qui fait partie de la Division Seras, et dont les hommes étaient primitivement destinés au renforcement du 6e Corps est dissous. L'Empereur en effet écrit, ce jour là, depuis Compiègne, au Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de l'Armée d'Espagne, à Compiègne : "Mon Cousin ... Donnez ordre que le 6e régiment de marche d'infanterie, qui fait partie également de la division Seras, soit dissous, et que les détachements appartenant au 6e corps, savoir, ceux des 6e léger, 39e 76e, 59e, 50e, 69e, 82e, etc. se réunissent en une compagnie à Vitoria, et se rendent de là à Salamanque ..." (Correspondance de Napoléon, t.20, lettre 16420 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 23488). Le détachement du 69e va donc se réunir en une Compagnie à Vitoria pour se porter sur Salamanque et, de là, rejoindre.
Le même jour, la place fort de Ciudad Rodrigo est investie par la Brigade Ferrey, de la Division Loison, renforcée du 25e Dragons et par un détachement de la 1ère Division (69e de Ligne et 15e Chasseurs) sous les ordres du Général Maucune. Les postes extérieurs de l'ennemi, après avoir résisté avec une certaine énergie, doivent s'enfermer dans la place (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
A la date du 1er mai, la répartition du 6e Corps est la suivante :
- Quartier général du Corps d'armée à Salamanque;
- La Division Marchand (1ère) à Tamames, avec le 3e Hussards, et à Tenebron, devant Ciudad Rodrigo (69e de Ligne, et 15e Chasseurs, sous les ordres du Général Maucune) (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
- Reddition de Ciudad-Rodrigo
Le 7 mai, l'armée arrive à San Pedro de Toro, à l'entrée de la plaine de Ciudad-Rodrigo. Les pluies continuelles ne permettant pas d'activer les opérations du siège, on met à profit ce repos forcé pour organiser des parcs d'artillerie, des hôpitaux et des manutentions pour les vivres.
Le 28 mai, Ney informe, depuis Salamanque, le Prince d'Essling des mouvements du 6e Corps dont les troupes se dirigent sur Ciudad-Rodrigo pour occuper les camps et cantonnements suivants :
- 1ère Division : Général Marchand;
- 1ère Brigade : Général Maucune ;
6e Léger, 69e de Ligne, 3e de Hussards sont campés, la droite à Pedro de Toro, la gauche sur la direction de la Caridad (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 29 mai 1810, le Sous lieutenant Lanjuinais est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.
Enfin, dans les premiers jours de juin, la place est investie.
Le Commandant Giraud écrit :
"Siège de Ciudad-Rodrigo, le 8 juin 1810.
Les préparatifs de ce siège ont été longs et laborieux. Il a fallu faire venir de Bayonne tout le matériel, et cela par des routes sans cesse infestées par des guérillas, effondrées, crevassées par les pluies.
Le gouverneur Herrasty a profité de ce temps pour organiser la défense de cette place bâtie sur un mamelon de la rive droite cle l'Agueda. Ce mamelon surplombe la rivière par des pentes escarpées.
Aujourd'hui, les travaux de siège avancent ; nous espérons que la place se rendra dans un mois, si toutefois, les Anglais qui ne sont qu'à quatre lieues de nous ne viennent pas entraver nos opérations, car les faubourgs adossés à la muraille de l'enceinte facilitent l'approche de l'assaillant, et la ville est dominée par les plateaux du grand et du petit Tesso qui sont évidemment le défaut de la cuirasse.
Le général Eblé, chargé de diriger les sièges des différentes places fortes de l'Espagne, est arrivé ici depuis quelques jours.
Le 3 juin, nous avons passé la revue du prince d'Essling, à portée du canon de la place. L'ennemi qui, ces jours derniers, tirait sur tous les buts qu'il apercevait, - même sur un seul homme isolé, - n'a pas osé tirer sur nous, ce jour-là, un seul coup de canon. C'était sans doute pour jouir du spectacle imposant de nos colonnes se déployant devant leur place, sans broncher et à portée du calibre de siège.
Tout le monde désire quitter ce pays, dussions-nous aller faire la guerre aux Turcs qui sont certainement moins barbares, moins cruels que cette engeance espagnole ?
Les gazettes nous apprennent que des envoyés anglais traitent à Paris de l'échange de leurs prisonniers de guerre avec les nôres. Mais est-ce bien à un secrétaire de légation à traiter de cet objet, quand les gouvernements ne sont pas d'accord ? Pour nous, cette mission cache un autre but : sonder le terrain et voir si la paix ne serait pas possible. Les Anglais, comme nous, en ont, je crois, assez. Puissent ces messieurs s'entendre et traiter de la paix, au mieux des intérêts réciproques des deux nations.
Je viens de recevoir six aunes de drap et un chapeau. Ce n'est pas de trop, car ce que je porte n'est plus bon qu'à faire peur aux moineaux. Il faut avoir un besoin bien pressant de vêtements pour faire venir du drap de France. Le drap qui est de qualité très inférieur m'est revenu à quatre-vingt-dix francs l'aune; le chapeau à quatre-vingt-quinze francs, et quel chapeau ! ... Que faire ? ... Il faut pourtant bien s'habiller.
Le colonel Fririon est l'homme le plus aimable et le meilleur garçon que j'aie jamais connu. Toujours gai, toujours jovial, bien qu'il souffre de privations, comme nous, il s'ingénie à nous adoucir l'amertume d'une campagne dure entre toutes. Son frère est général de division, chef d'état-major de l'armée de Portugal. Le prince d'Essling lui porte un intérêt tout particulier; on attend d'un jour à l'autre sa nomination au grade de général de brigade. Ce sera certainement, une perte pour le régiment. Je doute que son remplaçant ait les mêmes qualités que lui" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
La tranchée est ouverte le 15 juin par 2400 travailleurs que protégent neuf Compagnies de Grenadiers. Ce jour là, le Fusilier Mangout est tué.
Le siège est long et terrible, la garnison, de 7000 à 8000 hommes, est bien approvisionnée, et les approches présentent d'autant plus de difficultés que le terrain, déjà difficile et accidenté, est défendu par une nombreuse artillerie. Les assaillants ne cessent de tirer toute la journée sur les canonniers. Le feu n'arrête qu'à la tombée de la nuit pour reprendre le lendemain, dès l'aube, avec une activité toujours plus grande.
Le 16 juin, le Voltigeur Saussey est tué; le lendemain, c'est au tour du Caporal Boissegrain.
Malgré de terribles ripostes, les Français se sont emparés de deux couverts et sont parvenus à se loger dans le faubourg après une vigoureuse résistance.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 22 juin le régiment fut commandé pour ouvrir la tranchée (Note : la tranchée fut ouverte. Le duc d'Elchingen commandait les troupes de siège, le général Ruty l'artillerie et le général du génie Valazé dirigeait les travaux. Les approches présentaient d'autant plus de difficultés que, indépendamment de la nombreuse artillerie de la place, on rencontra un terrain difficile et accidenté et souvent le roc et l'eau vive- Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 321); nous partîmes vers neuf heures du soir; la nuit était noire, ce qui était une circonstance favorable pour se garer du feu de l'ennemi mais bien incommode par ailleurs, car les alentours de la ville ne sont que rochers; les outils entamaient difficilement le sol et les pioches faisaient du bruit. Ce bruit éveilla l'attention des sentinelles ennemies, et le canon de la ville commença un feu au jugé qui n'atteignit personne; nos soldats travaillèrent avec tant d'ardeur qu'au lever du jour la tranchée était faite. Les batteries de Rodrigo jetèrent feux et flammes, mais il était trop tard : il est juste de remarquer que les batteries furent établies plus tôt que les pièces ne nous parvinrent car les chemins étaient si mauvais qu'il fallut deux mois pour leur faire faire les seize lieues qui séparent Rodrigo de Salamanque. Enfin elles arrivèrent et les bordées commencèrent, mais nous n'avions pas suffisamment de boulets pour que les canonniers pussent tirer à volonté (Note : une grande partie des munitions se trouvait consommée et il était à craindre que l'approvisionnement fait avec tant de peine pour le siège ne fût insuffisant - BELMAJS, Journaux des sièges faits et soutenus par les Français de 1807 à 1814, t. III, p. 213-222); on mit à l'ordre que les soldats qui ramasseraient les boulets de l'ennemi et les porteraient au parc, recevraient de dix à trente sous selon le calibre. Les vivres arrivaient avec tant de difficulté que le pain qui parvenait au camp coûtait vingt-cinq sous la livre et à peine pouvait-on donner demi-ration aux hommes. Pour se procurer un supplément de pain, nos soldats, toujours aussi ingénieux que braves, se réunissaient à dix ou douze et allaient se poster à sept ou huit cents pas en arrière de nos retranchements; la place ouvrait immédiatement le feu sur eux et ils ramassaient les boulets avec de grands éclats de rire. J'en ai vu qui étaient assez lestes pour se coucher lors du ricochet du boulet qui passait au-dessus d'eux, puis pour se relever d'un bond et courir après ensuite : le 69e n'eut guère que six hommes blessés à ce jeu, et beaucoup gagnèrent près de neuf francs par jour. Les pluies ne cessèrent pas pendant deux mois et souvent les tranchées étaient remplies d'eau; eh bien nos hommes étaient si endurcis à la fatigue et habitués aux intempéries qu'il n'entra pas dix soldats du régiment aux hôpitaux pour maladie, pendant toute la durée du siège.
La brèche paraissant déjà praticable, le maréchal Ney envoya un parlementaire au général Erasti, gouverneur de la ville, pour le sommer de se rendre; le gouverneur répondit que la place n'était pas en état d'être rendue et qu'il saurait épargner le sang quand le moment serait venu. Le feu recommença donc.
L'artillerie des assiégés était servie par des canonniers très habiles; le maréchal Ney s'en débarrassa au moyen de 800 tireurs, choisis (Note : les Français portèrent en ayant du front d'attaque jusqu'auprès de la contrescarpe, plusieurs détachements qui creusèrent des trous de loup où un homme se trouvait couvert jusqu'à la tête; quelques tireurs adroits, employés à ce service, firent le désespoir des Espagnols qui n'osaient presque plus se montrer sur les remparts - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 63) dans toute la division, dont il confia le commandement à un officier de son état-major, le capitaine François : ce dernier les fit exercer pendant un mois au tir à la cible, puis, pendant la nuit, ils allèrent s'installer dans des trous à vingt pas les uns des autres en face des embrasures et à cent pas des murailles : 400 hommes restaient pendant vingt-quatre heures dans les trous et, toutes les nuits à 2 heures du matin, 400 autres venaient les relever. Aussitôt qu'un canonnier paraissait auprès d'une pièce, il était presque aussitôt tué ou blessé de sorte qu'à la fin du siège ils étaient presque tous détruits. Les assiégés firent peu de sorties quoique la garnison fût assez nombreuse, mais ils envoyèrent 600 hommes occuper un couvent de Franciscain, à droite de nos batteries, afin d'inquiéter les artilleurs. Le capitaine François, dont j'ai parlé plus haut, fut chargé d'enlever ce couvent avec six compagnies de voltigeurs de la division : ma compagnie fut du nombre. L'attaque eut lieu de nuit. Les Espagnols s'étaient fortement retranchés, mais, après avoir franchi les fossés, nous arrivâmes aux portes qui furent enfoncées à coups de hache; l'ennemi avait coupé les escaliers et faisait un feu de mousqueterie très vif par des créneaux percés dans les chambres hautes. Le capitaine François, entré le premier, fut tué d'une balle; alors nos voltigeurs ne furent plus des hommes mais des démons; ils mirent le feu aux quatre coins du couvent : les Espagnols, espérant toujours du secours de la ville, firent d'abord bonne contenance, mais lorsque les planchers furent atteints par les flammes, ils gagnèrent la toiture et demandèrent grâce; il était trop tard, tous périrent, même ceux qui s'étaient jetés du haut du bâtiment.
En dépit du feu de la place qui ne discontinuait ni le jour ni la nuit, on établit une batterie à cent cinquante pas du rempart déjà battu depuis huit jours : bientôt la brèche fut praticable pour une section de front et les sapeurs-mineurs firent sauter la contrescarpe" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 23 juin 1810, le Lieutenant Béquinot et le Sous lieutenant Besançon sont blessés à Ciudad-Rodrigo. Le lendemain, c'est au tour du Lieutenant Raibaud.
Le 28 juin, Masséna fait sommer le gouverneur de la place de se rendre, mais celui-ci refuse. Le lendemain, le Fusilier Lefèvre est tué.
Le Sous lieutenant Besançon est blessé le 5 juillet 1810 à Ciudad-Rodrigo. Le 8 juillet, c'est au tour du Fusilier Piot.
Le Fusilier Richebourg est tué le 9. Ce jour là, la brèche est jugée praticable dès le matin, et l'assaut est décidé pour le lendemain.
Le 10 juillet, Ney informe le Prince d'Essling, des dispositions prises pour donner l'assaut, le jour même, entre 4 heures et 6 heures du soir.
Dans le courant de l'après-midi, toutes les troupes du 6e corps prennent les armes, et la Brigade Simon, ayant auprès d'elle le Général Loison, ainsi que le Maréchal Ney, occupe la deuxième parallèle pendant que le Bataillon de Chasseurs du siège, sous les ordres du Capitaine Sprunglin, un Bataillon de Grenadiers ayant à sa tête le commandant Delomme, du 6e Léger, et un Bataillon de Voltigeurs, sous le commandant Dutoga (en fait Duthoya), du 69e de Ligne, attendent dans la tranchée bordant le chemin couvert le moment de s'élancer à l'assaut. Le 69e a donc l'honneur de figurer parmi les premiers à monter à l'assaut.
Musique en tête, les chasseurs de siège sous les ordres du Capitaine Sprunling, 300 Grenadiers et 300 Voltigeurs réunis du 69e et du 6e Léger, sous les ordres des Chefs de Bataillon Duthoya du 69e de ligne et Delom du 6e léger, forment les premières colonnes d'attaque, et envahissent les tranchées.
Un peu avant 5 heures, Ney fait demander au Capitaine Sprünglin des hommes de bonne volonté (3 volontaires) afin de reconnaître le passage pour mieux s'assurer de l'état de la brèche devant les commandants de l'artillerie et du génie, en autorisant le Capitaine à leur promettre la croix. A l'instant même plus de cent braves sortirent de leurs rangs. Le Maréchal (ou le Capitaine Sprünglin) en désigne trois : le Caporal Thirion, du 50e, le Carabinier Bourbois et le Chasseur Bellezé, tous les deux du 6e Léger. En quelques secondes, ils gravissent les deux brèches, arrivent à la crête du second rempart et déchargent leurs armes sur l'ennemi; ils brandissent leurs shakos aux cris de "Vive l'Empereur", puis redescendent aux acclamations de toute l'armée que ce brillant trait de courage avait électrisée.
Les colonnes acclament ces braves et, exaltées par leur exemple, s'avancent au pas de charge; arrivent au pied de la brèche qu'elles se disposent à gravir ; c'est alors que le gouverneur arbore un drapeau blanc et se rend à discrétion.
Dans son rapport adressé au Prince d'Essling, et daté de Ciudad Rodrigo le 11, Ney écrit : "... Les trois colonnes de chasseurs du siège (capitaine Sprünglin, adjoint à l'état-major), de voltigeurs (chef de bataillon Dutoga, du 69e de ligne) et de grenadiers (chef de bataillon Delomme, du 6e léger) venaient d'arriver dans l'excavation de la contrescarpe de la fausse braie et allaient escalader la brèche quand l'ennemi arbora le drapeau blanc et se rendit à discrétion ..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
"Les opérations de l'armée de Portugal commencèrent par le siége de Ciudad-Rodrigo ville située sur la frontière d'Espagne; le 15 juin la tranchée fut ouverte. FRIRION se signala à ce siége qui dura jusqu'au 10 juillet; ce jour-là, à quatre heures du soir, les troupes étaient prêtes à s'élancer sur la brèche pour enlever la ville d'assaut lorsqu'elle capitula ; la garnison se rendit prisonnière" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 10, tombe le Fusilier Chiron.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le 10 juillet, 4 soldats de bonne volonté se présentèrent pour aller reconnaître en plein jour et à la gueule des canons si la brèche était facilement abordable (Note : un officier ayant exprimé la crainte que le passage de la brèche ne fût pas suffisamment praticable, quatre de nos soldats s'élancent, montent au sommet de la brèche, regardent dans la ville, examinent tout ce qui pouvait être utile de savoir, déchargent leurs armes et, bien que cet acte de courage eût été exécuté en plein jour, ces quatre braves, par un bonheur égal à leur dévouement, rejoignent leurs camarades sans avoir été blessés - Mémoires du général baron DE MARBOT, T. II, p. 345) : vingt compagnies de grenadiers et de voltigeurs, en grande tenue, vinrent dans les tranchées, prêtes à s'élancer aussitôt que les quatre braves leur feraient signe. Tout le corps du maréchal Ney était sous les armes, car on croyait que les Anglais attendaient le moment de l'assaut pour se porter au secours des assiégés. Mais les quatre hommes qui s'étaient dévoués n'arrivaient pas près de la brèche que le drapeau blanc y fut arboré : la garnison, forte encore de 4000 hommes, défila devant nous en jetant ses armes et se rendit prisonnière; tous s'étaient conduits en hommes dévoués à leur patrie. Quant aux Anglais, fidèles à leur coutume de n'attaquer qu'à coup sûr, ils se retirèrent derrière la place d'Almeïda" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Ciudad-Rodrigo, 12 juillet 1810.
J'ai envoyé le 4 juillet, à Besançon, un mandat de douze cents francs et huit quittances de mon traitement de la Légion d'honneur pour les années 1808 et 1809. Plusieurs courriers ayant été arrêtés pendant l'intervalle, quatre dans moins d'un mois, je ne sais si mon envoi est parvenu à destination. Mais mes mesures sont prises : je me suis fait délivrer un duplicata ce matin, par le payeur de ma division.
Nous avons ouvert la tranchée, devant cette place, le 15 du mois dernier; le bombardement a commencé le vingt-cinquième jour; depuis, nous avons été continuellement sur pied.
La place de Ciudad-Rodrigo a fait une résistance à laquelle on ne s'attendait pas; mais, à bout de forces, elle arbora le drapeau blanc le 9 juillet, au moment où nos troupes se préparaient à monter à l'assaut. Déjà les colonnes, musique en tête, étaient rendues dans les tranchées. Elles se composaient des chasseurs du siège sous les ordres du capitaine Sprinnling;
De 300 voltigeurs du 6e léger commandés par le chef de bataillon Delom;
De 300 grenadiers du 69e, commandés par le chef de bataillon Duthoyat.
Le 10 juillet, la place se rendait à discrétion, après quarante-huit jours d'investissement et vingt-quatre jours de tranchées ouvertes. Depuis trois mois, le 6e corps est à la demi-ration; aucun régiment n'a reçu sa solde.
Après Ciudad-Rodrigo viendra Almeida, qu'il nous faudra prendre aussi. C'est la seule place entre le Douero et le Tage, excepté toutefois Abrantès, située sur la rive droite de ce fleuve, mais au delà des montagnes de Beira. Espérons que cette dernière ville ne fera pas la même résistance que la première, en raison des moyens d'attaque dont nous disposons" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Wellington ne fait, pendant l'investissement, aucun mouvement pour secourir la place.
Le siège de Ciudad-Rodrigo ajoute une page glorieuse à l'historique déjà si riche de notre Régiment.
Le 31 juillet 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon cousin, je vous renvoie les propositions du prince d'Essling pour les récompenses à accorder pour la prise de Ciudad Rodrigo. Faites-moi connaître le nom des individus cités soit dans les relations, soit dans les détails du siège, et proposez-moi pour eux des récompenses. Faites-moi connaître également quels étaient les régiments qui faisaient partie du siège ; ceux-là seuls ont droit à des récompenses.
Nap
ANNEXE
Armée de Portugal. 6e corps d'armée. État des demandes d'avancement ou d'admission dans la Légion d'honneur, en faveur des militaires qui se sont le plus distingués au siège de Ciudad Rodrigo
Désignation des corps |
Décorations demandées |
Observations |
|||
De commandant |
D'officiers |
De légionnaires |
|||
69e rég. d'infanterie de ligne |
|
3 |
16 |
6 |
" (Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24175).
- Prise d'Almeida
Le Maréchal marche ensuite sur Almeida pour l'investir. Le 24 juillet, les troupes, malgré un violent orage, se réunissent au fort de Conception. Le Général Loison, en reconnaisance, rencontre la Division d'avant-garde de l'armée anglaise, commandée par Crawfort, forte de 2.000 cavaliers et de 3.000 fantassins; repoussé par les Dragons, ce Corps se rallie derrière le ravin de Val-del-Murra, une nouvelle charge l'oblige à se retirer sous le canon d'Almeida; quatre colonnes attaquent vigoureusement l'ennemi de front, tandis que la cavalerie le déborde à droite. Les Anglais opérent leur retraite en désordre.
L'investissement commence immédiatement; la ville est défendue par le Général William Cox avec 4.000 hommes des Milices et le 24e Régiment portugais.
Le Capitaine Marcel écrit :
"On marcha incontinent sur Almeïda, ville excessivement forte, tant par sa position naturelle que par les travaux de l'art (Note : Almeïda passait pour la première place du Portugal. Comme forteresse sa position est admirable : elle est bâtie sur l'extrême plateau de la chaîne de montagnes qui borde la rive droite de la Coa. Sa double enceinte était couverte par six bastions en pierre et par autant de ravelins. Son château formant comme une deuxième citadelle pouvait encore servir de refuge à la garnison et prolonger sa résistance de plusieurs jours - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 71.
La défense d'Almeïda était confiée au général anglais Cox. On ne fut en mesure d'ouvrir la tranchée que dans la nuit du 15 au 16 août. Ce siège présentait de réelles difficultés en raison du terrain rocheux, et on y eût perdu bien du monde et du temps sans le hasard qui nous vint en aide - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 321-322). Les voltigeurs eurent encore l'honneur de livrer les premières escarmouches aux avant-postes anglo-portugais, et nous enlevâmes 10000 gerbes de blé que l'ennemi avait réunies non loin des remparts : les voltigeurs du 69e furent, à cette occasion, vivement félicités par le maréchal Ney. Les camps furent établis à distance de boulet et, en huit jours, le matériel de siège fut réuni" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 25 juillet, le Fusilier Royèes est tué. Le Sous lieutenant Lhuillier est blessé le 26 juillet 1810 à Almeïda. Le 28, le Voltigeur Cosson est tué.
Le siège précédent a complètement épuisé les munitions; il faut reconstituer un parc, et ces préparatifs retardent les opérations.
Les assiégés essayent de mettre ce retard à profit et tentent plusieurs sorties pour s'emparer des récoltes de blé qu'ils n'ont pas eu le temps de faire rentrer dans la place.
On est souvent obligé d'avoir recours à la mine pour faire sauter les roches; la place, taillée dans le granit, a une bonne enceinte bastionnée et casematée, couverte par des demi-lunes avec larges fossés.
Le 6 août 1810, à Burgos, le Capitaine Rolland, le Sous lieutenant Roux, le Sergent major de Grenadiers Chavériac, le Caporal Roger, le 3e Porte aigle Dumaine et le Lieutenant de Grenadiers Thouvenin sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur.
Le Commandant Giraud écrit :
"Au camp, sous Almeida, le 14 août 1810.
Je n'ai pas ôé mon pantalon depuis plus de deux mois. Je croyais qu'après la prise de Ciudad-Rodrigo on nous donnerait quelques jours de repos. Il n'en a rien été, et voici maintenant le quartier général du maréchal Masséna établi sous les murs du fort de la Conception. Un siège n'est pas plutôt terminé qu'un autre recommence. Notre armée serait donc destinée à remuer toute la terre de Portugal. Si cela continue, nous ne sommes pas prêts, d'en finir, car nous aurions encore à enlever quarante-trois places ou châteaux-forts avant d'arriver à Lisbonne. Nous pouvons, dès lors, nous considérer comme des habitants du royaume des taupes et nous attendre à remuer la terre pendant toute la belle saison et une partie de la mauvaise.
Nous étions si mal en Espagne que nous désirions tous entrer en Portugal, espérant qu'on y serait mieux. C'est bien pire. Nous ne sommes pas à une journée de marche d'un village que tous les habitants l'ont abandonné, emportant avec eux toutes les ressources susceptibles d'être enlevées. Nos soldats sont obligés de couper eux-mêmes le blé, de le battre, de le moudre et de le manutentionner à l'aide de moulins fabriqués par eux, espèce de massif en maçonnerie dans lequel s'encastrait une meule faite d'une barre pivotant dans un écrou traversant une seconde meule superposée et mobile. Assez près de la circonférence de cette dernière, était placé un boulon qui, manoeuvré à bras d'homme, lui imprimait un mouvement de va-et-vient.
Nous sommes conséquemment tombés de Charybde en Scylla.
Si pourtant les Portugais voulaient ouvrir les yeux, ils reconnaîtraient que les Anglais les abandonneront un jour à leur malheureux sort, comme ils ont fait des Espagnols.
Il fait ici une chaleur excessive; pas une feuille d'arbre n'ombrage la tranchée où nous sommes du matin au soir. Nous remuons la terre pendant douze heures, sous un soleil implacable. Ce siège est le plus pénible de ceux que nous avons eu à faire jusqu'à présent.
Dernièrement on m'annonçait de Bayonne, lieu de garnison du petit dépôt du 69e, un envoi de drap, d'épaulettes, de grenades, de cravates noires. Je n'ai encore rien reçu. Le transport des munitions qu'il a fallu faire, en a certainement retardé l'arrivée ici. Peut-être cet envoi m'arrivera-t-il dans le courant de septembre. Ce retard n'en est pas moins très contrariant, car ma tenue est excessivement négligée, faute de vêtements de rechange.
Ma paire d'épaulettes attendue me coûtera cent vingt francs et l'aune de drap cent francs" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 15 août, à la tombée de la nuit, la tranchée est ouverte.
Le Capitaine Marcel écrit :
"Le régiment fut de nouveau de fête pour l'ouverture de la tranchée; nous eûmes beaucoup plus de peine que devant Ciudad-Rodrigo en raison de la nature du terrain, mais la réussite avait encouragé nos soldats et ils travaillèrent avec ardeur : malgré cela, l'ouvrage fut bien moins régulier et nous perdîmes aussi beaucoup plus de monde.
Tous les villages environnants étaient déserts mais regorgeaient de grains; ils furent répartis entre les divisions de façon que chaque régiment puisse faire son pain : si un régiment comptait 1500 hommes dans le rang, 400 allaient moissonner, 200 battaient le grain, le moulaient, faisaient le pain, 400 travaillaient dans les tranchées, le restant étant occupé au service du camp ou faisant les détachements. Vous pouvez juger du repos qu'avaient nos soldats, sans cesse au travail sous un soleil brûlant, souvent éloignés d'une lieue de l'eau qu'il fallait aller puiser, dormant à peine et ne mangeant qu'un pain grossier fabriqué par eux-mêmes. Ah ! pauvre soldat, toujours dévoué, toujours content ! Ceux qui blâment tes peccadilles n'ont jamais vu ce que tu endurais !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 19 août 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je désire que vous formiez plusieurs bataillons de marche pour 1'Espagne et le Portugal.
... Le 5e bataillon de marche se composera de 100 bommes du 27e de ligne ; 100 hommes du 39e ; 150 hommes du 59e ; 150 hommes du 69e ; 100 hommes du 76e ; 100 hommes du 22e de ligne ; total 700. Ce bataillon se réunira à Orléans. ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4512 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24356).
Le 25 août, le Sous lieutenant Roux de Raze est blessé; le Voltigeur Nonot, et les Fusiliers Dujaucourt et Labrasse sont tués. Le 26, au matin, onze batteries commencent le feu, avec mission d'enfiler les remparts, de battre en brèche le bastion San Pedro et les demi-lunes latérales; l'ennemi riposte avec vivacité, mais ne peut prendre la supériorité.
Par un heureux hasard, vers huit heures du soir, une bombe tombe dans le château, sur un caisson, devant la porte du magasin général. L'incendie se communique à la réserve de poudre et l'on put croire que toute la place sautait ! Elle brûle une partie de la nuit, le camp est illuminé par les flammes; le château, la cathédrale, toutes les maisons voisines deviennent la proie du feu.
Le lendemain, Masséna envoie un Aide de camp au Général anglais pour lui offrir de capituler. Celui-ci refuse. Le bombardement reprend jusqu'à midi. Sans espoir d'être secouru par Wellington, Cox se rend. Les 5000 hommes de la garnison sortent de la place avec les honneurs de la guerre.
"Le colonel FRIRION se distingua ensuite au siège d'Almeyda qui dura du 25 juillet au 24 août 1810. Cette ville était défendue par le général anglais William Cox qui ne rendit les armes que lorsqu'il fut certain que Wellington et sa nombreuse armée n'osaient faire aucune tentative pour le délivrer" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel écrit :
"Nos canonniers avaient, cette fois, des munitions à discrétion et ils faisaient un feu continuel et par bordées de trente pièces à la fois; malgré cela il est bien certain que la place nous eût coûté beaucoup de temps et beaucoup d'hommes sans l'heureux événement qui se produisit le 26 août. Ce jour-là Masséna était venu voir les travaux du siège : il était accompagné d'une jeune dame qui le suivait partout à cheval; c'était la femme d'un capitaine de dragons qui avait quitté son mari pour suivre le maréchal et que les soldats appelaient "la Poule à Masséna" ; elle poussait des cris d'effroi à chaque détonation, bien qu'elle fût hors de portée, et cela faisait beaucoup rire nos vieilles moustaches. Masséna, irrité de la vivacité du feu de la ville, ordonna de placer quelques mortiers de plus et de redoubler nos coups : le feu des assiégés diminua un peu. Chaque fois que le régiment n'était pas de tranchée, les officiers avaient l'habitude d'aller tous les soirs sur des rochers assez élevés pour voir l'effet des bombes : vers les dix heures du soir, nous étions à notre poste lorsqu'une commotion terrible ébranla la terre et nous renversa, en même temps qu'une colonne de feu et une fumée noire et épaisse s'élevaient au-dessus de la ville (Note : le soir du 26 une terrible explosionse se fit entendre. La ville entière disparut tout à coup dans un nuage épouvantable de fumée; une bombe venait de faire sauter la grande poudrière contenant plus de 150 milliers de poudre. Les fortifications, la cathédrale, les principaux édifices et une grande partie de la population furent détruits. Des pièces de gros calibre furent enlevées de la citadelle et jetées à plus de 200 toises, brisées en plusieurs tronçons - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 73.
On vit s'élever du centre de la ville un immense tourbillon de feu et de fumée; deux bombes lancées de la batterie n° 4 étaient tombées à la fois sur le grand magasin à poudre du château et y avaient mis le feu - (BELMAS, Journaux des sièges, p. 353.
Marbot, malade, était soigné à Ciudad-Rodrigo : "Une épouvantable détonation se fit entendre tout à coup. La terre trembla; je crus que la maison allait s'écrouler. C'était la forteresse d'Almeïda qui venait de sauter par suite de l'explosion d'un magasin à poudre et, bien que Rodrigo soit à une journée de cette place, la commotion s'y était fait vivement sentir" - Mémoires de MARBOT, t. II, p. 353). Toutes les troupes prirent les armes : on ne doutait point que ce fût un magasin à poudre qui venait de sauter, mais on ignorait à quel endroit. Bientôt un officier de l'état-major vint nous informer que l'explosion s'était produite dans Almeïda et qu'on aurait le détail le lendemain. Le feu de l'ennemi était à peu près éteint et, sommé de capituler à la pointe du jour, il se rendit aussitôt. Nous entrâmes en ville et je fus témoin de ce que peuvent ces terribles poudres inventées par les hommes pour leur destruction. L'explosion avait été si violente que, des cinq ou six cents maisons dont se composait Almeïda, il n'en restait plus qu'une vingtaine. Tout était détruit de fond en comble : des pierres pesant plus de mille livres, des pièces de douze et de seize avaient été lancées à trois cents pas de la ville, des canons étaient coupés en plusieurs morceaux, des cloches énormes étaient fondues à moitié et tombées avec les clochers. Deux mille habitants, pour se garer du boulet, s'étaient réfugiés dans les casemates : ils furent ensevelis sous les décombres. De 6 000 hommes de garnison, il en échappa au plus 2 000 : les sentinelles étaient collées contre les murailles comme des mouches qu'on écrase, des têtes, des bras, des jambes furent trouvés à une lieue de la ville; et pourtant les survivants firent encore feu avec les quelques pièces lui restaient.
La prise de ces deux places était due au maréchal Ney qui en avait dirigé le siège et que les soldats avaient pu voir chaque jour dans les tranchées et aux hôpitaux; malgré cela, la gloire n'en rejaillit pas moins sur Masséna qui commandait en chef, et les flatteurs appelèrent encore "l'enfant gâté de la Victoire" le vieux renard qui n'était plus bon qu'à prendre des poules; il est vrai que ce furent ses derniers trophées, comme on ne tardera pas à le voir" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Au camp, sous Almeida, le 28 août 1810.
Almeida a capitulé hier, après vingt-six heures de bombardement. Et maintenant, sus aux Anglais ! Ils n'ont qu'à se bien tenir, s'ils ne veulent pas être jetés à la mer. Cette prise de possession va faire tomber toutes les autres places fortes et les obligera à battre en retraite devant nous. Leur conduite, jusqu'à ce jour, nous le prouve surabondamment, et, s'ils pouvaient se rembarquer, nous jouirions certainement ici d'une tranquillité relative.
D'un côé, la réputation du prince d'Essling, comme homme de guerre ; de l'autre, l'inaction de Wellington pendant les deux sièges de Ciudad-Rodrigo et d'Almeida ; voilà plus qu'il n'en faut pour assurer le succès de nos armes.
Ce siège a duré douze jours. Des ordres sont donnés : nous reprenons demain notre mouvement en avant dans la direction de Lisbonne; les 6e et 8e corps (Ney et Reygnier) se dirigeant sur Pinhel et Viseu, le 2e (Junot) marchant sur Garcia" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Lieutenant Deuster est blessé le 2 septembre 1810 à Almeïda.
Assuré des places de Ciudad-Rodrigo et d'Alméïda, Masséna réunit les 6e et 8e Corps pour entrer en Portugal. Le Régiment présente en septembre la situation suivante : Mandeville, Major. 1er Bataillon, commandant Giraud; 2e, commandant Roland; 3e, commandant Duthoya; 4e, commandant Descotignies (de la 6e Demi-brigade, en route d'Allemagne pour Valladolid); 5e, dépôt, Bertrand, Quartier-maître.
A la date du 9 septembre, le 6e Corps présente la composition suivante :
- 1ère Division : Général Marchand
1ère Brigade, Général Mermet : 6e Léger, 2 Bataillons; 69e de Ligne, 3 Bataillons; 3 pièces (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le Capitaine Marcel raconte : "Après la prise d'Almeïda, nous restâmes encore quinze jours dans nos camps et ne fûmes plus occupés qu'à réunir des approvisionnements pour la troisième expédition de Portugal. Le 14 septembre, il y eut revue aux environs d'Almeïda : c'est là qu'il eût fallu voir notre armée pour se faire une idée de la beauté de nos régiments; malgré cinq mois de bivouac et de durs travaux, le contentement, l'ardeur et l'amour de la gloire se montraient sur la figure de chaque soldat : les plus jeunes avaient trois ans de service; que n'aurait-on pas fait avec de pareils hommes !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Masséna se met en mouvement le 15 septembre, le 6e Corps se dirigeant sur Celorico.
Le Capitaine Marcel raconte : "L'armée, forte de 60000 fantassins et de 12000 cavaliers, se mit en route le 15 septembre, les 6e et 8e corps par Colorico et Viseu, le 2e corps par Guarda. Nous traversâmes d'abord de superbes vallées, des villages magnifiques, mais il nous fut impossible d'apercevoir un habitant; nous en eûmes l'explication en trouvant sur les murs des proclamations du roi de Portugal enjoignant à tous les bourgeois et paysans d'évacuer les villes et villages, sous peine de mort" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Bataille de Busaco
Wellington, qui n'a cessé de reculer devant notre armée, se détermine enfin à attendre le combat, sur une chaîne de montagnes hautes, escarpées, hérissées à rochers.
Le Capitaine Marcel raconte : "L'armée anglaise se retirait au fur et à mesure que nous avançions et malgré cela, au bout de sept jours de marche, nous fîmes halte pendant cinq jours : je n'ai jamais pu savoir le motif de ce séjour. Nos soldats en profitèrent pour bourrer leurs sacs d'épis de maïs et se reposer un peu. Le 24 septembre nous nous remîmes en marche" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 26 septembre, après avoir traversé un pays difficile, accidenté, Ney arrive au pied de la Sierra de Busaco. Le Capitaine Marcel raconte : "Le 26, notre cavalerie échangea les premiers coups de carabine avec l'arrière garde anglaise : nous sûmes que l'armée anglo-portugaise se portait vers une chaîne de montagnes appelée le mont Busaco, que l'on pouvait apercevoir" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Ne pouvant agir sans le consentement de Masséna, qui n'a pas encore reconnu la position alliée, Ney envoie son Aide de camp, le Capitaine d'Albignac, au Quartier général du Prince d'Essling à Tondela, à 30 km en arrière. Le Capitaine Marcel raconte : "Le lendemain, 27 septembre, nous n'avions pas fait une lieue que l'on trouva les vedettes anglaises et que l'on vit l'armée ennemie postée sur les hauteurs; on arrêta et le maréchal Ney vint jusqu'à cinquante pas de ces vedettes reconnaître la position des Anglais (Note : Le 27 septembre toute l'armée ennemie était bien établie sur le sommet de la montagne d'Alcoba. Cette montagne extrêmement élevée et fort escarpée est défendue sur plusieurs points par de profonds ravins. Les deux chemins qui la gravissent par une pente raide et qui conduisent à Coïmbre étaient coupés et défendus par une nombreuse artillerie - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 324-325). En revenant, il s'arrêta près de mes voltigeurs déjà en tirailleurs dans les broussailles et dit à un de ses aides de camp : "Allez prévenir le prince d'Essling que l'armée ennemie est en position et paraît vouloir s'opposer à notre passage; dites-lui que mon intention serait d'attaquer dès l'arrivée des troupes. " Cependant la journée se passa sans qu'il y eût un coup de fusil tiré; on bivouaqua, mais les vivres manquaient et plusieurs de nos hommes durent s'endormir sans avoir mangé autre chose que quelques graines de maïs écrasées" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Masséna arrive tardivement et décide de tenter l'escalade.
"Le 26 septembre 1810 l'armée arriva devant la Sierra de Busaco en traversant un pays difficile, accidenté, rempli de ravins escarpés, de torrents encaissés, l'artillerie se traînant péniblement sur des chemins étroits et de pente raide. Wellington avait une armée bien supérieure en nombre à la nôre ; elle était en outre secondée par les habitants et vivait dans l'abondance, tandis que nos troupes s'affaiblissaient chaque jour par les combats, les privations, les souffrances et ne trouvaient sur leur route que ruines et cendres. Malgré des avantages aussi considérables Wellington n'avait cessé de reculer devant notre armée, tandis qu'il eùt pu nous faire beaucoup de mal pendant notre marche embarrassée. Enfin trouvant une chaîne de montagnes haute, escarpée et dont la crète était hérissée de rochers, il se détermina à nous attendre dans cette position inexpugnable. C'était au sommet de la Sierra Busaco. Masséna résolut de tenter l'escalade malgré les difficultés inouïes qu'il y avait à surmonter et les conseils du général Fririon son chef d'état-major qui opinait pour tourner la position plutôt que de l'attaquer de front, ce qui était prendre le taureau par les cornes" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 27, l'attaque commence. L'armée ennemie (60000 Anglo-Portugais et 80 canons) est établie sur la cime d'Alcoba, très élevée et couverte par de profonds ravins; le 6e Corps forme la droite, occupant la position cruciale au dessous du couvent de Bussaco près de l'extrémité septentrionale de la Serra; derrière lui, l'artillerie est prête à suivre, dès qu'il se sera emparé des crêtes; le 2e Corps forme l'aile gauche.
L'affaire est vivement engagée par le 2e Corps, qui vient se briser contre ces rochers. Il perd beaucoup de monde. Un nouvel assaut est tenté par le 6e Corps. La première Division, en colonne par section, reçoit ordre de gravir la montagne; mais, arrivée à mi-côe, elle est accueillie par un feu d'artillerie et de mousqueterie.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le lendemain matin on prit les armes à l'aube et, à 6 heures, on marcha à l'ennemi, à jeun, avec la même gaieté que si l'on sortait de faire le meilleur repas. Masséna disait aux soldats qui défilaient devant lui : "N'usez pas vos cartouches, allez à la baïonnette !" Il fut obéi et on attaqua avec la dernière vigueur (Note : Les troupes de la division Marchand marchaient sur trois files d'épaisseur; mais comme les boulets creux, la mitraille lui enlevaient des files entières et que les bouquets de bois et de bruyères qui se trouvaient à 15 ou 20 pas sur la gauche étaient garnis de tirailleurs ennemis, la 1re brigade se jeta de ce côé tant pour se soustraire à l'effet meurtrier de l'artillerie que pour éloigner les tirailleurs qui l'incommodaient - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 86.
Ces troupes attaquèrent vigoureusement et malgré la canonnade et la fusillade qui enlevaient des files entières - Mémoires du général baron DE MARBOT, t. II, p. 393)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Guingret, qui se trouve dans les rangs du 6e Léger raconte de son côté : "... La première division du 6e corps, commandée par le comte Marchand, s'était mise en mouvement quelque temps après la division Loison; elle commença à s'engager au moment où les troupes du général Simon rebroussaient. Cette division Marchand devait suivre la route de Bussaco pour se rendre maîtresse du passage; c'était le morceau le plus difficile ; car cette route était battue de front et de flanc gauche par une bonne artillerie et par une nombreuse infanteterie. Les troupes de cette division avançèrent à l'ennemi en suivant le chemin sur trois files d'épaisseur; mais les boulets creux, remplis de balles, lui enlevant des compagnies entières; et les rochers, les bruyères, les bouquets de bois qui les flanquaient à quinze pas sur la gauche, fourmillant de tirailleurs ennemis, la première brigade de cette division se jeta simultanément à gauche de la route, tant pour éviter l'effet trop destructeur de l'artillerie que pour éloigner la foule des tirailleurs qui l'incommodaient. On les repoussa effectivement plusieurs fois jusqu'à la crête de la montagne qui est presque inexpugnable vers ce point. Nos voltigeurs pénétrèrent même dans le retranchement qui se trouvait au-dessous du rocher de gauche, si remarquable, où l'ennemi avait une batterie; mais nous y entrâme en très petit et tous ceux qui ne furent pas tués en sortirent avec plusieurs blessures. Nous fûmes ramenés à notre tour, puis on repoussa encore l'ennemi. Enfin, l'attaque ayant échoué, on se borna à tirailler le reste de la journée" (Guingret : Relation historique et militaire de la campagne de Portugal sous le Maréchal Masséna, Prince d'Essling).
"Le 27 septembre le 2e corps commença l'attaque et vint se briser contre ces rochers défendus par soixante mille Anglo-Portugais, quatre-vingts canons et à l'abri de nos feux. Le 6e corps le remplaça et la 1re division eut ordre de gravir la montagne. Elle commença son mouvement en colonne par section, mais arrivée à mi-côe elle fut assaillie par un feu convergent d'artillerie et de mousqueterie" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 6e Léger et le 69e de Ligne marchent à la même hauteur. Une compétition s'établit bientôt entre les soldats de ces deux Régiments pour arriver les premiers au sommet. Le Capitaine Marcel raconte : "La brigade avait à escalader des rochers escarpés et à traverser des genêts piquants et presque impénétrables qui couvraient la montagne, sous le feu des Anglais tranquillement installés au sommet : les deux régiments marchaient à la même hauteur et une lutte s'établit bientôt entre les soldats du 69e et ceux du 6e léger pour arriver les premiers. Nous parvînmes promptement au pied des masses ennemies et fîmes halte sous un feu roulant qui était assez gênant : malgré les pertes, mes voltigeurs, échauffés, criaient aux Anglais : "Hé ! les Goddem, attendez-nous un instant pour le déjeuner à la fourchette ! " Mais, chose inconcevable, nous nous aperçûmes à ce moment que la brigade n'était pas soutenue; je vis de suite que l'affaire était manquée : à notre droite la division Simon du 8e corps, déjà parvenue au sommet de la montagne et également non soutenue, redescendait les pentes sous un feu terrible d'artillerie et devant l'attaque d'une colonne anglaise quatre fois supérieure" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 6e Léger, qui se trouve en tête de la Division, écrasé par le feu terrible de l'ennemi, est obligé d'arrêter sa marche et de se reformer dans un bois situé sur sa droite.
Le 69e suit, il déploie ses trois Bataillons à découvert devant les ennemis dont il ne voit que les coiffures. Le premier Bataillon parvient à s'emparer d'un rocher derrière lequel il peut s'abriter. Les Ecossais cherchent à l'en chasser, mais sont repoussés par les 2e et 3e Bataillons avec de grandes pertes. Ces deux Bataillons, près desquels se trouve le Colonel Fririon, restent à mi-pentes, au plus fort du danger, de sept heures du matin à trois heures de l'après-midi, sans pouvoir riposter utilement au feu de l'adversaire. Les escarpements sont tels que les blessés roulent jusqu'au bas de la montagne.
"Le colonel FRIRION, à la tète du 69e, suivait le 6e léger; il déploya ses trois bataillons devant l'ennemi qui nous voyait de la tête aux pieds tandis que nous n'apercevions que ses coiffures, et parvint à s'emparer d'un rocher propre à abriter une partie de son 1er bataillon. Les Ecossais oberchèrent à l'en chasser, mais obligés dans cette attaque de se montrer à découvert, ils furent repoussés par le 69e qui leur fit éprouver de grandes pertes. Pendant ce temps FRIRION était auprès de ses 2e et 3e bataillons, à mi-côe et au plus fort du danger. Il resta sous le feu le plus terrible depuis sept heures du matin jusqu'à trois heures de l'après-midi sans pouvoir riposter, le général en chef lui ayant dit de tenir pour l'honneur des armes françaises. La pente était si raide que les blessés du 69e roulaient jusqu'au bas de la montagne. Ce brave et beau régiment perdit quatre cent quatre-vingts hommes sur quinze cents.
La conduite de FRIRION dans cette bataille fut héroïque et méritait une récompense immédiate et éclatante, déjà gagnée dans une foule de combats, mais l'empereur était loin et bien des exploits furent oubliés ou ignorés" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Fririon écrit à propos du 69e de Ligne : "En gravissant la montagne, le 69e régiment commandé par le colonel Fririon fut exposé depuis 7 heures du matin jusqu'à 3 heures de l'après-midi au feu incessant d'une multitude de tirailleurs embusqués derrière les rochers, et qui firent éprouver à ce beau régiment une perte de 480 hommes sur 1500 dont il était composé. La pente de la montagne était si rapide sur ce point que plusieurs blessés du 69e roulèrent jusqu'en bas".
"Je suis encore à me demander aujourd'hui, déclare Lemonnier-Delafosse, dans ses Mémoires, comment le pauvre soldat a pu, armé et sac au dos, gravir dans ces genêts, s'y accrochant comme aux barreaux d'une échelle longue, moi, ganté, n'ayant que mon sabre, j'avais un travail incessant à faire pour y cheminer".
Le Capitaine Marcel raconte : "Brusquement cette même colonne arriva sur nous, et ce fut notre tour d'être culbutés. Ce ne fut pas sans résistance et les Anglais n'allèrent pas bien loin car nous brûlâmes sur eux toutes nos cartouches; le sergent Roussel (Note : Le sergent Roussel était de Balnot-sur-Laigne, entre les Riceys et Bar-sur-Seine), des fusiliers du bataillon, se trouva seul, blessé grièvement, au milieu d'écossais qui voulaient le faire prisonnier : il en assomma deux à coups de crosse et mit les autres en fuite.
Sur notre gauche, le général Reynier parvint trois fois à s'emparer du sommet de la montagne et en fut chassé par la même colonne qui nous avait culbutés et que les Anglais, libres de leurs mouvements, promenaient de la droite à la gauche pour repousser nos attaques décousues" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dans cette sanglante et indécise journée, 7000 Français restent devant les positions ennemies et le 69e a sa part de pertes, puisqu'il perd 480 hommes tués ou blessés sur 1500.
Le Capitaine Marcel raconte : "Cette fatale affaire coûta 10000 hommes à l'armée de Portugal; le 69e perdit 60 hommes tués et 500 blessés dont 26 officiers (Note : En somme, l'armée reçut là un rude échec; elle eut 8 à 10000 hommes hors de combat et elle perdit plus que cela, là confiance aveugle qui, jusque-là, l'avait animée - Mémoires du duc DE RAGUSE, t. IV, p. 25). Et pourtant le rapport du général en chef fit passer cette journée si meurtrière pour un simple engagement de tirailleurs, destiné à amuser les Anglais, pendant que notre armée tournait la position à droite : je rougis de dire que de vils adulateurs ont osé prétendre que c'était une des plus savantes manoeuvres de Masséna" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Officiers blessés et morts des suites de leurs blessures |
Officiers blessés |
Tués parmi la troupe |
Roux, Capitaine, mort le 10 novembre. Pichon, Lieutenant, mort le 7 octobre. Bera, Sous-lieutenant, mort le 4 octobre. Léonard, Sous-lieutenant, mort le 9 décembre. |
Chef de Bataillon Duthoya; Capitaines Agnelly, Baudry, Blanc, Boissenier, Coutier, Dartigues, Fauverteix, Hanck, Moulin, Reynaud, Vignier, Vincent; les Lieutenants Arnoult, Boisselot, Chapelin, Garnier, Labille, Martinet, Moncilly, Roblin, Roux de Raze; les Sous lieutenants Bernard, Fauchier, Guillmann, Morel, Pichon, Tardieu |
Caporaux Brulé, Guilleraud, Jolivet, Labreveux, Léon, Martin, Mirvault, Numester, Suzanne, Naudet, Godfroy, Buridan; Sergent Tralbach; Grenadiers Brux, Fretz, Guillemin, Goussard, Gourmelon, Jeoffron, Pellet, Philibert, Rousseau, Redon, Simon, Raviard, Minérat; Voltigeurs Arnaud, Bourserot, Benoit, Coppet, Guignard, Petoux; Fusiliers Denniaux, Coss, Chalette, Chevalier, Debard, Drouet, Gronder, Gornel, Jolly, Joltrois, Lhermnier, Langlet, Lafond, Mercion, Valbert-Perret, Alexis, Rodiges, Nivier, Rey, Thomas, Vaucoulout, Wiss, Villain |
On ne fait plus que tirailler jusqu'au coucher du soleil.
Le Commandant Giraud écrit :
"Busaco, le 27 septembre 1810.
Nous sommes tantôt cantonnés dans les maisons, tantôt établis au bivouac, au milieu des champs. Almeida ayant capitulé le 27 août, c'est le 5 septembre que notre marche sur Lisbonne a commencé. Nous espérons y être rendus à la fin du mois.
Notre premier objectif a été Coïmbre, que couvrait l'armée de Wellington qui cédant le terrain peu à peu, nous attendait sur les hauteurs de Busaco, route de Viseu. Les Anglais défendaient le couvent de la Chartreuse qui couronne la sierra au nord-ouest clu plateau. Nous les en avons chassés aujourd'hui, 27 septembre. Demain, l'armée anglo-portugaise tournée sera obligée de se retirer sur Coïmbre.
Dans nos bivouacs, presque à toutes les heures, des détachements de troupes en partent, tandis que d'autres y rentrent. Cette vie a ses maux, elle a aussi ses charmes : chaque jour cependant nous perdons des hommes d'élite difficiles à remplacer. Quand nos hommes à la maraude échappent au poignard des assassins, la faim et les privations les guettent" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Masséna se rend compte que la position est imprenable et, le lendemain, décide de la tourner. Les Fusiliers Bassey et Malissole sont tués le 28 septembre 1810 à Busaco. Masséna se met en route à la nuit tombante par le chemin d'Avelana de Cima et marche jusqu'au matin. Concernant les blessés à évacuer, Fririon écrit : "On fut obligé de se servir de baudets, de démonter des cavaliers, et de faire confectionner des brancards en branches d'arbres, que portaient les soldats, pour faciliter le transport des blessés".
Le Capitaine Marcel raconte : "Le lendemain nous restâmes en position là où nous avions bivouaqué le 27; à peine eûmes-nous assez de bêtes de somme pour emporter nos blessés et nous fûmes obligés de laisser des amputés quand, le 30 septembre, s'effectua le mouvement par Sardao (Note : Le lendemain de la bataille, des reconnaissances envoyées sur les flancs de la montagne rapportèrent qu'on pouvait la tourner par la droite - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 325). C'est dans ces moments que l'on reconnaît quel fléau est la guerre et combien elle endurcit les coeurs : dans dans une nuit obscure, au milieu des bruyères, loin de toute habitation, sans une goutte d'eau pour rafraichir leurs lèvres desséchées par la fièvre, ces malheureux amputés, d'un ou deux membres, nous imploraient d'une voix déchirante ; il me semble encore es entendre crier : "camarades, ne nous abandonnez pas pas ou achevez-nous ! Donnez-nous des armes que nous terminions nos souffrances. Qu'allons-nous devenir ? Sommes-nous destinés à devenir la proie des vautours et des aigles qui planent en ces lieux ?" Je me bouchai les oreilles pour ne pas reconnaitre la voix de quelques-uns de mes voltigeurs qui m'appelaient dans les ténèbres. Quel déchirement pour un officier ! Fort heureusement nous apprimes plus tard avec joie qu'ils furent ramassés deux jours plus tard par les moines d'un couvent établi au milieu d'un bois, derrière la position des Anglais, et qu'ils furent si bien soignés que plusieurs purent rejoindre l'armée". ("Campagnes du Capitaine Marcel").
De son côé , Wellington se hâte de continuer sa retraite et ne s'arrête que derrière les lignes fortifiées de Torrès-Vedras, en avant de Lisbonne. Cent trente mille hommes, auxquels rien ne manque, se retirent devant 60000 Français sans ressources, fatigués par les privations, minés par les maladies, épuisés par des escarmouches continuelles, ne touchant qu'un quart de ration de pain par jour.
"Masséna se décida enfin à tourner la position. Devant ce mouvement Wellington se hâta de continuer sa retraite et ne s'arrêta que pour se cacher derrière les lignes inexpugnables de Torrès-Vedras en avant de Lisbonne. Ainsi ce général que les Anglais osent considérer comme le plus grand capitaine des temps modernes, commandant une armée de cent trente mille hommes bien vêtus, bien nourris, et protégé par les habitants se retire timidement devant une armée française inférieure de plus de moitié, sans ressources, fatiguée par les privations et les souffrances, et obligée de se procurer au loin par des combats continuels un peu de maïs pour toute nourriture, au milleu d'un pays ruiné et saccagé par l'ennemi" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
A la suite de ces différents combats, l'effectif du Régiment est tombé à 1231 hommes.
Ney propose, pour Chevaliers de la Légion d'honneur : MM. Coutier, Capitaine; Ybry et Roux, Lieutenants; L'Huilier, Sous-lieutenant; Azemas, Besson, Hugoniot, Sergents.
Le Duc d'Abrantès demande que le Lieutenant Ybry soit affecté à son Etat-major comme Capitaine-adjoint.
Le 30 septembre, le Fusilier Verche est tué à Busaco.
Le Capitaine Marcel raconte : "Comme je viens de le dire, on effectua le 30 ce fameux mouvement, et nous gagnâmes la route de Coïmbre en tournant la côe de Busaco qui se terminait à deux lieues à droite et où, comme il a été reconnu après, on aurait pu surprendre l'ennemi par derrière et couper la retraite à son artillerie pendant qu'on l'aurait amusé par des attaques feintes et que le gros aurait filé par la droite. Mais Masséna était tout occupé de sa concubine" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 1er octobre, l'avant-garde de l'armée de Masséna arrive devant Coïmbra, ville regardée comme l'Athènes du Portugal. Elle s'élève en amphithéâtre sur une éminence qui domine le Mondego.
Le 2 octobre, le Voltigeur Charbonnier est tué à Busaco; le lendemain, c'est au tour du Voltigeur Fermiot.
Marcel, arrivé à Coïmbra, est ravi par le spectacle qu'il découvre : "Nous arrivâmes le 2 octobre à Coïmbre, ville de 40 000 habitants, pour le moment à peu près déserte; il n'y était resté que quelques vieillards qui n'avaient pu marcher. Je n'ai jamais vu de site aussi enchanteur que celui de cette ville, située sur la rive droite du Mondégo, au milieu des orangers, des figuiers, des palmiers, des grenadiers et des lauriers-roses".
La ville abandonnée par ses habitants est alors pillée par les troupes et Marcel décrit leur déchainement : "Toutes les boutiques et les maisons étaient fermées; mais nos soldats qu'on avait campé aux environs et qui étaient sans pain depuis plusieurs jours, envahirent la ville en masse : ils avaient assez souffert, assez prodigué leur sang, et il ne vint à l'idée d'aucun officier de s'opposer au pillage (Note : Les habitants de Coïmbre, capitale du Beïra, avaient fui à l'approche des Français. En abandonnant leurs maisons, ils n'avaient pu enlever ce qui faisait l'opulence de la cité. Le général en chef donna les ordres les plus sévères pour le maintien de la discipline, mais comment prévenir ce désordre dans une ville absolument déserte où aucune distribution régulière ne put être faite aux soldats affamés ? Ils se répandirent dans les maisons et se livrèrent au pillage - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p 326.
Bientôt toutes les maisons furent ouvertes de vive force, dégradées et saccagées, en un mot la ville entière fut livrée au pillage - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 89). Les portes furent promptement forcées et les camps bientôt remplis d'objets de la plus grande valeur, de meubles, d'étoffes précieuses, de liqueurs rares : l'argenterie en vaisselle roulait comme la faïence, mais pas un sac de farine ne fut trouvé. Je ne sais combien de millions perdirent ce jour là les habitants de Coïmbra : combien eussent-ils été mieux inspirés en nous attendant et en nous donnant des vivres ! Mais telle était la politique du cabinet de Saint-James.
On prétendait gagner de vitesse les Anglais et arriver avant eux aux positions de Lisbonne : aussi, pour se débarrasser le plus possible, les colonels reçurent l'ordre de laisser tous les blessés dans les hôpitaux de la ville. Heureux ceux qui purent marcher et nous suivre ! Deux jours après, une division portugaise, commandée par un général anglais, arriva d'Oporto et s'empara de 7 000 hommes qu'on avait abandonnés sans secours et sans aucun moyen de défense (Note : L'armée partit de Coïmbre pour marcher sur Lisbonne par la route de Leyria. Les blessés et les malades furent placés dans deux couvents, sur la rive gauche du Mondégo, fortifiés et barricadés : on y laissa une petite garnison, des officiers de santé et des administrateurs. Peu de jours après le départ de l'armée, le colonel anglais Trent vint investir cet hôpital. La garnison et même les blessés se défendirent en désespérés et ne se rendirent par capitulation que lorsqu'on leur eût assuré qu'on aurait pour eux tous les égards dus au courage malheureux - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 326-327.
Ceux que des blessures graves ou des membres amputés mettaient dans l'impossibilité de se lever restèrent sur leurs lits avec leurs armes et se disposèrent à déchirer leurs dernières
cartouches - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 90.
Masséna finit par décider qu'on ne laisserait à Coïmbre qu'une demi-compagnie, dont la mission serait de garder l'immense couvent de Santa-Clara dans lequel on avait réuni les blessés. Le nombre de ces infortunés s'élevait à plusieurs milliers, auxquels on laissa pour défenseurs 2 lieutenants et 80 soldats du bataillon de marine attaché à l'armée. Le 6 au matin parut le général Trent, chef des miliciens de la province, avec lequel nos officiers conclurent une capitulation écrite - Mémoires de MARBOT, t. II, p. 403-404.
... Et les malades que Masséna laisse prendre à Coïmbre par 1500 coquins alors que 1000 hommes auraient suffi à les défendre ! C'est le comble de l'absurdité. Perdre ses hôpitaux, pour une armée, c'est perdre son drapeau ! (Paroles de Napoléon au général Foy dans une entrevue à Paris le 24 novembre 1810) - Maurice GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 108). Un sergent-major du régiment, nommé Depontailler, aujourd'hui retiré à Loches en Touraine, était du nombre de ces blessés; il m'a raconté depuis, qu'à l'arrivée de l'ennemi, tous ceux qui avaient un bras libre s'étaient armés, qu'on avait barricadé les portes des hôpitaux et que chaque officier ou soldat avait juré de se défendre jusqu'à la mort si le général anglais ne leur accordait pas une capitulation honorable et ne les protégeait pas contre les Portugais qui voulaient égorger les blessés. Plusieurs soldats, amputés d'une ou deux jambes, avaient fait porter les lits près des portes ou des fenêtres, s'étaient mis sur leur séant et faisaient feu comme des enragés. Le général anglais résista aux sollicitations des brutes portugaises et accorda la capitulation demandée. Mais que penser de la conduite d'un général en chef qui abandonne ainsi des milliers de braves, parmi lesquels 3 000 au moins pouvaient nous être rendus s'ils eussent été gardés ou s'ils nous eussent suivis, car ils n'avaient que des blessures assez peu graves. Tout cela n'empêcha pas les Anglais d'arriver avant nous à Lisbonne; ils traversèrent la plaine de Villafranca où Masséna croyait les joindre et occupèrent des positions tellement retranchées et tellement fortes qu'il ne fallait plus compter pouvoir les attaquer" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 7 octobre 1810, on informe l'Empereur que "M. Chailliard, 1er porte-aigle du 69e régiment d'infanterie, a été forcé par sa mauvaise santé, de rentrer au dépôt, d'où il a été ensuite envoyé en recrutement.
Sa Majesté est priée de faire connaître si, dans le cas où se trouve M. Chailliard, il doit être remplacé dans ses fonctions de 1er porte-aigle"; ce à quoi il est répondu : "L'Empereur décide que le premier porte-aigle d'un régiment ne peut être remplacé définitivement qu'autant qu'il obtient de l'avancement ou qu'il quitte le corps ; en conséquence, M. Chailliard, qui occupe cet emploi au 69e, doit être envoyé aux bataillons de guerre pour y remplir ses fonctions et être remplacé au recrutement. Si sa santé ne lui permet plus de faire la campagne, il convient, dans ce cas, qu'il quitte le service actif, autrement l'armée finirait par avoir beaucoup de parties en souffrance" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4683 - Sans signature ni date ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l'Empereur et Roi, daté du 7 octobre 1810 »).
- Combat de Torrès-Vedras
Masséna arrive devant les lignes de Torrès-Vedra le 11 octobre. Pendant plus d'un mois, l'armée se tient devant ses lignes inexpugnables, sans que l'ennemi cherche à la vaincre ou à lui couper la retraite.
Le Capitaine Dufour est blessé le 17 octobre 1810 dans un combat près de Tolède.
Le Commandant Giraud écrit :
"Lignes de Torres-Vedras, novembre 1810.
Le 6e corps a quitté Coïmbre le 6 octobre, est arrivé le 11, en vue des fameuses lignes de Torrès-Vedras.
Toute communication est interrompue avec la France, dont on n'a reçu aucun courrier depuis le 16 septembre. Aucune réquisition n'est possible, les habitants ayant emmené leurs troupeaux dans les bois. La maraude est dès lors organisée à titre de service journalier. Des détachements s'éloignent à trois ou quatre jours de leur cantonnement, ou de leur bivouac pour s'y ravitailler. Plus d'un tiers de nos troupes se trouve ainsi dispersé loin du drapeau, tandis que l'autre est à la disposition de l'ennemi" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 18 octobre, le 69e et le 6e léger allèrent occuper le village de Villanueva où l'on resta un mois à végéter; le vin était en abondance mais le pain si rare que, comme bien d'autres, je fus dix-sept jours sans en voir. On fit un peu de mauvais pain avec du maïs, mais ces ressources furent bientôt épuisées. Il y avait en même temps impossibilité d'attaquer l'ennemi, qui avait couvert de redoutes et de forts retranchements les deux lieues qui nous séparaient de la capitale du Portugal; la montagne à pic qu'occupaient les Anglais, s'appuyait d'un côé à la mer et de l'autre au Tage, qui, grossi par les pluies, avait près de trois lieues de largeur : il était inutile d'essayer de tourner la position" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 18 octobre 1810, l'Empereur écrit, depuis Fontainebleau, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin ... Le 2e régiment de marche de l'armée de Portugal se trouvera également diminué ... Il faudra n'en former qu'un seul bataillon qui sera composé savoir :
De 157 hommes du 17e – léger, 297 du 65e, 92 du 22e de ligne, 89 du 27e, 95 du 39e, 125 du 59e, 95 du 69e, 79 du 76e.
TOTAL. 1.029 hommes. Ce bataillon fera partie du 1er régiment de marche de l'armée de Portugal ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4725 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24963).
Dans les premiers jours de novembre, tout le 6e Corps, qui se trouve réuni à Villa-Novo, sur le Tage, doit occuper sur ordre de Masséna, les points suivants : le général Maucune, avec le 69e, à Torres Novas.
Le 7, le 69e est détaché à Azoya-Veilha. Le 8, le Général Mancune vient prendre le Régiment et se rend avec lui à Torrès-Vedras et à Torrès-Novas.
Le Capitaine Marcel raconte : "Il fallut donc se reporter en arrière pour pouvoir subsister, et notre corps d'armée occupa Torres-Novas, Ourem et Aldea de Cruz, où nous fûmes assez bien. Il n'y avait pas d'habitants, mais nous avions l'agrément de trouver des maisons propres, des bibliothèques françaises considérables et l'agrément de la chasse et de la pèche. A Aldea de Cruz où cantonnait le régiment, je trouvai un jeune enfant de dix ans dont la figure distinguée m'intéressa : il m'apportait chaque jour une salade de cresson que je lui payais avec un morceau de pain de maïs; comme il me paraissait intelligent, je lui demandai s'il voulait rester avec moi, ce qu'il accepta aussitôt. Je le fis habiller et, au bout de quelques jours, il n'était plus reconnaissable. Il me procura une jolie petite ouvrière qu'il alla chercher dans les montagnes et qui me rendit de bien grands services; comme on le pense, je cachais soigneusement un oiseau aussi précieux et aussi rare, mais plusieurs officiers du régiment, privés de femmes depuis sept mois et ne sachant en outre comment faire pour recoudre leur linge et leurs habits, eurent vent de la chance que j'avais. Sur leurs prières, mon jeune Portugais se remit en campagne et plusieurs jeunes filles revinrent, sachant qu'elles seraient bien traitées" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Les pluies fréquentes ont transformé les chemins en ruisseaux. Les vêtements et la chaussure hors d'usage ne sont plus remplacés. Les ambulances ne peuvent donner asile à tous les malades.
Masséna, non rejoint par Soult (il l'attendra vainement jusqu'en mars 1811), attardé en Andalousie, ni par Drouet d'Erlon, prend le parti de se retirer. Le 13 novembre, il se replie sur Santarem pour cantonner son armée dans une région moins épuisée. Néanmoins les intempéries et les surprises perpétuelles de partisans accroissent chaque jour les souffrances des soldats, dans un pays par ailleurs ravagé, ce qui rend leur subsistance très difficile. Les souffrances des troupes sont énormes.
"C'est dans ce triste état que Masséna arriva devant les lignes de Lisbonne qui étaient au nombre de trois. Ces trois lignes étaient défendues par plus de cent redoutes, par des inondations, par des montagnes, des escarpements, des torrents et par six cents pièces d'artillerie. Derrière elles se trouvait Wellington avec ses cent trente mille hommes, la flotte anglaise et toute la population armée. Ces barrières étaient donc infranchissables avec notre armée réduite à quarante-huit mille hommes mourant de faim. Il ne restait qu'un seul espoir à Masséna, c'est que le maréchal Soult arrivât avec son armée par la rive gauche du Tage; dès lors les lignes de Lisbonne étaient tournées et la conquête du Portugal presque assurée. Masséna attendit pendant plus d'un mois la coopération de l'armée d'Andalousie, mais se voyant abandonné à ses seules forces, ses troupes exténuées par les fatigues et les privations, il se décida enfin à se retirer.
Le maréchal Ney fut chargé de soutenir la retraite de l'armée, et lutta avec la plus grande gloire contre l'armée de Wellington tout entière. Le colonel FRIRION commandant la 1re brigade de la 1re division en remplacement du général Maucune blessé fut chargé de former l'arrière-garde" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Wellington a suivi les Français, une partie de ses forces est passée sur la rive gauche du Tage.
Les Divisions d'Essling (Drouet d'Erlon), d'abord chargées d'occuper la Navarre (août 1810), organisées en 9e Corps pour surveiller le pays sur les derrières de l'armée de Portugal (3-29 septembre), arrivent enfin. Mais Claparède (dont la 6e Demi-brigade, Colonel Prévost-Saint-Cyr; son 2e Bataillon est formé avec le 4e du 69e, Commandant Descotignies) reste loin en arrière pour maintenir les communications avec l'Espagne, à l'entrée de la vallée du Mondiego, entre Almeida et Viseu.
Le Capitaine Marcel raconte : "Lors de notre mouvement en arrière, les Anglais crurent que nous commencions l'évacuation du Portugal : ils envoyèrent à notre suite une division que notre brigade d'arrière-garde malmena fort près de Santarem où elle lui tendit une embuscade; je n'assistai d'ailleurs pas à cette affaire. Nous aurions bien voulu attirer l'armée anglaise dans quelque bonne plaine, mais elle ne quitta pas ses retranchements et nous laissa tranquilles jusqu'au moment de notre retraite définitive. On établit un chantier où tous les ouvriers de l'armée se rendirent pour construire des bateaux; on comptait franchir le Tage à la baisse des eaux et aller à Lisbonne par la province d'Alemtejo, mais ce projet fut abandonné. Comme nous n'avions point de nouvelles de France, une brigade escorta le général Foy jusqu'en Espagne et de là il se rendit à Paris"("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 8 décembre 1810, le Général Montbrun adresse depuis Ourem un Rapport au Maréchal Ney : "Je m'empresse d'adresser à Votre Excellence le rapport du colonel Dejean, que j'ai reçu cette nuit, sur le résultat de sa reconnaissance sur Coïmbre.
L'ennemi n'ayant fait aucune résistance (tentative) pour arrêter la marche de notre reconnaissance qu'il a laissée arriver jusque dans les fonds, auprès du pont (de Coïmbre), je ne présume pas que Wilson se trouve avec 3. 000 hommes à Espinhal (comme le dit le colonel), à moins que l'ennemi n'ait un pont sur le Mondego à la hauteur de Murcella, ou bien, plus bas, chose que j'ignore, car, sans cela, en admettant que nous poussions des troupes sur Coïmbre, ce corps serait obligé de manoeuvrer loin de celles qui se trouvent sur la rive gauche
Le colonel Dejean couchera ce soir avec sa troupe à Pombal où je lui adresse des ordres pour que demain, avec le détachement de son régiment (dragons) et celui du 69e (2 compagnies d'élite), il se porte sur la route d'Anciano pour se rabattre ensuite sur Chao de Marçans, afin d'éclairer cette route et nous amener quelques bestiaux et un peu de grain, s'il peut en trouver ... Après demain, toutes ces troupes rentreront dans leur position. Une fois qu'elles y seront arrivées, je ferai pousser une forte reconnaissance sur Rio Maior..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le Capitaine Marcel écrit : "Avec l'année 1811 commencèrent les difficultés pour subsister : les maraudeurs durent aller aux vivres et bientôt il leur fallut faire plus de 40 lieues en arrière pour trouver quelque chose; les troupes à l'avancée mangèrent jusqu'aux ânes (Note : La situation de l'armée de Portugal devenait chaque jour plus critique. Après avoir consommé les subsistances que les habitants des contrées environnantes avaient abandonnées, on envoya au loin des détachements pour s'en procurer. On toléra les maraudeurs, et chaque compagnie eut les siens; la moitié de l'armée était occupée à alimenter l'autre moitié. De grands désordres eurent lieu, des crimes furent commis; mais comment contenir dans le devoir des soldats abandonnés à eux-mêmes, poursuivis par la faim et qui rencontraient à chaque pas les cadavres de leurs camarades assassinés par les habitants - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 330.
Les divisions furent obligées d'envoyer à la maraude par détachements : quelques-uns de ces corps isolés furent attaqués et surpris par les milices que commandaient Wilson et Trent. L'armée ennemie, loin de prendre l'offensive, s'attendait à chaque instant à être attaquée et s'obstinait à rester dans ses lignes - Victoires et Conquètes des Français, t. XX, p. 100 et passim). Enfin les difficultés de ravitaillement devinrent si grandes que les chefs de détachement reçurent l'ordre de prendre le premier paysan qu'ils rencontreraient et de lui faire les menaces les plus terribles pour qu'il arrive à indiquer les caches des villages voisins. Ce moyen réussit et nous pûmes nous réapprovisionner un peu : chaque compagnie parvint à se procurer pour un mois de vivres" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 30 janvier 1811, le Maréchal Ney écrit au Général Loison : "... J'ai invité en outre les 6e léger, 69e et 76e de ligne à fournir chacun deux rations par homme au profit de votre division. Je ne doute pas que ces régiments ne me fassent bientôt connaître les jours que vous pourrez faire enlever ces rations et les points où elles seront rassemblées.
Je vous prie, mon cher Général, de répartir les rations que vous recevrez demain entre ceux de vos régiments qui éprouvent les plus grands besoins.
Quant à la viande sur pied, les régiments prétendent ne pouvoir faire actuellement aucun sacrifice, mais d'ici à quelques jours on vous cédera aussi sur ce point.
J'espère, d'un autre côé, que les deux colonnes qui sont en mouvement sur les deux rives du Zezère pour se diriger sur Certa et Pedrogaogrande ramasseront beaucoup de bestiaux, dont vous pouvez compter de recevoir la moitié de ce qui sera conduit ici" (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le Capitaine Marcel écrit : "En février, la division vint occuper Thomar, jolie petite ville sur la Torre; nous n'avions pas encore ressenti les atteintes de l'hiver, les arbres étaient fleuris comme au mois de mai et nous mangions quantité d'asperges qui croissent sans culture dans les haies" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 16 février, Ney écrit à Masséna pour lui indiquer le nombre de quintaux de grains envoyés par le 6e Corps au 2e Corps à Porto de Moz, et les quintaux de maïs ou de blé déposés au Magasin de Thomar; ainsi, on note, pour le 69e de Ligne, 75 quintaux envoyés au 2e Corps, mais aussi 80 quintaux de blé déposés au Magasin de Thomar (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 3, p. 461).
Le Commandant Giraud écrit :
"Thomar, le 25 février 1811.
Les difficultés de correspondre avec la France deviennent de plus en plus grandes. Nous en sommes réduits à ne plus attendre le départ du courrier de l'état-major, mais à profiter de toutes les occasions particulières qui s'offrent à nous, tels que détachements d'écloppés ou convois de malades, rentrant en France, sous la conduite d'officiers allant dans leur famille, jouir d'un repos bien gagné.
Le quartier général du prince d'Essling est à Santarem. Un instant, nous avons entrevu la possibilité de pouvoir remplacer les ressources de la maraude par un service régulier de l'administration des subsistances. C'était là une illusion. Le corps administratif se borne à l'alimentation des hôpitaux et du grand quartier général. Le maréchal Masséna dans sa sollicitude éclairée pour tout ce qui concerne son armée a donc assigné à chacun de ses généraux un territoire déterminé et la maraude continue. Chaque corps d'armée s'est ainsi constitué une réserve de biscuits pour quinze jours dans ses magasins; mais nos hommes se ravitaillent en légumes et bestiaux, à l'aide de la maraude. Je dois dire cependant que s'ils échappaient au frein de la discipline, ils étaient toujours prêts à rentrer dans le rang, pour combattre.
Le 26 décembre dernier, l'état-major de Santarem avisait le maréchal Ney que le général Gardanne, ancien gouverneur des pages de l'empereur, s'était avancé jusqu'à Punhete à la tête d'une colonne de 2,000 hommes, et qu'au lieu de se mettre en communication avec les avant-postes de l'armée de Portugal, il avait tout d'un coup rétrogradé vers l'Espagne, sur de faux rapports qui lui donnaient l'assurance de la retraite de nos troupes. Cette nouvelle nous a tous plongés dans la plus grande consternation.
Gardanne avait jugé prudent de se rallier au 9e corps que commandait à Salamanque, le général Drouet comte d'Erlon, qui avait sous ses ordres les deux belles divisions qui s'étaient illustrées en 1809 à Essling, sous les ordres du maréchal Oudinot, duc de Reggio.
Peu après on nous annonçait que le comte d'Erlon nous amenait un renfort de 20,000 hommes; avec une nombreuse artillerie et des provisions de toute nature. Cette nouvelle coïncidait avec l'achèvement du pont de bateaux que le général Ebbé avait jeté sur le Tage. Nous allions donc enfin, reprendre l'offensive, et lesuccès n'était pas douteux, pour quiconque connaissait Masséna, dont la haute renommée inspirait une confiance absolue, malgré les rivalités jalouses dont il était l'objet, depuis son entrée en Portugal. Notre enthousiasme eût pu enfanter des prodiges ; pourquoi hélas ! faut-il qu'il ait été stérile !" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Dans la journée du 1er mars, le prince d'Essling envoie de Torres Novas, aux commandants de Corps d'armée ainsi qu'aux chefs des grands services, l'ordre de marche sur Pombal, Anciao et Espinhal, dans une région où il espère pouvoir nourrir l'armée au moyen des ressources locales.
Ce changement de position comporte cinq jours de marche, savoir : la nuit du 5 au 6 et les journées du 7, du 8, du 9 et du 10 mars.
Le 6e Corps, auquel sont adjointes la Division Conroux, du 9e Corps, et la Division de cavalerie Montbrun, doit faire l'arrière-garde générale.
Première marche (nuit du 5 au 6 mars). - ... Le 6e Corps, de Pombal et de Thomar à Leiria.
Deuxième marche (7 mars). - ... Le 6e Corps reste en position, sauf que sa 3e Division et sa Brigade de cavalerie légère se rendent de Punhète en avant de Chaos de Maçans.
Troisième marche (8 mars). - ... Le 6e Corps, à Casai des Ovos, après avoir détruit les ponts. Sa 3e Division à Arneiro.
Quatrième marche (9 mars). - ... Le 6e Corps en avant de Pombal et sa 3e Division à Anciano.
Cinquième marche (10 mars). - ... Le 6e corps reste sur les positions de la veille.
Sixième marche (11 mars). - ... Les 8e et 6e Corps recevront de nouveaux ordres.
Aussitôt, Ney informe le Général Drouet d'Erlon de ces dispositions. Les Divisions Mermet, Marchand et Conroux doivent s'échelonner en avant et en arrière de Leiria, savoir : ... 6e léger, 69e, 76e de Ligne, Artillerie, 6e et 11e Dragons, en arrière de Leiria (Division Marchand).
Le départ du 6e Corps est fixé au 8 mars, pour aller prendre position, le même jour, à Casal dos Ovos et, le lendemain 9 mars, près de Pombal (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 6 mars 1811, Masséna, renforcé par la seule Division Conroux, du 9e Corps, renonce à attaquer son ennemi et commence son mouvement de retraite vers le nord.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous nous aperçûmes bientôt que l'opiniâtreté de Masséna avait cessé, car, le 4 mars 1811, commença la retraite générale de l'armée de Portugal ; le 6e corps forma l'arrière-garde (Note : Dès les premiers jours de mars 1811, tout ce qui se trouvait embarrasser la marche prit la direction de Coïmbre ; le 6 les colonnes se mirent en mouvement,le 8e corps sur Torrès-Novas, le 2e sur Thomar. Le lendemain le duc d'Abrantès prit la direction de Pombal,et le général Reynier suivit la route d'Espinhal. Ce ne fut que quand les dernières troupes sortirent de Torrès-Novas qu'on brûla les ponts construits avec tant de peine. Pendant ce temps le maréchal Ney rassembla son corps d'armée et la cavalerie à Leyria. Le 9 il se retira sur Pombal où il se réunit au 8e corps - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 330-331)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Prise de la ville de Pombal
Le 11, le Colonel Fririon, commandant la Brigade en remplacement de Maucune, arrive devant Pombal; il fait occuper par le 69e les avenues et le pont ainsi que le château qui, situé sur une montagne, constitue un point de défense remarquable.
Mais Ney donne l'ordre d'évacuer la ville et de se porter en arrière. Une heure après, l'avant-garde ennemie passe le pont, et prend possession du château. Le Maréchal ordonne alors au 69e de reprendre les positions qu'il vient de quitter.
"Le 11 mars 1811, un bataillon du 69e, sous les ordres du colonel Fririon, contribua brillamment à la reprise de Pombal (d'où l'on avait chassé l'ennemi qui nous poursuivait, pour se dégager par une sorte de retour offensif)" (Tiré du rapport du chef d'état-major Béchet de Léocourt).
Déjà le canon tire d'enfilade de la route opposée. Le 69e et le 6e Léger partent aussitôt à la baïonnette : le 1er Bataillon enlève le château au pas de charge; le Colonel, à la tête du 2e Bataillon et du 6e Léger, s'empare de la ville.
Le Voltigeur Charvot est tué à l'attaque de Pombal le 11 mars 1811.
"Etant arrivé le 11 mars 1811 à Pombal, il avait fait occuper par le 69e les avenues et le pont de la ville ainsi que le château situé sur une montagne conique, lorsque le maréchal Ney vint le prévenir que l'ennemi arrivait, et lui donne ordre d'évacuer Pombal et de se porter en arrière. FRIRION lui fit observer qu'il serait bon d'incendier la rue principale pour arrêter l'artillerie ennemie qui ne pouvait passer que là, et de conserver encore le château. Le maréchal ne voulut rien changer à son ordre. Une heure après l'avant-garde anglaise passa le pont, entra à Pombal et occupa le château ; le maréchal revint alors auprès de FRIRION et lui ordonna de reprendre la ville, le château et le pont, d'incendier la rue principale et de commencer ensuite sa retraite. Le moment était critique; car le canon ennemi tirait déjà de la rive opposée et prenait nos troupes d'écharpe; FRIRION s'élance et enlève le château à la course; puis se mettant à la tête du 6e léger et du 69e, il chasse l'ennemi de la ville et du pont, et met le feu aux maisons des passages les plus étroits de la rue principale; il rallie ensuite ses bataillons sur celui qu'il avait laissé en réserve et se retire en ordre sans être inquiété" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous vînmes jusqu'à Pombal sans que l'ennemi parût vouloir nous inquiéter; nous fîmes séjour et, ce jour-là, un combat assez vif eut lieu entre l'avant-garde anglo-portugaise et nos postes avancés, soutenus par la division. Une charge à la baïonnette repoussa définitivement l'ennemi (Note : Les Français n'avaient plus qu'un bataillon dans la petite ville de Pombal et un autre au dehors pour observer la route de Leyria. L'avant-garde de l'armée ennemie qui suivait ce bataillon, l'attaqua vers les trois heures de l'après-midi avec une telle supériorité de forces qu'il fut battu et repoussé dans la ville. Le maréchal Ney accourut au galop devant le 6e léger qui reculait : "Chasseurs, leur dit-il, vous perdez votre belle réputation, vous vous déshonorez à jamais si vous ne rechassez à l'instant l'ennemi de Pombal; allons, que les braves me suivent." L'infanterie française se précipite au pas de course dans Pombal et en chasse l'ennemi après lui avoir tué beaucoup de monde - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 180-181).
Ce fut à Pombal que j'offris à mon petit domestique, "mon rapasse", car c'est ainsi qu'on appelle les jeunes garçons en Portugal, de s'en retourner, en lui dépeignant les fatigues qui l'attendaient; cet enfant me répondit que, n'ayant ni père ni mère, il ne me quitterait jamais tant que je serais content de ses services, et je n'eus par la suite qu'à me louer de sa fidélité.
Il était curieux de voir la quantité de baudets que chaque compagnie avait pour le transport de ses vivres et de ses bagages; bien leur en prit d'ailleurs, car, comme nous allions entrer dans les montagnes et suivre des chemins étroits et difficiles, le maréchal Ney commença par faire brûler ses fourgons et ceux de Masséna, ne gardant que le strict nécessaire; les cantinières furent par suite obligées de détruire leurs voitures, et l'or et l'argenterie furent alors à la merci du soldat. Pendant que les hommes s'emparaient des beaux services en vermeil, les cantinières se désespéraient en voyant les fruits d'une si belle campagne perdus en un instant. Le maréchal Ney dirigea cette retraite avec autant de soin qu'il avait soutenu celle de Gutstadt. La moindre position qui paraissait offrir quelque avantage était occupée, l'ennemi était arrêté au moment où il y comptait le moins; nous ne faisions de chemin que ce qui plaisait au maréchal et nous n'évacuions les défilés que quand l'ennemi avait fait 10 ou 12 lieues en manoeuvrant sur nos flancs; se tirait-il un coup de fusil à 5 heures du matin, le maréchal se trouvait près du poste ou de la sentinelle qui l'avait tiré; un homme était-il blessé dans la compagnie des voltigeurs d'arrière-garde, il fallait qu'il le vît passer afin d'être sûr qu'on ne l'avait pas abandonné. "Avec le Rougeaud, on est tranquille," disaient les soldats. Et il en fut ainsi jusqu'à Almeïda, pendant les 64 lieues que nous fîmes en trente-deux jours, et je crois que l'on peut dire que ce fut sans nous presser (Note : Le maréchal Ney fut chargé de faire l'arrière-garde. Il avait sous ses ordres ce même corps d'armée qui s'était couvert de tant de gloire ainsi que son chef, en soutenant la retraite de Gutstadt en 1807 lorsque la Grande Armée prit la ligne de la Passarge après Eylau - Ibid.,t. XX, p. 178)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Combat de Redinha
Le lendemain, le Régiment prend part au combat de Redinha; l'attaque commence à six heures du matin; à midi seulement l'ennemi se déploie à portée de canon; l'artillerie le contraint à se masquer derrière la montagne. Trop inférieurs en nombre, les Français ne poussent pas plus avant, les Régiments rétraitent couverts par la Division Marchand.
Dans son Rapport daté de Refança le 12, et adressé à Masséna, Ney écrit sur ce dernier combat : "... Les 6e léger, 39e, 69e et 76e de ligne, composant la division Marchand, qui ont couvert la retraite, se sont montrés tels que je les ai toujours connus, intrépides et consommés dans l'art de la guerre ..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le futur général Guingret, alors Capitaine au 6e Léger, écrit : "Le combat de Redinha est de ceux où les chefs se montrent plus grands que leur réputation et où les troupes font des prodiges de valeur, sans que la renommée publie au loin la gloire des combattants.
Ce combat tire son nom de la ville située au pied d'un rideau de hauteurs, dans une vallée riante et fertile qu'arrose l'Audanços, qui paraît se multiplier grâce à ses nombreux méandres. En descendant du plateau, on traverse Redinha pour aller franchir l'Adanços sur un vieux pont en pierre qui se trouve au nord de la ville.
Avant l'action, la 2e division (général Mermet) du 6e corps occupait seule le rideau élevé que forment les hauteurs en avant de la ville. La position était peu militaire, puisque les troupes avaient un défilé (le pont de pierre très étroit) à dos et qu'il traverse Redinha avant d'arriver au pont, mais le duc d'Elchingen avait été obligé de faire occuper cette position pour donner le temps de s'éloigner aux autres corps (le 8e corps d'armée), à l'artillerie et aux bagages innombrables qui nous encombraient. Il était d'ailleurs très urgent d'arrêter assez l'ennemi pour que Masséna, qui nous devançait avec le reste de l'armée, pût enlever de vive force la ville de Coïmbre, qu'occupait une forte garnison portugaise barrant la route royale de Lisbonne à Salamanque, par laquelle on sort du Portugal pour entrer en Espagne.
Le maréchal Ney, contraint de combattre ce jour-là, remédia à la défectuosité de la position par la manière savante dont il sut disposer les régiments de la 2e division; il les fît soutenir par le brave 3e de hussards et quelques escadrons de dragons (6e et 11e).
Bientôt l'ennemi parut et, après nous avoir tâtés à diverses reprises pour savoir si nos troupes étaient déterminées à combattre, il commença une véritable attaque.
Nos corps luttèrent, une grande partie de la journée, sans céder un pouce de terrain, mais leur valeur ayant contraint l'ennemi à déployer une force d'au moins 25.000 hommes, il fallut songer à la retraite.
Le duc d'Elchingen donna ordre à chaque bataillon d'envoyer son drapeau, avec un adjudant et des guides généraux, de l'autre côté du ravin, où des officiers d'état-major étaient chargés de leur indiquer les places que leurs régiments respectifs devaient occuper après avoir franchi le défilé. Les chefs de troupes furent prévenus d'effectuer leur retraite rapide à un signal donné, les uns par le pont, les autres sur les gués reconnus à l'avance en amont et en aval de Redinha.
Chaque corps devait ensuite se reformer, au pas de course, sur l'emplacement qui lui avait été assigné sur l'autre penchant de la vallée, à l'endroit même où se trouvaient déjà son drapeau (et ses guides généraux). Cette vallée, assez étroite, était dominée, de l'autre côté, par des hauteurs formant position, sur lesquelles était placée la division Marchand (1re), avec son artillerie, pour protéger les troupes de la division Mermet (2e) quand elles abandonneraient le rideau (de hauteurs) opposé.
Dans la soirée (vers 5 heures), le maréchal Ney donna lui-même le signal de la retraite; le mouvement rétrograde fut rapide et parfaitement exécuté. L'ennemi, voyant tout à coup disparaître nos troupes, qui descendaient vers la ville pour passer le défilé, courut en avant afin de gagner le sommet du rideau (de hauteurs), d'où il croyait pouvoir tirer des coups plongeants sur nos soldats entassés auprès du pont; mais le maréchal Ney avait fait embusquer à l'avance un bataillon du 27e et un bataillon du 50e de ligne, avec ordre de bien recevoir l'ennemi quand il approcherait de l'arête du plateau (formant rideau). En effet, ces deux bataillons reçurent les Anglais à brûle-pourpoint par un des plus beaux feux de deux rangs (feux à volonté) qui aient été faits depuis l'invention de la poudre. Ce feu meurtrier fit reculer l'ennemi et lu tua beaucoup de monde. Les deux bataillons d'embuscade se retirèrent ensuite avec autant d'ordre que s'ils fussent revenus d'un champ de manœuvres.
Les troupes de la 2e division, après avoir traversé la vallée, se reformèrent rapidement au-dessous de celles de la division Marchand (c'est-à-dire à mi-coteau).
Une canonnade vive et soutenue arrêta court les masses ennemies qui voulaient descendre sur Redinha, et nous pûmes continuer notre retraite tranquillement.
Le but du maréchal Ney était rempli, en ce sens que l'artillerie et les bagages de notre armée gagnèrent un jour, alors que la marche de l'armée anglo-portugaise subit un retard d'une journée" (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 3, p. 492).
- Combat de Condeixa
Le 14, le 69e se distingue au combat de Condeixa.
- Combat de Foz-de-Arunce
Le lendemain, le 6e Corps arrive au soir près de la Ceira. La 3e Division du 6e Corps passe la rivière pour s'établir avec les 2e et 8e Corps sur les hauteurs de la rive droite.
Ney fait prendre position aux première et deuxième Divisions en demi-cercle, de part et d'autre du pont en pierre, face à Foz-de-Arunce, la rivière à dos.
Vers cinq heures, au moment où le Maréchal annonce son repli, l'armée anglaise les enfonce. En un instant, c'est la panique; les uns se précipitent sur le pont très étroit et franchi à ce moment par l'artillerie, les autres, cherchant un gué, se jettent dans la rivière où plusieurs se noient. Les 69e et 6e Léger sont à l'aile droite, occupant un bois; cette Brigade est restée en ordre, bien que l'action ait lieu derrière son flanc gauche. Il lui faut changer de front en arrière sur la droite de son premier Bataillon. Pendant l'exécution de cette évolution, le 8e Corps, établi de l'autre côé de la rivière, croit voir l'ennemi s'avancer sur lui et fait feu. Le mouvement ne s'en exécute pas moins avec la plus grande précision. Le 3e Bataillon du 69e, encore en mal de manoeuvre, est arrêté par le Colonel sur l'ordre de Ney et lancé contre l'ennemi, avec un grand bruit de caisses. Le stratagème réussit complètement, les Anglais s'imaginent que l'armée débouche et s'enfuient. A une demi-lieue de là, ils occupent une hauteur. Pendant la nuit, les derniers postes sont reployés et font sauter une arche du pont.
"Le 15 mars 1811, après la retraite de Pombal la division d'arrière-garde (division Marchand) et la 2e division restent en position à Foz d'Azunce, sur la rive gauche de la Ceira. La 3e division (Loyson) passe cette rivière et entre en ligne avec les 2e et 8e corps, sur les hauteurs en arrière. L'ennemi attaque la position de Foz d'Azunce à 5 heures du soir, au moment où M. le maréchal Ney avait fait commencer le mouvement pour repasser le défilé. L'artillerie se retirant au trot et occupant le pont extrêmement étroit, l'infanterie voulut passer un gué difficile, où nous eûmes des hommes noyés. Un bataillon du 27e et la 1re brigade de la 1re division (brigade Maucune, dont le 69e) soutinrent la retraite jusqu'à la nuit fermée.
Le 69e fit une charge sur les tirailleurs ennemis, qui les arrêta net ; ils ne purent avancer jusqu'au village. Dans la nuit, tous les postes furent reployés et on fit sauter une arche du pont" (Tiré du rapport du chef d'état-major Béchet de Léocourt).
"Le 15, le 6e corps arrivant vers le soir près de la Ceira, le maréchal fit prendre position aux 1re et 2e divisions devant le pont de cette rivière, en face de Foz-de-Arunce, ayant la rivière à dos; ces deux divisions formaient un demi-cercle. Le soir, l'armée anglaise attaqua le centre du demi-cercle et l'enfonça brusquement. En un instant, tout est mis en désordre, les uns se précipitent sur le pont pour se sauver et l'encombrent, les autres se jettent dans la rivière où plusieurs se noient. FRIRION avec la brigade qu'il commandait, 6e léger ct 69e, était à la droite du demi-cercle, occupant un bois. Cette brigade, seule des deux divisions, était restée en ordre, et l'action avait lieu derrière son flanc gauche; il fallait pour faire face aux Anglais qu'elle changeât de front en arrière sur son premier bataillon. Pendant qu'elle exécute cc mouvement, le 8e corps qui était établi de l'autre côé de la rivière crut voir l'ennemi s'avancer sur lui et fit feu sur la brigade FRIRION. Le mouvement ne s'en exécuta pas moins avec la plus grande précision. Le 3e bataillon du 69e n'avait pas encore achevé son mouvement quand le colonel FRIRION, sur l'ordre du maréchal, l'arrêta et le lança en bataille et au pas de charge sur l'ennemi avec grand bruit de caisses. Ce stratagême réussit parfaitement. Les Anglais crurent apparemment que notre armée débouchait sur eux et s'enfuirent épouvantés devant la brigade FRIRION jusqu'à une demi-lieue de là sur une hauteur, d'où ils tirèrent des boulets qui n'arrivaient même pas jusqu'à nos troupes. La brigade FRIRION eut donc la gloire d'avoir mis en fuite, à elle seule, plusieurs divisions de l'armée de Wellington, après avoir essuyé le feu même des siens" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel raconte (en se trompant de date) : "Le 26 mars, en arrivant aux ponts sur la Ceïra, nous les trouvâmes coupés. La rivière est guéable, mais si encaissée que l'artillerie ne pouvait passer que sur un pont; il fallut donc en réparer un, ce qui demandait beaucoup de temps. Pendant que l'on attendait, l'ordre arriva de se débarrasser de tous nos ânes et de les remettre à deux compagnies du bataillon de marins, chargées de leur couper les jarrets et de les assommer (Note : Cette retraite de vingt-sept jours, embarrassée de 15 à 20000 ânes, cette retraite faite avec des troupes arrivées à un degré de désordre, de mécontentement dont rien ne peut donner idée, fut cependant l'occasion de divers combats glorieux livrés par le maréchal Ney, qui, plusieurs fois, arrêta avec vigueur l'ennemi au moment où il pressait trop vivement son arrière-garde - Mémoires du duc DE RAGUSE, t. IV, p. 32 et 33). Ney a sauvé l'armée. Sa conduite fut admirable. Sa bravoure, sa fermeté imposèrent aux Anglais et sauvèrent l'armée de Portugal d'une ruine entière - Mémoires de la duchesse D'ABRANTèS, t. VIII, p. 296). Ce fut avec une peine profonde que nous vîmes le massacre de ces pauvres bêtes, car ces infortunés baudets avaient été nos sauveurs; rien n'était plus véridique que cette caricature qui avait fait le tour des bivouacs et qui représentait un soldat blessé, à l'air minable, monté sur un âne qui portait cette inscription : "Le sauveur de l'armée de Portugal".
Ce jour-là, le 39e était d'arrière-garde. Après la réparation du pont et pendant le passage nous avions entendu quelques coups de fusil; comme nous étions déjà de l'autre côé du Ceïra et disposions à bivouaquer, une violente fusillade s'engagea vers la rive que nous venions de quitter. L'ennemi qui, apparemment, savait notre embarras, avait voulu être plus pressant que de coutume; il attaqua vivement le 39e qui, ayant lâché pied un peu trop vite, mit la confusion dans deux autres bataillons (Note : Ce combat est connu sous le nom d'affaire de Foz d'Arunu ... Wellington voulut repousser les avant-postes français ... on lança pour les appuyer des nuées de tirailleurs ... mais ces tirailleurs furent bientôt repoussés par l'arrivée des masses ennemies et mirent, en se retirant, la déroute dans quelques pelotons du 39e qui devaient les soutenir ... Le 39e se mit donc brusquement en retraite ou plutôt en déroute à la vue des tirailleurs obligés d'évacuer le terrain devant les masses ennemies ... Une sorte de terreur panique s'empara de plusieurs corps. A l'instant les soldats courent en désordre vers le pont; les uns sont étouffés ou précipités par-dessus les parapets ... 200 soldats restèrent engloutis sous les eaux, avec l'aigle du 39e dont le porteur se noya - Victoires et Conquêtes des Français, t. XX, p. 195. Heureusement la présence du maréchal Ney remédia à tout. Il repoussa l'ennemi et, à la nuit, opéra sa retraite - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 334. Cf. Mémoires de MARBOT, t. II, p. 442). La division anglo-portugaise qui avait attaqué, marchait d'un bon pas; le pont fut de suite encombré, bien que toutes les voitures fussent passées et plusieurs soldats, tombés à l'eau, se noyèrent. Le maréchal Ney ordonna au colonel Fririon d'envoyer immédiatement le commandant Duthoya avec son bataillon pour rétablir l'ordre. En un instant, notre bataillon fut sous les armes et battit la charge; le 27e de ligne, en bataille, faisait un feu de deux rangs (Note : Les feux employés étaient le "feu de tirailleurs", le feu de deux rangs à volonté (ou anciennement de billebaude) par peloton (compagnie), demi-bataillon et bataillon - Lieutenant-colonel J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne, etc., p. 32) sur une colonne portugaise qui voulait s'approcher du pont; il tirait avec le même sang-froid qu'à l'exercice. Sous la protection de ce feu, nous marchâmes, la baïonnette en avant, avec tant d'assurance, que l'ennemi se mit en déroute : les divisions qui arrivaient pour le soutenir, croyant qu'on leur avait tendu un piège, se retirèrent à deux lieues. Les soldats du 3e bataillon ramenèrent trois pièces d'artillerie et un obusier que les canonniers non soutenus avaient abandonnés. Tout le corps d'armée revint de ce côé-ci du pont, mais on y resta deux jours sans voir reparaître les Anglais.
Des soldats du 6e léger retirèrent de l'eau le porte-aigle du 39e qui s'y était jeté pour sauver le drapeau de son régiment; mais, malgré les recherches les plus minutieuses, on ne parvint pas à retrouver l'aigle qui fut perdue dans la bagarre.
La retraite continua encore pendant quatre jours par cette même route, puis on prit la route de Guarda, car Masséna voulait, disait-on, nous conduire dans les environs de Coria et d'Alcantara pour nous refaire : les maréchaux, d'après les bruits qui nous arrivèrent aux oreilles, n'étaient pas d'accord sur ce mouvement" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Au sujet de ce combat, Ney écrit à Masséna le 17 : "... Un bataillon du 27e de ligne et un du 69e (celui-ci venant de la rive droite avec trois compagnies du 6e léger) ont suffi à chasser l'ennemi, remettre de l'ordre et conserver la position (de la rive gauche) jusqu'à minuit ..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Les Fusiliers Auson, Chameroy, Gouley, Jupin, Legrand, Paitre sont tués ce jour là au Pont de la Ceira.
Le 21 mars, le Maréchal Ney remet le commandement de son Corps d'armée au Général Loison; la Division se trouve à gauche du village de Cetico.
Le 28, la Brigade bivouaque sur le plateau en avant de Guarda, route de Celorico.
"Le 28 mars la division dans laquelle se trouvait FRIRION faillit être enveloppée à Couvo, les ordres de retraite ayant été donnés trop tard par le général de division. L'habileté de FRIRION dégagea les troupes de ce mauvais pas" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous étions depuis quelques jours à Guarda et dans les environs où nous faisions des provisions de pommes de terre, comptant séjourner assez longtemps, lorsqu'une nuit une surprise se produisit. Le 69e était à Rinvinha, assez gros village où était établi le quartier général du commandant en chef : nous dormions profondément lorsque des cris d'alarme, poussés par des hommes échappés des avant-postes, vinrent nous réveiller. Heureusement nos soldats comptaient plus sur eux-mêmes que sur la vigilance du chef de l'armée qui n'était informé de rien; pendant cette retraite, ils étaient habitués à prendre leur repos, le sac et la giberne sur le dos et le fusil dans le bras, et ils ne s'écartaient jamais; aussi furent-ils prêts au premier coup de baguette et en état de faire face aux Anglais qui débouchaient de tous les côés. Néanmoins, à un certain moment, une compagnie d'Anglais pénétra dans le village à une portée de fusil de Masséna, qui se mettait en selle avec sa divinité à demi vêtue : ils n'eurent que le temps de s'enfuir au galop pendant que les hussards chargeaient les Anglais qui évacuèrent la localité (Note : Marbot, qui était de l'état-major de Masséna, donne une version un peu différente. Il prétend que l'état-major dinait tranquillement sous les arbres dans le village lorsque l'apparition de 50 hussards anglais vint donner l'alarme et permettre d'apercevoir de nombreux bataillons ennemis. Selon lui, la nuit et un épais brouillard facilitèrent la retraite du maréchal qui s'opéra très tranquillement - voir Mémoires de MARBOT, t. II, p. 433-434. Cette surprise est rapportée très différemment au tome XX, page 90, des Victoires et Conquêtes des Français. Il n'y a donc aucune raison pour ne pas ajouter foi au récit de Marcel, témoin oculaire, et qui n'avait pas les mêmes raisons que Marbot pour "arranger" les événements. D'ailleurs la duchesse d'Abrantès rapporte ainsi la surprise : "Masséna, insoucieux de tout, ... était auprès d'une femme lorsque l'ennemi, surprenant tout à coup le quartier général, fut au moment de prendre le général en chef ! Masséna, obligé de se jeter à peine vêtu sur un cheval, fut contraint de fuir ... pour que les Anglais ne se rient pas de lui devant ses cheveux blancs" - Mémoires de la duchesse D'ABRANTèS, t. VIII, p. 296). Au point du jour, l'attaque était repoussée, mais Masséna, encore sous le coup de l'émotion causée par la crainte de se voir ravir sa concubine, prit la résolution de rentrer immédiatement en Espagne par Ciudad-Rodrigo" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 4 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de l'Armée d'Espagne, à Paris : "Mon Cousin, l'armée du Portugal sera partagée en six divisions, savoir :
1re division : le 6e léger, les 39e, 76e et 69e de ligne ...
Vous ferez connaître au maréchal prince d'Essling qu'il doit faire tous ces mouvements en temps opportun ; lui seul doit en avoir connaissance. Il peut même y faire les changements qu'il jugera indispensables. Vous lui ferez connaître que mes principaux motifs pour mettre tels ou tels régiments ensemble, c'est qu'ils ont leurs dépôts dans la même division ; ce qui doit faciliter la formation des régiments de marche à envoyer pour les recruter" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17562 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26505).
Le 5 avril, la Division campe sur les hauteurs devant Ciudad-Rodrigo.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous arrivâmes dans cette ville avec autant de joie que si nous fussions rentrés en France; le maréchal Ney nous quitta et partit pour Paris (Note : Le plan de Masséna était de s'établir vers Coria entre l'Elja et l'Alagon et sur les deux rives du Tage, pays qui avait moins souffert; il se liait avec le 5e corps et l'armée du Centre, menaçait le Portugal et les lignes de Lisbonne, obligeait Wellington à suivre son mouvement et reportait le théâtre de la guerre sur le Tage. Ce projet fut désapprouvé par le maréchal Ney. Lorsque ce dernier reçut l'ordre de marcher, il écrivit que, non seulement il refusait d'obéir, mais que, le lendemain, il se retirerait sur Alméïda. Le général en chef lui ôa le commandement du 6e corps et le confia au général Loison - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 334-335. Il régnait entre Masséna et le maréchal Ney une mésintelligence qui eut une suite fâcheuse sur les événements. Ney servait avec peine sous les ordres d'un chef de grade égal au sien; Masséna voulait être obéi. Ces deux hommes d'un caractère indomptable étaient toujours d'un avis opposé, et chacun d'eux avait ses partisans et sesdétracteurs - Ibid., p. 320. Ney repartit pour Alméïda et rentra en Espagne d'où il se rendit auprès de l'Empereur à Paris - Mémoires de MARBOT, t. II).
Nous pûmes au moins nous procurer quelques douceurs avec l'argent et causer avec des habitants, plaisir dont nous étions privés depuis plus de sept mois; chacun fut ravi de retrouver les charmantes Espagnoles qui nous accueillirent avec joie.
La ville avait été bien approvisionnée pendant notre absence et elle put nous fournir des vivres pendant plusieurs jours; mais les ressources s'épuisant, nous vînmes jusqu'à Salamanque, où nous trouvâmes nos 4e bataillons. Quinze jours de repos dans la ville suffirent pour nous remettre; les renforts amenés par les 4e bataillons portèrent les effectifs à un chiffre bien plus élevé qu'avant notre entrée au Portugal; notre cavalerie surtout était nombreuse et magnifique" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 8, toute l'armée est rentrée en Espagne, vers Salamanque.
Le Commandant Giraud écrit :
"Salamanque, le 11 avril 1811.
Nous rentrons en Espagne, après trente-sept jours de marche et. avoir livré deux combats : à Pombal, le 11 mars, et à Foz-d'Arunce, le 15 mars. Nous sommes arrivés à Salamanque hier, 10 avril; espérant y passer quelques jours pour nous remettre de nos fatigues et nous procurer quelques effets dont nous avons le plus grand besoin. Mais la fatalité qui nous poursuit ne veut pas que nous jouissions d'un seul instant de répit. Nous venons de recevoir l'ordre d'en repartir demain, pour cantonner entre Salamanque et Ciudad-Rodrigo, à l'effet d'observer l'ennemi qui s'est établi entre la Coa et l'Agueda.
Quelle affreuse guerre !... Je ne m'enrichirai jamais avec des campagnes comme celles-là. J'ai perdu dans le Portugal quatre chevaux ou mulets : un m'a été volé, un deuxième m'a été perdu par la faute de mon domestique, les deux autres m'ont été pris par les Anglais, et, avec eux, mon domestique que je regrette autant que mes chevaux, en raison de la ponctualité avec laquelle il me servait et des soins qu'il prenait pour tout ce qui m'appartenait.
Aujourd'hui, j'en suis réduit à la monture de la bonne Vierge, si bien qu'à chaque instant, avec les moyens de transport dont nos disposons, je suis exposé à perdre le peu d'effets qui me restent encore.
Mon colonel vient de me prévenir qu'il m'a proposé pour la croix d'officier de la Légion d'honneur, sur son état des récompenses à accorder à la suite de la campagne du Portugal. J'ai vu l'état. Je suis classé le n° 1. Mais l'obtiendrai-je ? C'est si difficile ! ... Mon colonel ne l'a pas encore et un chef de bataillon du régiment, plus ancien que moi dans le grade, ne l'a pas non plus" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Wellington fait aussitôt investir Almeida et son armée prit position à Fuente-di-Onoro pour couvrir le siège.
Le 23 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, vous recevrez le décret par lequel j'ai réglé la formation des 6es bataillons de l'armée d'Allemagne. J'ai changé les éléments de cette formation. Vous verrez par l'état joint au décret que ces bataillons sont composés de trois manières :
1° Avec des conscrits fournis par les dépôts de leurs régiments.
2° Avec ce qu'on peut tirer d'anciens soldats des dépôts de l'armée d'Espagne.
3° Avec des conscrits tirés des dépôts de l'armée d'Espagne ...
ANNEXE
Etat indiquant les éléments de la formation des 6es bataillons des régiments de l’Armée d’Allemagne
Régiments qui forment les 6e bataillons |
Conscrits du régiment |
Supplément de 150 conscrits à tirer du régiment de Walcheren (ce supplément ne compte que pour 50 |
Suppléments à tirer d'autres régiments |
Total de ce que 6e bataillons aura |
||||||
Conscrits que le régiment reçoit et hommes disponibles |
Conscrits pour compléter les bataillons suisses |
Conscrits du 4e bataillon A |
Reste pour le 6e bat. B |
Numéros du régiment d'où on les tire |
Anciens soldats C |
Conscrits D |
Total |
|||
111e de ligne |
800 |
400 |
50 |
Le 69e
|
50 |
50 |
100 |
726
|
A : Ces conscrits partiront le 1er juillet 1811 de leur dépôt pour les 6es bataillons en Allemagne.
B : Ces 1500 conscrits partiront de Walcheren par compagnie, dirigés sur le dépôt en France pour le 5e bataillon. Elles commenceront à partir le 15 mai.
C : Ces conscrits partiront dès le 10 mai pour l'Allemagne.
D : Ces conscrits partiront le 1er juin de leur dépôt" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26814".
Le 27 avril, le 69e reçoit une Compagnie d'Artillerie régimentaire. Le 4e Bataillon, après la dissolution de la 6e Demi-brigade, quitte la Division Claparède du 9e Corps et se joint au Régiment (le Grenadier Boude de ce Bataillon a été nommé Chevalier dans l'ordre royal d'Espagne pour ses hauts faits durant la campagne).
Le Commandant Giraud écrit :
"Ciudad-Rodrigo, le 27 avril 1811.
L'homme vraiment vertueux doit, dit-on, préférer l'intérêt général à l'intérêt particulier. Je suis tenté de faire mentir ce principe en ce qui me concerne. Je me réjouissais de notre retraite du Portugal, bien qu'elle ait été désastreuse pour la France, espérant qu'une fois à Salamanque nos correspondances allaient reprendre leur cours d'autrefois. Hélas ! vain espoir ! Rien à la poste de Salamanque et voici huit grands mois que je suis privé des lettres des miens.
Je suis ici depuis trois jours ... Rien encore ! ...
J'ai reçu de Rayonne pour douze cents et quelques francs d'effets : drap Casimir, schako, épaulettes ... Cela est venu fort à propos. Mais maintenant il faut payer tout cela, et avec quoi ? ... Nous n'avons pas le sol; on ne nous paie plus ... treize mois d'appointements nous sont dus, et il n'y a pas apparence qu'on nous paiera de sitôt.
L'empereur a bien accordé un supplément de traitement de 550 francs aux officiers, à partir du 1er janvier dernier. Mais ce traitement ne doit être perçu que lorsque la solde sera mise au courant. Ceci nous fait présumer que nous ne le toucherons jamais, étant donné nos traitements de solde en retard. Il me faudrait cependant bien cela pour me remettre des pertes que j'ai subies pendant ma campagne en Portugal" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 69e forme avec le 59e la 3e Brigade de la 1ère Division; les 1er, 2e et 4e Bataillons ont 1483 hommes; le 3e Bataillon (800 hommes) se porte par Valladolid au Dépôt de Bayonne et doit laisser deux Compagnies dans le quatrième gouvernement, en Biscaye; 85 hommes du 5e Bataillon ont été détachés à Santander pour constituer la 4e Compagnie du 3e Bataillon auxiliaire (ces Bataillons auxiliaires ont été réunis à Versailles par Décret du 28 novembre 1809; le Général Mouton était chargé de leur organisation. Ils sont arrivés en Espagne en septembre de l'année suivante. Le 3e Bataillon resta toujours en Biscaye) de l'armée d'Espagne (Commandant Hugot), mais, par Décret du 9 mars 1811, les 1er, 3e et 6e Bataillons auxillaires ont formé le 130e de Ligne.
Le 30 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, les 6es bataillons de l'armée d'Allemagne ne seront pas formés avant les 4es.
Je prends donc le parti de contremander l'ordre que contient mon décret du 23 avril de tirer 1800 anciens soldats des dépôts de l'armée d'Espagne pour servir à la formation des 6es bataillons de l'armée d'Allemagne.
Les détachements que ces différents dépôts de l'armée d'Espagne devaient fournir, savoir le 8e : 80 hommes, le 14e : 60 hommes, le 22e : 60 hommes, etc., se mettront en marche pour Orléans, où il en sera formé deux bataillons de marche, un pour l'armée du Midi, et l'autre pour l'armée de Portugal ...
Le bataillon de marche de l'armée de Portugal sera composé de :
60 hommes du 14e. 60 du 22e. 60 du 27e. 60 du 39e. 60 du 50. 50 du 59e. 60 du 76e. 150 du 65e. 60 du 69e.
Total 620 hommes pour l'armée de Portugal.
Envoyez dans la journée des ordres à tous ces régiments pour que la destination de ces détachements soit changée et qu'on les dirige sur Orléans. Vous ferez connaître aux corps que ces détachements devant désormais former des régiments de marche et servir à recruter des bataillons de guerre, on ne doit plus rayer des contrôles les hommes qui les composent.
Ces 1800 hommes seront remplacés pour la formation des 6es bataillons de l'armée d'Allemagne par une augmentation équivalente dans le nombre de conscrits que ces dépôts de l'armée d'Espagne devaient fournir. Ainsi, ces dépôts au lieu de fournir seulement 1430 conscrits ainsi qu'il est indiqué dans l 'état joint à mon décret du 23 avril compléteront en conscrits le nombre total de 3300 conscrits qu'ils doivent fournir conformément audit état. Ceci aura le double avantage de fournir de bonnes recrues à l'armée d'Espagne, et de ne faire aucun changement dans les contrôles des corps, en même temps qu'on laisse à l'armée d'Allemagne le même nombre d'hommes qu'elle doit recevoir" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5419 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26900).
- Bataille de Fuentès-de-Onoro
Le 1er mai, Masséna, malgré l'infériorité de ses troupes, veut tenter de délivrer Almeida, seule ville de Portugal restée en sa possession, car il sait que le Général Brenier, Gouverneur de la place, a tout au plus un mois de vivres.
Après avoir fait bloquer Almeida, Wellington a adossé son armée à la Coa, près de Fuentès-de-Onoro; Masséna décide de l'en déloger. Tomber sur la droite des Anglais, les déborder, leur couper leur seule ligne de retraite, les précipiter dans les ravins creusés par la Coa, tel est son projet.
"Le 1er mai, Masséna donna à FRIRION un témoignage de la confiance et de l'estime que lui inspiraient ses talents militaires. Almeyda était bloqué, et pour délivrer cette ville le général en chef avait l'intention de livrer bataille malgré l'infériorité numérique de ses troupes. Il voulut avant tout s'éclairer des conseils du colonel FRIRION, et l'appela dans son cabinet, où il écouta avec intérêt les considérations militaires qui lui furent développées.
Après avoir fait bloquer Almeyda, Wellington commit la faute d'adosser son armée à la Coa, dont les bords escarpés offrent partout des précipices, et où en cas de retraite il n'avait qu'une seule route praticable aux voitures. C'est dans cette position, près de Fuentès-de-Onoro qui donna son nom à cette bataille, que Masséna attaqua l'armée anglaise. Son projet était de tomber sur la droite des Anglais, de les déborder, de s'emparer de leur unique point de retraite et de les précipiter dans les profonds ravins creusés par la Coa. Notre armée affaiblie par ses pertes successives comptait à peine trente-cinq mille hommes, deux mille chevaux et une douzaine de canons" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le gros de l'armée anglaise avait pris position entre Almeïda et Rodrigo et tenait ces deux places étroitement bloquées : il fut décidé qu'on marcherait de nouveau sur Almeïda et qu'on livrerait bataille si l'ennemi nous attendait. Quelques bataillons de Jeune Garde qui étaient à Valladolid vinrent se joindre à nous et, le 1er mai, notre armée se trouva en face de lord Wellington qui avait abandonné la plaine pour se reporter dans la montagne; il ignorait évidemment le renfort reçu par notre infanterie et notre cavalerie, car, s'il en eût été instruit, il ne nous eût pas attendus" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 2 mai, Loison reçoit l'ordre suivant : le 6e Corps se portera avec sa cavalerie légère sur Espeja, puis sur San Pedro, où il prendra position à l'entrée de la plaine, sa gauche à la hauteur de Asnavas et observant la route de Castelbon et le débouché de Ponte de Sigueros.
Il part de Rodrigo à sept heures du matin et s'établit d'abord en deçà de l'Avaza, sa gauche vers Manzano.
Le 3, il se dirige vers Fuentès-de-Onoro. Le Général Montbrun rencontre la cavalerie ennemie et la poursuit jusque sous les murs de la ville.
Le 4 mai 1811, le Capitaine Terre et le Sous lieutenant Brucker sont blessés à Pozzo-Bello.
Le Capitaine Marcel raconte : "Par extraordinaire et probablement sur les conseils des autres généraux, Masséna fit, pendant les journées des 2 et 3 mai, des manoeuvres sages et habiles, tourna les positions de l'ennemi et parvint, le 4 au soir, sans avoir perdu un seul homme, à acculer l'ennemi à la place d'Almeïda où se trouvait une garnison de 1200 hommes et dont les murs avaient été remis en état (Note : Masséna chercha à s'emparer de la seule communication de l'ennemi sur Castelbon, puis fit un mouvement par sa gauche pour déborder l'ennemi au delà de Pozzo-Bello). Tous nos soldats étaient joyeux de voir l'ennemi décidé à livrer bataille et ils attendaient avec impatience le moment d'attaquer ..." ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dans la nuit du 4 au 5, le 6e Corps fait un mouvement par sa gauche pour tourner la position de l'ennemi et s'avance, par un grand détour, vers la lisière du bois occupée par l'adversaire.
La 3e Division reste en face de Fuentès-de-Onoro pendant que les deux premières marchent sur le village de Pozzo-Bello.
Le 69e et le 6e Léger commencent l'attaque. Le Lieutenant Gouley, à la tête des Grenadiers, se précipite sur un poste et le met en fuite, c'est le signal de la panique, le village est enlevé à la baïonnette par les deux Régiments. L'infanterie et la cavalerie anglaises se sauvent pêle-mêle. Si, à ce moment, Montbrun était venu à la rescousse, c'en était fait de l'armée de Wellington qui déjà fait filer ses bagages. Mais la 1ère Division est réduite à combattre seule sans avancer, ni reculer.
Le Colonel, blessé au bras gauche, veut demeurer à la tête de son Régiment; son cousin, le Lieutenant Fririon, tombe mortellement atteint à ses côés.
La bataille prend fin après une fusillade inutile, le 6e Corps reste sur le terrain, la droite en arrière de Fuentès-de-Onoro, la gauche dans la direction de Nava-del-Avel.
"Dans la nuit du 4 au 5 mai 1811, le 6e corps et la cavalerie de l'armée se mirent en marche pour arriver avant le jour sur la droite de l'armée ennemie en face du bois de Pozo-Bello. Au point du jour la 1re brigade de la 1re division, 6e léger et 69e, en colonne par division, suivie de la 2e brigade commença son mouvement d'attaque sur le bois, qui fut enlevé vivement au pas de charge. L'infanterie anglaise étonnée de cette brusque attaque se sauva en désordre après une seule décharge, et en quittant le bois sc mêla à une partie de leur cavalerie et y mit la confusion. Le village de Pozo-Bello fut ensuite enlevé à la baïonnette avec la même ardeur. Si notre cavalerie s'était présentée dans ce moment, où fantassins et cavaliers anglais étaient mêlés et dans le plus grand disordre, elle aurait fait au moins trois mille prisonniers. Elle arriva enfin, mais les fantassins avaient eu le temps de se sauver; il y eut alors plusieurs belles charges de cavalerie; celle des anglais très-supérieure en nombre fut battue partout et forcée de se rallier près du centre de leur armée, de même que l'infanterie et l'artillerie. Nos tirailleurs se portèrent alors en avant et firent feu sur les masses du centre de l'armée ennemie, où la confusion commença à se propager. Ainsi l'aile droite des Anglais était battue par une seule brigade, formée du 6e léger et du 69e, leur centre était déjà en désordre, notre cavalerie maîtresse du terrain, et le pont de la Coa qui communiquait à leur seule route de retraite élait encombrée par les bagages qu'ils se hâtaient déjà de faire filer. Ces magnifiques résultats étaient dûs principalement à l'admirable conduite de la brigade où se trouvait FRIRION. Il fallait alors faire avancer toute l'armée avec l'artillerie pour appuyer cette brigade, et c'en était fait de l'armée anglo-portugaise, qui avait derrière elle la forteresse d'Almeyda occupée par nos troupes, sa retraite par le pont de la Coa coupée par les voitures qui embarrassaient ce pont, au-dessus duquel la rivière coule dans un ravin profond, escarpé et rocailleux. L'armée anglaise était perdue; pas un homme, pas un canon n'aurait écbappé !
Les avantages de cette victoire que nous tenions entre les mains eussent été incalculables. Wellington n'avait plus ni armée ni magasins, Almeyda était débloquée et le Portugal tombait en nos mains sans coup férir. Quelle immense influence un pareil résultat n' eùt-il pas exercé sur la guerre d'Espagne !!
Mais l'à-propos fut négligé; par une fatalité inconcevable aucun ordre, aucune troupe ne parut; la 1re division du 6e corps engagée seule avec l'armée anglaise fut abandonnée à elle-même et réduite à combattre sans avancer ni reculer, perdant beaucoup de braves, car les Anglais qui se croyaient si près de leur ruine, étonnés de l'inaction de notre armée, avaient eu le temps de se rassurer, et détachaient sans cesse contre cette division des troupes fraiches et une nombreuse artillerie qui fit de grands ravages dans nos rangs, pendant que nous n'avions pas un seul canon sur ce point à leur opposer. En ce moment le colonel FRlRION, après avoir fait preuve d'une brillante valeur, fut blessé au bras gauche d'une balle, et malgré sa blessure resta à la tète du 69e. Son parent Christophe Fririon lieutenant au 69e tombait en même temps sous ses yeux, frappé mortellement d'une balle anglaise. - Enfin, pour surcroit de fatalité, le général qui commandait alors le 6e corps, en l'absence du maréchal Ney, au lieu de poursuivre les beaux succès de sa 1re division et d'appuyer à gauche avec son corps d'armée pour tourner entièrement la droite de l'ennemi ébranlé, et au moment où la victoire était certaine, forme ses divisions en masses au lieu de les déployer et les fait appuyer à droite vers le village de Fuentès-de-Onoro. C'était abandonner tous nos avantages et y renoncer. Le général Fririon chef d'état-major général-cherchait de tous côés le général en chef afin de réparer ces fautes désastreuses, mais il lui fut impossible de le trouver à temps, celui-ci étant à une autre extrémité de la ligne; et à la guerre un quart-d'heure de perdu fait quelquefois échouer les plus brillantes combinaisons.
La bataille cessa par une fusillade inutile et resta sans résultats. Almeyda demeura bloqué et la garnison de cette ville fut obligée de faire sauter ses murailles et de se frayer un passage à travers l'armée anglaise pour rejoindre la nôre" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Ont été tué le 5 mai 1811 à Fuentès d'Onoro le Capitaine Sourd, le Lieutenant Labric, et le Sous lieutenant Fririon; sont blessés le Colonel Fririon, le Capitaine Terre, le Lieutenant Chaubry, et les Sous lieutenants Chabert, Neuville et Ragot.
Parmi la troupe, ont été tués près de Pozzo-Bello, le Sergent Truffet, les Caporaux Poussin, Fortier, le Fusilier Menet, le Voltigeur Lerouge, le Cornet Houdard, le Fusilier Crassard, le Sergent Carcagne, le Caporal Ketelin. Ont été tués à Pinel les Voltigeurs Picard, Gillier, les Fusiliers Favier, Gilbert.
Almeida demeure bloqué; le Général Brénier se fraie un passage à travers les lignes, anglaises et rejoint le 2e Corps.
Le Capitaine Marcel raconte : "... dans la nuit du 4 au 5, craignant que l'ennemi ne se dérobât, plusieurs hommes de mon bataillon se relevèrent pour aller demander aux sentinelles avancées si elles n'entendaient pas faire de mouvement rétrograde; l'un d'eux que j'interrogeai me dit : "Nous tenons les Goddem, cette fois, et on devrait commencer le bal de grand matin afin de faire une meilleure journée." Et c'étaient des hommes privés de pain et de viande depuis plusieurs jours qui parlaient ainsi !
Nous ne commençâmes nos mouvements que vers cinq heures et demie du matin et la division vint se ranger devant un petit village nommé Pozzo-Bello : le 6e léger tenait la droite de la brigade qui était en première ligne, le 69e à gauche et légèrement en arrière. Vers les six heures et demie, l'ordre fut donné de se porter en avant et j'entends encore les hurlements joyeux poussés par nos soldats qui criaient si fort que, par moments, on n'entendait plus le canon. Le village fut enlevé en un clin d'oeil et nous poussâmes rondement vers Fuentès d'Onoro (Note : Le 5 au matin, le général Montbrun mit promptement en déroute la cavalerie espagnole de don Juan et perdit des moments précieux à la poursuivre. Le 6e corps qui, après s'être emparé des bois et du village de Pozzo-Bello, aurait dû tourner Fuentès d'Onoro, se jeta trop à droite et le 9e corps n'attaqua pas assez vivement le village. Les généraux laissèrent fuir cet instant de crise qui décide ordinairement des succès ou de la perte des batailles, et lord Wellington profita de cette indécision pour former plusieurs lignes en potence de sa ligne primitive ... et réunit sur ce point une grande quantité d'artillerie. Les troupes des deux partis s'amoncelèrent successivement sur ce point ... on ne put ni forcer le village de Fuentès d'Onoro ni le ravin où il était adossé - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 337-338). Les sans-culottes (Note : C'est ainsi qu'à l'armée de Portugal on avait surnommé les Highlanders) qui se trouvaient vis-à-vis du 69e étaient bien étonnés : ils croyaient nos soldats faibles comme les pauvres malades qu'ils avaient faits prisonniers pendant la retraite et, au lieu de cela, ils voyaient de vigoureux gaillards qui leur allongeaient des coups de baïonnette qu'ils ne pouvaient parer; on leur avait fait croire que des enfants de dix-huit ans étaient venus remplacer les morts et ils n'apercevaient avec stupeur que de vieilles moustaches rébarbatives.
Le général Montbrun, qui commandait notre cavalerie, saisit le moment où un certain ébranlement se manifestait dans les masses anglaises, les fit charger à fond, traversa trois divisions qui se jetèrent à plat ventre; la confusion se mit dans l'armée ennemie, sa réserve battait en retraite au lieu d'avancer et le quart de nos troupes n'avait pas encore donné. Tout à coup la canonnade et la fusillade se ralentirent; chacun se demandait ce que cela signifiait : "C'est dommage, disaient nos voltigeurs, cela allait si bien et voilà encore les Goddem qui vont échapper." On attribua ce ralentissement à une lettre reçue au cours de la bataille par Masséna et dans laquelle l'Empereur, instruit de sa conduite, le rappelait à Paris et lui ordonnait de remettre le commandement au maréchal Marmont (Note : Le général Marmont, qui apportait sa nomination de généralissime, se présenta d'abord comme le successeur du maréchal Ney au commandement du 6e corps; puis, quelques jours après, lorsqu'il eut suffisamment connaissance de l'état des choses, il produisit ses lettres de service et remit à Masséna l'ordre impérial qui le rappelait à Paris. Masséna fut atterré par cette disgrâce imprévue et par la manière dont elle lui était annoncée - Mémoires de MARBOT, t. II, p. 473-474). Quelle qu'en soit la raison, le résultat de cette journée, qui devait être brillante pour nous et réparer les fautes commises par Masséna, se réduisit à 1500 prisonniers et à un nombre égal de tués et de blessés; tandis qu'en continuant l'affaire, l'armée anglaise était rejetée sous le canon d'Almeïda avec obligation de passer ensuite dans d'étroits défilés et de franchir le Goa sur un seul pont : cette armée eût été détruite. Au lieu de cela, elle se retira à quelque distance et, à l'exemple des légionnaires romains, entoura son camp de retranchements.
Le soir même, on demanda trois soldats de bonne volonté pour aller porter, à travers l'armée ennemie, des ordres au général Brenier, gouverneur d'Almeïda; il s'en présenta un grand nombre et un officier de l'état-major fit tirer au sort (Note : Les trois soldats s'appelaient Zaniboni, caporal au 76e, Lamy, cantinier, et Tillet, chasseur au 6e léger - Mémoires de MARBOT, t. II, p. 470). Un soldat de la brigade, le chasseur Tillet (Note : André Tillet, chasseur au 6e léger, courut les plus grands dangers dans une mission dont il fut chargé par le prince d'Essling, en avril 1811, en Portugal, pour le général Brenier, gouverneur d'Alméïda. Il traversa l'armée ennemie. Sur trois hommes chargés de la même mission, il n'y eut que lui qui réussit; les autres furent massacrés. Il reçut la croix de la Légion d'honneur et une pension de 600 francs - Tables du Temple de la Gloire, t. XXVI, p. 218), du 6e léger, fut au nombre de ceux que le sort favorisa et il partit simplement avec deux pistolets chargés que lui donna son colonel. Le 7 mai, le duc de Raguse nous passa en revue et nous espérions que le bal recommencerait le lendemain. Dans la nuit, une explosion sourde réveilla la plupart de nous : nous sûmes ainsi que l'un de nos émissaires, au moins, avait réussi à entrer dans Almeïda. C'était Tillet qui, nous l'apprîmes après, avait remis l'ordre au gouverneur; ce dernier fit sauter les remparts, enfonça la ligne anglaise d'investissement et vint nous rejoindre (Note : Le 7, à minuit, trois salves de l'artillerie d'Alméïda indiquèrent que l'ordre était parvenu. Pendant la nuit du 19, le général Brenier sortit dAiméïda à la tête de la garnison, forte de 1100 à 1200 hommes, tomba à l'improviste sur les postes ennemis et s'ouvrit le passage. En même temps une forte explosion annonça que la place était détruite. Le général Brenier, constamment harcelé par l'ennemi, atteignit heureusement San-Felicès où il se réunit au général Reynier - Mémoires de JOURDAN, p. 338-339). Le colonel anglais Bevans, qui commandait de ce côé, se brûla la cervelle de désespoir. Tillet revint avec la garnison d'Almeïda et vous devez penser comment il fut accueilli : la croix de l'ordre de la Légion d'honneur fut demandée pour lui" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Fuente-de-Onore, le 10 mai 1811.
Nos troupes concentrées à Ciuclad-Rodrige, ont quitté cette localité le 2 mai, au soir, elles occupaient les positions suivantes : le 2e corps (Reygnier) à l'extrême droite de nos lignes; le 8e corps (Junot) réduit à la division Salignac, ainsi quele 9e (Drouet d'Erlon) au centre; le 6e corps (Loyson) à gauche. La cavalerie de réserve (Montbrun) à l'extrême gauche : 2,400 sabres, y compris la brigade Wathier amenée par le duc d'Istrie.
La cavalerie de la garde forte de 800 admirables soldats, aux ordres du général Lepic avait l'ordre d'éclairer le 8e corps, tout en ne perdant pas le contact avec le 6e. Montbrun disposait de quatre pièces d'artillerie légère de la garde. Deux autres pièces suivaient le 8e corps. Enfin, un bataillon de la garnison cle Ciudad-Rodrigo était chargé d'escorter le convoi de ravitaillement dirigé sur Alméida; il avait l'ordre de filer sur la place, si l'ennemi était rejeté au delà de la Coa.
L'armée anglaise rangée en bataille sur les hauteur de Fuente-de-Onore se composait de
8,000 Anglais.
12,000 Portugais et
3,000 Espagnols
en tout 23,000 combattants.
A une heure de l'après-midi nous étions maîtres de la partie basse du village enlevée brillamment par la division Ferrey formée en trois colonnes d'attaque, soutenue par la légion hanovrienne en réserve. Mais bientôt l'ennemi enhardi par sa force numérique, descendit des hauteurs, rétablit le combat à son avantage, et parvint à nous reprendre la partie conquise de Fuente-de-Onore.
Le maréchal Masséna n'était pas homme à rester sur un échec. A cinq-heures du soir, une nouvelle attaque est ordonnée. Cette fois la division Ferrey formée en quatre colonnes appuyées par une brigade de la division Marchand, se précipite sur l'ennemi à la baïonnette. Les parties basses du village sont reconquises. Mais au lieu de s'y établir nos soldats poursuivent l'ennemi et se désunissent. Wellington en profita pour réunir 6,000 hommes sur notre droite mal affermie et pour la seconde fois, nous fûmes obligés d'abandonner la clef de la position.
D'énergiques efforts sont tentés par la seconde brigade de la division Marchand, et à la nuit close, un tiers du village de Fuente-de-Onore est en notre pouvoir.
Nos soldats ont combattu à découvert ; leurs pertes s'élèvent à 700 tués ou blessés. Les Anglais mieux abrités comptent 600 hommes hors de combat.
Le 5 mai, nous avons enlevé à la baïonnette la position de Pozzo-Bello, pendant que notre cavalerie tournait l'ennemi sur sa droite, en lui faisant encore six cents prisonniers.
Au 69e, trois officiers ont été tués, dont le capitaine Terré; le brave colonel Fririon y a été blessé au bras gauche; blessure heureusement sans gravité ; ce qui lui permettra de reprendre son service dans quelques jours.
Notre troisième bataillon est incorporé dans les deux autres, pour permettre aux cadres de rentrer en France. C'est le prélude d'une nouvelle organisation de l'armée, en vue des événements qui peuvent survenir dans le Nord de l'Europe.
En attendant, il importe de faire sauter la forteresse d'Alméida étroitement bloquée par Wellington. Trois intrépides militaires se sont présentés à l'état-major du prince d'Essling, pour traverser les lignes anglaises et porter cet ordre au général français qui commande à Almeïda. Le caporal Zaniboni du 76e, déguisé en marchand espagnol, et parlant fort bien la langue du pays; le cantinier Lami du 69e vêtu en paysan portugais, et le chasseur Tillet du 6e léger. Les deux premiers trahis par des lettres accusatrices qu'ils portaient sur eux, furent fusillés, comme espions; mais Tillet parvint aux avant-postes d'Alméida et cela suffisait. La forteresse sauta le 10 mai, à minuit; nos troupes reprirent le chemin de Salamanque.
Honneur à ces trois braves !
Nous apprenons aujourd'hui que l'empereur ne veulant pas s'arrêter aux difficultés que rencontre le prince d'Essling dans la réorganisation de l'armée de Portugal, vient de donner l'ordre au 9e corps de rejoindre l'armée du maréchal Soult, en Andalousie où il était attendu, afin d'augmenter les effectifs des corps très réduits, par suite des pertes subies dans les derniers combats" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le lieutenant Soulier est blessé le 11 mai 1811 lors de l'évacuation d'Almeida.
Le 14 mai, Masséna prend ses cantonnements pour reposer ses troupes des dures fatigues qu'elles viennent d'endurer : le Quartier général s'établit à Salamanque.
Les Corps d'armée sont réorganisés. L'armée de Portugal passe en mai sous le commandement du duc de Raguse (Marmont). Ce dernier, d'après les instructions de l'Empereur, doit se réunit à Soult, qui opère au Sud de la Guadiana en vue de débloquer sans succès Badajoz, assiégé par Beresford. On quitta Samalanque pour se porter sur Plasencia et Almaraz.
"Le maréchal Marmont avait ramené l'armée à Salamanque et profitant de la latitude que lui avait donnée l'Empereur, l'avait réorganisée en six divisions. Le général Foy eut le commandement de la 1re division comprenant les 39e, 69e et 76e régiments de ligne et le 6e d'infanterie légère (Note : Il n'y avait pas au début de généraux de brigade à la 1re division. Les généraux Boyer et Chemineau furent appelés dans la suite à prendre le commandement des deux brigades)" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, page 145.
"Le maréchal Marmont duc de Raguse vint ensuite remplacer Masséna dans le commandement en chef de l'armée. Wellington conduisit ses troupes en Estramadure et fit bloquer Badajoz. Le maréchal dirigea alors l'armée sur cette province afin de soutenir le maréchal Soult venant de l'Andalousie pour chasser les Anglais et dégager Badajoz. La jonction des deux armées se fit à Mérida le 17 mai (?) 1811 ; elles marchèrent ensuite sur les Anglais qui se retirèrent en Portugal" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Commandant Giraud écrit :
"Salamanque, le 30 mai 1811.
Le 2 du mois prochain, nous nous mettons en marche pour l'Estramadure; on nous annonce des marches longues et pénibles. On ne nous fait pas moisir dans nos cantonnements; nous sommes toujours en l'air. Et à côé, il faut ajouter qu'il n'y a pas de fatigues qui tiennent. Il ne faut jamais rester en arrière, si on ne veut pas s'exposer à tomber entre les mains des guérillas ; il faut toujours suivre le gros tas.
Notre 6e corps d'armée est dissous ; on en a formé six divisions. J'appartiens à la première. Nous ne portons plus le collet chamois; toute l'infanterie de ligne aura dorénavant le collet rouge.
Le capitaine Raybaud est parti de Bayonne, avec sa retraite. Le capitaine Roy l'y remplace. Il paraît qu'on fait ses affaires au petit dépôt de Bayonne, puisqu'il y a tant de postulants pour cette place. A défaut d'autres avantages, on a du moins celui d'être fort tranquille.
De rudes chefs (Longa, le Marquerito et surtout l'audacieux Espoz-y-Mina), sont à la tête des bandes espagnoles qui opèrent contre nous; vaincus sur un point, ils reparaissent plus loin, toujours plus entreprenants, soutenus, ravitaillés sur les côes, en armes et en munitions par les croisières anglaises.
Ces chefs font fabriquer leur poudre dans les cavernes des plus hautes montagnes de la Navarre et de la Biscaye. Leurs hôpitaux sont dans les villagesles plus retirés sur des escarpements inaccessibles. Dans ces conditions, point de grandes batailles en perspective; mais des marches, des contre-marches, dans les montagnes, à travers, une population hostile; des combats partiels, presque quotidiens ; des escarmouches sanglantes" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel raconte : "Les Anglais n'espérant pas remporter quelque avantage sur l'armée qui se trouvait en face d'eux, rentrèrent en Portugal pour se diriger ensuite sur Badajoz, ville forte de l'Estramadure. Le régiment revint à Salamanque pour se réapprovisionner et nous y passàmes une dizaine de jours. Je fus logé chez don Martel, chanoine de la cathédrale, et je fis prompte connaissance avec la charmante nièce de mon hôe; dona Symphorosa n'était pas extrêmement jolie, mais un oeil vif et spirituel la rendait aimable. Elle avait une grande amie, mariée à un fort brave homme mais un peu simple; le lieutenant Labaith, le plus bel homme du bataillon, était logé chez eux et le mari était assez naïf pour confier sa femme au lieutenant qui l'emmenait promener à la campagne. Nous nous rencontrions tous quatre dans une auberge, nommée la Pescadoria, où l'on mangeait d'excellentes fritures et nous y avons passé d'agréables moments, mais, hélas, trop courts !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 1er juin, le 69e fait partie de la Division du Général Foy qui succède à Marchand, Brigade Boyer qui lui succède à Maucune. Le Régiment est cantonné à la Puebla de Montijo.
"Dès lors les troupes furent mises en cantonnement; le colonel FRIRION fut placé à la Puebla de Montijo ..." (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 4 juin je fus nommé lieutenant dans ma compagnie et, ce même jour, l'armée se mit en marche pour l'Estramadure afin de faire lever le siège de Badajoz : le soldat avait quinze jours de galette sur le dos avec recommandation de bien la ménager. Le maréchal Marmont, espérant surprendre quelques troupes ennemies dans les environs de Ciudad-Rodrigo, détacha de ce côé notre division (Note : Marmont se met en marche pour se réunir à Soult et secourir Badajoz ... il se dirige immédiatement sur Plasencia par le col de Banos ... tandis qu'il se porte avec la cavalerie et la 1re division sur Ciudad-Rodrigo afin de s'éclairer sur les forces que les Anglais ont laissées sur la Coa. Le général Foy, malgré la difficulté des chemins où l'artillerie n'a pu s'engager, malgré les fatigues occasionnées par une chaleur exceptionnelle, parvient à rejoindre l'armée à Malpartida - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 146), que commandait alors le général Foy (Note : Général Foy au maréchal Masséna : "Paris, 15 avril 1811. L'Empereur m'a confié le commandement de la 1re division du 6e corps et m'ordonne de partir avant la fin du mois pour me rendre à mon poste" - Lettre citée par GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 361. Le maréchal Marmont avait réorganisé l'armée en six divisions); pour la dernière fois, nous allâmes de ce côé jusqu'aux frontières de Portugal où nous surprîmes quelques postes de cavalerie. Nous revînmes de suite prendre le sentier de Miranda de Castanos à travers la montagne; ce chemin n'était praticable que pour des hommes et il fallut abandonner toutes les voitures : ce n'était que rochers affreux, forêts de châtaigniers, mais on trouvait malgré cela d'excellent vin. Nous rejoignîmes l'armée à la petite ville de Malpartida, à deux lieues de Palencia : nous y bivouaquâmes deux jours par une chaleur excessive, ayant pour toute distraction d'aller, le soir, contempler la comète qui paraissait alors. Que de choses ne disions-nous pas à son sujet !
A partir de ce moment nous fîmes de grandes journées; nous n'avions point de repos, nous marchions nuit et jour : quelques soldats, harassés, moururent subitement; d'autres, notamment un caporal du 6e léger, se fusillèrent, mais, chose étonnante, aucune de ces misères n'atteignit le 69e : malgré la faim et la soif, malgré la fatigue, aucun homme ne restait en arrière, personne ne songeait à attenter à ses jours.
Nous passâmes à Truxillo, que nos soldats appelèrent la "Ville aux Cigognes", vu la grande quantité de ces oiseaux qui nichent sur les édifices; on espérait y trouver quelques vivres, mais il n'y avait rien. Quand on rencontrait quelque fontaine sur la route, elle était immédiatement desséchée; les soldats se précipitaient et ne regardaient ni à la boue ni aux crapauds, lézards ou sangsues qui pouvaient s'y trouver; quelquefois l'eau était infecte, mais rien n'empêchait les soldats d'étancher leur soif : plusieurs hommes avalèrent des sangsues qui s'attachèrent à leur gorge et dont ils ne purent se débarrasser que par l'effet de l'émétique.
Nous traversâmes aussi la petite ville de Medelina et, au moment où nous espérions nous venger de nos peines sur les Anglais, nous apprîmes que ces messieurs, qui avaient perdu beaucoup de monde dans plusieurs assauts, venaient de lever le siège de Badajoz (Note : Le maréchal Beresford (2 divisions anglaises, une portugaise, 14000 Espagnols de Castanos et Blake, quelques régiments de cavalerie, en tout 47000 hommes et 32 canons avait mis le siège devant Badajoz le 8 mai et dirigé ses attaques sur le fort de San Cristobal. Le général Philippon, gouverneurde Badajoz, défendit les approches par de vigoureuses sorties. Le 13, à l'annonce de l'approche de Soult, Beresford levait le siège pour revenir le 25 mai, espérant réduire cette place qui venait de perdre l'espoir d'être secourue; mais le brave Philippon ne se laissa pas intimider et se disposa à faire la plus vigoureuse résistance. Sur ces entrefaites, le duc de Wellington se réunit à Beresford avec deux divisions. Les travaux du siège furent repris dans la nuit du 30 au 31 mai et les attaques dirigées, comme à la première époque, sur le fort de San Cristobal. Le 6 juin on jugea la brèche du fort praticable et on se décida à donner l'assaut. On essaya d'escalader les remparts au moyen de quelques échelles, mais, après une heure de vains efforts, on fut obligé de se retirer; 75 grenadiers du 88e régiment, commandés par le capitaine Chauvin, eurent la gloire de repousser cette attaque. Les jours suivants, les assiégeants cherchèrent à élargir la brèche par le feu continuel de leur artillerie et, dans la nuit du 9 au 10, ils livrèrent un nouvel assaut qui n'eut pas plus de succès que le premier. Le capitaine Jourdion du 27e léger, commandant du fort, n'avait pour garnison qu'environ 150 hommes. Ce brave fit pleuvoir sur les assaillants une grêle de balles et de projectiles creux et les repoussa. Wellington, prévoyant que la soumission d'une place aussi vaillamment défendue, exigerait beaucoup de temps, informé d'ailleurs de la marche du duc de Raguse .. se décida à lever le siège - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 347-348 et passim).
Pendant que l'on réparait les brèches des murs de la place, le régiment alla occuper le Pueblo de Montijo, petit village fort propre; les hommes furent incontinent employés à moissonner et, peu de jours après, nous étions remis de nos fatigues. Le village renfermait quantité de petites fèves qu'on appelle "gourganes" et de gros pois ronds que les Espagnols nomment "garbanzos"; nos soldats en firent de si bonnes ripailles qu'ils oublièrent facilement leurs privations et baptisèrent le village du nom de "village aux gourganes"" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Sous-lieutenant Thomas est blessé le 5 juin 1811 près d'Almeida.
Le 11 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "... Les cadres des 4es bataillons des 14e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e de ligne et 17e d'infanterie légère, 28e, 34e, 65e, 75e et 86e de ligne ont ordre de rentrer en France. Ils arrivent à Bayonne du 15 au 20 juin ...
Mon intention est que ces vingt-deux bataillons soient tous campés dans les baraques de bois que j'ai fait établir en avant de la ville, que l'inspection en soit passée pour compléter les cadres des officiers, sous-officiers, caporaux et tambours, remplacer les officiers et sous-officiers hors de service, et compléter tous ces cadres à 800 hommes ; ce qui fera pour l'armée d'Espagne une réserve de 16 à 18,000 hommes.
Je désire que vous envoyiez à Bayonne quatre colonels en second pour se partager le détail, la surveillance et l'organisation de ces bataillons ...
Le troisième commandera le 17e et le 31e léger, le 27e, le 29e, le 59e, le 69e, le 76e, le 65e et le 86e, appartenant à l'armée du Portugal
Ces quatre colonels en second réuniront successivement sous leur commandement tous les 3es et 4es bataillons qui arriveront d'Espagne en conséquence des ordres donnés, et qui appartiendront aux armées d'Aragon, du Nord, de Portugal, du Centre et du Midi. Vous donnerez à chaque colonel en second un major en second pour aide, lorsque son commandement comprendra plus de quatre bataillons. Cela formera quatre brigades, qui s'appelleront brigades des 4es bataillons de l'armée d'Aragon, de l'armée du Nord, de l'armée de Portugal, des armées du Centre et du Midi.
Le général Monthion commandera cette réserve et en passera fréquemment la revue ...
Il faudrait sans délai faire partir des dépôts des 14e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e de ligne, 17e léger, 28e, 34e, 65e, 75e et, 86e de ligne tout ce qu'il y a de disponible, pour être incorporé dans lesdits 4es bataillons ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17793 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27269).
Le 17 juin 1811, les Maréchaux Marmont et Soult (armées de Portugal et du Midi) effectuent leur concentration à Truxillo, entre le Tage et la Guadiana; de là, les deux armées marchent sur Campomajor, menaçant ainsi de couper Beresford sur leur ligne de retraite en Portugal. Wellington, qui a renforcé Beresford et pris le commandement, n'attend pas l'attaque des Français; il se retire vers les bouches du Tage.
Le 18 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je reçois votre rapport du 15 sur les différents corps d'observation. Je réponds d'abord à ce qui concerne le corps d'observation de la réserve.
CAMP DE BAYONNE.
... Les 4es bataillons des 17e, 31e, 27e, 39e, 59e, 69e, 65e, 76e et 86e formeront la brigade de Portugal. Vous donnerez deux majors en second au colonel en second qui doit la commander ...
Donnez ordre que tout ce qu'il y a de disponible aux dépôts des 14e, 17e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e, 65e, 86e, 34e, 28e et 75e se dirige sur Bayonne pour y compléter les 4es bataillons de leurs régiments. Il sera appelé 8,000 conscrits sur la réserve pour compléter ces 4es bataillons et les porter à 20,000 hommes. Recommandez que tout ce qui passera désormais à Bayonne, soit hommes isolés, soit hommes sortant des hôpitaux, qui appartiendraient à ces régiments, soit retenu et placé dans les 4es bataillons de leurs régiments ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17817 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27343).
Le 22 juin, le Colonel reçoit à la Puebla de Montijo sa nomination de Général de Brigade et est remplacé le même jour par Guinand.
Antoine Benoît GuinandNé le 3 janvier 1764 à Orliénas (Rhône), tué le 10 novembre 1813 à Espelette (Basses-Pyrénées). |
Le Colonel Chemineau, du 76e, est promu et remplace le Général Boyer à la tête de la Brigade.
" ... et reçut peu après sa nomination de général de brigade à la 4e division de l'armée de Portugal en Estramadure, par décret du 22 juin 1811.
Le corps d'officiers du 69e adressa à FRIRION une lettre, où était manifestée leur douleur de se séparer de lui. Les soldats le virent partir avec les regrets d'enfants qui quittent un père aimé et estimé et le lui témoignèrent de la manière la plus touchante. Ils disaient hautement : "Nous perdons notre père, jamais nous n'en trouverons un pareil. " C'est donc avec une vive émotion qu'il quitta ce brave 69e qui ne cessa jamais d'être l'objet de son plus tendre intérêt" (Notice biographique sur M. le général baron Fririon).
Le 24 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Dumas, Directeur des Revues et de la Conscription : "Monsieur le comte Dumas, proposez-moi un projet de décret pour la levée et la répartition de la réserve de la conscription. J'évalue à 25 000 hommes ce qu'il y a de disponible sur la conscription de France ...
Voici les bases de la répartition ...
Complétez les bataillons dont les cadres sont à Bayonne. Savoir : ... 69e ...
Total 12 bataillons. Pour ces 12 bataillons vous dirigerez sur Bayonne de quoi compléter leurs 4es bataillons ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5676 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27432).
Le 28 juin 1811, le Grenadier Hugues et le Fusilier Deninger sont tués près de Moralès.
Le 29 juillet 1811, le Fusilier Francisca est tué près de Truxillo.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous revînmes à Truxillo; jamais nous n'avions encore éprouvé de chaleur aussi forte que pendant ces dix premiers jours d'août : à la première étape, la plupart des boeufs et cochons du parc de bestiaux crevèrent, et les chiens ne pouvaient plus poser les pattes sur les cailloux sans pousser des hurlements que les brûlures leur arrachaient. La veille de notre entrée en ville, nous apprîmes que notre colonel Fririon venait de recevoir son brevet de général et passait dans une autre brigade; bien que nous fussions heureux de voir ce brave officier recevoir une récompense dont il était digne, ce n'est pas sans une douleur profonde que nous perdîmes un pareil chef. Avant de rejoindre son poste, le nouveau général passa une dernière revue du régiment à la sortie de la ville: les soldats le saluèrent de leurs acclamations et de la correction et de la perfection de leur maniement d'armes, humble mais inestimable hommage que le pauvre soldat rend aux chefs qu'il a appris à respecter et à aimer (Note : Fririon (Joseph-François), né à Pont-à-Mousson en 1771, mort en 1849. Il était frère du général de division, chef d'état-maior de Masséna - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 124, note. Bon officier à la tête des troupes - GIROD DE L'AIN, p. 216. Il fut remplacé à la tête du 69e par le colonel Guinand).
Bientôt les vivres recommencèrent à manquer et il fallut chaque jour envoyer un détachement chercher des grains : encore n'en distribuait-on que le quart, ce qui fit que les soldats appelèrent le général Foy (Note : Foy (Maximilien-Sébastien), né à Ham (Somme), en 1775, sous-lieutenant d'artillerie en 1792, colonel du 5e d'artillerie à cheval en 1803, général de brigade en 1809, général de division en 1810. Blessé grièvement à Orthez le 27 février 1814 et à Waterloo. En 1819, inspecteur d'infanterie dans les 2e et 6e divisions militaires. Membre de la Chambre des députés) "le général au quart".
Soit résultat des fatigues, soit par le fait de l'eau détestable que l'on était obligé de boire, une épidémie terrible de fièvre s'abattit sur l'armée; il y avait de 800 à 900 malades par régiment. Mon bataillon fut envoyé à Saraïseco, village sur la route d'Almaras, à deux lieues de Truxillo et, en quelques jours, nous eûmes 400 fiévreux sur 500 soldats, et 23 officiers malades sur 24. Peu de monde mourait, fort heureusement, mais nous étions fort mal, couchés sur de mauvais grabats, n'ayant d'autre nourriture que des fèves sèches, du pain détestable, et dans l'impossibilité de nous procurer du vin ou une nourriture réconfortante (Note : Les chaleurs de l'été rendent le pays insalubre et provoquent des dysenteries tenaces, des fièvres pernicieuses ou de graves maladies - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 148)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 9 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon Cousin ... Deux compagnies de chacun des 65e, 69e et 76e formeront le 7e bataillon et ces deux bataillons, commandés par un major en second, composeront le 3e régiment de marche de l'armée de Portugal, qui se rendra à Vitoria du 20 au 30 août.
Il y aura ainsi dans la Biscaye ... 4° le 3e régiment de l'armée de Portugal, fort de 1.600 hommes ... ce qui fera plus de 7.000 hommes. Mandez au général Monthion de s'assurer que ces bataillons partent en bon état, qu'ils sont complets en officiers et en sous-officiers, qu'ils ont 50 cartouches par homme, leurs pierres à fusil, leur solde au courant jusqu'au 1er septembre, leur livret en règle où le payement de leur solde soit constaté ... Vous ferez comprendre au général Monthion que mon intention est que ces huit bataillons restent en Biscaye jusqu'à ce que les conscrits des dépôts puissent les rejoindre, et qu'on puisse reformer là les vingt-trois bataillons" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5944 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28051).
Le 22 août 1811, le Fusilier Hombrain est tué près de Valde-Fuentès.
Le même 22 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, donnez les ordres suivants pour la répartition des compagnies destinées à former les garnisons de vaisseaux ...
ESCADRE DE CHERBOURG
Les 4e, 46e, 59e, 69e et 50e compléteront et réuniront à Cherbourg la 2e compagnie de leurs 5es bataillons. Ces compagnies formeront la garnison des vaisseaux ci-après, savoir celle du 4e, la garnison du Courageux ; celle du 46e, du Polonais ; celle du 59e, des frégates l'Iphigénie, la Diane et l'Alcmène ; celle du 69e, du Zélandais ; celle du 50e, du Duguay-Trouin ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6042 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28292).
- Reconnaissance de Arroyo-del-Puerco
Le 28 août, pendant la période des opérations entre le Tage et la Guadiana, se passe un épisode qui fait honneur au Régiment. Un Bataillon, sous les ordres provisoires du Major Dornier, avec 600 homme du 69e, est chargé de faire une reconnaissance vers Arroyo-del-Puerco; l'avant-garde, forte de 200 hommes, rencontre un détachement espagnol, de plus de 2000 hommes; la lutte s'engage, dix contre un; cette poignée d'hommes ne cède le terrain que pas à pas et se replie dans un ordre parfait sur le gros qui, embusqué, oblige par la violence de son feu l'ennemi à retraiter.Il laisse une centaine de combattants sur le terrain. Le Bataillon n'a qu'un seul blessé : le Fusilier Thomas.
"Dans la reconnaissance faite par la 1re division, le 28 août 1811, le major Dornier avec 600 hommes du 69e, qu'il commandait provisoirement, et 50 chevaux, fut chargé de pousser une reconnaissance jusqu'à Arroyo-del-Puerco (près Cacérès), pour s'assurer des forces de l'ennemi. Ayant laissé 400 hommes en arrière, il s'avança très loin avec 200 hommes, et rencontra une colonne de 2,000 Espagnols dont il soutint le choc avec une bravoure et un sang-froid admirables. Entouré de toutes parts, il se retira en ordre avec ses 200 hommes sur sa réserve qu'il avait embusquée, et qui mit hors de combat 80 hommes de l'ennemi. Le détachement du brave major Dornier ne fit aucune perte ; l'ennemi se retira en désordre" (Extrait des rapports officiels).
Sont tout de même portés tués à Arroyo del Puerro (sic) les Fusiliers Lecoq et Thomas, et le Voltigeur Bernard.
Le Capitaine Marcel raconte : "J'avais été épargné par l'épidémie lorsque, le 28 août, mon petit domestique et moi fûmes atteints par cette maudite fièvre qui nous dura sept mois; en dépit des soins les plus assidus de notre chirurgien major, malgré la quantité de quinquina que nous prîmes, elle ne nous lâcha pas : elle quittait quelques jours puis revenait. Combien de fois, couché au milieu des plaines les plus arides par un soleil ardent, mourant de soif, n'ayant pas une goutte d'eau malgré le dévouement et l'empressement de mes hommes, éprouvant le contraire pendant des nuits aussi froides que la journée avait été chaude, trempé de sueur, obligé de remettre les chemises mouillées de la veille, combien de fois ai-je désiré qu'une balle ou un boulet vienne mettre fin à une existence aussi pénible. De pareilles tortures ne peuvent être comprises que par ceux qui les ont endurées.
Nous quittâmes enfin cet endroit maudit : tous les convalescents furent envoyés pour se refaire dans le bourg de Garandilla au pied du Porto-Pico : des vivres frais et excellents leur étaient distribués et chaque homme recevait tous les jours une bouteille de bon vin. La brigade vint à Monte-Hermoso; ma compagnie, qui comptait 70 hommes, n'en avait pas huit pour faire le service. Cependant on ramassa les plus valides et nous marchâmes à travers les gorges de Coria, pour surprendre les Anglais qui s'étaient portés sur Rodrigo : ce fut peine perdue, car nous trouvâmes leurs camps vides.
Le duc de Raguse fit porter le régiment sur Tolède afin de prendre des rafraîchissements dont nous avions le plus grand besoin : mais c'était comme une gageure, il nous était dû vingt-cinq mois de solde et on ne nous donnait que de faibles acomptes, alors que l'argent nous eût été d'une grande utilité à Tolède où l'on trouvait tout ce qu'on pouvait désirer. Alors les fièvres devinrent mortelles (Note : Au commencementde septembre, sur les 5000 hommes que compte la division, il y a plus de 1500 malades ou convalescents hors d'état de combattre; on enregistre de six à sept décès par jour et il est à craindre que le mal ne soit pas encore à son apogée - ibid., p. 148) : quantité d'hommes entraient dans les hôpitaux et n'en ressortaient pas" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Peu après la retraite de Wellington en Portugal, Soult est rappelé en Andalousie par les progrès des Espagnols, et Marmont laissé seul, remonte au Nord du Tage. Wellington, enhardi, s'avance jusqu'à Ciudad-Rodrigo, qu'il investit dans les premiers jours de septembre.
Le 22 septembre 1811, l'armée du Nord, sous les ordres du Général Dorsenne, qui a opéré jusque-là dans les Asturies, vient renforcer Marmont à Tamamès. Celui-ci se porte contre Wellington qui lève le siège de Ciudad-Rodrigo, et se replie sur Sabugal, dans des positions si fortes qu'on n'ose l'y attaquer. Marmont revient dans les environs de Salamanque, où il prend ses quartiers d'hiver.
Situation du 69e au 15 octobre 1811 |
|||||
Officiers |
Soldats |
Hôpitaux |
Congé |
Total |
|
1er Bataillon Armée du Portugal | 24 |
499 |
89 |
612 |
|
2e Bataillon idem | 21 |
476 |
89 |
586 |
|
4e Bataillon idem | 22 |
454 |
118 |
594 |
|
Dét 7e Gouvernement | 1 |
55 |
56 |
||
Dét. 6e Gouvernement (Valladolid) | 4 |
84 |
88 |
||
3e Bat. 2 Cies, 4e Gouvernement (Biscaye) | 4 |
222 |
226 |
||
3e Bat. 4 Cies, Bayonne | 12 |
341 |
48 |
401 |
|
Petit dépôt Bayonne | 2 |
25 |
4 |
31 |
|
5e dépôt 4 Cies, Luxembourg | 14 |
187 |
8 |
2 offic. |
211 |
2805 |
Le 22 octobre 1811, le Capitaine Bayan est porté disparu (présumé mort) à Tolède.
Le 28 octobre 1811, l'Empereur écrit, depuis le château de Loo, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, ... 3e RÉGIMENT DE MARCHE DE L'ARMEE DE PORTUGAL.
Un bataillon de marche partira de Bayonne, composé d'une compagnie du 27e de ligne de 140 hommes, d'une du 59e de 140 hommes, d'une du 65e de 140 hommes, d’une du 39e de 140 hommes, d'une du 69e de 140 hommes, et d'une du 76e de 140 hommes, total six compagnies, ou 840 hommes.
Ce bataillon, arrivé à Vitoria, sera incorporé dans le 3e régiment de marche de l'armée de Portugal qui, de 1.200 hommes, sera ainsi porté à 2.040 hommes ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6304 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28940).
En octobre 1811, deux Compagnies des 5es Bataillons des 4e, 59e et 69e sont dirigées de Luxembourg sur Cherbourg pour entrer dans la composition du Corps expéditionnaire de Vandamme contre les îles anglaises de la Manche.
Pour la première fois depuis deux ans de marches et de combats incessants, le 69e jouit de quelque repos.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le régiment fut envoyé à Mazaranbros, bourg limitrophe de la province de la Manche, dans un pays extrêmement fertile en grains et en vin; on s'aperçut, quinze jours après, que la double ration de vin était un remède souverain : on distribua largement le jus de la vigne, et les trognes vermeilles reparurent.
Quant à moi, rien ne pouvait me remettre : tous les jours et à la même heure un frisson terrible s'emparait de moi et une fièvre ardente me tenait quelquefois quatorze heures. Quel dommage ! Logé chez d'excellentes gens, soigné par de charmantes demoiselles, j'étais toujours servi par dona Christiana qui était aussi belle qu'aimable et qui languissait d'amour. Fallait-il ne pouvoir que faiblement lui prouver ma reconnaissance !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Mozarambos, près de Tolède (Nouvelle Castille), le 1er novembre 1811.
Je relève de maladie et à peine remis sur pieds, me voici obligé d'aller en colonne mobile, avec 600 hommes d'infanterie et 100 chevaux, pour parcourir la province de Tolède, à l'effet d'y faire rentrer les perceptions dues. Les Castillans sont superbes d'allure; mais les sénoras tremblantes de frayeur font le signe de la croix quand elles nous rencontrent, probablement pour empêcher le diable de s'introduire en elles.
A ma rentrée au régiment, j'ai trouvé le 69e presque entièrement renouvelé. Tous les anciens officiers sont partis pour la retraite ; quelques autres ont payé leur tribut à la guerre. A l'âge de trente-neuf ans, je me vois ainsi le doyen des officiers de mon régiment. Cela me donne l'envie d'abandonner la lutte.
Quelle guerre atroce !
Chacun de nos bataillons agit isolément, courant les défilés, à la suite d'insaisissables quadrilles exécutés par des moines, des laboureurs et même des simples pâtres qui en sont les chefs entreprenants et hardis. Il faut les suivre de position en position, de rocher en rocher, le fusil ou l'épée toujours en arrêt.
Nos effectifs fondent dans le service très pénible des escortes de convois. Nous n'avons cependant que des rouliers français, mais leurs voitures sont trop lourdes, trop matérielles pour des chemins de traverse comme ceux que nous parcourons souvent.
Nos colonnes mobiles se multiplient, et comme les remplacements d'effets pour la troupe ne se font guère que deux ans après l'échéance, nos hommes sont nu-pieds. Tout ce qui est envoyé de France, se consomme en route. Le pain se vend un franc; un mauvais schako vaut cent francs. Chacun se fait tour à tour, tailleur et cordonnier : les plus adroits de nos soldats taillent et coupent, dans des étoffes de bure brune trouvées dans les couvents; les autres confectionnent" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Mozarambos, le 16 novembre 1811.
Je viens d'éprouver un nouveau malheur. Mon domestique vient de me noyer une mule, et mon cheval de bataille est menacé de perdre la vue. J'en suis encore réduit à une mauvaise jument qui me manquera au premier jour et m'obligera de faire mes routes à pied. Il est très difficile dans ce pays, de se procurer de bons chevaux. S'il s'en trouve, il faut les payer quarante à cinquante louis, et encore sont-ils bons ?
Si le malheur qui me poursuit depuis un an ne me quitte pas, je serai obligé de renoncer aux chevaux, pour ne pas manger tout mon saint frusquin.
Les officiers, sous-officiers et caporaux du 3e bataillon sont partis pour la France le 26 mai dernier. Aucun chef de bataillon n'a été compris dans ce cadre. Le commandant Magne n'ayant pas été remplacé, il a fallu lui donner pour successeur le chef de bataillon qui devait rentrer en France.
On dit que l'horizon se trouble du côé du nord; tout le monde le désire ici dans l'espoir qu'on nous retirera d'Espagne. Ce ne serait cependant pas à souhaiter pour la France, car sa situation deviendrait plus embarrassante que jamais" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Granja, 26 novembre 1811.
Nous végétons depuis une vingtaine de jours, autour des montagnes de Banos, de Bejar, de Placencia et de Gata, observant l'armée ennemie qui en fait autant de son côé pour attendre, comme nous, la fin des chaleurs. La voilà arrivée bientôt. Aussi partons-nous dans deux ou trois jours, pour aller, dit on, faire une reconnaissance du côé de Ciudad-Rodrigo. Si les bruits qui circulent se confirment, nous pourrions bien, spectateurs tranquilles des événements, n'avoir d'autres opérations à entretenir que de nous procurer des vivres, car je présume que l'armée anglaise se portera en partie sur Valence, dans le cas, où, - comme on l'annonce, - nous aurions entrepris la conquête de cette province.
J'ai noté sur des feuilles de papier, ou revues jour par jour, depuis le 1er janvier 1811, les sommes qui me sont dues mensuellement pour mes appointements. Le livre servant à enregistrer ces sommes chez le payeur de mon régiment, se trouve dans un portefeuille vert contenu dans mon portemanteau. Si je venais à décéder, ma veuve doit pouvoir toucher ce qui m'est dû, à l'aide de ces revues et de ce livre.
Chacune de ces revues, depuis le 1er janvier 1811 jusqu'à la fin de mai, se monte à 670 francs; ce qui fait en tout 3.350
Chacune des revues de mai à septembre se monte à 552 fr. par mois : soit pour trois mois écoutes jusqu'au 31 août 2.625
Pour mon traitement de table depuis le 1er janvier : 400 fr. par mois ; ce qui donne au 1er septembre 3.200
Plus mon traitement de membre de la légion, soit 250
Total 9.475
somme qui est à réclamer à M. l'ordonnateur Marchand de l'armée de Portugal" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 30 novembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, faites-moi connaître si le général Monthion pourra faire partir au 15 décembre, savoir :
... 3° Un régiment de l'armée de Portugal, composé d'une compagnie du 17e léger, d'une compagnie du 31e id., de deux compagnies du 27e de ligne, de deux compagnies du 39e, de deux compagnies du 59e, de deux compagnies du 65e, de deux compagnies du 69e et de deux compagnies du 76e, et d'un bataillon de six compagnies du 86e.
... Ce qui ferait encore un secours de 4.000 ou 5.000 hommes qui compléterait tout à fait les régiments provisoires.
Faites-moi connaître si tout cela pourra partir en décembre ou, au plus tard, au 1er janvier" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6428 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29218).
Le 3 décembre 1811, l'Empereur écrit, deuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, faites-moi connaître les renseignements que vous avez dans vos bureaux sur un nommé Terret, lieutenant au 69e régiment d'infanterie de ligne" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29243).
Le 14 décembre 1811, depuis Paris, l'Empereur décrète : "Le sieur Terret, sous-lieutenant au 69e régiment d'infanterie de ligne, est destitué. Il sera mis en état d'arrestation ; ses papiers seront saisis et il sera conduit à la citadelle de Bayonne. Le ministre de la guerre fera une enquête sur le compte de cet officier" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 5701).
Le 24 décembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, j'approuve l'opinion du général Monthion d'avoir toujours à Bayonne une force disponible et bien organisée. Elle sera composée de la manière suivante :
... 8e bataillon. Un second bataillon provisoire de l'armée de Portugal, composé de deux compagnies du 65e (200 hommes), de deux du 69e (200 hommes), de deux du 76e (200 hommes) 600 hommes.
Ces huit bataillons formeront à peu près 6.000 hommes. On y joindra 6 pièces de canon de 6 et 2 obusiers, et 150 chevaux. Un général de brigade commandera cette colonne, sous les ordres du général Monthion. Elle aura quatre majors en second, et gardera en réserve Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port et la Bidassoa, et sera prête à se porter partout. Le général Monthion l'aura formée le 10 janvier. Il fera venir tout ce qui est disponible aux dépôts et aux 5es bataillons de ces régiments. Il fera des garnisons dans la vallée de Bastan qui sera sous ses ordres. Il marchera au secours du Passage, de Saint-Sébastien, et des côtes des départements des Hautes et Basses-Pyrénées, si elles étaient attaquées. II faut donc qu’il organise parfaitement cette réserve pour qu'elle puisse se porter partout" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6522 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29444).
Le même 24 décembre 1811, l'Empereur écrit encore, depuis Paris, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, donnez ordre que les 6e et 17e régiments d'infanterie légère et les 39e, 69e, 76e, 27e et 59e de ligne qui ont trois bataillons en Espagne fassent rentrer en France les cadres des six compagnies de leur 4e bataillon ; que ces cadres soient bien complets, qu’il y ait même 6 sergents et 12 caporaux par compagnie, au lieu de 4 sergents et 8 caporaux.
Donnez le même ordre pour les 25e léger, 50e, 15e et 22e de ligne ; pour les 31e léger et 86e de ligne ; pour les 26e, 66e et 82e ; et pour les 7e, 16e, 114e, 116e et 117e de ligne, ce qui fera rentrer en France les cadres de 21 bataillons. Recommandez expressément qu'il y ait le nombre de sergents et de caporaux ayant plus de deux ans de service, que j'ai déterminé ci-dessus. Instruisez de cet ordre le ministre de la guerre" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6521 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29445).
Le lendemain 25 décembre 1811, Berthier écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "L'Empereur approuve l'opinion où est le général Monthion d'avoir toujours à Bayonne une force disponible et bien organisée.
Sa Majesté ordonne que cette réserve soit composée de la manière suivante :
... 8e bataillon : Un second bataillon provisoire de l'armée de Portugal, composé de 2 compagnies du 65e, de 2 compagnies du 69e, de 2 compagnies du 76e formant 600 hommes.
Ces huit bataillons formeront à peu près 6000 hommes. Sa Majesté désire qu'il y soit joint 6 pièces de canon de six, 2 obusiers et 150 chevaux. Son intention est aussi qu'un général de brigade commande cette colonne sous les ordres du général Monthion et qu'il y soit attaché quatre majors en second.
Cette réserve gardera Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port et la Bidassoa, et sera prête à se porter partout où les circonstances l'exigeraient. Le général Monthion à qui je viens de donner connaissance de ces dispositions, a l'ordre de former cette réserve pour le 10 janvier. Il fera venir à cet effet tout ce qui est disponible aux dépôts et aux 5es bataillons des régiments qui la composent.
J'ai également prévenu le général Monthion qu’au moyen de cette réserve, l’intention de l’Empereur est qu’il faut des garnisons dans la vallée de Bastan qui sera sous ses ordres et qu’il marche au secours du Passage, de Saint-Sébastien et des côtes et frontières des départements des Hautes cl Basses Pyrénées si elles étaient attaquées" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1809).
Ce même 25 décembre, en Espagne, le 4e Bataillon verse son effectif aux deux premiers et les cadres rentrent en France. L'ordre datait du 11 juin : le versement fait, les cadres doivent revenir à Bayonne. Les 4e Bataillons doivent être complétés à 800 hommes, par l'envoi de tout le personnel disponible au Dépôt et de 2.000 conscrits. Un Colonel et deux Majors en second président à cette organisation. Les trois Brigades du Portugal, du nord et du midi forment la réserve de l'armée d'Espagne. Le 4e Bataillon du Régiment fera dès lors partie de la 2e Demi-brigade provisoire (1ère Brigade de réserve de l'armée d'Espagne).
Le Quartier général de la Division est établi à Tolède. Le Régiment a son 1er Bataillon (commandant Giraud) à Salamanque : 593 hommes, 46 à l'hôpital; 2e Bataillon (commandant Vincent), à Toro : 557 hommes, 25 à l'hôpital; 3e Bataillon (commandant Descotignies), à Valladolid : 566 hommes, 33 à l'hôpital; 306 hommes, sous les ordres du Chef de Bataillon Pabst, se trouvent dans les environs de Tolosa (4e Division militaire, province de Biscaye).
Le Capitaine Marcel raconte : "En fin décembre, l'ordre arriva pour la division de marcher, par la route de Murcie, sur Valence que le maréchal Suchet assiégeait (Note : Le général Montbrun est mis à la tête du détachement composé des lre et 4e divisions et de la cavalerie légère pour faire une puissante diversion sur Valence. Le général Foy porte sa division sur Albacète, Chincilla, Alicante - Maurice GIROD DE L'AIN,Vie militaire du général Foy, p. 115. Le mouvement du général Montbrun dans la Manche était superflu et la défense des Espagnols devant Valence misérable. La prétendue bataille, livrée pour cerner la ville, se composa de deux charges de cavalerie faites par le 4e hussards et le 13e cuirassiers. Toute l'armée de Blake se débanda et la ville de Valence allait ouvrir ses portes après avoir soutenu un simulacre de siège - Mémoires du duc DE RAGUSE, t. IV, p. 86. Cf. Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 371). Nous pensions faire une route agréable dans un beau pays, mais les agents de l'insurrection espagnole avaient dit partout que les soldats de l'armée de Portugal étaient indisciplinés, pillards, tuant tout le monde y compris les enfants, de sorte que nous ne trouvâmes personne, même dans les grandes villes; les soldats purent néanmoins se procurer des vivres dans les maisons, et ce fut heureux pour les bourgeois, car la dévastation fut moindre. Nous ne nous figurions plus être en Espagne, tellement la propreté et l'élégance contrastaient àvec ce que nous avions vu jusque-là.
Le 31 décembre nous étions près de Toboso, village que don Quichotte a rendu si célèbre, et nous devions cantonner dans un bourg à 7 lieues de la localité où se rendait le régiment. Le bataillon ne partit que fort tard, à cause de la distribution des vivres et, vers les 4 heures du soir, nous n'avions plus que 2 lieues à faire; notre guide ne connaissait plus sa route, car la neige tombait en abondance depuis 2 heures du matin, couvrant les chemins de traverse que nous suivions. Bien que nous fussions en marche depuis 9 heures du matin, nous n'avions encore fait aucune halte, de peur de nous retarder; à 4 heures et demie, la nuit nous prit tout à fait et bientôt nous fûmes dans les champs, par un froid excessif, ne sachant plus où nous étions. Notre guide avait complètement perdu la tête, on n'entendait aucun bruit, et la nuit était si obscure qu'on ne se voyait pas à deux pas; les hommes étaient très fatigués de cette marche à travers un pied de neige, et l'on fut obligé de faire prendre successivement la tête à chaque compagnie pour frayer la route. Il était 2 heures du matin quand nous arrivâmes au village de Lugard-Nuevo; il y avait bien quatre pieds de neige amoncelés par le vent dans les rues, et les habitants, enfermés dans les maisons, refusaient par terreur de nous ouvrir. Il fallut enfoncer les portes, mais, lorsqu'ils furent revenus de leur frayeur, les villageois nous traitèrent fort bien. Plusieurs soldats eurent les pieds gelés et le lendemain matin, à l'appel, il fut reconnu qu'il manquait quatre hommes dont nous retrouvâmes les cadavres gelés à quelque distance du village. L'année 1812 s'annonçait assez tristement pour nous, et ce fut sans joie que les officiers du bataillon se souhaitèrent la bonne année.
Huit lieues plus loin, nous entrâmes dans la province de Murcie et il nous sembla que le printemps était subitement arrivé. Le bataillon fut cantonné avec l'artillerie dans la jolie petite ville d'Albacete, pendant que la division poussait jusqu'à Alicante en attendant la reddition de Valence (Note : L'opération est devenue inutile par suite de la capitulation de Valence (8 janvier 1812); néanmoins le général Montbrun, désirant profiter de son commandement en chef, persiste dans sa marche en avant, sous prétexte de poursuivre les débris de l'armée espagnole réfugiés dans Alicante. Il y eut, le 16 janvier 1812, une tentative infructueuse sur cette place - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 115 et suiv.).
Logé comme un prince à Albacete, je fus quelques jours sans voir mes hôes : j'étais servi par plusieurs domestiques qui étaient restés. Un matin on vint m'annoncer le maître de la maison, qui, rassuré par la façon dont nous nous comportions, venait pour rentrer chez lui. Nous dinâmes ensemble et il me pria de l'accompagner à deux lieues de la ville pour aller chercher sa famille et la ramener en ville : comme je lui témoignais quelques craintes, il me jura qu'il répondait de ce qui pouvait arriver et nous partîmes pour ramener sa femme, ses deux filles et son fils, jeune homme qui parlait français; à tout hasard je pris un fusil mais je n'eus pas occasion de m'en servir. Je fus fort bien accueilli par l'épouse de don Juan Lopez, mon hôe, et par ses filles; ces dames furent on ne peut plus joyeuses en apprenant la conduite que nous tenions dans le pays; plusieurs familles vinrent demander si la ville n'était pas brûlée. Je fus fêté par un grand nombre de dames charmantes et j'entendais qu'on faisait des compliments à l'infini sur mes manières et ma tenue : j'aurais certainement rougi si je n'eusse été officier de voltigeurs.
Je n'avais pas demandé de permission au commandant Duthoya et j'étais dans des transes terribles au sujet de ce qui pouvait arriver pendant mon absence; j'aurais voulu que l'on partît le soir mais il me fut impossible de l'obtenir. Je pourrais compter cette soirée comme une des plus agréables que j'aie passées, sans la crainte que j'avais qu'il n'arrivât du nouveau à mon bataillon : "Convenez, disaient les dames, qu'on rencontre rarement autant de galanterie chez nos officiers. " On passa presque toute la nuit aux petits jeux et je fus traité comme le fameux marquis d'Alorna, un des plus galants cavaliers de la péninsule.
Au jour levant, nous partîmes en voiture pour Albacete; j'étais placé entre les deux soeurs, dont la modestie était si grande, qu'elles rougissaient toutes les fois que je les regardais. L'aînée, dona Rosalia, avait vingt-trois ans et la seconde, dona Aldegunda, n'en avait que dix-huit; néanmoins l'aînée me plut davantage que l'autre : brune, d'une taille svelte et d'un air enjoué, elle avait un petite pied mignon qui eût donné des tortures au plus chaste des hommes. Fort heureusement il n'y avait eu rien de nouveau en mon absence et même nous restâmes quinze jours dans la ville. Comme je l'ai déjà dit, je n'avais ni l'habitude ni le temps de filer le parfait amour, ayant pour principe, quand je ne réussissais pas, ce qui arrivait assez souvent, de ne point avoir de regrets : aussi je ne m'ennuyai pas pendant le temps que nous passâmes à Albacete, et mon aimable Rosalia se ressentit fort bien de ce que la fièvre m'avait quitté depuis quinze jours" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 16 janvier 1812, le Sergent major Defert est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.
J/ Campagne d'Espagne, 1812-1813
Le repos des troupes ne dure guère; Wellington en effet décide de ne pas attendre le retour des beaux jours et de reprendre ses opérations. Ainsi, en janvier 1812, il assiége Ciudad-Rodrigo, qu'il prend d'assaut le 21 janvier, puis de là, se porte sur Badajoz. Marmont tente de profiter de son éloignement pour reprendre Ciudad; mais déjà Badajoz est aux mains des Anglais.
La première Division, à laquelle appartient le 69e, fait partie du Corps envoyé, sous les ordres du Général Montbrun, pour opérer une diversion en faveur du siège de Valence. La Division, arrivée à Tolède, s'établit sur la rive gauche du Tage, le 69e occupe Campillo et Espinosa.
Le Capitaine Marcel raconte : "Cependant la ville de Valence s'était rendue au duc d'Albuféra qui fit là 20000 prisonniers dont 20 généraux et 800 officiers (Note : Après la prise de Tarragone, jugeant que sa présence n'était plus nécessaire en Catalogne, le général Suchet se disposa à marcher sur Valence. Le général Blake, à qui le gouvernement espagnol venait d'en confier le commandement, avait appelé à lui les troupes de Murcie, recueilli les débris de celles de Catalogne, fait de nouvelles levées et organisé une armée ... Le maréchal Suchet, après avoir défait le général Blake sous les murs de Sagonte, s'empara de cette ville et franchit le Guadalaviar le 26 décembre... Pendant les jours suivants, les divers ouvrages construits autour de Valence furent successivement attaqués et emportés. Il ne restait plus à la ville, pour défense, qu'une simple muraille facile à détruire ... L'artillerie ouvrit une large brèche et on se disposait à donner l'assaut lorsque le général Blake consentit à remettre la ville. La nombreuse garnison fut prisonnière de guerre, et une commission militaire fit fusiller quelques-uns des misérables qui avaient égorgé les Français au commencement de la guerre - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p.362). Le 20 janvier, notre division, revenant d'Alicante, nous apporta l'ordre de déguerpir pour escorter un aide de camp qui se rendait près du roi Joseph pour lui annoncer la prise de la ville. Il ne me fut pas possible de cacher ce départ à dona Rosalia et ce fut un coup de foudre pour elle; le père, désolé, vint dans ma chambre et me fit les offres les plus avantageuses pour m'engager à rester chez lui; la mère me supplia, les mains jointes, de ne point abandonner sa chère fille qui lui avait confié ses secrets les plus cachés : dona Rosalia aurait tout quitté pour me suivre. Je ne pus partir qu'en promettant de revenir, "car, leur dis-je, je ne puis trouver un moyen me permettant de rester sans éveiller la méfiance de mes chefs". Je m'évadai et partis rapidement pour attendre le bataillon sur la route, afin de ne plus être témoin de la désolation de toute la famille. Mon petit domestique, qui resta pour préparer les bagages, m'apporta le soir une bague de ma tendre Rosalia avec le billet suivant : "Vous fuyez, ingrat ! J'avais tout avoué à maman pour qu'elle décidât mon père qui me chérit à vous faire des propositions qui devaient vous flatter; rien n'a pu vous décider à faire le bonheur de celle qui vous aime plus que la vie ! Peut-être ne serez-vous jamais aussi heureux que vous l'auriez été au milieu de nous tous. Si je pouvais compter sur vos promesses, la vie me serait encore supportable, sinon il me faudra mourir pour vous oublier !" J'aurais voulu qu'une balle vînt me frapper à ce moment afin de m'obliger à rester et retourner consoler cette fille adorable. Je fus longtemps avant d'oublier la maison de don Lopez.
Nous marchions très vite et nous fîmes 72 lieues en sept jours : les habitants étaient tous rentrés et nos soldats trouvaient, en arrivant dans chaque gîte d'étape, des baquets de vin pour se rafraîchir et des vivres tout préparés. Arrivé à Tolède, le bataillon attendit la division qui entra dans la ville cinq jours après (Note : Après la prise de Valence, le général Montbrun décide de revenir sur ses pas. La 1re division, prenant la tête de la colonne, se dirige à marches forcées sur Valladolid, mais, arrivée à Tolède, elle reçoit une autre destination et se porte sur Talavera et Lugar-Nuevo - Maurice GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 115 et suiv.). Nous devions, disait-on, marcher sur Salamanque où le maréchal Marmont réunissait l'armée pour aller au secours de Ciudad-Rodrigo (Note : La ville était défendue par le général Barié et une garnison de 1700 hommes. "... Maître du fort Marmont, cheminant par nos tranchées qu'il eut seulement à déblayer ... battant les brèches que nous avions faites et qui, mal réparées, se trouvèrent promptement ouvertes, le duc de Wellington fut, au bout de trente-six heures, en état de donner l'assaut et, pendant que d'un côé il attaquait la place de vive force, don Julian, qui la connaissait parfaitement et qui avait des intelligences dans la ville, l'escalada d'un autre ; elle se trouva donc prise avec une incroyable rapidité" - Mémoires du général THIéBAUL, t. TIV, p. 552.) que les Anglais assiégeaient, mais, le jour du départ, nous apprîmes que cette place venait d'être enlevée : la garnison qui n'était que de 600 hommes dut se porter tout entière aux brèches, laissant le derrière de la ville sans défense : pendant ce temps un habitant fit passer les Anglais par un passage souterrain et nos soldats durent capituler. Les Anglais ne mirent pas plus de temps à s'emparer de Rodrigo que les Portugais qui, en 1706, prirent la ville en quatre jours (Note : En 1706, pendant la guerre de la Succession d'Espagne, Ciudad-Rodrigo fut assiégée et prise en neuf jours par les Portugais, aidés des Anglo-Hollandais. "Le 20 mai, les Portugais investirent Ciudad-Rodrigo.Cette ville (on ne peut l'appeler place) n'avait ni dehors, ni fossé, ni chemin couvert, ni flanc; une simple muraille en faisait l'enceinte.Toutefois, quoiqu'il n'y eût qu'un bataillon et quelques milices, elle se défendit jusqu'au 28 au soir et ne se rendit que la brèche faite; elle obtint même une capitulation honorable - Mémoires du maréchal DE BERWICK, à Paris, chez Moutard, 1778, t. I, p. 322)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
L'armée ne s'occupe, jusqu'au 15 février, que de la levée des subsistances et des contributions. A cette date, Foy se dirige, avec un Bataillon du Régiment et deux du 39e, sur Logrosan et y séjourne; le 19, il se rend à Garcias. Ce même jour, les deux autres Bataillons avec le dernier Bataillon du 39e quittent Allia, où ils se trouvaient, et vont s'établir jusqu'au 29 à Naval-Villar et à Ibon.
Le Capitaine Marcel raconte : "Notre division alla occuper les environs de Talavera de la Reyna, pays très fertile mais ruiné par le séjour continuel de nos armées. On ne peut pas dire que nous vécûmes, mais bien que nous végétâmes pendant trois mois, mourant de faim, obtenant avec peine quelques vivres, allant de village en village, et nous fûmes réduits à une telle extrémité que nos soldats, ne recevant que deux onces de riz par jour, vivaient d'oseille sauvage et de gros chardons très communs dans ce pays. Il fallait pourtant faire des détachements de 7 à 8 lieues sans manger" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Talavera, le 7 mars 1812.
Dans les premiers jours de janvier nous nous sommes mis en marche vers Valence, sous le commandement du général comte Montbrun. Le 15 février, nous étions à San Vicente, petite ville située sur un affluent de la Segura. Depuis le 5 mars, nous avons repris nos positions sur le Tage. Le 69e cantonne à Talavera.
Un décret impérial, en date du 31 janvier dernier ordonne de prélever dans la province de Valence, un capital de deux cents millions, pour récompenser les généraux, officiers et soldats qui se sont particulièrement distingués pendant la guerre d'Espagne. L'état des militaires qui ont droit à une récompense a été demandé aux chefs de corps. Celui du 69e est fait ; il partira aujourd'hui pour le quartier général d'où il sera expédié à Paris. Le colonel a eu la bonté de faire porter le second. La dotation n'a pas été fixée pour chacun. Je pense qu'elle le sera par le général Foy, ou par le maréchal commandant l'armée. Si ces dotations sont accordées, elles ne vaudront pas celles accordées sur les monts Napoléon, ou en Westphalie.
De prochains mouvements de troupes sont annoncés. Les guérillas arrêtent maintenant tous nos courriers, tous nos convois. Impossible de faire passer de l'argent à qui que ce soit, même à ses parents. Personne n'ose plus rien confier à la poste qui n'accepte que des traites avec lettres chargées, et encore aux risques et périls de l'envoyeur.
Ah ! si je pouvais revoir la France ! Cette pensée seule influe sur ma santé qui est bonne. C'est là, le meilleur corroboratif que les docteurs puissent m'ordonner" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
En mars, la Division remonte la vallée du Tage, passe ce fleuve au pont de bateaux installé à Lugan-Nueva et prend position, le 9, à Truxillo; elle y reste en observation; le 12, elle rentre dans ses cantonnements autour de Salamanque.
Wellington de son côé reparait au Nord du Tage.
Le Capitaine Marcel raconte : "Notre 2e bataillon, qui occupait Oropesa, fut quinze jours sans recevoir de pain et vécut de pommes de terre toutes germées et de quelques châtaignes. Nous reçûmes cependant quelques voitures de biscuit de Madrid pour faire une expédition urgente. Il s'agissait de repousser deux divisions anglo-portugaises, commandées par le général Hill, qui marchaient sur Lugar-Nuevo où le duc de Raguse avait fait construire deux petits forts pour garder le pont que nous avions jeté sur le Tage à cet endroit. Nous retournions, bien malgré nous, dans cette maudite Estramadure où nous avions tant souffert l'année précédente.
Malgré la misère extrême, le général Foy donna aux officiers un bal où l'on fut tenu d'assister et qui dura jusqu'à six heures du matin. Comme on sortait, on apprit que les deux forts avaient été enlevés à une heure du matin, que les deux garnisons, à l'exception de quelques fuyards, avaient été prises et les fortifications détruites (Note : ... La position était susceptible d'une défense sérieuse. Sur la hauteur trois ouvrages fermés : les forts de Miraverte, Colbert et Sénarmont ... au bord du fleuve, les forts Napoléon sur la rive gauche et Raguse sur la rive droite ... un pont de bateaux qui n'est pas toujours tendu a remplacé le pont de pierre détruit. La garnison ... est commandée par un brave officier piémontais, le major Aubert. Le 13 mars 1812, le général Hill franchit le Guadiana à la tête de deux divisions; le 17, ayant reconnu que les ouvrages du col de Miraverte étaient trop forts pour être enlevés par une attaque brusquée, il portait le 18 une forte colonne de l'autre côé de la chaîne des montagnes qui dominent le Tage. Le 19, à sept heures du matin, les Anglais qui étaient parvenus à la faveur du brouillard jusqu'à une portée de fusil du fort Napoléon et y attendaient couchés à plat ventre, se lèvent et avancent. Malgré la fusillade ils atteignent les fossés ... Une terreur panique s'empare des défenseurs, ils abandonnent les parapets ... se précipitent dans Lugar-Nuevo. Le pont étant coupé au centre, on franchit le fleuve dans des barques ... Le fort Raguse est pris ... Les Anglais mettent le feu aux bâtiments, font sauter les magasins à poudre, enclouent les canons, coulent une partie des barques et se retirent - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 159 et suiv. Cf. Mémoires du duc DE RAGUSE, t. IV, p. 111; Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 384). Les troupes n'en marchèrent pas moins avec autant de vitesse que si le coup n'eût pas été fait; nous prîmes le chemin des montagnes, espérant arriver derrière les deux divisions ennemies, mais le général Hill était mieux informé de nos mouvements que nous des siens, et quand nous arrivâmes devant les forts, nous ne trouvâmes que quelques cadavres anglais et français et les échelles qui avaient servi à l'escalade. Les soldats, sentant l'inconvenance d'avoir donné un bal dans un moment aussi sérieux, disaient tout haut quand le général Foy passait : "Le général anglais est meilleur ménétrier que le nôtre, il nous fait mieux danser"" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Trois Compagnies du 3e Bataillon entrent le 1er avril 1812 dans la composition d'un des quatre Régiments provisoires à deux Bataillons destinés à la garde des communications de l'armée d'Espagne. Le 69e et cinq autres Régiments constituent le 4e Provisoire, en garnison à Saint-Sébastien.
Le 5 avril 1812, le Capitaine Chaubry est tué au combat de Campillo. Le Fusilier Piqueux est tué le même jour à Hernany.
Le 18 avril, le Fusilier Malghom est tué à Sanaval-Moral.
- Combat de Salamanque
Dès le mois de mai, le Duc de Raguse est informé que l'armée anglaise doit entrer en campagne, avec des moyens puissants.
Le 3 mai 1812, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, j'ai approuvé l'organisation des 4 demi-brigades de marche qui forment la 1re division de réserve.
J'ai approuvé l'organisation des 16 demi-brigades provisoires.
Je vous ai fait connaître par ma lettre d'hier ce qu'il fallait faire des conscrits des 5es bataillons dont les régiments sont à la Grande Armée, en en complétant d'anciens cadres de réfractaires ; ce travail règle la formation des dix bataillons de marche que vous avez proposée.
Il me reste à vous faire connaître mes intentions sur la formation des 20 bataillons de marche qui ont leurs bataillons en Espagne. Je les distingue en deux classes :
1° Bataillons de marche qui se formeront sur-le-champ, parce qu'ils ne doivent rien fournir aux demi-brigades de marche et provisoires de la conscription de 1813 ;
2° Bataillons qui ne seront formés que lorsque les 4es bataillons qui fournissent aux demi-brigades provisoires seront complètement organisés ;
Enfin cadres des bataillons qui avaient passé par Bayonne au 1er mai, et qui de ce moment doivent être considérés comme destinés à être complétés par la conscription de 1812.
Faites-moi faire un travail détaillé sur cet objet. Je n'ai point compris dans ce travail ce qui se trouve en Italie, aux Pyrénées, non plus que ce qui est en Bretagne et dans la 12e division militaire ...
ETAT N° 3.
Cadres des bataillons qui avaient dépassé Bayonne au 25 avril.
3e bataillon. Du 14e de ligne, du 31e léger, du 22e, du 69e, du 115e, du 116e.
Nota. D'autres bataillons doivent être de retour. Les 6 bataillons ci-dessus sont ceux dont on se souvient. Comme on ne comptait pas sur leur retour, lors de la levée de la conscription de 1812, on n'y a pas pensé. II faudrait leur donner ce qu'il y a de disponible dans les 6es bataillons, et proposer les moyens de les compléter ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7200 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30566).
Le 8 mai 1812, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, les états des divisions militaires qui me sont remis aux 1er et 15 de chaque mois, en conformité des instructions données dans la dernière campagne, sont négligés dans leur rédaction. Recommandez aux généraux des divisions, 1° de faire connaître non seulement les numéros des bataillons, mais encore les numéros de chaque compagnie ; 2° de faire connaître en observation le nombre d'hommes que la loi accorde en ouvriers et aux dépôts, et pourquoi ce nombre est dépassé ...
Je vois dans la 3e division que le 69e a 500 hommes, le 76e 550, le 96e 230, le 9e d'infanterie légère 600, le 10e de cuirassiers 150 chevaux, etc. Pourquoi cela ne part-il pas ?
... Donnez une instruction pour que ces états soient faits exactement au 15 et qu'ils m'arrivent le plus promptement possible" (Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18690 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30606).
Toujours le 8 mai 1812, l'Empereur écrit à nouveau, depuis Saint-Cloud,
au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... Vous donnerez ordre que les trois compagnies du 3e bataillon du 27e de ligne, les trois compagnies du 39e, les trois compagnies du 59e, les trois compagnies du 65e, les trois compagnies du 69e, les trois compagnies du 76e, qui sont à Saint-Jean-de-Luz, se rendent à Tolosa pour faire partie du 3e régiment de marche de Portugal qui sera par là porté à 4.000 hommes et dont les bataillons se trouveront complétés à six compagnies. Ce régiment sera alors divisé en deux, le 3e et le 5e.
Le 3e sera composé de trois bataillons entiers des 27e, 59e et 65e.
Le 5e sera composé de trois bataillons entiers des 39e, 69e et 76e. Ce dernier régiment sera commandé par le major Tolosan qui se rendra à cet effet à Tolosa.
Vous laisserez le général Lhuillier maître de retenir le cadre d'une compagnie de chacun des 27e, 39e, 59e, 65e, 69e et 76e, et vous donnerez ordre aux cinquièmes bataillons de ces régiments de diriger sur Bayonne 140 hommes, pour compléter chacune de ces six compagnies ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7232 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30611).
Le 8 mai 1812, l'Empereur donne l'ordre de faire partir pour l'Espagne cinq cents hommes du Dépôt de Luxembourg.
Quelques jours plus tard, Napoléon renforce ses Divisions de réserve; il écrit, le 18 mai 1812, depuis Dresde, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je reçois le travail qui était joint à votre lettre du 11 mai. Voici quelles sont mes intentions définitives, donnez des ordres pour leur prompte exécution ...
Brigades d’Espagne, d’Alexandrie et de Toulon
Le 34e de ligne a deux bataillons à former ; il ne peut donc rien fournir au 14e. Il faudra alors que le bataillon du 69e (le 4e de la 2e demi-brigade provisoire) attende pour partir qu'on puisse le compléter par quelque moyen extraordinaire.
La 1re demi-brigade doit déjà être organisée à Versailles ; la 2e doit être en mouvement sur Cherbourg ...
le bataillon du 26e ne sera que de 300 hommes, celui du 82e que de 300 hommes. Ces deux bataillons, comme celui du 69e, seront complétés plus tard ..." (Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18701 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30633).
Le Capitaine Marcel raconte : "... à Truxillo, l'ennemi était parti le matin, nous dit-on, et avait pris la route de Medelina. On le poursuivit encore une journée et, reconnaissant l'inutilité de ce mouvement, on s'arrêta et on fit séjour le 25 mai : nous faisions sécher du seigle qui n'était pas encore mûr et nous le dévorions pour calmer la faim qui nous déchirait.
Un capitaine du 6e léger obtint l'autorisation d'aller porter de l'argent à un de ses camarades qui avait été fait prisonnier de guerre dans un des forts de Lugar-Nuevo. A son retour, cet officier nous donna des détails sur la manière dont l'attaque avait eu lieu. La garnison du fort qui se trouvait sur la rive gauche du Tage, se composait de deux compagnies du 6 e léger et de deux compagnies du 39e, soit, en tout, 350 hommes : c'était suffisant pour garder l'enceinte. Vers le soir, l'ennemi parut sur les mamelons environnants : tout le monde prit les armes et repoussa vigoureusement ceux qui s'approchaient de trop près. A une heure du matin, deux régiments anglais vinrent en masse jusqu'aux bords du fossé de la première enceinte. Les soldats du 6e léger se battirent comme des lions : les officiers faisaient le coup de feu et maniaient la baïonnette comme les simples fusiliers : à peine les Anglais étaient-ils repoussés sur un point qu'ils couraient à un autre endroit, toujours encourageant leurs hommes avec ce sang-froid et ce calme qui caractérisent l'officier français. Une telle réception avait commencé à rebuter fortement messieurs les Anglais, lorsqu'une panique se déclara parmi les grenadiers du 39e qui abandonnèrent lâchement leur poste, coupèrent les cordes du pont-levis et allèrent se jeter avec tant de confusion dans un bateau amarré au bord du Tage que le bateau chavira et presque tous périrent; l'ennemi revint alors à la charge et, trouvant le fort ouvert, y entra facilement. Les braves officiers du 6e léger furent tous blessés. Le major Aubert du 24e léger, qui commandait en chef, reçut quatre coups de baïonnette et trois coups de feu; il s'était placé sur le pont-levis baissé par les lâches du 39e et traversait de son épée tous les Anglais qui se présentaient. Deux vieux sergents du 6e léger, après s'être battus aussi vaillamment que leurs officiers, se firent sauter la cervelle plutôt que de se rendre. Ces braves compagnies du 6e léger qui, depuis dix ans, étaient de brigade avec nous, réclamaient, au moment de l'assaut, les officiers et les soldats du 69e.
L'ennemi, content d'avoir rempli sa mission, se replia sur l'armée de Wellington qui marchait sur Salamanque : il essaya d'enlever un détachement de 150 hommes du 6e léger qui occupait le vieux fort de Mirabella sur un sommet escarpé, mais ceux-ci résistèrent vigoureusement et nous pûmes ramener le détachement avec nous.
De retour à Talavera, la division reçut l'ordre de rejoindre, aux environs de Salamanque, l'armée dont elle était détachée depuis dix mois. Nous quittâmes ce pays avec joie, espérant trouver quelques ressources dans la Castille, mais la misère y était au comble (Note : A Madrid le pain se vendait 30 sous la livre et, tous les matins, on enlevait dans les rues nombre de personnes de tout âge et de tout sexe, mortes de faim (Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 370). La famine faisait de tels ravages dans toute l'Espagne qu'on manquait même de grain pour ensemencer les terres - BELMAS, Journaux des sièges, t. I, p. 223). Celle que nous avons éprouvée dans l'Aube en 1816 et 1817 (Note :
En mars 1817, on était aux prises avec les plus grandes difficultés amenées par la disette. Partout le pain, même de la plus mauvaise qualité, était monté, ainsi que celui de toutes les denrées, à un prix si élevé que le pauvre, l'ouvrier même dont la journée était le mieux payée, se trouvait dans l'impossibilité d'y atteindre. Dans les campagnes, la bienfaisance des riches ne pouvait suffire aux demandes dont ils étaient assaillis - Mémoires du chancelier PASQUIER, t. IV, p. 162-163) n'est rien en comparaison de ce qu'ont souffert les malheureux Castillans pendant six mois de 1812. J'ai vu de mes yeux des gens aisés, riches même avant la guerre, disputer aux chiens des morceaux de mulets ou de chevaux morts depuis six jours. Un soir, avec plusieurs officiers, nous fûmes témoins d'une scène horrible : un enfant qui venait de mourir d'inanition fut mangé par ses petits camarades qui dévoraient devant nous ses membres décharnés" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 12 juin, l'armée anglaise franchit l'Agueda et arrive le 16 devant Salamanque. Marmont se jugeant trop faible, abandonne la place dans la nuit du 16 au 17; il ne laisse qu'une faible garnison dans un fort nouvellement construit. Il se porte en arrière, sur le Duero, à six lieues de Salamanque, réunit cinq Divisions et prend l'offensive.
" .... Je me rapprochai de cette ville, écrit-il, et chassai devant moi les avant-postes anglais, forçant l'ennemi à montrer quelle attitude il comptait prendre. Il parut résolu à combattre sur la forte position de Christoval. Le reste de l'armée ayant rejoint, je manoeuvrai autour de cette position, essayant d'attirer l'ennemi sur un autre terrain que celui qu'il occupait et qui lui donnait vraiment trop d'avantage" (Lettre de Marmont, de Tudela, 31 juillet 1812).
Pendant le mois de juin, le 3e Bataillon du 69e est envoyé de Bayonne à Tolosa. Les Régiments provisoires créés le 1er avril ont été dissous.
Entre-temps, la campagne de Russie vient de commencer, et loin d'envoyer des secours à l'armée d'Espagne, affaiblie de jour en jour, l'Empereur lui retire des Sous-officiers et des soldats d'élite, pour les envoyer à la Grande Armée. Les Anglais, par contre, et les Espagnols se sentent en situation de prendre l'offensive.
Le Capitaine Marcel raconte : "A Avila, je fus désigné, contre mon gré, pour faire les fonctions de capitaine d'état-major auprès du général Foy : quoique sa table fût splendide en comparaison de celle des officiers du régiment, le service me déplut d'une telle manière que je le quittai sans rien dire au bout de quelques jours, ce qui me valut dix jours d'arrêts avec factionnaire à la porte; je trouvai cette captivité étrange, n'ayant jamais été puni de ma vie. Le colonel Guinand, qui était fort content que je ne restasse plus à l'état-major, me redonna ma compagnie de voltigeurs où le capitaine manquait toujours; à la tête de ces vieilles moustaches, j'étais aussi fier qu'un empereur romain.
L'armée manoeuvra pendant quelques jours vers Toro et Fuentès de Saoûco où Marmont passa le régiment en revue : nous arrivâmes jusque devant la position qu'occupait l'armée anglaise, et la 2e division eut avec leurs avant-postes une affaire assez chaude qui resta sans résultat (Note : Il y eut à Rueda un combat à soutenir dans des conditions désavantageuses, mais aucune conséquence fâcheuse et aucun désordre n'en résultèrent (Mémoires du duc DE RAGUSE, t. IV, p. 118). Les Anglais ont publié qu'ils atteignirent l'arrière-garde des Français à Rueda et lui firent essuyer des pertes : il n'est nullement fait mention de ces pertes dans les rapports - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 406).
Nous restâmes dix jours dans cette position, où tous, officiers et soldats, n'avions pour faire notre soupe que de grands chardons secs que nos hommes se procuraient : le bois était excessivement rare et il fallut démolir plusieurs villages pour faire du feu. On attendait la 8e division, commandée par le général Bonnet, qui se trouvait dans les Asturies et était forte de 8000 hommes. Ce renfort nous eût été bien nécessaire pour reprendre Salamanque et dégager 600 voltigeurs qui, sur la promesse qu'on viendrait à leur secours avant huit jours, étaient restés de bonne volonté dans un couvent fortifié; il avait été convenu que, tant qu'ils n'auraient pas été obligés de se rendre, ils tireraient tous les soirs à minuit trois coups avec un canon qu'on leur avait laissé. Assiégés pendant douze jours et perdus au milieu de toute l'armée anglaise, ils repoussèrent cinq assauts; mais on tira sur eux à boulets rouges, le feu prit à des poutres renfermées dans l'enceinte et ils furent obligés de capituler. Wellington invita tous les officiers à dîner et les félicita de leur intrépide résistance. Le treizième jour nous n'entendîmes plus les coups de canon, signe que les voltigeurs avaient cessé toute résistance et, la division du général Bonnet n'arrivant toujours pas, nous décampâmes et allâmes tenir la ligne du Douro de Tordesillas à Zamora.
Le régiment fut envoyé à Toro (Note : Le 7 juillet la lre division (général Foy) est envoyée à Toro pour réparer les ponts et pour voir les mouvements que l'ennemi tenterait entre Castro munos et Zamora ... En même temps Marmont fait rétablir les ponts d'Aniago sur l'Adaja et de Puente-Duero. Il donne de la jalousie à l'ennemi sur les deux extrémités de sa ligne ... Inaction de Wellington qui parait attendre d'être rejoint par la division Hill ... Du côé des Français la division Bonnet venant des Asturies a rejoint et le maréchal a pu remonter 800 hommes à pied de sa cavalerie - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 168) pour ramasser des vivres; on s'occupa de suite de moissonner, battre, moudre et fabriquer du pain et du biscuit. Un jour que le régiment revenait de faire une réquisition, ma compagnie, étant restée d'arrière-garde aux bagages, fut obligée de s'arrêter et de coucher à Arrevalo. Là je fis la rencontre d'une fort jolie petite Espagnole qui suivait le général Foy depuis Talavera; j'avais eu l'occasion de la voir lorsque j'étais à l'état-major, de sorte que je liai conversation avec elle et l'engageai à venir le soir faire un petit tour de promenade; elle ne refusa point. Je me souvenais toujours des dix jours d'arrêts qui m'avaient été infligés à tort par le général Foy et je fus enchanté d'en tirer vengeance en ornant le front du général de division : si cela ne lui causa aucune douleur, j'eus en tout cas beaucoup plaisir à passer une nuit délicieuse avec sa Gertrude qui était jeune et jolie.
Les Anglais étant venus occuper la rive gauche du Douro, nous nous resserrâmes en face du camp qu'ils avaient établi à Pollios; la rivière seule nous séparait. Concentrés comme nous l'étions, nous ne pouvions plus moudre le blé et ce fut alors qu'on se servit des moulins portatifs qui donnaient bien dix livres de farine pour soixante-dix hommes quand on avait passé une journée à tourner la manivelle. On fit racheter aux officiers d'infanterie tous les chevaux propres au service de la cavalerie, pour remonter les soldats de cette arme qui avaient perdu leurs montures; chargé de recevoir le prix de ceux qu'on avait trouvés bons dans le régiment et d'aller, par suite, à l'état-major, j'eus l'occasion de causer longtemps avec le duc de Raguse qui se montra fort honnête à mon égard : j'en fus agréablement surpris, car ce n'est pas toujours l'habitude des officiers généraux, comme si l'affabilité n'était pas profitable à la bonne exécution du service" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Bataille des Arapiles
Les 13, 14, 15, 16 juillet sont occupés au passage difficile du Duero. Après avoir feint de marcher sur Toro, l'armée débouche par Tordesillas et prend position à Nava-del-Rey, pour empêcher la jonction des Corps ennemis, éloignés par les manoeuvres des jours précédents. Marmont est rejoint par la Division Bonnet, venue des Asturies. Marches et contre-marches se poursuivent jusqu'au 21 juillet; elles vont aboutir le 22 juillet 1812, à la sanglante et malheureuse bataille des Arapyles. Dans cette période de manoeuvres, la Division Foy fait quatorze lieues en une seule journée.
La Division, qui a effectué son passage au gué de Pollos le 17, rejoint l'armée le lendemain devant Castrillo. Le 19, les deux adversaires s'avancent parallèlement, séparés l'un de l'autre par le vallon étroit de la Guarina, tous deux disposés sur deux colonnes, prêts à prendre la formation de combat, ils remontent ainsi la Guarina, s'arrêtent après deux heures de marche et se font face.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 14 juillet, nous retournâmes à Toro où arriva enfin la division Bonnet : elle était composée de beaux régiments et nous retrouvâmes avec grand plaisir plusieurs officiers qui avaient quitté le régiment pour former les cadres du 118e. Ce même jour, on fit réparer le pont de Tordesillas et le bruit se répandit que nous allions le passer pour marcher sur Salamanque (Note : Décidé à sortir de l'inaction, mais pour manoeuvrer plutôt que pour combattre, le duc de Raguse prescrit à la 1re division de simuler le passage à Toro et, tandis que Wellington trompé par cette démonstration descend le Duero par la rive gauche, le maréchal le remontant par la rive droite, débouche le 17 juillet, à la pointe du jour, par le pont de Tordesillas pour venir prendre position à Nava del Rey - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 171). En effet, à la brune, les six compagnies de voltigeurs de la brigade le passèrent, mais, à deux lieues de là, on nous fit arrêter, puis rétrograder en détruisant le pont. Nous regagnâmes notre camp et l'armée passa à gué le Douro. Ce mouvement avait été si bien exécuté que l'ennemi, persuadé que nous passions à Tordesillas, avait porté toutes ses forces sur ce point et fait un faux mouvement : l'armée fut de l'autre côé avant que les Anglais en eussent connaissance. Ils firent une contre-marche immédiatement, mais nous avions eu le temps de nous mettre en mesure (Note : Le 19, les deux armées se trouvèrent massées à portée de canon l'une de l'autre et séparées seulement par la Guarena : vers le soir elles se mettent en mouvement pour remonter parallèlement le cours de ce ruisseau. Le lendemain, cette marche parallèle continue. L'armée française s'avance en deux colonnes formées chacune de quatre divisions. Les bataillons sont en colonne par pelotons à demi-distance, ce qui, avec les allongements de la marche, aurait donné la distance entière pour permettre la formation en bataille; l'artillerie et les bagages forment des colonnes séparées. L'armée anglaise se présente dans le même ordre, guettant une occasion propice pour engager le combat, mais elle est retenue par la crainte de ne pouvoir se former aussi vite que nous (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du genéral Foy, p. 172 et suiv.). On a beaucoup vanté le spectacle imposant qu'offraient les deux armées marchant parallèlement et souvent à demi-portée de canon l'une de l'autre - Mémoires du maréchal JOURDAN, p. 410); les deux armées cotoyèrent pendant quatre jours les côés d'un même vallon, s'arrêtant souvent, manoeuvrant l'une devant l'autre et s'envoyant quelques boulets et obus qui n'avaient pas grand effet. Si nous avions eu une cavalerie aussi nombreuse que celle de Wellington, nous lui aurions pris quantité de bagages qui se trouvaient souvent fort en arrière. Le général anglais subordonnait ses mouvements aux nôres et, loin de nous attirer, comme il le désirait, dans sa position près de Salamanque, ce fut nous qui le conduisîmes jusqu'à la Thormès, que l'armée franchit le 20 juillet près de Babilafuente.
Pendant ces journées de marche, toutes nos provisions furent mangées et plusieurs divisions commencèrent à se trouver sans pain. On attendait de Madrid un renfort de 18 à 20 000 hommes, infanterie et cavalerie, car notre armée ne comptait que 32000 baïonnettes et au plus 1 500 dragons; bien que les Anglais eussent 56 000 hommes d'infanterie et 10000 cavaliers, ils évitaient toujours le combat quand ils n'étaient pas dans une situation avantageuse" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 21 au soir, après une série de manoeuvres savantes, Marmont réussit à s'emparer du pont d'Alba-de-Tormès; il a franchi la rivière en aval d'Alba, et l'armée s'établit sur les hauteurs de Calvarossa-de-Ariba, sur la lisière de la forêt qui s'étend de ce village vers la Tormès. Il est sur le flanc droit des Anglais, dont la gauche s'appuie à la Tormès, près Santa-Marta, et la droite aux Arapiles. Ses propres communications avec Madrid sont assurées par Blasco, tandis qu'il menace par sa gauche la route de Salamanque à Ciudad-Rodrigo, ligne de communication des Anglais.
Vainement Wellington, le 22 au matin, réussit à modifier promptement son front pour nous faire face ; la Division Bonet s'empare de l'un des mamelons situés près du village des Arapiles, une batterie y monte et dégage le terrain. La bataille s'engage pour nous dans les meilleures conditions.
La Division Foy est à Calvarossa, sur la droite, protégée par un ravin ; Bonet au centre, tient le mamelon des Arapiles; la gauche, profitant du rideau de la forêt, s'allonge vers Miranda, pour couper la retraite à l'ennemi.
Wellington, qui s'est aperçu d'un certain flottement dans l'aile gauche, par suite de l'extension du front, fait attaquer cette Division par des troupes fraîches. Le Duc de Raguse, au moment où il s'apprête à donner de nouveaux ordres, reçoit au bras droit deux blessures. Il est remplacé par Bonet qui, peu de temps après, est également mis hors de combat.
Le commandement échoit à Clauzel. Mais, profitant de tous ces changements, le Général anglais prit résolument l'offensive contre la Division de gauche et la met en fâcheuse posture. Grâce à son énergie, Clauzel parvient à rétablir l'ordre de bataille et à se maintenir sur place, jusqu'à la nuit.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 22 juillet, les Anglais se trouvaient placés sur des mamelons qu'on appelle "los Arapilès" : la fusillade s'engagea dès le matin entre les postes avancés. On a dit que, comptant sur les bonnes dispositions de nos soldats, le maréchal Marmont avait voulu avoir seul la gloire de remporter la victoire sur les Anglais, sans le secours des troupes du roi Joseph (Note : Je n'avais à compter sur aucun secours et j'en avais reçu l'assurance de toute part. Cependant Joseph avait changé d'avis sans m'en prévenir et avait réuni 8000 fantassins et 3000 chevaux pour venir me rejoindre. Si j'eusse été informé de ces nouvelles dispositions, j'aurais modifié les miennes.On a supposé que, instruit de sa marche, c'est en connaissance de cause que j'ai précipité mon mouvement afin de ne pas me trouver sous ses ordres. C'est étrangement méconnaître mon caractère - Mémoires du duc DERAGUSE, t. IV, p. 141). Je dois à la justice de dire que, pendant le peu de temps que je fus employé à l'état-major du général Foy, il passa sous mes yeux des demandes réitérées de renforts que le duc de Raguse adressait à Joseph par l'intermédiaire du général Foy, disant que, sans de nouvelles troupes, il ne pourrait conserver le pays que son armée occupait (Note : Le 15 juin j'écrivis à Caffarelli, au Roi, à tous ceux qui, d'après les instructions de l'Empereur, devaient donner à l'armée de Portugal, par leur concours, la force nécessaire pour combattre l'armée anglaise - Ibid., t. IV, p. 116). Que l'on ne reproche donc point au maréchal Marmont de ne pas avoir attendu les troupes de Madrid : ses demandes sont restées infructeuses (Note : "Le Roi refuse tout secours." - Lettre du maréchal Jourdan en date du 30 juin 1812), et pourtant le roi Joseph ou ses ministres devaient recevoir les estafettes, car nous n'étions qu'à quatre jours de marche de Madrid.
Cependant la fusillade devenait de plus en plus violente de part et d'autre : chaque armée prit ses dispositions de combat et les Anglais envoyèrent plusieurs régiments pour s'emparer du village des Arapilès qui était à notre gauche; ils furent repoussés par la 8e division qui se battit avec un courage héroïque et qui leur fit 1 800 prisonniers. Un lieutenant du 118e M. Guillemard, ancien sergent du 69e, coupa d'un coup de sabre le bras d'un porte-drapeau ennemi et s'empara du drapeau anglais.
A six heures du soir tout allait bien, nos divisions avaient partout l'avantage, bien que nous n'ayons pu en profiter faute de cavalerie; or cette arme décide toujours de la victoire, surtout en plaine, quand l'infanterie ennemie est ébranlée. A ce moment, notre général en chef était à examiner quelques mouvements de l'armée anglaise lorsque, assure-t-on, Wellington s'aperçut que le maréchal était dans le groupe formé par les officiers de l'état-major général et fit diriger le feu de son artillerie sur ce point; un boulet creux, éclatant près de Marmont, envoya des éclats dont l'un fractura le bras et l'autre traversa le côté du duc de Raguse (Note : Je me portais au plateau qui allait être l'objet d'une lutte opiniâtre; mais, dans ce moment, un boulet creux m'atteignit, me fracassale bras droit et me fit deux larges blessures au côé droit; je devins ainsi incapable de prendre aucune part au commandement. Ce temps précieux, que j'aurais employé à rectifier l'emplacement des troupes sur la gauche, se passa sans fruit. De l'absence de commandement vient l'anarchie et de là le désordre - Extrait du Rapport du duc de Raguse au ministre de la guerre, daté de Tudela sur le Douro le 31 juillet 1812). Il fit transmettre aussitôt ses dispositions au général Clauzel que son ancienneté appelait au commandement, mais, par une fatalité inconcevable, celui-ci venait justement d'être blessé : alors on chercha le général Bonnet (Note : Bonnet (le comte), soldat au régiment de Boulonnais avant la Révolution, général de brigade en 1794, général de division en 1802. Se distingua à Bautzen, à Lutzen. Chevalier de Saint-Louis en 1814, commandant les places de Dunkerque puis de Rennes en 1815 - Tables du Temple de la gloire, t. XXV, p. 51) qui devait remplacer Clauzel (Note : Ce fut le général Clauzel qui assuma la tâche du commandement. "Le général Clauzel prit le commandement de l'armée qu'il sauva par d'habiles manoeuvres" - Parquin, p. 305. Clauzel (Bertrand, comte), né à Mirepoix (Ardèche) en 1772, mort en 1842. Général de brigade en 1799, général de division en 1802. Condamné à mort en 1816, amnistié en 1820, député de 1827 à 1830, maréchal de France en 1831, gouverneur de l'Algérie en 1835, échoua devant Constantine en novembre 1836), mais il venait aussi d'être blessé, de sorte que l'armée resta près de deux heures sans recevoir d'ordres. La confusion et l'anarchie succédèrent au calme et à la tranquillité qui avaient régné jusqu'à ce moment.
La 3e division, commandée par le général Ferret, n'avait pas encore combattu et occupait à notre gauche un mamelon pareil à ceux où l'ennemi avait pris position; 7 000 Portugais vinrent pour l'attaquer et furent repoussés avec des pertes considérables; dans cette occasion nous pûmes juger une fois de plus de l'intrépidité française : on ne pouvait retenir les soldats et ils couraient à la baïonnette au moindre mouvement de retraite des Portugais. Mais le général Ferret (Note : Ferret ou plutôt Férey, général de brigade, faisait partie du corps du maréchal Soult en 1807, dans la campagne de Pologne, et se fit remarquer devant la tête de pont du village de Lormitten; tué le 22 juillet 1812 à la bataille des Arapiles - Tables du Temple de la Gloire, t. XXV, p. 161 et 162) fut blessé mortellement à son tour et notre aile gauche se replia.
L'artillerie, qui se trouvait au centre de la ligne de bataille, continuait son feu sans s'inquiéter des mouvements rétrogrades que pouvait faire l'infanterie; elle était servie par de vieux artilleurs pour lesquels le bruit du canon était une musique aussi agréable que le bruit des balles l'était pour le héros suédois Charles XII; depuis huit heures du matin ils ne cessaient de servir leur soixante-dix pièces et chaque coup portait dans les masses ennemies qui s'avançaient. Quel malheur que nous n'ayons point eu de cavalerie pour tomber sur les Anglais ébranlés par le feu continuel de l'artillerie !
Notre division n'avait pas encore donné. On nous mit en marche pour aller vers la gauche, mais bientôt l'ordre arriva de rétrograder et de couvrir la retraite de la 3e division (Note : La 1re division, chargée de faire l'arrière-garde, se forma en carré, couverte par des tirailleurs. "La division Foy, qui était de réserve, se forma en carré et arrêta la cavalerie ennemie" (PARQUIN, p. 305). Les trois compagnies de voltigeurs du 69e et celles du 6e léger formèrent l'arrière-garde avec ordre de tenir le plus longtemps possible; nous devions être relevés quand la division serait en position. Des nuées de tirailleurs furent envoyées contre nous, mais, bien qu'ils fussent quatre contre un, nous les tînmes de façon à ce qu'ils ne pouvaient avancer que quand nous le voulions bien. Plusieurs voltigeurs étaient déjà blessés et on nous avait oubliés car la division marchait sur un point différent de celui qui avait été indiqué. J'avais eu soin de placer quelques hommes en observation et bien m'en prit, car bientôt le voltigeur Defrance, originaire des Riceys, vint m'avertir que les Anglais venaient d'envoyer plusieurs escadrons qui paraissaient vouloir nous tourner; je fus reconnaître le fait et essayai de mettre face à l'ennemi qui arrivait quelques soldats et la section de réserve, mais le bruit du canon et des feux d'infanterie était tel que je ne parvins pas à me faire entendre.
La cavalerie que je croyais encore assez loin fut sur nous en un instant : plusieurs artilleurs furent sabrés. Un chevau-léger anglais arrivait sur moi; je l'attendais de pied ferme croyant qu'il serait assez brave pour me faire prisonnier, voyant que je n'avais d'autre arme qu'un sabre; au contraire, en arrivant, il m'allongea un coup de pointe que je parai fort heureusement et, voyant qu'il ne me ménagerait pas, je résolus de ne point l'épargner non plus. Je parvins à le blesser à la cuisse, mais je chancelais sur un sol labouré et inégal : néanmoins je serais sorti victorieux de cette lutte si cet homme eût été seul, mais soudain je me sentis appliquer sur le derrière de la tête un coup qui fit tomber mon shako et en même temps j'en reçus un autre au-dessus de la tempe gauche qui me fendit la tête : perdant du sang en abondance, je tombai sans connaissance et restai là quelques minutes (Note : Malgré cette blessure, Marcel devait continuer à commander sa compagnie et à combattre le lendemain, comme en fait foi cet extrait de ses états de service : "Quoique grièvement blessé de la veille aux Arapiles, il voulut se trouver dans les rangs et il contribua beaucoup à maintenir les soldats du bataillon qui fut chargé par la cavalerie ennemie"). Bientôt je revins à moi et entendis un feu de bataillon dont les balles vinrent tomber autour de la place où j'étais étendu: ce feu épouvanta la cavalerie ennemie qui fit demi-tour au plus vite. J'essayai alors de gagner un petit bois que j'avais remarqué non loin de là, mais, dès que je voulais me relever, tout tournait autour de moi et je retombais; à ce moment j'entendis la voix de mon petit Portugais qui me cherchait : il tenait un cheval par la bride, m'aida à me hisser dessus et je pus gagner ainsi le bataillon du commandant Giraud. C'est lui qui, prévoyant ce qui allait arriver à ma compagnie, avait fait faire demi-tour à son bataillon et fait exécuter le feu qui sauva la plupart d'entre nous. Mon camarade Charpentier vint me donner une goutte d'eau-devie et cela me fit le plus grand bien. Nous rejoignîmes le régiment bivouaqué à quelque distance et je pus me reposer et faire panser ma blessure : l'os n'était pas entamé et j'avais seulement été éprouvé par la force du coup et la perte du sang" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Capitaine Rigaud est blessé (mort le 25); le Lieutenant Pyl également (mort le 26). Sont aussi blessés le Chef de Bataillon Carel, les Capitaines Fournier, Marus, Roux de Raze, les Lieutenants Thiénot, Ulrich (à Alba de Tormes), les Sous lieutenants Bataillard, Chabert, Marcel.
Le Lieutenant Roblin est blessé le 22 juillet 1812 à Tamamès.
Le Capitaine Marcel est blessé le 22 juillet 1812 à Salamanque.
Parmi la troupe sont donnés tués à Salamanque le 22 juillet 1812 le Caporal Viot, le Fusilier Violet, les Voltigeurs Terredinger et Surcillon, le Sergent Lamperière, les Caporaux Amiot et Rossenvey, le Fusilier Bidos, le Caporal Doublet.
- Bataille d'Alba-de-Tormès
Le lendemain, l'armée, en partie rassemblée à Alba-de-Tormès, commence sa retraite dans la direction de Penaranda avec l'intention de passer l'Adajo et de marcher ensuite, avec plus de sûreté, vers Valladolid. La Division Foy est à l'arrière-garde; elle est attaquée à dix heures du matin près de la Serna par dix-huit escadrons de cavalerie appuyés par de l'infanterie et de l'artillerie. La cavalerie légère française est obligée de céder le terrain, et, après plusieurs charges, de se retirer, sous la protection de la Division. Les Bataillons sont formés en carrés, l'un d'eux est enfoncé et sabré, mais les autres tiennent ferme. Le Colonel Guinand, à la tête du 2e Bataillon, arrête les efforts de toute la Division anglaise En un instant, les quatre faces se couvrent de cadavres.
Protégés par ce rempart, les hommes tirent avec sang-froid et précision et brisent l'élan de l'ennemi. Plus de deux cents chevaux sont tués par les baïonnettes. Le Lieutenant Marcel, grièvement blessé, la veille, d'un coup de sabre, ne veut pas quitter le commandement de sa section et se bat avec la plus grande vaillance.
Le Régiment sauve par son intrépidité l'artillerie de la Division, qui allait tomber au pouvoir de l'ennemi.
L'"Extrait du rapport du duc de Raguse au ministre de la guerre, daté de Tudela, sur le Duero, le 31 juillet 1812" raconte : "... Le 23, l'armée fit sa retraite d'Alba de Toramès sur Penaranda, en prenant sa direction sur le Duero. Toute la cavalerie ennemie atteignit notre arrière-garde, composée de la cavalerie et de la 1re division. Cette cavalerie se replia et laissa la division trop engagée, mais elle forma ses carrés pour résister à l'ennemi. Un d'eux fut enfoncé, les autres résistèrent : celui du 69e notamment tua 200 chevaux à l'ennemi, à coups de baïonnette. Depuis ce temps, il n'a fait aucune tentative sur nous …" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 8, p. 201).
"Le 23 juillet 1812, l'armée, repassant la Tormès au pont d'Alba, se retira sur Penaranda. Avant d'arriver à une position qu'elle allait atteindre, l'arrière-garde fut chargée par 18 escadrons anglais, qui entrèrent dans deux masses que formaient deux bataillons du 6e léger et du 76e de ligne. Le 2e bataillon du 69e, formé en carré par le colonel Guimand, les arrêta par un feu nourri et bien dirigé : il causa de grandes pertes à l'ennemi, qui eut plus de 200 chevaux tués à la baïonnette.
Dans cette occasion, le 69e sauva, par sa fermeté, l'artillerie de la division qui allait tomber entre les mains de l'ennemi". (Extrait des documents officiels).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le jour ne tarda pas à paraître et ma compagnie, que je croyais dispersée et perdue, se rassembla auprès de moi : il ne manquait que 19 hommes. Nous nous mîmes en route; le régiment, le 6e léger et un bataillon du 76e formaient l'arrière-garde : l'infanterie ennemie ne nous poursuivait pas et il faut croire qu'elle n'était pas en état de le faire. Au moment où nous franchissions un petit ruisseau, quelques dragons qui marchaient sur nos flancs vinrent au galop nous prévenir que la cavalerie ennemie arrivait (Note : La 1re division, chargée de faire l'arrière-garde, ne devait partir qu'à 9 heures, mais, justement alarmé des dispositions faites par l'ennemi pour l'attaquer et le tourner, Foy prit sur lui d'avancer d'une heure le départ; à peine la colonne était-elle en marche que la cavalerie anglaise fond sur elle, met nos dragons en fuite, enfonce le 6e léger qui ne sait pas se former en carré, défile devant les baïonnettes du 69e qu'elle ne peut rompre et enfin atteint la queue de la 8e division; repoussée à coups de fusil, elle repasse lentement devant un carré du 39e et disparaît après avoir perdu beaucoup de monde dans cette audacieuse chevauchée, tentée par des hommes dont l'ivresse a fait des héros. Cette charge fut exécutée par la brigade de chevau-légers du général Anson et par la brigade de grosse cavalerie allemande du général Bock - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 179. Cf. Rapport du duc de Raguse au ministre de la guerre, daté du 31 juillet 1812.
... Le lendemain matin (23 juillet) l'armée s'avança vers Alba où la cavalerie passa et bientôt atteignit l'arrière-garde ennemie. Une charge fut exécutée contre eux par le général Bock avec une brigade de dragons de la légion allemande - Relation de la bataille des Arapiles, extraite de l'Histoire de la guerre d'Espagne et du Portugal, par le colonel sir Jones JONES). Au lieu d'arrêter et de prendre des dispositions nécessaires pour la recevoir, notre général de brigade voulut faire allonger le pas et gagner une hauteur; on n'eut ni le temps d'arriver ni celui de se former.
Nous pensions d'abord que cette cavalerie ne voulait qu'attaquer les dragons et ramasser les traîneurs, mais nos cavaliers firent demi-tour et les Anglais chargèrent le bataillon du 76e dont les soldats s'étaient éparpillés pour boire dans le ruisseau : presque tous furent faits prisonniers. Ils se jetèrent ensuite sur le 6e léger qu'ils mirent dans le plus grand désordre : la plupart des officiers de ce régiment avaient été envoyés dans les hameaux environnants pour faire rentrer les soldats qui y étaient allés en grand nombre chercher des vivres, de sorte qu'aucun mouvement ne put être exécuté. Notre bataillon n'avait pas eu le temps de former le carré, mais s'était tellement serré en masse que les cavaliers ne purent l'enfoncer et se contentèrent de sabrer quelques soldats. Je me trouvais presque à l'extérieur et je reçus encore un coup de sabre sur le bras droit. Les Anglais espéraient sans doute traverser ainsi toute notre armée; ils continuèrent leur course mais, arrivés sur le plateau, se trouvèrent en présence de notre 2e bataillon tout disposé pour les recevoir : le calme et le silence étaient tellement bien observés que le feu de deux rangs sur toutes les faces du carré ne fut commandé qu'au moment où les cavaliers étaient sur les baïonnettes et il fut exécuté avec la même précision qu'à l'exercice. Des dix escadrons dont se composait cette cavalerie, il ne resta pas 80 hommes qui ne savaient où se réfugier, car les prisonniers qu'ils avaient laissés derrière eux avaient repris leurs armes et les fusillaient de tous côés. Les lieutenants Turc et Chastaignac, du 2e bataillon, ne pouvant se servir de l'épée puisqu'ils étaient à l'intérieur du carré, lancèrent des pierres si adroitement et avec tant de force que plusieurs officiers anglais furent atteints et tombèrent de cheval, sérieusement blessés.
Le sergent Andréol de ma compagnie, arrêté par deux de ces cavaliers, en tua un d'un coup de fusil et fit l'autre prisonnier; cet homme nous dit qu'il était Hanovrien et faisait partie de 4000 dragons royaux arrivés récemment d'Angleterre. Tous ces cavaliers étaient de haute taille et leurs chevaux magnifiques. Chose surprenante, 13 escadrons de chasseurs qui nous arrivaient de l'armée du Nord, faisaient tranquillement la halte à dix minutes de là comme si nous eussions été en pleine paix.
Une autre masse de cavalerie ennemie se présenta bientôt, pensant surprendre ces chasseurs. Nos cavaliers parurent vouloir éviter le combat et les Anglais s'engagèrent à fond quand, tout à coup, les chasseurs firent demi-tour et tombèrent sur eux avec un tel entrain qu'ils leur taillèrent maintes croupières; cette réception refroidit considérablement messieurs les Anglais qui ne reparurent plus et nous laissèrent nous retirer fort tranquillement.
Ces combats nous coûtèrent d'ailleurs beaucoup moins d'hommes que les cinq jours de marche que nous fîmes pour gagner Valladolid (Note : Aux Arapiles nous perdîmes 6000 hommes et les Anglais 5220 - Rapports officiels de Marmont et de Wellington) : officiers et soldats mouraient de faim et il n'était pas possible de retenir les soldats qui s'écartaient pour trouver des vivres et se faisaient prendre par les guérillas qui nous entouraient.
Nous cantonnâmes à 10 lieues de Valladolid dans des villages abandonnés : au bout de huit jours on n'eût pas reconnu nos régiments, tellement tout était rallié et en bon ordre (Note : La retraite continue d'Alba de Thormès sur Olmedo et Valladolid; craignant de ne pouvoir conserver la ligne du Douro, Clauzel remonte la vallée de l'Esgueva pour se replier sur l'Ebre, mais, s'apercevant qu'il n'est que mollement suivi, il s'arrête derrière l'Arlanza, et détache le général Foy avec deux divisions pour observer Aranda del Duero - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 180). J'ai souvent fait la réflexion que nous ressemblions à ces fourmilières que l'on dérange et éparpille le soir et que l'on trouve de nouveau bien rangées le lendemain matin.
Néanmoins la perte de la bataille des Arapiles fut la première cause de l'évacuation de l'Espagne. L'armée anglaise entra dans Madrid sans coup férir, malgré le fort du Retiro qui se rendit; elle marcha ensuite sur Valence où le roi Joseph s'était retiré avec son armée (Note : Le roi Joseph campait le 22 juillet à Espinar avec 14000 hommes, lorsqu'à la nouvelle de la bataille des Arapiles il se dirigea sur Ségovie où il établit son quartier général le 26 - Mémoires militaires du maréchal JOURDAN, p. 420). Ce mouvement et l'abandon de Salamanque par nos troupes obligèrent le maréchal Soult à lever le siège de Cadix : ce siège durait depuis un an et avait exigé des dépenses considérables : on avait fait fondre à Séville des mortiers dont chaque coup revenait à 300 francs au gouvernement; en levant le siège, il fallut en outre abandonner 300 pièces d'artillerie (Note : Le maréchal Victor avec le 1er corps bloquait Cadix que défendaient 30000 Anglo-Espagnols aux ordres du général Graham; 8 vaisseaux espagnols et 8 frégates venus du Ferrol, 4 vaisseaux anglais et 2 frégates croisaient à l'entrée de la baie. Le maréchal Soult favorisait de Séville les travaux du blocus de Cadix et s'occupait d'organiser des moyens de défense en Andalousie; mais la situation était mauvaise, Victor n'avait que 10000 hommes et était lui-même presque bloqué. Après la bataille des Arapiles, Soult se vit contraint d'évacuer l'Andalousie. Le 25 août il leva le blocus de Cadix et ... opéra sa retraite à travers le royaume de Murcie en longeant les montagnes - BELMAS, Journaux des sièges, t. I, p. 138 et passim)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dans son rapport adressé au Ministre de la Guerre, et daté de Tudela le 31 juillet 1812, le Maréchal Marmont raconte : "... Le 23, l'armée fit sa retraite d'Alba de Tormés sur Peñaranda, en prenant sa direction vers le Duero. Toute la cavalerie ennemie atteignit notre arrière-garde, composée de cavalerie et de la première division ; cette cavalerie se replia et laissa cette division trop engagée ; mais elle forma ses carrés pour résister à l'ennemi. Un d'eux fut enfoncé, les autres résistèrent, et celui du 69e notamment tua deux cents chevaux à l'ennemi à coups de baïonnette ; depuis ce temps, il n'a fait aucune tentative contre nous ..." (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 4, page 430).
Le Lieutenant Lardière et le Sous lieutenant Cayet sont blessés le 23 juillet 1812 à Alba de Tormès.
Les Sous lieutenants Chabert et Coujet sont blessés à Salamanque le 23 Juillet 1812.
Le Fusilier Jeanssen est tué le même jour "en Espagne".
Foy prend position le même jour à Villafranca, sans être suivi.
Après la défaite des Arapiles, ce n'est, pour l'armée de Portugal, que marches et contre-marches, pendant lesquelles elle vit au jour le jour; chaque Corps, chaque Compagnie travaille pour son compte, organisant des corvées pour moissonner, moudre le blé, faire le pain; l'émigration des habitants apporte des obstacles insurmontables au ravitaillement; c'est la misère.
Le lendemain de sa victoire, Wellington s'est mis aux talons des Français. Quittant Villafranca, la Division se rend le 24 à Arevalo, le 25 à Olmedo, le 26 à Puente-Duero.
Wellington après cette molle poursuite jusqu'à Valladolid se retourne vers Madrid abandonné par le roi Joseph et y entre au mois d'août.
L'armée de Portugal se trouve réunie autour de cette ville, Clauzel se retire sur Burgos, pour y réorganiser ses troupes et attendre les renforts annoncés de Bayonne.
Après trois jours de repos, les 27, 28 et 29 à Simancas, Foy en partit, le 30 pour Mousquilla par Tudela; le 31 il se porte à Pedrosa-del-Beyet.
Le 1er août, le Fusilier Gerrard est tué "en Espagne".
Foy se porte le 2 août, à Roa, puis le 3, pendant la nuit, à Villa-Rubia, et arriva le 4 à Lerma, où il reste jusqu'au 10. Le 7, le Fusilier Quintin est tué à Lerma; et le même jour, le Fusilier Malbec est tué à Bréviesca.
Clauzel fait alors réapprovisionner la garnison d'Astorga par deux Divisions d'infanterie et une de cavalerie légère, sous les ordres du Général Foy. Ce détachement doit en outre attaquer les insurgés de Galice réunis près de Benavente.
Le 11, la Division gagne donc Reynosa; le 12, Zélico-della-Torre; le 13, elle prend position devant Saint-Martin; enfin, les 14 et 15, elle campe devant Valladolid. Elle se remet en marche le 16 et s'arrête à Castrovi; le 17, à Villa-Alonzo; le 18, à Avila del Panso; le 19, à Benavente; les 20 et 21 en avant de la Baneza.
- Combat de la Baneza
Mais il ne lui est pas possible d'atteindre à temps Astorga. La garnison a entièrement épuisé ses subsistances et s'est rendue le 19 août, alors que Foy arrive dans la nuit du 20 et ne joint près de cette place que l'arrière-garde ennemie.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 17 août, nous partîmes pour Astorga afin d'en délivrer la garnison, mais la ville avait capitulé la veille de notre arrivée. Il y eut là un nouvel exemple de la déloyauté espagnole : la garnison s'était rendue avec la condition d'être ramenée aux avant-postes français; dès qu'elle eut mis bas les armes et fut sortie de la ville, on la força, la baïonnette sur la gorge, à suivre la route de la Corogne pour aller aux pontons" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Aussi Foy se replie-t-il le 22 à Alija, le 23 à Benavente, le 24 à Tabara, le 25 à Carbajales, les 26, 27, 28 à Zamora, le 29 à Toro, les 30 et 31 à Tordesillas.
Cependant, Glauzel a repris l'offensive fin d'août sur Valladolid, son mouvement en avant contraint Wellington à ne laisser que peu de monde à Madrid et à se porter à sa rencontre pour s'opposer à sa marche.
L'armée de Portugal bat immédiatement en retraite. Le 6 septembre, la Division se trouve réunie à Beleza, le 7 à Villa-Alba. Le même jour, le Chef de Bataillon Cardiat est blessé à Burgos.
La Division arrive le 8 à Palencia et en part le 10 pour prendre position, le même jour, en arrière de Torquemada.
Le Commandant Giraud écrit :
"San Cabo, le 10 septembre 1812.
Notre armée est toujours malheureuse; de plus, elle est oubliée de tout le monde. J'envie le sort de ceux qui font partie de la grande armée; sans doute, ils éprouvent les mêmes fatigues et les mêmes privations que nous. Mais l'empereur est là. Il saura les récompenser de leurs maux. Il n'y a pas de jour que je ne maudisse l'instant où j'ai mis le pied en Espagne. Mais qu'y faire? Le vase est rempli, il faut bien en boire le contenu jusqu'à la lie.
Il n'est pas probable que nous cessions de longtemps encore, d'user de la poudre en Espagne, bien que nous ayons des avantages partout. Ici, nos ennemis sont comme l'hydre de la fable; plus on leur coupe de têtes, plus il en repousse.
Depuis plus d'un an, on travaille à me faire sortir d'Espagne; personne n'y peut réussir. Soit; remettons cela à l'année prochaine, ou jusqu'à une époque indéterminée. Puisse l'année prochaine se présenter alors sous de meilleurs auspices" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
La Division se rend les 11 et 12 à Villahoz, les 13, 14, 15 à Corbia et Cazuela.
- Combat de Burgos
Le 17 septembre, son artillerie arrête les têtes de colonnes ennemies qui débouchent dans la plaine sur la rive gauche de l'Arlanzon et s'installe, le soir, en avant de Burgos.
Le Général en chef, souffrant toujours de sa blessure, abandonne le commandement de l'armée de Portugal à Souham. Celui-ci continue à se dérober jusqu'aux Pyrénées.
Le 18, Foy se replie en arrière de Monasterio, le 19 en avant de Briviesca, le 20 il cantonnait au pied des montagnes de Pan Corbo, à Busto-Cascajerres et los Carrios.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous revînmes par Rio Seco et Palencia : à Burgos on laissa une garnison dans le fort et l'armée vint prendre position à Pancorbo au pied d'une chaîne de montagnes qui rejoint les Pyrénées. Wellington, revenu de son expédition d'Andalousie, mit le siège devant Burgos.
Nous restâmes près d'un mois dans de mauvais villages à une lieue de la petite ville de Posa, bâtie sur des rochers et renommée pour ses salines" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Tordesillas, le 21 septembre 1812.
Voici notre troisième jour de repos depuis cinq mois. Ces deux journées m'ont fait un bien infini, et me remettent de mes fatigues passées. Arrivés au point où nous en sommes, la guerre d'Espagne est devenue atroce par les crimes qui s'y commettent. Nos soldats rendent coup sur coup. On les assassine au coin d'un bois, voire même dans leurs cantonnements; ils rendent la pareille ; on leur refuse des vivres ; aucune réquisition ne peut avoir lieu; ils prennent ce qui est à leur convenance partout où ils passent. L'indiscipline est à son comble dans l'armée; le pillage, l'incendie et l'assassinat y sont à l'ordre du jour. C'est un grand malheur et c'est certainement la cause des pertes en hommes que nous faisons chaque jour. Depuis cinq mois, le soldat ne touche que la demi-ration de pain et il ne la reçoit pas toujours. Au repos, nous n'avons pas même la satisfaction de pouvoir nous promener hors des cantonnements ou des bivouacs, les Espagnols nous guettent, et bien heureux sont ceux qui ne tombent pas sous le poignard d'un guérillero embusqué. Et dire que quand nous sortirons de cet affreux pays, nous n'aurons que la honte et le déshonneur en partage !" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Commandant Giraud écrit :
"Priviesca (route de Burgos), le 23 septembre 1812.
Le général Fririon, secrétaire du Ministre de la guerre, vient d'écrire à mon colonel une lettre que celui-ci m'a communiquée. Cette lettre répond à la demande que j'ai faite d'un emploi de major ou de commandant de place à l'intérieur, sur les conseils de mon beau-frère, le colonel Marion. La signature du colonel manque, ainsi que le certificat d'un officier de santé; ces formalités doivent être remplies, pour qu'on puisse donner suite à ma demande. J'avais pourtant envoyé le certificat du médecin à mon beau-frère qui a trouvé que c'était bien. Aujourd'hui on s'aperçoit que tout est mal. Oh ! les paperasses ! ...
Dorénavant, tout ira comme cela pourra. Je ne veux plus qu'on importune personne. Qu'on ne fasse plus de demandes pour moi ; je ne veux pas de démarches, ne voulant rien devoir à l'intrigue ou aux protections, et ne désirant mon avancement qu'à mes services rendus.
En attendant, les affaires d'Espagne vont de mal en pire. Nous étions il y a un an sur les frontières du Portugal et de la Galice ; au train dont vont les choses, nous serons bientôt sur les frontières de France.
On nous promet de gros renforts. Qu'ils arrivent vite si l'on veut que nous rabattions l'orgueil des Anglais.
Notre nouveau chef, le colonel Guinaud, est marié; sa femme est avec lui, portant sur ses bras une petite fille de quatre mois née dans le plus mauvais endroit de l'Estramadure. Combien de fois ai-je plaint cette vaillante femme qui suit notre convoi, tantôt en charrette, tantôt à dos de mule. Mais notre colonel est un gaillard, un ancien blessé de Wagram ; il aura bientôt trente ans de service et vingt années de mariage. Sa femme l'a suivi dans toutes ses campagnes; n'aurait-elle pas mieux fait de rester tranquille et de ne pas s'exposer à tant de périls ?" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le général Foy est chargé d'une reconnaissance sur Poza, qu'occupent 7 à 8000 Espagnols et la bande de Longa. Sachant que la garnison se rassemble tous les matins sur l'esplanade située en dehors de la ville, Foy règle en conséquence la marche de sa petite colonne. Il atteint Poza au point du jour; la grand'garde est égorgée et les Français tombent comme la foudre au milieu des soldats réunis sur la place et répondant à l'appel. Ils en tuent plus de 250 et font 160 prisonniers dont 8 officiers. Ce coup de main ne leur coûte qu'un homme assassiné par un Espagnol.
Dans son rapport, Foy écrit :
"Le général Foy au général Clausel.
Poza, 30 Septembre 1812.
Je suis parti de Salduenzo, hier, à dix heures et demie du soir, avec le 6e léger, cinq compagnies d'élite et 250 chevaux. Sachant que les troupes cantonnées à Poza n'avaient des avant-postes qu'à Hermosilla et Castellanos, j'ai dirigé la marche de ma colonne par Cornudilla et l'hermitage de Nuestra Senora de Pedrajas. Les troupes sont arrivées à cinq heures et demie du matin à cent toises du mur de Poza, sans avoir rencontré un factionnaire. La diane avait été battue depuis dix minutes dans la ville. Je savais que la garnison prenait tous les matins les armes sur la grande place qui est hors la ville. Le 6e léger, commandé par le chef de bataillon Frossard, ayant en tête de colonne sa compagnie de voltigeurs commandée par M. le capitaine Guingret, a marché droit à la place, a égorgé une grand'garde qui n'a pas eu le temps de tirer un coup de fusil et a paru comme la foudre au milieu de la garnison de Poza. Les 600 hommes qui la composaient étaient amoncelés sur la place, les armes à terre, et beaucoup à demi-nus. Ils ont pris la fuite en abandonnant plus de deux cents fusils; ils se sont jetés dans les rochers derrière la ville; ils ont fait feu du haut des rochers et des fenêtres des maisons. Deux compagnies d'élite du 69e et 200 chevaux de cavalerie légère ont été dirigés promptement pour couper aux fuyards les chemins de Burgos et de Frias. Nos soldats ont tué plus de 250 hommes à l'ennemi; nous avons fait 160 prisonniers dont huit officiers, nous avons pris plus de 200 chevaux ou mules. Cette action, grâce à la vigueur avec laquelle elle a été conduite, ne nous a coûté qu'un homme tué; encore a-t-il été assassiné par un Espagnol qui s'était rendu prisonnier...
Par un rapprochement singulier, au moment où je marchais sur Poza, le lieutenant-colonel Papelès, commandant ...arnison, était en mouvement pour attaquer le moulin de Los Barrios, gardé par le 69e. Il est parti à 3 heures du matin avec deux compagnies d'infanterie et 30 chevaux; en débouchant d'Hermosilla, il a rencontré le 1er bataillon du 69e qui allait prendre position sur les hauteurs de la rive gauche de l'Oca pour me soutenir au besoin. Ce détachement eut été pris en entier si le 69e eût eu de la cavalerie. On a tué à Papelès un grand nombre de soldats ; il nous a blessé trois hommes" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 380-381.
Une opération semblable, tentée quinze jours plus tard contre ce même village de Poza que l'avant-garde de l'armée de Galice est venue occuper, ne donne pas un résultat aussi complet. La troupe, avertie par la première surprise, avait choisi un point de rassemblement plus en arrière, à mi-côe de la montagne (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 185-186).
Le Capitaine Marcel raconte : "C'est à Posa que se retirait habituellement un chef de partisans espagnols, nommé Longa, que les habitants avaient surnommé Papel, parce qu'il ne leur donnait jamais que du papier pour payer ses réquisitions ; cet individu avait un millier d'hommes environ sous ses ordres. Le général Foy était fort pour les attaques de nuit; aussi, ayant fait reconnaître les chemins et pris tous ses renseignements sur la situation des partisans, il fit partir le bataillon, le 16 octobre à trois heures du matin, par des sentiers détournés. Les 4 voltigeurs d'avant-garde avaient l'ordre de tomber à l'improviste sur toute sentinelle et de l'égorger sans bruit; à peine voyait-on à deux pas, tant la nuit était noire, et cependant notre guide nous conduisit si adroitement que les ordres furent ponctuellement exécutés et le poste avancé de l'ennemi passé à la baïonnette avant d'avoir pu crier. Nous entrâmes dans la ville au moment où les tambours espagnols battaient la diane : qu'on juge de la surprise! Plusieurs partisans s'échappèrent par les croisées et en escaladant les murs et les rochers. Nous prîmes 240 hommes après en avoir tué une centaine; nous ne perdîmes qu'un seul homme tué. Une trentaine de soldats espagnols s'étaient retirés dans un vieux fort bâti par les Maures sur la cime d'une roche escarpée et d'une hauteur à faire frémir; un homme eût pu en défendre l'accès à une armée, car on ne pouvait y arriver que un par un et en s'aidant des pieds et des mains; la moindre glissade vous faisait tomber dans des précipices affreux. J'y montai avec ma compagnie, et mes voltigeurs finirent par découvrir ces pauvres Espagnols cachés dans des souterrains où ils ne croyaient pas nous voir arriver; on les fit prisonniers. Je frissonnais encore en redescendant et en voyant l'horrible chemin que nous avions parcouru.
Nous n'avions pas trouvé Longa, qui se trouvait absent avec la majeure partie de sa bande au moment de notre attaque; aussi, de retour dans nos villages et de crainte qu'il ne vînt nous jouer pareil tour, les soldats durent, jusqu'à nouvel ordre, coucher avec le fourniment et le fusil au bras. Nous fûmes d'ailleurs fort tranquilles, rien ne se produisit; aussi, deux jours avant notre départ, informés que Longa était revenu dans son repaire, nous y retournâmes par un chemin différent et prîmes 50 hommes, mais sans pouvoir saisir le chef.
Mes blessures s'étaient guéries sans que j'aie un instant de repos, toujours en marche sous un soleil brûlant : aussi une fièvre chaude me saisit, me tint pendant dix jours et me mit dans un état si pitoyable que je perdis entièrement conscience de mes actes; dans mon délire je voulais toujours monter sur les rochers de Posa. Tout le monde, au régiment, était persuadé que j'allais mourir, et ce qui m'affectait le plus était de savoir que l'armée allait se reporter en avant pour faire sa jonction avec l'armée du maréchal Soult. En voyant partir sans moi le 69e, mon régiment, il me sembla que je quittais ma famille, mon coeur était déchiré. On me conduisit dans la petite ville de Briviesca où je restai huit jours sans médecins ni drogues, soigné seulement d'une façon assidue par mon pauvre petit domestique. Heureusement, au bout de ces huit jours, un bataillon, formé d'hommes de tous les régiments, passa pour rejoindre l'armée; le suivis et revins à mon régiment où je fus accueilli avec joie par les officiers et par mes chers voltigeurs" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
En octobre 1812, le Roi Joseph a rassemblé dans la province de Valence les deux armées du centre et d'Andalousie aux ordres de Soult, et se reporte d'Almanza sur Madrid qu'il menace. Immédiatement Souham s'avance sur Burgos. Pour forcer l'armée anglaise à en lever le siège, il se met en marche le 13 octobre.
- Combat de Monasterio
Dans la nuit du 18 au 19, l'ennemi abandonne Monasterio; les troupes s'emparent alors des hauteurs qui dominent le village.
- Combat de Villahoz
"Le 20 octobre 1812, le 69e avait pris part à une reconnaissance du général Foy sur Villahoz, qui nous donna 100 prisonniers, 2 pièces de canon et 20 voitures d'artillerie" (Rapport officiel).
Wellington, avisé de l'arrivée de Soult sur le Tage, se dérobe brusquement dans la direction de Valladolid, après avoir fait mine de livrer bataille à Burgos (21 octobre).
- Prise de Burgos
Le 22, les Français entrent dans Burgos et en repartent le lendemain matin sur les traces des Anglais en retraite sur Valladolid.
Souham serre de près l'armée anglaise en retraite. Les trois Jours qui suivent, l'avant-garde poursuit l'arrière-garde ennemie qui tente constamment d'entraver son mouvement, disputant le terrain pied à pied, surtout aux passages du Carrion et de la Pisuerga.
Le Capitaine Marcel raconte : "L'armée anglaise avait employé tous les moyens possibles pour prendre Burgos, mais le général Dubreton (Note : Dubreton (Jean-Louis, comte), né en Bretagne en 1773, fit l'expédition de Saint-Domingue. Colonel du 5e léger en 1803, général de brigade en 1811, général de division en 1812) et ses braves soldats se défendirent si bien que les assauts donnés par les Anglais furent tous vigoureusement repoussés : la fusillade avait été si vive que des palissades de dix pouces de diamètre étaient devenues comme des manches à balais, tant les balles avaient enlevé d'esquilles (Note : La garnison de Burgos se composait de : 2 bataillons du 34e de ligne, un bataillon du 130e, un détachement de la garde de Paris, une compagnie et demie du 6e d'artillerie à pied).
Notre cavalerie joignit la cavalerie anglaise à Célada. On avait fait croire aux Anglais que les douze escadrons de gendarmerie française étaient composés de jeunes gens nouvellement recrutés qui ne pourraient leur résister. Ils les attendirent donc de pied ferme mais ne tardèrent pas à reconnaître que les coups de sabre qui leur étaient administrés n'étaient pas allongés par des conscrits; si les dragons eussent combattu comme les gendarmes, le 15e chasseurs et le 3e hussards, l'armée ennemie eût été entamée (Note : Six légions de gendarmerie avaient été envoyées à l'armée d'Espagne (Historique de la gendarmerie, lieutenant-colonel LEMAITRE). A Célada une légion de gendarmerie faisait brigade avec le 15e chasseurs. Les gendarmes exécutèrent avec une énergie incroyable des charges à fond et successives sur la cavalerie anglaise qui fut mise en une déroute complète. Les Anglais prirent cette troupe d'élite pour des gentilshommes : le chapeau bordé d'argent et la grande tenue magnifique dont ces gendarmes étaient revêtus, en faisaient la plus belle troupe de l'armée, comme elle en fut l'orgueil à cette occasion. Parfaitement montés et armés de leurs grands sabres si dangereux par la pointe, ils avaient fait un carnage affreux dans la cavalerie ennemie - PARQUIN, p. 306-307). Les Anglais laissèrent 1 800 prisonniers et bon nombre de chevaux car plus de 800 des leurs avaient été sabrés ; nous perdîmes peu de monde. Le colonel Thévenet, des gendarmes, reçut quatorze coups de sabre dont aucun ne fut mortel. L'Empereur nomma officiers 72 gendarmes, et 83 d'entre eux furent décorés (Note : Ce corps ... fut décimé par l'Empereur en honneurs et récompenses - Ibid., p. 307)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Prise de Palencia
Foy, avec la droite, est dirigé de Torquemada sur Palencia et arrive, le 25, devant cette place, occupée par les Anglais et quelques Corps espagnols de Galice. A la première sommation, la garnison offre d'ouvrir ses portes, si le Général se présente lui-même.
Foy envoie un de ses Aides de camp, précédé d'un Trompette. Ils sont accueillis, à bout portant, par une décharge de mousqueterie. aussitôt, l'ordre est donné au Général Chemineau d'attaquer. Les portes, barricadées, sont enfoncées par les Sapeurs du 69e et le Général, à la tête du 2e Bataillon, pénètre dans la ville, pousse l'ennemi, l'épée dans les reins, jusqu'au pont du Carrion, l'enlève de vive force, s'empare des barils de poudre qui sont disposés pour le faire sauter et reconduit les Anglais jusqu'auprès du canal, en leur faisant subir de grosses pertes.
"Le 25 octobre, dès le matin, le général Foy s'était porté vers Palencia (sur le Carrion), qu'occupaient des troupes anglaises (gauche de Wellington), et quelques corps espagnols de l'armée de Galice. On fit une sommation à ces troupes, qui répondirent qu'elles ouvriraient leurs portes si le général Foy se présentait lui-même. Celui-ci envoya un de ses aides de camp précédé d'un trompette. Les soldats galiciens laissèrent approcher le parlementaire, et lui lâchèrent à bout portant une décharge de mousqueterie qui par bonheur ne blessa que le cheval du trompette. Irrité de cet acte de déloyauté, le général Foy fit enfoncer à coups de hache les portes barricadées. Le 2e bataillon du 69e de ligne, guidé par le général Chemineau, pénétra dans la ville et, poussant les Anglo-Espagnols la baïonnette dans les reins, il arriva promptement au pont du Carrion, l'emporta de vive force, et s'empara des barils de poudre disposés pour le faire sauter. L'ennemi, poursuivi jusqu'au delà du canal, perdit beaucoup de monde" (Extrait des rapports officiels).
Dans son rapport, le Général Foy écrit :
"Le général Foy au général Souham.
Palencia, 25 Octobre 1812.
J'ai trouvé les portes de Palencia fermées et barricadées, un régiment de cavalerie espagnole autour des remparts, une portion de la 5e division anglaise et quelques troupes de l'armée de Galice dans la ville. Après avoir mis en fuite la cavalerie ennemie, les tirailleurs se sont approchés de la porte ; les Espagnols qui étaient derrière ont dit qu'ils l'ouvriraient, si le général se présentait. J'ai envoyé un aide de camp et un trompette ; on les a laissé approcher et on leur a fait par-dessus le rempart un feu à bout portant qui a tué un cheval. J'ai fait avancer l'artillerie; on a enfoncé la porte à coups de canon. M. le général de brigade Chemineau, à la tête du second bataillon du 69e, est entré dans la ville à la baïonnette, a culbuté les Anglais dans les rues et, malgré une vive fusillade, a emporté le pont du Carion que l'ennemi a essayé de couper; on a pris la poudre destinée à le faire sauter. L'artillerie et le reste de la division ont débouché à la rive droite de la rivière. Nous avons poursuivi l'ennemi; il avait des canons; le nôre lui a fait beaucoup de mal; un seul coup a tué trois dragons rouges. L'infanterie a suivi l'ennemi en lui tuant du monde jusqu'à l'entrée du Paramo. Ma cavalerie est au loin à la poursuite; son commandant me fait annoncer qu'il avait en vue beaucoup de bagages; il est dommage qu'elle ne soit pas plus nombreuse. On a fait une centaine de prisonniers; il y a plus de 60 morts; l'ennemi a laissé à Palencia cent mille rations de biscuits. Nous n'avons eu que trois ou quatre hommes tués ou blessés. On doit des éloges particuliers aux sapeurs du 69e régiment. L'artillerie ne parvenant pas assez vite à rompre la porte, ils s'y sont portés et l'ont abattue à coups de hache. L'armée ennemie se retire sur Valladolid" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 381-382).
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous marchions à petites journées pour donner aux soldats de Soult le temps d'arriver derrière les Anglais, mais ils filaient lestement. A Palencia il fallut ouvrir les portes à coups de canon; pendant qu'on cherchait un gué pour passer le Carion derrière cette ville, le 2e bataillon du 69e arriva au pont que les Anglais venaient de miner; leurs sapeurs allaient mettre le feu à la mèche lorsqu'un boulet bien ajusté jeta 7 d'entre eux par terre; aussitôt le lieutenant Rose cria : "En avant!" à ses soldats, traversa le pont le premier, malgré une fusillade terrible, et empêcha que le feu fût mis à la mèche (Note : Wellington, menacé par les armées du Centre et du Midi et par l'armée de Portugal, battait en retraite sur Rueda, poursuivi par Souham qui s'avançait par la grande route avec Foy (1re et 7e divisions) sur la droite. Le pont sur le Carrion fut enlevé avant que les Anglais aient eu le temps de le faire sauter)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Les troupes françaises sont maîtresses du débouché de Palencia. Wellington se retire à Cabezon (sur la Pisuerga), ses bagages prennent la route de Valladolid.
Le 26, l'armée continua sa marche.
- Prise de Simancas
Le 27, Souham réunit ses troupes sur la rive droite de la Pisuerga, face au pont de Cabezon où est le gros des Anglais. Le pont étant miné et situé d'ailleurs au pied d'une position formidable, on doit renoncer à aborder l'ennemi de front. Deux Divisions sont laissées en observation, les autres s'étendent sur la droite.
Le 28, la Division Foy s'empare de Simancas et en chasse le Régiment de Brunswick-Oels et deux Bataillons de la Légion allemande, qui font sauter le pont, sur la Pisuerga.
"De ce côé, la division Foy s'empara, le 28, de Simancas, d'où elle chassa le régiment de Brunswick-Oels et deux bataillons de la légion allemande, qui, en fuyant, firent sauter les arches du pont de celte ville sur la Pisuerga".
L'ennemi signala le 29 octobre sa retraite sur le Douro par diverses explosions, notamment aux ponts de Tudela, Cabezon, de Valladolid, de Toro et de Tordésillas.
- Prise de Tordesillas
Le 29, Souham décide de s'emparer de Tordesillas et de chasser les Anglais de leur position centrale. Trente hommes occupent la tour à l'extrémité du pont, des postes sont abrités derrière des murs et des ruines, le Régiment de Brunswick-Oels est embusqué dans un bois de sapins. Le passage est donc impossible à rétablir.
Mais le 69e "ne s'étonne de rien", avait dit l'Empereur. Ici donc se place un fait d'armes qui restera ineffaçable dans les fastes du 69e.
"Le pont de Tordésillas était rompu de telle façon, que la tour qui le surmonte restait du côé de l'ennemi, qui continuait à la faire occuper par un poste de 30 hommes, soutenus de tirailleurs embusqués derrière des murs et des ruines, et par le régiment de Brunswick-Oels, embusqué dans un bois de sapin. Ces dispositions rendaient on ne peut plus difficile la réparation du pont, et le passage paraissait impossible.
Mais les braves du 69e n'en jugèrent pas ainsi.
Onze officiers et quarante sous-officiers et soldats s'offrirent pour passer le fleuve à la nage; quelques officiers et soldats du 39e de ligne et du 6e léger demandèrent à partager la gloire et les périls de cette tentative hardie.
Le capitaine Guingret (nommé par la suite Chef de Bataillon au corps), du 6e léger, désigné comme le plus brave entre ces braves, se mit à leur tête. Par ses ordres, un radeau fut construit pour porter les habits et les armes; alors, se précipitant dans l'eau, le sabre entre les dents, ces soixante hommes nagent, poussent le radeau devant eux et parviennent sur la rive opposée malgré la vive fusillade des Anglais, malgré la largeur du Douro, la force du courant et le froid glacial des eaux.
Prenant terre, ils s'élancent nus vers la tour, l'attaquent et l'enlèvent aux Anglais terrifiés par une agression aussi bizarre qu'héroïque ; ils font onze prisonniers.
Le régiment de Brunswick-Oels, qui était placé à l'extrémité du pont, fut tellement épouvanté de cet audacieux coup de main, qu'au lieu de se porter au-devant de cette poignée d'hommes, il se mit tout de suite en retraite" (Extrait des rapports officiels).
Dans son Rapport, le Général Foy écrit :
"Le général Foy au général Souham.
Tordesillas, 30 Octobre 1812.
Je dois vous rendre compte de la manière brillante dont la tête de pont de Tordesillas a été enlevée, hier, à 4 heures du soir, par nos nageurs. L'ennemi était plus nombreux que je ne l'avais pensé d'abord; il avait 30 hommes dans la tour; 20 hommes cachés derrière un mur en terre à la droite du pont; un poste dans la maison qui est sur le chemin de La Rueda, et un bataillon du régiment de Brunswick dans le bois de pins à gauche de la route. J'ai fait demander, dans la 1re division et dans les sapeurs du génie, des nageurs de bonne volonté ; il s'est présenté à l'instant 11 officiers et 44 sous-officiers et soldats; ils se sont jetés à l'eau sous une grêle de balles, les officiers tenant leurs épées dans la bouche, les soldats portant leurs fusils et leurs cartouches sur deux planches assemblées à la hâte en forme de radeau. Ils sont arrivés à la rive gauche, malgré un feu très vif de l'ennemi, et quoique les fusils fussent mouillés, officiers et soldats ont couru tout nus à la tour, l'ont enlevée à l'épée, à la baïonnette, ont enveloppé 9 hommes qui se sont rendus au débouché du pont, et en ont fait deux autres prisonniers sur la plate-forme de la tour. Le bataillon de Brunswick avait pris les armes ; frappé d'épouvante à la vue d'un coup si hardi, il a pris la fuite et s'est retiré par le chemin de San Martin del Monte.
Je dois les plus grands éloges à M. Guingret, capitaine de voltigeurs du 6e léger, qui a proposé cette entreprise, qui l'a dirigée, et qu'on est accoutumé, dans la 1re division, à voir un des premiers partout où il y a de la gloire à acquérir; le lieutenant Roze du 69e a abordé le premier à la rive ennemie ; il a été suivi par le brave voltigeur Geoffroy du 6e léger et par le lieutenant Jacquemart du 39e.
Vous savez comme le Duero est large et profond devant Tordesillas; il faisait très froid hier à 4 heures après-midi ; indépendamment de la résistance de l'ennemi, ces circonstances honorent les braves officiers, sous-officiers et soldats qui se sont offerts volontairement. Je vous prie de faire connaître leur dévouement à l'armée par la voie de l'ordre du jour. Je demande qu'il soit accordé aux sous-officiers et soldats une gratification pécuniaire ; j'ai fait établir des états nominatifs" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 382-383.
Né à Valognes (Manche) le 24 mars 1784 et mort à Paris en janvier 1845. Auteur de "Relation historique et militaire de la campagne de Portugal sous le maréchal Masséna, prince d'Essling, Limoges, 1817". Il s'enrôle au début 1803 à l'âge de 18 ans dans le 6e régiment d'artillerie des côes de l'Océan. L'année suivante, il entre comme élève à l'école polytechnique, d'où il sort en 1806, et est bientôt envoyé à la Grande Armée. Nommé sous-lieutenant au 6e Léger, il combat à Friedland où il est blessé. Guingret va servir ensuite 4 ans en Espagne et au Portugal. Le 6e Léger est affecté fin 1808 au 6e Corps du maréchal Ney. Il formera brigade avec le 69e de Ligne pendant toute la campagne. Le 2 mars 1809, Guingret enlève avec 50 tirailleurs sur la route de La Corogne, une pièce de canon que lui disputent 200 Espagnols. Le 6e Corps est alors chargé de tenir la Galice et les Asturies tandis que Soult s'enfonce au Nord du Portugal. Le 13 avril suivant, Guingret franchit le premier le pont de San-Payo barricadé et défendu par huit bouches à feu, tue un canonnier au moment où il va mettre le feu à sa pièce, et détermine par sa brillante audace l'enlèvement du pont, la prise de la batterie et la déroute de l'ennemi. Octobre 1809, le 6e Corps descendu autour de Salamanque et passé aux ordres de Marchand s'oppose au Espagnols à Tamanes. C'est sous le commandement général de Masséna que le 6e Corps, de nouveau sous Ney, combat Wellington à Busaco, après les sièges de Ciudad Rodrigo (Guingret, alors lieutenant, y est blessé) et Almeida. Guingret s'illustre ensuite à Busaco, (septembre 1810) où il combat énergiquement, ayant l'épaule traversée par une balle et reçoit dans l'action plusieurs autres blessures de mitraille. L'ordre de l'armée signale sa valeur dans la surprise de Poza, où, commandant l'avant-garde, il se précipite sur 500 ennemis qui sont capturés ou passés à la baïonnette. A Fuentes de Onoro (Mai 1811), sous le général Loison, Guingret est de nouveau blessé. Il passe capitaine. Sous Marmont en Juillet 1812, à la bataille des Arapiles. Le 69e de Ligne et le 6e Léger sont très éprouvés. Les Français se replient et les Anglais entrent dans Madrid. Puis les Français se reprennent et reviennent sur le Douro. Le 30 octobre 1812, Guingret propose, dirige, commande, et effectue le passage du Douro devant Tordésillas, en face d'une colonne anglaise et sous un feu meurtrier. Le vaillant capitaine passe le fleuve, le sabre aux dents, à la tête des troupes électrisées par son exemple, et fait déposer les armes à la garnison de la tour, dont la fusillade empêchait le rétablissement du pont. Le 11 mai 1813, à l'assaut de Castro-Urdiales, il aborde avec intrépidité la brèche, pénètre le premier dans le fort, au moyen d'une échelle, par une embrasure, et suivi de ses voltigeurs aussi braves que leur chef, fond à l'arme blanche sur la garnison, la fait prisonnière et se rend maître de la place. Foy, son général divisionnaire lui donne à cette occasion des éloges publics. Il est alors nommé chef de bataillon au 69e de Ligne (voir mémoires du capitaine Marcel). Quelques jours plus tard, près de Lequeytio, il attaque avec 2 compagnies d'élite, le bataillon d'Artola, le culbute et le détruit entièrement; il lui prend 300 hommes, dont 20 officiers; les autres ayant été tués ou noyés, sans qu'un seul soit parvenu à se sauver. Le 25 juillet 1813, il enlève à la baïonnette la position retranchée d'Achistoy, défendue par un régiment anglais. à la bataille d'Orthez, après la blessure du général Foy, on lui confie le commandement de la 1ére brigade de sa division qu'il conserve entre le 27 février 1814 et le 22 mars suivant. Il la conduit plusieurs fois avec succès à l'ennemi à la satisfaction du général Soult. Il s'illustre aussi à la bataille de Toulouse en tenant sa position. Le chef-de-bataillon Guingret fait la campagne de 1815 où il commande le 1er bataillon du 69e de Ligne. |
Le Capitaine Chastagnac et le Lieutenant Rose, qui ont abordé les premiers sur la rive opposée, reçoivent les éloges du Général.
Le Capitaine Marcel raconte : "Aux faubourgs de Valladolid, nous eûmes beaucoup de peine pour débusquer quelques bataillons anglais qui avaient crénelé les maisons. Le lendemain, à Tordesillas, nous trouvâmes un fort détachement posté dans une vieille tour au milieu du pont et soutenu par un bataillon placé de l'autre côé de la rivière. Le feu de notre artillerie éloigna bien vite ce bataillon, mais les hommes postés dans la tour étaient à l'abri du canon: pour les débusquer, on demanda 400 nageurs de bonne volonté dans toute la brigade, et le commandement de ce détachement fut donné au capitaine Guingret du 6e léger, aidé du lieutenant Rose du 69e. Malgré une violente fusillade, les nageurs se jetèrent dans le Douro; le lieutenant Rose arriva le premier, mais les défenseurs de la tour ne l'avaient pas attendu et tous s'étaient sauvés en voyant commencer le mouvement. Seul un grenadier du régiment se noya (Note : Le pont de Tordesillas était coupé et le passage en était surveillé par un bataillon de Brunswick; une cinquantaine d'hommes postés dans une tour en maçonnerie et derrière un mur en terre en défendaient les abords immédiats.
Le capitaine Guingret du 6e léger propose de franchir le Douro à la nage; 440 sous-officiers et soldats se présentent pour tenter cette entreprise, sans se soucier du froid qui la rend pénible et des balles qui la rendent dangereuse.
Le sabre et la baïonnette aux dents, poussant leurs fusils et leurs cartouches sur deux planches assemblées à la hâte en forme de radeau, ces braves traversent le fleuve large et profond en cet endroit, courent tout nus à la tour, s'en rendent maîtres et mettent en fuite le bataillon de Brunswick frappé d'épouvante par un coup si hardi (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 186-187). Cf. Rapport du général Foy au général Souham)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Souham entre le jour même à Valladolid, établit son Quartier général à Tordesillas, suspendant sa marche offensive pour y attendre sa jonction avec les armées de Soult et du Roi Joseph qui s'avancent en hâte de Madrid par Arevalo et Medina-del-Campo.
Wellington continue jusqu'à Salamanque, où il rallia Hill poussé par l'armée de Joseph.
Le 7 novembre 1812, la réunion des trois armées françaises s'opérait sur la rive droite de la Tormès, en face de toutes les forces anglaises concentrées sur l'autre rive. Du 7 au 14, on manoeuvre et on s'observe.
- Bataille de Salamanque
Le 15 novembre, devant Salamanque, Jourdan, par ses habiles disposition, a réussi à tourner et acculer son adversaire à la Tormès et à le couper à peu près de Ciudad-Rodrigo. Notre situation, notre supériorité numérique, tout annonce pour le 15 une grande bataille et un grand succès.
Mais la gauche française, ralentie par un violent orage, entre trop tard en action, ce qui permet à Wellington de s'échapper vers Ciudad-Rodrigo.
Les troupes prennent, le 15, leurs cantonnements d'hiver, entre le Duero et le Tage; l'armée de Portugal occupe Salamanque et ses anciennes positions sur le Duero, l'armée du Midi s'étend jusqu'au Tage, à Tolède.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nos deux armées firent leur jonction dans les plaines d'Alba, mais le gros de l'armée ennemie et ses bagages étaient déjà dans les rochers de Rodrigo et nous eûmes encore l'amertume de voir les Anglais nous échapper.
Depuis quelques jours la pluie tombait continuellement, les chemins étaient affreux : malgré tout, revenus et bivouaqués auprès des Arapiles, nous en partîmes à 7 heures du soir pour gagner Salamanque par une marche de nuit. Nous traversâmes le champ de bataille dans l'obscurité : nous marchions et nous nous entravions dans les cadavres; c'étaient déjà des squelettes, les têtes roulaient et les os sur lesquels nous montions faisaient, en se brisant, un bruit sinistre. Nous arrivâmes à 2 heures du matin devant Salamanque mais n'y pûmes entrer qu'une heure après (Note : La cavalerie légère, soutenue par une division de dragons, marcha sur le mamelon des Arapiles où nous fûmes reçus par une décharge de 12 pièces qui enleva plusieurs hommes et bon nombre de chevaux. les deux armées étaient sur le point de se livrerun combat terrible, lorsqu'une brume épaisse permit au duc de Wellington d'effectuer sa retraite en abandonnant Salamanque (Hippolyte D'ESPINCHAL, Souvenirs militaires, t. II, p. 73). Quand notre cavalerie légère entra dans Salamanque, il s'y trouvait encore quelques Anglais qui s'enfuirent par la rive droite de la Thormès. Les Anglais ont laissé intact le pont de Salamanque; ils ont abandonné dans la ville quelques magasins de rhum et de blé - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 191); il n'avait cessé de pleuvoir, nous étions trempés jusqu'aux os et, brusquement, le temps s'était éclairci, la pluie avait cessé et il gelait très fort. Qu'on juge de notre situation!
Salamanque fut livrée au pillage, c'est-à-dire qu'on abandonna au soldat toutes les maisons où il n'y avait pas d'officier logé. Cette ville méritait ce châtiment. Jugez-en : depuis cinq ans elle était l'entrepô de tous nos approvisionnements, tout ce qui arrivait de France pour l'armée se déposait à Salamanque, tout l'argent que nous recevions se dépensait chez les marchands de cette ville et, malgré bien des traverses, aucun bourgeois n'avait jamais été volé ou molesté; en récompense, les habitants se conduisirent d'une façon atroce envers nos blessés des Arapiles, arrachant des bandes de pansement et mettant à nu les blessures, mutilant ignoblement d'autres malheureux et empoisonnant tous les amputés entrés aux hôpitaux. Il n'y avait aucune pitié à avoir pour de pareils sauvages. Il y avait là des magasins immenses contenant de telles quantités de biscuits, viande salée et rhum qu'on laissa chaque soldat puiser dedans à sa fantaisie. Nos hommes ne furent bientôt plus de sang-froid, et le désordre et la violence prirent des proportions terribles.
Le lendemain matin, après une nuit troublée par les cris et le bruit du pillage, j'allai voir mon ancienne hôesse, dona Symphorosa Martel, qui était mariée depuis peu avec un "jeanjean" de la ville. Elle me reçut fort mal et me fit des reproches très vifs sur mon ingratitude, disant que j'aurais dû venir loger chez elle pour la préserver des violences de la soldatesque. Elle me déclara avoir été victime de 15 ou 20 dragons : elle était en effet dans un état pitoyable et ne pouvait plus marcher. Malgré tout je ne fus pas très chagriné de son aventure, car, bien que m'ayant accordé les dernières faveurs, elle détestait les Français et ne pouvait me cacher son aversion pour nous; un
jour même, après avoir passé ensemble les instants les plus doux, elle m'avait mis un stylet sur la poitrine en disant : 'Tu vois combien je t'aime puisque je t'accorde ce que j'ai de plus précieux ! Eh bien, si je pouvais détruire tous les Français en te poignardant, tu serais un homme mort". Ses lamentations ne produisirent donc pas grand effet sur moi et je la quittai pour aller voir son amie Juana Gonzalès, celle qui avait fait les délices de mon camarade Labaith. Cette aimable personne avait su prévoir l'orage et se mettre à l'abri en saisissant un officier qu'elle amena chez elle. Je ne cherchai d'ailleurs pas à renouveler connaissance avec mes anciennes dulcinées, car j'avais dans mon logement une charmante petite brune qui, sur la promesse que je lui fis de la protéger contre la brutalité des soldats, partagea sans aucune difficulté mon lit; c'était, disait-elle, pour être plus en sûreté.
Le désordre devint bientôt tel que, pour le faire cesser, il fallut faire sortir toutes les troupes de la ville. Le roi Joseph passa une revue de toute l'armée : il y avait là 90000 hommes d'infanterie et 20 000 cavaliers dont les plus jeunes avaient quatre ans de service (Note : Le roi Joseph avait sous ses ordres (chiffres officiels) : Armée du Centre et armée d'Andalousie, 50000 hommes; Armée de Portugal, 30000 hommes. "Le roi a passé l'armée en revue le 17 novembre 1812 sur les hauteurs du Téjarès au sud-ouest de Salamanque. Il ne sait ni se présenter aux troupes ni parler à l'officier et au soldat - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 192). Quelle déconfiture pour l'armée anglo-portugaise si elle nous avait attendus dans les plaines de Castille !" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Les communications avec Valladolid étant rétablies, le Roi Joseph rentre dans sa capitale. Les Anglais quant à eus sont derrière l'Agueda.
Les 1ères et 7e Divisions, avec une Brigade de Dragons, se trouvent dans les provinces de Zamora et de Benavente.
Le Commandant Giraud écrit :
"Bemalbo (province de Zamora) le 30 novembre 1812.
On ne peut se figurer les difficultés que nous éprouvons, pour correspondre avec nos familles. On peut citer les personnes de notre armée qui écrivent à leurs parents ; certes, il y en a. Mais ces personnes sont au quartier-général ou à proximité de lui; elles peuvent conséquemment profiter de toutes les occasions, de tous les départs des courriers, tandis que moi, je suis souvent trois mois sans le rejoindre et sans pouvoir profiter de rien.
Tant que nous serons en Espagne, il ne faut pas compter sur une correspondance suivie, serions-nous même dans un cantonnement bien, établi.
Depuis plus d'un mois et demi, nous opérons contre l'ennemi, tantôt d'un côé, tantôt d'un autre. Pendant ce temps, toute correspondance avec la France a été interceptée.
Aujourd'hui, je suis relégué dans un mauvais village éloigné de trois lieues du quartier général de ma division. Cet espace quoique court est bien difficile à franchir, en raison des bandes de guérillas qui infestent le pays. Peut-être cette lettre sera-t-elle plusieurs mois dans ma poche, avant de pouvoir être mise à la poste.
Pour le moment, nous n'avons plus d'Anglais en Espagne. Après la bataille de Salamanque (15 novembre 1812), ils ont été tous relégués en Portugal, derrière l'Agueda ; je ne crois pas qu'il leur prenne envie d'en sortir avant le printemps prochain. Aussi, espérons-nous un peu de repos pendant cet hiver, dans nos cantonnements entre le Douero et le Tage.
Toute démarche étant inutile pour obtenir un emploi de major de place à l'intérieur, je recommande à nouveau qu'on n'importune plus personne pour moi" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le roi, avec une partie de l'armée, revint à Madrid et la division fut envoyée à Villa-Pando, à 5 lieues de Toro (Note : Le général Foy, à la tête des 1re et 7e divisions renforcées d'une brigade de dragons, franchissait la Tormès, à Ledesma, poussant devant lui quelques centaines de fuyards de l'armée anglo-portugaise, établissant une de ses divisions vers Zamora, l'autre à Benavente. A la fin de décembre 1812, la 1re division revenait à Avila - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 194-195. Villa-Pando est à quatre lieues de Benavente); en nous rendant à cette ville, nous passâmes par Ledesma où j'appris avec peine la mort de dona Rosa de Pax. Nous entrâmes dans Villa-Pando le 1er décembre 1812 et, pendant le mois que nous y passâmes, on peut dire que nous eûmes tous les agréments dont on peut jouir en Espagne : nous dansions presque tous les soirs avec nos hôesses. J'étais logé chez le vicaire de l'église qui venait de marier sa nièce, fort jolie personne, avec un niais, un vrai Biaise, dont la senora Theresina Garcia n'était pas plus contente qu'il ne fallait. Le senor Garcia fut chargé de fournir et de distribuer le pain aux troupes : sa charmante femme convint avec mon petit domestique que, toutes les fois que son cher époux irait au magasin, il le suivrait et ne reviendrait qu'avec lui, de façon à ce qu'il ne pût jamais nous surprendre car, avec son air simple, il était jaloux comme un Italien. L'heure de la distribution était pour nous le signal de bien doux épanchements" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
La 1ère Division, qui occupait Tavara, vient à Benavente le 13 décembre et y reste jusqu'au 31. Le Régiment est alors renforcé par une Compagnie du 5e Bataillon forte de 300 hommes, venue de Luxembourg et arrivée à Bayonne vers le 29 novembre. Les cadres sont renvoyés au Dépô.
Le 19 décembre 1812, le Lieutenant Frély est blessé, étant en colonne mobile à Morallès-de-Toro.
Le 31 décembre 1812, la 1ère Division, relevée par une Division du Midi, évacue la province de Benavente et se met en mouvement pour aller prendre ses cantonnements dans celle d'Avila.
1813 commence et la fortune de la France vient de succomber dans les plaines glacées de la Russie; l'Europe entière se lève contre nous. Les désastres de Russie obligent l'Empereur, pour continuer la lutte en Allemagne, à puiser encore dans les troupes d'Espagne déjà si affaiblies et à emprunter ses meilleurs eléments : il rappelle le Maréchal Soult et 12,000 Officiers, Sous-officiers et soldats.
Ici s'ouvre une période lugubre, où les documents font défaut, les rapports manquent et n'enregistrent plus les traits de dévouement qui se sont multipliés dans cette lutte désespérée de 1813-1814. On a même peine à se reconnaître parmi les nouvelles formations, et l'on doit se borner à dire que tel élément du Régiment prit part à telle bataille. Cela suffit à établir qu'il paya sa dette au pays.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 1er janvier 1813 nous nous mîmes en route pour Avila; avant d'arriver à la Mota de Toro, qui devait être notre première étape, l'avant-garde surprit 25 hommes de la bande de El Pastor (Note : El Pastor (le berger), célèbre chef de partisans. Parquin raconte sur lui une anecdote curieuse. Parquin, adjudant-major d'un détachement aux ordres du commandant de Varigny du 20e chasseurs à cheval, cantonnait avec un escadron à Nava del Rey, près de Salamanque. Les officiers furent servis par une sorte de Figaro qui les amusa beaucoup. C'était El Pastor qui s'était déguisé pour voir lui-même comment les Français se gardaient et comment ils vivaient. "Je vous en félicite de tout coeur, dit-il dans un billet à Parquin, vous êtes de vrais Carajos (diables) qui savez vivre comme vous savez vous battre. Commeil m'en coûtede me mesurer avec des hommes que j'estime, je vais aller dans une autre province chercher d'autres adversaires" - Voir PARQUIN, p. 249). Ces partisans n'avaient pas eu le temps de brider leurs chevaux; ils se retranchèrent dans une maison et s'y défendirent jusqu'à la mort. Il fallut enfoncer les portes et en sabrer huit pour que les autres consentissent à se rendre. L'adjudant sous-officier Charpentier du régiment se trouvait à l'avant-garde avec les fourriers pour faire le logement : il entra un des premiers dans la maison, sabra deux partisans et prit deux chevaux qu'il revendit bien" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Au 5 janvier 1813, le 69e bivouaque à Villa-el-Pando; le 6, il cantonne à Tordessilas ; le 8 à Fontenoro.
Le Commandant Giraud écrit :
"Villa-el-Panlo, le 9 janvier 1813.
Les gazettes nous ont appris que notre armée a remporté quelques succès sur les Anglais en Castille et dans l'Espagne du midi. C'est à quoi ils ne s'attendaient pas. Les voilà relégués dans le Portugal pour tout l'hiver au moins. Les malheureux soldats espagnols n'en veulent plus; ils rentrent chez eux.
Nous avons toujours contre nous ces maudites bandes de guérillas. Elles ne sont qu'une agglomération de canailles; elles ne nous font pas moins un mal considérable. Elles n'attaquent jamais que les petits détachements, s'arrangent de façon à être toujours quatre contre un. La Navarre et toutes les routes en sont infestées.
La guerre d'Espagne s'éternise. La paix avec le nord de l'Europe pourrait seule la terminer. Dieu veuille que ce soit bientôt.
Depuis quelques jours, le vent du nord est à la tempête. On dit que l'empereur est à Paris. Si cela est vrai, le vent est bon. Mais j'en doute. La conduite des Russes est contradictoire et ne concorde pas avec les bruits répandus ici" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 10 janvier, le 69e est à Rio-Cabado, où il attend qu'Avila soit évacué par l'armée du centre pour y entrer. Cette évacuation se faisant très lentement, ce n'est que le 15 janvier que le 69e cantonne à Avila.
Entre temps, par un ordre du 12 janvier 1813, l'Empereur fait renforcer les 1er et 2e Bataillons par les hommes du 3e et rappelle les cadres de celui-ci au Dépô. Ces cadres doivent parvenir à Luxembourg au mois de mai et être immédiatement remplis à l'aide de recrues pour l'armée d'Allemagne.
Le Commandant Giraud écrit :
"Avila, le 30 janvier 1813.
Nous apprenons que l'empereur est arrivé à Paris le 18 décembre dernier. S'il pouvait y rester et jeter un coup d'oeil sur ses armées d'Espagne, nous serions tous dans le ravissement, car il accorderait certainement à ces dernières les mêmes avantages qu'à celles du nord. Les officiers sont ici dans la plus grande misère. Il a fallu frapper à toutes les bourses pour réunir les fonds nécessaires à une avance. A cet effet, j'ai prêté 1,200 francs au conseil d'administration des bataillons de guerre que le conseil d'administration du dépô paiera à ma femme contre reçu délivré au nom du capitaine Bertrand, notre quartier-maître" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Wellington, sans cesse renforcé, occupe, sur le Duero, Zamora et Toro et s'apprête à reprendre l'offensive.
Joseph Bonaparte s'est replié derrière l'Ebre, le gros de ses forces à Vitoria.
Le 1er mars, le Fusilier Clavel est tué à Avila.
Le Commandant Giraud écrit :
"Avila, le 13 mars 1813.
Je suis dans cette ville depuis plus de deux mois. La solde n'est pas payée depuis, le 12 septembre 1812; les cantonnements sont sans cesse inquiétés par les bandes de Marquinès, de Royo, de Julian et de Morales. Trois capitaines, trois lieutenants du régiment nouvellement promus sont partis pour la grande armée, les trois premiers comme chefs de bataillon; les trois autres comme adjudants-majors. Dans un tel moment, je ne tiendrais pas à recevoir de l'avancement; en ma qualité de méridional, j'opine pour rester dans ce pays jusqu'à la conclusion de la paix avec la Russie.
Pour le moment, nous sommes parfaitement tranquilles ici.
Tout nous annonce cependant une campagne prochaine, et elle sera chaude" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le Capitaine Marcel raconte : "Notre séjour à Avila fut de deux mois et c'est le temps le plus long que nous fussions restés dans une ville depuis notre entrée en Espagne. Le général Foy donnait bal deux fois par semaine et, presque tous les jours, nous faisions avec les principaux habitants du pays des parties de chasse fort agréables : on rentrait rarement sans rapporter 12 ou 15 lièvres, des bécasses et quelques perdrix rouges. J'étais logé chez la veuve Aguezo, dont le mari avait été colonel; cette dame réunissait chez elle une aimable société, composée de plusieurs parents et parentes qui venaient passer leurs soirées chez elle; on faisait de la musique, on chantait, on jouait aux petits jeux. Je fis la connaissance d'une jeune fille qui venait là avec ses parents et se nommait dona Angela; malgré ses promesses, elle me planta là pour un capitaine du 76e qui arrivait de Madrid et qui lui fit plusieurs cadeaux : je dois avouer que je n'en faisais jamais aucun. Je me consolai de mon échec auprès de l'inconstante Angela par une connaissance que me procura le chirurgien-major du régiment; il était logé chez des gens de la plus haute volée qui avaient deux filles aussi spirituelles que jolies; je conduisis l'aînée au premier bal du général Foy et je sus si bien lui faire partager mes sentiments qu'au bout de peu de jours je fus le plus heureux des hommes" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
La 1ère Division reste dans la province d'Avila jusqu'au 25 mars; il n'est fait que quelques colonnes contre les guérillas; elle rejoint alors l'armée du Nord.
Le Capitaine Marcel raconte : "Dans les premiers jours de mars, plusieurs divisions partirent pour la France (Note : Réitérez les ordres pour que les régiments soient resserrés de manière qu'on ne garde qu'autant de bataillons qu'on aura de fois 840 hommes ... Que tous les majors et capitaines à la suite partent sans délai ... ne laissez que ce qui est nécessaire (6 mars1813). "Si vous avez besoin d'officiers et de sous-officiers, l'armée d'Espagne est une pépinière inépuisable : je vous autorise à en faire venir (5 mai 1813) (Correspondance de Napoléon, t. XXV, p. 39 et 316). Suchet envoie à l'armée de l'Est 10183 hommes en janvier, et 9661 le 9 mars avec Beurmann - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult) : la division dite du Midi et la nôre se concentrèrent. Le 25 mars, notre division partit pour aller faire le siège de Castro, petite ville de Biscaye sur les côes de l'Océan à 6 lieues de Bilbao. En passant près de Posa où nous avions escaladé des rochers si abrupts l'année précédente, le 6e léger qui formait l'avant-garde tomba sur 60 hommes de la bande à Mina (Note : Espozy Mina, le plus célèbre chef des partisans espagnols, surnommé le "Roi de la Navarre". Il avait fait paraître la proclamation suivante en 1811 :
"ARTICLE PREMIER. La Navarre déclare la guerre à mort et sans quartier à tous les officiers et soldats français ainsi qu'à leur Empereur.
"ART. 2. Tout officier ou soldat français qui sera pris avec ou sans armes, dans un combat ou non, sera pendu sur les chemins publics en uniforme et on attachera sur son cadavre son nom et le corps auquel il appartient." - Extraits des gazettes espagnoles tirés de l'Edimbourg annual Registar, cité p. 378 par DE ROCCA, Mémoires sur la guerre des Français en Espagne) qui avaient barricadé un pont et prétendaient le défendre. En un clin d'oeil les soldats du 6e léger en prirent 28 et massacrèrent le reste" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Siège de Castro
Le 7 avril, le général Foy, arrivé par Coca et Pénafiel à Lerma le 5, reçoit de Clauzel l'ordre de se diriger sur Orduna, qu'il sait occupé par 200 Espagnols. Après avoir détruit en partie cette petite troupe, il marche sur Bilbao.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 16 avril, ma compagnie était d'avant-garde; à un moment donné mon petit domestique m'amena un cheval que j'avais acheté depuis peu et, pour monter dessus, je lui remis un fusil de chasse et un carnier que je portais toujours avec moi : peu après il aperçut des perdrix à droite de la route et il s'éloigna pour les tirer. Le soir, à l'étape, je l'attendis en vain : je fis toutes les démarches imaginables et pris tous les renseignements possibles, il ne reparut plus. Le colonel, les officiers et même tous les soldats du régiment qui le connaissaient, firent pareillement des recherches, mais toutes demeurèrent infructueuses. Le pays était infesté de partisans, et j'appris plus tard que le malheureux, saisi par une bête fauve de la bande de Mina, avait été mutilé, torturé, puis crucifié la tête en bas : je regrettai longtemps ce pauvre enfant qui m'était tout dévoué et qui m'était aussi cher que le meilleur ami" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Atiéga (Biscaye), le 18 avril 1813.
Un instant, j'ai cru que nous allions guerroyer en Navarre et je m'en réjouissais. J'espérais ainsi me rapprocher de la France; notre destination est changée. Nous avons quitté le 25 mars nos cantonnements d'Avila, entre Salamanque et Madrid, pour venir en Biscaye.
Nous allons donc faire une guerre de montagnes pénible et difficile. Sera-t-elle longue ? ... Qui le sait ? ... Il s'agit de détruire une fourmilière de partisans qui infestent la province et nous barrent la route de Bayonne à Vittoria. Ce serait bien à désirer pour l'arrivage de nos convois et de nos lettres qui ne nous arrivent guère qu'au bout de deux à trois mois" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Foy atteint Bilbao le 21, pour commencer l'investissement de Castro, qu'il est important d'avoir mené à bien avant le retour d'une croisière anglaise, et surtout pour couvrir les derrières de l'armée contre les insurgés.
Dans le but de former aussitôt que possible un équipage de siège, Foy se porte avec une Brigade jusqu'à Islarès, à l'embouchure du Rio Orinon, et réussit à réunir et à embarquer quelques pièces. En attendant que ce matériel revienne à destination, Foy tente un coup de vigueur contre les bandes de Campillo et de Herrero, qui sont rassemblées sur la rive gauche de Rio Azon. Il les disperse et revient vers Castro.
Le 29 avril, les Fusiliers Fatin, Morel, Guerbay, Derruto, le Voltigeur Francq et le Sergent Morizot sont tués au siège de Castro.
Dès le 1er mai, les opérations du siège sont poussées avec activité. Le 69e est à la 1ère Division, 1ère Brigade (Chemineau), avec le 6e Léger. La 2e Brigade est commandée par le Général Bonté.
La tranchée est ouverte dans la nuit du 6 au 7.
Le Capitaine Marcel raconte : "La petite ville de Castro est au bord de la mer et au pied de hautes montagnes couvertes de rochers énormes; elle n'est entourée que de murailles peu épaisses. Nous ne pûmes la cerner que du côté de terre, laissant toujours à l'ennemi une issue par mer; il fallut plusieurs jours pour amener quelques pièces de gros calibre, tant les chemins étaient impraticables, et on ouvrit une espèce de tranchée pour s'abriter, seulement dans les endroits où on ne rencontrait pas le roc. Nous n'eûmes d'ailleurs pas un moment de repos pendant le mois que nous restâmes devant cette bicoque : quand nous n'étions pas de garde ou de tranchée, il fallait aller à 7 ou 8 lieues dans les montagnes pour ramasser le maïs nécessaire à notre subsistance.
La garnison de Castro (Note : Castro-Urdialès. Sa garnison se composait d'environ un millier d'hommes des bataillons du régiment d'Ibérie. Elle était armée de 27 bouches à feu : 7 bricks anglais et 3 chaloupes canonnières espagnoles appuyaient la défense (Rapport du général Foy au général Clauzel). aussitôt qu'on le put, les opérations furent poussées avec activité et, la brèche aussitôt praticable, l'assaut fut donné ... les Anglais se sont rembarqués ... une partie des Espagnols cherche à se sauver sur des barques ... d'autres sont précipités à la mer - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 202-203) n'était que de 800 hommes; ils essayèrent de faire quelques sorties mais nous les reçûmes si mal qu'ils finirent par s'en tenir aux menaces; avant que nos pièces ne fussent en état de faire feu, des femmes du peuple venaient tous les jours nous agoniser de sottises et, soulevant leurs cottes, nous montraient leur derrière.
La brèche ne fut pas longue à faire et, en deux jours, le mur fut abattu. Le général savait que la garnison ne pouvait être faite prisonnière puisqu'elle avait toujours la mer pour se sauver, mais afin d'épargner les habitants qui, après un assaut, deviendraient victimes des soldats, il somma trois fois la garnison d'évacuer la ville. Par une lâche fanfaronnade, le gouverneur espagnol, toujours sûr de se sauver par la porte de derrière, répondit qu'il défendrait la place pied à pied" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Commandant Giraud écrit :
"Siège de Castro-Urdialès, le 10 mai 1813.
C'est pour nous reposer qu'on nous fait faire le siège de Castro. Heureusement qu'il ne sera pas long. La batterie de siège sera terminée demain, 11, à la pointe du jour. On commencera le feu immédiatement. La brèche pourra être praticable le même soir. Tout le monde croit que le 11 au soir, ou le 12 au matin, au plus tard, nous serons maîtres de la ville. On nous promet quelque repos, une fois la place enlevée. Je crains que ce repos ne soit pas long. Nous avons autour de nous de forts partis de guérillas qu'il nous faut détruire avant de pousser plus avant.
Ils ont leur grandeur et leur mélancolie à eux ces vieux remparts de Castro; ils s'effritent, pour ainsi dire, dans leur cirque poudreux de montagnes pelées dominant un paysage fauve et si brûlant qu'on le croirait tendu de peaux de lions.
Le soir, ces montagnes d'un gris vaporeux, miroitent dans l'air d'un crépuscule ressemblant à s'y méprendre à celui d'un paysage de la Palestine; cette église d'un rose de terre cuite, a la couleur des mosquées de l'Islam ; ces maisons à façades lépreuses, sont comme rongées de maladies inconnues.
Inégales, étroites avec des balcons ruinés à tous les étages, les teigneuses et sordides maisons de Castro bordent le rempart. Pareil à de l'or bluté et brûlant, s'aperçoit un ciel de turquoise zébré de nacre rose et moiré de lueurs soyeuses où les êtres et les choses prennent à la fois la dureté du métal, et le luisant de l'étoffe" (Carnet de campagne du Cdt Giraud).
Le 11, la brèche est jugée praticable. Ce jour même, à huit heures du soir, l'assaut est donné.
"Les compagnies d'élite des 2e et 6e légers, des 65e, 69e et 76e de ligne furent rassemblées dans la tranchée, formées en deux colonnes. Le 39e régiment fut placé en réserve pour les soutenir. Grâce à la vigueur de l'attaque, la ville est prise. Une partie des Espagnols cherche à se sauver sur des barques; d'autres, au nombre d'une centaine, essaient de résister dans le château, mais le capitaine Guingret, du 6e léger, à la tête de sa compagnie, les en chasse et les précipite à la mer" (Extrait du rapport du général Foy au général Clauzel).
Le Capitaine Marcel raconte : "L'assaut fut résolu pour le 11 mai à 9 heures du soir; sans que l'ordre en ait été donné, nos soldats avaient d'avance affilé leurs baïonnettes. On croyait que, ainsi que le règlement le prescrit, ce serait les grenadiers qui monteraient les premiers à l'assaut, mais le général, ayant fait assembler les officiers, nous dit que les voltigeurs marcheraient en tête. Les officiers de grenadiers réclamèrent aussitôt le droit que leur conféraient les ordonnances, mais les voltigeurs, flattés de cet honneur, répondirent qu'ils préféraient périr plutôt que de céder la place; il y eut altercation et je faillis aller sur le pré avec Bernachot, capitaine de grenadiers, qui avait haussé le ton. Malgré tout, le général maintint son ordre, et nos voltigeurs, ayant tous bu un bon coup de vin, allèrent à la brèche aussi gaiement qu'à la noce. La division italienne, arrivée l'avant-veille, donnait l'assaut sur un autre point avec des échelles (Note : La division italienne était commandée par le général Palombini qui rentrait en France. Seule, la brigade du général Saint-Paul assista à l'assaut. Elle comprenait 2474 fantassins dont 762 hommesdu 2e léger, 934 du 4e de ligne et 778 hommes du 6e de ligne. Un escadron de cavalerie du régiment des dragons de Napoléon (1 officier, 122 cavaliers) lui était adjoint - J. BELMAS, Journaux des sièges faits et soutenus dans la Péninsule de 1807 à 1814, t. IV, p. 181).
La muraille était toute tombée du côé où nous arrivions et, de l'autre côé, il y avait au moins douze pieds; mais arrivés en haut de la brèche et bien que salués de la jolie façon que vous imaginez, nous ne cherchâmes ni escalier ni échelle : les officiers se précipitèrent et les soldats suivirent. Les défenseurs des murailles eurent à peine le temps de gagner le fort où s'était réfugié le reste de la garnison et qui faisait feu de tribord et de bâbord. Nous recevions à chaque pas des coups de fusil par les fenêtres, par les soupiraux des caves et les pierres tombaient comme la grêle de dessus les toits; mais rien ne nous arrêtait et nous fîmes notre jonction avec les troupes italiennes dont les hommes étaient comme des lions. Le major du 6e léger, qui avait tous les voltigeurs de la brigade sous ses ordres, me chargea d'aller, avec le sous-lieutenant Bataillard, reconnaître s'il était possible de parvenir au fort. Nous partîmes avec le sergent Marisot et le perruquier de la compagnie, mais, arrivés devant les murailles, nous fûmes accueillis par une fusillade telle qu'on aurait dit que chaque coup de fusil était la décharge d'une pièce de petit calibre tirant à mitraille : Bataillard fut blessé à la fesse, Morisot et le perruquier furent tués à mes côés et je dus reconnaître l'impossibilité de pénétrer dans le réduit. Je pris Bataillard dans mes bras et allai faire mon rapport : le major fit barricader toutes les rues conduisant au fort, rechercher des échelles et nous attendîmes la pointe du jour pour escalader les murs.
Toute la nuit les Espagnols entretinrent le feu, criblant la ville de boulets et d'obus qui allumaient des incendies par-ci par-là. Vers deux heures et demie du matin, le jour commença à paraître et, avec des échelles, nous montâmes par les embrasures des canons; abandonnant leurs postes, les Espagnols se précipitèrent vers un escalier, taillé dans le roc, qui conduisait à la mer où des embarcations les attendaient, et gagnèrent vivement le large : une soixantaine d'entre eux qui n'étaient pas arrivés assez tôt furent précipités à coups de baïonnette dans les flots.
L'enceinte de cette espèce de citadelle était spacieuse, une grande église était au milieu : elle servait de magasin à la garnison, et nous y trouvâmes une grande quantité de biscuit, de riz et d'eau-de-vie de France; sur les murailles se trouvaient des fusils, des tromblons abandonnés, tous chargés d'une poignée de balles coupées en quatre, ce qui m'expliquait la fusillade effroyable que j'avais essuyée avec Bataillard. Du côé de la mer était un magasin à poudre en contenant plus de 50 milliers; au moment où j'y arrivai, il avait déjà été envahi par plusieurs soldats du régiment, munis de chandelles allumées : j'avoue que, moins brave que Jean-Bart (Note : Allusion à l'anecdote si connue du combat de Lagos en 1693 où Jean-Bart met sa pipe allumée au-dessus d'un tonneau de poudre défoncé et menace d'y mettre le feu si les Hollandais, qui l'ont assailli, ne se rendent immédiatement), je fus effrayé de cette imprudence et fis déguerpir ces hommes par des moyens un peu vifs.
N'ayant plus personne à combattre, je retournai en ville et fus témoin des horreurs qui se commettent dans une ville prise d'assaut. Nos soldats avaient trouvé quantité de liqueurs, de vin, d'eau-de-vie : tous ou à peu près étaient ivres et ils se pertèrent à des excès abominables, que les officiers furent impuissants à empêcher. Ils jetaient les habitants par les fenêtres, et ces malheureux étaient reçus sur la pointe des baïonnettes ; toutes les femmes furent violées sans que l'enfance ou la vieillesse fussent respectées par le soldat déchaîné. Quelques jeunes femmes et filles, préférant la mort à cette honte, feignirent d'accéder aux désirs brutaux des soldats, mais voulant, disaient-elles, chercher un endroit écarté, elles conduisirent ces kommes au bord de la mer et s'y précipitèrent en cherchant à les entraîner avec elles. On ne voyait dans les rues que cadavres, femmes mises à nu fuyant devant les soldats, surtout les Italiens qui se montraient encore plus animés que les Français. En voulant sauver une femme des mains de ces cannibales, je manquai de recevoir un coup de fusil et ne dus mon salut qu'à un homme du 6e léger qui m'obéit : je parvins à leur faire lâcher cette proie, qui, probablement, devint bientôt celle d'autres forcenés.
Je me remémorais les vers fameux du cours de littérature de M. de la Harpe (Note : Le Cours de littérature, l'ouvrage le plus connu et le seul qui ait une valeur. Paru en 1799).
Hélas ! qu'il est cruel pour de jeunes beautés,
A qui l'hymen gardait de chastes voluptés,
D'assouvir des soldats la brutale insolence.
Le capitaine Callet, des voltigeurs du 1er bataillon, fit une tournée dans les maisons où étaient logés les voltigeurs du régiment et ramassa au moins 40 femmes qu'il amena dans la maison que nous occupions, avec ordre de sabrer le premier soldat qui leur manquerait; ces infortunées, tout en larmes, pleuraient leurs maris, leurs pères, leurs frères, leurs enfants; malgré tout elles ne savaient que faire pour nous remercier et allaient nous chercher des comestibles, des vins exquis qu'elles avaient cachés, en nous disant : "Vous nous avez sauvé la vie qui est plus que tout". Plusieurs étaient jeunes et jolies, mais comment cueillir des baisers amoureux sur une bouche qu'entrouvrent les sanglots !
Le feu avait pris dans différentes maisons, et il s'était tellement propagé que, lorsque nous quittâmes Castro deux jours après, on ne pouvait passer dans la plupart des rues. La garnison, tirée de la division italienne, l'éteignit après notre départ" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 69e a perdu six hommes. Le Capitaine Bataillard est blessé.
Le Commandant Giraud, parti en reconnaissance avec son Bataillon du côé de la vallée de Galdamès, reçoit un coup de feu parti d'un buisson voisin; il est atteint derrière la nuque. Transporté presque mourant, mais respirant encore, chez la marquise d'Otanès, le vaillant Commandant, qui guerroyait presque sans interruption depuis 1792, et qui avait fait toutes les campagnes au Régiment, meurt le 12 à dix heures du soir, laissant deux orphelines dont l'aînée a à peine dix ans, et la plus jeune six.
La lettre ci-jointe en fait foi :
"Le colonel Guinaud, à M. Marion, directeur du service des lits de la 6e division militaire, à Besançon (Doubs).
Bilbao, le 15 mai 1813.
Monsieur,
Il m'est pénible de mettre la main à la plume pour la première fois que j'ai l'honneur de vous écrire, ayant la plus mauvaise nouvelle à vous annoncer. Vous avez perdu votre digne gendre, le commandant Giraud de mon régiment. Blessé le 11 mai, pendant que l'on prenait d'assaut la ville de Castro, il est mort le lendemain des suites de sa blessure.
Vous faites certainement une perte cruelle qui sera particulièrement sensible au régiment et surtout pour moi qui m'attendais à l'avoir pour major à la première occasion. La demande en avait été faite trois fois, et approuvée trois fois par le général de division Foy.
Le Colonel du 69e,
Signé : GUINAUD".
La pièce suivante a son intérêt, au point de vue historique. Elle prouve combien les officiers à cette époque avaient à coeur une tenue irréprochable, même au milieu des travaux les plus pénibles de la guerre :
"Aujourd'hui, treize du mois de may, mil-huit-cent-treize, à dix heures du matin, le conseil d'administration du 69e d'infanterie de ligne, s'est transporté à la maison de la marquise d'Otanès, à l'effet d'inventorier les effets, mules et chevaux .. etc. appartenant au commandant Giraud, Jean-Baptiste né à Château Neuf, département du Var, le 15 janvier 1772, décédé dans la dite maison, hier soir à dix heures, douze du courant, par suite d'une blessure reçue le 11 du même mois, dans une affaire que le détachement qu'il commandait, a eue dans la vallée de Galdamès, avec les troupes espagnoles.
Nous avons commencé par reconnaître deux cantines fermées à clef, appartenant au décédé et dans lesquelles se trouvaient renfermés tous ses effets;
après les avoir fait ouvrir en notre présence, nous y avons trouvé savoir :
Un habit neuf, à revers blanc;
Un frac neuf;
Un pantalon de drap bleu neuf;
Un pantalon de drap presque usé;
Six chemises neuves ;
Dix-sept mouchoirs blancs ;
Un pantalon de drap blanc, neuf;
Une culotte de casimir blanc, neuve ;
Huit gilets blancs;
Une petite veste cle drap bleu, galonné;
Six serviettes;
Deux pièces de perkailles; (sic- probablement, percale)
Deux morceaux de toile;
Un frac presque usé;
Une vieille capote ;
Une paire de bas de soie;
Une paire de bas de coton ;
Quatre paires de chaussettes ;
Une paire de bretelles;
Une paire de souliers, avec boucles plaquées en argent (Note : probablement, un souvenir de la tenue des officiers, en 1792).
Un morceau de galon ;
Une épée avec son ceinturon ; (Note : cette épée a été donnée par la famille au colonel Guinaud)
Quatre rasoirs et une boîte à savonnette.
Trois paires de bottes;
Deux barres de drap ;
Un mouchoir de soie noire;
Une paire d'épaulettes neuves ;
Une paire de vieilles épaulettes;
Deux douzaines de petits boutons d'ordonnance;
Deux crochets de bottes;
Une dragonne en or ;
Une petite dragonne, sans cordon;
Un cachet en or;
Un petit porte manteau ;
Des ciseaux;
Un portefeuille contenant des papiers de correspondance et quatre mille francs, en traites;
Une bourse contenant cinq cent quatre-vingt-seize francs, cinquante centimes ;
Un petit sac contenant cinquante-deux francs, cinquante centimes ;
Deux cantines;
Un bât de mulet;
Un vieux chapeau ;
Un règlement de campagne.
Nous sommes ensuite transportés aux écuries de la dite maison et nous y avons trouvé, savoir :
Un cheval noir entier;
Une mule noire;
Un mulet rouge-
Tous les effets désignés ci-dessus ont été remis dans les deux cantines que nous avons fermées à clef et fait transporter à Bilbao, pour y être vendus avec le cheval, la mule et le mulet que nous y ferons également conduire. Après nous être assurés que tous les objets appartenant au sieur Jean-Baptiste Giraud nous ont été présentés, nous avons clos le présent procès-verbal.
Fait à Otanès en Biscaye, les jours, mois et an que dessus.
Signés : MICHELIN. Le Chef de bataillon, VINCENT.
FOURAIN, capitaine.
CHASTAIGNAN, capitaine.
Le Colonel, GUINAUD".
Le Capitaine Marcel raconte : "Le régiment revint dans les villages que nous avions occupés pendant le siège, et le 2e bataillon rendit les honneurs funèbres au commandant Giraud, mort des suites d'une blessure reçue pendant l'assaut; tous les officiers du régiment vinrent saluer la dépouille mortelle de ce brave" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Il reste à disperser des Bataillons forts de 800 à 900 hommes qui tiennent encore le pays. Après avoir laissé dans Castro la Brigade italienne, et réuni quelques jours de vivres, le général Foy chercha à atteindre les bandes, fortes de 8 à 900 hommes, qui tenaient encore le pays (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 204).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 69e fut envoyé aux environs de Bilbao pour tâcher de surprendre les partisans mais n'y put réussir. Le pays était infesté par de nombreuses bandes, notamment celles de el Pastor (le berger), el Capuchino (le capucin) qui avait pris le général Franceschi, el Ferrero (le forgeron), el Medico (le médecin), el Cura (le curé), el Manco (le manchot), el Cantarero (le potier), el Abuelo (l'aïeul)) : l'expédition se borna à des cantonnements dans d'atroces masures où j'eus la bonne fortune de découvrir un jour une fort belle fille qui y était cachée et qui ne me fut point cruelle.
Le capitaine Guingret du 6e léger remplaça comme chef de bataillon le commandant Giraud, et le lieutenant Rose fut promu capitaine" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
La Division part de Bilbao le 27 mai après midi, avec trois jours de vivres, et s'arrêta à Miravallès et à Lhodio. Le soir, elle se porte sur Villaro, pour cerner le 1er Bataillon de Biscaye : trois Bataillons de Miravallès, par Ceberio, sur Villaro; le 6e Léger et le 69e de Lhodio, par Oroseo, sur Ceanuri.
Le Voltigeur Robinet est tué le 27 mai 1813, à Irun.
- Combat de Ceanuri
"Dans la nuit du 27 au 28 mai, le bataillon du 6e léger et deux bataillons du 69e, sous le commandement du général de brigade Bonté, se sont portés de Lhodio par Oroseo sur Geanuri à l'effet de couper au 1er bataillon de Biscaye, commandé par Mugartegui, sa retraite sur Obida et sur Ochandiana.
Les difficultés énormes de la route suivie entre Arosco et la vallée de Arretia furent cause que la tête de colonne n'a pu arriver à Ceanuri qu'au moment même où la queue de la colonne ennemie traversait ce village. Nos soldats ont jeté leurs sacs et se sont précipités à la baïonnette sur les Espagnols. Ils ont pris huit charrettes chargées de bagages, plus de la moitié du bataillon s'est dispersé dans la montagne, plus de trois cents hommes profitèrent de l'occasion pour s'enfuir et retourner dans leurs foyers" (Lettre du général Foy, de Lequeytio, 2 juin).
Après avoir refoulé le 1er bataillon de Biscaye, Foy se dirige, dans la nuit du 29 au 30, sur Guernica, où le 2e bataillon lui est signalé; il le pousse sur Lequeytio, l'accule à la côe et jette les Espagnols à la mer ou les fait prisonniers.
"Le 29, la 1re brigade se trouve à Berriz, la 2e à Durango. Dans la nuit du 29 au 30, la 2e brigade rencontre les avant-postes ennemis à trois heures du matin à Muniqueta, en même temps que la 1re brigade les rencontrait à Marquina; continuant le mouvement, le 1er bataillon du 69e arrivait sur les hauteurs d'Ixparter, au moment même où le 2e bataillon de Biscaye défilait par le flanc, dans le sentier le long de la mer; une attaque violente et soudaine du 6e léger et du 69e anéantit les compagnies, 360 hommes sont faits prisonniers, 200 se jettent à la mer, le reste se disperse dans les montagnes .... " (Lettre du général Foy, de Lequeytio, 2 juin).
Dans son rapport daté de Pampelune, le 13 juin 1813, le Général Clausel raconte : "… Dans la nuit du 27 au 28, le général Foy dirigea le général Bonté, avec le bataillon du 6e léger et 2 bataillons du 69e sur Ceanuri, à l'effet de couper au 1er bataillon de Biscaye la retraite sur Ubidea et sur Ochandiano ; lui-même se porta avec 3 autres bataillons par Ceberio sur Villaro, Aranza et Dia, afin d'attaquer l'ennemi de front. Il rencontra les avant-postes espagnols à Ceberio : le 1er bataillon de Biscaye, averti par la fusillade, prit les armes et se retira sur Ochandiano, comme le général Foy l’avait prévu. Le général Bonté ayant été retardé par les grandes difficultés du chemin, ne put arriver à Ceanuri qu'au moment même où la queue de la colonne ennemie traversait le village. Les soldats se débarrassèrent alors de leurs sacs, et se jetèrent avec furie sur les Espagnols : ils les culbutèrent, et la moitié du bataillon s'enfuit dans les montagnes; on leur prit huit charrettes chargées de bagages et une partie de la musique. On détruisit le matériel de l'hôpital de Villaro, dont les malades avaient été évacués par leurs parents. Cette dispersion du 1er bataillon de Biscaye lui causa une perte de 300 hommes, qui profitèrent de cette occasion pour retourner dans leurs foyers ...
Dans la nuit du 29 au 30, le général Foy marcha avec la 2e brigade à Guernica, pour attaquer de front le 2e bataillon de Biscaye …
La 2e brigade rencontra les avant-postes ennemis à Maniqueta, en même temps que la première brigade à Marquina. Ortola partit en toute hâte de Guernica, pour se porter à Lequeytio et à Ondarroa. La deuxième brigade le poussait toujours devant elle vers la mer. Le général Bonté ayant parfaitement exécuté le mouvement qui lui avait été tracé, arriva devant Lequeytio avec le 6e léger, et sur les hauteurs d'Yzpater avec le 1er bataillon du 69e, au moment même où le 2e bataillon de Biscaye marchait par le flanc dans un sentier, le long de la mer. Six des compagnies ennemies sortaient de Lequeytio pour aller à Ondarroa, et 2 autres étaient en arrière près d'Yzpater. Aussitôt que les voltigeurs et les carabiniers du 6e léger eurent aperçu les Espagnols, ils se précipitèrent sur eux du haut de la montagne, et les massacrèrent à coups de baïonnette. L'ennemi, adossé à la mer, pêle-mêle avec nos troupes, pensa peu à se défendre. 360 hommes, dont 27 officiers, ont été faits prisonniers ; 200 hommes, parmi lesquels 5 officiers, ont été tués ou noyés : le commandant Ortola s'échappa, et il ne lui resta qu'un officier. Les 2 compagnies qui étaient en arrière, près du village d'Yzpater, se sauvèrent dans les montagnes. Plusieurs soldats se jetèrent dans les chaloupes qui se trouvaient sur la côte ; un brick anglais les recueillit.
Le général Foy n'eut aucun homme tué ou blessé dans cette affaire.
Il se loue beaucoup du courage et de l'infatigabilité de ses troupes. Il renouvelle la demande du grade de chef de bataillon, déjà faite, pour le capitaine Gingret, commandant les voltigeurs et les carabiniers du 6e léger, auquel une partie des succès de cette journée a été due. Il donne des éloges particuliers au zèle et à l'intrépidité qu'ont montrés MM. Bochot et Viret, officiers de voltigeurs; Neumayer et Lardière, officiers de carabiniers; et don Augustin Balaguer, lieutenant de la compagnie des chasseurs à cheval de Zamora, au service de Sa Majesté Catholique …" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 9, p. 448).
Le Capitaine Marcel raconte : "La division recommença ses courses, tantôt aux trousses d'El Pastor, tantôt à celles de Mina ou de Longa, mais ce furent des fatigues inutiles. Voyant que nous ne pouvions saisir les bandes pendant le jour, le général Foy donna l'ordre de ne marcher que la nuit; la chose n'alla pas facilement, surtout pendant les premiers jours : quoique ayant de bons guides, il nous arrivait souvent de nous perdre dans ce pays montagneux, sans chemins, et l'obscurité forçait les soldats à allumer les chandelles dont ils étaient toujours munis : on aurait dit une procession de pénitents. Mais l'ennemi était toujours mieux renseigné que nous et il venait immanquablement de partir lorsque nous arrivions; un matin pourtant, au moment où les 2e et 3e bataillons du régiment arrivaient à la petite ville de Léquétio où ils devaient séjourner, 300 bandits vinrent se jeter dans nos jambes et se rendirent sans résistance (Note : Dans la nuit du 27 au 28 mai 1813, Foy porte sa division en deux colonnes sur Villaro pour cerner une bande dénommée le 1er bataillon de la Biscaye; mais l'ennemi est averti de notre approche et parvient à s'échapper ... De Villaro, par une autre marche de nuit, Foy se dirige sur Guernica, où un autre "bataillon" de la Biscaye lui est signalé; il le pousse sur Lequeytio, l'accule à la côe: ... traqués de toutes parts, les Espagnols ... sont abordés à la baïonnette, jetés à la mer ou faits prisonniers (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 204.) A ce propos, pour prouver le moral de nos fantassins, le général Foy dit "que l'esprit et le sentiment font aller au delà des forces physiques, à la différence des peuples sans passion et des bêtes de somme qui, après un temps donné, succombent sous une certaine charge". El Pastor occupait dans le Guipuscoa une position menaçante pour nos communications ... il finit par se réfugier dans les montagnes de la Navarre - Ibidem, p. 206)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
La 1ère Brigade marche sur Morquina, la Puebla de Aulestia, Ixparter et Lequeytio, la 2e sur Guernica, la Brigade italienne de Bilbao sur Munguia.
"Rapport du général Foy au général en chef Clausel.
Lequeytio, 2 Juin 1813.
Ma division est partie de Bilbao le 27 mai après-midi; elle s'est arrêtée le soir à Miravalles et à Llodio; les soldats étaient pourvus de trois jours de vivres. Je m'étais proposé de combattre le 1er bataillon de Biscaye établi à Villaro et lieux environnants, et le 2e bataillon établi à Guernica. Chacun de ces bataillons a de 800 à 1.000 hommes présents sous les armes; leur influence dans le pays est entière, parce que les officiers appartiennent aux meilleures familles de la province et parce que les soldats sont recrutés par le moyen d'une conscription régulière. Je voulais, si je ne parvenais pas à joindre ces batailIons, les fatiguer par des marches et contremarches continuelles, y provoquer une désertion considérable, détruire leurs hôpitaux et leurs magasins.
Dans la nuit du 27 au 28 mai, M. le général de brigade Bonté, avec le bataillon du 6e léger et deux bataillons du 69e, s'est porté de Llodio par Orozco sur Ceanuri à l'effet de couper au 1er bataillon de Biscaye, commandé par Mugartegui, sa retraite sur Ubidea et sur Ochandiano. J'ai marché avec trois autres bataillons de Miravalles par Ceberio sur Villaro, Aranzazu et Dima, à l'effet d'attaquer l'ennemi de front et de lui enlever tout moyen de retraite. J'ai trouvé les avant-postes espagnols à Ceberio. Le 1er bataillon de Biscaye, averti par la fusillade, a pris les armes et s'est retiré sur Ochandiano comme je l'avais prévu. Les énormes difficultés du chemin, qu'a trouvées M. le général Bonté entre Orozco et la vallée de Arratia, ont été cause que sa tête de colonne n'a pu arriver à Ceanuri qu'au moment même où la queue de la colonne ennemie traversait ce village. Nos soldats ont jeté leurs sacs et se sont précipités à la baïonnette sur les Espagnols. Ils ont pris huit charrettes chargées de bagages et une partie de la musique. Plus de la moitié du bataillon s'est dispersée dans les montagnes. J'ai fait détruire le matériel de l'hôpital de Villaro; les malades avaient été emportés par leurs parents avant notre arrivée. La dispersion du 1er bataillon de Biscaye lui a causé une perte nette de 300 hommes, qui ont profité de l'occasion pour s'enfuir et retourner dans leurs foyers.
Le 29, la 1re brigade de la division est venue à Berriz et la 2e à Durango. Dans la nuit du 29 au 30, j'ai marché avec la 2e brigade sur Guernica pour attaquer de front le 2e bataillon de Biscaye, pendant que le général Bonté avec sa brigade marchait sur Marquina, la Puebla de Aulestia, Izpater et Lequeytio pour lui couper la retraite. J'avais en même temps dirigé la brigade italienne du général Saint-Paul de Bilbao sur Munguia et Bermeo, pour prendre ce qu'on trouverait dans ce dernier endroit et pour empêcher l'ennemi de se retirer par la gauche du canal. Par le fait de ces dispositions, le 2e bataillon de Biscaye, commandé par Artola et regardé comme la meilleure troupe de la province, devait être pressé entre mon infanterie, le canal de Bermeo et la mer. La 2e brigade a rencontré les avant-postes ennemis à trois heures du matin à Muniqueta, en même temps que la 1re brigade les rencontrait à Marquina. Artola est parti en hâte de Guernica pour se porter à Lequeytio et à Ondarroa ; la 2e brigade l'a poussé devant elle vers la mer. Le général Bonté a exécuté parfaitement le mouvement que je lui avais tracé. A 10 heures du matin, le bataillon du 6e léger arrivait devant Lequeytio et le 1er bataillon du 69e sur les hauteurs d'Izpater au moment même où le 2e bataillon de Biscaye défilait par le flanc dans le sentier le long de la mer. Six compagnies sortaient de Lequeytio pour aller à Ondarroa, deux autres étaient en arrière près d'Izpater. Voir les Espagnols, se précipiter sur eux du haut de la montagne, les massacrer à coups de baïonnette a été l'affaire d'un moment pour les braves voltigeurs et carabiniers du 6e léger. L'ennemi, confondu dès le premier instant pêle-mêle avec nos troupes, adossé à la mer, n'a pas eu le temps de se former et n'a pas songé à se défendre. 360 hommes, dont 27 officiers, ont été faits prisonniers. 200 hommes, parmi lesquels cinq officiers, ont été tués ou noyés. Le drapeau a été jeté dans la mer. Le commandant Artola a pu s'échapper. Il ne lui reste qu'un seul officier de son bataillon ; il a perdu ses compagnies de grenadiers et de voltigeurs. Les deux compagnies qui étaient en arrière près du village d'Izpater se sont dispersées dans les montagnes; plusieurs soldats se sont jetés dans les chaloupes qu'ils ont trouvées sur la côe; un brick anglais est venu les recueillir.
Vous apprendrez avec plaisir que cette action ne nous a pas coûté un seul homme tué ou blessé. Un succès si prompt et si complet est dû à la rapidité avec laquelle M. Guingret, capitaine-commandant les carabiniers et voltigeurs du 6e léger, a précipité sa troupe sur l'ennemi. J'ai demandé plusieurs fois le grade de chef de bataillon pour cet excellent officier; je renouvelle aujourd'hui ma demande Je ne peux pas assez vous dire combien je suis satisfait de l'ardeur et de l'infatigabilité avec lesquelles les troupes ont supporté les marches longues et pénibles, dans un des pays les plus difficiles que je connaisse" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 390-392).
- Combat d'Ixparter
Bon pour 14 rations de paille, établi à Vitoria le 2 juin 1813, pour un détachement du 69e de Ligne |
Après avoir parcouru la côe de Guétaria à Berméo pour s'assurer la possession de plusieurs petits ports, où les Espagnols se réapprovisionnaient, le Général Foy se retourne contre le Pastor qui, à la tête de trois Bataillons, occupe dans le Guipuzcoa une position menaçante pour ses communications. Il ordonne pour toutes les troupes de Biscaye une marche concentrique sur Azpeitia. Le Pastor, averti du danger, quitte ses cantonnements et se réfugie dans les montagnes de Navarre.
Abandonnant une poursuite inutile, Foy se dirige sur Tolosa pour protéger le passage d'un grand convoi de fonds, venant de France. Laissant une Brigade pour sa conduite jusqu'à Vitoria, il s'établit à Bergara.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous restâmes douze jours à Léquétio et y fûmes fort bien de toutes façons. J'étais logé chez un riche bourgeois, très versé dans la littérature et auteur de plusieurs ouvrages renommés. Il avait quatre filles, peu jolies mais fort instruites et spirituelles, et parlant toutes le français. La maison possédait un magnifique jardin, donnant au bord de l'Océan, et souvent minuit sonnait que j'y étais encore avec Adèle, l'aînée des quatre; que de ressources j'ai trouvées en cette femme sous le rapport de l'amabilité et de la conversation, et que ces douze jours passèrent donc promptement ! Je n'avais encore jamais rien voulu promettre à aucune femme lorsqu'elle me faisait des offres d'établissement, mais je ne pus résister à Adèle. Soit pressentiment des désastres que nous allions essuyer, soit raisons données par mon hôe qui, au courant de la politique, savait ce qui allait arriver, je fus tenté d'accepter les offres du senor Alvarez, car j'étais bien certain d'être heureux avec Adèle. La nuit de notre séparation fut à la fois bien douce et bien pénible, mais il fallut pourtant se quitter pour ne plus se revoir.
La brigade devait se concentrer près de Bergara mais, en cours de route, les compagnies de voltigeurs du régiment se réunirent à celles du 6e léger pour aller à Irun chercher l'épouse du général Foy qui venait rejoindre son mari et l'escorter jusqu'au quartier général. Deux jours de marche nous suffirent pour gagner presque les frontières de notre patrie que nous saluâmes avec joie et que nous ne devions d'ailleurs pas tarder à franchir.
De retour à Bergara, le régiment fut envoyé en expédition à la petite ville d'Ybar (Note : Ce doit être la ville de Elgo-Ybar qui fait l'objet du rapport suivant du général Foy au général Reille. "... J'appris que Ybar était occupé par le 50e régiment anglais et un bataillon de chasseurs portugais aux ordres du colonel Harrisson ... Cette action a duré peu de temps mais a été vive ... L'ennemi a perdu 30 hommes tués ou blessés, nous avons fait 8 prisonniers"), célèbre par sa manufacture d'armes : quelques paysans nous dirent qu'une grande bataille avait dû se livrer dans les environs de Vitoria, car ils avaient entendu une violente canonnade. L'expédition fut rapidement terminée, et le régiment rejoignit Bergara.
Au moment où nous entrions dans la ville, nous vîmes une troupe en débandade arriver et se jeter dans nos rangs : c'était la garnison de Mondragon qui, sans ordre et sur le bruit que l'armée était en pleine retraite, avait abandonné son poste. Le général Foy, très mécontent du chef de cette troupe, lui ordonna d'y retourner et d'y rester sous peine d'être fusillé : pour plus de sûreté il fit partir avec eux les voltigeurs du 69e. Ma compagnie, dont c'était le tour, prit l'avant-garde, sans avoir posé les sacs ni s'être reposée et fit, sans broncher, les 4 lieues qui nous séparaient de Mondragon. Cette petite ville était déjà occupée par les guérillas qui s'y installaient : je lançai mes tirailleurs mais, aux premiers coups de fusil, tous les partisans s'enfuirent et disparurent dans la montagne" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 16 juin 1813, le Grenadier Caillot est tué à Mondragon.
A Bergara, Foy apprend la retraite de l'armée royale sur l'Ebre et la marche d'une partie des forces de Wellington sur Bilbao. Il reçoit, en même temps, du Roi Joseph l'ordre de coopérer au mouvement du Général Reille qui, partant d'Orduno, doit s'opposer à la marche de Wellington. Il est malheureusement trop tard pour agir. Reille doit se replier et l'armée française se concentrer aux environs de Vitoria.
L'ordre relatif à la concentration ne touche pas Foy. Livré à lui-même, il a réuni, le 19 juin, sa Division à Bergara pour rejoindre Reille. Le 20, il détache deux Bataillons sur El-Orrio, pour assurer la retraite de la garnison de Bilbao; deux autres sur la route de Deba pour se renseigner sur un débarquement possible des Anglais; il laisse à Villafranca la Brigade Deconchi et reste de sa personne avec deux Bataillons à Bergara.
- Combat de Mondragon
Le 22, à la suite de nouvelles alarmantes concernant l'approche de l'ennemi, Foy fait une première reconnaissance sur Mondragon. Il se heurte, avec environ 1.500 hommes, à un Corps de 10.000 à 12.000 ennemis et est obligé d'abandonner Mondragon, mais se maintient à une demi-lieue en arrière de la ville.
Il apprend alors que Wellington a complètement battu l'armée d'Espagne à Vitoria et l'a rejetée sur Pampelume.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous ne savions encore rien sur l'affaire de Vitoria; nous n'avions vu personne, ni fuyard, ni courrier sur la grande route que nous occupions, mais la joie qui était peinte sur le visage des bourgeois et paysans espagnols nous donnait à penser que nous n'avions pas été victorieux; plusieurs soldats du régiment, qui avaient su sans doute la nouvelle par des femmes, dirent à leurs officiers que des courriers espagnols étaient allés partout annoncer que notre armée était en déroute. Vers le soir le général Foy, sur la figure duquel se lisait l'inquiétude, donna l'ordre de départ et envoya à la division italienne, qui était vers Bilbao (Note : La division italienne se composait de deux brigades que commandaient les généraux Balathier et Saint-Paul. La brigade Saint-Paul, qui avait participé aux opérations du siège de Castro, était à Bilbao et rejoignit le général Foy avec les garnisons de Durango, El Ovico et Salinas), l'ordre de marcher à notre rencontre et de se joindre à nous. Je me souviendrai longtemps de cette nuit (Note : Le général Foy, détaché depuis plusieurs mois de l'armée de Portugal, dans la Biscaye ... avait été rappelé trop tardivement de Bilbao vers Vitoria pour pouvoir se réunir à l'armée française ... Foy gagna Irun (J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 111-114). Laissant dans la place de Saint-Sébastien 2000 bons soldats et une centaine de canonniers, Foy ramène ses troupes sur Ernani et Yartzun - GIROD DE L'AIN, Vie militaire dugénéral Foy, p. 213) : toujours en route et n'ayant pas fermé l'oeil depuis cinq jours, la fatigue et le sommeil finirent par m'accabler tellement que je me laissai tomber dans un sillon dès que l'on fit halte : rien ne put me tirer de mon sommeil pendant les deux heures que dura cette halte, pas même la pluie qui tomba pourtant avec une telle violence que j'étais, sans m'en apercevoir, dans un vrai ruisseau.
Ce fut cette nuit-là du 21 au 22 juin que nous eûmes, par quelques fuyards, des détails sur la bataille. Les Anglais, dirent-ils, débouchèrent par où on ne pouvait supposer qu'ils arriveraient; nos troupes, attaquées par derrière et n'ayant pas le temps de recevoir les ordres, se mirent dans une affreuse confusion (Note : On doit attribuer ce désastre aux mauvaises dispositions et à l'entêtement de Jourdan, qui ne voulut tenir aucun compte des observations de plusieurs généraux et persista à garder une position très défectueuse ... Vers midi nos ailes, tout à fait débordées, furent attaquées par des forces considérables. Jourdan, voyant l'aile gauche tournée, la fait rapprocher du centre; 40 pièces contiennent pendant quelque temps les masses anglaises ... mais le général Hill culbute la gauche ... Le roi Joseph, voyant l'ennemi déjà maître de la route de Bayonne, ordonna la retraite par la seule voie qui restât alors, celle de Pampelune, et chargea le comte Reille de la soutenir - D'ESPINCHAL, Souvenirs militaires, t. II, p. 147, 148, 150,151) : il n'y eut que deux divisions de l'armée de Portugal qui se battirent avec un courage héroïque; tout le reste, infanterie, cavalerie, artillerie, fut saisi d'une terreur panique et se sauva si vite et dans des directions si différentes que les Anglais ne ramassèrent que 800 prisonniers, pour la plupart hommes attachés aux
bagages (Note : Les Français avaient un effectif de 49000 hommes environ (Gazan, 22000 hommes; Reille, 7000 hommes; d'Erlon, 10000 hommes); les Anglais en avaient plus de 80000. Nous perdîmes environ 5000 hommes tués ou blessés; beaucoup de prisonniers s'échappèrent, de sorte que l'ennemi n'en garda guère qu'un millier entre ses mains). Le butin fait par l'ennemi était considérable car l'armée française emmenait avec elle ce qu'il y avait de plus précieux dans Madrid, la fortune particulière de plus de 15000 familles espagnoles qui s'étaient dévouées à nous et nous suivaient, 4 millions venus de France et 150 pièces de canon (Note : Les Anglais prirent : 120 pièces de canon, 400 caissons avec plus de 14000 gargousses et environ 2 millions de cartouches, 1500 voitures de bagages, le trésor et les équipages du roi ... Le butin pouvait s'estimer, y compris l'artillerie, le trésor de l'armée, du roi et les fortunes des particuliers, à 100 millions (D'ESPINCHAL, p. 153-154). On vit Anglais et Français puiser en même temps au même tas d'or et remplir leurs poches sans faire attention les uns aux autres (S. BLAZE, Mémoires d'un aide-major). Cf. History of the War in the Peninsule, by NAPIER, livre XX, chap. viii, p. 346-347). Jamais, assuraient-ils, on n'avait vu pareille chose. Au régiment, nous fûmes tous heureux d'apprendre que le comte Reille, ne pouvant parvenir à rallier un seul bataillon, fut heureux de pouvoir faire couvrir la retraite par la brigade du général Fririon, notre ancien colonel, qui ne se laissa pas entamer par l'ennemi et recueillit le roi Joseph qui, culbuté dans un fossé, avait été secouru par un dragon français mais allait tomber aux mains des Anglais. Nous sûmes aussi que Mme Gazan, femme du général chef d'état-major de l'armée de Portugal, était tombée aux mains de l'ennemi avec ses filles.
Notre division, la division italienne et toutes les garnisons que nous avions appelées à nous pouvaient porter à 15000 le nombre d'hommes placés sous les ordres du général Foy; notre artillerie était en bon état et nous avions un général aussi habile en tactique et connaissant mieux la topographie du terrain que le général anglais : nous étions donc en état de faire une retraite honorable (Note : Le général Foy avait 16000 baïonnettes, 400 sabres et 10 pièces - J.-B. DUMAS, p. 113)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 23, Foy envoie une seconde reconnaissance sur l'ennemi de la veille.
Dans la nuit du 24, le mouvement de retraite commence; le Général Foy prend position à Tolosa.
"Rapport du général Foy sur les opérations du 21 au 28 juin 1813.
... Le 25, ... A dix heures du matin, l'ennemi partant d'Alegria, s'est dirigé par la droite dans les montagnes d'Alzo, pour arriver sur la route de Tolosa à Pampelune; il marchait en trois colonnes parallèles et concentriques. La première, formée de 10 bataillons portugais, a emporté la hauteur d'Aléou, où il n'y avait qu'un poste, et où il y aurait eu un bataillon, si les ordres que j'avais donnés eussent été exécutés. J'ai fait marcher à la rencontre de l'ennemi le 6e d'infanterie légère et le 69e et je les ai fait soutenir par la brigade italienne. Un combat très vif s'est engagé ; il a duré tout le jour. Nos troupes n'ont pu reprendre la montagne d'Aléou, mais elles ont empêché l'ennemi de suivre les crêtes qui descendent de cette montagne à Tolosa, et l'ont forcé de faire un long détour : c'était le principal objet que je me proposais. La seconde colonne était composée de la 1re division anglaise; la 3e colonne était composée des 4e et 5e divisions anglaises, restées en colonne sur la route de Vitoria avec une division de cavalerie anglaise; elles avaient envoyé quelques bataillons dans les montagnes à droite de la route. Le corps de troupes qui nous était opposé était commandé par le général Graham.
Vers les cinq heures du soir, les colonnes ennemies avaient dépassé la route de Pampelune; elles descendaient dans la vallée de Babura ; elles se présentaient pour attaquer de front la très forte position d'Iagoz, qui suffisait pour tenir Tolosa, et où j'avais placé le 39e, le 76e et le 105e. Deux régiments anglais ont marché à cette position comme à un assaut ; il a suffi, pour les culbuter, d'envoyer contre eux les compagnies de voltigeurs. La brigade italienne et la 1re brigade de l'armée de Portugal étaient sur le point d'être coupées de Tolosa par le mouvement des Anglais ; elles ont fait retraite. Le 69e arrivait devant les portes de Tolosa en même temps que la tête de la colonne ennemie; il a fallu, pour passer, qu'il marchât dessus, et qu'il la fit refluer sur Ibarra; il y a eu une demi-heure d'action très-chaude. Le 69e régiment est un des meilleurs de l'armée ; il a fallu plusieurs feux de bataillon à bout portant; il a dû charger à la baïonnette; il est rentré à Tolosa sans éprouver une perte considérable. On doit les plus grands éloges à M. Guinand, colonel, et à M. Vincent, chef de bataillon; ces deux braves officiers supérieurs méritent tous deux d'être récompensés ..." (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 397-401; Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 9, p. 440).
Le rapport de Foy, daté du 26 juin, demande pour eux la croix d'officier de la Légion d'honneur. "Ils ont, dit-il, dirigé l'attaque avec l'énergie qui triomphe de tous les obstacles".
Le 69e a supporté pendant un moment tout l'effort des Anglo-Espagnols; il leur résiste victorieusement. Le Lieutenant Gouley, de la 2e Compagnie du 2e Bataillon, qui était avec sa section à plus de cinquante pas de la ligne de bataille, se voit enveloppé par un Régiment écossais. Il n'a avec lui que vingt hommes, la plupart blessés; il refuse néanmoins de se rendre. La section a juré de mourir plutôt que de mettre bas les armes. Déjà sommé deux fois, Gouley se précipite à l'arme blanche sur l'ennemi, se fait une trouée et, sans laisser un seul homme, rentre le dernier dans Tolosa. Grièvement blessé d'un coup de feu pendant l'action, cet intrépide Officier ne veut pas quitter le champ de bataille qu'il n'ait mis tout son monde en sûreté. Il ferme lui-même les portes devant les Ecossais et jette les clefs au pied des remparts, dans la rivière.
Le Régiment perd douze hommes dans cette journée. Ont été tués les Fusiliers Buot, Brié, Ruelle, Sélat, le Voltigeur Belliet, les Fusiliers Coquin, Furez, Gourdon, le Sergent Caillot, les Fusiliers Fornez, Devez et Guichard.
Le Capitaine Marcel raconte : "Dans la journée du 22 juin, nous arrivâmes à Tolosa où passe la grande route de Pampelune; l'ennemi s'était dirigé de ce côé pour essayer de nous couper la retraite. Au moment où les voltigeurs d'avant-garde approchaient, ils virent un régiment portugais se dirigeant vers la ville : les Portugais se retirèrent en voyant arriver le reste de la division et il n'y eut guère que quelques coups de fusil échangés de part et d'autre : les troupes prirent position sur la route de Pampelune, gardant les ponts de la Doria. La position fut maintenue le 23; mais, si cette journée fut tranquille, il n'en fut pas de même de celle du lendemain.
Dès le matin, les Anglais essayèrent de forcer la position (Note : La division Maucune était à Tolosa où elle avait laissé 7 à 800 voitures qu'elle escortait; par ordre du général Foy, elle vient prendre positionau débouché de la vallée de Ségura pour arrêter les Anglo-Portugais. "Le mouvement de retraite, commencé dans la nuit du 24, s'effectue avec ordre malgré les attaques assez vives dirigées par l'ennemi, d'une part contre la division Maucune, d'autre part contre la brigade italienne qui forme notre queue de colonne. Le 24 au soir, Foy prend position à Tolosa et décide d'y tenir toute la journée du 25. L'armée anglo-portugaise, dirigée par le général Graham, s'avance en trois colonnes concentriques pour tourner notre gauche. Par une résistance énergique et savamment calculée, Foy parvient à gagner du temps en obligeant son adversaire à de longues marches de flanc dans les montagnes, puis, au dernier moment, se dérobant à une lutte inégale, il laisse les Anglais venir buter contre le poste de Tolosa qui ferme le défilé. Après avoir repoussé l'attaque et fait subir aux assaillants des pertes considérables, la nuit venue, il se retranche sur la forte position d'Andoain où il est rejoint par de nouveaux renforts venus d'Irun. Du reste, l'ennemi démoralisé ne cherche plus à nous poursuivre" (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 211-212) : le 69e leur montra qu'il n'était pas abattu par les revers et reçut de la bonne façon tous ceux qui se présentèrent; toutes les attaques furent repoussées. Vers les 6 heures du soir le bruit se répandit dans les rangs que nous allions être coupés de la ville par une colonne anglaise qui défilait sur nos derrières depuis longtemps. Aucun trouble ne se manifesta parmi nos vaillants soldats qui continuèrent de se battre sans émotion. Un bataillon du 76e alla s'embusquer dans un défilé que devait suivre cette colonne et l'arrêta instantanément. Nous ne quittâmes nos positions qu'à 9 heures du soir après une journée bien longue pour tous, mais bien courte aussi pour d'autres, car le 69e perdit là 70 hommes et 6 officiers dont 3 morts (Note : Le 69e est un des meilleurs de l'armée; il a fait plusieurs feux de bataillon à bout portant, il a dû charger à la baïonnette; il est rentré à Tolosa sans pertes trop considérables. On doit les plus grands éloges à M. Guinand, colonel, et à M. Vincent, chef de bataillon - Rapport du général Foy sur les opérations du 21 au 28 juin 1813) : je laissai là aussi le sergent Caillot de ma compagnie et le voltigeur Buot, tous deux mes compatriotes et tués glorieusement. En rentrant en ville, ma compagnie qui formait l'arrière-garde fut serrée de près par les Anglais jusqu'au pont : nous en fusillâmes quelques-uns qui s'étaient glissés dans les broussailles sur nos flancs, mais ils ne poussèrent pas plus loin, car deux bataillons du 6e léger, qui furent laissés dans Tolosa, y restèrent jusqu'à 3 heures et nous rejoignirent, sans être inquiétés, à notre bivouac installé à 2 lieues de la ville. L'ennemi ne fit plus aucune tentative d'attaque ..." ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Grenadier Bachelier est tué le 25 juin 1813 à Villa-Franca.
Le Lieutenant ?baig et le Sous lieutenant ?ker ont été tués; le Lieutenant ?ramus est blessé et décède le 16 juillet; le Sous lieutenant Hauffer est blessé et décède le 19 juillet. Le Lieutenant Dauner et le Sous lieutenant Roche sont blessés.
Toute la journée du 25, Foy lutte avec l'aile gauche de l'armée anglaise, pour l'arrêter. La nuit venue, il se replie sur Andoain sans être poursuivi.
Le 26, apprenant que le Général Reille, commandant en chef l'armée de Portugal, est arrivé sur la Bidassoa, Foy considère sa mission comme terminée. Laissant 2.000 bons soldats et 200 canonniers dans la place de Saint-Sébastien, il ramène ses troupes sur Ernani et Oyarzun. Le 1er juillet, il vient camper avec sa Division à la croix des Bouquets sur la rive gauche de la Bidassoa.
Entre le 27 mai et le 1er juillet, il a eu 2 Officiers tués et 2 autres blessés; 15 hommes tués, 65 blessés et 13 prisonniers.
Le Capitaine Marcel raconte : "... notre petite armée se dirigea tranquillement vers la frontière et entra en France par Irun (Note : Foy, ayant appris que Reille, commandant en chef l'armée de Portugal, est arrivé sur la Bidassoa, considère sa tâche comme remplie, se met en relation avec lui et ramène ses troupes sur Emani et Yarzun - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 213), le 1er juillet 1813, avec toute son artillerie, sans avoir perdu une seule voiture de ses bagages et après avoir laissé une bonne garnison dans Saint-Sébastien.
La division fut établie dans les fougères sur la montagne en face du pont de la Bidassoa (Note : La division vient camper à la Croix-des-Bouquets sur la rive gauche de la Bidassoa - Ibid) : on avait d'abord eu l'intention de conserver le pont et on avait établi un fortin de l'autre côé de la rivière, mais ce projet fut abandonné, le fortin (Note : C'était le blockhaus de Béhobie - Cf. J.-B. DUMAS, Neuf Mois avec le maréchal Soult, p. 114) démoli et la position que nous occupions adoptée en fin de compte. Le temps était épouvantable, il pleuvait sans arrêter : les soldats, pour s'abriter, construisirent des petites baraques en fougère, mais l'eau les traversait assez vite et, pendant les trois semaines que nous restâmes là, il fut impossible d'arriver à se sécher. L'ennemi, occupé aux sièges de Pampelune et de Saint-Sébastien, nous laissa en repos" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 5 juillet, le Capitaine Guingret, du 6e Léger, qui s'était trouvé si souvent mêlé aux plus hardis exploits du Régiment, est nommé Chef de Bataillon au 69e. Le gros de l'armée est rentré en France par les cols de Roncevaux et de Maya. Le gros du 69e est resté en Espagne avec la division Foy.
K/ Diverses formations de 1812 - Campagne d'Allemagne, 1813
Dans un "TRAVAIL DE M. LE DIRECTEUR GENERAL AVEC SA MAJESTE (de la main du Général Mathieu Dumas)", adressé au Général Lacuée, Ministre directeur de l’Administration de la Guerre, le 24 janvier 1812, l'Empereur déclare : "... Ainsi, la 2e division, composée de ... La 6e demi-brigade un bataillon du 69e de ligne, un id. du 59e, un id. du 8e, un id. du 124e ...
Les formations de ces demi-brigades et des divisions ne doivent avoir lieu qu'en avril ; je ne les décréterai qu'alors. J'ai voulu pourtant les former sur le papier de suite, parce qu'il est avantageux que l'on connaisse la position que doivent occuper les troupes pour être éclairé sur les pays d'où on doit tirer les conscrits pour les divers corps ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6683 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 29825).
Le 30 avril 1812, Napoléon écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... A la 9e demi-brigade provisoire, vous portez 344 hommes du 29e de ligne qui est à Toulon, pour être versés dans le cadre du 69e. Je n'approuve pas cette disposition ...
A la 10e demi-brigade provisoire ... vous prenez 277 hommes du 69e pour compléter le cadre du 4e bataillon du 76e. J'approuve cette disposition ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7186 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30538).
Le 8 juillet 1812, l'Empereur écrit, depuis Vilna, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... Le 39e a son 4e bataillon à Landau ; le 40e a le cadre de son bataillon disponible ; le 6e léger a son 4e bataillon à Phalsbourg ; les 69e et 76e ont le cadre de leur 4e bataillon disponible ; le 70e a le cadre de son 3e bataillon également disponible ; le 86e a le cadre de son 4e bataillon ; le 22e a le cadre de son 4e bataillon à Maastricht. Ce qui fait donc huit bataillons qu'il faut compléter. Peut-être y en a-t-il encore d'autres ... Les bataillons des 39e, 69e, 22e et 76e formeraient une autre demi-brigade destinée pour la réserve d'Allemagne. L'une se réunirait à Pontivy et l'autre à Wesel ou à Mayence ; faites-moi un projet là-dessus.
Ainsi il faudrait des conscrits pour recruter tant ces huit bataillons, et peut-être d'autres cadres, qui existent déjà en France, que les demi-brigades qui ne sont pas encore complètes. Je crois qu'aussitôt que vous aurez tiré des cohortes les 3.000 hommes de la garde, ce qui se fera facilement, vous pourrez continuer de recourir à la même ressource pour la ligne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7419 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 31155).
En novembre, la 8e Division (Général Ricard) est versée dans le 6e Corps (Duc de Raguse), tandis que le 4e Bataillon, réorganisé au Dépôt, entre dans la composition du 11e.
1/ 4e Bataillon du 69e (21e Régiment provisoire)
Au mois de décembre 1812, la Grande Armée n'existe plus, ses débris échappés de Russie battent en retraite à travers la Prusse de plus en plus hostile à Napoléon.
Un décret impérial du 6 janvier 1813 ordonne la création de trente-quatre Régiments provisoires destinés à protéger leur retraite. Le 6 même 6 Janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre, à Paris : "... Vous verrez par la lettre que je vous ai écrite la formation de quatre corps : un corps d’observation de l'Elbe, un corps d'observation d'Italie et deux corps d'observation du Rhin ...
Il me faut, pour le corps d'observation d'Italie, sans y comprendre les bataillons italiens, 28 bataillons, et 40 bataillons pour chacun des corps d'observation du Rhin, 80 bataillons ; total des bataillons nécessaires, 108.
Il sera formé, à cet effet, 34 régiments provisoires, chaque régiment composé de 2 bataillons ; ce qui fera 68 bataillons ...
Les 34 régiments provisoires seront formés de la manière suivante :
... 21e régiment provisoire : 3e bataillon du 59e de ligne, 4e du 69e ..." (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19425 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32215).
Le 7 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, le 1er corps d'observation du Rhin se réunira à Mayence ; il sera composé :
... 3e division. — 1re brigade : du 10e régiment provisoire, deux bataillons ; du 20e, deux ; du 21e, deux ; total, six bataillons ...
Présentez-moi le développement de la formation de cette armée" (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19433 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32225).
Le 14 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le duc de Feltre, donnez des ordres pour réunir à Mayence, aussitôt que possible, deux bataillons du 22e de ligne, le 10e régiment provisoire, qui se compose des bataillons du 16e et du 28e léger; le 6e provisoire, formé des bataillons du 6e et du 25e léger; le 14e provisoire, formé du 40e et du 34e de ligne; le 24e provisoire, formé du 88e et du 103e; le 21e provisoire, formé du 59e et du 69e; ce qui fera douze bataillons ou une division.
Vous donnerez ordre au général Souham d'aller en prendre le commandement. Le duc de Valmy sera chargé de bien armer et bien organiser ces régiments, dont chaque compagnie doit sortir de Mayence forte de 140 hommes. Vous nommerez sur-le-champ les majors qui doivent commander ces régiments. Vous ferez organiser, aussitôt que faire se pourra, deux batteries pour être attachées à cette division. Vous me ferez connaître quand elle pourra être réunie à Mayence et se porter en bon état sur Francfort, où elle complétera son organisation. Le duc de Valmy pourra même, aussitôt que la 1re brigade, forte de trois régiments, sera formée, l'envoyer à Francfort. Il est important que cette 1re brigade ait d'abord son artillerie ..." (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19448 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32289).
Le 23 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Fontainebleau, au Général Lacuée, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : " ... Je vois dans l'état de situation du 16 janvier du commandant de la 3e division militaire que presque toutes les recrues des 59e, 69e, 103e, 9e léger sont encore en habits de paysans. Cela vient-il du défaut de draps ou du défaut d'ouvriers ?" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32433).
Le 26 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Fontainebleau, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris, au sujet de l'organisation du 1er Corps d'Observation du Rhin ; suit un état qui indique la composition de la 1ère Division : 6e, 10e, 14e, 21e, 24e Régiments provisoires, 22e de Ligne ; Cette Division doit être réunie à Francfort avant le 7 février (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19512 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32484).
Le 4e Bataillon du 69e (commandant Barbouzac), incorporé dans le 21e (avec le 3e Bataillon du 59e), rejoint cette unité à Mayence et est placé à une des divisions du 1er Corps d'observation du Rhin (2e Brigade Général Chasserau; 1ère Division Souham; 3e Corps Ney); les Compagnies doivent être à 140 hommes, et le Comte de Valmy est invité à soigner particulièrement son armement et son organisation.
Le 30 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "... les compagnies des 1er de ligne, 14e, 16e, 47e, 62e, 66e, 69e, 70e, 86e, 121e et 122e (total 10 compagnies) formeront un bataillon de marche des régiments provisoires des corps d'observation du Rhin ; et à fur et mesure que les régiments provisoires dont elles font partie passeront à Mayence, ces compagnies seront incorporées et les cadres rentreront en France ..." (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 734 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32545).
Le 8 février 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, je vous envoie un état que me fait passer le duc de Valmy des différents bataillons qui avaient passé le Rhin au 4 février.
Vous y verrez,
1° qu'il y manque bien des officiers ;
2° qu'il est urgent de pourvoir au commandement des régiments provisoires. Donnez ordre au major du 6e léger, ou à celui du 25e léger (à votre disposition), de se rendre en poste à Francfort, pour prendre le commandement du régiment provisoire n° 6.
Donnez le même ordre au major du 59e ou à celui du 69e pour qu'il aille prendre le commandement du régiment n° 21 ...
Enfin envoyez des majors prendre le commandement de tous ces régiments, en ayant soin de désigner un des deux majors des régiments qui concourent à la formation du régiment provisoire.
Vous n'y comprendrez pas les régiments qui sont à Paris, auxquels j'ai nommé hier des majors en second.
Le capitaine d'habillement, et le quartier-maître commanderont le dépôt jusqu'à ce que vous ayez pu nommer un major en second" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32660).
Le Régiment provisoire doit être rendu à Hanau pour le 14 février. Mais, malheureusement, la Division est loin d'être complète à cette date. Le 13 février seulement, le Général Comte de Souham, mis à sa tête, devient le chef de la 1ère Division (6e, 10e, 14e, 24e, 21e Régiments Provisoires, 22e de Ligne) du 1er Corps d'observation du Rhin, que le Maréchal Ney prend le 17 janvier sous son commandement.
Le 18 février 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, j'ai reçu le livret des 4 corps d'observation.
1er corps d'observation du Rhin. Au 6e régiment provisoire le 25e d'infanterie légère n'a que 630 hommes. Il faut lui donner 200 hommes. Au 14e régiment provisoire, le 34e de ligne n'a que 800 hommes et le 40e que 770 hommes. Il faut leur donner 40 hommes au 1er et 70 hommes au 2nd afin de les porter au grand complet. Il faut également compléter le 21e régiment provisoire composé des 59e et 69e ainsi que le 24e composé du 88e et 103e. Il faut compléter tous ces bataillons ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32815).
Le 23 février 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je réponds à votre rapport du 21 février, bureau du mouvement des troupes ...
Le 69e, dites-vous, à 1100 hommes. Quand il aura fourni 840 hommes à son 4e bataillon, il lui en restera 260. De même, il en restera au 40e 250, et au 25e léger 180.
Il faut observer qu'entre conscrits à réformer, malingres qui ont besoin de rester un an au dépôt, hommes destinés à recevoir leur retraite, enfin ce qui est nécessaire pour le fonds du dépôt, on ne peut pas compter moins de 350 hommes non disponibles par dépôt. Ainsi, aucun de ces régiments ne pourra rien fournir ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32851).
Le 27, la Division gagne Hanau, puis Aschaffenbourg, où son organisation et son instruction sont perfectionnées.
Le 2 mars, le 4e Bataillon du 69e contribue à former la 2e Brigade (Chemineau) de la 8e Division (Souham), 3e Corps, aux ordres du Prince de la Moskova.
Napoléon donne lui-même, le 4 mars, des ordres très précis au Maréchal Ney sur l'instruction de son nouveau Corps d'armée. Le Bataillon du 69e doit cantonner groupé pour faciliter son instruction. L'exercice journalier porte particulièrement sur les ploiements, déploiements et formations en carré. Les hommes doivent avoir deux paires de souliers et quarante cartouches dans le sac.
Le 11 mars, le Bataillon quitte ses cantonnements à destination de Wurzbourg. En cours de route, il apprend que la Prusse déclare la guerre à la France et qu'il est versé dans le 3e Corps nouvellement formé, 8e Division Souham, 2e Brigade Chemineau.
- Commencement des hostilités
Le 25 mars, la Division cantonne à Wurzbourg et reçoit l'ordre de gagner Meimingen sur la Werra. Ney passe la revue de ses troupes et, content de ses conscrits, envoie le lendemain à l'Empereur un rapport où il parle avec les plus grands éloges des jeunes recrues de Souham.
Le 17 avril, au moment où l'Empereur arrive à Mayence, les coalisés sont disposés de la façon suivante : Wittgenstein, avec 20.000 hommes, entre la basse Mulde et la Saale; Winzingerode, avec 12.000, à Lutzen; Blücher, avec 23.000, à Altenbourg, et Tormatow à Dresde et Chemnitz avec 29.000.
Du côé français, Davout est en marche sur Hambourg, le Prince Eugène vers la Haute Saale, Ney sur Erfürth, Marmont sur Eisenach, Bertrand avec Oudinot et la Garde sur Bamberg.
Napoléon, qui n'a pour tout renseignement sur l'ennemi que l'assurance de sa marche vers la Saxe, se porte sur Leipzig.
Le 3e Corps quitte le Grand-duché de Wurtemberg au commencement d'avril pour gagner la Thuringe. Le 18 avril 1813, le Bataillon est à Weimar.
Les 25 et 26, la 8e Division cantonne à Auerstaedt et à Naumbourg, en soutien de l'armée du Prince vice-roi vers Leipzig.
Le 29, elle vient camper en arrière de Weissenfels, tenant par ses avant-postes les routes de Pégau et de Lutzen.
- Combat de Weissenfels
Le lendemain, à la reprise de la marche, Souham se heurte en avant de Weissenfels aux 7.000 Autrichiensdu Général Lanskoï. La Division les culbute et les jeunes soldats du 69e, fiers de leur première victoire, entrent dans Weissenfels au cri de : "Vive l'Empereur !", leur shako au bout de leur baïonnette.
L'Empereur, jugeant que cet entrain est de bon augure, écrit le surlendemain à Jérôme Napoléon : "Ces jeunes gens ont soutenu les charges de la cavalerie et ont marché sur elle avec une ardeur et un enthousiasme qui permettent de tout espérer".
Le 1er mai, des renseignements très précis sur l'ennemi avertissent Ney qu'une bataille est imminente. Il part pour Lutzen avec la 8e Division en avant-garde, le 21e Régiment provisoire en colonne par division, à distance de peloton. Il s'arrête à Kaya et y bivouaque. Le Bataillon a semble t'il combattu le 1er mai à Poserna.
- Bataille de Lutzen
Le matin, la journée s'annonçe calme, lorsque quelques Escadrons de Cosaques apparaissent en avant de Gros-Goerschen. Souham, ayant reconnu l'arrivée de nombreuses colonnes prussiennes, ordonne au Général Chemineau de tenir fortement Gros-Goerschen avec la 1ère Brigade, tandis que la 2e occupera le terrain en avant de Kaya, en repli de la 1ère. Celle-ci, essuyant le feu de 45 pièces et attaquée par plusieurs Divisions ennemies, se retire près de la 2e, après avoir subi de nombreuses pertes. Pendant plus d'une heure, cette poignée de braves résiste aux attaques de front des Prussiens et aux essais d'enveloppement tentés par deux colonnes russes. La huitième Division est épuisée; mais, par sa ténacité, elle donne au Prince de la Moskowa le temps d'arriver.
La Division Gérard et les débris de la 8e reprennent Gros-Goerschen, enlevé par l'ennemi à nouveau, deux heures plus tard.
Le soir, les Régiments, à bout de force, sont mis en seconde ligne. Chemineau a eu la jambe emportée par un boulet. Presque tous les Officiers supérieurs ont été tués ou blessés. Le 69e a eu 3 Officiers tués et 6 blessés. On note le Capitaine Descorailles et le Sous lieutenant Linhard, tués; le Chef de Bataillon Barbonyac, les Capitaines Hancké, Roux de Blaze, Ogoniot, les Sous lieutenants Boissenier et Boizard, blessés.
Composée de conscrits qui voyaient le feu pour la première fois, la Division a perdu 4500 hommes. A la nuit, elle bivouaque près de Kaya. Par sa résistance en avant de la ligne française, elle a tenu tête aux attaques combinées des alliés et facilité leur enveloppement par les deux ailes.
- Retraite de l'ennemi derrière la Sprée
L'ennemi, dès le 4 mai, bat en retraite sur Dresde en deux colonnes. L'Empereur se met à sa poursuite, laissant le troisième Corps en arrière à cause des pertes subies à Lutzen. A la revue passée par le Maréchal Ney, le 5 mai, la 8e Division ne comptait plus que 241 Officiers et 7112 hommes.
Le 6, ayant appris que les alliés tiennent les passages de l'Elbe à Dresde, Napoléon ordonne au Prince de la Moskowa de menacer à Torgau la droite ennemie et ultérieurement de pousser sur Wittemberg et même sur Berlin. La 8e Division traverse Leipzig le lendemain matin à 4 heures, passe la Mulde à Wurtzen et campe derrière Schilda.
Le 11, le Général Thielmann rend Torgau à la 8e Division qui gagne Zeckeritz.
A partir du 12, une Division, dite d'"avant-garde", aux ordres du Comte de Valmy, est constituée au moyen de Bataillons prélevés sur chaque Division.
Dès le lendemain, apprenant qu'aucun danger ne menace l'armée du côé de Berlin, Ney prend sur lui de changer de direction, par Luckau, où la 8e Division arrive le 15, et de marcher sur Hoyerswerda. Ce mouvement est déjà commencé lorsqu'un ordre de l'Empereur lui enjoint de gagner Bautzen. Barclay de Tolly, en effet, est en ligne avec le corps principal ennemi près de ce village.
Dès le 19, la marche est reprise dans des conditions extrêmement pénibles. Le cinquième Corps, arrêté par suite de la mauvaise interprétation d'un ordre, se trouve très en arrière de la position qu'il aurait dû occuper; ses bagages, embourbés dans des marécages, empêchent la 8e Division de déboucher d'Hoyerswerda avant cinq heures du soir. Les hommes sont tellement fatigués qu'il faut bivouaquer sur place.
- Bataille de Bautzen
Le 20 mai, le Maréchal, ignorant des emplacements exacts de Barclay de Tolly, se porte sur Koenigswarta et Klein-Opitz, lorsque, vers deux heures, des Cosaques et des colonnes de cavalerie sont signalés sur les bords de la Sprée par l'avant-garde. La 8e Division pousse rapidement avec l'avant-garde sur les hauteurs de Brehmen, d'où l'on aperçoit "comme dans un panorama" toute la vallée de la rivière, Bautzen, Baruth et même Hochkirch, vision de victoire sur le grand Frédéric. L'ennemi se montre plus nombreux vers Stier et Klix.
Les troupes du Comte de Valmy et de Souham se lancent à l'attaque de ce dernier village pour s'assurer à Stier un passage sur la Sprée. Malgré le feu très vif d'une nombreuse infanterie postée à la lisière et soutenue par du canon, Klix est enlevée aux cris de : "Vive l'Empereur !". Indignés de tant d'audace, les Russes font une héroïque résistance à la sortie de Stier, mais ils en sont expulsés par les baïonnettes françaises.
La nuit venue, la Division bivouaque sur place en carré.
Le lendemain, au petit jour, l'avant-garde du 3e Corps, soutenue par Souham, reçoit l'ordre de déboucher de Stier derrière le 5e. A neuf heures et demie, sous le feu d'une artillerie de gros calibre, postée sur le mamelon de Gleine, la 8e Division sort du village et vient s'abriter en face de la position ennemie, derrière un petit bois. Sur l'ordre de Ney, elle en longe la lisière droite et, malgré un feu terrible de la défense, le mamelon est emporté.
L'Empereur, qui fixe l'ennemi avec quatre Corps, attend avec impatience l'attaque décisive des dix Divisions de Ney sur le flanc droit ennemi; aussi donne-t-il l'ordre au Prince de la Moskowa de précipiter sa marche sur Preititz. Ce village est donné comme objectif à Souham dès que le mamelon est enlevé. Son attaque est très meurtrière, mais dès que Preititz est enlevé, les Russes, dégringolant les hauteurs de Klein-Bautzen, viennent au secours des défenseurs et la Division, épuisée et décimée, se replie vers onze heures et demie et passe en seconde ligne. Au moment de l'attaque irrésistible des 5e et 7e Corps sur Wurschen, ses débris mettent en fuite l'ennemi vers Reichenbach.
Les Régiments campent en avant du village sur une ligne. Ces deux jours de bataille coûtent au 3e Corps : 4362 morts, 5841 blessés et 136 prisonniers. Le Bataillon du 69e a 9 Officiers blessés, dont le Chef de Bataillon ?rbouzac, les Capitaines ?udry, ?nevay, les Lieutenants ?not, Lemoine, Perrot, les Sous lieutenants Portet, Portez et Ducrocq. Le Caporal Houbin a été tué le 21 mai à Bautzen.
- Poursuite après Bautzen
Les alliés se retirent sur Goerlitz par Lobau, Napoléon commence la poursuite le 24. Le 3e Corps ferme la marche à cause des pertes éprouvées depuis le début de la campagne. L'avant-garde, trop faible pour être considérée comme une Division, est dissoute.
Le 26 mai, Souham bivouaque à Schwiebendorf, sans avoir pris part au combat de Hainau.
- Armistice de Pleiswitz
A cette date, l'Empereur entame avec les Alliés des négociations qui aboutissent, le 1er juin, à l'armistice de Pleiswitz.
Pendant la suspension des hostilités la 8e Division construit des baraquements dans une plaine à 20 kilomètres de Liegnitz, en arrière de Parchwitz, sa droite au village de Leschwitz et sa gauche à un bois, ayant, à 600 ou 800 mètres de son front, la Katzbach, coulant de l'est à l'ouest, et, derrière elle, à pareille distance, le petit ruisseau de Leschwitz. Un léger mouvement de terrain de deux kilomètres de longueur orienté est-ouest couvre son front et constitue une belle position pour l'artillerie.
La Division ne compte plus que 197 Officiers et 4871 hommes. Elle a perdu, depuis le 25 avril, 100 Officiers et les deux tiers de son effectif.
Le 14 juin, le Sergent Millet et le Sergent de Grenadiers Guesvert sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur.
Les blessés sont échangés, ainsi que le témoigne une lettre datée du 25 juin, écrite à sa mère par le Sergent de Grenadiers Rémy, du 4e Bataillon du 69e. Parlant d'un de ses camarades : "Je crois qu'il a resté au pouvoir de l'ennemi, mais je crois cependant que actuellement qui est aux hôpitaux français ...". Ce Sous-officier a été blessé à Lutzen et à Bautzen; il fut coupé en deux d'un boulet à Leipzig. Son portrait décorait la salle d'honneur du Régiment.
L'armistice de Pleiswitz est fiévreusement employé au renforcement des troupes engagées.
Le 1er août, les Capitaines Tare, Quesnel, Patru, Rostollant, Aubineau, Faucher, le Sergent Andriol, sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur.
Le 8 août, les Corps reçoivent l'ordre de préparer la fête de l'Empereur. Le 10 au réveil, une salve d'artillerie salue le joyeux anniversaire. Les Régiments reçoivent double ration de vivres et d'eau-de-vie; à une heure, des jeux réunissent Officiers et soldats, qui assistent, à cinq heures, à un dîner fraternel illuminé dans la soirée par un gigantesque feu d'artifice.
Le 15 août, la 8e Division, augmentée de renforts venus de France, comprend 266 Officiers et 8.364 hommes.
- Reprise des hostilités
Le 17 août, les hostilités reprennent. Les coalisés disposent à cette date de quatre armées : 1° celle du Mecklemburg, forte de 30000 hommes opposés à Davout; 2° Bernadotte, avec 120000 hommes, autour de Berlin; 3° l'armée de Silésie (120000 hommes), sous Blücher, qui s'est avancée jusqu'à Breslau malgré l'armistice; 4° enfin, l'armée principale, en Bohême, forte de 330000 hommes, sous les ordres de Schwartzenberg.
Du côé français, Napoléon oppose Oudinot et Bertrand à Bernadotte et garde son armée groupée, son centre à Bautzen, prête à fondre sur Blücher.
La partie va s'engager terrible. Le 20 août, le 3e Corps passe le Bober et gagne les collines de la rive droite, pour couvrir le passage.
- Combat de Naumbourg
Le. 21, Ney reçoit l'ordre de reprendre l'offensive. Rassemblée en arrière de Tillendorf, la 8e Division commence avec la 1ère Brigade l'attaque des ponts de Naumbourg, qui sont enlevés avec beaucoup d'élan.
La 2e Brigade pénètre dans la ville et, à l'abri des clôures et des lisières, joint la première en avant de la lisière opposée.
Quand Souham a tout son monde en main, il donne l'ordre de l'attaque, escalade au pas de charge la colline occupée par l'ennemi et le met en fuite. Il le poursuit jusqu'à onze heures du soir dans la direction de Gross-Hartmannsdorf, où il bivouaque.
Le lendemain, le Corps continue sa marche sur Liegnitz sans aucune résistance de la part de l'ennemi, et la division s'arrête, le 23 au soir, en arrière de Pahlwitz, sur deux lignes, par Brigade, à distance de cent pas.
Le 24, le Prince de la Moscowa reçoit de l'Empereur l'ordre de se rendre au Grand quartier général. Le 3e Corps passe aux ordres de Souham, dont le commandement est exercé à la tête de la Division par le Général Brayer, et fait partie de l'armée du Bober (Duc de Tarente).
Les nouvelles de l'armée des alliés sont mauvaises, car Schwartzenberg marche sur Dresde avec beaucoup de précaution, il est vrai, mais à la tête de troupes considérables.
- Bataille de la Katzbach
Dans le même temps, du côé du Bober, Blücher a pris l'offensive contre Macdonald, dont les forces sont très dispersées.
Le 26 août, sur l'ordre du Maréchal Macdonald de se porter sur la Jauer, la 8e Division, formant tête de colonne, part à midi, par un temps épouvantable, et, arrive au défilé de Kroïtsch vers deux heures et demie. Celui-ci est encombré par la cavalerie et les bagages.
L'infanterie de la 1ère Brigade ne débouche qu'à grand'peine dans la vallée marécageuse. La 2e Brigade, suivant la 1ère, garde l'entrée du défilé et reprend le parc du 11e Corps, qui vient de tomber aux mains de la cavalerie prussienne.
Mais deux colonnes d'infanterie soutenues par douze pièces prennent d'écharpe la droite des deux Brigades, et le Général Brayer fait porter sa Division en arrière sur la crête du col. Là, sa petite troupe résiste jusqu'à la nuit sous une pluie battante, puis recule pied à pied et en bon ordre jusqu'au premier bras de la Katzbach. Ses rives sont très boisées et la nuit épaisse. L'infanterie passe l'eau sous le feu de l'ennemi et se retira sur Goldberg, où elle bivouaque.
La Division a 641 tués, beaucoup de blessés et un grand nombre de disparus.
- Retraite du 3e corps
Macdonald retraite jusque derrière la Queiss. Le 27 août, la marche reprend extrêmement pénible, les hommes ont à subir de grandes privations, par un temps affreux. La Division, presque toujours à l'arrière-garde, poursuivie et talonnée par la cavalerie, se retire sur Hainau. Le 28, elle traverse les ponts du Bober.
- Combat de Bunzlau
Deux jours plus tard, à Bunzlau, elle se réapprovisionne sous le feu de l'ennemi et le 69e a trois officiers hors de combat. Le Capitaine Lemoine, le Lieutenant Bouterin et le Sous-lieutenant Portez sont blessés à Buntzlau le 30 août 1813.
Macdonald, serré de près, ordonne au Général Souham de prendre position en arrière de Tillersdorf pour protéger la retraite. La 8e Division est placée près d'un bois en avant de Buntz, et, après quelques coups de fusil, se retire sur Siegersdorf, où elle bivouaque à onze heures du soir par Brigade en colonnes par Division.
Le 1er septembre, dans le plus grand silence, la marche est reprise sur Goerlitz, la 8e Division toujours à l'arrière-garde.
La retraite continue ainsi jusqu'au 4, dans la soirée. A cette date, un ordre de Napoléon prescrit au 3e Corps de reprendre le mouvement en avant; chacun oublie ses peines, tant il est vrai, pour le soldat français, que marcher de l'avant est aller à la victoire. Vers dix heures du soir, Brayer atteint les hauteurs de Lausken et bivouaque en carrés, par Brigade. Mais cette marche à l'ennemi est de courte durée, le 3e Corps reste en avant de l'Elbe jusqu'au 8 et commence la retraite sur Bautzen; le 10, la 8e Division occupe le ravin de Busenitz, gardant les ponts sur la Sprée. Le 12, elle rompt, à trois heures et demie du matin, par la route de Dresde, en tête du Corps d'armée, et ne change pour ainsi dire pas de position jusqu'au 23 septembre. L'armée semble attendre l'ennemi, qui se garde bien de venir, et manoeuvre pour nous attaquer vers Torgau.
Le 19 septembre, le Chef de Bataillon Carré, le Capitaine Charron, le Lieutenant Giquel, l'Aide major Doussan, l'Adjudant sous officier Peyron, le Sergent major Giroud, le Sergent Maché et le Grenadier Belot sont faits Chevaliers de la Légion d'Honneur.
Le 14e Corps n'ayant pas réussi son mouvement sur Toeplitz, la jonction de Schwartzenberg et des Russo-Prussiens est inévitable; aussi Napoléon songe-t-il lui aussi à concentrer sur l'Elbe son armée en un bloc.
C'est ainsi que, le 28 septembre, au 3e Corps, la 2e Brigade de la 8e Division, placée aux avant-postes à Villersdorf, reçoit l'ordre de gagner Dresde pour garder la passe de Koenigsbruck. Le 30, elle passe l'Elbe à dix heures du matin et s'établit à Meissen à la nuit.
L'armée de Napoléon, que ces marches et contre-marches affaiblissent sans profit, ne cherche que l'occasion de livrer une bataille, mais les coalisés se dérobent constamment.
Par décision de l'Empereur, le 2 octobre, le 3e Bataillon du 69e, qui se trouvait à la 45e Division (14e Corps), est versé dans le 3e Corps et retrouve à la 8e Division le 4e Bataillon. Le 21e Régiment provisoire est licencié et le Régiment conserve son numéro. Le 69e compte au 3e Corps 815 hommes et est incorporé dans la 2e Brigade Bony de la 8e Division Brayer.
Dès le 7, le 3e Corps marche sur Eulenbourg, qu'il atteint dans la soirée; les ponts sont détruits et la ville occupée; il remonte alors jusqu'à Wurtzen par des chemins détrempés et sous une pluie battante et arrive au bivouac le 8, à trois heures du matin.
Le 9, après avoir traversé la Mulde, il se dirige sur Wittenbourg; le 11, la Division gagne Woerlitz et repousse l'ennemi sur son chemin sans s'arrêter; enfin, le 15, elle prend la route de Leipzig.
- Bataille de Leipzig
Le 16, le 3e Corps continue son mouvement sur la ville. Arrivé à hauteur de Mockau, vers onze heures et demie, il entend le canon sur sa gauche.
La 8e Division, soutien du Général Ricard jusqu'à une heure, marche rapidement au secours d'une Division de la Vieille Garde à Doelitz, et arrive à cinq heures du soir. Vers quatre heures, pendant cette marche extrêmement dure, elle rencontre l'Empereur.
Sa Majesté ayant annoncé au Général Souham le gain de la bataille, il lui dit que le 3e Corps est réservé pour "la terminer par un coup de tonnerre". La colonne force l'allure, mais l'ennemi a repassé l'Elster et, vers neuf heures du soir, la 2e Brigade de la Division bivouaque derrière la 1ère en arrière d'un bois, à demi portée de canon de la rivière, sans avoir pu intervenir.
Le 17, le bivouac est levé entre six et sept heures du matin; la Division vient se placer en seconde ligne dans la plaine vis-à-vis des Amthaeuser, et y reste toute la journée à la garde des bagages.
Le 18, elle doit, avant dix heures du matin, occuper Kohlgserten, en liaison avec le 7e Corps à Paunsdorf. Elle rompt à neuf heures, mais reçut l'ordre de laisser Kohlgoerten à droite et de se diriger sur Pfassendorf. A onze heures, la première Brigade se jette à l'attaque de l'aile droite prussienne soutenue par toute l'artillerie et la 2e Brigade. Celle-ci tient en respect les colonnes ennemies, qui essaient l'enveloppement; à midi, l'ennemi ayant disparu laissant l'artillerie, elle se porte au moulin à vent, entre Kohlgaerten et Schoenfeld, sa droite vers Reudnitz.
A ce moment, sur toute la première ligne, le feu devient général. La 9e Division attaque Schoenfeld après un grand nombre d'assauts, un combat acharné se livre. La 2e Brigade se porte à son secours et une partie du village est enlevé. Brayer est blessé d'un boulet et doit céder son commandement au Général Bony. Ce dernier fait rétrograder de deux cents pas toute la Brigade, sous un feu très vif, et se lance à l'assaut de front avec les Bataillons des 28e et 69e, tandis que le 59e tourne par la droite. Cette attaque fait ployer l'ennemi; mais, renforcé à temps, il reprend l'avantage; le combat devient très pénible et, après une demi-heure de corps à corps, la 2e Brigade et la 9e Division se replient.
Diminué de moitié, le 3e Corps va tenter un nouvel effort à neuf heures du soir, quand le Duc de Raguse lui ordonne de se retirer. On obéit en frémissant.
L'infanterie bivouaque dans les chemins creux près de Reichnitz. Cette journée coûte au 3e Corps : 117 Officiers, 5009 hommes tués ou blessés et 459 prisonniers.
Le 19, à quatre-heures du matin, Souham est chargé de la défense de la ville entre la porte de Dresde et celle de Halle.
La 2e Brigade part à cinq heures, formant tête de colonne, relever la Division Dobrowski à Pfassendorf; elle défile homme par homme par une petite porte et se place en avant, à une portée de fusil du pont, dans les dépressions de terrain.
Vers huit heures et demie, des colonnes profondes d'infanterie débouchent et, après un vif combat, la Brigade se rejette sur le village.
Le Corps Souham, dont le chef est hors de combat, a perdu : 122 Officiers, 2742 Sous-officiers et soldats tués ou bléssés et 69 Officiers, 2420 hommes prisonniers. Au 69e, les pertes sont les suivantes :
- 18 octobre : le Capitaine Faucher et le Lieutenant Martinet sont tués; le Sous-lieutenant Quesnel est blessé.
- Sans indication de date : Capitaine ?neau, Sous lieutenants Delamotte de Bernicot et Monteil, tués. Major Ledouné, blessé et mort le 26; Capitaine Demesauge, blessé et mort le 23 décembre; Lieutenant Perrot, blessé et mort le 23 décembre; Sous-lieutenant Chaduc,blessé et mort le 27 octobre; Sous-lieutenant Royer, blessé et mort le 29 octobre. Sont également blessés les Chefs de Bataillon Turc et Raynaud; les Capitaines Dauberte, Bernard (présumé mort), Lemoine (3e blessure dans la campagne), Quesnel (blessé le 18 et le 19); les Lieutenants Boizard, Bouterin, De Gyme, Mozet, Sibert et Perriot; les Sous-lieutenants Bergeret (présumé mort), Cornet, Depret, Ducrocq, Maillard, Paillet, Tesset, Thierry.
Parmi la troupe, on note le Sergent Rémy et le Fusilier Woelflé, tous deux tués le 18 octobre à Leipzig.
- La retraite sur le Rhin
Le passage de Lindenau se fait dans le plus grand désordre; le 20, la Division prend position en arrière de Freibourg, sur la route de Weissenfels, en colonnes serrées par Brigade. La retraite commence.
Le 23, le 3e Corps part dans la direction d'Erfürth et bivouaque à Burdersleben. Enfin, le 24, après des fatigues inouïes, le Corps du Général Souham s'arrête pour se reposer; il faut rallier les éclopés, faire évacuer les malades, distribuer des souliers et des vivres. On ne peut donner que deux paquets de cartouches par homme.
Une revue est passée par les chefs de Corps. Le 69e ne compte plus que 205 combattants en deux Bataillons; le Général Vergez est placé à la tête de la Division.
Le 26, Vergez ouvre la marche vers Fulde, qu'il atteint le 28.
Le 30 octobre, c'est la victoire de Hanau.
Le 1er novembre, le 3e Corps marche sur Mayence et la 8e Division, s'étant établie à Bechltsein, près de Worms, y reste au cantonnement jusqu'au 11.
Le 69e, aux ordres de Brayer remis de sa blessure, comprend, le 5, 22 Officiers et 227 hommes.
Pendant la campagne de 1813, le 69e a été presque entièrement renouvelé, nombre de ses soldats ont jalonné de l'Elbe au Rhin les glorieuses étapes de la retraite. D'autres, blessés ou malades, évacués à Bosserville, reposent près de cette abbaye dans le calme d'un bois touffu et marécageux que le souvenir lorrain a baptisé Etang des Morts.
2/ Nouveau 3e Bataillon
Vers le milieu de janvier 1813, le Dépôt du 69e reçoit avis que le 3e Bataillon, alors à l'armée d'Espagne, est dissous et fondu dans les deux premiers. Ses cadres doivent revenir à Luxembourg en mai pour y être refaits et former ultérieurement un nouveau 3e Bataillon.
Alors que l'armistice de Pleiswitz est en vigueur, en arrière de la Grande Armée, s'organise le Corps d'observation de Bavière. Trois Compagnies du 3e Bataillon (commandant Ledonné), avec les cadres du 3e Bataillon revenus d'Espagne, à l'effectif de 9 Officiers et 410 hommes, sont incorporées dans la 52e Division du Corps d'observation de Bavière; elles arrivent à Mayence fin juin et font effectivement partie de la Division le 30 juin. Mais, dès le 4 août, elles passent à la 2e Brigade de la 45e Division du Général Razout, réunie à Freyberg, et font partie du 14e Corps sous les ordres du Maréchal Gouvion-Saint-Cyr.
Le 4 août 1813, l'Empereur, depuis Dresde, ordonne : "TITRE PREMIER. — Formation d'un XIVe corps.
Article premier. — Il sera formé un XIVe corps d'armée sous les ordres du maréchal comte Gouvion Saint-Cyr.
Art. 2. — Le quartier général du XIVe corps se réunira à Freyberg le 7 du présent mois ...
Art. 4. — L'ordonnateur et toutes les administrations du corps de Bavière seront attachés en la même qualité au XIVe corps et s'y rendront en poste, de manière à être arrivés le 7 prochain à Freyberg.
Art. 5. — Le maréchal Saint-Cyr proposera un général de brigade ou un adjudant commandant pour faire les fonctions de chef d'état-major.
Art. 7. — Le XIVe corps sera composé :
De la 42e division qui sera rendue le 7 à Freyberg ; de la 43e division qui sera rendue le 8 à Chemnitz ; de la 44e division qui sera rendue le 8 à Auma ; de la 45e division qui sera rendue le 8 à Schleiz.
Art. 7. — Les quatre divisions du XIVe corps seront composées de la manière suivante :
... 45e division
6e léger, 3e bataillon.
26e demi-brigade provisoire : 5e de ligne, 3e bataillon; 11e de ligne, 3e bataillon.
Commandé par un major : 8e de ligne, 3e bataillon; 28e de ligne, 4e bataillon.
Commandé par un major : 32e de ligne, 4e bataillon ; 58e de ligne, 4e bataillon.
27e demi-brigade : 81e de ligne, 6e bataillon; 79e de 1igne, 3e bataillon.
18e demi-brigade : 34e de ligne, 3e bataillon; 69e de ligne, 3e bataillon.
60e de ligne, 4e bataillon.
12 bataillons ...
Art. 8. — Le maréchal Saint-Cyr enverra tous les ordres convenables pour opérer leur réunion à Freyberg et à Chemnitz avant le 15 août ...
Art. 20. — Notre major général fera toutes les dispositions nécessaires pour l'exécution du présent ordre" (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 9).
"Ces troupes, dit le Maréchal, étaient en totalité composées de jeunes gens qui n'avaient pas encore atteint l'âge de la conscription...; à peine touchés au sort, ceux-ci étaient partis pour leur dépôt; de là ils avaient été tout de suite dirigés sur Mayence, où on leur avait donné une partie de leur habillement et d'où ils avaient, au plus vite, été mis en route pour Wurzbourg...
Dans cette ville, ils recevaient le reste de l'habillement et de l'armement et étaient envoyés de suite à Freyber... Si l'ennemi avait attaqué le 18 août, la rencontre aurait eu lieu avant qu'aucun soldat d'infanterie du 14e corps eût brûlé une seule amorce de sa vie".
A la 45e Division le 3e Bataillon du 69e ne célèbre pas la fête de l'Empereur. Posté près de Dippoldiswald pour observer les débouchés d'Altenberg, il attend, tout en se préparant aux combats futurs, le 17 août, date à laquelle les hostilités recommencent.
L'ennemi, qui a violé l'armistice, entre en Bohême et le 14e Corps va avoir à supporter le choc formidable de l'armée russo-prussienne de Barclay de Tolly et de Moreau, qui vient s'établir entre Dresde et Leipzig le 21.
Dès le lendemain, les Alliés attaquent les avant-postes du 14e Corps, et ceux-ci, à la nuit, doivent rétrograder d'une lieue en arrière.
- Combat de Roecknitz
La 45e Division, qui occupe une position près de Dippoldiswalde, soutient contre "les Prussiens, dans la journée du 22, sur la route d'Altenberg, un combat fort honorable" (Gonvion-Saint-Cyr), prend position, le 23, sur les hauteurs de Roecknitz, puis rentre à Dresde dans le faubourg de Pirna. La ville a été fortifiée, hérissée de bastions et de défenses accessoires par les soins de la garnison en vue d'une attaque imminente.
- Bataille de Dresde
La 45e Division est chargée à Dresde de garder les ponts de la Friedrichstadt, "depuis cette route jusqu'à l'Elbe au-dessous de Dresde" (Gonvion-Saint-Cyr). C'est le secteur le moins éprouvé pendant l'attaque des coalisés qui, ayant appris la présence de Napoléon dans la ville, se retirent en Bohème après un petit combat qui coûte au 69e un Officier blessé et mort le 30, le Capitaine Patru, quatre Officiers blessés : le Chirurgien aide-major Lespagnol, le Lieutenant Millard, les Sous-lieutenants Mozet et Peignot.
Barclay de Tolly débouche le 4 septembre sur le 14e Corps préposé à la défense des abords immédiats de Dresde, la 45e Division à Borna. Elle est attaquée le 6, vers deux heures du soir, par Ziethen et Wurtemberg, et, après une résistance compatible avec son rôle d'avant-ligne du 14e Corps, elle se retire. Menacée toute la nuit par la cavalerie, elle vient, le 7 au matin, se placer près de Donna.
Sur l'ordre de Napoléon, le 14e Corps se met en route le 10 sur Toeplitz. L'ennemi ayant négligé de tenir cette voie d'accès de la Bohême, l'Empereur veut l'attaquer à revers, par un enveloppement de sa gauche. Mais, dès les premiers jours, les Russo-Prussiens, se rendant compte du danger qui les menace, battent en retraite sur Toeplitz par une autre route. Le dessein de Napoléon est déjoué.
Le 14e Corps reste alors sur ses positions, contenu par les Russo-Prussiens. Le 13 septembre, la 45e Division occupe Borna, gardant le défilé de Geyersberg. Ce jour-là, le Major Jobert, du 69e, est blessé en visitant ses avant-postes.
Les mouvements de troupes (quelques bataillons) deviennent incessants : c'est ce que l'Empereur appelle son "va et vient" destiné à occuper l'ennemi en attendant l'occasion de fondre sur lui.
La Division est très affaiblie par les événements de guerre autant que par les privations de tous genres. La période de repos relatif que l'on traverse est encore plus funeste, car les soldats ont plus de temps pour penser à leur misère.
Le 3e Bataillon du 69e cesse bientôt de connaître ces souffrances; par décision de l'Empereur, le 2 octobre, il quitte la 45e Division, est versé dans le 3e Corps et retrouve à la 8e Division le 4e Bataillon.
En effet, le 2 octobre 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Mon cousin, le 14e corps fournira 13 bataillons, savoir :
10 bataillons au 3e corps ...
Les 10 bataillons que le 14e corps fournira au 3e sont : le 3e bataillon du 6e léger ; le 2e bataillon du 16e léger ; le 3e bataillon du 28e léger ; le 4e bataillon du 40e de ligne ; le 2e bataillon du 59e ; le 3e bataillon du 69e ; le 6e bataillon du 9e léger ; le 3e bataillon du 50e de ligne ; le 4e bataillon du 65e ; le 3e bataillon du 43e ...
Ces 13 bataillons se mettront sans délai en marche pour Dresde, d'où l'état-major les enverra rejoindre leurs corps respectifs ...
Par ce moyen, il n'y aura plus de régiments provisoires au 3e corps, et tous les bataillons d'un même régiment qui sont à l'armée se trouveront réunis.
Faites-moi connaître quelle sera la situation des 8e, 9e, 10e, 13e, 31e, 42e, 43e, 44e et 45e divisions, quand le mouvement de ces bataillons aura été fait. Donnez des ordres pour que ce mouvement s’opère demain. Tous les bataillons passeront à Dresde où vous en ferez la revue pour constater leur situation" (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 219 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 36606).
3/ 6e Bataillon
Vers le milieu de janvier 1813 également, le Dépôt doit pourvoir à la création d'un sixième Bataillon. Ce dernier, envoyé à Cherbourg par Décret impérial du 5 février, forme avec des unités des 34e et 67e la 18e Demi-brigade (5e Division) chargée de la défense du territoire.
Le 5 février, le 6e Bataillon sert à former, avec ceux des 34e et 67e, la 18e Demi-brigade, chargée de la défense du territoire. Ce jour là, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je n'approuve pas la formation des cinquante demi-brigades provisoires, formant cent cinquante bataillons, pour la garde de l'intérieur ; voici de quelle manière ce travail doit être fait ...
FRONTIÈRES DU RHIN ET DE L'OCÉAN.
La défense de la France, depuis les 31e et 17e divisions militaires jusqu’à Besançon et jusqu’à Bordeaux, aura lieu de deux manières : par la formation de bataillons de garnison, composés de compagnies tirées des 5e bataillons et qui tiendront garnison dans nos places fortes, et par la formation de demi-brigades provisoires.
Les demi-brigades seront d’abord au nombre de vingt-quatre pour cette partie de la frontière qui s’étend depuis la 31e division jusqu’à la 11e.
Chaque demi-brigade sera composée de trois bataillons entiers, sans qu’il puisse y entrer, sous quelque prétexte que ce soit, une fraction de 5e bataillon. Ces vingt-quatre demi-brigades seront formées ainsi qu’il suit :
... la 18e demi-brigade, des bataillons des 34e, 69e et 76e ...
Ces vingt-quatre demi-brigades formeront six divisions ; chaque division, quatre demi-brigades ou douze bataillons, savoir :
... La 5e division, à Cherbourg, composée des 5e, 14e 18e et 22e demi-brigades ..." (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19538 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32615).
4/ 5e Bataillon
Tous les Régiments, cités précédemment, dans lesquels ne sont entrés aucun élément des 5e Bataillons, ne doivent pas être confondus avec les Bataillons dits "de garnison", composés exclusivement avec eux et appelés à la défense des places fortes. Ainsi, le 5e Bataillon du 69e, primitivement destiné à former un Bataillon de garnison pour une place forte, reste à Luxembourg.
L/ Campagne des Pyrénées, 1813-1814
A la suite de la funeste journée de Vitoria, Napoléon place sous le commandement du Maréchal Soult toutes les troupes d'Espagne.
En exécution du Décret impérial du 6 juillet, les armées du Midi, du Portugal, du Centre et du Nord prennent le titre d'armée d'Espagne.
Le 12 juillet 1813, Soult arrive à Bayonne et réorganise l'armée qui comprend neuf Divisions réparties en deux ailes, un centre et une réserve.
Foy part le 19 pour Saint-Jean-Pied-de-Port, où doivent le rejoindre les 7e et 9e Divisions. La pluie tombe depuis cinquante jours, les troupes éprouvent des fatigues inouïes dans des chemins de traverse, pour gagner la route de Bayonne.
La Division est placée à Saint-Jean-le-Vieux. Elle fait partie de l'aile droite (Reille).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le maréchal Soult, qui avait été rappelé par l'Empereur à l'ouverture de la campagne d'Allemagne, revint prendre le commandement en chef de notre armée, qui fut réorganisée en moins de quinze jours et mise sur un pied plus respectable qu'avant l'affaire de Vitoria. Jusqu'alors je ne connaissais ce maréchal que de réputation, mais l'activité et l'habileté qu'il apporta à cette importante opération, confirmèrent la haute idée qu'avaient de lui les militaires qui avaient servi sous ses ordres. Il nous passa en revue et nous annonça que nous prenions le nom d'armée des Pyrénées (Note : Le duc de Dalmatie procède à la réorganisation de l'armée qui comprendra 9 divisions et une réserve. Le général Foy reste à la tête de la 1re division, qui, avec la 7e (Maucune) et la 9e (Lamartinière), constitue l'aile droite sous les ordres de Reille. Les généraux Clauzel et d'Erlon commandent respectivement l'aile gauche et le centre, le général Villatte la réserve (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 215). Effectifs : aile droite (Reille), 18000 hommes; centre (d'Erlon), 21000 hommes; aile gauche (Clauzel), 18000 hommes; réserve (Villatte), 15000 hommes - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 123); l'effectif était de 60 000 hommes, malgré le grand nombre de soldats que nous avions envoyés à Dresde, et tous les officiers manquants furent remplacés. Je fus nommé capitaine de voltigeurs et maintenu à la tête de la compagnie que je commandais depuis si longtemps.
Nous apprîmes bientôt la prise de Saint-Sébastien que les Anglais attaquaient vigoureusement mais que la garnison défendait non moins bravement (Note : Saint-Sébastien était défendu par le général Rey, qui avait sous ses ordres 2862 hommes des 1er, 22e, 34e, 62e et 119e régiments de ligne. La garnison était réduite au tiers et n'avait plus un canon en état de faire feu quand elle sortit de la place avec les honneurs de la guerre. "Le général Rey fut fait général de division en récompense de la vigueur qu'il avait déployée. Il prétendit qu'on aurait dû le faire "comte de Saint-Sébastien" et il répéta cette prétention si fréquemment que le sobriquet lui en resta" - Mémoires du général THIéBAULT, t. IV, p. 583, note). Cinq assauts avaient vainement été donnés; le général anglais Hill forma une colonne de 1500 hommes d'élite pour faire un dernier effort : ses premières troupes furent écrasées, mais le feu prit parmi des piles de grenades et d'obus disposés sur le rempart pour être lancés aux attaquants et les deux compagnies de grenadiers qui défendaient la brèche sautèrent en l'air. Les Anglais entrèrent alors dans la ville et la garnison se retira dans la citadelle, où elle fut obligée de capituler quelques jours après, faute de vivres.
Malgré cela, l'ennemi n'eût jamais osé pénétrer en France sans la malheureuse expédition que nous fîmes pour délivrer Pampelune (Note : Le maréchal Soult se décida à un mouvement offensif pour dégager Pampelune, car c'était là que s'était réfugié le roi Joseph après Vitoria; le général Cassan commandait la place. Laissant la réserve de Villatte sur la Bidassoa, il dirige le centre par la route de Bayonne à Pampelune - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 216)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dès les premiers jours, Soult se propose de prendre vigoureusement l'offensive dans le but de dégager Pampelune. Laissant la réserve Villatte sur la Bidassoa, il dirige le centre par la route de Bayonne à Pampelune et réunit les Divisions des ailes dans la vallée de Roncevaux.
Le Capitaine Marcel raconte : "Ce fut le 22 juillet que toute l'armée se mit en mouvement pour marcher sur cette ville.
Les vivres étaient rares et difficiles à se procurer : pour en donner un exemple, il me suffira de dire qu'à Saint-Jean-de-Luz, il fut impossible de partir pour se rendre à la localité fixée pour le cantonnement du régiment : à 9 heures du soir, les rations n'étaient pas encore distribuées. La pluie avait tombé à torrents toute la journée et les états-majors et tous les employés de l'armée avaient pris les logements de la petite ville; on mit le régiment dans les églises. Traversés comme nous l'étions, il ne nous restait qu'à chercher un petit coin pour nous sécher. Le capitaine Thomas, du 3e bataillon, et moi allâmes chez une dame qui, prenant pitié de notre état, nous fit donner un matelas sur lequel nous reposâmes quelques heures plus mollement que dans le meilleur lit. A 4 heures du matin, nous partîmes pour Saint-Jean-Pied-de-Port où nous prîmes les sentiers conduisant aux Pyrénées; ces sentiers étaient pénibles à suivre, tellement étroits qu'on n'y pouvait marcher que par un et tellement dangereux qu'il ne fallait pas chanceler, sous peine de tomber dans des précipices de 100 toises de profondeur" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Foy marche sur le port de Lindux. Le 23 juillet 1813, le Sous lieutenant Cayet est blessé à Pampelune.
Le 24, Foy part à quatre heures de l'après-midi pour gravir les flancs du contrefort rocheux d'Arola, près de la maison dite Ito-Borda.
- Combat d'Achisthof
Le 25, il en atteint le sommet et se dirige par le côé Nord vers le col de Lindux. Le deuxième Bataillon, sous les ordres du commandant Guingret, enlève à la baïonnette la position d'Achisthof, défendue par un Bataillon anglais. Le rapport adressé à l'Empereur, à la suite de cette affaire, loue, dans les termes les plus élogieux, la conduite du 69e (Moniteur du 5 août).
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 25 juin (sic), nous nous heurtâmes aux troupes anglaises gardant les défilés qu'elles avaient retranchés (Note : Dès 1e 25 juin, Wellington avait fait couronner toutes les hauteurs qui aboutissent à Pampelune, notamment la montagne d'Oricain - Mémoire sur la campagne de l'armée française dite des Pyrénées, par PELLOT, p. 29). Bien entendu, les voltigeurs étaient à l'avant-garde du régiment, qui, lui-même, précédait la division. Les premiers postes anglais furent enlevés vivement avant d'avoir eu le temps de se reconnaître et, si la marche eût été continuée rapidement, nous eussions pu nous emparer en un moment de ces passages, sans perdre beaucoup de monde (Note : Le 25 juillet, la 1re division formant tête de colonne de l'aile droite gravit la chaîne qui sépare le Val Carlos de la vallée des Aldules ... arrive au col de Lindux qu'elle trouve occupé par les Anglais ... le combat dégénère en fusillade meurtrière; un brouillard épais permet à l'ennemi de décamper sans être poursuivi - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 216-217). Mais on tâtonna, on attendit que la division fût réunie, puis on voulut régler notre mouvement sur celui des troupes à notre gauche; cette manoeuvre, raisonnable en plaine, ne doit pas être effectuée dans des montagnes inaccessibles où on ne craint point d'être coupé et où chaque colonne doit forcer les passages où elle se trouve sans s'occuper des autres. Si chacun attend que l'autre ait réussi, personne ne fera jamais rien et on restera inactif, ce qui sera tout profit pour l'ennemi (Note : A rapprocher ce que dit Marcel des principes exposés par Kuhn dans son ouvrage sur la guerre de montagnes : "... On voit que l'engagement décisif ne peut avoir dans la montagne le caractère qu'affecterait une bataille rangée livrée dans une plaine ou sur un terrain ondulé, mais qu'il consiste en plusieurs combats isolés, souvent livrés à des jours différents et qui ne donnent de résultat que par leur ensemble. Il n'y a donc ni unité de temps, ni unité de lieu pour une bataille dans la montagne" - La Guerre de montagnes, par le baron DE KUHN, Dumaine,1880, p. 168).
On envoyait compagnie par compagnie contre les Anglais, qui, bien postés dans des retranchements et voyant tout ce que nous faisions, nous fusillaient à découvert. Ma compagnie qui était de 132 hommes, tous solides et vieux soldats, reçut l'ordre d'enlever des tranchées qui contenaient sûrement un bien plus grand nombre d'Anglais; je fis sonner la charge par les cornets et nous marchâmes à la baïonnette, mais, comme nous allions arriver, un planton vint me dire, de la part du colonel, de m'arrêter où j'étais, de faire embusquer mes hommes et de tirailler sans avancer : nous étions dans un fond, couvert de broussailles dont les balles coupaient toutes les branches; jugez quel abri et si nous n'eussions pas préféré marcher en avant. Nous n'étions pas à portée de pistolet des épaulements et j'eus en un instant plusieurs voltigeurs tués auprès de moi : je fus ajusté par un Anglais que, fort heureusement, je vis à temps: je me baissai et la balle traversa mon shako au milieu de la plaque qui portait le numéro 69 : sans mon mouvement, j'étais atteint en pleine figure. Je n'avais pas encore ramassé mon shako, qui avait roulé à terre, que le caporal Dastal avait déjà étendu à terre l'Anglais qui avait tiré : ce brave caporal, vieux soldat qui avait vingt ans de service, fut tué un instant après. J'avais déjà 28 hommes hors de combat lorsque la compagnie de voltigeurs du 1er bataillon et une compagnie de fusiliers de ce même bataillon, vinrent me relever : je recommandai aux deux capitaines de montrer le moins possible leurs soldats, puisqu'on ne voulait pas avancer, mais, malgré tout, ces compagnies perdirent beaucoup de monde.
Le capitaine Callet, des voltigeurs du 1er bataillon, reçut une balle dans le ventre et mourut deux jours après. Ce fut une perte immense, d'abord pour moi qui n'avais pas de meilleur camarade, ensuite pour le 69e qui voyait disparaître un de ses meilleurs officiers, un homme qui aurait pu prendre avec justice la devise du chevalier Bayard. Un vieux serviteur, le sergent Harvier, fut tué à côé de son capitaine. Nous restâmes dans cette position jusque vers 2 heures du matin : à ce moment, une patrouille vint avertir que les retranchements étaient évacués et le régiment se remit en marche. Les Anglais avaient abandonné plusieurs blessés dans les tranchées, ce qui nous étonna beaucoup, car ce n'est pas leur habitude : nous dûmes en conclure qu'ils avaient perdu beaucoup de monde" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Sont blessés au combat du col de Maya le 25 juillet 1813 : le Capitaine ??le (mort le 26), le Capitaine ?al, les Sous lieutenants Coujet (à Pampelune), Hotelain, Erhard et Hux.
Le Lieutenant Roblin est blessé le 25 juillet 1813 à Alba.
Parmi la troupe, on note, tué près de Pampelune les Voltigeurs Portier, Moulin, Julien, les Sergents Mallet, Hervier, les Fusiliers Mallier, Malassi, Ménard, Filiot, les Caporaux Dukem, Gastal, le Fusilier Dolignon, le Voltigeur Duvivier, le Fusilier Carroza, le Caporal Cottenet, le Voltigeur Bajardi, le Fusilier Briantais, le Voltigeur Bourgoin.
Le 26, lorsque le brouillard est levé, les Divisions se mettent en marche, la 1ère rejoint la route de Pampelune, au-dessus de Burguete, et la suit jusqu'à Viscarret, où elle passe la nuit.
Le Capitaine Marcel raconte : "Il fallut, pendant plus de deux heures, traverser des forêts épaisses qui n'avaient sûrement jamais été parcourues depuis l'époque du fameux Roland, puis nous débouchâmes dans la vallée de Roncevaux, où les différents corps de l'armée arrivaient de tous côés pour se rassembler (Note : Pendant que la colonne du centre suivait la grande route de Bayonne à Pampelune, les divisions des ailes devaient se réunir dans la vallée de Roncevaux). Les autres colonnes n'avaient eu à vaincre que de légères résistances, l'ennemi se repliant toujours pour se concentrer plus en arrière" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 27, elle vient former l'extrême-gauche de notre ligne de bataille qui s'étend d'Alzuza à Sorauren.
- Combat d'Abruzo
Elle prend position au-dessus du village d'Abruzo, relié par des postes à la 9e, qui occupe les sommets boisés à gauche de la gorge. Dans la soirée, elle fait une démonstration sur la droite ennemie. Une seconde tentative est faite le lendemain.
Le Capitaine Marcel raconte : "La division appuya fortement à gauche, traversa pendant deux jours des montagnes élevées et désertes, mais facilement praticables, et découvrit enfin devant elle une sorte de plaine assez grande et assez fertile où était la ville de Pampelune; nous pûmes distinguer une citadelle très forte.
Depuis une quinzaine de jours, la division était commandée par le général Maucune et notre brigade par le général Fririon, dont la venue avait été saluée avec joie par les soldats aussi bien du 6e léger que du 69e (Note : La 1re division avait la composition suivante : 1re brigade, général Fririon : 6e léger, 69e de ligne, 76e de ligne; 2e brigade, général Berlier : 36e de ligne, 39e de ligne, 65e de ligne. Les effectifs étaient bien réduits, car ces régiments ne comptaient en tout que 4 654 hommes)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 29, on reste dans l'inaction.
Devant les difficultés de l'entreprise, Soult prend le parti de battre en retraite. Le Corps d'Erlon doit remonter vers le nord et, à partir de Lanz, se diriger vers Saint-Sébastien. Clauzel doit tenir à Sorauren jusqu'à l'arrivée de Reille; suivre ensuite le mouvement de d'Erlon; Reille occupe les vallées de l'Arga, de Mediano et la montagne intermédiaire, dans le but de masquer le mouvement de d'Erlon et de Clauzel.
- Combat de Zavaldira
Le 30, à une heure du matin, Foy descendit au village de Zavaldira et s'établit sur les hauteurs en face de l'ennemi. Vers sept heures, le Corps de Reille est vivement attaqué. La Division Maucune à Sorauren est mise en déroute. Reille se retire.
Le Capitaine Marcel raconte : "Nous étions tout disposés à agir vigoureusement, mais n'en eûmes pas l'occasion. Le gros de notre armée avait suivi la grande route, mais cette route, avant de déboucher dans la plaine dont j'ai parlé, passe au pied d'une position très forte que les Anglais avaient fortifiée; malgré des attaques réitérées, nos troupes ne purent jamais l'enlever et, pendant ce temps, c'est-à-dire pendant quatre jours, nous restâmes, par une chaleur très forte, à contempler la plaine et la ville (Note : La forte position était la montagne d'Oricain, au pied de laquelle est le petit village de Sorauren "... La position de Sorauren devenait de moment en moment plus formidable, les ennemis y arrivaient en foule. Il était glorieux d'entreprendre de pénétrer jusqu'à Pampelune, mais il eût été téméraire de persister à prendre les hauteurs que l'ennemi défendait" (Mémoire sur la campagne de l'armée des Pyrénées, par PELLOT, p. 30). L'attaque de Sorauren a été terrible. Tenter une nouvelle attaque me paraîtrait une folie. Une bataille gagnée débloquerait Pampelune où nous ne pourrions rester ... une bataille perdue conduirait les Anglais aux portes de Toulouse - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 217 et suiv). Je ne sais si, réellement, on voulait délivrer la garnison de Pampelune, mais il est à présumer que, si l'on eût fait passer la majeure partie de notre infanterie et de notre cavalerie par le chemin que la division avait suivi, le gros des forces serait arrivé à une lieue de la ville sans rencontrer d'obstacle, aurait fait facilement sa jonction avec les 4 000 hommes de la garnison, et les Anglais auraient été contraints d'abandonner la montagne contre laquelle se brisèrent les efforts de l'armée.
Après cela, il était urgent de partir, car nous savions que le général Hill détachait sur nous une partie des 30 000 hommes qu'il avait à Saint-Sébastien et, d'autre part, nous n'avions que les quatre jours de vivres emportés de Saint-Jean-de-Luz, et il était impossible de s'en procurer d'autres dans ce pays presque inhabité. Avant que notre mouvement commençât, les Anglais envoyèrent vers la division quelques détachements qui eurent affaire aux compagnies d'élite du 6e léger : le combat fut assez vif et un capitaine de ce régiment fut tué. A la nuit, la retraite commença; nous laissâmes filer le 6e léger et prîmes sa place. Les chemins étaient tellement affreux que, à la pointe du jour, les compagnies de voltigeurs du 69e, qui devaient soutenir la retraite et se mettre en marche les dernières, n'avaient pas encore fait un demi-quart de lieue. Nos hommes avaient le ventre vide car, depuis quatre jours, notre nourriture se composait de quelques pommes de terre cuites sous la cendre : malgré tout ils escaladèrent rapidement le sommet d'une montagne à droite du chemin et nous y prîmes position (Note : Vers sept heures du matin, le canon s'est fait entendre dans la vallée du Médiano ... nous étions obligés de gravir des montagnes pour nous retirer. Sorauren avait été évacué, l'ennemi se précipitait sur la division Lamartinière, culbutait sur le chemin de Sorauren à Lanz les divisions du général Clauzel, prenait la grande route et faisait une pointe sur les contreforts de retraite. La brigade Fririon a été presque coupée.Vers une heure de l'après-midi, ralliement au-dessus du village d'Esain. Il y avait là en tout un corps de 10 à 12000 hommes ramassés confusément des corps de Reille et d'une partie du corps de Clauzel. Il faisait très chaud, les hommes étaient exténués de fatigue. L'ennemi n'a pas poursuivi - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 220).
L'ennemi, paraissait vouloir nous attaquer, mais, vu notre emplacement, nous étions bien sûrs d'avoir l'avantage lorsque, d'un rocher où nous n'aurions jamais cru qu'on pût amener du canon, partirent cinq à six coups à boulets qui tuèrent les deux lieutenants de voltigeurs des 1er et 2e bataillons, huit soldats et emportèrent les jambes à trois hommes de ma compagnie à qui je donnais un ordre. Peu d'instants auparavant, le général comte Reille était venu et avait dit, en ma présence, au général Maucune de ne pas tenir longtemps les positions qu'occupait sa division. En dépit de cet ordre que j'avais distinctement entendu, on tint longtemps, plusieurs mamelons furent chaudement disputés, et finalement ma compagnie et celle du capitaine Thomas restèrent les dernières, très loin de notre régiment mais fort près des Anglais; le général Fririon était resté avec nous. Je lui fis remarquer que les Anglais venaient de mettre sac à terre pour mieux monter et que plusieurs de leurs compagnies étaient bien en arrière de nous sur nos flancs et pouvaient facilement nous couper la retraite : "Morbleu, me répondit-il, vous avez une compagnie de voltigeurs et de voltigeurs du 69e : si les Anglais vous cernent, on fera brèche avec les baïonnettes et, si nous ne pouvons passer, nous mourrons tous ensemble !" La mêlée fut rude, les officiers durent se servir de leurs épées et mon lieutenant, M. Frédure, abattit plusieurs Anglais à coups de pierre. Un officier ennemi nous criait de nous rendre, que nous serions respectés; je lui répondis d'arrêter ses soldats et de venir se mesurer avec moi seul, pour savoir lequel des deux se rendrait; mais il fit la sourde oreille et finalement nous pûmes passer : les Anglais haletants ne pouvaient plus monter et s'arrêtaient à chaque pas. Cette journée fut épouvantable : la chaleur, la fatigue, la faim et la soif nous accablaient, on ne trouvait pas d'eau, même dans les vallons les plus profonds, et plusieurs soldats moururent brusquement en quelques minutes. Nos deux compagnies marchèrent tout le reste du jour et toute la nuit à travers la montagne, sans suivre de chemin, sans rencontrer un village ou une maison, et ce ne fut qu'à l'aube que nous pûmes rejoindre la division. A Saint-Martin d'Arrosa, près de Saint-Jean-Pied-de-Port, des vivres furent enfin distribués et, deux jours après, l'armée avait repris ses positions. Cette fatale expédition nous coûtait au moins 8000 hommes, sans aucun résultat (Note : Nous y laissâmes plus de 8000 hommes - Commandant VIVIEN, Souvenirs de ma vie militaire).
On prétend que Wellington, le soir de la bataille de Vitoria, avait invité à dîner la femme et les filles du général Gazan, prises avec les bagages, et qu'il avait demandé à ces dames si les généraux français avaient perdu la tête. En revenant de Pampelune, nous aurions pu faire la même demande" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
La Division Foy gagne le village d'Etain, où elle se rallie dans l'après-midi. Elle doit ensuite se diriger sur Lanz, pour rejoindre Reille. Le sentier qu'elle suit, au lieu de l'amener dans la vallée, l'oblige à ne pas abandonner la crête. De ce fait, le 30 au soir, la Division est à Irague. Elle en part à huit heures pour rejoindre, près d'Engué, la route qui, de Zubiri, passe par le col d'Ourtiaque.
Le Sous-lieutenant Babot est tué le 30 juillet 1813 devant Pampelune. Parmi la troupe, ont été tués près de Pampelune les Fusiliers Aschiéro, Favin, Haquard, le Grain, Lebrethon, Mignot, Megret, Nusbau, Rouvier, Schorts, le Grenadier Paysan, le Fusilier Rousseau.
La Division stationne au col, pendant la matinée du 31, pour rallier les traînards; puis, dans la journée, la Division vient prendre position au col de Berdaritz.
Le 1er août, Foy se replie, par Saint-Etienne-de-Baigorry, sur Cambo, où il arrive le 2. Entre le 25 juillet et le 2 août, le 69e a eu 2 Officiers et 29 hommes tués; 4 Officiers et 141 hommes blessés et 24 soldats prisonniers. A Cambo, Foy apprend que l'armée est rentrée sur le territoire français et reçoit, le 3, l'ordre de se porter sur Saint-Jean-Pied-de-Port, pour mettre la place en état de défense.
Le 16 août 1813, en exécution des ordres de l'Empereur, le 69e (1081 hommes) est le seul Régiment de la Brigade Fririon qui conserve son aigle et sa musique.
A la fin d'août, Saint-Sébastien, assiégé par les Anglo-Portugais, est sur le point de succomber. Soult se décide à marcher à son secours.
Avec la majeure partie de ses forces, il franchit la Bidassoa. Appelé, le 28 août, au camp d'Ainhoue, près d'Espelette, et mis d'abord à la disposition du Comte d'Erlon, Foy laisse six cents fantassins et deux cents cavaliers en arrière des débouchés de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Le Capitaine Marcel raconte : "Il y eut une période de tranquillité jusqu'au 28 août : ce jour-là, la division alla occuper le camp d'Espelette (Note : Camp de Souraïde près d'Espelette) où nous ne restâmes qu'un jour; à la nuit il fallut partir pour aller tenter le passage de la Bidassoa (Note : Le maréchal Soult tentait une nouvelle démonstration pour secourir Pampelune. La 1re division devait se placer en réserve du corps de Reille. Arrivée à la Croix-des-Bouquets, un contre-ordre l'envoie à Ainhoué pour s'opposer à une attaque possible des Anglais (Cf. G.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne avec le maréchal Soult, p. 185 à 203). Ce combat est connu sous le nom d'affaire de Pont de Vera). Vers 10 heures du soir éclata un orage affreux qui rendit la nuit si noire que l'on ne voyait l'homme qui marchait devant soi qu'à la lueur des éclairs; je tombai dans un chemin creux qui avait bien quinze pieds de profondeur et j'eus le dessous du coude coupé par les pierres: la blessure que j'avais reçue à cet endroit pendant la retraite des Arapiles, se rouvrit aussitôt et me fit terriblement souffrir" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 30 août, la Division reçoit l'ordre de venir à Saint-Jean-de-Luz pour se placer en réserve du Corps de Reille.
Le Capitaine Marcel raconte : "Quand nous traversâmes Saint-Jean-de-Luz, la canonnade roulait déjà depuis la petite pointe du jour; on nous fit presser le pas. Le régiment reçut l'ordre de se former à la gauche du 6e léger sur les hauteurs bordant la Bidassoa : j'envoyai quatre de mes voltigeurs aider à transporter un général de division, le général Lamartinière (Note : Lamartinière (Thomas Mignot de), né en 1768, mort le 5 septembre1813. Général de brigade en 1807, baron en 1808, général de division le 11 février 1813. Fut enterré à Saint-Jeande- Luz. - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne, p. 203, note 2), blessé mortellement, et que deux soldats, blessée eux-mêmes, ne pouvaient soutenir. Le feu commençait à se ralentir et nous n'avions pu débusquer l'ennemi des fortes positions où il s'était retranché : un autre général de division, nommé Van der Maëssen (Note : Ce général, resté avec ses troupes sur la rive gauche de la Bidassoa, conduit lui-même une compagnie pour forcer le passage. Atteint d'un coup de feu, il expire; ses dernières paroles sont des ordres de service (PELLOT, Mémoire sur la campagne de l'armée des Pyrénées, p. 52-53). Il fut enterré au sommet du mont de la Baïonnette), avait été tué aussi et sa division avait perdu beaucoup de monde, Le maréchal Soult vint sur notre front et donna l'ordre au général Maucune d'aller bivouaquer sur la route de Pau. De là les régiments allèrent cantonner dans de pauvres villages autour de Saint-Jean-Pied-de-Port et les soldats furent employés à construire beaucoup de petites redoutes qui ne servirent d'ailleurs jamais" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 31, un contre-ordre la ramène à Ainhoue.
La chute de Saint-Sébastien (8 septembre) met bientôt fin aux démonstrations vaines des deux adversaires.
Soult établit ses troupes d'Hendaye à Saint-Jean-Pied-de-Port (dans les lignes de la Nivelle, de Saint-Jean-de-Luz au mont de Rhune et à Saint-Jean-Pied-de-Port).
Pendant tout septembre et octobre, Foy reste à Saint-Jean-Pied-de-Port. Il organise activement le camp retranché.
Dans les derniers jours d'octobre arrive la nouvelle du désastre de Leipzig, qui va encore accroître l'audace de Wellington.
Par crainte d'une surprise, les troupes sont constamment sur le qui-vive et en formation de combat; la diane est sonnée dès trois heures du matin.
Le 27 octobre, de Vera, Wellington donne son ordre de mouvement pour l'offensive. Le 6 novembre, Foy sait que la Division Hill est dirigée dans la vallée de Bastan. Le 7, il pousse une reconnaissance jusqu'au retranchement d'Altobiscar. On y trouve 300 Anglais, renforcés bientôt par une Brigade de la Division Hill, venue de Roncevaux.
Laissant dès lors, dans le camp, la garnison nécessaire à la défense des ouvrages, Foy se porte avec 6.000 hommes environ à Bidarray.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 7 novembre, le bruit se répandit que l'armée ennemie, composée d'Anglais, de Portugais et d'Espagnols, avait passé la Bidassoa (Note : L'attaque des alliés se prononçait le 7 au matin et la surprise des troupes françaises fut complète : Wellington lançait au même moment 20 000 hommes contre la Rhune et 24 000 hommes pour forcer la ligne de la Bidassoa. Les colonnes lancées au delà de la Bidassoa avaient déjà passé la rivière et étaient sur la rive droite quand l'alarme était donnée aux troupes françaises. Pas un coup de fusil n'avait été tiré devant Hendaye. L'attaque des alliés, dirigée en même temps contre les hauteurs de la Rhune et de la Baïonnette, était également couronnée de succès - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne avec le maréchal Soult, p. 218 et passim). Nous en eûmes confirmation le soir même ..." ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Foy parvient à Bidarray le 8 novembre au soir. De ce point, il est en mesure de manoeuvrer sur le flanc droit de l'ennemi et de le compromettre s'il attaque d'Erlon qui défend le Mondarrain.
Le Capitaine Marcel raconte : "... et, le lendemain 8, toute l'armée fit un mouvement pour s'opposer à l'entrée de l'ennemi en France. Notre division reçut l'ordre de gagner, par Bidarey, les derrières de l'ennemi et de tomber sur les bagages qui étaient restés dans une vallée à deux lieues en arrière : les sacs furent déposés et l'on marcha rapidement" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Afin de préparer l'exécution de ce mouvement, la journée du 9 est employée à étudier le terrain et les moyens d'aborder le mont Gorospile, sur lequel campe la 6e Division anglaise, remplacée à la nuit par la Division espagnole de Morillo et deux Bataillons de Mina.
- Combat de Gorospile ou d'Espelette
Le 10, à sept heures du matin, l'action s'engage. Les lignes françaises sont attaquées et forcées par les Anglais, malgré une belle diversion de la Division Foy qui, partie de Bédarry, débouche par le col de Maya sur les derrières des ennemis.
"Le général Foy au maréchal Soult.
Mont Gorospile, 10 Novembre 1813.
La division que je commande est partie de Bidarray au premier coup de canon qu'on a entendu sur la droite, pour se porter sur le mont Hartza. L'ennemi occupait avec un bataillon la montagne d'Igoustebégui qu'il n'avait pas encore occupée jusqu'à présent. Cette circonstance m'a forcé de masser ma division plus en arrière, afin de ne pas être aperçu. La troupe étant reposée et formée, j'ai fait monterà la montagne d'Igoustebégui. Trois compagnies du 39e ont suffi pour déloger le bataillon ennemi ; le reste des troupes ennemies, c'est-à-dire les six bataillons de la division Morillo et le 3e et le 4e de Mina, formant ensemble une force de près de 5.000 hommes, occupait la forte position du Gorospile. J'ai lancé sur eux en tirailleurs trois compagnies du 39e. La 1re brigade, commandée parle général Fririon, les suivait immédiatement. Les Espagnols ont défendu la position avec autant de bravoure qu'auraient pu le faire les meilleures troupes. Ils ont été abordés à la baïonnette, enfoncés et poussés avec une telle vigueur qu'ils n'ont pas eu le temps de faire halte et de se rallier ni au rocher d'Ausastegui, ni dans les ouvrages défensifs qui sont entre le Gorospile et le col de Maya. On les a culbutés dans la vallée de Bastan, où ils se sont enfuis au-delà d'Errazu. Les équipages de plusieurs régiments d'infanterie et de cavalerie anglaises étaient à Maya, sous la garde d'un détachement de la 6e division anglaise et d'une centaine de chevaux des 13e et 14e dragons. Ces équipages ont été pris ; mon avant-garde allait s'emparer de tous les bagages du corps du général Hill, réunis à Erazzu, quand j'ai appris ce qui se passait au centre de l'armée. Alors j'ai rappelé mes troupes.
Nous avons tué et blessé beaucoup de monde à l'ennemi. Nous avons fait une centaine de prisonniers, parmi lesquels se trouvent un officier et 20 soldats anglais. Les soldats ont pris 150 chevaux ou mules chargés d'effets. Notre perte ne va pas à 180 hommes tués ou blessés; je regrette vivement M. le colonel Guinaud du 69e régiment. Je prie V. E. de donner ce régiment à M. le chef de bataillon Duplan du 39e, officier rempli de capacités et de vigueur. Je dois des éloges particuliers à M. le colonel Thévenet du 39e, à M. le chef de bataillon Guingret du 6e léger, aux capitaines Bazas du 76e et Rose du 69e, au lieutenant Arthur Foy, mon aide de camp, ces trois derniers officiers ont été blessés en enlevant la position du Gorospile" (Girod de l'Ain, Vie Militaire du Général Foy, pages 406-407).
Le Capitaine Marcel raconte : "Ma compagnie formait l'avant-garde. Des bataillons espagnols, que les Anglais avaient laissés en arrière pour garder les bagages et les défilés qui conduisaient de ce côé, furent promptement repoussés et le régiment tomba à l'improviste sur les voitures. Le butin allait être complet lorsque l'ennemi, qui s'était avancé sur Orogne, surpris d'entendre la fusillade sur ses derrières, détacha deux divisions pour venir nous couper la retraite ; nous fûmes forcés de lâcher prise, mais mes voltigeurs prirent quantité de chevaux de main et de hardes des officiers anglais : plusieurs trouvèrent cinq ou six mille francs en portugaises et en quadruples, et si la nuit ne nous eût pas empêchés de continuer, nous eussions certainement fait une expédition fructueuse (Note : Cet engagement est connu sous le nom de combat de Gorospile. Les bagages étaient gardés par environ 5 000 Espagnols de Morillo et de Mina ... Les Espagnols, abordés à la baïonnette, ont été enfoncés et poussés avec une telle vigueur qu'ils n'ont pas eu le temps de faire halte et de se rallier ... On les a culbutés dans la vallée de Bastan, où ils se sont enfuis au delà d'Errazu. Les équipages de plusieurs régiments anglais étaient à Maya sous la garde d'un détachement de la 6e division anglaise et d'une centaine de chevaux des 13e et 14e dragons. Ces équipages ont été pris ... Les soldats ont pris 150 chevaux ou mules, chargés d'effets. Le colonel Guinand du 69e fut tué ... Se sont distingués particulièrement ... le capitaine Rose du 69e - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 406).
J'ai déjà dit que ma compagnie formait l'avant-garde : je veux dire quelques mots sur la bravoure de mes voltigeurs au moment de l'attaque. La compagnie du capitaine Rose vint avec moi quand le régiment se rassembla sur un plateau : nos deux compagnies continuèrent à marcher en avant, les deux capitaines en tête. Je reçus deux balles : l'une traversa la capote que je portais roulée devant moi et s'arrêta au-dessus du téton gauche ; l'autre me coupa la botte gauche et me fit une légère contusion. Pour empêcher l'ennemi de se reconnaître, les braves voltigeurs couraient toujours, une compagnie s'arrêtant et tirant pendant que l'autre avançait et ainsi de suite. Je n'eus que deux tués et huit blessés, et la compagnie du capitaine Rose à peu près autant. Mes voltigeurs enlevèrent une espèce d'étendard qui fut remis au général Maucune : j'ignore ce qu'il est devenu. Le 69e ne perdit qu'un seul officier et ce fut justement le colonel Guinand, qui avait remplacé le colonel Fririon et qui fut frappé d'une balle dans la tête vers la fin du combat; cet infortuné et brave officier avait vingt-neuf ans et quatre mois de service et n'attendait plus que la fin des huit mois qui lui restaient à faire pour demander sa retraite; il laissait une femme qui l'adorait et cinq enfants" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Guinand est tombé mortellement atteint près d'Espelette. Les Capitaines Bernachot, Foy, Rozé, le Lieutenant Bataillard et le Sous lieutenant Hux sont blessés. Parmi la troupe ont été tués le 10 novembre près de Espelette les Voltigeurs Candat, Chapelot, Javellier, le Caporal Devanlay, le Grenadier Lagorguez, le Fusilier Mingalle, les Voltigeurs Maire, Massé, le Fusilier Theyl, le Sergent Vagny, le Fusilier Valton.
En raison de la défaite que le centre français vient d'essuyer, Foy ne peut poursuivre son succès. Il prend alors le parti de battre en retraite sur Cambo, qu'il atteint dans la nuit du 10 au 11. Il améliore la défense de la tête de pont.
Le Capitaine Marcel raconte : "La division battit lestement en retraite, ne resta qu'une heure à Bidarey pour achever le ralliement et nous partîmes pour aller garder le pont de Cambo sur la Nive; le régiment occupa des retranchements que l'on avait établis à un quart de lieue en avant de ce village (Note : La brigade Fririon avait été envoyée à Cambo pour améliorer les défenses de la tête de pont). Ma compagnie occupait une tranchée vers la gauche et mes voltigeurs étaient tellement fatigués qu'ils s'endormirent dès qu'ils eurent déposé leurs sacs. Vers le soir les Anglais parurent et, comme nous nous apprêtions à combattre, plusieurs officiers me crièrent en français de ne pas tirer, leur intention étant de ne pas attaquer, ni maintenant ni la nuit : ils placèrent leurs sentinelles en face des nôres et si près que ces hommes pouvaient se parler; je dois ajouter que ni Anglais ni Français ne se firent de démonstrations hostiles, ce qui arrivait fréquemment en dehors des combats (Note : Au sujet des "relations déplacées et contraires à l'esprit de la guerre" qu'on remarquait alors entre les avant-postes des deux armées, le lieutenant-colonel J.-B. Dumas (Neuf Mois de campagne, etc., p. 218, note 2) cite entre autres exemples le suivant : "Le 43e régiment anglais était réuni en colonne sur un terrain découvert à 20 mètres des sentinelles françaises. Durant plus d'une heure, celles-ci continuèrent à aller et venir comme si elles ne s'apercevaient de rien et avec une sécurité si complète que l'une d'elles déposa son sac à terre. Lorsque les Anglais reçurent l'ordre de marcher, un soldat anglais, quittant son rang, vint engager cette dernière à se retirer et l'aida à remettre son sac au moment où le feu commençait. C'est ainsi que ces vieux soldats comprenaient la guerre."), les soldats de ces deux nations manifestant plutôt une haine commune contre les Espagnols et les Portugais. Malgré tout, je passai la nuit en ne dormant que d'un oeil, quoique je puisse compter sur la surveillance de mes vieux compagnons. En pareille circonstance, il ne faut se fier qu'à soi-même et j'avais pour habitude, dans toutes mes gardes avancées, de laisser reposer la moitié de mon monde et de tenir l'autre sous les armes; de cette façon mes hommes n'étaient jamais accablés de sommeil, et mes sentinelles, que je visitais souvent, n'étaient pas susceptibles de s'endormir et de se laisser surprendre. A la tombée de la nuit, je leur faisais prendre un autre emplacement que celui où l'ennemi les avait vues le jour et je mettais un soin particulier à reconnaître les chemins qui conduisaient de mon poste aux factionnaires afin que, dans les nuits obscures, je ne fusse pas exposé à les dépasser et à recevoir des coups de fusil, ce qui arriva à plusieurs officiers que l'on prit pour des ennemis. D'ailleurs, toutes les fois que ma gourde était remplie, je leur faisais boire une goutte pour les tenir éveillés. Et il me fallait absolument agir moi-même, car je ne pouvais compter pour cela sur mes deux officiers, le lieutenant Frédure et le sous-lieutenant Gremont de Courtranges; tous deux étaient de bons officiers, fort dévoués et très braves, mais la jeunesse les accablait de sommeil et le second surtout était comme le prieur de Vendôme (Note : Vendôme (Philippe de) dit le Grand Prieur, né en 1655, mort en 1727, avait tous les défauts de son frère sans en avoir les qualités. Paresseux, entêté, brutal, digérait sur place comme un boa le vin et les viandes dont il se gorgeait à chaque repas) : il dormait si fort que souvent j'étais obligé de lui passer les molettes de mes éperons sur les jambes pour l'éveiller" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dans la soirée du 10, l'armée anglo-espagnole établit son Quartier-général à Saint-Jean-de-Luz et l'armée française prend position derrière la Nive.
- Premier combat de Cambo
Le 12, Foy est attaqué dans la tête du pont de Cambo; la Brigade Fririon combat à Halson jusqu'à la nuit. La pluie qui tombe à torrents met fin à l'action.
Le Capitaine Marcel raconte : "La journée du 11 novembre se passa bien tranquillement, mais, le 12 novembre, la cavalerie anglaise parut subitement en masse sur la droite de la compagnie et força à la retraite plusieurs sections qui avaient été presque surprises : en même temps je voyais l'infanterie s'avancer vers moi comme pour m'attaquer (Note : Le 12 novembre, vers midi, les colonnes anglaises se montrent, se disposant à franchir les gués soit en amont à Ptsassu, soit en aval à l'Aressore ... Le feu s'engage de part et d'autre entre la brigade Fririon et les Anglais et dure jusqu'à la nuit ... la pluie se met à tomber à torrents ... la Nive grossie n'est plus guéable - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 228). Je fis prendre les armes et, au même instant, l'adjudant-major Gugliéry arriva au grand galop me porter l'ordre de me retirer vers une seconde ligne de fortes tranchées et en faisant bonne contenance, car la cavalerie me débordait sur les flancs. Nous n'avions pas fait deux cents pas que nous aperçûmes les dragons anglais : je fis accélérer le pas sans courir et marcher avec beaucoup d'ordre et je passai moi-même derrière la compagnie pour m'assurer que tout allait bien. Voyant que les escadrons ennemis s'apprêtaient à nous charger, je fis arrêter et commandai le feu de deux rangs en recommandant de ne l'exécuter que quand l'ennemi serait sur nous; en voyant ces dispositions, les dragons firent demi-tour, et ma compagnie gagna sans encombre les retranchements. L'infanterie déboucha bientôt, mais elle ne fit que tirailler pendant quelques heures sans chercher à enlever nos retranchements. J'eus néanmoins 8 hommes blessés pendant cette journée.
Le 3e bataillon fut bivouaqué dans le cimetière de Cambo : je fis mon lit d'une pierre tombale et dormis fort bien. Mais je vis avec peine que nos soldats ne faisaient nullement attention qu'ils étaient dans un village français; les habitants s'étaient sauvés à l'approche de l'ennemi et le soldat n'épargna pas plus leurs maisons que celles de l'Espagne que nous venions de quitter. Le temps était froid et pluvieux, j'en conviens, et les hommes avaient absolument besoin de se réchauffer, mais ils auraient dû souffrir plutôt que faire du mal à leurs compatriotes déjà éprouvés par le fléau de la guerre; mais les dangers et les privations avaient endurci les coeurs, et ni les représentations ni les menaces des officiers ne purent empêcher la dévastation" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 14, le 69e incorpore 294 conscrits, par contre il lui est demandé des cadres. Il ne peut les fournir.
- Deuxième combat de Cambo
Les 14 et 16, Hill exécute deux reconnaissances vers Cambo et force ce point.
Dans la nuit du 15 au 16, Foy évacue sa position et n'y laisse que 700 à 800 hommes, qu'il retire dès l'aube; il fait alors sauter le pont.
Soult renonce à défendre le passage de la Nive et concentre ses forces dans le camp retranché de Bayonne. Les avant-postes seuls s'étendent sur la rive droite de la Nive.
Foy occupe le bas Cambo et pousse sa surveillance jusqu'à Itsassu.
Le Capitaine Marcel raconte : "Dans la nuit du 14 novembre, le régiment partit pour aller bivouaquer près d'Hiscubeguya où il resta huit jours par une pluie continuelle, d'abord en plein air, ensuite dans des bergeries qui nous parurent des palais après ce que nous venions d'endurer. Le maréchal Soult, ayant reconnu que l'ennemi n'était pas encore disposé à passer la Nive (Note : La Nive n'était plus guéable le 12 au soir, en raison des pluies continuelles - (J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ... p. 260), ordonna au général de division de laisser seulement un bataillon du régiment au Bas-Cambo et de placer les autres dans des maisons situées un peu partout dans les vallons de ce charmant pays. La maison qui fut assignée à ma compagnie, servait de retraite à une charmante demoiselle, nommée Gracieuse, que j'avais eu le plaisir de voir au Haut-Cambo, la première fois que le régiment s'y était arrêté, et où elle était venue nous offrir des pêches. Nous renouvelâmes connaissance et elle m'apprit qu'elle s'était sauvée de la maison paternelle, lors de l'occupation de son village par les Anglais, et s'était retirée dans la maison que nous venions d'occuper; elle me pria de vouloir bien lui laisser le petit cabinet qu'elle habitait et je recommandai à mes voltigeurs d'avoir pour cette demoiselle tout le respect que devait inspirer sa position. Comme elle ne pouvait plus communiquer avec son père et se trouvait dans la plus extrême pénurie, je lui offris ma table pour tout le temps que nous séjournerions là. Gracieuse était aussi aimable que charmante; fille d'un ex-prêtre marié, elle avait fait quelques études et parlait très purement le français, ce qui est assez rare dans cette contrée. Tous les officiers du bataillon se réunissaient dans mon logement pour jouir de sa conversation et l'entendre chanter; bien que les circonstances fussent tristes, elle cédait à nos prières et nous chantait de fort jolies romances et de belles chansons espagnoles" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Jusqu'au 8 décembre, il n'y a aucun engagement important. Pendant cette période, le 16 novembre, les 6e Bataillons formés dans vingt Régiments de l'armée d'Espagne, dont celui du 69e, sont portés à Bordeaux pour y constituer la réserve de Soult.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 8 décembre, la division fut avertie que l'ennemi devait nous attaquer le lendemain à six heures du matin sur plusieurs points, afin de passer la Nive (Note : Dès le 15 novembre, le maréchal Soult avait constaté que la tête de pont ne pouvait pas offrir de résistance sérieuse et avait, en conséquence, ordonné de se retirer à la première attaque de l'ennemi, d'évacuer le matériel et de tout préparer pour la destruction du pont. Le 9 décembre au matin, l'armée anglaise franchit la Nive sur cinq points différents depuis Comba jusqu'au-dessous d'Ustaritz (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 229-230). Les alliés font passer la Nive à six divisions (PELLOT, Mémoire sur la campagne de l'armée des Pyrénées, p. 81). Cf. J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 259 et suiv)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Aux premiers jours de décembre, la Nive étant redevenue guéable,Wellington peut attaquer. Il commence son mouvement le 9.
- Combat d'Iatzou
Au matin, l'armée anglaise franchit la rivière. Foy, avec la Brigade Fririon, débouche d'Iatzou; il retarde la marche de l'ennemi, mais est obligé de se replier vers le Petit-Mougerre.
Pendant que ces événements se passent sur la rive droite de la Nive, le Général Hope attaque les troupes entre cette rivière et la mer.
Soult se propose de sortir de Bayonne avec la totalité de ses forces et d'accabler successivement les deux groupes.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 9, on battit la diane de bonne heure et nous étions prêts à l'heure dite pour recevoir l'attaque; rien ne se produisant, le régiment allait regagner ses logements lorsque la canonnade et la fusillade retentirent sur toute la ligne. Le régiment n'était pas avantageusement placé et reçut l'ordre de battre en retraite après une courte résistance. éveillée par le bruit du canon, Gracieuse vint me demander ce qu'elle devait faire : je l'engageai à retourner dans la maison paternelle, mais les balles et les boulets tombaient de façon à lui en enlever l'envie. Le régiment commençait à se retirer et ma compagnie fut désignée pour former l'arrière-garde avec la 2e du 3e bataillon : je fis placer la pauvre fille à côé de moi et nous commençâmes notre mouvement de retraite, mais, lorsque les compagnies furent sorties du village, les cris des Anglais qui passaient la rivière l'effrayèrent tellement qu'elle voulut s'en retourner. Je n'avais pas beaucoup de temps pour réfléchir, les Anglais n'étaient pas à 50 mètres de nous : heureusement j'aperçus quelques-uns de leurs officiers et je leur criai d'accorder leur protection à cette demoiselle : ils me firent signe que oui. Alors je la quittai, lui assurant que je me souviendrais toujours de Gracieuse, mais que le devoir m'était plus cher que l'amour; je n'eus que le temps de rejoindre mes hommes en courant.
Les deux compagnies purent gagner sans encombre les hauteurs qui leur étaient assignées : les Anglais, qui n'avaient pas tiré sur moi, nous laissèrent également faire tranquillement notre mouvement de retraite et n'avancèrent que très lentement. Sur ces hauteurs, nous nous trouvâmes seuls de nouveau et j'entendis sur la route de Saint-Jean-Pied-de-Port à Bayonne, en arrière de nous, une vive fusillade : je pensai que l'ennemi effectuait aussi le passage de la Nive à Ustaritz (Note : La division Clinton repoussait sans difficulté les trois bataillons de la division d'Armagnac, postés en face d'Ustaritz et commandés par le général Gruardet - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ..., p. 269). En tout cas la division était loin, je ne recevais aucun ordre et je résolus de me retirer; il était temps, les Anglais n'avaient éprouvé presqu'aucune résistance de la part du 39e qui était devant eux, et ils arrivaient promptement pour s'emparer de la route; nous étions cernés, on peut le dire. Je fis former en pelotons mes voltigeurs et la 2e et nous marchâmes sur les tirailleurs écossais en jupe courte, "les sans-culottes" comme disaient les soldats; ils s'écartèrent pour nous livrer passage. Quand je fus tiré de ce mauvais pas, j'embusquai mes hommes derrière un fossé et, par un feu bien ajusté, j'arrêtai un régiment anglais qui se hâtait d'arriver à la route pour couper les fuyards du 39e. Je fus averti par un soldat que le 3e bataillon du régiment s'était arrêté et formé pour m'attendre : me sentant soutenu, il fallut alors que les écossais arrivassent sur moi pour me faire quitter mon poste. Un joueur de cornemuse me lâcha son coup de carabine de si près que la flamme me brûla le collet de ma capote et que la balle m'érafla l'oreille droite; le voltigeur Pensot fut plus adroit que ce sans-culotte et le coucha par terre de son coup de fusil : comme il n'y avait que le tronc d'un arbre arraché qui me séparait de l'écossais, je courus lui passer mon épée à travers le corps car il me semblait qu'il n'était pas bien mort et je craignais une autre attaque de sa part. L'ennemi n'alla pas plus loin : je rejoignis le régiment à 2 lieues de là et le bivouac fut pris dans un terrain si humide que l'on enfonçait jusqu'au-dessus du soulier; il ne fut pas possible d'allumer du feu et les malheureux soldats ne purent se reposer dans un pareil margouillis. Je restai debout à causer jusqu'à 10 heures du soir avec l'adjudant-major Charpentier qui partait à minuit pour Bordeaux avec quelques officiers et sous-officiers pour former le cadre d'un 6e bataillon (Note : Vingt cadres de bataillons furent renvoyés pour former les divisions de l'armée de réserve à Bordeaux et à Toulouse - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ..., p. 314)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Les Fusiliers Chaussée, Baudrier, Brisson, Morice, Rouxel sont tués le 9 décembre 1813 près de Cambo.
- Bataille de la Nive
Dans la nuit du 9 au 10, Soult masse toutes ses Divisions entre la Nive et l'Océan : la Division Foy au centre, soutenue par la réserve de Villatte. A la pointe du jour, Foy enlève vivement le poste de Bassussan et fait 300 prisonniers; puis supporte presque entièrement le choc ennemi au-dessus de Cambo et sur les hauteurs de l'Yation. L'action est marquée par de nombreux traits d'héroïsme.
Les braves du 69e vont encore mériter l'admiration de l'armée : un Bataillon anglo-portugais s'est retranché dans une maison en avant de Bayonne, sur la route de Saint-Jean-de-Luz; le Capitaine Marcel, qui s'est déjà maintes fois signalé, commande une Compagnie de Voltigeurs; il reçoit l'ordre de s'emparer de la position. Il arrive à bout portant malgré une vive fusillade, puis, sentant l'ennemi ébranlé par son assurance : "En avant, la cavalerie !" s'écrie-t-il. Feinte, car personne n'appuie son mouvement.
Par hasard, le Lieutenant Massibau passe avec douze Chasseurs de l'escorte du Maréchal, il entend l'appel, accourt au galop et fonce avec la Compagnie. Marcel, au plus fort de la mêlée, a le collet de son habit traversé d'une balle, un coup de sabre fait payer cher son audace à l'agresseur qui recharge déjà son arme. Culbuté par les Voltigeurs, le Bataillon est mis en déroute, abandonnant un grand nombre de prisonniers. Massibau meurt deux jours après des suites de ses blessures.
Le Lieutenant Gouley, le héros de Xolosa, se distingue dans cette journée : l'ennemi retranché tirant sur le Régiment; Gouley s'élance, dépasse les Voltigeurs et arrive seul à l'endroit d'où part le feu le plus meurtrier. Il saisit le fusil d'un Espagnol et saute au-dessus du retranchement. Les défenseurs font demi-tour. Gouley se jette au devant d'un groupe qui s'enfuie et leur crie : "Halte-là, prisonniers !" "Non, pas prisonniers", lui répond un soldat en lui lançant un coup de baïonnette. Gouley esquive le coup, lui arrache l'arme et lui enfonce son épée dans le corps; au même instant, un autre le couche en joue et perce d'une balle son schako; le Lieutenant bondit sur lui et le tue. Effrayés de tant d'audace, treize Espagnols se rendent et Gouley les fait marcher devant lui jusqu'aux Voltigeurs qui les conduisent au Chef de Bataillon.
Malheureusement, la Division ne peut poursuivre son succès en raison des renforts considérables qui arrivent à l'ennemi. Elle est alors mise à la disposition de Reille.
A midi, Reille ordonne d'enlever la hauteur du Baroillet. Foy, soutenu par la réserve, s'avance dans la direction d'Arbonne. Ses premières attaques réussissent. Le succès parait certain; mais, en raison des difficultés du terrain, cet avantage n'est point poursuivi.
La nuit venue, l'armée française se rassemble en arrière : l'aile droite sur la ligne Biarritz, Pitcho, Plaisance; la gauche, sur les hauteurs de Bassassary.
Le Capitaine Marcel raconte : "A une heure du matin, nous prîmes les armes : il pleuvait très fort et le froid était assez vif : il s'agissait d'attaquer les Anglais qui étaient restés sur la route de Saint-Jean-de-Luz et qui s'étaient retranchés dans une maison, soutenus par un régiment portugais (Note : Cet engagement est connu sous le nom de combat du Baroillet. "... Dans la nuit du 9 au 10 décembre, le duc de Dalmatie masse toutes ses divisions sur l'étroit espace compris entre la Nive et l'Océan. Le général Hope occupait avec deux divisions anglaises et trois brigades portugaises le plateau de Bidart et couvrait par sa droite le chemin d'Arbonne avec un poste avancé vers Bassussarry. Ce poste est vivement enlevé ... on fait 300 prisonniers - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 231-232). Je précédais le régiment avec ma compagnie et j'étais suivi par le 3e bataillon qui devait marcher directement sur la maison. On repassa la Nive; le terrain était si mauvais que les soldats y laissaient leurs souliers : malgré tout nous avancions, couverts par des haies et des arbres, et nous fûmes sur l'ennemi avant qu'il ait eu le temps de faire deux décharges. Je courais en avant avec quelques-uns de mes voltigeurs et je n'étais pas à 30 mètres des Anglais lorsqu'ils firent feu : je les vis distinctement faire demi-tour malgré les cris et les coups de plat de sabre de leurs officiers, et je m'écriai : "En avant la cavalerie !" bien que je susse parfaitement que nous n'en avions pas. Par un hasard extraordinaire, le maréchal Soult venait d'arriver sur notre droite avec une escorte de 20 chasseurs à cheval du 15e régiment : en entendant ma voix, le maréchal les envoya aussitôt et l'ennemi, en les voyant, craignit d'être sabré et sa déroute fut complète. Le lieutenant Massaubert, qui commandait ces cavaliers, fit charger à fond bien que le terrain fût peu favorable et, en moins de cinq minutes, fit 150 prisonniers. J'arrivai seul au milieu de cette bagarre, sabrant de tous les côés. Un soldat anglais, en escaladant un mur bas, me lâcha son coup de fusil à bout portant, mais, comme il était plus haut que moi, il inclina trop son canon et ne toucha que le bout de ma botte : je crus bien que c'était mon dernier moment, mais il n'avait pas fait demi-tour qu'il était traversé d'un coup d'épée par le lieutenant Gouley de Clérey du bataillon : ce brave officier avait aperçu mon shako que je mettais au bout de mon sabre, lorsque je précédais mes voltigeurs en tirailleurs, afin qu'ils me reconnussent et ne tirassent pas sur moi; il s'était élancé et s'était trouvé à temps pour me secourir. Tous les voltigeurs et quelques fusiliers du 3e bataillon étaient arrivés : nous fîmes avec eux une vingtaine de prisonniers dont 5 officiers d'une taille gigantesque : mes mains étaient pleines d'épées et de sabres (Note : Marcel fut cité pour ce fait d'armes). Le voltigeur Charbonnier fut seul blessé, mais, quelques instants après, je vis rapporter le lieutenant Massaubert assez grièvement atteint d'un coup de feu.
Au moment où le bataillon se reformait, le maréchal Soult arriva, me prit la main et promit de ne pas laisser ce trait dans l'oubli. Je ralliai mes voltigeurs et ils mangèrent la soupe que l'ennemi avait laissée. Le régiment nous dépassa et marcha en avant : les Anglais, voyant la manoeuvre du duc de Dalmatie, firent repasser les troupes qu'ils avaient sur la rive droite de la Nive, pour secourir celles que nous attaquions; mais bien que deux régiments allemands eussent passé à l'ennemi au cours de l'engagement (Note : Profitant de l'obscurité, le régiment de Nassau et le bataillon de Francfort, qui faisaient partie de la division Villatte, abandonnèrent nos drapeaux. Ils refusèrent d'ailleurs de prendre du service contre nous dans les rangs de l'armée de Wellington et se rendirent à Passages pour s'embarquer et rentrer en Allemagne. Cf. J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 280-281), la journée se passa simplement en tiraillerie assez forte où l'ennemi perdit plus de monde que nous. A 5 heures du soir d'autres divisions vinrent relever la nôre et le régiment alla bivouaquer près d'une maison de campagne magnifique sur la route de Saint-Jean-de-Luz; le temps était si pluvieux que nous étions toujours mouillés jusqu'aux os : aussi, après m'être réchauffé au feu de mes braves voltigeurs qui avaient un soin tout particulier de moi, j'allai visiter la maison que je trouvai remplie de blessés français et anglais. Je finis par trouver un petit cabinet, servant à placer les cadavres de ceux qui venaient à mourir de leurs blessures : je fis ranger tous ces cadavres dans un coin et j'eus ainsi une place où mes officiers et moi passâmes deux nuits meilleures que dans la boue" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Lieutenant Rohmer est blessé le 10 décembre 1813 à Cambo. Sont également blessé dans les combats près de Bayonne le Capitaine Garampont (mort le 17 janvier 1814) et le Lieutenant Boisselot.
Soult qui a renoncé à défendre le passage de la Nive, veut concentrer ses forces dans le camp de Bayonne. Les journées des 11 et 12 sont remplies par de petites escarmouches, mais aussi de combats assez vifs, toutefois sans grande importance au point de vue général. Le 12 décembre, le Voltigeur Pottier est tué.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 11 et le 12 décembre, nous entendîmes constamment la canonnade et la fusillade, mais la division ne prit aucune part au combat acharné que les Anglais livrèrent sans succès aux troupes qui nous avaient relevés" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Bataille de Saint-Pierre-d'Urube
Dans la nuit du 12 au 13, Soult essaie de dégager la route de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il se heurte à six Divisions anglaises; les trois Divisions d'Erlon sont repoussées. Les troupes rentrent dans le camp retranché abandonnant à l'ennemi toute la rive gauche de l'Adour, de Saint-Pierre-d'Urube à l'embouchure de la Bidouze.
Cette sanglante bataille de Saint-Pierre-d'Urube - le 69e se bat à Mougerre - termine la campagne de 1813. Elle nous coûte près de 5000 hommes.
Les combats des 9 au 13 décembre nous coûtent une perte totale de 5914 hommes, dont 4600 blessés. Le 69e a pour sa part perdu 1 Officier et 9 hommes tués; 9 Officiers et 127 hommes blessés; 3 hommes prisonniers.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 12 à minuit, la division prit la route de Bayonne pour revenir au point d'où nous étions partis le 9 pour attaquer : il y eut une action assez vive contre les Anglais, mais nous étions bien soutenus par notre artillerie et les Anglais n'eurent aucun avantage; néanmoins le régiment perdit encore 5 officiers et 50 hommes.
Le duc de Dalmatie prouvait chaque jour, par ses manoeuvres, qu'il était digne de commander à des soldats tels que les nôres. Ses mouvements, je le veux bien, étaient facilités par Bayonne et les redoutes qu'on avait établies autour de cette place et qui servaient de pivot à toutes ses opérations, mais il faut observer que notre armée diminuait chaque jour par les envois de nos meilleurs soldats pour renforcer la garde; à peine nous restait-il 24 000 combattants, les bons officiers commençaient à manquer, tandis que l'armée anglo-portugaise, forte de 80 000 hommes, pouvait facilement nous déborder partout" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 13 décembre, dans un combat près de Bayonne (sur la Nive), les Capitaines Fournier, Gugliery et Mégy; les Lieutenants Bataillard, Benoit (mort le 19 janvier), Ulrich; les Sous-lieutenants Boulard (présumé mort à Bayonne), Marchandé sont blessés. Parmi la troupe ont été tués le 13 décembre près de Mongerre (France) le Fusilier Gilet, le Caporal Pellerin, le Fusilier Sezille, le Sergent Sirreau, le Fusilier Vitmer.
Le 14, Foy reçoit l'ordre de se porter sur la rive droite du fleuve pour en surveiller les points de passage et protéger la navigation entre Bayonne et le pont de Lannes. Le 69e et le 76e sont en réserve à Saint-Martin.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le régiment passa la nuit dans les faubourgs de Bayonne et, le lendemain, la division alla prendre position sur la rive droite de l'Adour, à deux lieues de l'autre côé de la ville, pour protéger le passage des bateaux qui amenaient à Bayonne les approvisionnements nécessaires à l'armée (Note : Dès le 14 décembre, la 1re division reçoit l'ordre de se porter sur la rive droite de l'Adour pour en surveiller les points de passage et en protéger la navigation. Un poste avancé qu'elle établit à Urt sur la rive gauche est forcé de se replier le 16 - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 233). Nous espérions respirer un peu dans ces postes, mais nous fûmes bien trompés, et jamais nos soldats n'eurent plus de peine que pendant les deux mois que nous occupâmes ces landes. L'ennemi bordait l'autre côé du fleuve; pour lui enlever l'envie de jeter un pont, on avait rompu les digues, ce qui, joint aux pluies continuelles et au reflux de la mer qui est très fort, avait donné à la rivière une largeur de plus d'un quart de lieue du côé que nous occupions. Chaque compagnie du régiment avait une maison, mais, en raison de l'inondation, on n'en pouvait occuper que le premier étage; les convois n'arrivaient pas, les boues étant si profondes que chevaux et mulets y disparaissaient; les soldats devaient aller eux-mêmes chercher les vivres à plus de deux lieues et souvent revenaient sans rien apporter; il fallait alors se contenter de faire griller un épi de blé de Turquie, avec l'espoir d'être plus heureux le lendemain. C'est alors que j'ai appris à apprécier vraiment la patience et le dévouement du soldat français : il était sans paye, sans vivres, sans souliers, presque nu, réduit à la plus affreuse misère, et pourtant pas un n'avait l'idée de déserter; l'honneur seul était quelque chose pour eux et ils oubliaient toutes leurs peines dès qu'ils avaient l'espoir de vaincre l'ennemi" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 22 décembre, le Colonel Hervé est nommé à la tête du 69e de Ligne.
Christophe Hervé (ou d'Hervé)Né le 15 avril 1768 à Cézans dans la Sarthe (l'Historique de 1913 donne Fouilletourte, commune de Cérans), mort le 8 octobre 1840 au Mans (Sarthe). Christophe Hervé entre au service le 17 octobre 1785 au régiment du Boulonnais (79 e Régiment d'Infanterie en 1791) et passe le 9 octobre 1786 au régiment de Bretagne (46e Régiment d'Infanterie en 1791), où il devient caporal le 26 février 1788, fourrier le 1er mai 1789 et obtient son congé le 11 janvier 1791. Il revient au service le 8 septembre 1792 dans le 5e Bataillon de l'Yonne, incorporé au premier amalgame dans la 94e Demi-brigade de Bataille, elle-même incorporée dans la 2e Demi-brigade d'Infanterie de Ligne au second amalgame. Il fait les campagnes de 1792 et 1793 dans les armées de Réserve et du Nord, où il passe sergent le 9 septembre 1792, sous-lieutenant le 25 octobre suivant et lieutenant le 25 septembre 1793, de l'an II à l'an V dans les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, où il est promu capitaine le 1er ventôse an III (19 février 1795), de l'an VI dans les armées d'Allemagne et de Mayence, de l'an VII dans l'armée du Danube et celles de l'an VII à l'an IX dans les armées d'Helvétie, où il se distingue et reçoit une blessure à Andelfingen, et d'Italie, où il se distingue au Valegio. Il sert sur mer dans l'escadre de Méditerranée pendant les ans XII et XIII et devient membre de la Légion d'honneur le 25 prairial an XII (14 juin 1804) puis, admis avec son grade dans les Dragons-à-pied de la Garde Impériale le 5 novembre 1806, fait avec la Grande Armée les campagnes de 1806 et 1807 en Prusse et en Pologne. Passé comme chef-de-bataillon au 108e Régiment d'Infanterie de Ligne le 22 janvier 1807, il fait la campagne de 1809 en Autriche, où il se distingue à Penzing et à Wagram, et il est promu, le 22 juin 1811, major-en-second au 30e Régiment d'Infanterie de Ligne avec lequel il fait la campagne de 1812 en Russie, où il se distingue à Mojaïsk et devient officier de la Légion d'honneur le 12 octobre 1812. |
Dans la nuit, Soult et Suchet tiennent tête à 160000 Anglais, Portugais et Espagnols, tandis que Napoléon tente d'enrayer l'invasion.
Soult ne dispose que de 60000 hommes et il doit encore en envoyer 10000 à la Grande Armée. Le Quartier général de l'armée française est transporté à Peyrehorade et la Division Foy s'établit à Saint-Martin-des-Seignaux.
La situation de Wellington inquiète Soult qui appuie à gauche pour se rapprocher d'Hellette, en vue de combiner ses opérations avec celles d'Harispe.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 22 décembre, ma compagnie fut désignée pour aller avec deux compagnies du 76e à l'île de Broc, au milieu de l'Adour (Note : La 1re division occupe les îles de Holhariague, de Broc et de Bérens. Le 20 décembre, deux compagnies du 6e léger placées dans l'île de Holhariague sont obligées de l'abandonner, l'ennemi ayant amené du canon sur le plateau de la Honce qui la domine complètement (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 234). Les avant-postes des deux armées se tiraillent tous les jours au sujet de la navigation - PELLOT, Mémoire sur la campagne de l'armée des Pyrénées, p. 92); nous devions relever les troupes qui gardaient cette île et avaient commencé à y élever des retranchements, car sa possession était importante pour la circulation de nos bateaux. Cette île n'est qu'à trois pieds au-dessus du niveau des eaux; elle n'a que trois arpents au plus et une seule baraque de pêcheur servait à nous abriter; à la marée montante nous avions les pieds mouillés. On était si mal dans ce poste qu'on était relevé tous les trois jours; tous les soirs, à la nuit tombée, 150 travailleurs arrivaient et, toute la nuit, avec la moitié de nos hommes, ils élevaient des retranchements que l'eau emportait pendant le jour : c'était l'ouvrage de Pénélope, mais en sens inverse.
Pendant trois jours, nous ne reçûmes absolument aucun vivre et dûmes manger des épis de maïs que nous fûmes bien heureux de trouver dans le grenier de la baraque; je donnai l'ordre d'en rechercher d'autres, et rien ne saurait dépeindre mon contentement, lorsque des voltigeurs m'apportèrent trois chats qu'ils venaient de découvrir cachés dans la toiture; je m'en saisis avec empressement et deux furent immédiatement grillés et mangés; quant au troisième, qui était vraiment trop maigre, je l'attachai sur une planche avec une feuille de route sur la tête, portant injonction au commissaire des vivres de Bayonne de lui délivrer les rations de vivres qui lui étaient dues depuis huit jours; la planche fut mise à l'eau et abandonnée au courant. Les Anglais, qui étaient sur l'autre bord, avaient suivi nos mouvements avec attention; quand ils virent ce chat voguer sur les flots en miaulant de temps à autre, ils poussèrent de grands éclats de rire.
Le 24 décembre, vert minuit, une barque qui s'était détachée je ne sais où, fut entraînée par le courant jusqu'auprès d'une sentinelle anglaise; cet homme, croyant que nous débarquions, donna l'alarme et la fusillade commença; comme tous les coups arrivaient sur notre poste, nous crûmes aussi que nous étions attaqués et nous nous mîmes en défense (Note : Après l'évacuation de l'île de Holhariague par le 6e léger, l'ennemi fit diverses tentatives pour enlever les îles de Brocet de Bérens qui sont plus rapprochées de la rive droite que de la rive gauche; nos troupes s'y maintenaient mais devaient se mettre à couvert - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 321). Il pleuvait à verse, la nuit était obscure et le vent soufflait si fort que, sur vingt fusils, quatre ne partaient pas, l'étincelle étant enlevée de suite. Si jamais je me suis trouvé embarrassé, c'est bien dans cette occasion : je n'avais pas l'ordre de me retirer et, l'aurais-je voulu, que je ne l'aurais pu, car quelques soldats du 76e s'étaient emparés de la barque, sans être vus, au moment où le feu avait commencé, et avaient gagné le bord. Tout reposait sur moi. J'aurais été moins inquiet si je n'avais eu avec moi que des soldats du régiment, mais j'entendais, et j'en étais honteux, des soldats du 76e qui disaient qu'il fallait se rendre et qu'on ne serait pas plus malheureux auprès des Anglais; je dus montrer les grosses dents et j'encourageai en même temps mes braves voltigeurs à soutenir jusqu'à la mort l'honneur et la gloire du 69e, notre beau et bien-aimé régiment. J'envoyai mon lieutenant, M. Frédure, avec vingt hommes au bout de l'île où était un endroit facile pour débarquer et j'allai moi-même à l'autre bout en poster un pareil nombre, présumant qu'on pourrait faire une fausse attaque d'un côé et arriver par l'autre; je prescrivis aussi que, si l'ennemi forçait un de ces points, on se retirât sur la maison que nous avions crénelée et où on se défendrait jusqu'à la mort. La marée montante était si forte que l'île fut entièrement submergée; la digue sur laquelle je marchais avec mes hommes était tellement étroite que je glissai et tombai à l'eau; heureusement je savais nager. J'ai vu à ce moment ce que valaient mes vieux voltigeurs : plusieurs étaient en faction avec de l'eau par-dessus les genoux et ils me disaient: "Mon capitaine, soyez tranquille, à la lueur de l'eau nous verrons bien s'il arrive quelque barque et, si nous ne sommes pas tués, tout ce qui débarquera sera passé à la baïonnette et jeté à la rivière". Je les entendais se dire entre eux : "Camarades, secondons nos officiers. Ne sommes-nous pas Français et soldats du 69e régiment !" Et je comprenais comment, avec de pareils hommes, l'Empereur avait pu imposer sa volonté à toute l'Europe.
Je laissai mon sous-lieutenant avec les vingt hommes et revins au poste central; le feu de l'ennemi continuait toujours, mais je vis que c'était une fausse attaque et je défendis que l'on ripostât à sa fusillade, la lueur des coups pouvant indiquer nos emplacements et faire blesser bien du monde. Ne craignant plus de me mouiller, car j'étais tombé dans plus de trente pieds d'eau, je marchais partout à travers l'île pour visiter mes sentinelles et je constatais que la plus exacte surveillance se faisait partout : j'étais malheureux, mais bien fier de trouver un tel courage et une telle résolution chez des hommes accablés de fatigue, mourant de faim et n'ayant d'autre espoir que de recevoir des blessures ou la mort. Certes il y avait dans l'armée de braves et solides régiments, mais je doute qu'il y en ait jamais eu, même dans la garde, de supérieurs au 69e. Vers 2 heures après minuit, tout rentra dans le calme.
Le général Fririon, logé avec les officiers du 1er bataillon dans une maison au bord de l'eau, eut ses fenêtres cassées par les balles et envoya son planton demander si l'île était rendue : "Dites au général, répondis-je, qu'il eût dû s'informer avant si le capitaine et ses voltigeurs étaient tués." Je n'avais éprouvé qu'une seule perte, celle de mes bottes que j'avais quittées, lorsqu'elles avaient été remplies d'eau, pour pouvoir marcher plus facilement dans l'île et qu'un soldat laissa tomber dans l'Adour. A la pointe du jour, je rassemblai ma compagnie et témoignai à mes chers voltigeurs toute ma reconnaissance et toute ma fierté. Je demandai par écrit au chef de bataillon qui commandait le régiment, le grade de sergent pour plusieurs caporaux et celui de caporal pour plusieurs voltigeurs qui s'étaient si brillamment conduits; et j'obtins que les grades vacants dans ma compagnie fussent occupés par ces mêmes hommes, faveur difficile à obtenir : le caporal Lainé fut proposé pour la croix d'honneur qui lui fut donnée par la suite. Deux jours après nous fûmes relevés et je croyais en être quitte, mais la tragédie avait encore un acte" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 1er janvier 1814, le 69e est à l'aile droite (Reille), 1ère Division (Foy), 1ère Brigade (Fririon), 2 Bataillons, 1112 hommes (J. B. Dumas, Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult). Ce jour là, les Capitaines Marcel et Marus sont blessés au cours d'un combat devant Bayonne. Le 1er janvier 1814, le Voltigeur Berthou et le Fusilier Devineau sont tués à Martinolet.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 1er janvier 1814, vers 7 heures du matin, le capitaine adjudant-major Gugliéry vint me souhaiter la bonne année et me dit que les Anglais venaient de demander au commandant de l'île de Broc à parlementer, mais que ce dernier, leur ayant répondu de s'adresser à Bayonne, ils venaient de braquer sur l'île deux pièces d'artillerie en menaçant de faire feu si la garnison ne partait pas immédiatement (Note : Le 1er janvier 1814, l'ennemi renouvela ses tentatives sur les îles de Broc et de Bérens (J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ..., p. 321-322). Cette attaque est repoussée victorieusement le 1er janvier 1814 - GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 234). Comme Gugliéry sortait, le canon se fit entendre : j'allai au bord de l'eau et un caporal, qui était dans l'île, me cria que les compagnies allaient manquer de cartouches. Je fus de suite prévenir le capitaine Fournier qui commandait provisoirement le 3e bataillon; il en fit réunir promptement un bon nombre, mais on ne trouvait personne pour les porter dans des barques, les bateliers s'étant sauvés au premier coup de canon; je me proposai alors pour aller dans l'île avec deux paysans de bonne volonté qui voulurent bien se charger de diriger la barque. A peine eûmes-nous quitté le bord que l'ennemi dirigea ses coups sur notre bateau : malgré tout, nous continuâmes, mais, à peine accostions-nous, que les 150 travailleurs sans armes vinrent se jeter en foule sur la barque pour être ramenés sur l'autre bord; le malheur voulut qu'un boulet vint taper en plein dans cette foule, cassa la cuisse à un homme, en blessa cinq autres et endommagea le bateau. Je parvins à mettre de l'ordre dans cette foule désordonnée que je fis repasser en trois fois, puis j'allai remettre les cartouches et transmettre les ordres au commandant de l'île : dans le court trajet que j'avais à faire pour arriver aux soldats qui se battaient, je reçus trois feux de peloton et jamais les balles n'étaient tombées autour de moi avec pareille abondance; en m'en retournant, mêmes honneurs dont je me serais bien passé. Lorsque je fus revenu sur notre rive, tous mes voltigeurs accoururent pour me féliciter et me présentèrent l'eau-de-vie qu'on venait de leur distribuer (Note : Marcel fut de nouveau cité pour cette action d'éclat suivant de près celle du 10 décembre 1813. Ce fut sa seconde blessure grave, qui, comme la première, ne l'empêcha nullement de rester à son poste et de continuer la campagne). Peu de temps après, les Anglais furent pris en flanc par des bateaux armés de canons que montaient des marins français (Note : Soult avait fait équiper et armer une flottille de vingt chaloupes canonnières, qui furent placées sous les ordres du capitaine de frégate Depoge, avec mission de protéger la navigation de l'Adour - J. PELLOT, Mémoire sur la campagne de l'armée française dite des Pyrénées, p. 165) et leur feu se ralentit considérablement. A ce moment, le commandant Guingret et mon camarade Gugliéry vinrent me demander des détails sur mon petit voyage dans l'île : je n'avais pas ouvert la bouche pour m'expliquer que je reçus une balle qui me traversa l'épaule et vint se loger sous l'aisselle, où elle se trouva si bien qu'elle y est toujours. Cette bonne étrenne, dont me gratifièrent messieurs les Anglais, me sembla de bon augure et je me dis qu'après avoir été exposé comme je venais de l'être le jour du 1er janvier, je ne serais sûrement pas tué dans l'année. Le voltigeur Jacquin, un compatriote, me conduisit à un quart de lieue en arrière, au logement du 2e bataillon, où je fus pansé par le chirurgien-major et bien soigné : dix jours après, lorsque le régiment se mit en route pour aller en avant de Bidache, je le suivis, quoique ma blessure ne fût point fermée, et je continuai de commander ma compagnie. Croyez bien que je quittai sans regret l'île de Broc et que je m'en rappelle encore souvent" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 3 janvier 1814, Soult établit Clauzel sur la Joyeuse. On refoule les avant-postes anglais, mais Wellington, le 6, se porte en avant. Clauzel réussit à se maintenir sur ses positions.
La situation reste stationnaire jusque vers le milieu de février; on se contente d'observer. A ce moment, une forte gelée vient rendre les communications praticables et permet à Wellington de traverser l'Adour.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le régiment resta près d'un mois dans les environs
de Bidache, puis alla occuper Astingues, bourg autrefois fortifié mais autour duquel il ne restait plus que des vestiges de murs (Note : Astingues ou Hastingues, sur la rive gauche du gave de Pau, était une tête de pont fortifiée - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ..., p. 342) : on y avait cependant élevé quelques retranchements, mais ils ne pouvaient guère nous être utiles; tous les jours, les habitants nous rendaient un compte exact de ce que faisaient les Anglais et leurs rapports étaient plus utiles que vingt reconnaissances" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 14 février, Wellington attaque. La Division repasse la Bidouze dans la nuit du 15 au 16, au pont de Came, qu'elle rompt, et vient bivouaquer dans les Landes en avant d'Haslingues et de Peyrehorade.
"Le 17, l'ennemi ayant franchi la Bidouze en plusieurs points, la brigade Berlier se retira sur Eyregave et la tête du pont de Peyrehorade, et celle de Fririon sur Hastingues avec le général Foy, Beresford s'établit au bivouac en face de ces villages ... D'Erlon arriva le lendemain à Hastingues, ordonna l'évacuation de la tête de pont, à la garde de laquelle il fut laissé un bataillon du 69e".
Le 18 février, les Anglais tentent d'enlever de vive force le passage du gave d'Oloron à Sauveterre-de-Béarn, mais sont repoussés par une charge brillante du 119e de ligne.
- Combat d'Hastingues
Le 23 février, Béresford porte ses troupes en avant. Le Bataillon du 69e se retire à l'approche de la divisionWalcker.
"Ce bataillon resta à Hastingues jusqu'au 23, où, à l'approche de la division Walker, il se retira à son tour. Aussitôt, l'ennemi envahit et occupa le bourg et ouvrit le feu sur le bataillon qui n'avait point fini de passer la rivière et sur les sapeurs qui travaillèrent jusqu'à la nuit à détruire les embarcations" (Capitaine Clerc, "Campagne du maréchal Soult dans les Pyrénées" ; mentionné également par J. B. Dumas, "Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult").
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 22 février, les officiers du régiment résolurent de fêter carnaval : un joyeux pique-nique devait nous réunir et nous étions disposés à faire honneur au repas lorsque, vers 3 heures de l'après-midi, nous fûmes avertis qu'une colonne anglaise d'environ 3000 hommes venait occuper des mamelons près de la ville. On peut affirmer que, s'ils nous eussent attaqués, les retranchements eussent été emportés car nous ne pouvions les garder tous, étant donné leur étendue et le faible effectif de nos régiments; si encore nous n'eussions compté dans nos rangs que de vieux soldats aguerris, mais les compagnies du centre avaient reçu chacune une quarantaine de conscrits, si jeunes et si faibles qu'ils ne pouvaient mettre leur fusil en joue. Notre position était d'autant moins agréable que, derrière Astingues par où nous devions nous retirer, coulait un gave (Note : le gave de Pau) large et profond qu'on ne pouvait passer qu'en bateau : nous pouvions donc être sûrs, si nous étions un peu pressés, de boire plus que nous n'aurions soif. Cependant la nuit arriva et alors nous fûmes certains d'être tranquilles jusqu'au lendemain, les Anglais ne se dérangeant jamais la nuit : notre pique-nique eut donc lieu et, à l'exception des officiers de garde, tous les autres y assistèrent. Vers 2 heures du matin, un planton vint me dire que ma compagnie était désignée pour rester dans la place dont je devais prendre le commandement et que j'allais occuper jusqu'à nouvel ordre. Je fis observer que ce n'était pas mon tour de marcher, mais je vis à la réplique du chef de bataillon Guingret, qui commandait le régiment, qu'il désirait que je restasse parce que les voltigeurs du 2e bataillon, à qui c'était le tour de marcher, n'avaient pas de capitaine : je restai donc jusqu'à ce que le régiment eût franchi le gave, puis nous passâmes à notre tour, sans être inquiétés, pour marcher sur Peyrehorade et de là sur Orthez où nous prîmes position pour défendre le passage du gave de Pau" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Bataille d'Orthez
Devant la marche de Wellington, Soult est obligé de se replier. Il s'échelonne vers Orthez, où son armée se réunit, le 26, pour garder sa ligne de communication avec Bordeaux; il prend, dans la nuit du 26 au 27 février, ses dispositions de combat.
Les troupes s'étendent entre Saint-Boés et Orthez. La Division Foy au centre, à cheval sur la route de Bayonne, au pied des collines en avant d'Orthez, vers Castebarde.
Le 27, vers 9 heures du matin, l'action s'engage à Saint-Boés, en même temps que les Divisions Picton et Clinton se portent par la route contre Foy. La Division fait une résistance acharnée, mais plie sous le nombre; elle se retire en ordre jusqu'à Sault-de-Navailles.
Les pertes sont considérables. Foy est grièvement blessé. Le Chef de Bataillon Croizade est tué, de même que le Capitaine Allard ; les Capitaines Bernachot et Danner, les Lieutenants Garnier et Labille sont blessés. Parmi la troupe ont été tués le Sergent Maurey, le Grenadier Labéatrix, le Voltigeur Dubreuil.
Après quelques heures de repos, la retraite continue pendant la nuit sur Hagelman, puis sur Saint-Sever et Aire, où l'armée arriva le 28 février et le 1er mars.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 28 février au matin, l'on prit les armes de bonne heure et l'armée se rangea pour être passée en revue sur ses positions par le duc de Dalmatie. Au moment où il passait devant notre division, le maréchal Soult nous annonça que l'Empereur avait battu complètement les alliés à Montereau et que notre armée avait réoccupé Troyes : cette nouvelle fut accueillie par des cris de joie et, comme nous ne présumions pas que nous aurions ce jour-là une affaire des plus chaudes, nos divisions restèrent placées provisoirement comme elles l'étaient et les officiers du régiment se mirent à jouer la goutte du matin aux petits palets. Celui qui nous eût dit que, dans une heure, plus de quinze d'entre nous allaient cesser d'exister, n'eût pas été cru sûrement. Nous étions bien occupés à jouer et à rire lorsqu'une violente fusillade éclata soudain du côté des voltigeurs du 39e qui étaient à l'avancée et les colonnes ennemies débouchèrent de tous côés (Note : Il entrait dans le système du maréchal Soult de s'opposer pied à pied à l'invasion de l'ennemi, sans être décidé à donner ou à recevoir la bataille; il espérait que la présence de ses troupes réunies en imposerait aux Anglais. Il ordonna à l'armée de se masser pendant la nuit sur les hauteurs de la route de Dax, mais en continuant d'occuper Orthez. Le 28, avant le jour, la lre division s'est rapprochée de 400 toises de la route de Dax, la 2e division est massée derrière. Vers 10 heures du matin le feu commence aux environs de Saint-Boës ... La 3e division anglaise s'établit sur le même contrefort et de plain-pied avec la 1re ... 4 pièces d'artillerie se mettent en batterie ... l'infanterie se masse pour l'attaque ... L'artillerie anglaise faisait beaucoup de mal ... La 1re division remontait jusqu'à la route de Dax et reculait au delà (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 238). Cf. J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 368, 411-412. L'armée française perdit 539 tués dont 28 officiers; 3052 blessés dont 99 officiers; 1339 prisonniers dont 23 officiers). Il faut croire que le duc de Dalmatie en savait plus long que nous sur les mouvements des Anglais, car nos troupes furent placées en un instant de manière à leur faire face; il n'y eut pour ainsi dire point de prélude, toutes les colonnes commencèrent en même temps l'attaque. Notre artillerie faisait décharge sur décharge, sans interruption, et éclaircissait les masses anglaises et portugaises, mais celles-ci avançaient malgré leurs pertes et nous perdions beaucoup de monde par l'effet de leurs boulets creux. J'eus 20 hommes hors de combat en un instant, le commandant du 2e bataillon fut tué, le général Maucune dangereusement blessé; les officiers supérieurs et les autres furent atteints en si grand nombre que le chef de bataillon qui nous restait commandait la brigade et un capitaine le régiment; je commandais moi-même le 3e bataillon. Au bout de trois heures de combat, nous allâmes nous placer derrière le 36e, qui, par sa ténacité et son bon ordre, pouvait rivaliser avec les meilleurs régiments de l'armée. A 3 heures et demie du soir, rien n'était encore décidé, l'ennemi tantôt avançait, tantôt reculait. Des corps nombreux cherchaient à nous manoeuvrer et nous étions exposés à être chargés par eux à l'improviste : pour plus de sûreté, l'ordre venait d'être donné à notre aigle de se porter sur les derrières avec une section, lorsque le maréchal Soult, voyant ce mouvement, saisit l'aigle et alla la planter à 100 toises devant notre régiment, vis-àvis d'une masse d'infanterie anglaise; alors, sans commandement, d'un mouvement général et spontané, tous les officiers et soldats coururent se ranger autour de leur drapeau avec des acclamations qui montaient jusqu'au ciel et des cris de "Vive le 69e !" La division ennemie, croyant qu'on la chargeait à la baïonnette, se rejeta en arrière.
Vers 4 heures, l'ordre arriva d'exécuter un mouvement rétrograde : je fus d'arrière-garde et plaçai mes voltigeurs en tirailleurs. Quelques instants après, les hussards anglais apparurent avec de l'artillerie légère, mais ils furent tellement chagrinés par nos balles qu'ils se retirèrent, laissant leurs canons tirer sur nous. Quelques soldats du 39e, croyant que nous allions être chargés, jetèrent leurs armes et leur équipement pour se sauver plus vite : mon indignation fut profonde et j'ordonnai à mes voltigeurs de tirer sur ces lâches. Avec mon lieutenant, nous ramassâmes plus de quinze fusils que nous déchargions sur les artilleurs ennemis qui nous répondaient à coups de canon. Enfin la nuit arriva : je rejoignis la division qui alla bivouaquer à deux lieues d'Aires. Deux divisions et tous les dragons étaient partis pour aller renforcer l'armée de l'Empereur et notre armée était réduite à six divisions (Note : Les troupes étaient parties le 22 janvier de Peyrehorade pour Paris, en poste par voitures, pour faire triple étape par jour. Elles se composaient de la 7e division (général Leval 5 400 hommes) et de la 9e division (général Boyer, 5600 hommes), soit les 10e, 16e et 17e légers, les 3e, 8e, 15e, 28e, 101e,120e et 122e de ligne : la division de dragons de Treilhard partit aussi, soit les 4e, 5e, 12e, 14e, 16e, 17e, 21e, 26e et 27e dragons. L'effectif total était de 14435 hommes)" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le Capitaine Lhuillier est blessé le 2 mars 1814 à Aire, de même que le Capitaine Schimpf, qui décède le 13. Le 2 mars toujours, le Fusilier Joncourt est tué à Grenade.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 2 mars, le bataillon était de garde avancée : il fut attaqué et nous perdîmes quelques soldats; le capitaine Schimpt fut tué et le capitaine Lhuillier reçut une balle qui lui traversa les deux joues au-dessous des yeux et le rendit aveugle (Note : Cette affaire est connue sous le nom de combat de Cazères. Le général Hill refoula nos troupes sur Aires. La lutte fut rude, les troupes portugaises se débandèrent à un certain moment). L'affaire fut plus chaude du côé où commandait le général Harispe (Note : Harispe (le comte Jean-Isidore), né à Saint-Etienne (Basses-Pyrénées), en 1768, colonel au 16e léger en 1802, général de brigade en 1807, général de division en 1810, comte en 1813. Blessé grièvement et amputé du pied à la bataille de Toulouse où il resta aux mains de l'ennemi - Tables du Temple de là gloire, t. XXVI, p. 3) car, de midi à 7 heures du soir, l'ennemi s'acharna en vain à enlever quelques vieilles fortifications que nous avions occupées. D'ailleurs les Anglais, tant à cette journée qu'à celle d'Orthez, perdirent 6 000 hommes, tandis que nous n'en eûmes que 3 000 hors de combat" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Après ce faible engagement à Aire, Soult se replie sur Plaisance, puis sur Tarbes, non sans avoir exécuté un retour offensif contre une partie des forces de Wellington, stationnées derrière le grand Lées. Il se dirige ensuite sur Toulouse par Saint-Gaudens.
Le 10 mars, le 69e est au centre (d'Erlon), 1ère Division Paris puis Darricau, 1ère Brigade Fririon (avec les 6e Léger et 76e), 2 Bataillons, 964 hommes (J. B. Dumas, Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult).
Le Capitaine Marcel raconte : "Chaque jour l'ennemi éprouvait des pertes, car le maréchal Soult ne quittait jamais une position avantageuse sans y attendre les Anglais et leur faire faire 10 ou 12 lieues tandis que nous en faisions 2. Aussi Wellington s'arrêta plusieurs jours quand nous fûmes à Valance-sur-Baïse, dans le Gers.
Ce repos nous fut utile, car nous étions accablés de fatigue et pouvions enfin avoir des vivres et du vin en abondance dans ce beau pays. Néanmoins il se passa là une fâcheuse affaire, à laquelle je fus mêlé bien malgré moi. Deux habitants s'étaient plaints d'avoir été victimes des maraudeurs : deux d'entre eux furent reconnus et je reçus l'ordre du général Drouet d'Erlon d'instruire l'affaire et d'en être rapporteur. Je me pressais peu, car ces malheureux n'avaient volé qu'un chaudron et qu'une serviette et je redoutais le sort qui les attendait; mais le général me fit venir, m'apostropha vivement et donna l'ordre de juger sur le tambour. Les pièces à conviction furent trouvées sur les coupables, reconnues par les plaignants, et les deux soldats condamnés à mort et fusillés; le procès n'avait pas duré deux heures. Quelle pitié de voir ainsi faire haïr la justice par excès de sévérité !
Les bourgeois qui avaient porté plainte, croyaient que la peine ne serait que de quelques jours de prison, ce qui eût été raisonnable; quand ils surent la vérité, ils en eurent un chagrin mortel, et jamais plus depuis nous ne reçûmes de plaintes pour vol ou pillage" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 19 mars, au cours d'un combat à Vic-de-Bigore, le Capitaine Gugliery et le Lieutenant Fredure sont blessés. Le Fusilier Gervais est tué.
Le Capitaine Marcel raconte : "" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 22 mars 1814, le Colonel Monneret prend la tête du 69e en Espagne.
MONNERET (Jean-Pierre)Né à Saint-Claude (Jura) le 25 janvier 1773. Volontaire au 11e Bataillon du Jura, 5 août 1792. Capitaine au 11e Bataillon du Jura, 12 août 1792. Fait prisonnier en protégeant la retraite de la Division Marbot, 16 germinal anVIII. Passé au Régiment des Grenadiers du Roi de Naples, 1er août 1806. Chef de Bataillon des Grenadiers du Roi de Naples, 10 septembre 1806. Passé à la Garde du Roi d'Espagne, 1er juillet 1808. Major à la Garde du Roi d'Espagne, 13 mars 1809. Colonel du Régiment de Tolède, 17 avril 1811. Passé à l'Etat-major du Duc de Dalmatie, 13 juillet 1813. Rentré au service en France en qualité de Major, 26 décembre 1813. Colonel du 69e, 22 mars 1814. Colonel du Régiment des Chasseurs corses, 26 novembre 1814. Colonel du 55e, 10 juin 1815. |
Le Capitaine Marcel raconte : "Vers le milieu de mars, le maréchal Soult fut informé que l'ennemi voulait nous couper la grande route de Tarbes et s'était porté vers Vic-de-Bigorre (Note : Ce mouvement avait pour but d'occuper l'ennemi pendant que le reste de l'armée marchait sur Tarbes (PELLOT, Mémoire sur la campagne de l'armée des Pyrénées, p. 130). La 1re division, en ligne à l'est et à l'ouest de la route de Maubourguet, occupait Baloc et s'établissait à 3 kilomètres environ au nord de Vic-de-Bigorre ... quatre pièces étaient mises en batterie ... A 2 heures du soir, le combat s'engageait sérieusement avec les troupes de Picton ... le comte d'Erlon prenait position derrière Vic-de-Bigorre à 4 heures du soir ... et se retirait sur Pujo et bivouaquait autour du village - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 533 et suiv.). Nous partîmes le 18 mars, à 2 heures du matin, fîmes 8 lieues sans faire de halte et, vers 9 heures du matin, le régiment entra dans Vic où quelques cavaliers anglais s'étaient déjà présentés. Le maréchal recommanda à la division de tenir seulement deux heures, car ce temps lui suffirait pour faire filer artillerie et bagages. Nous allâmes nous embusquer au nord de la ville derrière des murs bas et des arbres qui, dans ce pays, servent d'échalas aux vignes : les colonnes ennemies, obligées de traverser une plaine découverte pour venir à nous, ne perdaient pas une balle de celles que nous leur envoyions et nos feux de pelotons faisaient des trous dans leurs bataillons. Les habitants avaient distribué du vin à nos soldats, aussi nous n'en étions plus maîtres et ils voulaient constamment sortir de leurs embuscades pour courir à la baïonnette; quand, vers 5 heures du soir, nous reçûmes l'ordre de nous retirer, je fus obligé de menacer plusieurs voltigeurs de la prison pour les faire partir, tant ils se battaient avec rage. L'adjudant-major Gugliéry, qui venait, pour la troisième fois, me porter l'ordre de la retraite, reçut une balle dans le talon et le régiment n'eut que quelques hommes blessés : les Anglais laissèrent plus de 1200 des leurs sur le terrain.
Le régiment bivouaqua à une demi-lieue de là et, aussitôt la soupe mangée, partit pour Tarbes que l'on atteignit à la pointe du jour et de là en route directement sur Toulouse où nous arrivâmes le 20 mars.
Le 69e n'avait pas eu de colonel depuis la mort de M. Guinand : le 20 mars, arriva M. Monnerel qui était à l'état-major du maréchal et qui possédait la bravoure, l'instruction, la politesse, la bienveillance qui sont les qualités du vrai chef; officiers et soldats retrouvèrent en lui l'ami et le père qu'ils avaient perdu quand le général Fririon quitta le régiment" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Epuisée par de nombreux combats, l'armée, réduite à 24000 hommes, parvient devant Toulouse, le 24 mars. Le Maréchal fait établir un camp retranché et, lorsque les Anglais se présentent, les travaux sont terminés.
La Division Darricau, placée sur la rive droite de la Garonne, a pour mission de défendre le canal depuis son embouchure jusqu'à la route d'Albi.
Wellington arrive devant la place le 27 mars.
Le 1er avril 1814, le 69e fait partie de la 1ère Division du centre (Drouet d'Erlon) de l'armée d'Espagne (Général Darricau); il forme, avec un Bataillon des 6e Léger et 76e, la 1ère Brigade (Fririon). Le 1er Bataillon, commandant Guingret, aligne 21 Officiers et 449 hommes présents, plus 231 absents ou aux hôpitaux; le 2e Bataillon, commandé par le Capitaine Bataillard, compte 12 Officiers et 402 hommes présents, plus 231 absents ou aux hôpitaux (J. B. Dumas, Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult). La 2e Brigade est commandée par le Général Berlier.
Le Capitaine Marcel raconte : "Je pus enfin m'occuper de mes vieux compagnons qui faisaient leur service avec tant de zèle et d'activité, et je pus remplacer par des souliers les espadrilles en peau de boeuf dont la plupart étaient chaussés.
Des retranchements commençaient à s'élever autour du faubourg Saint-Cyprien : le régiment vint aider à l'achèvement de ces travaux qui étaient en état lorsque l'ennemi parut (Note : Le maréchal Soult acceptait la bataille à Toulouse sur le terrain qu'il avait choisi et préparé d'avance. Il avait réussi à gagner plus de quinze jours sur son adversaire, il les avait bien employés en mettant à contribution toutes les ressources de la grande ville et de son arsenal - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ..., p. 552-553). Une attaque le convainquit qu'il ne pourrait jamais que s'emparer du faubourg et, qu'une fois le pont sur la Garonne coupé, il ne pourrait plus arriver en ville; il fut donc évident qu'il chercherait à passer la Garonne pour attaquer plus avantageusement par les routes de Montauban et d'Alby. Le maréchal Soult fit repasser le fleuve à presque toute l'armée et, pour être informé rapidement des mouvements des Anglais et du point de passage qu'ils choisiraient, il étendit les troupes à plus de 2 lieues en dessus, et en dessous de Toulouse, et nous bivouaquâmes, malgré la pluie, tout le long de la rivière" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Le 4 avril, Wellington tente de passer le fleuve à proximité de Grenade. Une crue suspend les opérations jusqu'au 8.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 7 avril, Wellington fit la tentative de passer la Garonne près de la route de Villefranche, à 2 lieues au-dessus de Toulouse, mais cette manoeuvre ne trompa point le maréchal, qui n'envoya là que les divisions les plus rapprochées pour faire face si le passage était réel (Note : Il y eut des tentatives de passage de la Garonne en amont et en aval de Toulouse; Wellington avait même poussé une division vers Grenade, mais les eaux étaient hautes, le fleuve était sujet à des crues subites et Wellington craignait de voir une partie de son armée rester subitement isolée sur la rive droite et risquer d'être détruite par toutes les forces du maréchal Soult. Il y eut une de ces tentatives le 4 avril, jour de l'abdication de l'empereur Napoléon). Mais le passage n'était que simulé, et le maréchal fit construire sur trois élévations entre les routes de Montauban et d'Alby des redoutes si bien placées, qu'elles balayaient la plaine et se commandaient l'une l'autre. Elles furent élevées le jour même" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Dès ce jour, Wellington prépare son plan d'attaque. Toutes ses forces doivent être engagées sur les deux rives de la Garonne.
Le Capitaine Marcel raconte : "Dans la nuit du 8 avril, le bruit des voitures de bagages et de l'artillerie nous fit soupçonner que l'ennemi effectuait le passage de la Garonne : il la passait en effet à 2 lieues au-dessous de Toulouse.
Le 9, le duc de Dalmatie vint lui-même assigner à chaque division et à chaque régiment les postes que l'on devait défendre jusqu'à la mort. Les ponts sur le canal du Midi étaient retranchés, garnis d'artillerie et défendus par tous les vieux soldats de l'armée; derrière le canal et sur les vieux remparts de la ville étaient 10000 conscrits, destinés seulement à figurer et à faire nombre; chaque redoute reçut une garnison de 3000 hommes. Comme il n'y avait que la Garonne pour séparer nos sentinelles de celles de l'ennemi, les Anglais avaient appris à nos soldats la prise de Paris (Note : Dès le 7 au soir, le bruit circulait à Toulouse que les armées étrangères étaient entrées dans notre capitale - (J. PELLOT, op. cit., p. 144); dans la ville même, des ennemis de l'Empereur avaient donné aux soldats des pamphlets les excitant à déserter : rien ne put les ébranler. Le maréchal Soult ignorait la capitulation de Paris et cela a été prouvé (Note : Soult n'eut connaissance de l'abdication que le 13 avril, par le colonel Saint-Simon; mais ce ne fut que le 17 qu'il en fut régulièrement informé par le gouvernement et par le major-général de l'Empereur - J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne ..., p. 553, note 4); lord Wellington en avait connaissance puisqu'il l'avait annoncé à ses soldats; il n'aurait pas, par conséquent, dû nous attaquer : mais il croyait venir facilement à bout de notre armée, entrer dans Toulouse, prendre tous nos bagages et nos canons et terminer ainsi glorieusement la campagne" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
- Bataille de Toulouse
La bataille de Toulouse (10 avril 1814) est le dernier et le plus grand effort de ce petit nombre de braves défendant le territoire de la patrie contre des armées trois fois plus nombreuses. C'est un des plus beaux faits d'armes qui honorent notre histoire militaire. Les débris de la Division Foy occupent, sur la rive droite de la Garonne, le terrain voisin du confluent du canal (aux ponts Jumeaux).
Le 10, l'ennemi se met en mouvement vers six heures du matin. La Division Picton, formée dans la plaine, ramène les avant-postes à la gauche du canal et vient se déployer en face de la Brigade Berlier, depuis la jonction jusqu'à l'écluse de la Béarnaise.
Le 2e Bataillon (Guingret), chargé de la défense du pont Malabiau, voit, vers 7 heures, arriver sur lui, au pas de course, la Division Picton ployée en deux colonnes. Toute la journée il tient tête. Pendant la bataille, le Général Harispe vient trouver le commandant pour lui recommander de conserver à tout prix son poste : "Soyez tranquille, mon général, l'ennemi ne passera pas"; il tient parole.
Le Lieutenant Roblin est tué à Toulouse le 10 avril 1814; le Capitaine Roze est blessé. Parmi la troupe, on note le Caporal Dumas, les Fusiliers Delmas, Langlois, tués.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 10 avril, à 5 heures du matin, Wellington somma la ville de se rendre: il reçut la réponse qu'il méritait. Il fit alors lire à ses soldats une proclamation dans laquelle il leur annonçait qu'ils seraient à Toulouse à 10 heures du matin et, après une ample distribution de rhum, il déploya ses forces à 6 heures du matin et attaqua sur tous les points en même temps (Note : Le 10, vers 6 heures du matin, l'armée ennemie s'ébranla sur tous les points. Sur la rive gauche de la Garonne, le général Hill s'avança contre l'enceinte extérieure de Saint-Cyprien ... sur la rive droite le général Picton se forma près de l'embouchure du canal, attaqua les Français vers 7 heures et les repoussa jusqu'à la tête du Pont-Jumeau, où tous ses efforts furent contenus par deux bataillons de la brigade Berlier. Sur sa gauche,Wellington éprouva un grave échec : les Espagnols perdirent plus de mille hommes ... Le général Hill finit par chasser de la première enceinte du faubourg Saint-Cyprien les postes laissés par Reille en se retirant sur la seconde ... Picton attaqua de nouveau le pont Jumeau et fut repoussé avec une perte énorme. Les Anglais veulent brusquer l'attaque et sont écrasés à coups de pierre dans les fossés.Vers midi, l'action ne laissait que peu d'espérance de succès à l'armée alliée. Soult prescrivit à la division Taupin de marcher à la rencontre de Beresford, mais cette division est écrasée et Beresford réunit ses divisions sur le plateau, y amène de l'artillerie et attaque en flanc les redoutes du Calvinet. Ces redoutes emportées, Beresford marche sur celles de la Pujade ... et les enlève vers 7 heures. Les alliés s'arrêtent après ce dernier effort et n'osent refouler l'armée française dans le canal. Maître encore du faubourg Saint-Etienne, Soult avait sa retraite assurée - Victoires et Conquètes des Français, t. XXIII, p. 351 et passim). Aux ponts de Matabiau et des Minimes, les colonnes anglaises furent reçues par de telles décharges que la confusion se mit dans leurs rangs et qu'il en fut fait un vrai massacre par nos soldats; mais revenons aux redoutes derrière lesquelles la division se trouvait en réserve, vers le signal du Calvinet. La première redoute, dans laquelle se tenait le maréchal Soult, fut attaquée par 8000 Portugais et Espagnols dont les pantalons blancs donnaient de beaux points de mire; ils n'arrivèrent pas à moitié chemin, une grande partie fut couchée par terre et l'autre s'enfuit. De nouvelles colonnes vinrent les remplacer et eurent le même sort : elles eussent été anéanties si nous avions eu de bons canonniers, mais nos artilleurs, trop jeunes, pointaient mal, et souvent les soldats d'infanterie étaient obligés de les aider dans leur service. Enfin une dernière masse, composée cette fois d'Anglais et de Portugais, arriva presque sur la redoute mais, à vingt pas des retranchements, se trouvait un chemin large et profond qu'on ne pouvait apercevoir qu'en arrivant dessus. Les bords de ce chemin étaient tellement à pic que l'ennemi fut arrêté, cherchant des endroits faciles poury descendre : que l'on juge du ravage fait dans cette masse par le feu continuel de 3 000 hommes tirant d'aussi près. Une déroute affreuse éclata soudain parmi ces Anglais, et ils tournèrent le dos : notre division s'élança à la poursuite jusqu'au canal. Nous n'étions plus maîtres de nos soldats, tous voulaient passer l'eau pour, disaient-ils, "en tuer tout leur content". Aussi animé qu'eux, je traversai le canal sur une poutre qui n'avait pas 9 pouces de largeur, et je me mis à pointer tant que je pus au milieu des fuyards. Le capitaine Rose du régiment courut sur un porte-drapeau anglais; il allait l'atteindre, lorsqu'une balle lui traversa les deux cuisses et le renversa dans les trèfles et les luzernes où nous combattions. Je fus laissé, avec ma compagnie et les voltigeurs du 2e bataillon, au bord du canal pour surveiller de ce côé, et le régiment alla reprendre sa place en réserve. Vers les 4 heures, j'aperçus plusieurs officiers généraux ennemis qui cherchaient à s'approcher pour reconnaître les emplacements de nos troupes : je choisis plusieurs de mes bons tireurs et fis ajuster deux de ces cavaliers qui furent démontés à l'instant. La fusillade des Anglais, de l'autre côé du canal, me coûta deux voltigeurs blessés, et une balle me passa si près du coude droit qu'elle emporta l'habit et la chemise; mais je n'eus que le bras engourdi pendant un petit instant.
Vers 7 heures du soir, Wellington, furieux de n'avoir pu déjeuner en ville comme il l'avait promis, fit avancer toutes ses réserves et les dirigea sur un monticule près de la troisième redoute. Ses têtes de colonne, arrivant par un passage étroit, furent mises en désordre, mais le trop d'ardeur est parfois nuisible : le général Taupin (Note : Taupin, colonel du 103e en 1805. Général de brigade en 1807, général de division en 1813. Tué à la bataille de Toulouse), voyant cette confusion, voulut achever la déroute et s'engagea à la tête des grenadiers de sa division dans ce même passage : ne pouvant présenter qu'un petit front, il fut culbuté, une compagnie renversant l'autre et comme, sur ces entrefaites, il fut tué, les Anglais profitèrent de ce désordre et s'emparèrent des hauteurs dominant les redoutes. A 9 heures du soir, il fallut les évacuer. Notre armée ne perdit que 2 300 hommes dans cette journée et encore y en avait-il 1500 qui n'avaient que des blessures légères et qui reprirent leur service quatre jours après. Les Anglais et les alliés laissèrent 18000 hommes sur le terrain dont 8000 morts" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Soult a su de même maintenir toutes ses positions, mais le lendemain, il évacue Toulouse et se retire sur Villefranche.
Le Capitaine Marcel raconte : "Le 11, nous restâmes en position devant Toulouse (Note : Le 11 avril, Wellington ne s'occupe que des moyens de se maintenir sur les collines qui dominent la ville; Soult ordonne la retraite sur Castelnaudary. Le 12 au matin, il ne reste dans Toulouse que 1500 blessés ou malades qu'on n'aurait pu transporter sans danger. Wellington entra dans Toulouse le 12 avril à 10 heures du matin - Victoires et Conquêtes des Français, t. XXIII, p. 351 et passim), Je fus envoyé en parlementaire dans l'après-midi, pour demander à enlever les blessés restés sur le terrain parmi les morts; un capitaine anglais s'approcha de moi et m'offrit la goutte : il me dit qu'il était bien regrettable que les Anglais et les Français fussent en guerre, et comme je lui demandais si le bal allait recommencer, il me répondit : "Je ne pense pas car hier il a fait extrêmement beaucoup chaud". Il me faut signaler aussi la conduite patriotique des habitants de Toulouse qui venaient chercher nos blessés, les emportaient, leur prodiguaient des soins; plusieurs dames apportaient des biscuits, du bon vin, des liqueurs et les voitures de maîtres servaient au transport des hommes dans les hôpitaux (Note : Toutes les maisons de Toulouse étaient autant d'hospices ouverts aux malheureux blessés : les femmes, les vieillards attendris allaient au-devant des brancards - (J. PELLOT, op. cit., p. 157).
Le 12, à une heure du matin, l'armée quitta Toulouse et prit la route du Bas-Languedoc : la division formait l'arrière-garde ; près de Villefranche, nous vîmes paraître la cavalerie anglaise, mais elle se montra peu entreprenante et quelques coups de canon suffirent à l'éloigner. Le 13 avril, l'armée prit position près de Castelnaudary; nous étions tous bien décidés à nous battre et à recevoir comme il le fallait l'attaque de l'armée anglaise. Le 15 avril, nous apprîmes l'abdication de l'Empereur. Les troupes du maréchal Suchet, rentrant d'Espagne, vinrent se joindre à nous et beaucoup d'officiers nous exprimèrent leurs regrets de n'avoir pas combattu à Toulouse : il est bien certain que si nous avions eu ces 14000 hommes, la grande armée de lord Wellington aurait été obligée de repasser la Garonne.
Des cantonnements provisoires furent alors assignés à toute l'armée : le régiment occupa successivement Lavaur, Rabastens et Alby. Nous fûmes reçus partout avec la magnificence dont se piquent presque tous les habitants de ce beau pays ..." ("Campagnes du Capitaine Marcel").
Un armistice suspend les hostilités.
Tel est le dernier effort de ces braves. Le 10 mai, les deux Bataillons, qui, au 1er janvier, avaient 1112 hommes, au 10 mars, 964, n'en ont plus que 806 au moment de passer à l'armée du Midi.
Le Capitaine Marcel raconte : "... et, pendant trois mois, ce ne furent que bals et parties de plaisir en compagnie de femmes charmantes et spirituelles. A Lavaur, le régiment fut passé en revue par le duc d'Angoulême dont la figure amusa beaucoup nos soldats, prompts à s'égayer.
Le 7 juin, le 69e quitta Rabastens pour se rendre à Metz où le général Molitor devait procéder à la réorganisation. Nous traversâmes la France et ce furent les derniers beaux jours de notre brave régiment où tout le monde se connaissait, s'estimait pour les fatigues et les dangers supportés courageusement en commun. Le général Molitor ne suivit que trop ponctuellement les ordres du roi Louis XVIII; il plaça tous les officiers par rang d'ancienneté : plusieurs d'entre eux, qui n'avaient jamais quitté les dépôs, voyant qu'on ne devait plus se battre, demandèrent à continuer de servir, de sorte que beaucoup de jeunes officiers braves et méritants furent renvoyés chez eux. A mon avis, c'était trahir les intérêts du roi, car il eût mieux valu se débarrasser de tous ceux qui étaient fatigués et n'user du privilège de l'ancienneté qu'à mérite égal. Il ne fallait que 24 capitaines dans le régiment et j'étais le vingt-cinquième par rang d'ancienneté : ni le général Fririon, ni le colonel Monneret ne purent rien obtenir du général Molitor, esclave aveugle des ordres, et il me fallut en prendre mon parti. La carrière militaire me plaisait beaucoup et ce fut avec douleur que je dis adieu au 69e et à mes anciens chefs.
Aux jeunes gens qui veulent embrasser le métier des armes, je souhaite un régiment comme le 69e et des soldats comme ceux que j'eus l'honneur de commander; je leur souhaite aussi comme chefs des Fririon, des Monneret, pour apprendre à conduire les hommes, faire leur devoir sans ostentation et servir la France comme doivent le faire des militaires dignes de ce nom" ("Campagnes du Capitaine Marcel").
M/ Campagne de France, 1814
Après Leipzig, les alliés se montrent peu empressés à poursuivre Napoléon et hésitent à mener une campagne d'hiver malgré leur formidable effectif de 600000 hommes.
Cependant l'Empereur s'efforce de réorganiser son armée pour s'opposer à une invasion.
L’ordre de formation et de réorganisation de l’armée arrêté par l’Empereur le 7 novembre 1813, indique, dans son article 7 : "La huitième division, qui faisait partie du troisième corps, et qui en ce moment fait partie du sixième, sera composée ainsi qu'il suit :
... Troisième bataillon du 69e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans le troisième, et le cadre renvoyé au dépôt …
Art. 9
Cette huitième division sera commandée par le général Ricard …" (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 6, page 105). L'Article 8 ajoute que l'on doit incorporer dans le 69e 100 Conscrits hollandais, pris dans 4 Bataillons hollandais, à raison de 300 Conscrits par Bataillon.
Le 12 novembre, le 3e Corps est dissous en exécution des ordres de l'Empereur du 7 novembre; les cadres du 4e Bataillon du 69e sont envoyés au Dépôt à Luxembourg pour y être organisés et complétés à l'aide de jeunes recrues.Ainsi, 293 Conscrits de la classe 1814 arrivent à Luxembourg pour le 69e de Ligne
Les hommes du 4e Bataillon, eux, sont versés dans le 3e pour former le Bataillon conservé, 18e Division, 6e Corps.
Environ cent conscrits hollandais, qui se trouvent dans les environs de Mayence, doivent venir grossir ses rangs, mais la mesure n'est pas appliquée.
Le 4e Bataillon ainsi réorganisé et complété doit faire partie du 11e Corps; les ressources présentes en hommes ne permettent pas à cette nouvelle formation d'être prête à temps; il reste donc à Luxembourg avec le 5e Bataillon.
Le 15 novembre, le Sergent Ancelin est tué à Torgau.
Le 3e bataillon occupe Coblenz depuis le 20 novembre jusqu'en décembre 1813.
Napoléon, pour essayer de dissimuler la pénurie de ses ressources, dispose, vers le milieu de décembre, ses troupes en cordons le long du Rhin, le 6e Corps de Landau à Coblentz.
Le 21 décembre 1813, l'Empereur depuis Paris ordonne : "Le 6e corps d’armée, commandé par le maréchal duc de Raguse, sera formé en quatre divisions, savoir :
... 2e division, général : 6e léger, deux bataillons ; 9e léger , deux ; 59e de ligne, deux; 65e, deux; 69e, deux; 136e, deux; 138e, deux; 42e, deux; total, seize bataillons ..." (Correspondance de Napoléon, t. 26, 21024).
Toujours le 21 décembre 1813, l'Empereur écrit encore, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je viens d'examiner le tableau de l'infanterie qui est joint à votre travail du 19 décembre ...
... Le 11e corps sera composé de 3 divisions :
... 3e division, de : 2 bataillons du 21e léger ; 4 bataillons du 22e de ligne ; 2 bataillons du 28e ; 2 bataillons du 54e ; 2 bataillons du 59e ; 2 bataillons du 69e ; 2 bataillons du 95e ; 16 bataillons
La 2e division se formera à Wesel, et la 3e à Maëstricht, toutes deux sous les ordres du duc de Tarente. Il est nécessaire que vous donniez ordre aux bataillons : du 107e, du 22e de ligne, du 8e de ligne, du 28e de ligne, du 45e, du 54e, du 21e de ligne, du 59e, du 94e, du 69e, du 21e léger et du 95e de se rendre sur la Meuse pour y être à la disposition du duc de Tarente ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37628).
Le 21 décembre justement, l'Armée de Bohême (Schwarzenberg) se dirige par la Suisse sur la Franche-Comté.
Le 25 décembre 1813, le Major général écrit, depuis Paris, au Maréchal Marmont : "L'Empereur vient d'arrêter, monsieur le duc, une nouvelle organisation pour le sixième corps d'armée. L'intention de Sa Majesté est que vous le fassiez former de suite en trois divisions au lieu de deux, conformément à l'état ci-joint. Faites procéder à cette opération ...
Vous remarquerez, monsieur le maréchal, que, dans la nouvelle organisation du sixième corps, on ne comprend plus :
Le premier bataillon du 28e léger ;
Le premier bataillon du 22e de ligne ;
Le deuxième bataillon du 59e de ligne ;
Le troisième bataillon du 69e de ligne.
Ces quatre bataillons doivent faire partie désormais du onzième corps d'armée. Préparez tout pour les faire mettre en marche aussitôt que vous en recevrez l'ordre définitif, que je vais vous adresser incessamment ..." (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 6, page 100).
Le 28 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Berthier : "... J'approuve que vous donniez également ordre au 6e corps de fournir le 28e léger, le 22e de ligne, le 59e et le 69e.
Je pense que le 6e corps pourrait prendre en passant à Landau le 2e bataillon du l5e de ligne.
Donnez les ordres sans délai" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 6335 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37690).
le 31, l'armée de Silésie (Blücher) débouche entre Manheim et Coblentz.
L'Empereur, pour arrêter Schwarzenberg par une attaque de flanc, ordonne la concentration du 6e Corps à Landau et la descente vers Strasbourg.
Ricard atteint Kreuznach. Mais il est trop tard, le mouvement est arrêté.
- Combat de Simmern
L'excédent d'encadrement du 3e Bataillon est dirigé sur Metz le 1er janvier, sur Paris, où il arrive le 15, puis sur Orléans, le 1er février.
En effet, le 2 janvier, Ricard, à la nouvelle de l'enlèvement par les Prussiens des ponts de Coblentz et de Bacharach, se dirige de Kreuznach sur Simmern au secours de Durutte. Le reste du Corps Marmont continue sa concentration à Neustadt.
"Arrivé à Rheinbellen, le général apprit que le passage des Prussiens était effectué à Caub. Il se porta alors sur Simmern où il se joignit au général Durutte, laissant une petite arrière-garde à Rheinbellen pour observer le mouvement de l'ennemi. Cette arrière-garde fut attaquée le lendemain matin... et repoussée sur Simmern après un combat assez vif. Coupés ainsi du restant du 6e corps, les généraux Durutte et Ricard prirent la détermination de gagner la Sarre par Kirn et Saint-Wendel" (Vaudoncourt, Campagne de 1814).
Le 3, tandis que Raguse, averti, se retire sur Kaiserslautern, ses deux Lieutenants poursuivent sur Meisenheim, en se couvrant en arrière par un détachement à Simmern.
Le 6 janvier 1814, le 3e Bataillon du 69e est affecté à la 1ère Division (Ricard), avec des fractions de treize autres Régiments.
Le 7, après avoir passé la Sarre à Sarrebruck et fait sauter le pont, les deux Lieutenants du Duc de Raguse rejoignent le Corps d'armée et s'établissent entre Sarrelouis et Sarreguemines. Ricard y reste jusqu'au 9.
York et Sacken se présentent alors devant la Sarre. Marmont abandonne cette ligne pour celle de la Moselle et se replie vers Metz, avec arrière-garde à Sarrebruck, jusqu'à la nuit.
Le 10, le 6e Corps est derrière la Nied, couvert par l'occupation de Saint-Avold.
- Combat de Saint-Avold
Ce bourg est évacué après un vif combat, le 11 au matin, et Marmont s'établit devant Metz.
Le 12 janvier 1814, le Maréchal Marmont écrit, depuis Metz, au Major général : "J'ai eu l'honneur de vous rendre compte hier de la marche du corps de Sacken et de l'engagement que j'avais eu hier au soir avec son avant garde. L'ennemi opère aussi, ainsi que je vous l'ai mandé, par la route de Sarrelouis à Metz, ce qui a rendu nécessaire de me rapprocher de l'embranchement des routes, afin de ne pas perdre ma communication avec Metz. Nous avons eu dans la soirée des engagements de cavalerie assez vifs dans les directions de Boulay et de Courcelles ; l'ennemi a montré de chaque côté un millier de chevaux. Je calcule que demain j'aurai devant moi de fortes avant-gardes, et après-demain toutes les forces ennemies. Je me dispose à faire tout ce qui sera convenable pour défendre le plus possible la Moselle.
Je suis venu de ma personne, ce soir, ici, afin de connaître dans quel état se trouve la place, et de prendre toutes les dispositions que commandent les circonstances : elles sont arrêtées et seront exécutées sans retard. J'ai formé la garnison, et, à cet effet, j'ai disposé d'un bataillon du sixième corps, et des bataillons des 22e, 69e et 28e léger, qui étaient destinés au onzième corps et n'ont pas pu s'y rendre par suite de la position de l'ennemi. Avec les bataillons qui sont ici et les conscrits qui sont arrivés, la place aura suffisamment de monde. Elle va être complétement pourvue de toutes sortes de moyens. En conséquence, je fais partir pour Châlons tous les dépôts qui encombrent cette place et qu'il est si nécessaire de conserver pour la réorganisation de l'armée. J'en informe le ministre de la guerre, pour qu'il puisse leur donner une destination définitive. Je me suis occupé également de la place de Thionville, qui recevra demain un supplément de garnison. D'après cela, la vieille garde part demain matin pour la destination qui lui a été assignée.
Comme je m'affaiblis beaucoup, le général Curial consent à me laisser la division de voltigeurs qui sort de Thionville, mais qui, étant en campagne, sera toujours à même d'exécuter les ordres de Sa Majesté" (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 6, page 123).
Le 13 janvier 1814, le Maréchal Marmont écrit, depuis Metz, au Major général : "… J'ai fourni pour Metz, Sarrelouis et Thionville, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous en rendre compte, cinq cadres de bataillons, savoir : les bataillons du 28e léger, 22e, 59e, 69e de ligne, qui n'avaient pu rejoindre le duc de Tarente, et un bataillon du 14e de ligne. Ces cadres, avec les conscrits qui leur seront donnés, donneront le moyen de compléter ces garnisons …" (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 6, page 132).
- Combat de Pont-à-Mousson
Ricard est porté sur Pont-à-Mousson et repousse, le 13, la cavalerie de Sacken. Le 15, il occupe Thiaucourt, flanc-gardant à droite le 6e Corps établi à Gravelotte. Le Maréchal, en quittant Metz, y a laissé Durutte comme gouverneur.
Le 17, Marmont se reporte derrière la Meuse, qu'il passe le 18 à Verdun, y reste deux jours, puis, découvert par la retraite de Victor, gagna la vallée de l'Aire, en laissant Ricard à Verdun.
Le 21 janvier 1814, l'Empereur, depuis Paris, décrète : "I. Les régiments des dépôts ci-après désignés et ceux de leurs cadres qui n'ont pas de conscrits se rendront, savoir :
... Ceux de la 3e division : 100e et 103e de ligne, 24e et 26e léger, 30e, 33e, 59e, 69e, 61e, 76e, 111e de ligne, 9e léger et 96e de ligne à Beauvais ...
II. Le ministre de la guerre désignera un officier général ou supérieur ou un commissaire des guerres de ceux employés dans le département pour être spécialement chargé de ces dépôts qui seront placés dans les villes ci- dessus désignées ou aux environs ..." (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2736).
Le 22, Marmont réunit son Corps à Saint-Dizier; Ricard reste aux Islettes, son arrière-garde à Clermont.
Le 25, il est relevé par le Duc de Tarente pour rejoindre l'armée à Vitry. Le 27, l'Empereur, prévenu de la situation, vient prendre le commandement de sa petite armée. Victor, Ney, Marmont sont rassemblés à Vitry, Macdonald s'est replié sur Mézières, Mortier sur Troyes.
La jonction des alliés est faite, le gros de l'armée de Bohême est à Chaumont, les têtes de colonnes de Blücher à Joinville. Mais le Général prussien, sans attendre le rassemblement de ses forces, se jette à l'avant-garde dans la direction d'Arcis-sur-Aube. Napoléon va en profiter. Il réorganise les Corps qu'il a sous la main.
Le 25 janvier, le Bataillon conservé du 69e (3e) ne compte plus que 97 hommes : les garnisons laissées en Lorraine, les combats d'arrière-garde, les maladies, la rigueur de la saison, la grande jeunesse de ces Maries-Louises ont amené cette extrême diminution d'effectif.
Placé sur le flanc droit des Alliés, Napoléon veut profiter de leur non-concentration pour tomber sur la colonne Blücher. Mortier maintient Schwartzenberg à droite; Macdonald, York à gauche.
Le 27, Ricard arrive à Bassuet et Vitry après une marche des plus pénibles par Sainte-Menehould, Elize, Dampierre-le-Château, Dommartin-sur-Yèvre. Le 28, il s'avance dans la direction de Brienne, jusque vers Chavanges.
- Combat de Brienne
L'Empereur poursuit Blücher jusqu'à l'Aube, l'atteint à Brienne, le force à reculer (29 janvier).
Le 30, Ricard se rend à Rosnay, puis à Dienville.
- Bataille de la Rothière
Après quelques jours d'immobilité, Napoléon tente d'arrêter les Prussiens devant la Rothière. A la droite, la Division Ricard, en seconde ligne, s'appuie à l'Aube derrière la Division Dufour du Corps Gérard. De ce côé du champ de bataille, les positions sont inébranlables; Ricard intervient sur la rive gauche de l'Aube, face à la Division autrichienne de Colloredo, qui tente de donner la main aux Prussiens. Mais la gauche est débordée et Napoléon se détermine à la retraite sur Troyes.
Après minuit, Ricard, resté sous les ordres de Gérard, se replie sur Brienne-la-Vieille et se remet en marche à deux heures du matin pour échapper à l'étreinte des Coalisés. Il coupe le pont et marche sur Piney, couvrant la route de Lesmont par la rive gauche.
Le 3, l'armée arrive devant Troyes; Ricard est rendu à Marmont et s'établit à Aubeterre, en réserve du 6e Corps qui occupe Arcis.
Le 3 février 1814, l'Empereur écrit, depuis Troyes, au Maréchal Berthier, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, donnez ordre que le cadre du 69e de ligne qui fait partie de la division Ricard se rende à Paris ; ce bataillon fera partie de la réserve de Paris, commandée par le général Fririon ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 37977).
Le 4, Ricard se porte à Droup-Sainte-Marie.
Les Alliés ont repris la marche sur Paris par les vallées de la Seine (Schwarzenberg) et la Marne (Blücher).
En vue de couper Macdonald isolé sur la Marne et talonné par York, Blücher pousse Sacken et Alzuwieff par Montmirail sur la Ferté-sous-Jouarre. Napoléon s'est reporté sur Nogent; il dirige Marmont, qui l'a devancé, sur Sézanne pour déboucher dans le flanc de l'armée de Silésie.
- Combat de Baye
Le 7 février, le Duc de Raguse atteint Fontaine-Denis; le 8, traversant Sézanne, il lance son avant-garde sur Baye; d'où elle chasse un Bataillon prussien. Attaqué le 9, il se retire sur Sézanne.
- Bataille de Champaubert
Le 10 au matin, reporté en avant par l'Empereur, il force le défilé de Pont-Saint-Prix. Ricard gravit les pentes du plateau à droite de la route sous le feu de l'artillerie, enlève le bois qui couvre la position ennemie et, longeant la lisière, se rabat sur Champaubert par la route de Châlons.
Le Corps d'Alzuwieff est presque entièrement détruit. La Division bivouaque à la Grange de Vaux et pousse, pendant la nuit, une Brigade sur Montmirail.
- Bataille de Montmirail
L'armée de Silésie est coupée en deux tronçons; l'Empereur laisse une partie du Corps de Marmont en face de Blücher et pousse, le 11, la cavalerie de la Garde, soutenue par Ricard, remis en marche dès trois heures du matin, au-devant de Sacken, qui accourt de la Ferté-sous-Jouarre.
La Division d'avant-garde se déploie en travers de la route de La Ferté et court aux points d'appui : Bois de Bailly, le Tremblay, Pomesson. L'évacuation raisonnée de cette ferme et les attaques cinq fois répétées de Marchais attirent tous les renforts de Sacken au sud de la chaussée et à l'extrême gauche. Soutenues par quatre Bataillons de Vieille Garde, les troupes de Ricard finissent par s'emparer de Marchais.
"Les débris de ma division, qui avaient eu une heure de repos, furent réunis en colonne, dit le général; tout marcha au village aux cris de : "Vive l'Empereur ! " sans tirer un coup de fusil. L'ennemi fut culbuté et rejeté dans les ravins et les bois qui étaient derrière; on lui tua encore beaucoup de monde; nous les poursuivîmes la baïonnette dans les reins : on leur fit 500 à 600 prisonniers".
La prodigieuse énergie déployée par ces fractions si peu homogènes, réduites en quinze jours de 2900 à 1500 hommes, permet à Napoléon de tourner tous ses efforts contre York, s'efforçant de rejoindre Sacken, et de le refouler sur Château-Thierry.
Pendant que, le 12, l'Empereur rejette ses deux adversaires au nord de la Marne, la Division, très fatiguée, quitte le champ de bataille, où elle a bivouaqué, pour retourner à Montmirail, en position d'attente. Le 13, à dix heures du matin, elle reçoit l'ordre de rejoindre Marmont contre qui Blücher a pris l'offensive. Le Maréchal, rétrogradant de trois lieues, s'est arrêté la nuit à Fromentière.
- Bataille de Vauchamps
Napoléon, revenu sur ses pas, avec la Garde, prescrit à Marmont, le 14, à huit heures du matin, de se reporter en avant. A dix heures, Ricard, qui arrive à Montmirail, précédé des vingt-quatre pièces du 6e Corps et suivi de Lagrange, se porte contre Vauchamps, la 1ère Brigade au sud de la route, sur un bois qu'elle enlève, la seconde sur le village. Cette dernière attaque échoue, mais le Duc de Raguse lance son Escadron d'escorte qui refoule les Prussiens.
Le mouvement débordant de Grouchy par la gauche décide, vers une heure, Blücher à battre en retraite, le 6e Corps à ses trousses.
A la nuit, après une demi-heure de repos, Marmont se remet en marche dans l'obscurité et, à huit heures et demie, surprend l'arrière-garde ennemie à Etoges. Blücher va rassembler à Châlons ses Corps dispersés.
Marmont reste à Etoges pour l'observer. Napoléon ne peut poursuivre les Prussiens, rappelé sur la Seine par de fâcheuses nouvelles : Victor et Oudinot ont été forcés par Schwartzenberg. L'Empereur culbute l'avant-garde du Prince à Mormant et à Nangis (17 février), défait à Montereau (18) son adversaire en retraite et le poursuit vers Troyes.
L'armée française a été une nouvelle fois réorganisée. Le Bataillon du 69e, réduit à 80 hommes, est reporté sur Paris.
Le 18 mars, l'Empereur, depuis Epernay, donne l'ordre au Général Clarke, Ministre del aGuerre, de compléter le 3e Bataillon du 69e avec 500 hommes du 153e (Correspondance de Napoléon, t. 27, 21516 ; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 38590) et les cadres rappelés d'Orléans pour entrer dans la composition de la 3e Division de réserve.
Sur ces entrefaites, le 6e Bataillon a été rappelé de Bordeaux à Paris.
- Bataille de Paris
Tandis que l'Empereur, après les manoeuvres de Laon contre Blücher, d'Arcis-sur-Aube contre Schwarzenberg, se porte vers l'est pour menacer les communication des Alliés, ceux-ci se hâtent vers Paris, où se livre, le 30 mars, la dernière action de guerre aux plateaux de Romainville et aux hauteurs de Belleville et de Montmartre : les deux Bataillons du Régiment avec tous les Dépôs incorporés dans la Division Hutin constituent la garnison proprement dite et renforcent le Corps de Compans sur la butte Beauregard au centre.
La capitale doit être évacuée et, le 10 avril, l'Empereur signe un acte d'abdication.
- Siège de Luxembourg
Les 4e et 5e Bataillons du 69e étaient enfermés dans Luxembourg. Dès le 4 janvier, York donne l'ordre de tenter l'attaque de vive force de la place. Le Sous-lieutenant Hantz est tué le 15 février 1814 au blocus de Luxembourg. Le Capitaine Gavoille est blessé le même jour. Le 18, le Sous lieutenant Fabre est blessé; il décède le 1er mars.
Le 19, la place est investie par la Division Horn, mais le siège est abandonné le 22 et confié à la cavalerie du Général Roeder.
Le 12 mars, Durutte reçoit l'ordre de l'Empereur de sortir de Metz, de réunir les trois quarts des garnisons de Thionville, Luxembourg, Longwy, Verdun et de menacer les communications des Alliés.
Durutte opère sa sortie le 26. Le 69e est débloqué et ramené à Metz.
- Siège de Metz
Le Bataillon se trouve le 1er avril à Metz. Il participe aux attaques incessantes de la garnison, qui tient en échec un Corps d'armée hessois. Le 15 avril, plus d'un mois après l'abdication, il est à Sarrelouis. Le 17, Durutte consent enfin à ouvrir les portes de Metz.
N/ Première Restauration, 1814-1815
Le 2 mai 1814, Louis XVIII est reconnu Roi de France. Il se préoccupe immédiatement de réorganiser l'armée. L'ordonnance du 12 réduit le nombre des Régiments de Ligne à 90. Ils comprennent trois Bataillons à six Compagnies dont deux d'élite et le cadre en Officiers d'un quatrième.
Le 69e prend le numéro 64 ; ce changement de numéro provient de la non existence, de 1803 à 1815, d'un certain nombre de Régiments : 31, 38, 41, 49, 68, 71, 73, 74, 77, 78.
Le nouveau 64e (ex 69e) est augmenté peu après du 2e Bataillon du 122e de Ligne et du 2e Bataillon du 14e régiment des Voltigeurs de la Garde. Il continue de tenir garnison à Metz, sous les ordres du Duc de Reggio, et est félicité du zèle qu'il montre pour la cause royale lors de la rébellion de l'armée (extrait des états de services du commandant Guingret) (23 mars).
Le 15 octobre 1814, le Voltigeur Laîné est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.
Lorsqu'il apprend le retour triomphal de l'île d'Elbe, le Roi, par ordonnance du 13 mars 1815, licencie tous les Régiments comme coupables de trahison; mais après la rentrée de Napoléon, à Paris, le Régiment reprend son ancien numéro (décret du 22 avril).
Le 64e avait été affecté à l'armée de la Moselle (Général Gérard). Redevenu 69e, il va jouer un rôle actif dans la campagne de Waterloo.
O/ Les Cent-Jours et la campagne de Belgique, 1815
- Réorganisation de l'armée au retour de l'île d'Elbe
Le 1er mars 1815, Napoléon, ayant quitté l'île d'Elbe, débarque au golfe Jouan (sic); le 20, il est à Paris. Dès les premières heures, voulant imposer à l'Europe hostile sa présence sur le trône de France, il réorganise l'armée puissante qui lui permettra de tenir tête à ses ennemis.
Les Décrets se succèdent avec une rapidité incroyable, rappelant sous les drapeaux les hommes en congé illimité et en semestre, augmentant le nombre des Régiments.
Fin mars 1815, un "Projet de répartition des militaires l'appelés aux drapeaux en sept dépôts généraux où ils seraient armés, habillés et instruits. Fin mars 1815". Le 64e de Ligne (ex 69e) à Sarrelouis fait partie de la 4e Division militaire; il doit être fourni par le Département de la Meurthe, et son Dépôt doit être initialement établi à Soissons, mais l'Empereur décide finalement de l'établir à Paris (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2972).
Le Décret du 28 mars, rendu public seulement le 9 avril 1815, fixe à deux le nombre de Bataillons qui doivent être immédiatement portés à l'effectif de guerre, en les complétant par le troisième. Puis le 3e Bataillon sera lui-même complété et, enfin, il est prévu un quatrième et un cinquième Bataillon, dont les cadres doivent exister sans délai.
En conséquence, le Régiment reprend le n°69. Placé sous les ordres du Colonel Hervé, il est formé à deux Bataillons commandés par les Chefs de Bataillon Guingret et Turc; il est à l'effectif de 40 Officiers et 1077 hommes.
Puis, Napoléon organise des Corps d'armée, dits Corps d'observation. Le 5 mai, le 69e est au 4e Corps ou armée de la Moselle (Lieutenant-général Gérard), dont le Quartier général est à Metz et dont les troupes sont chargées de la surveillance de la Sarre. Le Régiment appartient alors à la 13e Division (Vichery), où il forme avec le 48e la 2e Brigade aux ordres du Général Deprès. A cette date, il est ainsi réparti : 1er et 2e Bataillons à Sarreguemines, 3e et 4e Bataillons de Dépôt à Saint-Denis.
Le 9 mai 1815, le Sergent de Grenadiers Jouart est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.
Le 10 mai, ce Dépôt fournit une Compagnie de marche de soixante hommes, destinée à compléter, à Sarreguemines, les deux premiers Bataillons, en portant l'effectif de chacun d'eux à 600 hommes.
Le 13, il reçoit l'ordre de compléter son troisième Bataillon et de le faire partir sur le Régiment à l'armée de la Moselle, quoiqu'il n'ait que 176 hommes.
Le 16 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, je reçois votre rapport du 14 mai ...
Quant aux dépôts d’infanterie, voici mes observations :
... 13e division : donnez ordre que le 3e et 4e bataillon du 59e rejoignent les deux premiers bataillons de guerre ; que le 76e qui est à Saint-Denis envoie 200 hommes pour compléter ses deux bataillons de guerre ; que le 48e envoie de Cahors 250 hommes pour compléter les deux premiers bataillons, que le 69e complète son 3e bataillon et l’envoie à ses bataillons de guerre ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39651).
Le 21 mai 1813, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Général Mouton, commandant le 6e Corps de l’Armée du Nord : "Faites-moi connaître combien les 1er, 2e, 3e, 14e, 29e, 33e, 40e, 69e, 70e de ligne, 1er, 2e, 4e léger, 3e étranger pourront faire partir d'hommes le 28 mai pour renforcer les bataillons de guerre ; quand les 3e, 4e, 9e, 35e de ligne, 14e léger arriveront à Corbeil ?" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39733).
Cependant, le 25 mars, les souverains ont noué, à Vienne, une septième coalition contre la France. L'Empereur fait son plan de campagne : attaquer immédiatement les Anglo-Prussiens en Belgique, les battre en détail et ensuite marcher, de concert avec Rapp, contre les Austro-Russes.
- Concentration de l'Armée
Donc, dès le début de juin, Napoléon envoie ses ordres pour concentrer l'armée entre la Sambre et la Meuse. Le 4e Corps doit se porter de Thionville, centre de son rassemblement, sur Rocroy. Le 6 juin, il quitte ses cantonnements et, après une longue et dangereuse marche de flanc le long de la frontière à peine gardée par quelques postes, il se trouve, le 13, sur la rive gauche de la Meuse.
Cette première concentration large est suivie, le 14 d'un resserrement. Avant de franchir la frontière, Napoléon rassemble tout près d'elle tous ses Corps, de façon à pouvoir se mieux détendre le lendemain. Gérard doit prendre position, le 14, en avant de Philippeville et se tenir prêt à partir le 15, dès trois heures du matin. Le 14 juin, anniversaire de Marengo et de Friedland, après avoir entendu une proclamation de l'Empereur, le 4e Corps se met en marche de Solre-le-Château sur Philippeville. Le soir, il est échelonné entre Florenne et Philippeville, n'ayant à cette localité qu'une Division, celle du Général Vichery.
Le 14, au soir, la concentration française est terminée, et le lendemain, 15, l'armée doit franchir la frontière en trois colonnes et se porter ainsi sur Charleroi.
Le 4e Corps forme la colonne de droite et, le 14, à la nuit, reçoit l'ordre de mouvement suivant : "Le général Gérard se mettra en marche à trois heures et demie du matin et se dirigera sur Charleroi. Il aura soin de se tenir à hauteur du 3e corps (colonne du centre), avec lequel il communiquera. Le général Gérard fera reconnaître tous les débouchés vers Namur et marchera en ordre serré de bataille en laissant tous ses bagages à Philippeville".
Mais, le 15, le mouvement s'effectue avec beaucoup de retard, car le 4e Corps, qui aurait dû, le 14, être rassemblé tout entier en avant de Philippeville, n'y a qu'une Division, les autres étant en arrière vers Florenne, et le chemin affecté au 4e Corps est particulièrement mauvais.
Pour ces motifs, le Corps Gérard ne peut arriver devant Charleroi en même temps que les autres colonnes. Le 15 au soir, il bivouaque à sept kilomètres en aval de Charleroi, à cheval sur la Sambre, une Division à Chatelineau, les autres, dont Vichery, à Chatelet; et cependant Gérard a reçu l'ordre de faire passer la Sambre à tout son corps.
- Bataille de Ligny
Le 16 juin, l'armée française attaque, à Ligny, les Corps les plus avancés de Blücher, pendant que Ney doit maintenir, vers les Quatre-Bras, les troupes de Wellington.
Gérard, aux ordres du Maréchal Grouchy, qui commande l'aile droite française, doit se porter avec deux de ses Divisions (Pécheux et Vichery) à l'assaut de Ligny.
La première, lancée en trois colonnes sur le village, ne peut l'emporter. Cependant, Gérard la renforce successivement par les deux Brigades de Vichery. Elles occupent la partie sud du point d'appui, traversent le ruisseau de la Ligue et enfin prennent pied dans la partie nord de la localité; malgré un entrain admirable, elles ne peuvent déloger complètement les Prussiens et il faut le concours de la Vieille Garde pour emporter le morceau.
Le 16 juin au soir, les Prussiens sont battus, mais non détruits. Aussi les deux armées bivouaquent sur le champ de bataille, le Corps de Gérard en arrière de Ligny. Au soir de ce combat meurtrier, le 69e compte 6 Officiers tués, 6 autres blessés et 18 hommes tués. Les Capitaines Bernachot, Roux de Raze, les Lieutenants Klein et Pierre et le Sous lieutenant Villemain ont été tués; le Capitaine Thomas, et les Sous lieutenants Besançon, Frely, Herluison, Neulat, Szelg ont été blessés. Parmi la troupe ont été tués le Fusilier Teissier, le Grenadier Taureau, les Fusiliers Mullet, Mathieu, Mischler, le Caporal l'Huillier, les Fusiliers Lebeul, Keller, le Caporal Huccard, le Voltigeur Guignon, le 3e Porte-aigle Glorz, les Fusiliers Fromond, Desplanches, Dubuisson, Drouardaine, Choisnel, le Caporal Denis.
- Combats de Wavre
Le lendemain de Ligny, Grouchy reçoit l'ordre de poursuivre, avec l'aile droite, les débris de l'armée prussienne. Pendant ce temps, avec l'aile gauche, Napoléon espère battre les Anglais.
Pendant ces deux jours, 17 et 18, l'armée prussienne laisse devant Grouchy un faible masque et file tout entière sur Waterloo, pour s'y réunir à Wellington et participer à la bataille décisive.
L'aile droile se met en marche le 17 dans l'après-midi et se dirige sur Gembloux, où Gérard s'arrête après avoir fait dix kilomètres. Le lendemain, l'aile droite de l'armée française est aiguillée sur Sart-à-Walhain.
Le 4e Corps a reçu l'ordre suivant : "Je désire, mon cher général, que vous vous mettiez en marche demain à huit heures du matin. Vous suivrez le 3e corps et vous vous porterez d'abord sur Sart-à-Walhain ...".
Gérard, qui n'a pu partir le 18 à l'heure fixée, parce que les distributions n'étaient pas complètement terminées, arrive cependant le soir devant Wavre, où Grouchy a trouvé le Corps prussien de Pirch, qui veut lui interdire les passages de la Dyle.
Pendant que Vandamme a pour objectif Wavre, que Gérard attaque avec la Division Hulot le pont de Bierges, Grouchy dirige en personne Pécheux et Vichery sur le pont de Limale.
A la nuit, ces deux Divisions franchissent le pont, que la cavalerie de Pajol vient d'enlever; elles traversent Limale et engagent sur le plateau un combat qui dure jusqu'à minuit contre la Division Von Stengel du corps Ziethen et la Division Stulpnagel du Corps Thielmann.
Les Français restent en possession du plateau et les deux armées bivouaquent sur le terrain, l'ennemi est à la lisière des bois de Rixeuxart.
Le Fusilier Ney est tué dans la journée du 17 juin 1815.
Le combat reprend le lendemain au matin, Pécheux et Vichery étant en réserve. Grouchy force Thielmann à battre en retraite. A dix heures et demie du matin, il est maître du champ de bataille.
- La retraite
A ce moment, il apprend, par un Officier de l'Etat-major général, la nouvelle de la défaite de Waterloo. Aussi prend-il immédiatement la résolution de battre en retraite pour éviter d'être coupé sur son flanc gauche.
Le recul commence entre onze heures et midi; le 4e Corps, aux ordres de Vichery, qui a remplacé Gérard, blessé la veille à Bierges, repasse la Dyle à Limale et rejoint la route directe de Gembloux. Il campe le soir entre le Mazy et Temploux.
Le Fusilier Lotton est tué le 19 juin 1815 à Namur.
Le lendemain 20, la retraite sur Namur continue et le 4e Corps quitte son bivouac à neuf heures du matin, suit le Corps de Pajol et la Division Teste.
Au début de la marche, le 4e Corps a son flanc gauche momentanément découvert par suite de l'absence du 3e. Une légère panique se produit, mais elle est vivement arrêtée et Vichery, marchant lui-même avec l'arrière-garde, empêche la poursuite de l'avant-garde de Pirch.
Le 4e Corps traverse Namur, s'y réapprovisionne et s'engage dans le couloir de la Meuse vers Dinant, qu'il atteint le 20 au soir.
Grouchy quitte Dinant le 21 au matin, franchit la frontière, fait halte le soir sous le canon de Givet, puis recule par Mézières sur Rethel et Reims.
Le 4e Corps cantonne le 22 en arrière de Rocroi, aux villages d'Eraumont, Galichet et Petit-Hougraux; le 23, il est à Blombay, Germon, Aubigny et Logny-Bougny, à proximité de la route de Rethel; le 24, il se masse dans les environs de Rethel et, le 25, il vient prendre position sous Reims.
Là, il passe aux ordres de Vandamme, qui commande alors deux Corps d'armée (3e et 4e). Mais la Division Vichery en est détachée et vient servir d'arrière-garde à l'aile gauche : les débris de Waterloo.
Le 26, Vichery est à Soissons. Le 27 et le 28, il occupe successivement en arrière les positions de Villers-Cotterets et de Crépy-en-Valois.
Le 29 juin, l'armée est arrivée sous Paris, Grouchy abandonne son commandement et les troupes passent aux ordres du Maréchal Davout.
Napoléon a abdiqué pour la deuxième fois le 22 juin et la guerre continue pour défendre la France contre l'envahisseur déjà arrivé sous les murs de la capitale. L'Empereur avait fait hâter les travaux de fortification; les ouvrages de la rive droite sont à peu près terminés et utilisables, ceux de la rive gauche, où les 3e et 4e Corps, aux ordres de Vandamme, sont envoyés, sont, par contre, à peine ébauchés ou n'existent pas.
- Combat de Saint-Denis
Les Prussiens, les premiers sous Paris, essayent d'emporter la capitale par une attaque de front sur la rive droite, qui ne réussit pas.
A Saint-Denis, deux Bataillons, formés par les dépôs des 69e et 76e, commandés par le Général Allix, font une brillante résistance, tentent même plusieurs retours offensifs; à la nuit, le nombre les rejette dans Saint-Denis.
- Bataille d'Issy
Arrêtés sur la rive droite, les Prussiens franchissent la Seine en aval et viennent porter la lutte au sud. Le 2 juillet, Vichery, qui tient les Moulineaux, est assailli par Steinnitz et Pirch du Corps Ziethen. Rejeté sur Issy, il tente une contre-attaque qui échoue. A la nuit, les colonnes ennemies le chassent d'Issy et le ramènent sur Vaugirard. Les Capitaines ?drieux et ?son, et les Lieutenants ?art, Gauly et Piedort sont blessés. Le Fusilier Vinot, le Voltigeur Réveillé, le Fusilier Oudin, les Caporal Henry et Daguin, le Fusilier Chabenard ont été tués.
Le 3 au matin, Vandamme, dont le flanc gauche est menacé par le recul de la Division, donne, à Vichery l'ordre de reprendre Issy, après avoir préparé l'attaque par une violente canonnade. Trois fois, Vichery, soutenu par Hulot, s'efforce d'enlever la position ; trois fois, il se brise sur le village et le parc. Le Régiment perd six hommes.
A huit heures du matin, le combat est arrêté par une demande d'armistice, aussitôt suivie de la capitulation de Paris. En conséquence, les 5 et 6 juillet, la ville est évacuée et, le 11, l'armée prend ses positions en arrière de la Loire, les 3e et 4e Corps, sous Vandamme, cantonnés entre Orléans et Jargeau. Après de longues négociations entre Davout et les Bourbons, elle fait enfin sa soumission, le 14 juillet.
Le 26 août 1815, le 69e dépose ses aigles dans les ateliers de l'artillerie de Bourges. Ainsi se termine l'épopée des Cent-Jours et de Waterloo.
L'ordonnance du 16 juillet avait prescrit le licenciement de l'armée de la Loire. Mais le Ministre de la guerre, Macdonald, successeur de Davout, fait traîner cette opération en longueur pour ne point se trouver désarmé en présence des Alliés, qui occupent le territoire.
Le premier Bataillon n'est licencié que le 16 septembre, à Riom, après avoir été passé en revue, et le deuxième, en garnison à Niort, le 1er octobre. A cette époque, le Régiment forme la Légion départementale des Basses-Alpes (4e Légion d'infanterie, devenue dans un premier temps 1ère Légion légère, puis en 1820, 2e régiment d'infanterie légère).
A la réorganisation de l'armée, en 1820, le nombre des Régiments de ligne ne s'élevant qu'à soixante, ce n'est qu'en 1840 qu'un nouveau Régiment fut créé avec le n°69.
III/ Uniformes
1796 : Bicorne noir à plumet rouge. Habit bleu avec col, parements, épaulettes rouges. Revers, gilet, buffleteries, culotte blancs. Guêtres noires. Giberne et briquet suspendus en croix. Sac de peau.
1798 : Bicorne. Habit brun, à revers rouges, grenades aux basques. Pantalon rouge, buffleteries et guêtres blanches.
Le 13 septembre 1798, Bonaparte fixe la couleur des poufs des différents corps d'infanterie : pour la 69e de Ligne, jaune et blanc (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 34).
Le 16 septembre 1798 (30 fructidor), Bonaparte prescrit à Berthier : "Les trompettes des troupes à cheval et les tambours des demi-brigades seront habillés avec des dolmans bleu de ciel. L'agent en chef de l'habillement en fera la fourniture sur les 400 dolmans qu'il a en magasin.
Il y aura, sur les nouveaux casques adoptés pour l'infanterie, deux grenades pour distinguer les grenadiers" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 34).
Le 21 septembre 1798 (5e jour complémentaire), Bonaparte prescrit que le magasin central d'habillement distribuera aux troupes, en sus des quantités allouées le 2 août, les matières nécessaires pour confectionner 10100 habits, 21300 capotes, 8900 pantalons pour l'infanterie, l'artillerie et le génie ; 2400 gilets et 2400 pantalons d'écurie pour les troupes à cheval. Ces quantités sont ainsi réparties : 69e Demi-brigade légère 1200 habits, 1200 capotes ... (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 3. p. 34-35).
L'ordre du jour du 28 Thermidor (15 août 1799 - voir plus haut dans l'historique) prescrit encore les détails suivants, arrêtés par l'Ordonnateur en chef Daure : "Habillement des troupes pour l'an VIII.
L'habit veste pour l’infanterie sera en drap doublé en toile de coton bleue.
Le gilet de basin croisé, le pantalon en toile forte écrue pour l'infanterie de ligne, et gros bleu pour l'infanterie légère, l’artillerie et le génie ...
Il sera accordé à chaque soldat une paire de souliers tous les trois mois.
Il sera accordé une casquette à chaque homme d'infanterie.
Il ne sera fourni des magasins de la République que le drap, les corps se pourvoiront des autres objets" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 565).
L'ordre du jour du 9 Vendémiaire an 8 (1er octobre 1799) fixe les couleurs que doivent désormais porter les Demi-brigades de l'Armée d'Orient (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 5, p. 562):
Habit | Retroussis et parements | Passepoil | Collet | Passepoil | |
69e de Ligne | brun | blanc | bleu | écarlate | bleu |
Figure : Fusilier du 69e de Ligne en 1800, campagne d'Egypte, d'après L. Rousselot. C'est en fin 1798 que les uniformes du corps expéditionnaire en Egypte sont adaptés au climat avec l'adoption d'un pantalon guêtre, d'une casquette de cuir et d'un habit-veste court de coton bleu. Au retour de la campagne de Syrie, les tenues sont en loques ; on décide de les remplacer par des tenues de drap. Faute de drap bleu en assez grande quantité, les demi-brigades sont habillées de drap de différentes couleurs avec des couleurs tranchantes au collet, parements et retroussis, sur instruction de Kléber, nouveau Général en chef, en Octobre 1799. La 69 demi brigade de Ligne se voit attribuer du drap marron, distingué d'écarlate. Il semble que les passepoils aient été bleu au lieu de blanc. Le pouf est jaune sur la casquette de cuir.
1801 : Les grenadiers reçoivent le bonnet en peau d'ourson, portant sur le devant une plaque de cuivre estampée d'un grenade et au sommet postérieur une calotte en drap rouge; il était orné de cordons, nattes et glands écarlates. L'habit bleu, puis le shako furent donnés à l'infanterie (1804).
1806 : Shako de feutre noir en tronc de cône renversé, orné de tresses blanches, visière ovale cousue extérieurement. Plaque et jugulaire de cuivre; couvre shako. Capote blanche à une rangée de boutons. Gilet d'uniforme. Pantalon bleu ou culotte blanche. Guêtres blanches. Souliers. Fourreau de baïonnette et giberne suspendus à des baudriers de couleur blanche se croisant sur la poitrine. Havresac mou, petit, en peau munie de ses poils. Extérieurement, sur le sac, une petite marmite en fer-blanc et au-dessus l'habit bleu roulé dans un étui en toile, bleu et blanc. Suspendue par un cordon, une petite gourde à eau-de-vie.
IV/ Drapeaux
A/ Le drapeau de la 69e Demi-brigade
Selon J. Vassias ("Historique du 69e Régiment d'Infanterie (1672-1912)"), le drapeau de la 69e Demi-brigade était le suivant : Carré : coupé en quatre, partie supérieure gauche, bleue; partie inférieure droite, rouge. Faisceau de licteur, couronné d'un bonnet phrygien, entre deux branches de chêne. Cravate tricolore. Inscriptions : "Discipline. Obéissance aux Lois", et, au revers : "République Française". Aux quatre angles, en chiffres d'or : 69. Fer de lance doré. Si la description est exacte, l'attribution est par contre inexacte, car il s'agit du drapeau de la 69e Demi-brigade de Bataille, formée en mars 1795 avec le 1er Bataillon du 35e d'Infanterie, et les Bataillons de volontaires 1er des Hautes Alpes, et 3e de la Drôme. cette Demi-brigade reçut ses drapeaux en 1795 et fut versée en mars 1796 dans la 18e Demi-brigade de Ligne qui continua de porter les drapeaux de la 69e de Bataille jusqu'en 1797, avant de prendre des drapeaux modèle armée d'Italie.
Quant à notre 69e Demi-brigade de Ligne, qui, rappelon le, avait été formée en avril 1796 avec les 19e, 102e et 166e Demi-brigades de bataille, elle porta, pendant un an, les drapeaux de la 19e de Bataille, avant de recevoir des drapeaux modèle Armée d'Italie de la part de Bonaparte (d'après Pierre Charrié).
B/ Le drapeau modèle armée d'Italie de la 69e Demi-brigade de Ligne
Pour honorer ses troupes d'infanterie de l'Armée d'Italie, Bonaparte fait exécuter un nouveau modèle de drapeau basé sur le dessin de celui de l'ex 197e Demi-brigade et portant le nom des batailles où elles s'étaient illustrées sous son commandement. La plupart sont remis durant les festivités du 14 Juillet 1797.
La 69e Demi-brigade reçoit les siens : 3 drapeaux, soit un drapeau par Bataillon, à Trévise avec la Division Fiorella. Jusqu'à cette date elle portait les drapeaux d'une de ses unités constitutives en 1796 : la 19e Demi-brigade de bataille.
Les drapeaux "modèle Armée d'Italie" de la 69e sont emmenés en Egypte à l'Armée d'Orient, où ils tombent en lambeaux. Nous ignorons les inscriptions honorifiques exactes portées sur les drapeaux de la 69e, mais il devait y avoir certainement : Blocus de Mantoue, Mondovi et Castiglione. Il est possible aussi que des inscriptions aient été rajoutées en Egypte comme des instructions de Bonaparte le prévoient.
En 1803, le Général Lecourbe réclame que l'on donne de nouveaux drapeaux à la Demi-brigade car il n'existe plus que les hampes (sources Carnets de la Sabretache 1904, les drapeaux de l'Armée d'Italie et d'Egypte par O. Hollander).
C/ 1803 : Le drapeau du 69e Régiment (Consulat)
Carré. Aux quatre coins, triangles bleu et rouge en haut, rouge et bleu en bas, avec le numéro 69. Au centre, carré blanc aux diagonales horizontale et verticale, avec écusson bleu portant l'inscription : "Le 1er CONSUL AU 69e REGIMENT". En dessous, deux branches de lauriers et dans une banderolle "VALEUR ET DISCIPLINE". Au-dessus, une couronne de lauriers et dans une autre banderolle : "REPUBLIQUE FRANCAISE". Au revers : R. F.; faisceau de licteur, deux branches de lauriers. Cravate tricolore. Fer de lance (Vassias J. : "Historique du 69e Régiment d'Infanterie (1672-1912)").
D/ Les Aigles et drapeaux du 69e de Ligne modèle 1804
Le régiment reçoit trois Aigles et drapeaux du modèle 1804 Challiot. Durement éprouvé à Friedland au sein de la Division Marchand, la plupart des Officiers tués ou blessés, chargés par les Russes, le Régiment a sans doute perdu une des ses Aigles face au Régiment Pernau qui en fut récompensé par le Tsar. Mais les faits ne sont pas clairs des deux cotés. Quoiqu'il en soit le Régiment n'avait plus que deux Aigles en 1811.
Le 29 Avril 1808 à Paris, deux Aigles sont décorés d'une couronne d'or par la ville (Source : Aigles de Napoléon contre drapeaux du Tsar, Andolenko, 1969).
Le 8 avril 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "... j'approuve que tous les corps renverront leurs aigles en France hormis une qu'ils garderont. En attendant qu'ils aient des enseignes, vous les autoriserez à faire faire pour chaque bataillon des enseignes très-simples, sans devise et le tiers de celles qu'ils avaient autrefois. Ces enseignes sont pour leur servir de ralliement ; elles n'auront aucune décoration de bronze, elles porteront seulement le numéro du régiment et du bataillon. Quant au corps du général Oudinot, il faut que chaque bataillon fasse faire un petit drapeau d'un simple morceau de serge tricolore, portant d'un côté le numéro de la demi-brigade et de l'autre le numéro du bataillon, comme, par exemple, 4e bataillon du 6e d'infanterie légère d'un coté, et de l'autre 1re demi-brigade légère, etc. Il faut faire pour cela très-peu de dépense. J'en ferai faire de très-belles, que je donnerai moi-même aussitôt que possible" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 15030 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20750).
Le 28 juin 1809, depuis Schönbrunn, Napoléon ordonne : "Article 1er. Les 1er et 2e porte-aigles de chaque régiment seront armés d'un esponton formant une espèce de lance de cinq pieds, auquel sera attachée une banderole, qui sera rouge pour le premier porte-aigle, blanche pour le second. D'un côté sera le nom du régiment, de l'autre le nom de l'Empereur.
Art. 2. Ces espontons seront fournis par le ministre de la guerre mais, en attendant, les régiments seront autorisés à s'en procurer. Cet esponton sera une espèce de lance dont on se servira comme d'une baïonnette. Les banderoles blanche et rouge serviront à marquer le lieu où se trouve l'aigle.
Art. 3. Le premier et le second porte-aigles porteront, indépendamment de l'esponton, une paire de pistolets, qui seront dans un étui, sur la poitrine, à gauche, à la manière des Orientaux" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3281).
E/ Formations provisoires du 69e - Ex-6e Demi-brigade
Carré tricolore, d'une part, avec l'indication de la formation provisoire : 6e demi-brigade; d'autre part, avec l'indication : 69e, 4e bataillon (Vassias J. : "Historique du 69e Régiment d'Infanterie (1672-1912)" - voir lettre ci-dessus en date du 8 avril 1809).
F/ Premier Empire. - 1810 et 1815 (description douteuse)
Même dispositif que le précédent : les numéros des angles au milieu d'une couronne de lauriers et de banderolles dorées, et le carré central bordé d'une guirlande de lauriers d'or.
Inscription du carré central en lettres d'or : d'une part, "L'EMPEREUR DES FRANCAIS AU 69e REGIMENT DE LIGNE"; de l'autre : ULM, IENA, EYLAU, FRIEDLAND, ESSLING, WAGRAM. Cravate tricolore. Aigle doré, sur la base : "69" d'un côé et "N" de l'autre (Vassias J. : "Historique du 69e Régiment d'Infanterie (1672-1912)").
G/ 69e Régiment (Première Restauration)
Rectangulaire. Blanc. Aux quatre angles, carrés d'or avec "69" reliés par une guirlande fleurdelysée. Sur une face : "LE ROI AU 69e REGIMENT D'INFANTERIE DE LIGNE", entre deux palmes, l'une de feuilles de chêne, l'autre de laurier. Croix de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, enrubannées de rouge. Sur l'autre : Armes royales, identiques enrubannées de bleu. Cravate blanche à franges d'or. Fleur de lance doré et fleurdelysé (Vassias J. : "Historique du 69e Régiment d'Infanterie (1672-1912)").
V/ Sources
- "Campagnes du Capitaine Marcel du 69e de Ligne en Espagne et en Portugal (1808-1814)" mises en ordre, annotées et publiées par le Commandant Var; avec un portrait; Paris, Plon, 1913.
- Duval, César (1841-1910) : "Le 2e Bataillon du Mont-Blanc, la 19e demi-brigade de bataille à l''armée d''Italie, le brigadier-général Dichat", Chambéry, 1897.
- Fabry G. : "Rapports historiques des régiments de l'Armée d'Italie pendant la campagne de 1796-1797", Paris, Chapelot, 1905.
- Giraud, Commandant : "Le Carnet de campagne du commandant Giraud, documents recueillis, classés et mis en ordre par le commandant Grandin,... (1er juin 1898.)", Paris, 1898.
- "Historique du 69e Régiment d'Infanterie" ; Paris, Lavauzelle, 1887.
- "Notice biographique sur M. le général baron Fririon", Saint Etienne, 1853
- Sabon Louis : "Mémoires du Petit-Louis".
- Vassias J. : "Historique du 69e Régiment d'Infanterie (1672-1912)"; Paris, Chapelot, 1913.